14.051 Message concernant la loi fédérale sur l'exonération des personnes morales poursuivant des buts idéaux du 6 juin 2014

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, le projet de loi fédérale sur l'exonération des personnes morales poursuivant des buts idéaux.

Nous vous proposons simultanément de classer l'intervention parlementaire suivante: 2010 M 09.3343

Droit des associations. Exonération fiscale (E 27.05.09, Kuprecht; N 15.03.10)

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

6 juin 2014

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Didier Burkhalter La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2014-0213

5219

Condensé Les personnes morales poursuivant des buts idéaux et dont les bénéfices ne dépassent pas 20 000 francs seront exonérées de l'impôt fédéral direct dans la mesure où elles affectent ces bénéfices exclusivement et de façon irrévocable à ces buts idéaux. Les cantons resteront libres de fixer le montant de cette limite d'imposition.

Contexte Le projet de loi vise à réaliser les objectifs de la motion déposée le 20 mars 2009 par le conseiller aux Etats Alex Kuprecht et approuvée par les deux Chambres. En substance, cette motion demande au Conseil fédéral d'exonérer totalement ou jusqu'à un certain montant les associations qui consacrent exclusivement leurs bénéfices et leur patrimoine à des buts idéaux, notamment en faveur de l'encouragement de la jeunesse et de la relève.

Contenu du projet D'après le droit en vigueur, les personnes morales qui poursuivent des buts de service public ou d'utilité publique ou des buts cultuels à l'échelle de la Suisse et affectent leur bénéfice (ou aussi leur capital dans le cadre de l'impôt cantonal) exclusivement et de façon irrévocable à ces buts peuvent être exonérées totalement ou partiellement de l'impôt fédéral direct, des impôts cantonaux et des impôts communaux. Une activité uniquement utile ou relevant d'un but idéal ne justifie cependant pas une exonération. Vu sous cet angle, ce projet vise à étendre le domaine des éléments exonérés.

Le Conseil fédéral a opté pour une solution fondée sur l'objet de l'impôt et visant à introduire une limite d'imposition. Il s'agit d'exonérer de l'impôt fédéral direct les bénéfices égaux ou inférieurs à 20 000 francs (limite d'imposition) des personnes morales poursuivant des buts idéaux et dont les bénéfices sont affectés exclusivement et irrévocablement à ces buts. Pour des raisons d'égalité de traitement, cette exonération des bénéfices ne devra cependant pas profiter aux seules associations, mais à toutes les personnes morales qui poursuivent des buts idéaux. La question de savoir si une personne morale poursuit des buts idéaux ou des buts économiques ne devra être tranchée que pour les bénéfices inférieurs à 20 000 francs. Cette limite d'imposition permet de réduire le surcroît de charge administrative des cantons.

Dans le texte de la motion, il est question d'une exonération totale ou au moins partielle des
associations poursuivant des buts idéaux, en particulier de celles dont le but est l'encouragement de la jeunesse et de la relève. On peut donc considérer que l'auteur de la motion ne visait pas en premier lieu à dégrever les associations disposant de moyens importants. Compte tenu du cadre ainsi défini, une limitation de l'exonération aux bénéfices égaux ou inférieurs à 20 000 francs semble adéquate.

En ce qui concerne les impôts des cantons et des communes, les cantons sont libres de fixer le montant de cette limite d'imposition.

5220

D'après les estimations de l'Administration fédérale des contributions, cette solution entraînera une diminution des recettes annuelles de l'impôt fédéral direct de l'ordre de quelques millions.

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Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Contenu de la motion 09.3343

Le 20 mars 2009, le conseiller aux Etats Alex Kuprecht a déposé une motion chargeant le Conseil fédéral d'étudier les possibilités d'exonérer totalement ou partiellement les associations qui consacrent exclusivement leurs revenus et leur patrimoine à des buts idéaux, notamment en faveur de l'encouragement de la jeunesse et de la relève, et de préparer un projet de modification de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD)1 et, si nécessaire, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID)2 allant dans ce sens.

