Rapport 2013 du Conseil fédéral sur les activités de la politique migratoire extérieure de la Suisse du 2 juillet 2014

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons le présent rapport 2013 sur les activités de la politique migratoire extérieure de la Suisse en vous priant d'en prendre acte.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

2 juillet 2014

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Didier Burkhalter La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2014-1536

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Rapport 1

Résumé

La structure interdépartementale de coopération s'articule sur trois niveaux: premièrement, à l'échelon des directeurs et des secrétaires d'Etat, la séance plénière du groupe de travail interdépartemental sur la Migration (Plenum der Interdepartementalen Arbeitsgruppe für Migration [IAM-Plenum]); deuxièmement, à l'échelon des vice-directeurs et des chefs de division, le comité pour la collaboration en matière de migration internationale (Ausschuss für Internationale Migrationszusammenarbeit [IMZ-Ausschuss]) et troisièmement, les groupes de travail Régions, Pays et Thèmes prioritaires. Les principaux acteurs en sont le Département fédéral de justice et police (DFJP, avec l'Office fédéral des migrations, ODM, et l'Office fédéral de la police, fedpol), le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE, avec la Direction politique, DP, et la Direction du développement et de la coopération, DDC) et le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR, avec le Secrétariat d'Etat à l'économie, SECO).

La coopération interdépartementale instituée par la structure IMZ apparaît comme un gage de cohérence de la politique migratoire extérieure, rendant possible la concrétisation de projets, de mesures et de dialogues politiques menés à bien avec succès, grâce en particulier à des échanges réguliers et à l'étroite concertation entre les différentes instances fédérales impliquées, dans le cadre notamment de groupes de travail thématiques et géographiques. Cette structure offre également une plateforme utile pour relayer les différents intérêts de la Suisse en matière de migration, au nombre desquels figurent la gouvernance internationale de la migration, l'identification de liens possibles entre migration et développement, la migration régulière, la protection des réfugiés et des migrants vulnérables, le retour et la réintégration, ainsi que la prévention de la migration irrégulière.

Le présent rapport d'activité 2013 rend compte de la collaboration interdépartementale au sein des différents groupes de travail thématiques et géographiques dans le cadre de la structure IMZ .

Parmi les interventions prioritaires dans le domaine de la politique migratoire extérieure en 2013 figuraient la coopération multilatérale, le pilotage des cinq partenariats migratoires existants, la mise en
oeuvre des Programmes «Protection in the Region» et les dossiers bilatéraux dans lesquels la Suisse s'efforce de promouvoir ses intérêts par le dialogue et la coopération.

Dans le volet multilatéral, la priorité s'est a portée sur la préparation et la concrétisation de la participation suisse au Dialogue de haut niveau des Nations Unies sur les migrations internationales et le développement (UNHLD), qui a eu lieu en octobre 2013. La Suisse, représentée par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, a notamment eu l'occasion d'y présenter son approche des partenariats migratoires dans le cadre d'une table ronde co-présidée avec le Nigeria; l'événement a aussi permis de nouer de multiples contacts bilatéraux.

Dans le volet bilatéral, les partenariats migratoires ont continué à se développer en 2013, donnant l'occasion aux parties d'aborder ouvertement leurs intérêts respectifs.

Les partenariats existants feront par ailleurs l'objet d'une première évaluation en 2014, en réponse au postulat 12.3858 Amarelle.

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En application, ensuite, de la décision du Conseil fédéral de juin 2012 relative à la note de discussion «Possibilité d'établir un lien entre la politique migratoire extérieure et d'autres domaines de la collaboration bilatérale», une liste de cinq pays de provenance prioritaires a été établie. Pour ces pays, posant des problèmes persistants de coopération en matière de retour, un lien est recherché dans le cadre de la coopération interdépartementale entre la question du retour et d'autres enjeux de politique étrangère.

Enfin, la coopération avec les Etats membres de l'UE a continué à prendre de l'importance, dans le contexte de l'IMZ. Par son association à Schengen et Dublin, la Suisse est intégrée dans la coopération européenne en matière de migration et a notamment un intérêt particulier au bon fonctionnement de ces accords. Elle soutient ainsi, dans la mesure de ses possibilités, les autorités des pays de l'UE les plus touchés par la migration aux frontières extérieures, que ce soit en raison de leur situation géographique ou de leur situation politique interne.

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Principales activités 2013 de la politique migratoire extérieure de la Suisse

2.1

Dialogue multilatéral sur la migration

2.1.1

Dialogue international sur la migration

En 2013, la Suisse a poursuivi et intensifié ses activités visant au développement du dialogue international sur les migrations et le développement. Elle s'est ainsi engagée dans différents processus et forums internationaux, tels que le processus de préparation du nouvel agenda de développement post-2015. La Suisse a également poursuivi son engagement au sein du Forum Mondial sur la Migration et le Développement (FMMD) et a activement participé au processus de préparation qui s'est tenu à Genève sous la présidence suédoise en vue du sommet du FMMD de mai 2014 à Stockholm. Dans ce cadre, la Suède a entre autres organisé des discussions thématiques à Genève, notamment une discussion sur les questions de cohérence politique, co-présidée par la Suisse. Cependant, le point culminant du dialogue international sur les migrations et le développement en 2013 a été le deuxième Dialogue de haut niveau des Nations Unies sur les migrations internationales et le développement (UNHLD), qui a eu lieu dans le cadre de la 68e Assemblée générale des Nations Unies, les 3 et 4 octobre 2013 à New York.

A l'occasion du deuxième UNHLD, la Suisse, représentée par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, a fourni une contribution substantielle pour jeter des ponts entre les intérêts des différents pays. Ceci a contribué à un dialogue reconnaissant la nécessité de travailler en partenariat pour trouver des solutions communes aux défis que soulève la migration internationale (lutte contre la traite des êtres humains, nécessité de mieux protéger les populations migrantes, nécessité de combattre les perceptions négatives de la migration), tout en renforçant les aspects positifs que présente la migration (contribution au développement des pays d'origine et de destination, nécessité d'engager la diaspora, etc.). Le Dialogue de haut niveau a, en outre, permis à la Suisse de présenter sa position concernant l'importance d'inscrire la migration dans l'agenda de développement post-2015. Grâce à son engagement au niveau international, par la co-présidence de la consultation globale sur les dynamiques de populations, qui incluait les migrations, ainsi qu'en raison du travail de 5791

fond mené en Suisse même, la migration constitue l'un des thèmes prioritaires de la position du Conseil fédéral pour le processus post-2015. Lors de l'UNHLD, les Etats ont souligné l'intérêt de voir la migration intégrée dans ce nouvel agenda de développement.

