13.467 Initiative parlementaire Energie d'ajustement. Obligation de prendre en charge les coûts pour un approvisionnement sûr en électricité Rapport de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national du 31 mars 2014

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi sur l'approvisionnement en électricité que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

31 mars 2014

Au nom de la commission: Le président, Hans Killer

2014-1153

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Condensé La jurisprudence récente du Tribunal administratif fédéral en relation avec l'imputation des coûts individuels dans le domaine de l'approvisionnement en électricité a entraîné une insécurité du droit concernant l'obligation de prise en charge des coûts. La Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national a donc décidé d'inscrire dans la loi la réglementation sur la facturation des coûts de l'énergie d'ajustement qui figure actuellement dans une ordonnance. Le fait d'indiquer explicitement qui doit supporter les coûts garantit la sécurité du droit sans pour autant modifier un système qui a fait ses preuves.

La société nationale du réseau facture l'énergie d'ajustement aux groupes-bilan depuis 2009. Cette pratique est conforme à l'approche actuelle de la branche.

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Rapport 1

Initiative parlementaire

Le 14 octobre 2013, la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national (CEATE-N) a décidé à l'unanimité d'élaborer une modification de la loi du 23 mars 2007 sur l'approvisionnement en électricité (LApEl)1 visant à préciser l'imputation des coûts de l'énergie d'ajustement en vigueur et à garantir ainsi un approvisionnement sûr en électricité. Elle a pour ce faire déposé une initiative parlementaire.

La décision de la commission a été soumise à la commission homologue du Conseil des Etats (CEATE-E), conformément à l'art. 109, al. 3, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)2. Celle-ci a examiné la proposition de l'initiative lors de sa séance du 25 octobre 2013 et a approuvé à l'unanimité la décision de la commission.

La commission du Conseil national a établi par la suite un avant-projet de loi. Elle a été secondée dans ses travaux par le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC).

Sur la base des résultats de la consultation, la commission a procédé à quelques modifications du texte, dont elle a approuvé la version définitive à l'unanimité le 31 mars 2014.

1.1

Consultation

L'avant-projet de loi a été mis en consultation du 19 novembre 2013 au 17 février 2014. Au total, 70 participants ont pris position: la grande majorité d'entre eux a globalement salué les mesures proposées et approuvé le texte. Un point a toutefois été controversé: la facturation des coûts de la gestion du programme prévisionnel avec l'énergie d'ajustement. Les participants à la consultation estiment que la gestion du programme prévisonnel est une base indispensable pour pouvoir exploiter le système des groupes-bilan dans sa forme actuelle ­ forme qui a fait ses preuves ­ et que ses coûts devraient être facturés individuellement et proportionnellement à tous les groupes-bilan afin d'éviter toute discrimination.

1.2

Modification du projet à l'issue de la consultation

La commission s'est penchée sur les résultats de la consultation à sa séance du 31 mars 2014. Elle a alors décidé de s'en tenir à la pratique en vigueur depuis 2012 et de biffer, à l'art. 15a, al. 2, la disposition concernant la facturation des coûts de la gestion du programme prévisionnel avec l'énergie d'ajustement.

1 2

RS 734.7 RS 171.10

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2

Grandes lignes du projet

La jurisprudence du Tribunal administratif fédéral a induit une certaine insécurité juridique concernant l'obligation de prise en charge des coûts pour l'énergie d'ajustement. Dans l'arrêt du 2 mai 2013 (A-8641/2010), le Tribunal administratif fédéral a constaté que la loi sur l'approvisionnement en énergie instaure le principe du prélèvement et ne prévoit pas explicitement que les groupes-bilan supportent les coûts. Cet arrêt concerne l'imputation des coûts de la mise en réserve de puissance de réglage tertiaire aux groupes-bilan et non l'imputation des coûts de l'énergie d'ajustement. Il n'est toutefois pas exclu que les tribunaux prennent une décision semblable en ce qui concerne l'imputation des coûts de l'énergie d'ajustement aux groupes-bilan. En juin 2013, des groupes-bilan actifs en Suisse ont défendu dans une requête à la Commission fédérale de l'électricité (ElCom) le point de vue selon lequel ils n'avaient pas non plus à assumer les coûts de l'énergie d'ajustement. Pour l'heure la procédure a été suspendue.

