Rapport du Conseil fédéral sur la Charte sociale européenne révisée Donnant suite au postulat 10.3004 de la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats «Compatibilité de la Charte sociale européenne révisée avec l'ordre juridique suisse» du 12 janvier 2010 du 2 juillet 2014

Monsieur le Président du Conseil des Etats, Mesdames, Messieurs, Le 12 janvier 2010, la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats (CPE-CE) a déposé un postulat chargeant le Conseil fédéral de présenter un rapport sur la compatibilité de la Charte sociale européenne révisée avec l'ordre juridique suisse et sur l'opportunité de la signer et de la ratifier dans les meilleurs délais. Le postulat a été adopté par le Conseil des Etats le 8 mars 2010 et transmis au Conseil fédéral.

Nous portons à votre connaissance le présent rapport. Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président du Conseil des Etats, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

2 juillet 2014

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Didier Burkhalter La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2014-0775

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Condensé Le présent rapport traite du postulat 10.3004, qui charge le Conseil fédéral de présenter un rapport sur la compatibilité de la Charte sociale européenne (CSE) révisée avec l'ordre juridique suisse et sur l'opportunité de la signer et de la ratifier dans les meilleurs délais. Le rapport doit montrer concrètement quels engagements peuvent être pris et quelles réserves doivent être émises pour qu'une ratification soit conforme au droit suisse.

La CSE, qui a été adoptée en 1961 et révisée en 1996, constitue aujourd'hui l'instrument européen de référence en matière de droits économiques, sociaux et culturels. Elle est l'une des conventions phares du Conseil de l'Europe, avec la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), qui protège les droits civils et politiques.

Parmi les 47 Etats membres du Conseil de l'Europe, la Suisse figure parmi les quatre Etats à n'avoir pas ratifié la CSE (aux côtés du Liechtenstein, de Monaco et de San Marino). Pour pouvoir y adhérer, elle doit pouvoir accepter au moins six des neuf articles de son noyau dur. Considéré dans son ensemble, l'ordre juridique suisse permet de satisfaire à cette exigence. Afin d'éclaircir les questions qui restaient encore ouvertes, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et les offices fédéraux directement concernés ont mené un dialogue constructif avec le Comité européen des droits sociaux (CEDS) afin d'obtenir des informations supplémentaires sur sa pratique, ainsi que sur la marge de souplesse avec laquelle il pourrait apprécier la situation de la Suisse en cas de ratification. Il s'agissait aussi d'informer le CEDS sur les systèmes et la législation suisses, en particulier ceux qui lui sont spécifiques, tel le système de formation professionnelle initiale duale. Ces discussions ont permis de constater que, pour ce qui est des articles de la CSE que la Suisse pourrait accepter, il ne subsiste pas d'incompatibilité. D'une part du fait de la tendance à l'assouplissement de la pratique du CEDS. D'autre part du fait de la nouvelle approche du CEDS consistant à considérer les situations nationales dans leur ensemble et à laisser aux Etats parties une importante marge d'appréciation dans la mise en oeuvre du traité, particulièrement lorsque leurs acquis sociaux sont performants. Quant au doute relatif à la
compatibilité avec la CSE du système de formation professionnelle initiale duale, il a pu être éliminé. Un accord a en effet été trouvé avec le CEDS qui, reconnaissant que le système suisse de formation professionnelle initiale duale fait partie intégrante du système éducatif suisse, a constaté qu'il relevait en réalité non pas de l'art. 7 (droit des enfants et des adolescents à la protection), mais de l'art. 10 CSE (droit à la formation professionnelle), avec lequel il ne pose pas de difficulté.

En ratifiant la CSE, la Suisse ne compromettrait ni sa souveraineté ni ses compétences en matière de politique économique, sociale et culturelle. La CSE revêtant pour l'essentiel un caractère programmatoire, la Suisse maintiendrait son pouvoir de décision quant aux modalités de mise en oeuvre des dispositions qu'elle aurait acceptées.

5450

Le système de contrôle de la CSE se différencie de celui de la CEDH en ce qu'il ne prévoit pas de recours individuel auprès d'un tribunal habilité à rendre des arrêts obligatoires. Ce système repose uniquement sur les rapports périodiques des Etats parties et un dialogue pragmatique avec le CEDS, organe de contrôle de la CSE composé d'experts. Lorsque le CEDS constate une non-conformité aux dispositions de la CSE et que l'Etat en question n'en tient pas compte, le moyen ultime dont dispose alors le Conseil de l'Europe consiste en une recommandation de nature politique et juridiquement non contraignante du Comité des ministres à l'égard de cet Etat. Ce dialogue institutionnalisé avec le CEDS est comparable à celui que les Etats, dont la Suisse, entretiennent avec les organes de contrôle des traités des Nations Unies en matière de droits de l'homme.

La CSE se différencie également de la CEDH par son système de ratification «à la carte». Pour pouvoir ratifier la CSE, un Etat n'est pas obligé d'accepter toutes ses dispositions. Il peut se limiter à accepter intégralement au moins six des neuf articles que comporte son noyau dur, selon son choix. L'acceptation à choix d'un certain nombre de dispositions supplémentaires n'appartenant pas au noyau dur est en outre requise.

L'examen de la conformité de la CSE avec l'ordre juridique suisse montre que la Suisse n'est pas en mesure d'accepter les art. 12 «droit à la sécurité sociale», 13 «droit à l'assistance sociale et médicale» et 19 «droit des travailleurs migrants et de leurs familles à la protection et à l'assistance»; la question de l'acceptation de ces articles n'est donc pas à l'étude. Par contre, les art. 1, 5, 6, 7, 16 et 20 sont acceptables pour la Suisse sans que des modifications législatives soient nécessaires.

Par conséquent, d'un point de vue juridique, il est aujourd'hui possible d'accepter six des neuf articles du noyau dur. Le Conseil fédéral se prononcera sur le principe d'une ratification de la CSE lors d'une prochaine étape, après que le Parlement aura pris acte du présent rapport.

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Table des matières Condensé

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1

Mandat: le postulat 10.3004

5453

2

Historique des interventions parlementaires pour la ratification de la CSE

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3

Signification politique de la CSE

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4

Les droits garantis par la CSE

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5

Nature juridique des droits garantis par la CSE

5457

6

Modalités de ratification de la CSE

5457

7

Le système de contrôle et les conséquences de la CSE sur le droit interne 7.1 Le Comité européen des droits sociaux 7.2 Le Comité gouvernemental et le Comité des ministres 7.3 L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe 7.4 Conclusion

5458 5458 5459 5460 5460

8

9

Analyse de conformité entre le droit suisse et la CSE révisée 8.1 Articles du noyau dur 8.1.1 Dialogue avec le CEDS 8.1.2 Commentaire des dispositions 8.1.3 Récapitulatif des dispositions du noyau dur que la Suisse peut s'engager à accepter 8.2 Sommaire récapitulatif de la conformité du droit suisse avec les dispositions supplémentaires de la CSE

5461 5461 5461 5462

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

5495

5494 5494

10 Répercussions pour les cantons et les communes 10.1 Résultats de la consultation technique des cantons 10.2 Conséquences économiques

5496 5496 5498

11 Constitutionnalité

5498

12 Conclusion finale

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Annexes: I Schéma du système de contrôle II Texte des articles du noyau dur de la CSE révisée

5500 5501

5452

Rapport 1

Mandat: le postulat 10.3004

Le 12 janvier 2010, la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats (CPE-CE) a adopté le postulat 10.3004 chargeant le Conseil fédéral de présenter un rapport sur la compatibilité de la Charte sociale européenne (CSE) révisée avec l'ordre juridique suisse et sur l'opportunité de la signer et de la ratifier dans les meilleurs délais. Le rapport doit montrer concrètement quels engagements peuvent être pris et quelles réserves doivent être émises pour qu'une ratification soit conforme au droit suisse. Le 24 février 2010, le Conseil fédéral a proposé d'accepter le postulat. Le Conseil des Etats a adopté le postulat le 8 mars 2010.

Selon le postulat, ce rapport aurait idéalement dû être présenté avant la fin de la présidence du Conseil de l'Europe par la Suisse, mais au plus tard avant la fin de l'année 2010. Le DFAE a bien finalisé en novembre 2010 un projet de rapport, en consultation étroite avec les autres départements intéressés. Plusieurs domaines couverts par la Charte relevant de la compétence des cantons, leur consultation était indispensable. Une consultation technique a ainsi été ouverte en décembre 2010 avec un délai de réponse au 31 mars 2011. Il est ressorti de la version du rapport modifiée sur la base de la position des cantons que d'autres précisions et éléments étaient nécessaires pour éclaircir les points en suspens. A cette fin, le DFAE a informé le Conseil fédéral en septembre 2011 de son intention d'ajouter des aspects économiques au rapport et de clarifier avec le Comité européen des droits sociaux (CEDS) les questions encore ouvertes relatives à la compatibilité de la Charte avec l'ordre juridique suisse. Cet échange de vues, qui a permis d'aboutir à un accord, s'est révélé fructueux. Il a néanmoins exigé un investissement en temps plus important.

2

Historique des interventions parlementaires pour la ratification de la CSE

Le projet d'adhésion de la Suisse à la CSE a débuté avec la signature, en 1976, de la CSE originale de 1961 par le Conseil fédéral. Il s'est poursuivi en 1983, lorsque le Conseil fédéral a soumis aux Chambres son message portant ratification1; puis il s'est arrêté du fait du rejet de cette ratification par le Parlement (1984 et 1987).

En 1991, le processus a été relancé par une initiative parlementaire du groupe socialiste2 qui a occasionné de longs travaux et débats parlementaires dès 1996, pour aboutir au classement de l'initiative le 17 décembre 2004. Le traitement de l'initiative parlementaire a débouché sur deux rapports et un rapport complémentaire de l'administration fédérale, adoptés par la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (1996; 2002­2004, avec consultation des cantons). Ces rapports concluaient que la ratification de la CSE de 1961 et de la CSE révisée de 1996 n'était pas possible. Les principales pierres d'achoppement se trouvaient alors dans l'incompatibilité du droit suisse avec les art. 12 (droit à la 1 2

FF 1983 II 1273 91.419; Ratification de la Charte sociale européenne.

5453

sécurité sociale), 13 (droit à l'assistance sociale et médicale) et 19 (droit des travailleurs migrants et de leurs familles à la protection et à l'assistance). En outre, la consultation des cantons n'avait pas permis de conclure à une approche politique favorable.

Dans le dixième rapport du Conseil fédéral sur la Suisse et les conventions du Conseil de l'Europe du 27 février 2013, la CSE révisée, qui est désormais l'instrument de référence par rapport à la Charte originelle de 1961, a été classée parmi les conventions non ratifiées mais qui revêtent de l'intérêt pour la Suisse. Faute de classification tout à fait adéquate, le rang «C» lui a alors été attribué, parmi les conventions «qui présentent un intérêt pour la Suisse, mais dont la ratification dans un proche avenir poserait des problèmes juridiques, politiques ou pratiques».3

3

Signification politique de la CSE

Le Conseil de l'Europe, créé après la Deuxième Guerre mondiale, cherche à combiner trois valeurs fondamentales: la démocratie, la prééminence du droit et les droits de l'homme.