Dans son avis du 13 mai 2009, le Conseil fédéral a proposé de rejeter la motion, arguant que le droit en vigueur prévoit déjà l'exonération de l'encouragement de la jeunesse et de la relève pour cause d'utilité publique, pour autant que l'activité de l'association concernée se situe dans le domaine de l'éducation et serve, de ce fait, l'intérêt général. Il estime certes que le fait qu'une association poursuive un but non lucratif est positif sur tous les plans, mais souligne que les associations cherchent en général davantage à satisfaire aux intérêts de leurs membres qu'à promouvoir concrètement le bien-être collectif. En tout état de cause, la limite serait souvent très difficile à déterminer et les cantons devraient procéder au cas par cas pour l'appliquer. Enfin, le Conseil fédéral a rappelé qu'en vertu de la LIFD et de la LHID, les cotisations des membres ne font pas partie du bénéfice imposable des associations et que l'impôt fédéral direct n'est pas prélevé sur le bénéfice lorsque celui-ci n'atteint pas la franchise de 5000 francs (art. 71, al. 2, LIFD).

En dépit de ces réserves, le Conseil des Etats a approuvé la motion, le 27 mai 2009, par 19 voix contre 14. Le Conseil national partage cet avis, puisqu'il a approuvé la motion, lors de sa séance du 15 mars 2010, par 103 voix contre 50.

1.1.2

Droit en vigueur

Personnes morales poursuivant des buts de service public ou d'utilité publique ou encore des buts cultuels à l'échelle de la Suisse Les exonérations concernant les personnes morales sont réglées de façon exhaustive à l'art. 56 LIFD et à l'art. 23, al. 1, LHID. Une personne morale est exonérée notamment lorsqu'elle poursuit des buts de service public ou d'utilité publique ou des buts cultuels et lorsqu'elle affecte ses bénéfices exclusivement et irrévocablement à ces buts. En ce qui concerne les personnes morales poursuivant des buts cultuels, la loi sur l'impôt fédéral direct exige, contrairement à la LHID, une portée à l'échelle de la Suisse.

1 2

RS 642.11 RS 642.14

5222

D'un point de vue objectif, on considère qu'une personne morale poursuit des buts d'utilité publique lorsqu'elle effectue son activité dans un intérêt général et à condition que sa motivation (élément subjectif) soit désintéressée. L'intérêt général exige par ailleurs que le cercle des bénéficiaires de la promotion ou du soutien soit en principe ouvert. Enfin, on considère, du point de vue du droit fiscal, qu'une action est intéressée lorsque la personne morale agit, exclusivement ou parallèlement à des buts d'intérêt général, dans son propre intérêt ou dans l'intérêt particulier de ses membres.

En ce qui concerne les institutions qui évoluent dans un marché concurrentiel, l'exonération présuppose un examen sous l'angle de la neutralité concurrentielle de l'impôt, conformément aux exigences de la Constitution (art. 27 en relation avec l'art. 127, al. 2, de la Constitution [Cst.]3). L'acquisition et l'administration de participations importantes au capital d'une entreprise sont reconnues d'utilité publique si le but d'intérêt général prime l'intérêt de préserver l'entreprise et qu'aucune activité dirigeante n'est exercée dans cette entreprise.

Des buts de service public sont poursuivis, par exemple, lorsque les bénéfices sont affectés à des collectivités publiques ou lorsque l'activité de la personne morale vise essentiellement à remplir des tâches publiques.

Conformément à la circulaire de l'AFC no 12 du 8 juillet 1994 (Exonération de l'impôt pour les personnes morales), une personne morale poursuit des buts cultuels privilégiés fiscalement si elle professe et diffuse une croyance (foi) commune, un dogme ou assure des services religieux sur le plan national, quelle que soit la confession ou la religion4. Il s'agit de ne pas la confondre avec les personnes morales qui remplissent certaines tâches économiques, philosophiques ou idéales fondées sur une base religieuse. Ces tâches répondent à une pure vision du monde et ne s'inscrivent pas dans les buts cultuels privilégiés fiscalement.

Imposition d'associations, de fondations et d'autres personnes morales5 (art. 66, al. 1 et 2, LIFD et art. 26 LHID) Conformément au droit en vigueur, les cotisations de membres d'associations et les apports dans la fortune de fondations sont exclus de l'assiette fiscale. En outre, les associations peuvent déduire
dans leur totalité les dépenses liées à la réalisation des revenus imposables, tandis que d'autres dépenses ne peuvent l'être que dans la mesure où elles dépassent les cotisations de membres.

