10.467 Initiative parlementaire Prévention de l'endettement par l'interdiction de la publicité en faveur des petits crédits Rapport de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national du 28 janvier 2014

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi fédérale sur le crédit à la consommation, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

28 janvier 2014

Pour la commission: Le président, Ruedi Noser

2014-0491

3141

Condensé Le présent projet (P-LCC) de loi a été élaboré en réponse à l'initiative parlementaire 10.467, déposée le 18 juin 2010 par la conseillère nationale Josiane Aubert.

Cette initiative vise à faire interdire la publicité en faveur des petits crédits dans la loi fédérale du 23 mars 2001 sur le crédit à la consommation (LCC; RS 221.214.1), afin d'endiguer le phénomène du surendettement, auquel sont en particulier exposés les adolescents et les jeunes adultes.

La majorité de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national (CER-N) adhère à l'objectif général que poursuit l'initiative et propose donc d'adopter le projet de loi précité. Une minorité de la commission estime quant à elle que le projet est contre-productif, raison pour laquelle elle propose de ne pas entrer en matière sur celui-ci. La CER N a néanmoins décidé, au terme des travaux de la sous-commission instituée en vue de mettre en oeuvre l'initiative parlementaire, de faire figurer dans la LCC non pas l'interdiction générale de la publicité en faveur des petits crédits, mais l'interdiction des formes agressives de ce type de publicité (art. 36a P-LCC). La commission a également décidé, en accord avec les représentants des milieux économiques concernés, de laisser à la branche du crédit à la consommation le soin de définir la publicité agressive, dans un esprit d'autorégulation. La CER-N s'est déclarée satisfaite du projet de convention que la branche en question a établi à cet effet. Le projet de loi adopté par la commission dispose qu'une amende pouvant atteindre 100 000 francs punit quiconque contrevient à l'interdiction de la publicité agressive (art. 36b P-LCC). Cette disposition vise à garantir que les instituts de crédit qui ne sont pas soumis à la convention puissent au besoin également être sanctionnés. Si aucune convention d'autorégulation n'est établie, le Conseil fédéral peut, à titre subsidiaire, édicter une ordonnance à cet effet et définir la « publicité agressive » (art. 36a P-LCC). Une minorité de la commission voudrait en outre que le Conseil fédéral vérifie le contenu de la convention.

Sur la recommandation de sa sous-commission, la CER-N a adopté plusieurs autres modifications de la LCC. Le projet prévoit ainsi un durcissement des modalités de l'examen de la capacité de contracter un crédit
(art. 31 P-LCC). En outre, les consommateurs ayant intentionnellement fourni de fausses informations lors de l'examen susmentionné devront dorénavant être annoncés au centre de renseignement sur le crédit à la consommation (art. 25 P-LCC). Enfin, une minorité de la commission propose d'étendre aux crédits que l'on appelle «crédits express» le champ d'application de la LCC (art. 7 P-LCC).

3142

Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Initiative parlementaire

Le 18 juin 2010, la conseillère nationale Josiane Aubert a déposé une initiative parlementaire visant à interdire la publicité pour les petits crédits (iv. pa. 10.467 «Prévention de l'endettement par l'interdiction de la publicité en faveur des petits crédits»). A l'appui de cette initiative, Mme Aubert a souligné le rôle important que jouait le petit crédit dans l'endettement en Suisse: les personnes endettées ­ souvent depuis leur jeunesse ­ entrent en effet, par ce biais, dans un cercle vicieux qui mène à la pauvreté et à l'exclusion sociale, et dont elles arrivent difficilement à se sortir.

Consciente du problème auquel sont confrontés les jeunes du fait de l'endettement, la Commission fédérale pour l'enfance et la jeunesse (CFEJ) a d'ailleurs demandé l'interdiction de la publicité en faveur des petits crédits.1 Le 18 avril 2011, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national (CER-N), chargée de l'examen préalable de l'initiative, a proposé à son conseil, par 13 voix contre 9 et 1 abstention, de ne pas y donner suite. Elle a en effet considéré qu'interdire la publicité pour le petit crédit irait à l'encontre du principe de la liberté économique. Rejetant l'avis de sa commission, le Conseil national a toutefois donné suite à l'initiative le 27 septembre 2011, par 93 voix contre 73. Le 31 octobre 2011, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats a, à l'instar de son homologue du Conseil national, proposé à son conseil, par 5 voix contre 2 et 2 abstentions, de ne pas donner suite à l'initiative. Le 19 décembre 2011, le Conseil des Etats a refusé de suivre cet avis et a également donné suite à l'initiative, par 19 voix contre 17. A la suite de ce vote, la CER-N a été chargée d'élaborer un projet en vertu de l'art. 111, al. 1, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)2.

1.2

Travaux préparatoires de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national

Le 30 janvier 2012, la CER-N a institué une sous-commission qu'elle a chargée d'élaborer un avant-projet d'acte et un rapport allant dans le sens de l'initiative parlementaire. Cette sous-commission, qui était présidée par la conseillère nationale Ada Marra (PS, VD), a siégé à sept reprises. Elle a procédé à l'audition de représentants des organisations intéressées, telles l'Union des villes suisses, la Berner Schuldenberatung, Caritas dettesconseil, l'Association suisse des banques de crédit et établissements de financement (ASBCEF), l'Association suisse des sociétés de leasing (ASSL), la communauté d'intérêts de l'industrie des cartes de paiement électronique (KARTAC) et Publicité suisse (PS). En outre, la sous-commission a entendu les explications de l'Office fédéral de la statistique (OFS) sur l'ampleur et la structure de l'endettement en Suisse. Elle a également suivi de très près l'élaboration 1 2

Rapport de la CFEJ «Jeune et pauvre: un tabou à briser!», août 2007, pp. 59 ss RS 171.10

3143

d'une convention d'autorégulation applicable aux banques de crédit et aux établissements de financement.

En vertu de l'art. 112, al. 1, LParl, la sous-commission a été secondée dans ses travaux par le Département fédéral de justice et police (DFJP).