Quelques mois après l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme par l'Organisation des Nations Unies (ONU) en décembre 1948, le Conseil de l'Europe a cherché à élaborer un traité contraignant qui garantisse l'ensemble des droits y figurant. Un accord est rapidement intervenu entre les Etats membres sur les droits civils et politiques qui ont été insérés dans la Convention européenne des droits de l'homme de 1950 (CEDH)4. Il n'a pas été possible de se mettre d'accord sur les droits économiques et sociaux. Finalement, la CSE a été adoptée en 1961. Ce traité est néanmoins largement resté méconnu et très en retrait par rapport à la CEDH, car il ne prévoit pas de recours individuel devant une autorité juridictionnelle.

Depuis l'élargissement du Conseil de l'Europe à l'ensemble du continent européen, à savoir lorsque le premier Etat d'Europe centrale ­ la Hongrie ­ a rejoint cette organisation en 1990, il a été décidé de relancer la CSE. Ce processus de réforme de la CSE a concerné d'abord les mécanismes de contrôle de son application, puis les droits substantiels qu'elle proclame. Le résultat de cette réforme est la CSE révisée de 1996.

Lors de la première Conférence du Conseil de l'Europe des ministres responsables pour la cohésion sociale (Moscou, février 2009), à laquelle la Suisse a participé, une conclusion sur la promotion des droits sociaux a été adoptée sous le titre «Investir dans la cohésion sociale ­ Investir dans la stabilité et le bien-être de la société». Le Conseil de l'Europe souhaitait ainsi atteindre une ratification de la CSE par tous les Etats membres.

La deuxième conférence ministérielle de ce type (Istanbul, octobre 2012) a réitéré le soutien aux instruments juridiques du Conseil de l'Europe relatifs aux droits sociaux, en particulier la CSE, et les ministres se sont engagés à envisager de la ratifier.

3 4

FF 2013 1915 RS 0.101

5454

Aujourd'hui, la CSE est, avec la CEDH, l'un des instruments phares du Conseil de l'Europe en matière de droits de l'homme. Un engagement à ratifier ces deux instruments fait désormais partie des prérequis pour l'appartenance au Conseil de l'Europe. Les 47 Etats membres du Conseil de l'Europe ont signé la CSE dans l'une ou/et l'autre version: 45 d'entre eux ont signé la version révisée de 1996, alors que la Suisse et le Liechtenstein n'ont signé que le texte de 1961. 43 États ont ratifié la CSE: 31 d'entre eux ont ratifié la version révisée de 1996, alors que 12 autres ont uniquement ratifié la version de 1961. Seuls la Suisse, Monaco, San Marino et le Liechtenstein n'ont ratifié la Charte ni dans la version de 1961 ni dans celle de 1996.

En Suisse, un Comité de soutien «Pro Charte sociale» et les syndicats sont intervenus en faveur d'une ratification de la CSE auprès du Conseil fédéral. Le Comité «Pro Charte sociale» a intensifié ses efforts depuis que la Suisse a assumé la présidence du Comité des ministres du Conseil de l'Europe (novembre 2009 ­ mai 2010).

La Suisse est régulièrement interpellée par les autorités du Conseil de l'Europe au sujet de la CSE du fait qu'elle n'est pas partie à cet instrument. Tel a été le cas lorsqu'elle a assumé la présidence du Comité des ministres en 2009­2010, à l'occasion du 50e anniversaire de la CSE en 2011 et lors des événements et visites liés aux 50 ans de l'adhésion de la Suisse au Conseil de l'Europe en 2013.

La CSE a pour but de garantir les droits économiques, sociaux et culturels. Elle couvre un très grand nombre de matières et reconnait des droits aux individus dans les domaines du logement, de la santé, de l'éducation, de l'emploi, de la protection sociale et de la non-discrimination.

La CSE ne vise pas une harmonisation ou une coordination des politiques sociales des différents Etats. Les Etats parties à la CSE sont compétents pour mener leur propre politique sociale, avec les moyens qu'ils souhaitent (par la loi, par la négociation collective, de manière décentralisée ou par des autorités fédérées). La CSE énonce des principes et des valeurs qu'il convient de respecter, les modalités de leur mise en oeuvre relevant de chaque Etat.

La CSE révisée de 1996 tient compte de l'évolution des sociétés européennes au cours de ces quarante dernières
années et, tout particulièrement, de l'évolution du droit international, qu'il s'agisse du droit de l'Union européenne (UE) ou du droit de l'ONU. Elle constitue désormais l'instrument européen de référence en matière de droits économiques, sociaux et culturels. Par conséquent, lorsqu'on parle aujourd'hui de «Charte sociale», il s'agit de la Charte révisée de 1996. C'est également la terminologie utilisée dans ce rapport qui doit exposer la conformité du droit suisse avec la CSE révisée. La précision «révisée» n'est mentionnée dans la suite de ce rapport que lorsque le deuxième traité présente des différences par rapport au premier.

Quant au contenu, la CSE correspond par certains aspects au Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies (Pacte I ONU, ratifié par la Suisse)5. Elle contient aussi des dispositions qui coïncident avec celles de la Convention des Nations Unies du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant, également ratifiée par la Suisse.6 Elle recoupe par ailleurs certains engagements que la Suisse a déjà pris sur la base des conventions nos 87, 98, 100 et 111 de l'Organisation internationale du travail (OIT). Enfin, une 5 6

RS 0.103.1 RS 0.107

5455

mention spéciale doit être faite de la CEDH: par la ratification de ce traité, la Suisse s'est déjà engagée à mettre en oeuvre certains droits qui figurent aussi dans la CSE, ainsi le droit de fonder des syndicats et de s'affilier à des syndicats.

4

Les droits garantis par la CSE

La ratification de la CSE est conditionnée à l'acceptation intégrale de six des neuf articles de son noyau dur (cf. annexe II). Elle implique en outre que l'Etat concerné se considère lié par un nombre supplémentaire d'articles ou de paragraphes, à choix, pourvu que le nombre total des articles et des paragraphes acceptés ne soit pas inférieur à seize articles ou soixante-trois paragraphes (cf. à ce sujet infra 6.).

Le rapport se concentre principalement sur la conformité du droit suisse avec les articles du noyau dur de la CSE, puisque c'est le point déterminant pour juger de la possibilité de ratifier l'instrument. Un aperçu concernant les autres articles de la CSE est proposé à la fin du rapport (cf. infra 8.2). Il permet de constater que l'exigence d'acceptation d'un nombre supplémentaire de dispositions serait réalisée.

Les neuf articles du noyau dur sont les suivants: ­

art. 1

droit au travail

­

art. 5

droit syndical

­

art. 6

droit de négociation collective (y compris la grève)

­

art. 7

droit des enfants et des adolescents à la protection

­

art. 12

droit à la sécurité sociale

­

art. 13

droit à l'assistance sociale et médicale

­

art. 16

droit de la famille à une protection sociale, juridique et économique

­

art. 19

droit des travailleurs migrants et de leurs familles à la protection et à l'assistance

­

art. 20

droit à l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi et de profession, sans discrimination fondée sur le sexe

La CSE révisée consacre de nouveaux droits dans ses dispositions additionnelles (art. 24 à 31), à savoir: le droit à la protection en cas de licenciement; le droit des travailleurs à la protection de leurs créances en cas d'insolvabilité de leur employeur; le droit à la dignité au travail; le droit des travailleurs ayant des responsabilités familiales à l'égalité des chances et de traitement; le droit des représentants des travailleurs à la protection dans l'entreprise et facilités à leur accorder; le droit à l'information et à la consultation dans les procédures de licenciements collectifs; le droit à la protection contre la pauvreté et l'exclusion sociale; le droit au logement.

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5

Nature juridique des droits garantis par la CSE

L'Etat ratifiant s'engage à considérer la Partie I de la CSE comme une déclaration déterminant les objectifs dont il poursuivra par tous les moyens utiles la réalisation.

Ces objectifs généraux sont précisés et concrétisés dans la Partie II qui définit les obligations résultant, pour un Etat, de la ratification de la CSE. Seules ces dispositions ont un contenu normatif déterminant la portée juridique des engagements souscrits. C'est donc à leur propos qu'il convient d'analyser la question de la nature de la CSE et de son applicabilité directe.

De par leur formulation («Les Parties s'engagent à ...»), les articles de la CSE ne s'adressent pas aux particuliers pour qu'ils puissent les invoquer devant les tribunaux, mais au législateur, dont il est attendu qu'il adopte les dispositions nécessaires.

Au surplus, la CSE reconnaît en principe des droits qui, par leur structure, ne sont pas susceptibles d'une application directe et doivent, pour devenir effectifs, faire l'objet d'une réglementation détaillée. La CSE se contente de fixer des buts et d'indiquer des moyens d'y parvenir, de sorte que, tant que les Etats n'ont pas pris les mesures dont elle appelle l'adoption, ses dispositions ne peuvent servir de fondement à des actions en justice. La teneur de deux dispositions de la CSE révisée déroge toutefois à la règle. Aux termes de l'art. 6, par. 4, les parties contractantes reconnaissent le droit à des actions collectives, y compris le droit de grève, et aux termes de l'art. 18, par. 4, elles reconnaissent à leurs nationaux le droit de sortir du pays pour exercer une activité lucrative sur le territoire des autres Etats parties.

La CSE prévoit un contrôle basé sur des rapports périodiques des parties contractantes, conçu sous la forme d'un dialogue pragmatique visant à les aider à appliquer les dispositions qu'ils ont acceptées. Contrairement au système établi par la CEDH, la CSE ne crée aucun organe juridictionnel supranational habilité à prendre des décisions obligatoires et auquel les particuliers pourraient adresser leurs plaintes en cas de violation des droits qu'elle consacre.

Les différents éléments susmentionnés plaident en faveur de la non-applicabilité directe de la CSE. Cela constitue une différence importante avec la CEDH et ses protocoles additionnels, dont les droits garantis peuvent être invoqués par des particuliers devant les tribunaux.

6

Modalités de ratification de la CSE

Conformément à la pratique en vigueur au sein du Conseil de l'Europe, un Etat qui s'engage par un traité doit tout d'abord le signer, puis procéder à sa ratification. La ratification nécessite en principe une décision du Parlement, comme c'est le cas en Suisse.

La signature peut intervenir soit avant le début du processus de ratification, soit au contraire à la fin, c'est-à-dire en même temps que le dépôt de l'instrument de ratification.

La CSE permet un mode de ratification «à la carte». Contrairement à la CEDH, dont tous les articles doivent être acceptés, lorsqu'un Etat ratifie la CSE, il doit indiquer quelles sont les dispositions par lesquelles il se considérera comme lié. Pour assurer aux Etats une certaine latitude et pour tenir compte des spécificités nationales, la CSE autorise l'Etat ratifiant à procéder à une sélection des dispositions qu'il sou5457

haite accepter. Il est donc important d'examiner la conformité du droit interne afin de décider quelles dispositions peuvent être acceptées. Plusieurs conditions doivent cependant être respectées. Pour la CSE révisée, elles sont les suivantes: ­

six articles doivent être acceptés parmi les art. 1, 5, 6, 7, 12, 13, 16, 19 et 20 qui forment le noyau dur. Afin d'être comptabilisés dans ce calcul, ces articles doivent être adoptés dans leur totalité et sans réserve;

­

en outre, l'Etat ratifiant doit, au total, accepter soit seize articles (y compris les six articles minima du noyau dur) dans leur intégralité (sur les trente et un articles de la Partie II de la CSE révisée), soit soixante-trois paragraphes numérotés (sur les nonante-huit paragraphes de la Partie II de la CSE révisée).