En outre, l'impôt sur le bénéfice, qui s'élève à 4,25 % du bénéfice net dans le cadre de l'impôt fédéral direct (art. 71, al. 1, LIFD) constitue un allégement fiscal pour les associations, les fondations et les autres personnes morales. Le taux d'imposition des bénéfices ne s'élève ainsi qu'à la moitié du taux d'imposition des bénéfices de 8,5 % (art. 68 LIFD) applicable aux sociétés de capitaux et aux coopératives. Les cantons de Zurich, de Berne, de Nidwald, de Glaris, de Zoug, de Soleure, de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne, de Schaffhouse, d'Appenzell Rhodes-Extérieures, du Tessin et de Vaud connaissent également des taux d'imposition réduits par rapport à ceux appliqués aux sociétés de capitaux. Cet allégement fiscal par rapport aux sociétés de 3 4 5

RS 101 www.estv.admin.ch > Documentation > Publications > Circulaires La notion d'«autres personnes morales» englobe les corporations et les établissements de droit public ou religieux ainsi que les corporations régies par le droit cantonal (art. 59 CC). Source: P. Locher, commentaire sur la LIFD, N 12 relatif à l'art. 49 LIFD.

5223

capitaux et aux coopératives est fondé sur le fait que les organisations à but d'utilité publique optent la plupart du temps pour la forme juridique de la société ou de l'association6. Il existe cependant aussi une série d'associations et de fondations qui ne se distinguent pas vraiment des sociétés de capitaux, dont les buts sont généralement lucratifs. C'est ce qui explique pourquoi plusieurs cantons appliquent des taux identiques (ou à peine inférieurs) aux associations et aux fondations qu'aux sociétés de capitaux et aux coopératives. Et c'est pour cette raison aussi que certains cantons (notamment Fribourg, Neuchâtel, Tessin) connaissent des dispositions spéciales en ce qui concerne l'imposition des associations poursuivant des buts idéaux.

Enfin, la Confédération accorde une limite d'imposition pour les bénéfices inférieurs à 5000 francs (art. 71, al. 2, LIFD). Pour des questions d'économie procédurale, les cantons appliquent des allégements fiscaux comparables dans le cadre de ces limites, bien que l'harmonisation fiscale ne prescrive pas de tels allégements: Aperçu des limites d'imposition et des montants exonérés en ce qui concerne le bénéfice et le capital des associations, des fondations et des autres personnes morales dans les cantons7 Cantons

Limite d'imposition du bénéfice (ou montant exonéré bénéfice)

Limite d'imposition du capital (ou montant exonéré capital)

AG AI AR BE BL BS FR GE GL GR JU LU NE NW OW SG SH SO SZ TG TI

20 000 francs (montant exonéré) 30 000 francs 5 000 francs 5 200 francs 15 000 francs 10 000 francs (montant exonéré) 5 000 francs En pour-cent selon bénéfices 5 000 francs 28 900 francs 20 000 francs (montant exonéré) 10 000 francs 10 000 francs (montant exonéré) 10 000 francs 50 000 francs 10 000 francs 20 000 francs (montant exonéré) 5 000 francs 20 000 francs 5 000 francs 5 000 francs

50 000 francs (montant exonéré) 50 000 francs 50 000 francs 77 000 francs 75 000 francs 50 000 francs 100 000 francs En pour-mille selon capital 50 000 francs 43 300 francs (montant exonéré) 50 000 francs (montant exonéré) 100 000 francs 100 000 francs (montant exonéré) 100 000 francs 50 000 francs 50 000 francs 100 000 francs (montant exonéré) 200 000 francs 300 000 francs (montant exonéré) 100 000 francs 50 000 francs

6

7

Etude relative au «John Hopkins Comparative Nonprofit Sector Project (CNP)»; Helmig, Lichtsteiner, Gmür (éd.), Editions Haupt 2010 (étude CNP).

Etat de la législation publiée le 30 novembre 2013

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Cantons

Limite d'imposition du bénéfice (ou montant exonéré bénéfice)

Limite d'imposition du capital (ou montant exonéré capital)

UR VD VS ZG ZH

20 000 francs (montant exonéré) 12 500 francs 20 000 francs 10 000 francs 10 000 francs

100 000 francs (montant exonéré) 50 000 francs 10 000 francs 80 000 francs (montant exonéré) 100 000 francs

Légende: Limite d'imposition: seules les personnes dont le bénéfice n'excède pas cette limite peuvent profiter du dégrèvement.