Face à la tragédie de Lampedusa survenue le jour même de l'ouverture du Dialogue de haut niveau, la communauté internationale a reconnu l'importance de s'engager afin de mieux protéger les droits de l'homme des migrants. La Suisse a souligné l'importance d'une approche coordonnée et pragmatique permettant de mieux protéger les droits des migrants et la responsabilité des Etats à cet égard. En ce sens, la Suisse a poursuivi en 2013 son engagement dans le cadre de l'initiative Nansen, un processus consultatif mené par les Etats et co-présidé par la Suisse et la Norvège et visant à élaborer un agenda de protection pour les personnes déplacées au-delà des frontières nationales dans le contexte de catastrophes naturelles.

Tout au long de l'année 2013, la Suisse s'est fortement engagée en vue de l'UNHLD au niveau des processus tant régionaux que globaux. Dans ce cadre, elle a eu l'occasion d'étoffer considérablement le réseau de relations qu'elle entretient à travers le monde avec des acteurs étatiques ou non étatiques. Un tel réseau permet aux gouvernements, aux organisations internationales et à la société civile de partager les connaissances et expériences acquises dans le domaine de la migration et du développement. Différentes rencontres bilatérales ont eu lieu en marge de l'UNHLD, permettant d'aborder des questions concrètes de coopération bilatérale en matière de migration avec des pays-clés pour la Suisse.

Finalement, la Suisse a aussi joué un rôle-clé dans les négociations menées par le Mexique, qui ont abouti à l'adoption d'une déclaration par les Etats membres des Nations Unies à l'issue du Dialogue. Ce texte ­ la première déclaration sur la migration et le développement adoptée aux Nations Unies ­ reflète les priorités communes de la communauté internationale concernant des thématiques d'importance globale et des principes d'actions-clés ainsi que les rôles et responsabilités des acteurs impliqués dans ce domaine, donnant une direction commune au développement futur du dialogue en matière de migration et développement. Les thématiques
d'importance globale soulevées sont: la protection des droits des migrants, la lutte contre la traite des êtres humains, la migration du travail et la protection des travailleurs migrants, les perceptions publiques de la migration, l'intégration de la migration dans les agendas de développement national et international (post-2015), le renforcement des données factuelles sur la migration, les remises de fonds, la diaspora, l'approche partenariale et la coopération entre les différents acteurs impliqués dans le domaine de la migration tant au niveau national qu'international (Etats, agences et institutions onusiennes, organisations internationales, secteur privé, société civile, monde académique, migrants).

Si le Dialogue de haut niveau a certainement permis à la communauté internationale de prendre conscience des progrès tangibles effectués depuis le premier dialogue de haut niveau en 2006, des efforts demeurent nécessaires pour engager plus activement un certain nombre d'Etats, notamment les pays du BRICS1. Le niveau de coopération interdépartementale peut être considéré comme excellent dans ce dossier. Toutefois, force est de constater que les politiques et discussions au niveau global ne se reflètent pas toujours dans les discussions et politiques développées au 1

Soit le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud.

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niveau national, et vice versa. Il s'agira d'essayer à l'avenir d'améliorer la concordance entre ces deux niveaux de dialogue, p. ex. en explorant des pistes pour optimiser les flux d'informations entre les acteurs de l'administration fédérale qui participent aux discussions aux niveaux national et international.

2.1.2

Dialogue régional sur la migration

La Suisse s'engage également dans des processus régionaux tels que les processus de Rabat, de Prague et de Budapest. En 2013, l'attention s'est focalisée plus particulièrement sur le processus de Budapest.

Le processus de Budapest est un forum consultatif qui rassemble aujourd'hui plus de 50 pays, auxquels s'ajoutent dix organisations internationales. Institué il y a plus de 20 ans, il sert de plateforme au dialogue intergouvernemental sur la migration. Le processus de Budapest, dont l'objectif est d'élaborer des systèmes de migration pérennes dans les pays concernés, se concentrait à l'origine sur les pays du sud-est de l'Europe, puis sur la région de la mer Noire. Depuis 2010, il subit un nouveau recentrage géographique sur les pays (de transit et d'origine) situés le long de la route de la soie, qui sont des pays à fort potentiel de migration irrégulière pour l'Europe.

Le 19 avril 2013 s'est tenue à Istanbul, sous la présidence turque, la cinquième conférence ministérielle du processus de Budapest, à laquelle a pris part la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga. La conférence, qui a eu lieu à l'occasion des 20 ans d'existence du processus, devait aussi permettre de le recentrer officiellement sur la région de la route de la soie. Ce recentrage a été scellé par l'adoption de la Déclaration d'Istanbul, laquelle identifie les champs prioritaires de coopération en matière de migration tels que la migration et mobilité, la migration et développement, la migration irrégulière, l'intégration, la traite des êtres humains ou encore la protection internationale. La Turquie, qui assume actuellement la présidence du processus, est aussi le premier pays de transit vers l'Europe occidentale et constitue à ce titre un pont stratégique majeur entre l'Occident et les pays de la route de la soie. La Suisse soutient financièrement le secrétariat du processus, de même qu'un vaste programme destiné à renforcer les structures migratoires des pays de la région, notamment en Afghanistan et au Pakistan.

2.2

Partenariats migratoires

2.2.1

Introduction

Pour mieux tenir compte de la complexité de la migration et de la diversité de ses formes, la Suisse s'est dotée, en 2008, de l'instrument du partenariat migratoire.