Le 14 mai 2013, la CER-N a pris connaissance du rapport final de sa souscommission. Elle a expressément salué le fait que la branche du crédit à la consommation ait reconnu la nécessité de régulariser la publicité en faveur des crédits à la consommation et qu'elle soit disposée à agir dans ce sens. La majorité de la commission s'est d'ailleurs déclarée favorable à l'adoption d'un dispositif légal fondé sur l'autorégulation. L'avant-projet de loi a finalement été approuvé par 24 voix contre 1 et mis en consultation.

1.3

Procédure de consultation et approbation du projet d'acte par la commission

La procédure de consultation sur le rapport et l'avant-projet de la CER-N a été lancée le 7 juin et a duré jusqu'au 30 septembre 2013. Ce ne sont pas moins de 24 cantons, six partis politiques et 30 associations faîtières et organisations qui y ont pris part. Treize cantons, le PDC, les Verts et le PEV ainsi que 19 associations et organisations, soit la majorité des participants, ont approuvé globalement le projet.

Huit cantons, le PS et six organisations estiment que le projet ne va pas assez loin ou souhaitent que les outils destinés à lutter contre le surendettement soient encore plus rigoureux. Le PLR et l'UDC ainsi que deux organisations ont rejeté le projet.3 Le 28 janvier 2014, la CER-N a décidé, par 13 voix contre 10, d'approuver le projet au vu des résultats de la consultation.

Une minorité (Kaufmann, Amstutz, Baader Caspar, Flückiger Sylvia, Germanier, Müller Philipp, Noser, Rime, Walter, Wandfluh) propose de ne pas entrer en matière sur le projet et de classer l'initiative, car elle doute que l'endettement des particuliers puisse réellement être combattu de cette manière. A ses yeux, l'endettement privé ne tient pas en premier lieu au recours aux crédits à la consommation, mais à l'absence de compétences financières, lesquelles ne peuvent être acquises qu'au moyen d'une formation et d'une sensibilisation pertinentes.

2

Grandes lignes du projet

2.1

Situation initiale

2.1.1

Dispositions en vigueur régissant la publicité

Aux termes de l'art. 36 de la loi fédérale du 23 mars 2001 sur le crédit à la consommation (LCC)4, la publicité relative à des crédits à la consommation est régie par la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD)5. Outre des 3

4 5

Le rapport du janvier 2014 sur les résultats de la procédure de consultation est disponible sur: www.admin.ch>procédures de consultation et d'audition>procédures terminées>2013.

RS 221.214.1 RS 241

3144

prescriptions d'ordre général, la LCD contient plusieurs dispositions qui s'appliquent spécifiquement au crédit à la consommation (art. 3, al. 1, let. k à n, et art. 4, let. d). Ces dispositions prévoient certaines obligations en matière d'information, qui visent à améliorer la transparence des offres dans le domaine du crédit à la consommation et à permettre au client d'y voir plus clair. Tout client potentiel doit par exemple disposer d'indications claires sur le coût total du crédit s'il contracte un crédit ou un crédit à la consommation portant sur des marchandises ou des services. Dès lors qu'une publicité vante au consommateur les avantages du petit crédit, elle doit simultanément attirer son attention sur les coûts supplémentaires et les risques qui en résulteront pour lui.6 La publicité en faveur du crédit à la consommation doit en outre toujours signaler que l'octroi d'un crédit est interdit s'il occasionne le surendettement du consommateur (art. 3, al. 1, let. n, LCD). Si le crédit à la consommation est proposé par Internet ou par téléphone, l'art. 3, al. 1, let. s (règles applicables aux prestations proposées au moyen du commerce électronique) et let. u (mention inscrite dans l'annuaire concernant la publicité), LCD est applicable par surcroît.

Sont également applicables les dispositions de la LCD qui ont une portée générale, en particulier l'interdiction des indications trompeuses (art. 3, al. 1, let. b). Les méthodes de vente particulièrement agressives qui entravent la liberté de décision de la clientèle sont considérées comme déloyales (art. 3, al. 1, let. h, LCD), mais il n'existe aucune réglementation spéciale pour les méthodes publicitaires particulièrement agressives. Celles-ci peuvent uniquement être qualifiées de déloyales en vertu de la disposition d'ordre général formulée à l'art. 2 LCD, en conséquence de quoi elles ne peuvent être punies sur le plan pénal (art. 23 LCD).

Pour ce qui est de la publicité s'adressant aux consommateurs pour l'ensemble des marchandises et prestations de services, c'est par ailleurs l'ordonnance du 11 décembre 1978 sur l'indication des prix (OIP)7 qui s'applique. Lorsqu'une telle publicité pour un crédit à la consommation comporte une indication de prix ou de taux d'intérêt, elle entre dans le champ d'application de l'OIP et doit donc, selon l'obligation de spécification visée à l'art. 14 OIP, désigner exactement le crédit auquel peut s'appliquer le taux mentionné dans ladite publicité.

2.1.2

Examen de la capacité de contracter un crédit

Le droit en vigueur prévoit que, avant d'octroyer un crédit à la consommation, le prêteur doit vérifier la capacité du consommateur d'en contracter un. Cet examen diffère selon la nature du crédit, mais il porte toujours sur la situation financière ou économique du consommateur (art. 28 à 30 LCC). Il a pour but d'empêcher le surendettement occasionné par un contrat de crédit à la consommation (art. 22 LCC). De plus, les prêteurs sont tenus de créer un centre de renseignements sur le crédit à la consommation (CRCC; art. 23 LCC), auquel ils doivent annoncer les crédits qu'ils ont accordés, les informations à fournir variant selon la nature du crédit (art. 25 à 27 LCC). Lorsqu'un prêteur accorde un nouveau crédit à un client et procède, partant, à un nouvel examen de la capacité de contracter un crédit, il doit

6 7

ATF 120 IV 287, pp. 294 s.

RS 942.211

3145

tenir compte des engagements communiqués au CRCC (art. 28, al. 3, let. c, art. 30, al. 1, et art. 31, al. 2, LCC).