Montant exonéré: cette franchise peut toujours être défalquée du bénéfice.

1.1.3

Projet mis en consultation

Le Conseil fédéral a mis en consultation, le 10 avril 2013, un projet de loi en réponse à la motion Kuprecht, qui a été transmise. Le rapport explicatif faisant l'objet de la consultation proposait au total 4 solutions permettant de mettre en oeuvre la motion.

La première solution (solution 1) consistait à hausser l'actuelle limite d'imposition (5000 francs) en ce qui concerne le bénéfice des associations, fondations et autres personnes morales. Aucun changement n'aurait été nécessaire dans le cadre de la LHID, car les cantons ne sont pas soumis à l'harmonisation fiscale dans ce domaine.

La deuxième solution (solution 2) consistait à étendre, pour les personnes morales poursuivant des buts idéaux, la liste des exonérations de l'imposition subjective des art. 56 LIFD et 23 LHID.

La troisième solution (solution 3) portait sur l'objet de l'impôt. Elle consistait à introduire dans la LHID une franchise d'imposition de 20 000 francs pour les personnes morales poursuivant des buts idéaux. Cela signifie que toutes les personnes morales poursuivant des buts idéaux auraient pu déduire 20 000 francs de leur bénéfice. En vertu de la LHID les cantons auraient été libres de fixer la hauteur de cette franchise.

La quatrième possibilité (solution 4) portait également sur l'objet de l'impôt. Elle consistait à introduire pour les personnes morales poursuivant des buts idéaux non pas une franchise d'imposition, mais une limite d'imposition de 20 000 francs.

Seules les personnes morales dont le bénéfice n'atteint pas cette limite auraient été exonérées. En vertu de la LHID, les cantons auraient été libres de fixer la hauteur de la limite d'imposition.

Les dons n'auraient pas été déductibles dans le cadre de ces 4 solutions. Pour modifier cela, il aurait fallu adapter de façon explicite l'art. 33a LIFD et l'art. 9, al. 2, let. i, LHID.

5225

1.1.4

Résultat de la consultation

Six cantons, trois partis et trois associations ou organisations ont approuvé la solution 4 (proposition du Conseil fédéral). Ils motivent cette approbation par le fait que cette solution répond à la demande de la motion sans aller au-delà. Un canton a estimé qu'il ne faut pas étendre le cercle des bénéficiaires au-delà des associations, des fondations et des autres personnes morales.

Quinze cantons, la Conférence des directeurs cantonaux des finances et deux partis préconisent la solution 1 (hausse de la limite d'imposition). Les personnes favorables à cette solution insistent notamment sur le fait que la motion Kuprecht exige une solution simple et applicable. Contrairement à la solution 4, la solution 1 ne compliquerait pas d'avantage le droit fiscal. Ces personnes estiment en outre que la solution 4 créerait une nouvelle catégorie de contribuables, catégorie qui ne peut pas être délimitée selon des critères précis.

Les cantons estiment qu'une hausse de la limite d'imposition de 5000 francs à 10 000 voire à 20 000 francs est envisageable. Certains cantons ont proposé d'introduire dans la LIFD, en lieu et place de la limite actuelle de 5000 francs, une franchise d'imposition afin d'éviter les effets de seuil.

Trois cantons donnent leur préférence à la solution 2, qui consiste à introduire une exonération totale. Ils considèrent que la liste des exceptions à l'assujettissement subjectif appliquée actuellement a fait ses preuves dans la pratique. De leur avis, le fait d'étendre cette liste aux associations et aux fondations poursuivant des buts idéaux serait la conséquence logique de l'actuelle exonération des personnes morales qui poursuivent des buts d'utilité publique, des buts de service public ou des buts cultuels.

La solution 3 est préconisée quant à elle par deux cantons et deux associations ou organisations. D'après l'un des arguments en faveur de cette solution, c'est cette dernière qui permet de répondre au mieux aux exigences de la motion. Cette solution permettrait en outre de témoigner de la reconnaissance à toutes les associations et à toutes les fondations poursuivant des buts idéaux, indépendamment de leur taille.