Inscrit dans la nouvelle loi sur les étrangers depuis le 1er janvier 2008, à l'art. 100, al. 1, de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr)2, cet instrument permet à la Suisse de poursuivre ses intérêts dans ce domaine, en les conciliant avec ceux du pays partenaire. En ce sens, un partenariat migratoire est l'expression de la volonté concertée de deux pays d'élargir et d'approfondir leur coopération dans le 2

RS 142.20

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domaine de la migration. L'idée est de rechercher, par le dialogue, des solutions constructives pour répondre aux défis de la migration (migration irrégulière, réadmission, traite des êtres humains, etc.), tout en s'efforçant d'en exploiter les bénéfices économiques, sociaux et culturels (migration et développement, y compris le rôle de la diaspora, migration régulière, p. ex. par le biais de visas ou par la conclusion d'accords de stagiaires). Cette démarche nécessite non seulement l'implication de plusieurs ministères ou départements, mais aussi une coordination étroite entre ces derniers. La coopération s'appuie, dans ce cadre, sur un mémorandum d'accord (Memorandum of Understanding ou MoU), soit un accord-cadre de coopération sur différents aspects de la migration. Un partenariat migratoire comprend aussi des programmes et projets concrets se rapportant directement à la migration.

Les partenariats migratoires conclus avec la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, le Nigeria et la Tunisie sont régulièrement cités en exemples dans les débats nationaux et internationaux, lorsque sont évoqués les défis et les opportunités de la migration. Dans le cadre international de l'UNHLD, la Suisse a ainsi co-présidé avec le Nigeria une table ronde sur le thème des partenariats migratoires et de la cohérence, qui a permis à la communauté internationale intéressée de se faire une idée précise de cet instrument. En Suisse, l'attention a porté, en 2013, sur les évolutions que connaît actuellement le domaine de l'asile et sur les mesures prises par la Confédération pour y répondre.

En exécution du postulat 12.3858 Amarelle, l'instrument des partenariats migratoires en tant qu'outil de la politique migratoire extérieure de la Suisse doit du reste faire l'objet, pour la première fois en 2014, d'une évaluation approfondie, cinq ans après la signature des premiers accords. Il s'agira notamment, au cours de cette évaluation, d'observer dans quelle mesure les partenariats migratoires répondent aux attentes et aux intérêts de la Suisse et de l'Etat partenaire.

2.2.2

Partenariat migratoire avec la Tunisie

La réalisation du partenariat migratoire avec la Tunisie, conclu en juin 2012, s'est poursuivie cette année par la tenue de la deuxième réunion de mise en oeuvre, qui s'est déroulée en juin 2013 à Tunis. Cette réunion a permis de procéder à un tour d'horizon des divers projets mis en oeuvre avec les autorités tunisiennes, tant dans le domaine de la migration régulière, de la protection et de la prévention de la migration irrégulière que de la migration et développement. Le programme d'aide au retour volontaire en faveur des ressortissants tunisiens relevant du domaine de l'asile a également été abordé, notamment pour souligner le nombre élevé de ses participants (du 15 juillet 2012 au 31 octobre 2013: 702 retours). Par ailleurs, un échange a eu lieu sur les défis rencontrés par les deux pays dans le domaine migratoire, soit notamment, pour la Suisse, les questions d'identification et d'établissement de laissez-passer pour les retours non-volontaires, et pour la Tunisie, les migrants en provenance d'Afrique subsaharienne et la fermeture du camp de Shousha au sud du pays. A cet égard, il est à relever que le projet visant le retour volontaire vers leur pays d'origine des personnes du camp de Shousha a été étendu aux ressortissants d'Etats tiers sur le territoire tunisien et a également permis de soutenir près de 200 personnes sauvées en mer.

En outre, une attention toute particulière a été accordée à la mise en place du projet «Communauté tunisienne résidente en Suisse» (CTRS), projet visant à favoriser 5794

l'engagement de la communauté des tunisiens en Suisse pour le développement de la Tunisie. Ce projet servira également, parallèlement à d'autres actions avec p. ex. la Chambre de commerce tuniso-suisse, à faciliter, le moment venu, la mise en oeuvre de l'accord relatif à l'échange de jeunes professionnels. A noter toutefois que l'entrée en vigueur dudit accord est liée à celle de l'accord de coopération en matière de migration. Or, ce dernier n'a pas encore été ratifié. Il règle les questions liées à la réadmission et à la réintégration de ressortissants tunisiens en situation irrégulière en Suisse. Contrairement au partenariat migratoire qui nécessite l'implication d'autres départements (par ex. DFAE, DFE) et qui couvre aussi d'autres aspects de la migration, au-delà de celui du retour, cet accord de coopération en matière de migration est de la seule compétence du DFJP (ODM).

La Suisse soutient aussi, entre autres, divers projets de prévention de la migration irrégulière (p. ex: présentation d'une pièce de théâtre accompagnée de séminaires de discussion sur les risques de la migration) ou de capacity building, notamment dans le cadre du projet «Protection sensitive Border Management», visant le renforcement des capacités des autorités tunisiennes pour une gestion des frontières qui garantisse le respect des droits des migrants.

La deuxième réunion d'experts, qui devait se tenir début décembre 2013 à Berne, a dû être reportée à brève échéance à la demande de la Tunisie, suite à la décision de l'Assemblée nationale constituante (ANC) tunisienne, à la mi-novembre 2013, de reporter la ratification de l'accord de migration. Cet accord, qui fait partie intégrante du partenariat migratoire, s'appuie sur le protocole d'entente y relatif, signé en juin 2012 et en vigueur depuis. Selon la partie tunisienne, ce report de ratification ne signifierait pas le rejet de l'accord en tant que tel, mais serait à mettre sur le compte d'une information insuffisante de l'ANC par le gouvernement tunisien, à quoi s'ajoute le fait que le débat devant l'ANC intervenait à un moment inopportun ­ au moment où se multipliaient les critiques, de la société civile en particulier, sur le partenariat de mobilité entre la Tunisie et l'UE.

En dépit de cet incident, aucune des parties ne remet en cause le principe du partenariat
migratoire. Il conviendra néanmoins de suivre de près les évolutions en Tunisie et de réfléchir aux démarches à entreprendre en 2014, en fonction des scénarios qui pourront se produire. Le Parlement tunisien a approuvé l'accord de coopération en matière de migration en avril 2014. La ratification formelle n'a toutefois pas encore eu lieu. Même s'il n'a pas encore été ratifié, l'accord est appliqué de facto et la collaboration peut être qualifiée de bonne. Ainsi, des rapatriements par vols de ligne et vols spéciaux ont pu être effectués, des rapatriements qui ne sont pas envisageables vers d'autres pays de la région. En revanche, le processus d'identification des ressortissants présumés tunisiens demeure fastidieux. Ceci s'explique davantage par des infrastructures insuffisantes dans ce domaine que par un manque de volonté des autorités. Enfin, il est à signaler que le nombre de demandes d'asile en provenance des ressortissants tunisiens a fortement diminué par rapport à 2011 et 2012.