Lorsqu'il examine la capacité de contracter un crédit, le prêteur peut s'en tenir aux informations fournies par le consommateur (art. 31, al. 1, LCC). Font toutefois exception les informations manifestement fausses ou qui ne correspondent pas aux données fournies par le CRCC (art. 31, al. 2, LCC). Il en va de même lorsque le prêteur doute de l'exactitude des informations fournies par le consommateur; dans ce cas, celui-ci en vérifie la véracité au moyen de documents officiels ou privés, par exemple un extrait du registre des poursuites ou un certificat de salaire (art. 31, al. 3, LCC).

2.1.3

Données statistiques

D'après l'OFS, 19,0 % des jeunes adultes de 18 à 29 ans vivaient en 2008 dans un ménage (toutes situations de ménage confondues) ayant au moins un crédit de consommation, alors que la proportion des personnes de 30 à 49 ans se trouvant dans le même cas s'élevait à 18,2 %. Les personnes ayant de 18 à 29 ans n'ont donc pas un profil d'endettement si différent de celles de 30 à 49 ans. Les jeunes adultes de 18 à 29 ans étaient 8,8 % à vivre dans un ménage ayant un volume de découverts bancaires ou d'arriérés de paiement critiques, contre 8,9 % parmi les personnes âgées de 30 à 49 ans. En outre, 1,7 % de la population vivait dans un ménage ayant contracté un crédit pour rembourser une dette. Les ménages où vivent ces personnes risquent sérieusement de plonger dans une spirale d'endettement. Le pourcentage de personnes vivant dans un ménage à risque d'endettement sévère (4,3 %) est identique chez celles de 18 à 29 ans et chez celles de 30 à 49 ans. Parmi les jeunes adultes de 18 à 29 ans, le fait de vivre ou non avec ses parents n'a pas une influence statistiquement significative. Le pourcentage des personnes qui sont en situation de découverts bancaires ou d'arriérés de paiement critiques, ou bien qui présentent un risque d'endettement sévère, baisse de manière significative dès l'âge de 50 ans et est particulièrement faible chez celles qui sont à la retraite.

Le degré de formation et la nationalité ont un impact important sur la situation d'endettement des jeunes adultes de 18 à 29 ans qui ne vivent pas avec leurs parents.

Les jeunes adultes ayant une formation supérieure (degré tertiaire) qui ne vivent pas avec leurs parents présentent un taux de crédit ou d'emprunt significativement inférieur à celui de leurs homologues ayant une formation de degré inférieur. Le pourcentage de jeunes adultes qui vivent dans un ménage ayant au moins un crédit passe de 36,3 % pour ceux qui n'ont qu'une formation obligatoire à 28,2 % pour ceux qui ont un degré de formation du secondaire II, et à 15,5 % pour ceux qui ont une formation du degré tertiaire. Les jeunes adultes de nationalité étrangère qui ne vivent pas avec leurs parents ont un taux de crédit ou d'emprunt significativement supérieur aux jeunes adultes de nationalité suisse: 35,9 % des jeunes adultes de nationalité étrangère qui n'habitent pas avec leurs parents vivent dans un ménage ayant au moins un crédit, alors que cette proportion est de 21,7 % pour les Suisses.

3146

A noter que seule la situation de l'endettement en 2008 a été mesurée, sans information sur la dynamique de l'endettement dans le temps8.

2.2

Interdiction de la publicité agressive

2.2.1

Restriction suffisante en matière de publicité

La publicité constitue un domaine protégé par la liberté économique, cette dernière étant un droit fondamental.9 L'interdiction de la publicité demandée par l'initiative porte atteinte à la liberté économique des prêteurs, des courtiers en crédit et des publicitaires actifs dans ce domaine; elle ne peut être admise que si les conditions permettant une restriction des droits fondamentaux en général (cf. art. 36 Cst.10) et une restriction de la liberté économique en particulier sont remplies. Cependant, de telles mesures ne doivent pas menacer la concurrence (art. 94, al. 4, Cst.). De plus, elles doivent reposer sur des bases légales et être justifiées par un intérêt public.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le principe de la proportionnalité implique que, pour que l'Etat puisse prendre une mesure en vue d'atteindre un but d'intérêt public (ou privé), celle-ci soit appropriée et nécessaire, et que la restriction du droit fondamental qu'elle entraîne soit acceptable et proportionnelle pour les personnes concernées. Il doit y avoir un rapport raisonnable entre le but visé et le moyen choisi pour l'atteindre. Une mesure n'est pas proportionnelle lorsque le but visé peut être atteint par une mesure moins incisive.11 Le Tribunal administratif du canton de Vaud s'est déjà prononcé sur la question d'une interdiction de la publicité en faveur du crédit à la consommation. Il a conclu que le lien entre publicité pour le crédit à la consommation et surendettement était à tout le moins très probable, mais qu'il n'était pas nécessaire d'interdire la publicité pour atteindre le but de prévention, celui-ci pouvant déjà être atteint à l'aide de moyens moins incisifs.12 Dans ce contexte, la CER-N ne propose pas une interdiction générale, mais seulement une restriction de la publicité. Seule est interdite la publicité particulièrement agressive, propre à entraver la liberté de décision du consommateur. Sont visés ici des slogans comme «Crédit instantané» ou «Crédit vacances», ainsi que la publicité outrancière diffusée dans la rue. Les statistiques révèlent que le crédit à la consommation est aussi répandu parmi les personnes de 30 à 49 ans que parmi les jeunes adultes de 18 à 29 ans, de sorte que la restriction de la publicité dans ce domaine doit toucher toutes les tranches d'âge.

8

9 10 11 12

L'analyse de l'OFS, établie à la demande de la sous-commission «Endettement des jeunes» de la CER-N, est fondée sur l'enquête Statistics on income and living conditions (SILC 2008) [«Revenus et conditions de vie des ménages»].