Enfin, deux partis et deux associations ou organisations ont rejeté le projet avec toutes les solutions qu'il proposait. Ils estiment qu'il n'est pas nécessaire,
contrairement à ce que demande la motion, d'accorder aux associations des allégements fiscaux allant au-delà des allégements accordés actuellement. En outre, ils ont émis des réserves au sujet de la définition des buts idéaux, estimant que ces buts ne peuvent pas être définis précisément ni délimités clairement. Ils ont souligné en outre que les associations poursuivant des buts idéaux contribuent certes souvent au développement de la vie sociétale et culturelle, mais que leurs activités profitent la plupart du temps à leurs seuls membres. Or, les infrastructures publiques et autres institutions de l'Etat qu'elles utilisent sont financées par l'ensemble des contribuables8.

8

Le rapport sur les résultats de la procédure de consultation peut être consulté à l'adresse suivante: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2013 > DFF

5226

1.2

Dispositif proposé

La motion 09.3343 exige que les associations soient exonérées totalement ou jusqu'à un certain montant, dans la mesure où leurs bénéfices et leur fortune sont affectés exclusivement à des buts idéaux, en l'occurrence à la promotion de la jeunesse et de la relève. Cette promotion doit être réalisée au moyen d'un dégrèvement profitant non seulement aux associations, mais aussi à toutes les personnes morales poursuivant des buts idéaux, dans la mesure où leurs bénéfices ne dépassent pas 20 000 francs. Il faut par contre renoncer à inscrire une définition des «buts idéaux» dans la loi.

1.3

Appréciation de la solution retenue

1.3.1

Justification

La solution proposée par le Conseil fédéral répond mieux aux exigences de la motion que la solution 1, qui consiste à hausser l'actuelle limite d'imposition de 5000 francs pour toutes les associations, fondations et autres personnes morales. La hausse de la limite d'imposition ne présuppose pas l'existence de buts idéaux. Le seul critère déterminant serait la forme juridique.

Du point de vue du Conseil fédéral, la solution 2, qui consiste à étendre la liste des exonérations de l'assujettissement subjectif, irait trop loin. En effet, les personnes morales qui poursuivent des buts idéaux oeuvrent généralement aussi dans l'intérêt propre de leurs membres, de leurs actionnaires ou de leurs coopératrices et coopérateurs.

La solution 3 consiste à introduire une franchise d'imposition plutôt qu'une limite d'imposition. En d'autres termes, toutes les personnes morales qui poursuivent des buts idéaux auraient le droit de faire valoir une déduction de 20 000 francs. Les administrations fiscales devraient alors vérifier pour toutes les personnes morales si elles poursuivent bien des buts idéaux. La charge de travail serait disproportionnée et cette solution entraînerait une plus forte diminution des recettes que la solution proposée par le Conseil fédéral. Contrairement à cette dernière solution, la solution 3 n'entraînerait cependant pas d'effets de seuil.

La nouvelle réglementation proposée répond au mieux aux exigences de la motion et entraînerait un plus faible accroissement de la charge administrative que la solution 3. Avec la réglementation proposée par le Conseil fédéral, il n'est nécessaire de vérifier si les buts poursuivis sont bien idéaux que lorsque le bénéfice ne dépasse pas 20 000 francs. En outre, la diminution des recettes à laquelle il faut s'attendre sera moins importante qu'avec la solution consistant à introduire une franchise d'imposition, car cette dernière solution entraînerait un dégrèvement partiel ou total pour toutes les personnes morales poursuivant des buts idéaux. Si l'on introduit une limite d'imposition de 20 000 francs dans la LIFD, les associations disposant de capitaux importants doivent continuer de payer des impôts sur leurs bénéfices. Or, cela fait sens étant donné que les associations réalisant des bénéfices importants ne peuvent pas profiter d'allégements au niveau de l'imposition des bénéfices en raison des buts idéaux qu'elles poursuivent.

5227

1.3.2

Evaluation

But idéal Il est impossible de définir le «but idéal» de façon exacte et exhaustive. L'une des raisons en est que l'usage connaît de nombreuses acceptions pour le terme de «idéal». On pense par exemple à passionné, enthousiaste, rêveur, désintéressé, généreux, altruiste, dévoué, engagé ou encore bienveillant.