2.2.3

Partenariat migratoire avec le Nigeria

Le partenariat migratoire entre la Suisse et le Nigeria s'est renforcé au cours de l'année 2013. La réunion du Joint Technical Committee (JTC) de juin 2013, menée par le Directeur de l'ODM et le Chef de la Division Afrique subsaharienne et Francophonie du DFAE, a permis de discuter des projets du partenariat migratoire qui 5795

portent notamment sur le soutien aux processus migratoires régionaux et nationaux, sur l'appui aux autorités migratoires nigérianes, ou encore sur la protection des déplacés internes. Cette initiative a également permis de discuter de projets migratoires novateurs: citons p. ex. la coopération entre l'ODM et Nestlé Nigeria, un partenariat public-privé soutenant la formation technique de treize jeunes nigérians dont les cinq meilleurs ont pu participer à un stage pratique en Suisse durant l'été 2013. Aussi, le projet avec la diaspora du Nigeria s'est significativement développé en 2013. Des contrats avec trois institutions de formation professionnelle à Lagos ont été signés et les engagements des premiers volontaires de la diaspora dans ces institutions sont prévus pour début 2014. Enfin, les discussions menées au cours du JTC ont abouti à une réorientation du programme de coopération policière placé sous la responsabilité de Fedpol.

Un plan d'action conjoint comprenant des mesures pour lutter contre la migration irrégulière et pour optimiser la coopération dans le domaine du retour a été adopté au cours du JTC. Ce plan d'action s'inscrit, d'une part, dans la mise en oeuvre par l'ODM de la procédure fast-track en avril 2013 pour accélérer le traitement des demandes d'asile déposées par des ressortissants nigérians en Suisse (le Nigeria étant le premier pays de provenance des requérants d'asile au premier trimestre 2013). D'autre part, ce plan d'action opère un changement de paradigme à propos du programme d'aide au retour volontaire et à la réintégration. En effet, à partir du 1er août 2013, seuls les candidats s'inscrivant au programme à partir des centres d'enregistrement et de procédure bénéficieront des prestations intégrales. Dès le transfert d'un requérant dans un canton, seules les prestations de l'aide au retour individuelle lui seront accordées. De manière générale, l'amélioration de la coopération dans le domaine du retour s'est poursuivie en 2013, et elle est, à présent, jugée très satisfaisante par l'ODM.

Enfin, la Suisse et le Nigeria ont co-présidé une table ronde officielle à propos des mécanismes de coopération dans le domaine migratoire, notamment au sujet de la cohérence et des partenariats en matière de migration, lors du deuxième Dialogue de haut niveau des Nations Unies sur
les migrations internationales et le développement, qui s'est tenu à New York en octobre 2013 (cf. ch. 2.1.1). Cela a permis à la Suisse de présenter de manière concrète son approche innovatrice des partenariats migratoires ainsi que son approche globale de la migration au travers de la coopération interdépartementale (whole of government approach).

Les développements décrits témoignent de la bonne coopération entre la Suisse et le Nigeria dans le domaine migratoire, une situation à laquelle le partenariat migratoire a grandement contribué ces dernières années et en 2013. La coopération entre les deux pays s'est aussi renforcée sur d'autres dossiers (ceux, par ex., de l'économie et des droits de l'homme) et les contacts se sont intensifiés, notamment sous forme de consultations politiques au niveau secrétaire d'Etat. Sachant que le Nigeria restera sans doute un pays à forte pression migratoire ­ eu égard aux nombreux problèmes auxquels il fait face, conjugués à une très forte évolution démographique ­ une coopération partenariale avec les autorités nigérianes restera de rigueur, dans le cadre d'une approche holistique du partenariat migratoire.

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2.2.4

Partenariat migratoire avec les pays des Balkans occidentaux

Les trois partenariats migratoires conclus dans les Balkans occidentaux, à savoir avec la Serbie, la Bosnie et Herzégovine et le Kosovo se sont renforcés en 2013 pour s'inscrire dans une dynamique partenariale inclusive. Les échanges réguliers, dont la pertinence s'est vérifiée dans les différents partenariats, se sont établis sous forme de dialogues migratoires bilatéraux. Ces échanges, qui ont lieu deux fois par an, permettent d'aborder les multiples facettes de la migration et en particulier les domaines nécessitant un approfondissement de la coopération en matière de migration.

Les accords de réadmission conclus avec la Serbie, la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo sont mis en oeuvre de manière efficace et permettent d'établir, généralement dans un délai raisonnable, un laissez-passer pour les personnes tenues de quitter la Suisse. Depuis l'introduction de la procédure en 48 heures en août 2012, les demandes d'asile en provenance de Serbie et de Bosnie-Herzégovine affichent un recul sensible. Le nombre des demandes déposées par des Bosniens a ainsi reculé à 221 en 2013, contre 515 en 2012. Le 25 mars 2013, la procédure en 48 heures s'est étendue aux demandes en provenance du Kosovo, étant précisé que cette procédure implique une réduction au minimum de l'aide au retour pour les demandes déposées ultérieurement à cette date. La tendance des demandes d'asile en provenance du Kosovo est par ailleurs à la baisse depuis septembre 2013, soit entre 30 et 50 demandes par mois. Le Kosovo, la Bosnie et Herzégovine et la Serbie ont tout intérêt à voir ces demandes baisser, puisque le premier souhaite une levée de l'obligation de visa et, les deux autres, la non-activation de la clause de sauvegarde.