Art. 27 Cst.; J. P. Müller/Markus Schefer, Grundrechte in der Schweiz, 4e édition 2008, 1060 avec renvois Constitution; RS 101 ATF 132 I 62, consid. 7.2 Cf. arrêt rendu le 24.3.2010 par la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois dans l'affaire Société Générale d'Affichage c. Municipalité de Lausanne, consid. 7 (pas de nécessité d'interdire la publicité pour atteindre le but de prévention)

3147

2.2.2

Autorégulation dans la branche

Du côté des prêteurs, les membres de l'ASBCEF et ceux de l'ASSL se sont déjà déclarés prêts à conclure une convention de droit privé portant sur une restriction de la publicité. Après avoir soumis un projet en ce sens à la sous-commission de la CER-N, ils l'ont remanié à la demande de cette dernière. Le projet en question prévoit que tous les membres actifs de l'ASBCEF et de l'ASSL appliquent l'autorégulation, si bien que le marché devrait être amplement représenté. Selon l'ASBCEF, tous les grands acteurs de son secteur sont disposés à signer la convention et l'association s'efforce de rallier ceux qui ne sont pas au nombre de ses membres.13 Le projet de convention prévoit en outre que la coopération avec les courtiers en crédit qui ne respectent pas la réglementation adoptée cessera, ce qui associera ainsi indirectement les courtiers en crédit à l'autorégulation.

Le projet de convention d'autorégulation énumère différentes formes de publicité qui ne seront plus autorisées à l'avenir. Ainsi, la publicité pour les crédits privés (hors leasing) ne pourra plus s'adresser particulièrement aux jeunes de moins de 25 ans, et la publicité dans les établissements de loisirs pour jeunes adultes et dans les salons de jeu sera interdite. De plus, aucune publicité pour des offres telles que «Crédit express» ou «Crédit instantané» ne pourra utiliser des arguments laissant penser que le crédit sera accordé sans condition et sans examen de la capacité de contracter un crédit. En outre, toute publicité faisant usage d'arguments qui ne sont manifestement pas judicieux du point de vue économique ou vantant des crédits destinés à financer des activités de loisirs coûteuses de courte durée ou des fêtes sera interdite pour tous les types de crédits à la consommation. Il sera également interdit, de manière générale, d'utiliser des méthodes publicitaires particulièrement agressives, comme la distribution dans les rues et sur les places publiques, à l'écart des expositions de voitures et d'autres événements du même type, de coupons publicitaires qui rappellent, de par leur graphisme, des billets de banque. En cas d'infraction, une plainte écrite pourra être déposée auprès de la Commission suisse pour la loyauté, qui sera habilitée à prononcer une amende de 100 000 francs au plus. La convention sera valable pour une durée
indéterminée. L'adhésion à la convention pourra être résiliée en cas de modification des dispositions légales applicables aux crédits à la consommation ou en cas de changement d'activité.

2.2.3

Cadre légal de l'autorégulation

La majorité de la CER-N se félicite des efforts accomplis par la branche en vue de l'autorégulation de cette dernière. Elle partage notamment l'idée selon laquelle la publicité qui vise spécialement les jeunes de moins de 25 ans doit être beaucoup plus limitée. Elle estime néanmoins que l'autorégulation doit revêtir un certain caractère obligatoire et que les prêteurs qui ne signeraient pas une éventuelle convention d'autorégulation, ainsi que les courtiers en crédit, devraient quand même respecter la restriction de publicité. C'est pourquoi la commission propose d'inscrire dans la LCC une disposition prévoyant que la publicité pour le crédit à la consommation ne

13

Lettre de l'ASBCEF du 27.8.2012 à la sous-commission

3148

doit pas être agressive14. Cette interdiction sera donc valable pour tous les prêteurs et courtiers en crédit qui sont soumis à la LCC (art. 2 et 4 LCC; art. 36a, al. 1, P-LCC). La loi prévoira en outre que les prêteurs ont la possibilité de concrétiser cette interdiction au moyen de l'autorégulation (art. 36a, al. 2, P-LCC). Les courtiers en crédit ne sont, pour leur part, pas tenus de conclure une convention de droit privé.

Si aucune convention d'autorégulation n'est établie, le Conseil fédéral peut, à titre subsidiaire, édicter une ordonnance à cet effet et définir la «publicité agressive» (art. 36a, al. 3, P-LCC). Une minorité de la commission voudrait en outre que le Conseil fédéral vérifie le contenu de la convention. À l'appui de ce souhait, elle cite notamment certaines réponses reçues à la suite de la consultation, lesquelles demandaient un contrôle plus strict à cet égard.

Abstraction faite de l'autorégulation, il est possible de contrôler, dans le cadre du régime de l'autorisation, si les prêteurs ou les courtiers en crédit soumis à cette autorisation respectent l'interdiction concernant la publicité agressive (art. 39 et 40 LCC). L'octroi de l'autorisation est notamment subordonné aux conditions que le prêteur ou le courtier en crédit soit «fiable» (art. 40, al. 1, let. a, LCC) et qu'il présente «toutes garanties d'une activité irréprochable» (art. 4, al. 1, OLCC15). Seuls ceux qui satisferont aux obligations légales et respecteront ainsi l'interdiction de la publicité agressive (art. 36a P-LCC) rempliront ces conditions. L'autorité qui délivre l'autorisation pourra consulter la convention d'autorégulation ou les règles édictées par le Conseil fédéral en vue d'interpréter l'interdiction.

Lorsque le prêteur ou le courtier en crédit est soumis à la loi fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques et les caisses d'épargne (loi sur les banques, LB)16, il ne peut commencer son activité qu'après avoir obtenu une autorisation au sens de l'art. 3 LB. Il est en outre placé sous la surveillance de la FINMA (art. 1 de la loi du 22 juin 2007 sur l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers [loi sur la surveillance des marchés financiers, LFINMA]17). Certes, la LCC ne figure pas parmi les lois énumérées à l'art. 1, al. 1, LFINMA et l'activité que les banques exercent dans le domaine
visé par la LCC n'est donc pas surveillée par la FINMA. Néanmoins, cette dernière a fait savoir à la sous-commission de la CER-N qu'elle interviendrait si des violations de la LCC devaient remettre en question les garanties d'une activité irréprochable prévues par l'art. 3, al. 2, let. c, LB.