Il est possible d'accepter davantage de dispositions. Pour ces dispositions supplémentaires, l'Etat peut choisir des paragraphes isolés, voire formuler des réserves sur des points précis. Pratiquement, il s'agit du seul cas où des réserves peuvent être émises.

L'objectif idéal est que les Etats acceptent l'ensemble des dispositions de la CSE. Le Conseil de l'Europe entretient des contacts avec les Etats parties pour travailler avec eux en vue de l'acceptation de dispositions supplémentaires. A ce jour, seuls deux Etats ayant ratifié la CSE ont accepté l'ensemble des dispositions de la Partie II: il s'agit de la France et du Portugal. Les autres Etats parties ont tous procédé à une sélection plus ou moins ambitieuse, mais respectant toujours les conditions minimales fixées par le traité.

7

Le système de contrôle et les conséquences de la CSE sur le droit interne

Se reporter à l'annexe I pour le schéma du système de contrôle de la CSE.

7.1

Le Comité européen des droits sociaux

Composé de quinze experts, indépendants et impartiaux, élus par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe pour une durée de six ans renouvelable une seule fois, le CEDS n'est pas un tribunal, contrairement à la Cour européenne des droits de l'homme. Il dispose toutefois de la compétence d'évaluer si les situations des Etats sont conformes ou non à la CSE d'un point de vue juridique.

Le CEDS agit de deux manières différentes: ­

5458

par le système des rapports nationaux soumis chaque année par les Etats sur la mise en oeuvre d'une partie des dispositions de la CSE, par groupes thématiques de sept à neuf articles. A noter que les organisations nationales qui sont affiliées aux organisations internationales d'employeurs et de travailleurs bénéficiant du statut d'observateur auprès du Comité gouvernemental (cf. infra 7.2) sont consultées sur ces rapports et peuvent transmettre leurs observations éventuelles. Dans ce cas, les parties contractantes concernées peuvent répliquer et faire part de leurs remarques;

­

par la procédure de réclamations collectives (Partie IV, article D CSE révisée) qui permet aux organisations internationales d'employeurs et de travailleurs, aux autres organisations internationales non gouvernementales dotées du statut consultatif auprès du Conseil de l'Europe et aux organisations nationales représentatives d'employeurs et de travailleurs de saisir le CEDS lorsqu'ils estiment que la CSE n'est pas respectée. Cette deuxième procédure ­ prévue par le Protocole additionnel de 1995 ­ est facultative et, à ce jour, seuls quinze Etats l'ont acceptée. Accepter ce système expose à un risque d'actions populaires, étrangères à notre système juridique. Il est donc proposé, en cas de ratification de la CSE révisée, de renoncer à notifier que la Suisse accepte qu'un contrôle soit exercé sur le respect de ses engagements conformément au Protocole additionnel prévoyant un système de réclamations collectives.

Dans les deux cas, le CEDS est compétent pour évaluer si le droit a été respecté et ses conclusions ou décisions sont rendues publiques. Lorsque le CEDS considère qu'une situation est contraire à la CSE, l'Etat partie concerné est tenu de veiller à redresser la situation de manière appropriée. Dans la procédure de rapports nationaux, les conclusions du CEDS sont rendues au terme d'un dialogue pragmatique qui peut être concrétisé, sur demande des Etats parties ou du CEDS, par des échanges de vues lors desquels les situations et possibilités nationales, de même que les arguments juridiques sont discutés. Le CEDS a pour souci constant que l'application des dispositions de la CSE ne fasse pas échec à des traditions nationales ayant fait leurs preuves, particulièrement lorsque les acquis sociaux d'un Etat sont de manière générale performants. Ce n'est qu'exceptionnellement qu'il paraît impossible au CEDS d'assurer la conciliation entre les traditions nationales et les dispositions de la Charte.

Cet aspect de discussion différencie la procédure devant le CEDS de celle qui a lieu devant la Cour européenne des droits de l'homme qui, en tant que tribunal, tranche après l'examen contradictoire de l'affaire.

Le dialogue après ratification que la Suisse entreprendrait le cas échéant avec le CEDS s'apparenterait davantage au dialogue constructif qu'elle mène déjà avec les organes de contrôle des traités de droits de l'homme de l'ONU qu'elle a ratifiés. Le CEDS attache une importance fondamentale au principe de subsidiarité et aux traditions nationales. Il part du principe que les Etats sont les mieux placés pour mettre en oeuvre les droits économiques et sociaux et il n'intervient par une conclusion de non-conformité que lorsque cette application est déraisonnablement lacunaire par rapport aux standards retenus.

7.2

Le Comité gouvernemental et le Comité des ministres

Le Comité gouvernemental de la CSE et du Code européen de sécurité sociale du 16 avril 19647 intervient à la suite du CEDS et a pour mandat de préparer les décisions subséquentes du Comité des ministres. Il est composé de représentants des Etats parties à la CSE.

7

RS 0.831.104

5459

Le Comité gouvernemental siège deux fois par année. Il sélectionne, d'après des considérations de politique sociale et économique, les situations de non-conformité qui devraient, à son avis, faire l'objet de recommandations du Comité des ministres.

Le Comité gouvernemental ne peut ni revenir sur l'appréciation juridique du CEDS sur le respect des obligations qui découlent de la CSE, ni donner sa propre interprétation de la portée de la CSE. Une discussion a toutefois lieu avec les Etats concernés qui, lors des deux réunions annuelles, peuvent expliquer les raisons de la nonconformité de leur droit ou de leur pratique, d'un point de vue social, politique ou économique. Si cela est nécessaire, parce que le CEDS, dans ses conclusions négatives de non-conformité, a mal compris une législation nationale, les Etats peuvent alors également apporter des éclaircissements juridiques qui seront, le cas échéant, retenus par le Comité gouvernemental et transmis au CEDS dans la perspective des prochaines conclusions. Les Etats parties donnent enfin des informations sur les mesures qu'ils entendent prendre ou ont prises pour remédier aux situations de nonconformité. Si ces mesures sont jugées insuffisantes, le Comité gouvernemental pourra d'abord émettre un avertissement, avant de décider de transmettre l'affaire au Comité des ministres pour recommandation.

Dans ce cas, sur la base du rapport du Comité gouvernemental et après avoir entendu les Etats concernés sur les motifs pour lesquels l'exécution n'a pas (encore) été possible, le Comité des ministres peut adopter à la majorité de deux tiers des recommandations invitant ces Etats à tenir compte des conclusions négatives du CEDS et à fournir des informations sur les mesures qu'ils comptent prendre pour se conformer à la CSE. Les recommandations du Comité des ministres dans le cadre de la procédure de rapports nationaux sont très peu fréquentes. Il y en a eu trois entre 2000 et 2010, aucune entre 2010 et 2013.

Bien qu'ayant une force politique, les recommandations du Comité des ministres ne sont pas juridiquement contraignantes. Pour ce qui est de la mise en conformité, les Etats disposent d'une marge d'appréciation importante et d'une discrétion presque totale quant au choix des moyens.

Au niveau de l'exécution également, le système de la Charte se distingue
donc de celui de la CEDH. L'Etat défendeur qui a été reconnu responsable d'une violation de la CEDH est juridiquement tenu de se conformer à l'arrêt de la Cour. Les Délégués des ministres, qui surveillent l'exécution des arrêts de la Cour, disposent de tout un arsenal de mesures pour l'y amener.

7.3

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe organise des débats périodiques sur des sujets de politique sociale choisis d'après les conclusions du CEDS, le rapport du Comité gouvernemental et les résolutions du Comité des ministres.

7.4

Conclusion

Conformément au principe de subsidiarité, il appartient aux Etats parties de mettre en oeuvre les dispositions de la CSE qu'ils ont acceptées. Dès lors, ils sont invités à agir en amont pour tenir compte de la CSE lors de l'élaboration ou de la mise en oeuvre d'une législation nationale ou dans le cadre de leur système juridictionnel.

5460

Les Etats ont la responsabilité de tenir compte des conclusions du CEDS et de prendre les mesures appropriées à leurs situations nationales et entrant dans leurs possibilités pour remédier aux carences identifiées par le CEDS. S'ils ne le font pas ou tardent à le faire, le moyen de contrainte ultime dont dispose le Conseil de l'Europe est la recommandation politique et non juridiquement contraignante du Comité des ministres, instrument auquel il n'est fait recours que dans des circonstances exceptionnelles.

8

Analyse de conformité entre le droit suisse et la CSE révisée

8.1

Articles du noyau dur

8.1.1

Dialogue avec le CEDS

Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), représenté par la Direction du droit international public (DDIP), et les offices fédéraux directement concernés ­ Office fédéral de la justice (OFJ), Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO), Office fédéral des assurances sociales (OFAS), Secrétariat d'Etat à la formation, à la recherche et à l'innovation (SEFRI) ­ ont engagé avec le CEDS un dialogue préalable pour éclaircir les questions ouvertes au sujet des articles du noyau dur que la Suisse pourrait accepter. D'une part, il s'agissait d'informer le CEDS sur les systèmes et la législation suisses, en particulier ceux qui lui sont spécifiques et sont performants, tel le système de formation professionnelle initiale duale. D'autre part, il s'agissait de discuter et d'évaluer la marge de souplesse avec laquelle le CEDS pourrait apprécier certaines situations suisses en cas de ratification. En ce qui concerne le système suisse de formation professionnelle initiale duale, cet échange de vues a débouché sur un accord quant à son appréciation par le CEDS au regard de la Charte (voir infra 8.1.2, ad art. 7, par. 4 et 5). Les rapports de ces rencontres bilatérales sont publiés sur le site Internet du Conseil de l'Europe8.

De manière générale, le CEDS a exposé que ces dernières années, par le biais d'«observations interprétatives», il a assoupli sa pratique et infléchi les standards suivis jusqu'ici en laissant notamment tomber les «couperets chiffrés» afin de tenir compte des réalités et des contraintes économiques dans les pays examinés. Désormais, le CEDS recherche une appréciation nationale d'ensemble qui prend en compte tous les éléments en présence.

Une observation interprétative a été rendue en 2011 au sujet du plafond des indemnités en cas de licenciement abusif. L'approche du CEDS à ce sujet a évolué et tient désormais compte des situations nationales au cas par cas, dans leur ensemble. Cette pratique assouplie a permis au CEDS de considérer favorablement la situation suisse à ce sujet dans son évaluation préalable dans le cadre de l'échange de vues bilatéral (pour plus de détails à ce sujet, voir infra 8.1.2).

8

www.coe.int > Droits de l'homme > Charte sociale européenne > Activités > Séminaires/ Evènements > 2013 > 9 septembre 2013; Berne, Suisse; Rapport issu de la rencontre bilatérale.

5461

8.1.2 Art. 1

Commentaire des dispositions Droit au travail

Analyse de conformité Le «droit au travail» ne constitue pas un droit individuel pouvant fonder une prestation à un emploi assuré par l'Etat. Il signifie uniquement que chaque personne doit avoir la possibilité de gagner sa vie et de vivre dignement grâce aux fruits de son travail.

Parmi les buts sociaux que la Confédération et les cantons s'engagent à poursuivre, l'art. 41, al. 1, let. d, de la Constitution (Cst.)9 mentionne que «toute personne capable de travailler puisse assurer son entretien par un travail qu'elle exerce dans des conditions équitables». Le droit au travail figure aussi à l'art. 6 du Pacte I de l'ONU.