L'art. 60, al. 1, du code civil (CC)9 peut donner une piste pour définir la notion de but idéal. Y sont considérées comme des buts idéaux les tâches remplies par des associations politiques, religieuses, scientifiques, artistiques, de bienfaisance, de récréation ou autres qui n'ont pas un but économique.

On peut qualifier en outre d'idéal tout but non économique. La personne qui poursuit des buts idéaux ne vise pas à réaliser un avantage appréciable en argent pour son propre compte ou pour le compte de tiers qui lui sont proches. Une institution poursuivant des buts idéaux ne doit pouvoir réaliser un avantage appréciable en argent que si des conditions très strictes sont réunies. Le bénéficiaire de la prestation doit notamment se trouver dans une situation de besoin particulière.

Pour la doctrine comme pour la jurisprudence, l'objectif est économique (et non pas idéal) lorsque l'activité de la personne morale vise à apporter à ses membres (ou à des personnes qui lui sont proches) un avantage économique concret et appréciable en argent. Il en découle qu'il ne peut plus être question d'un but idéal dès le moment où une personne morale procure à ses membres (ou aux personnes qui lui sont proches) un avantage appréciable en argent (économique). C'est notamment le cas (mais pas forcément) pour les personnes morales au sens du code des obligations10 (sociétés anonymes, sociétés en commandite par actions, sociétés à responsabilité limitée et coopératives). On considère comme un avantage économique en faveur des membres (ou des personnes proches de la personne morale en question) les avantages accordés sous forme d'argent ou en nature (par avantage en nature, on entend les avantages objectifs comme des biens ou des services).

Les personnes morales qui poursuivent un but idéal ont le droit d'exercer une activité économique lorsque celle-ci est d'importance secondaire et ne constitue pas le but en soi de la personne morale. Cette activité peut tout au plus être un moyen, mais ne doit pas constituer
une fin en soi (par ex. tenue d'une buvette à l'occasion d'un match de football).

La notion de but idéal ne peut donc pas être définie de manière exhaustive. Or, le fait d'introduire une liste incomplète des buts idéaux dans la LIFD et la LHID ne serait pas d'un grand secours pour délimiter la notion de but idéal et alambiquerait les dispositions concernées. C'est pourquoi il semble pertinent de renoncer à introduire une définition de cette notion dans la législation. Par contre, il faudra beaucoup de temps et d'expérience pour qu'une pratique se mette en place. La mise en oeuvre de la solution proposée entraînera un accroissement de la charge de travail pour les administrations fiscales et, aussi, pour les tribunaux fiscaux.

9 10

RS 210 RS 220

5228

Egalité de traitement Peuvent poursuivre des buts idéaux non seulement les associations, mais aussi d'autres personnes morales, dans la mesure où l'acte de fondation de la fondation ou les statuts de la société, d'une part, et l'activité de la fondation ou de la société, d'autre part, sont organisés dans cette optique idéale. En englobant dans la définition toutes les personnes morales, on évite que les organisations poursuivant les mêmes buts mais revêtant d'autres formes juridiques ne soient soumises à un traitement juridique différent.

1.4

Mise en oeuvre

La mise en oeuvre de la réglementation proposée relève en particulier des cantons. Il convient de leur octroyer un délai transitoire de deux ans afin qu'ils puissent adapter leur législation cantonale. A l'expiration de ce délai, le droit fédéral est directement applicable (art. 72s LHID).

1.5

Classement d'interventions parlementaires

Le classement de la motion 09.3343 déposée par Alex Kuprecht est proposé.

2

Commentaire des dispositions

2.1

Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct

Art. 66a

Personnes morales poursuivant des buts idéaux

L'objet de l'impôt sur le bénéfice est décrit dans les art. 57 à 67 de la LIFD. La plupart des dispositions permettant de déterminer le bénéfice imposable, comme la composition du bénéfice net, la description des charges et des amortissements justifiés par l'usage commercial ainsi que des provisions autorisées, sont applicables à toutes les personnes morales. Quant au nouvel art. 66a, il ne s'applique qu'aux personnes morales poursuivant des buts idéaux. Il est possible de faire valoir la limite d'imposition de 20 000 francs appliquée aux bénéfices des personnes morales poursuivant des buts idéaux indépendamment de la forme juridique de ces personnes morales. Lorsque ce montant est dépassé, le bénéfice est imposable dans sa totalité.