Outre l'accélération des procédures, la procédure en 48 heures vise aussi à sensibiliser les pays d'origine à la question de la réintégration de leurs ressortissants, tout en les soutenant par des mesures d'accompagnement. Dans cette optique, la Suisse a apporté en 2013 son soutien aux trois pays des Balkans occidentaux concernés par un partenariat migratoire en finançant une vingtaine de projets, dont p. ex. la «Public Information Campaign on Irregular Migration in Kosovo». Ce projet consiste en une campagne menée par les institutions du Kosovo dans le but de faire changer les mentalités et de faire comprendre
aux jeunes Kosovars que l'émigration n'est pas aussi séduisante qu'il n'y paraît. Le projet «Integrated Support Programme for Reintegration of Returnees under Readmission Agreement» est un deuxième exemple de projet soutenu par la Suisse en 2013. Il a pour but la mise en place, en Bosnie, d'une structure institutionnelle au niveau municipal, destinée à la réception des personnes de retour au pays, puis à leur réintégration.

Dans le cadre du partenariat migratoire avec la Serbie, un séminaire intitulé «Migration and Asylum Law and Operational Challenges in Serbia», a été organisé, pour la première fois en novembre 2013, par le Sanremo International Insitute of Humanitarian Law (IIHL) sur l'impulsion du «Commissariat for Refugees» serbe. Celui-ci a donné l'occasion d'échanges différenciés sur des questions d'asile et de migration de première actualité, et mis en lumière les défis de taille auxquels fait aujourd'hui face la Serbie, notamment en termes de flux migratoires mixtes et de traite des êtres humains.

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2.3

Programmes pour la protection des réfugiés dans leur région d'origine

2.3.1

Introduction

Sur environ 15 millions de réfugiés dans le monde, près de 75 % se trouvent dans des pays qui n'ont pas de capacités suffisantes pour accueillir des réfugiés en grand nombre, ni même leur apporter une protection efficace. C'est précisément pour répondre à ce défi que la Suisse a développé, en 2007, un instrument de politique migratoire extérieure destiné à protéger les réfugiés dans leur région d'origine (protection in the region [PiR] en anglais). Objectif: aider les pays de premier accueil à renforcer leurs capacités de protection, pour pouvoir protéger rapidement et efficacement sur place les personnes à protéger en vertu du droit international et prévenir la migration secondaire irrégulière, souvent dangereuse. Les priorités d'intervention des programmes PiR se situent aujourd'hui dans deux régions: 1. la région de la Corne de l'Afrique et du Yémen, traversée par des flux migratoires mixtes (mouvements simultanés de demandeurs d'asile et de migrants), et 2. les pays limitrophes de la Syrie, à savoir la Jordanie, le Liban et la Turquie, pays dans lesquels on a assisté cette année à d'importants déplacements de populations fuyant les conflits dans la région.

2.3.2

Syrie et pays limitrophes

Face à la précarité des réfugiés et des migrants vulnérables en Syrie et dans les pays environnants, la Suisse a décidé, en 2013, d'augmenter son aide financière à ces pays et d'y renforcer son engagement par des mesures ciblées. Dans ce cadre, l'ODM a financé des projets à hauteur de quelque 4 millions de francs en Jordanie, au Liban et en Turquie; la division Sécurité humaine du DFAE (DSH) a soutenu des projets de migration pour plus d'un quart de million dans la région et, depuis le début de la crise, le domaine de direction Aide humanitaire de la DDC a affecté en tout 55 millions de francs à l'aide humanitaire en faveur des victimes du conflit syrien, apportant ainsi une contribution décisive aux plans humanitaires de l'ONU pour la Syrie. Les projets de PiR soutenus visent, pour l'essentiel, à renforcer les capacités institutionnelles des autorités locales (jordaniennes et libanaises en premier lieu), et, partant, améliorer les dispositifs de protection et l'accès aux services de base. Les projets cherchent systématiquement à intégrer les populations d'accueil parmi les bénéficiaires, ceci afin d'éviter que ne se développe une hostilité vis-à-vis des réfugiés. C'est ainsi que le projet de réhabilitation de 21 écoles en Jordanie va profiter à 18 000 Syriens et Jordaniens âgés de 9 à 17 ans. Autre exemple, un projet de la Banque Mondiale ­ pour lequel la Confédération participe à hauteur de 2 millions de francs ­ vise à renforcer la résilience de 6 municipalités jordaniennes parmi les plus exposées au flux de réfugiés syriens, afin qu'elles puissent augmenter leurs services de base (gestion des déchets, renforcement du service des eaux et des services sanitaires).

Les instabilités en Syrie et leurs répercussions sur l'ensemble de la région ont rendu particulièrement difficile le déploiement d'activités dans le cadre de programmes de PiR. Alors que rien ne laisse espérer une fin prochaine du conflit, l'accueil des réfugiés pose un problème réel aux pays limitrophes de la Syrie et serait impossible à gérer sans l'aide de la communauté internationale. Face à l'ampleur de la crise des 5798

réfugiés, nombre de pays recherchent, en premier lieu, à obtenir de l'aide humanitaire et ne sont guère en état d'évoquer ­ et encore moins d'appliquer ­ les principes de protection à plus long terme. Pour pouvoir répondre rapidement, adéquatement et avec la souplesse voulue aux scénarios qui pourraient se produire, les instances fédérales impliquées (en particulier l'ODM, la DDC et la DP) s'efforcent, dans le cadre du Groupe de Travail PiR Syrie/Liban/Jordanie, d'analyser en continu les développements dans la région, et définiront en 2014 un plan d'urgence (contingency planning) pour les différents champs d'activités à court, moyen et long terme.

Sur le plan des mesures concrètes, le DFJP a décidé d'assouplir, pour une période de trois mois (septembre­novembre 2013), la procédure d'obtention de visas pour les ressortissants syriens ayant des parents en Suisse. Cette mesure devait permettre d'accueillir rapidement et sans formalités excessives des membres de familles syriennes touchés par la guerre pour un séjour temporaire en Suisse. 8196 demandes de visa avaient ainsi été déposées à fin 2013. Sur ce nombre, 1835 demandes ont été reçues et 484 rejetées. 5877 demandes étaient pendantes au 31 décembre 2013. Dans les faits, 1157 personnes sont entrées en Suisse dans le cadre d'une procédure de visa facilitée. Sur ce nombre, 692 ont déposé une demande d'asile à leur arrivée. Le Conseil fédéral a, par ailleurs, fait savoir en septembre 2013 que, dans le cadre du projet d'accueil et d'intégration de groupes de réfugiés (projet pilote limité à trois ans), la priorité serait donnée aux réfugiés particulièrement touchés par le conflit syrien. Cette priorité traduit le souhait de la Suisse de voir se créer des synergies entre les programmes de PiR et l'accueil de groupes de réfugiés. En effet, la réinstallation joue un rôle symbolique important en complément aux efforts de renforcement des capacités de protection sur place. Cet instrument est de nature à renforcer la dimension partenariale d'un engagement suisse.