Si l'on veut que le réseau électrique offre la stabilité d'exploitation voulue, il faut qu'il y ait toujours autant de courant injecté dans le réseau que de courant soutiré.

Les groupes-bilan établissent au plus tard la veille (ex ante) des prévisions concernant la fourniture et l'acquisition d'électricité (programmes prévisionnels) et les transmettent à la société nationale du réseau de transport3.

Lorsque dans la zone de réglage Suisse, il y a le jour concerné plus de courant soutiré qu'injecté ou inversement, Swissgrid équilibre ces écarts en recourant à l'énergie de réglage («énergie de réserve»). En ce qui concerne l'énergie de réglage sollicitée, il s'agit d'une fourniture physique réelle. Les écarts agrégés des différents groupes-bilan sont déterminants pour connaître la quantité d'énergie de réglagle nécessaire. Si un groupe-bilan soutire plus d'énergie que la quantité annoncée et qu'un autre groupe-bilan en soutire moins, le tout s'équilibre et la quantité d'énergie de réglage sollicitée est moins importante. En tant que responsable de la gestion du bilan d'ajustement, la société nationale du réseau de transport acquiert au préalable la puissance de réglage nécessaire au moyen d'appels d'offres hebdomadaires et journaliers.

Le décompte des différences entre le programme
prévisionnel et la fourniture effective d'énergie (calcul de l'énergie d'ajustement) commence le jour suivant (ex post).

Contrairement à l'énergie de réglage, l'énergie d'ajustement n'est pas une fourniture physique réelle mais constitue une simple valeur de décompte. Si le groupe-bilan a soutiré plus d'énergie que la quantité annoncée par le programme prévisionnel, le groupe-bilan présente un découvert de couverture. La société nationale du réseau de transport facture au groupe-bilan le prix du marché plus un supplément multiplié par le nombre de kilowattheures correspondant au découvert de couverture au titre d'énergie d'ajustement. A l'inverse, si le groupe-bilan a soutiré moins de courant qu'annoncé, ce qui constitue un excédent de couverture, il se voit créditer une somme correspondant aux kilowattheures de l'excédent de couverture multipliée par le prix du marché mais réduit. En règle générale, un contrat est conclu entre le groupe-bilan et les participants raccordés, en vertu duquel le responsable du groupebilan répercute sur les participants de son groupe-bilan les coûts facturés ou les 3

Par groupe-bilan, on entend un groupement de nature juridique d'acteurs du marché de l'électricité (consommateurs finaux, producteurs, négociants) constituant une unité de décompte vis-à-vis de la société nationale du réseau de transport et exploitante du réseau à très haute tension, Swissgrid.

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montants crédités. La société nationale du réseau de transport fixe le prix de l'énergie d'ajustement pour chaque quart d'heure de manière à ce qu'il soit moins avantageux que le prix du marché. Ainsi, cela incite les groupes-bilan ­ et en fonction du contrat, également leurs participants ­ à respecter le mieux possible leurs estimations.

La gestion du bilan avec facturation de l'énergie d'ajustement correspond à l'approche actuelle de la branche, représente un pilier central de la réglementation actuelle du marché et s'applique notamment sous cette forme en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, en Autriche et dans d'autres pays de l'UE. Jusqu'à présent, les groupes-bilan se sont tous acquittés sans réserve de l'énergie d'ajustement.

Les expériences réalisées jusqu'ici montrent que les groupes-bilan réagissent de manière sensible à la tarification de l'énergie d'ajustement. Si en revanche ils venaient à ne plus du tout devoir s'acquitter des coûts de l'énergie d'ajustement, ils n'auraient plus d'incitation à respecter leurs programmes prévisionnels et le besoin en énergie de réglage augmenterait fortement. Cela mettrait considérablement en danger la sécurité de l'exploitation du réseau et de l'approvisionnement en Suisse ainsi que le réseau interconnecté international. Afin d'éviter cette situation, il faut qu'un nouvel art. 15a LApEl mentionne explicitement que les groupes-bilan doivent assumer les coûts. Cette mesure permet de créer la sécurité juridique nécessaire.