Etant donné que les sociétés de capitaux peuvent également poursuivre des buts idéaux, la nouvelle réglementation ne se limite, pour des questions d'égalité de traitement juridique, pas aux associations, mais est applicable à toute les personnes morales.

La condition d'application de la nouvelle réglementation est que les personnes morales affectent leurs bénéfices exclusivement et irrévocablement à des buts idéaux. On a renoncé à introduire une définition des buts idéaux dans la législation (voir ch. 1.3.2).

5229

2.2

Art. 26a

Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes Personnes morales poursuivant des buts idéaux

Dans la LHID, l'objet de l'impôt sur le bénéfice est réglé dans les art. 24 à 26.

L'art. 26a complète les dispositions générales en matière de détermination du bénéfice imposable. Cet article ne s'applique qu'aux personnes morales poursuivant des buts idéaux. Il contient une limite d'imposition s'appliquant aux bénéfices des personnes morales poursuivant des buts idéaux, limite dont la hauteur doit être fixée au niveau de la législation cantonale. L'art. 129 Cst. attribue à la Confédération la compétence de fixer les principes de l'harmonisation des impôts directs. En vertu de l'al. 2 de cet article, l'harmonisation s'étend à l'assujettissement, à l'objet et à la période de calcul de l'impôt, à la procédure et au droit pénal en matière fiscale. Par contre, les barèmes, les taux et les montants exonérés de l'impôt, notamment, ne sont pas soumis à l'harmonisation fiscale. La limite d'imposition doit être considérée comme une franchise d'imposition assortie d'une condition, à savoir que le bénéfice est exonéré tant qu'il ne dépasse pas la limite fixée par le droit cantonal.

Conformément à la nouvelle disposition de l'art. 66a LIFD, on a également renoncé à définir dans la loi la notion de but idéal.

Art. 72s

Adaptation des législations cantonales à la modification

Afin que les personnes morales qui poursuivent des buts idéaux soient exonérées de l'impôt cantonal jusqu'à un certain montant au moins ­ comme le demande l'auteur de la motion ­, il est nécessaire de s'assurer que les conditions nécessaires soient créées dans les législations cantonales. En ce qui concerne les modifications proposées ici, les cantons auront deux ans pour adapter leur législation à compter de l'entrée en vigueur des modifications. Ce laps de temps est aussi nécessaire pour que les formulaires de déclaration et les registres des impôts puissent être modifiés et mis à jour en fonction de la nouvelle législation.

En cas de retard des cantons dans l'adaptation de leur législation, la disposition prévoit d'appliquer directement le droit fédéral. Dans ce cas, le montant fixé dans la disposition concernée de la LIFD serait applicable.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes

3.1.1

Conséquences financières

Cette nouvelle solution législative entraînera une diminution supportable des recettes annuelles de l'ordre de quelques millions au total pour l'impôt fédéral direct.

Conformément à la statistique sur l'impôt fédéral direct et sur la base de la période fiscale 2010, introduire un nouvel art. 66a LIFD prévoyant une limite d'imposition de 20 000 francs concernerait quelque 70 000 personnes morales contribuables, qui se trouveraient en dessous de ce seuil (à savoir les personnes morales dont le béné5230

fice annuel est de 20 000 francs au maximum). Ces dernières acquittent à l'heure actuelle environ 40 millions de francs à titre d'impôt sur les bénéfices. Ce nombre de 70 000 personnes n'englobe pas les personnes morales qui ne réalisent pas de bénéfice imposable.

En ce qui concerne ce nombre de 70 000 sujets fiscaux, il convient cependant de préciser qu'il comporte toutes sortes de personnes morales, notamment aussi des sociétés anonymes, des sociétés à responsabilité limitée et des coopératives qui ne poursuivent pas des buts idéaux. Etant donné que cette limite d'imposition ne doit profiter qu'aux personnes morales poursuivant des buts idéaux, le manque à gagner dans le cadre de l'impôt fédéral direct ne sera probablement pas de l'ordre de 40 millions de francs, mais nettement inférieur. Cette conclusion est d'ailleurs étayée par le fait que parmi ces 70 000 contribuables, on ne compte qu'environ 4500 associations, fondations et autres personnes morales, lesquelles rapportent environ 600 000 francs d'impôt fédéral direct par année. C'est en effet dans la catégorie des associations et des fondations que l'on trouve le plus de personnes morales qui poursuivent des buts idéaux.