Une autorisation n'est pas nécessaire lorsque le prêteur ou le courtier en crédit octroie des crédits à la consommation pour financer l'acquisition de marchandises ou de services qu'il fournit lui-même ou fait le courtage de tels crédits (art. 39, al. 3, let. a et b, LCC). En vertu du projet de loi (art. 36a P-LCC), l'interdiction de la publicité agressive est également valable pour le prêteur de cette catégorie qui ne signe pas la convention d'autorégulation et pour le courtier en crédit qui collabore avec un prêteur en dehors de toute convention d'autorégulation. Une violation de cette interdiction par un tel prêteur ou un tel courtier ne sera toutefois pas punie d'une sanction prévue par ladite convention; elle n'aura pas non plus de conséquence dans le cadre d'une procédure d'autorisation. Selon la CER-N, il y a toutefois lieu 14

15 16 17

Le terme apparenté «publicité outrancière» est utilisé à l'art. 33 de la loi du 18 décembre 1998 sur les maisons de jeu (LMJ; RS 935.52). La LCD parle quant à elle de «méthodes de vente particulièrement agressives» (art. 3, al. 1, let. h).

Ordonnance du 6 novembre 2002 relative à la loi fédérale sur le crédit à la consommation (RS 221.214.11) RS 952.0 RS 956.1

3149

de prévoir que seront punis tous les prêteurs et courtiers en crédit soumis à la LCC (art. 2 et 4) qui auront violé l'interdiction de la publicité agressive. La commission a donc décidé d'instaurer une disposition pénale selon laquelle quiconque contrevient à l'interdiction de la publicité agressive est puni par une amende de 100 000 francs au maximum (art. 36b P-LCC). Elle considère en effet que la peine encourue devrait être assez sévère pour que les inconvénients d'une sanction pèsent plus lourd que les bénéfices à retirer d'une infraction. Le secteur concerné par la LCC brassant en principe d'importantes sommes d'argent, la CER-N a estimé qu'une amende maximale de 100 000 francs était appropriée. Les cantons devraient être chargés de la poursuite pénale, ce qui ne nécessiterait pas de réglementation spécifique étant donné la teneur de l'art. 22 du code de procédure pénale18. Les associations professionnelles restent libres de prévoir des peines conventionnelles parallèles.

2.3

Autres modifications de la LCC

2.3.1

Examen de la capacité de contracter un crédit

La majorité de la CER-N propose deux modifications concernant l'examen de la capacité de contracter un crédit. Premièrement, le prêteur pourra exiger du consommateur qu'il lui fournisse, lors de cet examen, un extrait du registre des poursuites et une attestation de salaire ou, s'il n'exerce pas d'activité dépendante, d'autres documents attestant de ses revenus (art. 31 P-LCC). Selon le droit en vigueur, ce n'est que s'il doute de l'exactitude des informations fournies par le consommateur que le prêteur en vérifie la véracité au moyen de documents officiels ou privés tels que l'extrait du registre des poursuites et le certificat de salaire (art. 31, al. 3, LCC). La CER-N propose d'inscrire déjà à l'al. 1 la possibilité d'exiger ces documents. En conséquence, le prêteur, s'il doute de l'exactitude des informations fournies par le consommateur, sera tenu d'en vérifier la véracité à l'aide de documents autres que ceux cités à l'al. 1 (art. 31, al. 3, P-LCC).

Deuxièmement, le prêteur devra annoncer au CRCC (art. 23 LCC) les consommateurs qui fournissent intentionnellement de fausses informations lors de l'examen en question (art. 25, al. 2, let. b, P-LCC). Aussi dans ce cas, il ne doit plus s'en tenir aux informations fournies par le consommateur (art. 31, al. 2 et 3, P-LCC).

2.3.2

Crédits express

Ce sont surtout les «crédits express» qui font l'objet de méthodes publicitaires agressives. Le terme «crédits express» désigne des crédits qui sont accordés très rapidement. Les arguments de la publicité qui vante ces produits sont justement la rapidité et la simplicité d'obtention du crédit, ce qui permet aux prêteurs opérant dans ce créneau d'avoir un temps d'avance sur les autres instituts de crédit. Ces crédits sont conçus de sorte à être accordés pour un an au maximum et à être remboursés en quatre tranches au plus. Ils n'entrent ainsi pas dans le champ d'application de la LCC, car celle-ci prévoit une exception pour ce type de contrats (art. 7, al. 1, let. f). En conséquence, les personnes contractant un «crédit express» ne bénéficient pas de la protection découlant notamment des art. 22 ss LCC (examen de la 18

RS 312.0

3150

capacité de contracter un crédit) et de l'art. 16 LCC (droit de révocation). Les «crédits express» ne sont en outre pas concernés par une éventuelle interdiction de la publicité agressive.

A la demande de la sous-commission de la CER-N, l'ASBCEF a précisé que ses membres étaient rares à pratiquer cette forme de crédit. Elle estime en conséquence que la suppression de l'exception que celle-ci constitue ne toucherait guère l'activité des instituts membres de l'association. Les «crédits express» sont parfois le fait de détaillants qui vendent surtout des produits d'électronique de loisirs ou du mobilier.19 Néanmoins, la majorité de la CER-N considère qu'il n'y a pas lieu d'intervenir en l'espèce. Une minorité (minorité 1: Meier-Schatz, Birrer-Heimo, de Buman, Jans, Maire Jacques-André, Pardini, Ritter, Schelbert) propose de modifier la réglementation en vigueur et d'étendre le champ d'application de la LCC. Une autre minorité propose d'abroger l'art. 7, al. 1, let. f, LCC et d'étendre le champ d'application de la LCC aux «crédit express» (minorité 2: Birrer-Heimo, Jans, Leutenegger Oberholzer, Maire Jacques-André, Marra, Pardini, Schelbert).

2.3.3

Autres modifications

Les modifications de la LCC qui sont proposées s'accompagnent d'adaptations d'autres dispositions à des fins d'harmonisation, de clarification ou de simple amélioration rédactionnelle (art. 8 et 32 P-LCC).

3

Loi fédérale sur le crédit à la consommation.