3

Commentaire article par article

3.1

Loi sur l'approvisionnement en électricité

Art. 4

Définitions

La définition de l'énergie d'ajustement figurant dans l'ordonnance est désormais intégrée dans la loi. Cette notion est nouvellement utilisée dans la loi, c'est pourquoi il convient de la définir à ce niveau également.

Art. 14

Rémunération pour l'utilisation du réseau

Les modifications de cet article sont d'ordre rédactionnel. Du point de vue de la systématique de la loi, le fait de mentionner les coûts facturés individuellement dans un alinéa séparé doit permettre de clarifier la situation. Les gestionnaires de réseau comprennent à la fois les gestionnaires de réseau de distribution et la société nationale du réseau de transport.

Aujourd'hui déjà, différents coûts sont facturés individuellement par les gestionnaires de réseau. Il s'agit notamment des coûts de raccordement au réseau et de renforcement du réseau mentionnés dans le message relatif à loi fédérale sur l'approvisionnement en électricité. De tels coûts facturés individuellement ne devraient pas une nouvelle fois être inclus dans le calcul de la rémunération pour l'utilisation du réseau4. Les coûts imputés individuellement ne sont par conséquent pas supportés, selon le principe du prélèvement inscrit à l'art. 14, al. 2, LApEl, par les consommateurs finaux mais par d'autres unités d'imputation.

4

Cf. Message du 3 décembre 2004 relatif à la modification de la loi sur les installations électriques et à la loi sur l'approvisionnement en électricité, FF 2005 1493 1536.

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Jusqu'ici, la société nationale du réseau de transport a également facturé individuellement différents coûts, notamment les coûts de l'énergie d'ajustement.

Art. 15a

Coûts de l'énergie d'ajustement facturés individuellement

Conformément à l'al. 1, la société nationale du réseau de transport est tenue de facturer individuellement les coûts de l'énergie d'ajustement aux groupes-bilan.

Ainsi, les groupes-bilan sont incités à respecter leurs programmes prévisionnels, ce qui est particulièrement important du point de vue de la gestion du bilan. La solidarisation de ces coûts dans le cadre de la rémunération de l'utilisation du réseau de niveau 1 n'est ainsi pas autorisée. Ce procédé est conforme aux art. 15, al. 1, let. b, et 26, al. 3, de l'ordonnance du 14 mars 2008 sur l'approvisionnement en électricité (OApEl)5, à la pratique en vigueur ainsi qu'aux dispositions contractuelles passées entre la société nationale du réseau de transport et les groupes-bilan (contrats de groupes-bilan). La présente réglementation se limite toutefois à la question de l'imputation des coûts de l'énergie d'ajustement. Nous renonçons sciemment à insérer dans l'art. 15a d'autres coûts jusqu'ici imputés individuellement, étant donné qu'il ne s'agit en l'occurrence pas d'une question fondamentale en vue de garantir l'approvisionnement en électricité mais de l'imputation des coûts selon le principe de causalité.

L'al. 2 règle la manière dont la société nationale du réseau de transport impute l'énergie d'ajustement aux groupes-bilan. La règlementation correspond, à quelques adaptations linguistiques près, à celle de l'art. 26, al. 3, OApEl. Elle contient les principes de la fixation du prix de l'énergie d'ajustement. La fonction incitative est centrale. La société nationale du réseau de transport doit toutefois disposer d'une certaine marge de manoeuvre lui permettant de fixer le mécanisme des prix de manière à créer une incitation suffisante pour que les groupes-bilan fassent des estimations précises et respectent leurs programmes prévisionnels. Le prix de l'énergie d'ajustement doit être calculé de manière à ce qu'il ne soit pas intéressant pour les groupes-bilan d'utiliser cette énergie pour des transactions sur le marché de l'énergie. Actuellement le mécanisme de prix est réglé dans le contrat de groupebilan conclu entre la société nationale du réseau de transport et les groupes-bilan ainsi que dans les dispositions d'exécution correspondantes. La notion de tarification conforme au «principe de causalité» n'a pas été reprise de l'art. 15,
al. 1, let. b, OApEl dans le nouvel art. 15a, al. 2, LApEl, étant donné que la 1re phrase définit de manière suffisamment précise la tarification des coûts. Dès lors, aucune modification du contenu n'est envisagée. Les recettes de la vente de l'énergie d'ajustement doivent permettre de couvrir les coûts de l'énergie de réglage.