En ce qui concerne les impôts cantonaux et communaux, il n'est pas possible d'estimer les conséquences financières étant donné que la fixation du montant de la limite d'imposition relève de la compétence des cantons (autonomie tarifaire).

Dans un souci d'exhaustivité, on précisera que la nouvelle réglementation proposée (limite dans le cadre de l'imposition des bénéfices) pourrait entraîner des effets de seuil. Ce serait en effet le cas si une personne morale poursuivant des buts non lucratifs ne pouvait pas profiter de la limite parce que son bénéfice dépasse cette dernière de peu: elle serait alors obligée de payer l'impôt sur son bénéfice entier.

Après impôt, il pourrait donc lui rester un bénéfice inférieur à celui d'une personne morale pouvant tout juste profiter de la limite.

3.1.2

Conséquences pour le personnel

Dans le cadre de la consultation, les cantons ont donné des réponses très différentes en ce qui concerne les conséquences de ce projet pour le personnel. Douze cantons s'attendent à ce que le projet de loi proposé entraîne un accroissement des charges.

Seuls six cantons estiment que le projet n'entraînera aucune charge supplémentaire.

Les autres cantons n'ont pas donné de réponse à cette question. En ce qui concerne la charge supplémentaire, les cantons ont notamment souligné que le fait d'examiner si une activité remplit bel et bien un but idéal exigerait, lors de la taxation, que l'on examine chaque cas individuellement. Il est possible que la charge administrative augmentera lors de la phase d'introduction, durant laquelle les personnes morales poursuivant des buts idéaux demanderont à être exonérées. Dans la mesure où des critères de délimitation généralement admis se dessinent peu à peu lors de l'exécution du droit par les administrations cantonales, on peut tabler sur le fait que les besoins en ressources diminueront au fur et à mesure de l'augmentation de l'expérience en matière de taxation.

5231

3.2

Conséquences économiques

Les conséquences économiques, s'il devait y en avoir, seront négligeables. En tout état de cause, elles sont difficiles à chiffrer.

4

Relation avec le programme de la législature

Le présent projet de révision de la LIFD et de la LHID n'est mentionné ni dans le message du 25 janvier 2012 sur le programme de la législature 2011 à 201511 ni dans l'arrêté fédéral du 15 juin 2012 sur la planification de la législature12 parce qu'il est d'importance plutôt secondaire.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et légalité

Pour ce qui est des impôts directs, l'art. 128 Cst. attribue à la Confédération la compétence de percevoir un impôt fédéral direct sur le revenu des personnes physiques et sur le bénéfice net des personnes morales.

La Confédération fixe dans la LHID les principes de l'harmonisation des impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes. L'harmonisation s'étend à l'assujettissement, à l'objet et à la période de calcul de l'impôt, à la procédure et au droit pénal en matière fiscale. Les barèmes, les taux et les montants exonérés de l'impôt, notamment, ne sont pas soumis à l'harmonisation fiscale (art. 129 Cst.). La solution proposée concerne l'objet de l'impôt, qui relève de la compétence de la Confédération. En vertu de la LHID, le droit cantonal fixe la limite d'imposition dans le cadre de l'impôt sur le bénéfice.

5.2

Egalité

En droit fiscal, le précepte constitutionnel de l'égalité (art. 8 Cst.) se traduit par les principes de l'universalité de l'impôt, de l'égalité de traitement et de l'imposition d'après la capacité économique (art. 127, al. 2, Cst.). Le principe de l'égalité doit être également respecté au niveau de la loi, et un acte normatif ne saurait établir juridiquement des distinctions dépourvues de fondement raisonnable et pertinent sans le violer.

Afin de mettre en oeuvre la motion sans violer la Constitution, il y a lieu de traiter sur un pied d'égalité l'ensemble des personnes morales.

11 12

FF 2012 349 FF 2012 6667

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5.3

Compatibilité avec les obligations internationales

Le projet de modification de la LIFD et de la LHID n'a pas d'incidence sur les obligations internationales de la Suisse.

5.4

Frein aux dépenses

Le présent projet n'est pas soumis au frein aux dépenses.

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5234