Art. 1, par. 1 Aux termes du par. 1, les Etats reconnaissent comme l'un de leurs principaux objectifs et responsabilités la réalisation et le maintien du niveau le plus élevé et le plus stable possible de l'emploi en vue de la réalisation du plein emploi. Il s'agit plus d'une obligation de moyen que d'une obligation de résultat. Les individus ne disposent pas, face à l'Etat, d'un droit subjectif à l'obtention d'une place de travail. Il est rare que le CEDS ait considéré qu'une situation étatique ne soit pas conforme à la CSE sur ce point.

Ce paragraphe ne pose pas de problème de conformité par rapport au droit suisse.

Art. 1, par. 2 Le par. 2 engage les Etats à protéger de façon efficace le droit pour le travailleur de gagner sa vie par un travail librement entrepris.

L'art. 1, par. 2, couvre la question du travail forcé ou obligatoire, qui est interdit sous toutes ses formes. La définition du travail forcé ou obligatoire s'inspire de l'art. 4 CEDH et de la Convention no 29 concernant le travail forcé ou obligatoire de l'OIT.

L'interdiction du travail forcé ou obligatoire peut être enfreinte par exemple en ce qui concerne l'acceptation d'une offre d'emploi comme condition du maintien des allocations de chômage, dans les cas graves, lorsque les obligations d'accepter une offre d'emploi sont très fortes. Selon le CEDS, le droit à un travail librement entrepris implique que, pendant une période initiale raisonnable, le demandeur d'emploi puisse refuser des offres qui ne correspondent pas à ses qualifications et à son expérience, sans risquer la suspension des allocations de chômage (Conclusions 2004, Chypre, pp. 99­100)10.

9 10

RS 101 A noter que la technique de sécurité sociale et les conditions du versement des allocations de chômage sont appréciées par le CEDS dans le cadre de l'art. 12 CSE (par. 1 pour le droit existant ou par. 3 s'il s'agit d'une législation nouvelle) si et dans la mesure où l'Etat en cause a accepté tout ou partie de cette disposition.

5462

Ce problème ne se pose pas en droit suisse. En effet, l'art. 16 de la loi du 25 juin 1982 sur l'assurance-chômage (LACI)11 prévoit que le chômeur peut refuser un emploi ne correspondant pas à sa profession et à ses qualifications antérieures sans perdre son droit aux prestations de chômage. Il faut relever également que la Suisse a ratifié la convention no 29 de l'OIT.

Le CEDS déduit aussi du par. 2 de l'art. 1 et de l'interdiction du travail forcé ou obligatoire qu'un service civil de remplacement peut avoir une durée 1,5 fois plus grande que celle du service militaire (Conclusions XVI-1 Tome 2, Pologne), alors qu'une durée de 24 mois égale au double de celle du service militaire est considérée comme une restriction disproportionnée au droit pour le travailleur de gagner sa vie par un travail librement entrepris (Conclusions 2002, Roumanie). Le droit suisse en vigueur est conforme à cette exigence de l'art. 1, par. 2, tel qu'interprété par le CEDS.

En outre, le CEDS interprète l'art. 1, par. 2 (en relation avec l'article E Partie V CSE révisée: «non-discrimination»), comme demandant aux Etats d'interdire en droit toute discrimination, directe et indirecte, dans l'emploi. Les actes et dispositions discriminatoires prohibés sont tous ceux qui peuvent intervenir lors du recrutement et dans les conditions d'emploi en général (principalement: rémunération, formation, promotion, mutation, licenciement et autre préjudice). Le CEDS considère que, pour être en conformité avec l'art. 1, par. 2, il appartient aux Etats de prendre des mesures d'ordre juridique propres à garantir l'effectivité de l'interdiction de la discrimination. Ces mesures consistent au minimum à prévoir:

11

­

que toute disposition contraire au principe de non-discrimination qui figure dans les conventions collectives de travail, dans les contrats de travail et dans les règlements intérieurs des entreprises puisse être déclarée nulle ou soit écartée, retirée, abrogée ou modifiée;

­

que des voies de recours adéquates et efficaces soient ouvertes en cas d'allégation de discrimination;

­

que soit organisée, pour le salarié qui a déposé une plainte ou intenté une action en justice, une protection contre le licenciement ou d'autres mesures de représailles décidés par l'employeur;

­

qu'en cas de violation de l'interdiction de discrimination, soient prévues des sanctions suffisamment dissuasives pour l'employeur ainsi qu'une réparation suffisante et proportionnée au préjudice subi par la victime (Conclusions XVI-1 Tome 2, Luxembourg). Lorsque le droit national n'envisage pas la réintégration de la victime licenciée, la compensation doit à elle seule permettre de réparer de façon suffisante et proportionnée le préjudice subi (Conclusions XVI-1 Tome 1, Belgique). Jusqu'en 2011, le CEDS évaluait avec retenue l'imposition d'un plafond d'indemnisation prédéfini, considérant que cela pouvait avoir pour effet que les indemnités octroyées ne soient pas proportionnées au préjudice subi et soient insuffisamment dissuasives pour l'employeur (Conclusions XVII-2 Tome 1, Belgique; Conclusions 2008, Tome 1, Finlande). Dans une observation interprétative qu'il a rendue en 2011, le CEDS a assoupli sa position relative au plafond des indemnités pour licenciement abusif, considérant que s'il existe un tel plafonnement des RS 837.0

5463

indemnités pour préjudice matériel, la victime doit pouvoir également réclamer des dommages-intérêts au titre du préjudice moral par d'autres voies juridiques (Introduction générale aux conclusions 2011, janvier 2012, observation interprétative no 17, p. 10). Selon les clarifications données par le CEDS dans le cadre du dialogue avec les autorités suisses, un plafond en tant que tel n'entraîne plus une conclusion de non-conformité. La situation doit être considérée dans son ensemble, au cas par cas, selon les spécificités nationales. Le CEDS prend en considération, outre le montant du plafond, les voies complémentaires pour obtenir une compensation du préjudice, par exemple la possibilité d'obtenir un dédommagement complémentaire pour discrimination ou la possibilité d'introduire parallèlement une procédure pénale.12 Cet assouplissement de pratique a été adopté à l'unanimité des membres du CEDS, ce qui constitue un gage de stabilité pour le futur.

Le droit suisse devrait en principe remplir les trois premières conditions ci-dessus.

La pratique récente du CEDS exige un aménagement du fardeau de la preuve, car la charge de la preuve d'une discrimination ne devrait pas reposer entièrement sur le plaignant (Conclusions 2012, Bosnie-Herzégovine, p. 6; Conclusions 2012, Azerbaïdjan, p. 6). Or, en droit suisse, la preuve de l'atteinte doit être apportée par le travailleur. Cette règle est toutefois sujette à plusieurs aménagements. Tout d'abord, en matière de protection de la personnalité, le plaignant a seulement la charge de prouver une atteinte à sa personnalité. Cette atteinte étant présumée illicite, c'est à la partie adverse de prouver que l'atteinte est justifiée. Ensuite, en matière de licenciement discriminatoire, la jurisprudence tient compte de la difficulté de prouver le motif et son caractère causal, qui sont des éléments subjectifs. Elle n'exige pas d'établir la certitude mais une haute vraisemblance. Le travailleur peut aussi, par des indices, montrer que le motif avancé par l'employeur n'est pas réel, ce qui suffit à présumer le caractère discriminatoire et abusif du licenciement. Enfin, les litiges de droit du travail jusqu'à 30 000 francs sont soumis à une procédure simplifiée régie par la maxime inquisitoire sociale (art. 247, al. 2, let. b, ch. 2, du code de procédure civile,
CPC13). Le tribunal doit aider la partie faible à formuler ses allégués et à produire ses moyens de preuve, si bien que les effets du fardeau de la preuve sont atténués. Dans la procédure simplifiée, les faits et moyens de preuve nouveaux sont de plus admis durant toute la procédure (art. 229, al. 3, CPC). Il y a donc de bonnes raisons de penser que le régime du fardeau de la preuve tel qu'il est aménagé en droit suisse devrait satisfaire aux exigences de la pratique du CEDS.

S'agissant de l'interdiction dans la législation de la discrimination dans l'emploi, le droit suisse ne devrait en principe pas non plus poser de problème de conformité avec l'art. 1, par. 2, CSE. Du point de vue du droit suisse du travail, l'égalité de traitement est garantie sur la base de la protection de la personnalité lorsque des travailleurs isolés sont écartés d'avantages accordés au plus grand nombre. Une discrimination fondée sur la race, la religion ou d'autres caractéristiques personnel12

13

Au sujet de l'interprétation du CEDS, voir le «rapport détaillé de la rencontre entre une délégation de la Suisse et le Comité européen des droits sociaux, Strasbourg mardi 22 mai 2012», no 2, p. 7, publié sur le site Internet du Conseil de l'Europe comme annexe au rapport de la rencontre bilatérale du 9 septembre 2013, sous www.coe.int > Droits de l'homme > Charte sociale européenne > Activités > Séminaires/Evènements > 2013 > 9 septembre 2013; Berne, Suisse; Rapport issu de la rencontre bilatérale.

RS 272

5464

les n'est pas expressément interdite dans la loi, mais peut être constitutive d'une atteinte à la personnalité et donner lieu à indemnisation. Cette règle ne se limite a priori pas à la discrimination directe et pourrait couvrir les discriminations indirectes comme cela est demandé par le CEDS.

Quant à la quatrième condition, elle était l'une des questions ouvertes qui ont été discutées dans le cadre du dialogue des autorités suisses avec le CEDS. La situation actuelle en droit suisse se présente ainsi: le droit suisse ne prévoit pas, de manière générale, la réintégration en cas de congé abusif. Sauf dans certaines législations particulières, comme la loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (LPers)14 révisée (entrée en vigueur des nouvelles dispositions le 1er janvier 2014), qui prévoit à l'art. 34c (Réintégration de l'employé) que l'employeur propose à l'employé de le réintégrer dans l'emploi qu'il occupait lorsque l'instance de recours a admis le recours contre une décision de résiliation des rapports de travail, par exemple parce que la résiliation était abusive en vertu de l'art. 336 du code des obligations (CO)15, qui inclut le licenciement discriminatoire (art. 336, al. 1, let. a, CO), ou était motivée par le fait que l'employé avait, de bonne foi, dénoncé une infraction (whistleblowing).

En vertu de l'art. 336a CO, l'indemnité en cas de résiliation abusive du contrat de travail ne peut dépasser six mois de salaire; la réparation du tort moral est incluse dans cette indemnité sauf dans les situations exceptionnelles où l'indemnité de six mois maximum ne suffit pas à réparer le tort moral; un dédommagement complémentaire peut néanmoins être alloué sur la base d'un autre fait que le congé abusif, par exemple en cas d'atteinte à la personnalité résultant de propos dégradants ou humiliants ou de renseignements faux et déshonorants: «Sont réservés les dommages-intérêts qui pourraient être dus à un autre titre» (art. 336a, al. 2, CO).

Dans le cadre de son dialogue avec les autorités suisses, le CEDS, à qui la situation du droit suisse actuel a été exposée, a apprécié qu'elle lui semblait suffisante, dès lors que ce qui est déterminant selon les critères de sa nouvelle pratique, c'est que la porte ne soit pas fermée à un dédommagement complémentaire pour tort moral.

Dans sa
nouvelle perspective, selon laquelle il apprécie une situation nationale dans son ensemble, en prenant en compte tous les éléments en présence, le CEDS ne saurait en outre ignorer qu'en comparaison internationale, les conditions de travail en Suisse sont très favorables16.