L'al. 3 règle ce qui doit advenir de l'éventuel excédent des recettes provenant de l'énergie d'ajustement, après déduction des coûts de l'énergie de réglage. Cet excédent doit servir à couvrir les coûts des services-système qui n'ont pas été facturés individuellement, ce qui correspond également à la réglementation actuelle de l'art. 26, al. 3 OApEl. Si l'excédent venait à être remboursé aux groupes-bilan, l'effet incitatif du mécanisme de prix de l'énergie d'ajustement risquerait d'être perdu.

Le Conseil fédéral règle les dispositions d'exécution nécessaires (art. 30, al. 2 LApEl). Il peut par exemple édicter de plus amples prescriptions relatives au méca5

RS 734.71

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nisme de fixation des prix de l'énergie d'ajustement et préciser les modalités de la facturation.

Art. 33a

Disposition transitoire de la modification du ...

Si les groupes-bilan doivent également être mis sur un pied d'égalité de manière rétroactive (pour la future réglementation voir l'art. 15a ci-dessus), le législateur doit définir une nouvelle réglementation. Dans le cas présent, il existe de bonnes raisons de déclarer valables les imputations de coûts pour l'énergie d'ajustement effectuées selon le droit en vigueur, notamment selon l'art. 15, al. 1, let. b, OApEl. Si le législateur les déclarait non valables, les groupes-bilan pourraient, dans certaines circonstances, réclamer les versements déjà effectués pour l'énergie d'ajustement. Les groupes-bilan présentant une grande différence entre le programme prévisionnel (estimations) et les fournitures et acquisitions effectives et ayant assumé les coûts correspondants seraient ainsi avantagés par rapport à des groupes-bilan présentant une petite différence. Plus la différence est grande par rapport au programme prévisionnel, plus les groupes-bilan concernés pourraient être tentés de réclamer les montants versés. Une «mauvaise» planification serait ainsi indûment récompensée.

Dès lors, les coûts facturés individuellement jusqu'ici par la société nationale du réseau de transport aux groupes-bilan pour l'énergie d'ajustement conservent donc leur validité conformément à l'art. 33a.

4

Conséquences

4.1

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

Le projet n'entraîne pas de conséquences sur le plan financier ni sur l'état du personnel.

4.2

Mise en oeuvre et autres conséquences

Etant donné qu'il s'agit d'inscrire la réglementation actuelle au niveau de la loi au lieu de la maintenir au niveau de l'ordonnance, le projet n'a aucun effet pratique dans la mise en oeuvre ni d'autres conséquences.

5

Relation avec le droit européen

La réglementation proposée n'est pas contraire au droit de l'UE.

6

Bases légales

6.1

Constitutionnalité

Le présent projet de loi tient compte de la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral en vertu de laquelle une base légale régissant une imputation individuelle des 3839

coûts aux groupes-bilan, comme celle prévue à l'art. 15, al. 1, let. b, OApEl, fait défaut. Dès lors, cette disposition et la réglementation de l'énergie d'ajustement de l'art. 26, al. 3, OApEl qui lui est liée doivent être inscrites dans la loi. Ces dispositions se fondent sur les art. 89, 91, al. 1, 96 et 97, al. 1, de la Constitution (Cst.)6.

L'article 33a sert en outre à garantir la sécurité juridique et l'égalité de traitement.

6.2

Forme de l'acte

Selon l'art. 22, al. 1, LParl, l'Assemblée fédérale édicte sous la forme d'une loi fédérale toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit.

6

RS 101

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