Commentaire par article

Art. 7, al. 1, let. f Une minorité de la CER-N (minorité 1: Meier-Schatz, Birrer-Heimo, de Buman, Jans, Maire Jacques-André, Pardini, Ritter, Schelbert) propose de limiter à trois mois au plus la durée des crédits qui échappent au champ d'application de la LCC et d'élargir celui-ci. L'art. 7, al 1 let. f, qui formule actuellement une exception au champ d'application de la LCC, rend possibles les «crédits express». La limitation de la durée des «crédits express» rendra ce type de crédit moins attrayant et en réduira la demande. Le consommateur sera ainsi obligé de rembourser rapidement le «crédit express» ­ qui, comme son nom l'indique, a été obtenu rapidement. Si le champ d'application de la LCC est élargi, les nouvelles règles concernant la «publicité agressive» s'appliqueront aussi au «crédit express». A noter que ce régime se rapproche du nouveau système prévu en la matière par l'Union européenne (directive 2008/48/CE concernant les contrats de crédit aux consommateurs [directive sur les contrats de crédit à la consommation]20). La directive européenne est toutefois 19 20

Lettre de l'ASBCEF du 18.10.2012 à la sous-commission de la CER-N «Endettement des jeunes» Directive 2008/48/CE concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE; JO L 133 du 22.5.2008, pp. 66 ss (directive sur les contrats de crédit à la consommation)

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encore plus restrictive: sont exclus de son champ d'application, parmi les contrats de crédit à courte échéance, uniquement les contrats de crédit accordés sous la forme d'une facilité de découvert, remboursable dans un délai d'un mois, et les contrats de crédit en vertu desquels le crédit doit être remboursé dans un délai ne dépassant pas trois mois et pour lesquels ne sont requis que des frais négligeables (art. 2, al. 2, let. e et f, de la directive sur les contrats de crédit à la consommation).

Une deuxième minorité (minorité 2: Birrer-Heimo, Jans, Leutenegger Oberholzer, Maire Jacques-André, Marra, Pardini, Schelbert) propose de supprimer intégralement l'exception prévue par l'art. 7, al. 1, let. f, LCC.

Art. 8

Limitations

L'art. 8 LCC restreint le champ d'application de la loi pour les contrats de leasing, pour les comptes liés à une carte de crédit ou à une carte de client avec une option de crédit et pour les crédits consentis sous la forme d'une avance sur compte courant. Il mentionne en effet explicitement les articles de la LCC qui sont applicables à ces contrats de crédit à la consommation. La CER-N estime que les nouveaux articles prévus par le P-LCC visant à limiter la publicité ainsi que la disposition pénale (art. 36a et art. 36b P-LCC) devront s'appliquer à tous les types de contrats de crédit à la consommation. Ils doivent par conséquent être ajoutés à la liste figurant à l'art. 8 LCC.

Dans un souci de clarté, la liste visée à l'art. 8 LCC devra également être complétée par les dispositions pertinentes, et notamment les art. 36 (publicité), 39 et 40 (régime de l'autorisation et conditions d'octroi de l'autorisation), déjà en vigueur, qui ne figurent pas parmi les articles applicables. D'après la doctrine, l'absence des art. 39 et 40 dans les énumérations en question résulte d'une erreur rédactionnelle. Pour ce qui est de l'art. 36, l'avis selon lequel il s'agit également d'une erreur rédactionnelle prédomine. Ainsi, les spécialistes plaident en faveur de l'application de ces dispositions aux contrats de leasing, aux cartes de crédit et de client avec une option de crédit et aux crédits consentis sous la forme d'une avance.21 Quant à la CER-N, elle estime que le nouvel article qu'elle a introduit dans son projet et qui vise à limiter la publicité doit s'appliquer à tous les types de contrats de crédit à la consommation.

Par conséquent, les dispositions relatives à la publicité (art. 36 LCC; art. 36a et 36b P-LCC) et les dispositions relatives au régime de l'autorisation et aux conditions d'octroi de l'autorisation (art. 39 et 40 LCC) doivent être mentionnées à l'art. 8 LCC. Les énumérations figurant à l'art. 8 P-LCC comprennent par ailleurs également les dispositions générales relatives à l'examen de la capacité de contracter un crédit (art. 22 à 24 LCC) ainsi que la nouvelle disposition prévue par le projet et portant sur l'obligation d'annoncer (art. 25, al. 2, let. b, P-LCC).

21

Stauder JKR 2002, Berne 2003, p. 94; Giger, Berner Kommentar, Berne 2007, pp. 351 ss (implicitement) et p. 654; Favre-Bulle, CR CO I, Bâle 2004, N 6 et 14 concernant l'art. 8 LCC; Küng, Das neue Konsumkreditgesetz, Hess/Simmen (Ed.), Zurich 2002, p. 108; Lupi Thomann, Die Anwendung des Konsumkreditgesetzes auf Miet-, Miet-Kauf- und Leasingverträge, Zurich 2003, pp. 143 s. Opinion divergente: Hess, Das neue Konsumkreditgesetz, Hess/Simmen (Ed.), Zurich 2002, pp. 83 s.: les art. 39 et 40 LCC (régime de l'autorisation et conditions d'octroi de l'autorisation) sont également applicables au leasing, mais non l'art. 36 LCC (publicité); David, Das neue Konsumkreditgesetz, Hess/Simmen (Ed.), Zurich 2002, pp. 173 s.: le passage concerné ne porte que sur la nonapplicabilité de l'art. 36 LCC (publicité).

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Art. 25, al. 2, let. b Désormais, les prêteurs sont tenus d'annoncer au CRCC les consommateurs qui fournissent intentionnellement de fausses informations lors de l'examen de la capacité de contracter un crédit. La notion d'intention est utilisée ici dans le même sens que pour la naissance de l'obligation résultant d'un acte illicite (art. 41, al. 1, du code des obligations [CO]22 ou pour le dol (art. 28 CO).

Il convient de relever que l'obligation d'annoncer doit être conforme à la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD)23. Ainsi, non seulement la collecte des données doit reposer sur une base légale, mais le traitement des données doit en outre s'effectuer conformément aux principes de la bonne foi et de la proportionnalité (art. 4 LPD). La CER-N considère que ces conditions sont remplies. Le bureau du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) a indiqué que l'obligation d'annoncer prévue par le projet ne respectait pas le principe de la proportionnalité. Selon lui, annoncer le refus d'une demande de crédit sans en spécifier le motif suffirait à garantir un examen plus méticuleux de la capacité de contracter un crédit, tout en permettant d'éviter la stigmatisation des consommateurs24.