Art. 1, par. 3 Le par. 3 vise à établir ou à maintenir des services gratuits de l'emploi pour tous les travailleurs. D'après le CEDS, ces services doivent aussi être gratuits pour les employeurs.

Ce paragraphe ne pose pas de problème de conformité par rapport au droit suisse.

14 15 16

RS 172.220.1 RS 202 Voir à ce sujet l'étude «Human Capital Report» du World Economic Forum (WEF) parue début octobre 2013, qui examine 122 pays en s'appuyant sur quelque 50 indicateurs et parvient à la conclusion que la Suisse offre les meilleures conditions de travail au monde.

5465

Art. 1, par. 4 En vertu du par. 4, les Etats assurent ou favorisent une orientation, une formation et une réadaptation professionnelles appropriées.

Ce paragraphe ne pose pas de problème de conformité par rapport au droit suisse.

Conclusion Le droit suisse en vigueur est conforme aux par. 1, 3 et 4 de l'art. 1.

Le droit suisse en vigueur devrait aussi être conforme au par. 2 de l'art. 1. L'appréciation préalable de la situation suisse faite par le CEDS au regard du plafond de l'indemnité en cas de congé abusif est favorable. Du fait de l'assouplissement récent de la pratique du CEDS, l'ordre juridique suisse en ce qui concerne le plafond de l'indemnité en cas de congé abusif est en principe conforme à la CSE. Il y a également de bonnes raisons de penser que la conformité du régime suisse pour ce qui est de l'aménagement du fardeau de la preuve soit réalisée. L'interdiction de discriminer semble correspondre aux autres conditions posées par le CEDS.

Art. 5 Art. 6

Droit syndical Droit de négociation collective

Analyse de conformité Les art. 5 et 6 sont traités conjointement car ils forment un tout indissociable.

La doctrine reconnaît dans sa majorité que la liberté d'association et la liberté syndicale consacrées aux art. 23 et 28 Cst. satisfont aux exigences de la Charte. L'art. 28 Cst., al. 3, reconnaît la «licéité» de la grève. La liberté d'association est de plus garantie par l'art. 11 CEDH, la convention no 87 du 9 juillet 1948 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical17, ainsi que par l'art. 8 du Pacte I ONU et par l'art. 22 du Pacte international 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte II ONU)18, tous ratifiés par la Suisse.

Les garanties des art. 23 et 28 Cst. peuvent être limitées par la loi dans le respect du principe de proportionnalité (art. 36 Cst.). En particulier, la loi peut interdire le recours à la grève à certaines catégories de personnes (art. 28, al. 4, Cst.). Une limitation ou une exclusion de la grève doit toutefois reposer sur un intérêt public prépondérant, tel que celui d'assurer l'approvisionnement en biens ou services indispensables. En outre, une restriction ne saurait porter atteinte à l'essence des droits fondamentaux (art. 36, al. 4, Cst.).

Art. 5 En vertu de l'art. 5, les Etats parties s'engagent à ce que leur législation ne porte pas atteinte, ni ne soit appliquée de manière à porter atteinte à la liberté pour les travailleurs et les employeurs de constituer des organisations pour la protection de leurs intérêts économiques et sociaux et d'adhérer à ces organisations. Comme exposé ci-dessus, le droit suisse garantit cette liberté.

17 18

RS 0.822.719.7 RS 0.103.2

5466

Dans certaines conclusions isolées de son ancienne pratique, le CEDS considérait qu'en vertu de l'art. 5, pour les cas d'atteinte à la protection contre le licenciement discriminatoire, le droit national devait prévoir une sanction suffisamment dissuasive pour l'employeur et réparatrice pour le salarié, ce qui n'était pas compatible avec un plafond d'indemnisation prédéfini (Conclusions XVIII-I 2006, Tome I, Belgique).

Comme cela a été exposé ci-dessus au sujet de l'art. 1, par. 2, le CEDS a assoupli à la fin 2011 sa position relative au plafond des indemnités pour licenciement abusif.

Cette nouvelle pratique est également applicable à l'indemnisation en cas de licenciement discriminatoire dans le cadre de l'art. 5. Dans le cadre de son dialogue avec les autorités suisses, le CEDS, à qui la situation du droit suisse actuel a été exposée, a apprécié qu'elle lui semblait suffisante, dès lors que ce qui est déterminant selon les critères de sa nouvelle pratique, c'est que la porte ne soit pas fermée à un dédommagement complémentaire pour tort moral. Dans ces conditions, on peut donc conclure que, sur ce point, le droit suisse en vigueur devrait en principe être conforme à l'art. 5.

Art. 6, par. 1 Le par. 1 dispose qu'en vue d'assurer l'exercice effectif du droit de négociation collective, les Etats parties s'engagent à favoriser la consultation paritaire entre travailleurs et employeurs. Ce paragraphe ne pose pas de problème de conformité par rapport au droit suisse.

Art. 6, par. 2 Le par. 2 traite de l'institution de procédures de négociation volontaire entre les employeurs (ou leurs organisations) et les organisations de travailleurs, en vue de régler les conditions d'emploi par des conventions collectives. Les Etats s'engagent à promouvoir l'institution de ces procédures de négociation dans les cas où cela serait nécessaire et utile. Ce paragraphe ne pose pas de problème de conformité par rapport au droit suisse.

Art. 6, par. 3 Le par. 3 invite les Etats parties à favoriser l'institution et l'utilisation de procédures de conciliation et d'arbitrage volontaire pour le règlement des conflits du travail. Ce paragraphe ne pose pas de problème de conformité par rapport au droit suisse.

Art. 6, par. 4 Le par. 4 a créé des difficultés par le passé et avait principalement occupé les débats parlementaires
dès 1983 lorsque le Conseil fédéral avait soumis aux Chambres son message portant ratification de la Charte. Des évolutions importantes ont néanmoins eu lieu dans l'intervalle qui modifient notablement l'analyse de conformité du par. 4, en particulier l'inscription du droit de grève à l'art. 28 Cst.

En vertu du paragraphe 4, les Etats reconnaissent le droit des travailleurs et des employeurs à des actions collectives en cas de conflits d'intérêt, y compris le droit de grève. Ce droit est également reconnu aux fonctionnaires (voir par ex. Conclusions XV-1, Tome 1, Danemark, p. 164).

5467

Comme exposé plus haut, la Constitution fédérale reconnait la licéité de la grève si les conditions posées sont remplies. Tous les cantons et communes la reconnaissent également, à l'exception de deux cantons qui interdisent la grève pour le personnel de la fonction publique (à ce sujet, voir ci-dessous ch. 10.1). Or, la Constitution fédérale ne permet d'interdire la grève qu'à trois conditions. L'interdiction doit d'abord figurer dans la loi. Elle doit ensuite se justifier par un motif d'ordre public (et pas seulement d'intérêt public). Elle doit enfin respecter le principe de la proportionnalité, c'est-à-dire qu'il faut qu'elle soit apte à atteindre le but d'ordre public visé et qu'il n'y ait pas d'autres mesures envisageables qu'une interdiction. Ainsi, compte tenu de la Constitution fédérale, le législateur cantonal ne saurait interdire le recours à la grève de manière générale, pour l'ensemble des agents de l'Etat.

Quant aux conventions collectives de travail, elles peuvent prévoir la paix absolue du travail, sans toutefois que cela soit contraire à l'art. 6, par. 4, de la Charte. En effet, cette disposition réserve expressément les obligations qui pourraient résulter des conventions collectives en vigueur s'agissant du droit à des actions collectives en cas de conflits d'intérêt.

Pour ce qui est du principe du droit de grève, il apparaît donc que le droit suisse est désormais globalement conforme aux exigences de la CSE. Le fait que deux réglementations cantonales ne soient toujours pas conformes aux exigences de la Constitution fédérale et interdisent de manière générale la grève à leurs fonctionnaires ne saurait être un motif de non-ratification de la CSE. Ces réglementations cantonales devront être adaptées, indépendamment de la question de la ratification de la CSE.

Selon les conclusions du CEDS relatives à l'art. 6, par. 4, la grève doit en outre avoir un effet suspensif sur le contrat de travail et le licenciement pour fait de grève doit être interdit de façon suffisamment dissuasive (Conclusions XVIII-1, Tome 1, Belgique). Les travailleurs grévistes licenciés illégalement doivent pouvoir être réintégrés ou, lorsque cela n'est pas possible, obtenir une indemnisation. Cette indemnité doit être suffisamment réparatrice pour le salarié et dissuasive pour l'employeur (Conclusions 2006,
Tome 2, Slovénie).

En droit suisse, la jurisprudence du Tribunal fédéral reconnaît que les obligations principales du contrat de travail sont suspendues pendant une grève (ATF 125 III 277, consid. 3c). Les travailleurs qui font usage du droit de grève (art. 28, al. 3, Cst.)

sont protégés contre le licenciement (art. 336 ss. CO). Un tel licenciement est en effet considéré comme abusif (art. 336, al. 1, let. b, ou 336, al. 2, let. a, CO pour les membres d'un syndicat). Un congé abusif est sanctionné par une indemnité fixée par le juge qui, selon le droit actuel, ne peut dépasser le plafond de six mois de salaire fixé par la loi.

Comme cela a été exposé ci-dessus au sujet de l'art. 1, par. 2, le CEDS a assoupli à la fin 2011 sa position relative au plafond des indemnités pour licenciement abusif.

Cette nouvelle pratique s'étend à l'indemnisation en cas de licenciement pour fait de grève en application de l'art. 6, par. 4. Dans le cadre de son dialogue avec les autorités suisses, le CEDS, à qui la situation du droit suisse actuel a été exposée, a apprécié qu'elle lui semblait suffisante, dès lors que ce qui est déterminant selon les critères de sa nouvelle pratique, c'est que la porte ne soit pas fermée à un dédommagement complémentaire pour tort moral. Dans ces conditions, on peut donc conclure que, sur ce point, le droit suisse en vigueur devrait en principe être conforme aux exigences découlant de l'art. 6.

5468

Conclusion L'appréciation préalable de la situation suisse concernant le plafond de l'indemnité en cas de congé abusif faite par le CEDS est favorable. On peut donc conclure que le droit suisse en vigueur à ce sujet est en principe conforme aux exigences découlant de l'interprétation des art. 5 et 6.

Quant à l'interdiction générale du recours à la grève pour les fonctionnaires par les législations de deux cantons, elle ne saurait être un obstacle à la ratification par la Suisse de la CSE. En effet, ces législations cantonales ne satisfaisant pas aux exigences de la Constitution fédérale, elles ne peuvent donc plus être appliquées, indépendamment d'une éventuelle ratification de la CSE.

En conclusion, globalement, le droit suisse en vigueur est en principe conforme aux art. 5 et 6 CSE.

Art. 7

Droit des enfants et des adolescents à la protection

L'art. 7 concerne la protection des enfants et des adolescents dans le travail pendant l'âge de la scolarité. Les par. 1 à 9 règlent la protection des enfants et des adolescents contre les dangers de la vie professionnelle. Le par. 10 exige des garanties de protection contre des dangers qui ne sont pas nécessairement liés au travail.

Analyse de conformité Art. 7, par. 1 Age minimum d'admission à l'emploi en général Conformément au par. 1, l'âge minimum d'admission à l'emploi ­ un emploi régulier permanent ­ devrait être fixé à 15 ans. Le but principal de cette disposition, qu'il faut lire conjointement avec le par. 3, est de protéger le droit à l'éducation des enfants soumis à l'instruction obligatoire. Suivant la pratique du CEDS, l'âge minimum vaut pour l'ensemble des secteurs économiques, y compris l'agriculture, et tous les types d'entreprises, y compris les entreprises familiales et les ménages privés.