2.3.3

Engagement de la Suisse dans la Corne de l'Afrique et au Yémen

La Corne de l'Afrique et le Yémen sont traversés par d'importants flux migratoires.

La stratégie 2013­2016 de la Suisse en matière de migration s'articule, pour cette région, autour de trois axes: renforcement de l'engagement pour protéger les réfugiés dans leur région d'origine, coopération avec la diaspora dans le développement des régions d'origine et soutien du dialogue régional sur la migration par l'intermédiaire de l'Intergovernmental Authority on Development (IGAD), l'autorité intergouvernementale pour le développement qui réunit huit Etats de la Corne de l'Afrique. Le concept de PiR, en tant qu'instrument de politique migratoire, s'inscrit également dans les programmes de coopération 2013­2016 définis pour le Yémen, le Soudan et le Sud-Soudan. Des projets ont ainsi été déployés dans la Corne de l'Afrique et au Yémen en 2013 pour améliorer les conditions de protection, les conditions de vie et les perspectives d'intégration et de revenus des réfugiés, des migrants vulnérables et des déplacés internes. Le dialogue et la coopération avec l'IGAD se sont intensifiés et des progrès substantiels ont été réalisés dans les négociations sur les contributions suisses au programme migratoire de l'IGAD: celles-ci sont essentiellement affectées à la concrétisation du cadre régional de politique migratoire de l'IGAD (cadre approuvé par ses pays membres), au renforcement des plateformes et des mécanismes de consultation nationaux et régionaux et enfin au développement institutionnel des fonctions migratoires au sein de l'IGAD.

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L'engagement de la Suisse dans le cadre de programmes de PiR repose sur le principe que l'action humanitaire déployée pour protéger les réfugiés, les migrants et les déplacés internes dans leur région d'origine gagnera en efficacité et en pérennité si l'on renforce, en parallèle, la dimension politique de la migration, en y intégrant également des enjeux spécifiques de développement. Les efforts déployés auprès des gouvernements concernés pour engager un dialogue bilatéral sur des enjeux de migration et de protection n'ont guère abouti en 2013. Les difficultés rencontrées tiennent notamment à la présence restreinte de la Suisse sur place (par ex. au Yémen), à l'attitude sceptique des pays d'origine et de premier accueil quant à l'utilité de telles discussions (dans le cas, par ex., de l'Ethiopie), ou encore à l'ampleur des défis migratoires, comme des défis de politique nationale auxquels font aujourd'hui face certains pays. C'est pourquoi ce dialogue est mené, avant tout, indirectement par l'intermédiaire d'organisations internationales, régionales ou locales, qui s'efforcent de faciliter la coopération avec les pays concernés ou avec d'autres acteurs importants, et qui sont ainsi bien placés pour relayer les intérêts de la Suisse dans ce domaine.

2.4

Mise en application de la décision du Conseil fédéral relative à la note de discussion «possibilités d'établir un lien entre la politique migratoire extérieure et d'autres domaines de la collaboration bilatérale»

En application de ladite décision du Conseil fédéral, prise en juin 2012, l'ODM a dressé en 2013 une liste actualisée de pays prioritaires dans la perspective du retour (à savoir l'Algérie, l'Ethiopie, l'Iran, le Maroc et la Mongolie), sur la base d'une appréciation quantitative et qualitative de la coopération en matière d'exécution des renvois. Sur cette base les responsabilités et processus respectifs ont été définis sous forme de directives, de même qu'une stratégie d'information afin d'assurer la mise en oeuvre cohérente de la décision du Conseil fédéral au sein de l'administration fédérale. L'idée est de rechercher, pour ces pays, des points de rattachement entre les intérêts de politique migratoire de la Suisse et d'autres enjeux de politique étrangère (pour autant qu'opportun). Ceci pour se donner plus de marge de négociation, notamment lorsque la question des retours pose à l'ODM un problème majeur que le département compétent n'est pas en mesure de régler seul. Pour ces pays, de premiers points de rattachement ont ainsi été définis en concertation avec divers services fédéraux, compte tenu de leurs relations politiques respectives.

Dans les contacts bilatéraux, techniques comme politiques, il sera ainsi veillé, dorénavant, à évoquer régulièrement ­ si possible systématiquement ­ l'intérêt de la Suisse à une meilleure coopération en matière de retour. Parallèlement, les représentations suisses à l'étranger seront consultées quant aux secteurs dans lesquels les Etats partenaires seraient intéressés à coopérer, outre celui de la migration. La prise de nouveaux engagements et le soutien ­ notamment financier ­ de projets concrets dans les secteurs identifiés pourront ainsi être corrélés à une coopération plus étroite en matière de retours. Ce faisant, l'ensemble des intérêts politiques de la Suisse seront pondérés (intérêts en matière de politiques étrangère, économique, migratoire et de développement).

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2.5

Dialogues migratoires avec les pays nord-africains

2.5.1

Dialogue migratoire avec le Maroc

Le rapport IMZ 2011/20123 faisait déjà état du blocage de la coopération avec le Maroc sur le dossier des retours. Des entretiens ont eu lieu en 2013 avec les autorités marocaines compétentes, en juin dernier d'abord à Rabat, puis en novembre en Suisse. Lors de ces entretiens, il a été décidé de créer deux groupes de travail distincts pour examiner les intérêts respectifs de la Suisse et du Maroc. Il a aussi été question d'améliorer la coopération opérationnelle en matière de retours. En dépit de ces entretiens, la coopération maroco-suisse ne s'est toutefois pas améliorée sur ce point: la situation s'est même dégradée par rapport à 2012. A contre-courant de la tendance générale en matière d'asile, le nombre de requérants en provenance du Maroc est ainsi reparti à la hausse de 14,7 % en 2013, pour s'établir à 1065. Le Maroc atteignait ainsi, pour la première fois, le cinquième rang des pays de provenance. Sur la même période, on dénombrait à la fin 2013 330 décisions de renvoi en attente d'exécution, soit une hausse de 67 % sur un an. Autant de faits qui ont poussé à inscrire, en 2013, le Maroc sur la liste des pays prioritaires en matière de retour.