Avant de procéder à l'enregistrement des informations reçues, le CRCC doit s'assurer de leur exactitude; le prêteur doit donc être en mesure de prouver que le consommateur a intentionnellement fourni de fausses informations (art. 5 LPD). La LPD prévoit par ailleurs que la collecte de données personnelles et, en particulier, les finalités du traitement doivent être reconnaissables pour la personne concernée (art. 4, al. 4, LPD), laquelle dispose d'un droit d'accès aux données la concernant (art. 8 LPD). La collecte de données personnelles par des organes fédéraux tels que le CRCC (art. 23, al. 3, LCC) est en outre soumise aux dispositions de la LPD relatives au devoir d'informer (art. 18a). La personne intéressée doit être informée du fait que des données la concernant sont enregistrées auprès du CRCC et du droit d'accès dont elle bénéficie en vertu de l'art. 8 LPD.

Art. 31

Etendue des renseignements relatifs au consommateur

Aux yeux de la majorité de la CER-N, le prêteur devrait explicitement pouvoir exiger du consommateur, lorsqu'il examine la capacité de contracter un crédit, qu'il lui fournisse un extrait du registre des poursuites et une attestation de salaire ou, si celui-ci n'exerce pas d'activité dépendante, d'autres documents attestant de ses revenus (art. 31, al. 1, P-LCC). Le prêteur devrait toutefois pouvoir continuer à s'en tenir aux informations fournies par le consommateur sur ses sources de revenus et ses obligations financières ou sur sa situation économique. A l'inverse, il ne devrait plus pouvoir s'en tenir aux informations en question lorsqu'elles sont manifestement fausses, qu'elles ne correspondent pas aux données fournies par le CRCC, que le consommateur a fait l'objet d'une annonce (art. 25, al. 2, let. b, et art. 31, al. 2, P-LCC) et que, d'une manière générale, le prêteur doute de l'exactitude de ces informations. Pour vérifier la véracité des informations fournies par le consommateur, le prêteur peut désormais, en vertu de la nouvelle teneur de l'art. 31, al. 3,

22 23 24

RS 220 RS 235.1 Courriel du PFPDT à l'Office fédéral de la justice en date du 12.10.2012.

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exiger une attestation de salaire, en lieu et place d'un certificat de salaire. Ainsi, tous les documents attestant des revenus peuvent servir de pièce justificative.

Désireuse de renforcer l'examen de la capacité de contracter un crédit, une minorité (Marra, Birrer-Heimo, Jans, Leutenegger Oberholzer, Maire Jacques-André, Pardini, Schelbert) propose de transformer en obligation la possibilité prévue à l'al. 1.

Si le prêteur doute de l'exactitude des informations fournies par le consommateur, il doit en vérifier la véracité au moyen de documents officiels ou privés. Il ne doit toutefois pas se contenter d'un extrait du registre des poursuites et d'une attestation de salaire: ces documents, visés à l'al. 1, peuvent (ou doivent, selon la minorité Marra) également être réclamés lorsque le prêteur ne doute pas de l'exactitude des informations fournies par le consommateur. C'est pourquoi le prêteur doit exiger d'autres documents (art. 31, al. 3, P-LCC).

Quant à l'al. 2 P-LCC, il est complété par la mention des informations fournies par un consommateur ayant fait l'objet d'une annonce en vertu du nouvel alinéa sur l'obligation d'annoncer (art. 25, al. 2, let. b, P-LCC). Cette obligation a pour effet que, lors de l'examen de la capacité de contracter un crédit (art. 28 à 30 LCC), le prêteur est tenu d'examiner des documents supplémentaires (art. 31, al. 2 et 3, P-LCC) dans les cas où un consommateur a intentionnellement fourni de fausses informations dans le cadre d'un précédent examen.

Art. 32

Sanctions

Par souci de clarté, le projet prévoit l'ajout de l'art. 31 dans les énumérations figurant à l'art. 32, al. 1 et 2. Cet article règle les sanctions auxquelles s'expose tout prêteur contrevenant aux obligations qui lui sont imposées en matière d'examen de la capacité de contracter un crédit. L'art. 32, al. 1, LCC prévoit que le prêteur n'est sanctionné qu'en cas de violation des dispositions concernant l'examen de la capacité de contracter un crédit des art. 28, 29 ou 30 LCC; l'art. 32, al. 2, ajoute à ce motif de sanction la violation de l'obligation d'annoncer des art. 25, 26 ou 27, al. 1.

L'art. 32 LCC ne prévoit donc pas expressément de sanction en cas de violation de l'art. 31 LCC. La CER-N part de l'idée que la violation de l'art. 31 LCC ­ sur lequel se fonde tout examen de la capacité de contracter un crédit ­ entraîne automatiquement la violation des art. 28, 29 ou 30 LCC. Ainsi la sanction prévue à l'art. 32 LCC s'applique.

Art. 36a

Publicité agressive

Le projet ne vise pas à interdire la publicité d'une manière générale; il vise uniquement à proscrire la publicité agressive (art. 36a, al. 1, P-LCC), en donnant aux prêteurs la possibilité de concrétiser une telle interdiction au moyen de l'autorégulation. Cette interdiction est inscrite dans la loi de manière à garantir qu'elle s'applique à tous les prêteurs et tous les courtiers en crédit (cf. ch. 2.2 et, en particulier, ch. 2.2.3).

Une minorité (Maire Jacques-André, Birrer-Heimo, de Buman, Jans, Leutenegger Oberholzer, Marra, Meier-Schatz, Pardini) estime que la publicité qui vise spécifiquement les adolescents et les jeunes adultes doit être considérée, d'une manière générale, comme agressive. Certes, le projet de convention d'autorégulation de la branche prévoit notamment que la publicité pour des crédits privés (hors leasing) ne doit pas viser particulièrement les jeunes adultes de moins de 25 ans; la minorité est 3154

cependant d'avis que, plutôt que de prévoir l'autorégulation en la matière, il y a lieu d'inscrire dans la loi l'interdiction de toute publicité s'adressant spécifiquement à ce public, pour qu'elle devienne contraignante.