Le par. 1 de l'art. 7 admet une exception. Il permet aux moins de 15 ans d'accomplir des travaux légers qui ne risquent pas de porter atteinte à leur santé, à leur moralité et à leur éducation. Le CEDS demande que les types de tâches constituant les travaux dits légers soient précisés par le législateur (Conclusions 2006, Tome 1, Chypre).

L'ordre juridique et la pratique suisses sont en conformité avec ces exigences.

L'art. 30 de la loi du 13 mars 1964 sur le travail (LTr)19 interdit d'employer des jeunes gens âgés de moins de 15 ans révolus. Les jeunes gens de plus de treize ans peuvent être chargés d'effectuer des travaux légers aux conditions déterminées par l'ordonnance du 28 septembre 2007 sur la protection des jeunes travailleurs (OLT 5; voir les art. 30, al. 2, let. a, LTr et 8 OLT 5)20.

19 20

RS 822.11 RS 822.115

5469

Situation dans les entreprises familiales Une question était ouverte au sujet des jeunes gens qui travaillent dans des entreprises purement familiales, lesquelles n'emploient pas conjointement d'autres travailleurs. Ces jeunes gens ne sont en effet pas protégés par la loi sur le travail ni, par conséquent, par la prescription sur l'âge minimum (art. 3, al. 2, OLT 5). L'hypothèse de jeunes gens de moins de 15 ans employés de manière régulière et permanente par l'entreprise familiale s'avère néanmoins être de nature essentiellement théorique. Vu le système scolaire suisse actuel, les jeunes terminent en effet très généralement l'école obligatoire entre 15 et 16 ans. Selon le Concordat HarmoS, entré en vigueur en 2009 et ratifié jusqu'ici par 15 cantons, la durée de la scolarité obligatoire s'élève à onze ans et les enfants sont âgés de quatre à cinq ans à leur entrée à l'école.

Même si quelques situations peuvent se présenter où des jeunes gens de moins de 15 ans ont été libérés de la scolarité obligatoire, l'autorisation d'emploi individuelle que peut octroyer l'autorité cantonale ne peut concerner que la formation professionnelle initiale duale ou un programme d'encouragement des activités de jeunesse extrascolaires (art. 9 OLT 5), lesquelles ne tombent pas sous le coup de l'art. 7 et de ses exigences, selon l'accord qui a été trouvé entre le CEDS et les autorités suisses dans le cadre de leur dialogue (à ce sujet, voir ci-dessous ad art. 7, par. 4 et 5).

Situation dans les entreprises familiales agricoles Quant aux entreprises familiales agricoles, cette question relative à un emploi régulier et permanent ne se pose pas. D'une part, l'âge minimum d'admission à l'emploi est désormais aussi applicable dans l'agriculture. Sur mandat du SECO, la Fondation «agriss» est chargée de contrôler le travail abusif des enfants et les dispositions sur l'âge minimum chez les enfants et les jeunes gens au travail dans l'agriculture et l'horticulture sur la base de la loi sur le travail. D'autre part, les travaux que les jeunes gens de moins de 15 ans fournissent même régulièrement pour aider leur famille relèvent de la catégorie des travaux légers admis par le CEDS, en application de l'art. 7, par. 1.

Le CEDS avec qui la question de l'âge minimum d'admission à l'emploi a été discutée dans le cadre du dialogue
avec les autorités suisses, a confirmé qu'il n'y avait aucune difficulté à ce qu'un jeune de 14 ans «dépanne» l'entreprise familiale pendant ses congés et son temps libre, pour autant que son instruction obligatoire ne soit pas mise en péril.21 La pratique du CEDS va d'ailleurs dans le sens d'un assouplissement au sujet des travaux légers effectués par les jeunes gens pendant leurs congés. C'est ainsi que dans une observation interprétative de décembre 2011 en matière de période de repos obligatoire pendant les vacances scolaires, le CEDS a relevé que pour ce calcul il fallait prendre en compte toutes les périodes de vacances et non seulement celles d'été (Introduction générale aux Conclusions 2011, janvier 2012, observation interprétative no 7, p. 5). Par là, le CEDS a voulu adopter «une approche plus

21

A ce sujet, voir le «rapport détaillé de la rencontre entre une délégation de la Suisse et le Comité européen des droits sociaux, Strasbourg mardi 22 mai 2012», no 3, pp. 7­8, publié sur le site Internet du Conseil de l'Europe comme annexe au rapport de la rencontre bilatérale du 9 septembre 2013, sous www.coe.int > Droits de l'homme > Charte sociale européenne > Activités > Séminaires/Evènements > 2013 > 9 septembre 2013; Berne, Suisse; Rapport issu de la rencontre bilatérale.

5470

concrète qui permettra d'évaluer d'une façon juste et équilibrée les situations et les traditions nationales qui divergent largement».

De manière plus générale sur la question de l'âge minimum d'admission à l'emploi, le CEDS a retenu comme déterminant le fait que la Suisse ne connaisse pas de difficulté d'application de la Convention no 138 du 26 juin 1973 concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi22, qu'elle a ratifiée.

En conclusion, l'art. 7, par. 1 ne pose pas de problème de conformité par rapport au droit suisse.

Art. 7, par. 2 Pour certaines occupations considérées comme dangereuses ou insalubres, la CSE fixe à 18 ans l'âge minimum d'admission à l'emploi. Des dérogations sont possibles si les travaux dangereux ou insalubres se révèlent essentiels pour la formation professionnelle du jeune concerné, sous réserve cependant d'un encadrement strict et compétent, et uniquement le temps nécessaire à la formation.

Ce paragraphe ne pose pas de problème de conformité par rapport au droit suisse en vigueur. L'art. 4, al. 1, OLT 5 interdit également de manière générale d'employer des jeunes gens de moins de 18 ans à des travaux dangereux. Le SEFRI, en accord avec le SECO, peut néanmoins prévoir dans des ordonnances sur la formation des dérogations pour les jeunes âgés d'au moins 15 ans, si ces travaux sont indispensables pour atteindre les buts de la formation professionnelle (art. 4, al. 4, OLT 5). .Cet âge minimum a été abaissé de 16 à 15 ans par décision du Conseil fédéral du 25 juin 2014.

L'OLT 5 révisée, qui entrera en vigueur le 1er août 2014, prévoit que les organisations du monde du travail (OrTra) établissent, pour les professions impliquant l'accomplissement de travaux dangereux, des mesures accompagnatrices en matière de sécurité au travail et de protection de la santé dans les plans de formation. Ces mesures doivent être élaborées par les OrTra et approuvées par le SEFRI dans les trois ans qui suivent l'entrée en vigueur de la modification de l'OLT 5. Les cantons vérifient et complètent les autorisations de former des apprentis dans les deux années subséquentes. L'âge minimal de 16 ans actuellement en vigueur continue à s'appliquer jusqu'à ce que toutes les mesures soient mises en oeuvre. Si, à l'échéance des délais, les mesures ne sont pas mises en oeuvre, les apprentis de moins
de 18 ans ne pourront alors plus effectuer de travaux dangereux dans la formation professionnelle initiale concernée. En outre, des dérogations exceptionnelles individuelles peuvent être données par le SECO lorsque l'exécution de travaux dangereux est indispensable pour atteindre les buts de la formation professionnelle initiale (art. 4, al. 6, OLT 5). Cela aussi est conforme à la pratique du CEDS en la matière.

En conclusion, l'art. 7, par. 2, ne pose pas de problème de conformité par rapport au droit suisse. Compte tenu de la tendance actuelle du CEDS à prendre en compte tous les éléments en présence, les mesures en matière de santé et de sécurité des apprentis qui accompagnent l'abaissement de l'âge de dérogation pour les travaux dangereux devraient offrir les garanties nécessaires qui sont compatibles avec la pratique à ce sujet du CEDS.

22

RS 0.822.723.8

5471

Art. 7, par. 3 Le par. 3 interdit que les enfants encore soumis à l'instruction obligatoire soient employés à des travaux (légers) qui les privent du plein bénéfice de cette instruction.

Le CEDS estime qu'en période scolaire, le temps durant lequel les enfants peuvent travailler doit être limité de manière à ne pas gêner la fréquentation scolaire, la réceptivité de l'enfant et son travail personnel. Autoriser des enfants de 15 ans encore soumis à l'instruction obligatoire à livrer des journaux dès 6 heures du matin, deux heures par jour, est par exemple contraire à la CSE (Conclusions 2011 Tome 1, Estonie). Le CEDS admet les travaux de huit heures par jour durant une période ne dépassant pas la moitié des vacances d'été. Les Etats parties doivent prévoir une période de repos obligatoire et ininterrompue pendant l'ensemble des vacances scolaires qui ne doit pas être inférieure à deux semaines.23 Les dispositions de l'OLT 5 au sujet de la durée du travail et de la durée des pauses des jeunes soumis à la scolarité obligatoire vont dans le même sens que la pratique du CEDS et semblent suffisamment restrictives pour être considérées comme conformes, de surcroît vu la tendance actuelle du CEDS à prendre en compte les traditions nationales. L'art. 7, par. 3, ne pose donc pas de problème de conformité par rapport au droit suisse.

Art. 7, par. 4 et 5 Ces deux paragraphes sont traités ensemble car ils faisaient l'objet d'une question ouverte déterminante soumise à l'appréciation préalable du CEDS dans le cadre de son dialogue avec les autorités suisses.

Le par. 4 limite la durée du travail des travailleurs de moins de 18 ans pour qu'elle corresponde aux exigences de leur développement et, plus particulièrement, aux besoins de leur formation professionnelle.

Le par. 5 reconnaît aux jeunes travailleurs et apprentis le droit à une rémunération équitable ou à une allocation appropriée. La réduction de la rémunération des jeunes travailleurs pour faciliter l'embauche peut être admise par le CEDS, à la condition que la rémunération reste acceptable.

La question de la compatibilité de certains aspects du système suisse de formation professionnelle initiale duale («apprentissage») s'est posée en rapport avec les standards développés par le CEDS en application du par. 4 et surtout du par. 5.

Les différences
entre la situation en Suisse et la pratique du CEDS s'expliquent par les spécificités du système suisse de formation professionnelle initiale duale qui fait partie intégrante du système éducatif. L'apprenti se trouve dans un rapport de formation et non dans un rapport de production par rapport à l'entreprise qui l'emploie.

Son salaire n'est donc pas la contreprestation de son travail.

Les autorités suisses ont soulevé ces questions et les ont mises au centre de leur dialogue avec le CEDS.

Ces échanges de vues ont débouché sur une rencontre à Berne le 9 septembre 2013 entre une délégation du CEDS et des représentants des offices directement impli23

Voir ci-dessus ad art. 7, par. 1, Situation dans les entreprises familiales agricoles, Introduction générale aux Conclusions 2011, janvier 2012, observation interprétative no 7, p. 5.

5472

qués: la DDIP, le SECO, le SEFRI, l'OFAS et l'OFJ. L'objectif était de trouver une procédure pour formaliser et pérenniser l'accord qui s'était dessiné lors des discussions précédentes au sujet de l'appréciation du système suisse de formation professionnelle initiale duale et de sa compatibilité avec la Charte.