Pour évoluer vers une coopération constructive avec le Maroc sur le dossier de la migration, des contacts et des consultations politiques de haut niveau ont eu lieu en 2013. En déplacement à Rabat en janvier 2013, dans le cadre des consultations politiques maroco-suisses, le secrétaire d'Etat suisse aux affaires étrangères Yves Rossier, a ainsi appelé son homologue marocain à une meilleure coopération. Ce message a été réitéré par le conseiller fédéral Didier Burkhalter lors de sa visite à Rabat, en septembre 2013, à l'occasion de la signature d'un accord-cadre de coopération au développement entre les deux pays. Puis, en octobre, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a délivré le même message, lors de sa rencontre avec le ministre marocain du Travail, en marge de l'UNHLD. La rencontre de novembre a finalement donné lieu à des engagements verbaux de la part du Maroc. Force est toutefois de constater que ces engagements n'étaient pas tenus à fin 2013 et qu'ils avaient, au contraire, été suivis d'un durcissement regrettable de la pratique consulaire en matière d'établissement de documents de voyage de remplacement dans le cadre ­ soulignons-le ­
des retours volontaires.

Parallèlement, les autorités marocaines ont demandé le soutien de la Suisse dans divers domaines ayant trait à la migration, tels que la mise en oeuvre de la nouvelle politique migratoire du Maroc, le soutien d'une étude relative à la diaspora marocaine en Suisse ainsi que des facilités dans le domaine des visas.

La nouvelle politique d'asile et d'immigration du Maroc, proposée par le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) et approuvée par le souverain marocain en septembre 2013, constitue un revirement majeur pour le Maroc. Elle s'articule autour de quatre piliers thématiques: la situation des réfugiés et des demandeurs d'asile, les étrangers en situation administrative irrégulière, la lutte contre la traite des personnes et les étrangers en situation régulière. La Suisse examinera en 2014, compte tenu de ses possibilités et de ses intérêts, dans quelle forme le Maroc pourrait être soutenu dans cette réorganisation qui doit instaurer une politique extérieure cohérente en matière de migration. L'objectif est de parvenir à une mise en oeuvre inclusive et durable de cette nouvelle politique, avec une attention particulière portée 3

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à la protection des réfugiés et des migrants les plus vulnérables qui sont, au Maroc, le plus souvent d'origine subsaharienne.

La reprise du dialogue avec le Maroc, tout comme les échanges menés mi-novembre 2013 avec une délégation de la Commission européenne, ont mis en évidence la corrélation qui existe entre l'évolution des relations officielles maroco-suisses et maroco-européennes sur le dossier migratoire. Le processus engagé s'est en effet dynamisé à partir de la mi-2013, après la signature, le 7 juin 2013, d'une déclaration politique sur le partenariat de mobilité entre l'UE et le Maroc, alors que les pays membres de l'UE connaissent des difficultés similaires à celles de la Suisse en matière de retours. Ce facteur devra être pris en compte dans la poursuite du dialogue et des négociations sectorielles avec le Maroc en 2014.

2.5.2

Dialogue migratoire avec l'Algérie

Les relations bilatérales dans le domaine migratoire entre l'Algérie et la Suisse sont ­ tout comme pour les pays de l'Union Européenne ­ difficiles. A la fin 2013, l'Algérie arrivait ainsi première au classement statistique par nombre de cas pendants au stade de l'exécution du renvoi, avec 922. Ce pays figure donc également sur la liste des pays prioritaires en matière de retour, en dépit de l'existence, depuis 2007, d'un accord de réadmission entre les deux pays. Une amélioration semble toutefois s'être dessinée ces derniers mois. C'est ainsi qu'après une longue période marquée par des contacts sporadiques, des échanges plus réguliers sont à signaler en Suisse et en Algérie depuis l'automne 2012. La reprise du dialogue a notamment été favorisée par le soutien proposé par la Suisse à l'Algérie sur des projets de réforme judiciaire et policière. C'est dans ce contexte qu'une délégation algérienne est venue à Berne en avril 2013, permettant ainsi de renouer le dialogue avec les autorités compétentes dans le domaine du retour. Au centre des discussions figurait l'application de l'accord sur la circulation des personnes (accord de réadmission) conclu en 2006 et dont la mise en oeuvre est insatisfaisante. A cette occasion, il a notamment été convenu d'organiser des rencontres régulières avec l'Ambassade, respectivement le Consulat général, pour discuter des problèmes rencontrés dans ce domaine et trouver des solutions pragmatiques. Depuis lors, l'Algérie a procédé à une vingtaine d'auditions d'identification pour des personnes ne souhaitant pas rentrer volontairement. Reste que les rencontres et les auditions mises sur pied n'ont pas amené de résultats concrets à ce jour. L'Algérie a d'ailleurs refusé de poursuivre ce type d'auditions, l'ODM persistant à exiger la présence d'un représentant de l'office aux auditions, comme l'a prescrit le Tribunal administratif fédéral. La Suisse souhaite qu'il soit procédé, au printemps 2014, à un réexamen conjoint des modalités de coopération et qu'un suivi soit donné à la rencontre bilatérale d'avril 2013.