Le projet dispose que ­ selon le principe de l'autorégulation ­ les prêteurs définissent la publicité agressive dans une convention de droit privé; à noter toutefois qu'un examen du contenu de cette convention n'est pas prévu (art. 36a, al. 2, P-LCC). Une minorité (Maire Jacques-André, Birrer-Heimo, de Buman, Jans, Leutenegger Oberholzer, Marra, Meier-Schatz, Pardini) propose d'obliger les prêteurs à définir la publicité agressive de manière satisfaisante. Une telle disposition ménagerait la possibilité de vérifier le contenu d'une convention de droit privé qui aurait bel et bien été conclue. A supposer que le contenu en question ne soit pas satisfaisant, le Conseil fédéral pourrait intervenir à titre subsidiaire.

Si la branche ne concluait pas de convention d'autorégulation dans un délai raisonnable, le Conseil fédéral édicterait une ordonnance à titre subsidiaire afin de définir la publicité agressive (art. 36a, al. 3, P-LCC). Une minorité (Maire Jacques-André, Birrer-Heimo, de Buman, Jans, Leutenegger Oberholzer, Marra, Meier-Schatz, Pardini, Ritter) demande d'aller au-delà de la simple constatation de l'existence d'une convention: elle voudrait que le Conseil fédéral vérifie son contenu et que, s'il estime que la définition est insuffisante, il édicte aussi une ordonnance. L'al. 3 de la minorité serait ainsi coordonné avec l'al. 2 de minorité.

Art. 36b

Disposition pénale

Quiconque contrevient à l'interdiction de la publicité agressive est puni par une amende de 100 000 francs au maximum. Cette disposition pénale est applicable en plus des mesures relevant du droit de la surveillance pour autant que de telles mesures puissent être prises en relation avec la surveillance sur les prêteurs et les courtiers en crédit (cf. ch. 2.2.3). Elle permet ainsi de sanctionner également les prêteurs et les courtiers en crédit qui ne sont soumis ni au régime de l'autorisation selon la LCC ni à la LB.

Art. 40, al. 1, let. a La modification proposée n'est pas matérielle: il s'agit simplement d'inscrire dans la loi la formulation prévue à l'art. 4, al. 1, de l'ordonnance relative à la LCC (OLCC25).

L'octroi de crédits à la consommation et le courtage en crédit sont soumis à une autorisation cantonale (art. 39 et 40 LCC). Cette autorisation est notamment octroyée si le demandeur est «fiable» (art. 40, al. 1, let. a, LCC). L'OLCC explicite cette notion en ce sens que le requérant doit «présenter toutes garanties d'une activité irréprochable» (art. 4, al. 1, OLCC).

25

Ordonnance du 6 novembre 2002 relative à la loi fédérale sur le crédit à la consommation; RS 221.214.11.

3155

4

Conséquences financières et effet sur l'état du personnel

L'obligation ­ nouvellement introduite dans la loi ­ d'annoncer au centre de renseignements les consommateurs qui fournissent intentionnellement de fausses informations lors de l'examen de la capacité de contracter un crédit devrait entraîner un surcroît de travail administratif. Toutefois, on peut s'attendre à ce que cette charge supplémentaire reste limitée, car les instituts de crédit ont déjà pour usage de signaler ces cas à une centrale d'information de crédit privée26. Rien n'indique que l'interdiction de campagnes publicitaires agressives ait pour corollaire un surcroît de charge administrative pour les cantons dans le cadre de la procédure d'autorisation.

Enfin, il est à noter que, si les instituts de crédit ne parviennent pas à s'autoréguler en matière de publicité (art. 36a, al. 2, P-LCC), le Conseil fédéral devra intervenir et charger l'administration fédérale de préparer une ordonnance. Ces travaux ne devraient cependant demander aucune ressource supplémentaire en personnel.

5

Droit transitoire

Avec l'entrée en vigueur de l'art. 36a P-LCC, l'interdiction d'une publicité agressive s'applique à tous les protagonistes de la branche du crédit à la consommation.

Ceux-ci ont eu assez de temps, durant la procédure de consultation et la présentation des modifications de la loi, pour se préparer aux changements induits par ce projet.

Par conséquent, il n'est pas nécessaire de prévoir un délai transitoire. L'idéal serait que la convention d'autorégulation conclue par les instituts de crédit entre en vigueur le plus rapidement possible. Toutefois, si cette convention ne peut être conclue dans un délai raisonnable après l'entrée en vigueur de la révision de la LCC, le Conseil fédéral est appelé à définir la publicité agressive. Les modifications proposées n'auront en principe aucune incidence sur la situation des instituts de crédit qui détiennent déjà une autorisation, sauf que ceux-ci devront se plier à l'interdiction de la publicité agressive puisqu'elle fait désormais partie des critères de garantie d'une activité irréprochable (art. 40, al. 1, let. a, P-LCC). Les conditions d'octroi des autorisations étant restées les mêmes, les changements apportés, hormis l'interdiction de la publicité agressive, n'affecteront pas non plus les instituts de crédit qui ont déposé une demande d'autorisation. Une réglementation transitoire ne s'impose donc pas non plus pour ces cas-là.

Pour ce qui est des modifications relatives à la conclusion d'un contrat (obligation d'annoncer, possibilité de demander des documents supplémentaires), la date de conclusion du contrat est déterminante. Si le contrat est conclu après l'entrée en vigueur du nouveau droit, c'est ce dernier qui s'applique, de même que les principes généraux prévus aux art. 1 à 4 tit. fin. CC27. Il n'y a donc pas lieu d'élaborer une réglementation transitoire.

26 27

Association pour la gestion d'une centrale d'information de crédit (ZEK).

RS 210

3156

6

Bases légales

6.1

Constitutionnalité et légalité

La compétence législative de la Confédération en matière de droit civil et en matière de protection du consommateur est fondée sur l'art. 122, al. 1, et sur l'art. 97 Cst.

6.2

Délégation de compétences législatives

Le présent projet prévoit d'habiliter le Conseil fédéral à édicter une réglementation en matière de publicité agressive, si aucune convention d'autorégulation n'est conclue par les instituts de crédit dans un délai raisonnable (art. 36a, al. 3, P-LCC).

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