La délégation du CEDS a alors expressément reconnu la plus-value du système suisse de formation professionnelle initiale duale et ses spécificités, notamment qu'il privilégie la formation plutôt que le travail et a admis qu'il fait partie intégrante du système éducatif et se compare ainsi aux autres types de formation de caractère scolaire ou universitaire. La délégation du CEDS a également rappelé que les Etats disposent d'une marge d'appréciation quant aux modalités pratiques de mise en oeuvre de la CSE lorsque leurs acquis sociaux sont performants comme dans ce cas.

Elle en a conclu que, même si le système suisse est parfois qualifié d'«apprentissage», il relève en fait de la catégorie de la formation professionnelle et que, dès lors, il concerne l'art. 10 CSE (droit à la formation professionnelle) et non pas l'art. 7.

Cela signifie concrètement que les questions qui étaient ouvertes en rapport avec le système de formation professionnelle initiale duale sont résolues. En cas de ratification de la Charte par la Suisse, ce système serait examiné sous l'angle de l'art. 10, par. 2, qui n'appartient pas au noyau dur et qui fait partie des dispositions supplémentaires que la Suisse peut accepter (voir infra 8.2). Pour formaliser et pérenniser sa position, la délégation du CEDS l'a exprimée dans un rapport de rencontre qu'elle a établi et qui a été soumis à la session plénière du CEDS qui siégeait fin octobre 2013 à Strasbourg. Le CEDS plénier a alors avalisé le rapport de rencontre et accepté ainsi que l'appréciation qui y est faite du système suisse de formation professionnelle initiale duale est la sienne et le sera de manière durable. La formalisation de cet accord entre les deux parties est parachevée par la publication du rapport de la rencontre bilatérale du 9 septembre 2013 sur le site Internet du Conseil de l'Europe.24 Quant à la situation sous l'angle de l'art. 7, par. 4 et 5, des jeunes travailleurs de moins de 18 ans qui ne sont pas en apprentissage, elle ne présente pas de problème.
Comme exposé plus haut (cf. supra ad par. 1), la situation où un jeune arrive avant l'âge de 16 ans sur le marché du travail en dehors de la formation professionnelle initiale duale ou d'un programme d'emploi est rare. La moyenne effectuée de travail hebdomadaire de 41,6 heures, voire 40 heures dans les entreprises de l'industrie d'une certaine taille ainsi que dans les rapports de travail régis par une convention collective (40,4 dans les pays de l'UE) est très proche du standard du CEDS (40 heures hebdomadaires pour les jeunes de 16 et 17 ans), si ce n'est correspondante.

Dans sa nouvelle approche consistant à considérer tous les éléments pertinents et à concéder aux Etats une large marge d'appréciation pour la mise en oeuvre de la CSE lorsque leurs acquis sociaux sont performants, le CEDS prendrait en compte les standards élevés dont bénéficient les jeunes travailleurs en Suisse en matière de sécurité au travail et le fait que le droit suisse accorde aux jeunes travailleurs de moins de 18 ans des congés annuels payés d'une durée supérieure au minimum prescrit par la pratique du CEDS (cf. infra ad par. 7). Quant au salaire des jeunes travailleurs en Suisse, il correspond aux exigences de la pratique du CEDS qui, pour 24

www.coe.int > Droits de l'homme > Charte sociale européenne > Activités > Séminaires/ Evènements > 2013 > 9 septembre 2013; Berne, Suisse; Rapport issu de la rencontre bilatérale.

5473

les jeunes âgés de 16 à 18 ans, admet des réductions jusqu'à 20 % par rapport au salaire d'un travailleur adulte en début de carrière.

Art. 7, par. 6 Le par. 6 prévoit que les heures que les adolescents consacrent à la formation professionnelle pendant la durée normale du travail avec le consentement de l'employeur seront considérées comme comprises dans la journée de travail.

Ce paragraphe ne pose en soi pas de problème de conformité par rapport au droit suisse. Comme cela a été exposé ci-dessus, la formation professionnelle initiale duale ne serait de toute manière pas appréciée sous l'angle de l'art. 7.

Art. 7, par. 7 Aux termes du par. 7, les Etats parties s'obligent à fixer à quatre semaines au minimum la durée des congés payés annuels des travailleurs de moins de 18 ans.

Ce paragraphe ne pose pas de problème de conformité par rapport au droit suisse qui dépasse même les exigences de la CSE, puisqu'il fixe un minimum de cinq semaines de vacances.

Art. 7, par. 8 Le par. 8 exige que soit interdit l'emploi des travailleurs de moins de 18 ans à des travaux de nuit. Il prévoit une exception pour certains emplois déterminés par la législation ou la réglementation nationale.

Ce paragraphe ne pose pas de problème de conformité par rapport au droit suisse.

Art. 7, par. 9 Les travailleurs de moins de 18 ans occupés dans certains emplois déterminés par la législation ou la réglementation nationale doivent être soumis à un contrôle médical régulier aux termes du par. 9.

Ce paragraphe ne pose pas de problème de conformité par rapport au droit suisse.

Art. 7, par. 10 Au par. 10, les Etats parties s'engagent à assurer une protection spéciale contre les dangers physiques et moraux auxquels les enfants et les adolescents sont exposés, notamment contre ceux qui résultent d'une façon directe ou indirecte de leur travail.

Cette disposition garantit un droit à la protection contre toutes formes d'exploitation, y compris l'exploitation sexuelle. Elle vise, par exemple, la prostitution, la pornographie, la traite, la mendicité, le vol à la tire, l'asservissement, le prélèvement d'organes ou l'exploitation domestique. Les Etats doivent non seulement interdire toute forme d'exploitation, mais aussi prendre les mesures requises de prévention et d'assistance aux enfants et adolescents touchés.

Le CEDS demande,
en vertu de ce paragraphe, que les Etats parties suivent un plan national de lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants.

En septembre 2006, la Suisse a ratifié le Protocole facultatif du 25 mai 2000 à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant concernant la vente 5474

d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants25. Toujours en 2006, le champ d'application de la disposition pénale relative à la traite d'êtres humains (art. 182 du code pénal, CP26) a été élargi et modifié et la peine pour la traite d'enfants relevée.

Le rapport du Conseil fédéral intitulé «Pour une politique suisse de l'enfance et de la jeunesse», et adopté le 27 août 2008, constitue la pierre angulaire de la politique de l'enfance et de la jeunesse de la Suisse. En se fondant sur la Constitution fédérale et sur la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant, le gouvernement suisse a défini dans ce rapport la politique de l'enfance et de la jeunesse comme une politique de protection, d'encouragement et de participation. Cette politique traite entre autres de la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle et les autres dangers et violences physiques, moraux ou psychologiques. Sur le plan législatif, l'ordonnance du 11 juin 2010 sur des mesures de protection des enfants et des jeunes et sur le renforcement des droits de l'enfant est en vigueur depuis 201027. Ces mesures doivent contribuer à protéger les enfants contre toute forme de violence et de maltraitance ­ y compris les violences sexuelles ­ ainsi que contre les dangers liés aux nouveaux médias. Par ailleurs, selon la loi du 30 septembre 2011 sur l'encouragement de l'enfance et de la jeunesse (LEEJ)28, entrée en vigueur en 2013, la Confédération et les cantons doivent collaborer et s'informer mutuellement des activités et des développements en cours dans ces domaines. Pour soutenir cet échange d'informations, l'ordonnance d'application de la loi prévoit la mise en place d'une plateforme électronique (opérationnelle dès 2015) proposant une compilation systématique des mesures et instruments ­ y compris juridiques ­ existant en matière d'enfance et de jeunesse sur les plans cantonal et fédéral.

Depuis 2011, la Suisse met en oeuvre le programme national de prévention «Les jeunes et la violence». La Confédération, les cantons, les villes et les communes soutiennent ensemble le programme de prévention de la violence au sein de la famille, à l'école et dans l'espace social. Un second programme «Protection de la jeunesse face aux médias et compétences médiatiques», qui a débuté également
en 2011, vise avant tout à aider les enfants et les adolescents à utiliser les médias de façon sûre, responsable et adaptée à leur âge. Les dangers liés à l'Internet, la pornographie, la prostitution, le grooming, le stalking et la violence sont au coeur du programme.

La Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (Convention de Lanzarote), signée par la Suisse en juin 2010, devrait entrer en vigueur après sa ratification le 1er juillet 2014, en même temps que diverses modifications nécessaires du CP. L'une de ces modifications permettra de poursuivre pénalement toute personne recourant contre rémunération aux services sexuels de mineurs âgés de 16 à 18 ans. Cette nouvelle disposition vise à éviter que des enfants ou des adolescents ne se retrouvent pris au piège de la prostitution. En outre, le fait d'encourager la prostitution de mineurs sera également sanctionné pénalement. Les proxénètes, les gérants de maisons closes ou de services d'escorte qui facilitent ou encouragent l'exercice de la prostitution pour en tirer financièrement profit seront punis d'une peine privative de liberté de dix ans au plus.

25 26 27 28

RS 0.107.2 RS 311.0 RS 311.039.1 RS 446.1

5475

Conclusion Le droit et la pratique suisses sont conformes aux par. 1, 3, 6, 7, 8, 9 et 10 de l'art. 7.

Le par. 2 de l'art. 7 ne pose pas non plus de problème de conformité par rapport au droit suisse en vigueur.

Les questions qui étaient ouvertes en application des par. 4 et 5 de l'art. 7 au sujet du système suisse de formation professionnelle initiale duale ont été résolues. En cas de ratification de la Charte par la Suisse, ce système serait en effet examiné sous l'angle de l'art. 10, par. 2. Quant à la situation sous l'angle de l'art. 7, par. 4 et 5, des jeunes travailleurs de moins de 18 ans qui ne sont pas en apprentissage, elle ne présente pas de problème. Par conséquent, les par. 4 et 5 ne posent pas de problème de conformité par rapport au droit suisse.

Art. 12

Droit à la sécurité sociale

Analyse de conformité Art. 12, par. 1 Pour être conforme à l'art. 12, par. 1, le régime de sécurité sociale doit couvrir les risques traditionnels, être financé collectivement et protéger un pourcentage significatif de la population pour ce qui est des soins de santé et des prestations familiales et un pourcentage significatif de la population active pour les indemnités de maladie, les prestations de maternité et de chômage, les pensions et les prestations en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle. En outre, les prestations servies dans chaque branche doivent être d'un montant adéquat. Ainsi, les prestations versées en remplacement du revenu ne peuvent pas être inférieures au seuil de pauvreté, fixé à 50 % du revenu médian ajusté et calculé sur la base du seuil de risque de pauvreté d'Eurostat.

En ce qui concerne le régime suisse, le CEDS pourrait considérer que l'absence d'une assurance sociale obligatoire d'indemnités journalières en cas de maladie n'est pas conforme à l'art. 12, par. 1.

Art. 12, par. 2 Pour les Etats qui ont ratifié le Code européen de sécurité sociale ­ ce qui est le cas de la Suisse29 ­ le CEDS examine la conformité à ce paragraphe en tenant compte des résolutions du Comité des ministres relatives au code. Aux termes de la dernière résolution en date sur l'application du code par la Suisse, le Comité des ministres a constaté que la législation et la pratique de la Suisse continuent à donner plein effet aux parties acceptées du code.