2.6

Coopération avec les pays membres de l'UE

La Suisse est, de par son association à Schengen et Dublin, intégrée dans la coopération européenne en matière de migration. Dans ce contexte, elle a intérêt au bon fonctionnement du système Dublin, lequel détermine l'Etat compétent pour l'examen des demandes d'asile dans l'espace Schengen/Dublin. Consciente que les pressions migratoires croissantes risquent de mettre à mal ce système et soucieuse de 5802

contribuer à le renforcer, la Suisse a accru, de façon ciblée, son soutien aux pays de l'UE les plus exposés aux pressions migratoires de par leur situation aux frontières extérieures. Ce soutien est défini par référence, d'abord, aux activités du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO); il passe aussi par une participation aux opérations de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (FRONTEX). En dehors de ce cadre, la Suisse a également contribué, par la mise à disposition de moyens et d'experts, à la reconstruction du système d'asile grec. Elle s'est également engagée, lors d'une réunion d'experts en octobre 2013, à augmenter son soutien bilatéral à la Grèce dans les volets documentation sur les pays de provenance, gestion des retours et hébergement. D'autres projets déployés en Roumanie et en Pologne poursuivent le même objectif, à savoir optimiser de façon ciblée les structures d'asile; ces projets sont financés par la contribution suisse à l'élargissement, destinée à atténuer les disparités sociales et économiques dans l'UE élargie. Un projet similaire prévu en Bulgarie n'a pas vu le jour en 2013, en raison de la situation politique qui y régnait; une coopération ultérieure n'est toutefois pas à exclure, compte tenu de l'afflux croissant de réfugiés en provenance de la Syrie et des signaux lancés par la Bulgarie à cet égard. A noter que le soutien fourni à titre bilatéral est complémentaire aux activités menées par la Suisse en sa qualité d'Etat associé à Schengen/Dublin pour renforcer l'espace Schengen, notamment pour consolider ses frontières extérieures.

Compte tenu de la persistance des pressions migratoires sur les pays de l'UE, en particulier sur les pays situés aux frontières sud et sud-est de l'espace Schengen, il ne faut pas s'attendre à une amélioration prochaine, mais plutôt à une détérioration de la situation, en termes notamment d'asile et d'hébergement, avec à la clé des difficultés et des impasses qui risquent de se répercuter négativement sur les capacités de fonctionnement du système Dublin. Le soutien ciblé aux pays évoqués restera donc une priorité de la politique migratoire extérieure de la Suisse, que ce soit dans le cadre de Frontex (par ex. détachement d'une quarantaine de gardes-frontière), par sa
participation à l'EASO ou encore par sa contribution aux mécanismes de soutien financer que sont le Fonds pour les frontières extérieures et le Fonds pour la sécurité intérieure (à partir de 2014).

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Conclusions et perspectives 2014

Le 2e Dialogue de haut niveau des Nations unies sur les migrations internationales et le développement (UNHLD) d'octobre 2013 ainsi que la Déclaration adoptée dans ce cadre ont constitué des étapes importantes vers l'établissement d'un dialogue migratoire international ciblé et dynamique. Les discussions lancées ou poursuivies dans le contexte des travaux préparatoires de l'UNHLD ont donné un élan nouveau à des questions politiques importantes pour la Suisse, telles la lutte contre la traite des êtres humains ou la protection des droits des migrants. Il s'agira maintenant de donner suite aux conclusions de l'UNHLD, d'ancrer plus solidement les progrès réalisés et les enseignements dégagés dans les différents forums et processus régionaux et multilatéraux, et de les traduire dans l'action des institutions nationales.

L'UNHLD a confirmé que le phénomène de la migration était appelé à revenir plus régulièrement à l'agenda, non seulement du Forum Mondial sur la Migration et le Développement (FMMD), mais aussi de l'ONU. Un constat qui a mené à inclure la migration dans les priorités thématiques des négociations post-2015.

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Sur le plan bilatéral, il est prévu de poursuivre, d'approfondir et, au besoin, d'adapter sur certains points les cinq partenariats migratoires existants. Sachant que la stratégie des partenariats migratoires avec les Balkans occidentaux (2012­2015) touchera prochainement à sa fin, une réflexion devra être engagée sur la suite à donner à ces partenariats. En exécution du postulat 12.3858 Amarelle, l'instrument des partenariats migratoires doit par ailleurs faire l'objet, pour la première fois en 2014, d'une évaluation approfondie, cinq ans après la signature des premiers accords. La mise en oeuvre de la décision du Conseil fédéral de juin 2012 portant sur l'établissement potentiel de liens entre les dossiers migratoires et d'autres domaines de la coopération constituera également une activité prioritaire pour la période à venir. Sur la base de la liste de pays prioritaires dans la perspective du retour (Algérie, Ethiopie, Iran, Maroc, Mongolie), l'établissement de liens entre les intérêts de politique migratoire suisse et d'autres dossiers de politique extérieure lors de rencontres au niveau technique et politique doit contribuer à une meilleure coopération en matière de réadmission. Il est aussi prévu d'étudier de près les possibilités de coopération ou d'échanges avec d'autres pays (dont l'Espagne et la France) autour des meilleures pratiques dans le domaine migratoire au sujet de l'Algérie et du Maroc.

Les efforts des services fédéraux impliqués porteront, en 2014, sur la mise en oeuvre de projets (nouveaux ou en cours) de protection des réfugiés dans leur région d'origine. S'appuyant sur la stratégie retenue pour la Corne de l'Afrique, la Suisse compte institutionnaliser sa coopération avec l'IGAD (cf. ch. 2.3.3) et s'impliquer dans la réalisation de son programme migratoire; ce programme prévoit, entre autres, la concrétisation d'un cadre régional de politique migratoire et le renforcement des plateformes et mécanismes de consultation nationaux et régionaux. Eu égard à la situation particulièrement difficile des réfugiés, des migrants et des sociétés d'accueil touchés par le conflit syrien, les priorités d'intervention retenues sont le renforcement des capacités institutionnelles des pays de premier accueil et la définition de plans d'action à partir de divers scénarios de crise. En 2014,
le projet pilote de réinstallation de 500 réfugiés avalisé par le Conseil fédéral en septembre 2013 s'adressera en priorité aux victimes les plus vulnérables de la crise syrienne.

La coopération avec les pays membres de l'UE reste également une priorité de la politique migratoire extérieure de la Suisse. Un soutien à la gestion des flux migratoires via FRONTEX et EASO, de même qu'à la création de structures adéquates en matière d'asile et au maintien en état des structures et procédures en place dans les pays Dublin, est notamment prévu à ce titre. Les mesures préconisées par la Task Force Méditerranée de l'UE feront l'objet d'un soutien particulier. Enfin, il est prévu de rechercher, dans le cadre d'échanges réguliers avec la Commission européenne, des synergies entre migration et développement et d'étudier des pistes de coopération et d'actions au profit de pays tiers.

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