Art. 12, par. 3 Ce paragraphe fait obligation aux Etats d'améliorer leur système de sécurité sociale, par exemple en couvrant de nouveaux risques ou en adaptant le niveau des prestations. Une évolution restreinte du régime de sécurité sociale n'est toutefois pas automatiquement contraire à l'art. 12, par. 3. En effet, depuis 1996, le CEDS exami29

RS 0.831.104

5476

ne systématiquement les réformes des systèmes de sécurité sociale afin d'apprécier si, en dépit des restrictions qu'elles entraînent dans la plupart des cas, leur finalité est de sauvegarder le système de sécurité sociale. Pour cela, il tient compte notamment des éléments suivants: teneur et motifs des modifications, cadre de politique sociale et économique dans lequel celles-ci s'inscrivent, nécessité et caractère adéquat de la réforme et résultats obtenus. Les réformes de nos lois d'assurances sociales en cours ou intervenues ces dernières années semblent remplir ces critères.

Art. 12, par. 4 La let. a) prévoit l'égalité de traitement entre nationaux et ressortissants des autres Etats parties en ce qui concerne les droits à la sécurité sociale. En d'autres termes, les conditions d'acquisition des prestations devraient être les mêmes en Suisse et les prestations que les Suisses peuvent percevoir hors de Suisse devraient aussi être versées aux ressortissants d'Etats parties à la Charte résidant sur le territoire d'un Etat partie à la Charte.

La let. b) prévoit que les droits acquis dans un régime de sécurité sociale sont maintenus en cas de passage à un autre régime de sécurité sociale, si nécessaire en faisant appel à la totalisation des périodes d'assurance ou d'emploi.

La pratique du CEDS concernant le par. 4 s'est beaucoup renforcée. Auparavant, le fait que deux Etats parties à la CSE soient liés par une convention de sécurité sociale suffisait à les mettre en conformité avec cette disposition. Désormais, le CEDS examine le contenu des conventions qui, pour être conforme au par. 4, doit atteindre le niveau du droit de coordination UE30. S'il n'y a pas de convention bi- ou multilatérale de sécurité sociale, l'Etat partie doit prendre des mesures unilatérales, législatives ou administratives. En outre, l'application du par. 4 ne se fonde pas sur la notion de réciprocité: le CEDS impose aux Etats qui ont accepté cette disposition d'en respecter les principes, y compris à l'égard des ressortissants des Etats qui n'auraient pas accepté ce paragraphe.

Certaines des lois de sécurité sociale suisses prévoient des différences de traitement entre Suisses et étrangers qui ne s'appliquent néanmoins pas aux ressortissants des pays UE/AELE. Pour ce qui est des Etats hors UE/AELE avec lesquels ont été
conclues des conventions bilatérales de sécurité sociale, la Suisse n'accorde pas de droits équivalents au droit de coordination UE. Restent enfin les Etats parties à la CSE avec lesquels la Suisse n'a pas conclu de convention de sécurité sociale (Albanie, Andorre, Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Moldova, Russie et Ukraine) et aux ressortissants desquels elle devrait accorder les droits prévus à l'art. 12, par. 4, si elle acceptait cette disposition. Comme des mesures unilatérales individuelles pour les ressortissants de ces Etats ne sont pas envisageables, la Suisse serait alors soumise à une certaine pression pour conclure de nouvelles conventions. Or, la conclusion de nouvelles conventions présuppose un intérêt réel des deux Etats. Il dépend du nombre de personnes concernées, de l'importance des flux migratoires, des relations économiques entre les deux Etats et de l'impact financier sur les branches d'assu-

30

La coordination des régimes de sécurité sociale au sein de l'UE est régie par le Règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et ses règlements d'application. La Suisse participe à ce système de coordination via l'Accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l'UE.

5477

rances. Pour la plupart des Etats cités ci-dessus, l'examen de ces critères à l'heure actuelle n'aboutirait pas à la conclusion de conventions de sécurité sociale.

En outre, si le délai de carence imposé aux étrangers dans le régime des prestations complémentaires à l'AVS/AI n'est en soi pas incompatible avec le par. 4 (l'annexe à la CSE révisée admettant qu'un Etat puisse exiger l'accomplissement d'une période de résidence avant d'octroyer des prestations non contributives aux ressortissants des autres Etats parties), le CEDS apprécie toutefois le caractère proportionné de la durée de résidence imposée par rapport à l'objectif poursuivi. Dans ses Conclusions 2004 concernant la Lituanie, il a estimé qu'une durée de 5 ans était excessivement longue. Or, dans le régime suisse des prestations complémentaires à l'AVS/AI, cette durée est de 10 ans.

Conclusion Malgré certaines évolutions positives ­ comme l'introduction d'un congé maternité payé au niveau fédéral ­, le droit suisse actuel ne correspond pas à toutes les exigences de l'art. 12 telles qu'elles sont posées par le CEDS en interprétation des par. 1 et 4.

Une disposition du noyau dur devant pouvoir être acceptée intégralement, l'acceptation de l'art. 12 n'est donc pas à l'étude.

Art. 13

Droit à l'assistance sociale et médicale

Analyse de conformité Art. 13, par. 1 Selon la pratique du CEDS, le droit à l'assistance sociale et médicale doit être reconnu à toute la population. Il doit être un véritable droit individuel établi par la loi et assorti d'un droit de recours, et une assistance judiciaire doit être garantie.

L'assistance doit être «appropriée», c'est-à-dire permettre de mener une vie décente et de couvrir les besoins essentiels de l'individu. Le CEDS considère que l'assistance est appropriée quand le montant des prestations d'assistance n'est manifestement pas inférieur au seuil de pauvreté, fixé à 50 % du revenu médian ajusté et calculé sur la base du seuil de risque de pauvreté d'Eurostat.

Les ressortissants des Etats parties à la CSE résidant légalement ou travaillant régulièrement sur le territoire d'un autre Etat partie doivent bénéficier d'un droit à une assistance appropriée sur un pied d'égalité avec les nationaux, indépendamment de toute réciprocité. Il appartient au droit national de déterminer qui a le droit de résidence, mais la durée du séjour précédant la reconnaissance du statut de résident doit respecter le principe de proportionnalité: une durée de 5 ans de séjour pour bénéficier du statut de résident a été considérée comme excessive (Conclusions XVIII-1 Tome 2, Luxembourg).

A l'occasion d'une observation interprétative qu'il a rendue avec ses Conclusions 2013, le CEDS a modifié sa pratique relative aux migrants en situation irrégulière et examinera désormais les obligations des Etats parties à l'égard de ces derniers dans le cadre de l'art. 13, par. 1, et non plus dans celui du par. 4, qui prévoit un traitement sur un pied d'égalité entre les nationaux et les ressortissants des autres Etats parties (Introduction générale aux Conclusions 2013, janvier 2014, observation interprétative no 8, p. 7). Le CEDS a rappelé qu'en vertu de l'art. 13, par. 1, il est fait obligation 5478

aux Etats parties de veiller à ce que les migrants étrangers en situation irrégulière sur leur territoire bénéficient d'une aide médicale d'urgence ainsi que de l'assistance sociale de base qui leur est nécessaire pour parer à un besoin immédiat (hébergement, nourriture, soins médicaux d'urgence et vêtements). Ces conditions seraient remplies par le droit suisse (art. 12 Cst.).

Selon le CEDS, il découle de l'art. 13, par. 1, que les ressortissants des Etats parties à la CSE résidant légalement sur le territoire d'un autre Etat partie ne peuvent pas être renvoyés au seul motif qu'ils ont besoin d'assistance. En droit suisse, conformément à l'art. 62, al. 1, let. e, de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr)31, une autorisation, à l'exception de l'autorisation d'établissement, peut être révoquée si l'étranger ou une personne dont il a la charge dépend de l'aide sociale. L'art. 63, al. 1, let. c, LEtr règle la révocation de l'autorisation d'établissement en cas de dépendance vis-à-vis de l'aide sociale. L'autorisation d'établissement d'un étranger qui séjourne en Suisse légalement et sans interruption depuis moins de quinze ans peut être révoquée si lui-même ou une personne dont il a la charge dépend durablement et dans une large mesure de l'aide sociale. Il apparaît que ces dispositions légales seraient incompatibles avec l'art. 13, par. 1, tel qu'il est interprété par le CEDS.

En outre, le montant des prestations d'aide sociale accordées en Suisse aux requérants d'asile et aux personnes admises à titre provisoire constituerait un autre point problématique. Le niveau d'aide est d'environ 20 % inférieur à celui dont bénéficient habituellement les nationaux (à ce sujet voir l'analyse de la consultation technique des cantons, ci-dessous ad ch. 10.1). Le CEDS n'indique pas explicitement que les requérants d'asile font partie du groupe de personnes visé à l'art. 13, par. 1, mais il considère que les personnes admises à titre provisoire sur le territoire d'un Etat partie en font partie. En conséquence, pour ces personnes, la différence de niveau des prestations d'aide sociale ne serait pas compatible avec l'art. 13, par. 1.

Pour ces différentes raisons, le droit suisse en vigueur n'est pas compatible avec l'interprétation que fait le CEDS de l'art. 13, par. 1.

Art. 13, par. 2 Ce
paragraphe garantit le droit des personnes qui bénéficient de l'assistance à ne pas souffrir, pour cette raison, d'une diminution de leurs droits politiques ou sociaux.

La Suisse a ratifié les Pactes I et II ONU et s'est ainsi engagée à garantir les droits qui y sont reconnus à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa compétence sans distinction aucune, notamment de fortune. Les droits politiques sont garantis en Suisse au titre d'un droit fondamental (art. 34, al. 1, Cst.). Ils ne peuvent pas être restreints pour cause d'indigence (cf. art. 8, al. 2, et 136, al. 1, Cst.).

Le droit suisse ne poserait donc pas de problème de conformité par rapport au par. 2 de l'art. 13.

Art. 13, par. 3 L'art. 13, par. 3, garantit le droit à des services à vocation spécifique de caractère public ou privé affectés à l'aide et à la consultation en faveur des personnes qui ne 31

RS 142.20

5479

disposent pas ou risquent de ne pas disposer de ressources suffisantes. Les services doivent avoir une action préventive, curative et d'accompagnement. L'accès doit être gratuit.

Le réseau des services sociaux des cantons et des communes semble suffisant au regard de cette disposition. La pratique suisse ne poserait donc pas de problème de conformité par rapport au par. 3 de l'art. 13.

Art. 13, par. 4 L'art. 13, par. 4, impose à l'Etat qui l'accepte l'application des par. 1, 2 et 3 sur un pied d'égalité entre ses nationaux et les ressortissants d'Etats parties se trouvant légalement sur son territoire. Comme le CEDS l'a précisé à l'occasion d'une observation interprétative rendue avec ses Conclusions 2013, les étrangers qui ne peuvent être considérés comme légalement présents sur le territoire de l'Etat en question, c'est-à-dire les migrants en situation irrégulière, ne sont en général pas couverts par les dispositions de l'art. 13, par. 4. Les migrants en situation irrégulière entrent en revanche dans le champ d'application de l'art. 13, par. 1, à titre limité et exceptionnel (Introduction générale aux Conclusions 2013, janvier 2014, observation interprétative no 8, p. 7).

Selon le CEDS, l'art. 13, par. 4, confère aux ressortissants étrangers en séjour temporaire le droit à une assistance sociale et médicale d'urgence. Les Etats sont tenus de proposer une assistance appropriée à court terme pour parer à un besoin immédiat (hébergement, nourriture, soins médicaux d'urgence et vêtements). Les bénéficiaires de ce droit à l'assistance sociale et médicale d'urgence englobent les ressortissants étrangers qui sont présents en toute légalité sur le territoire d'un Etat donné sans pour autant y résider (Conclusions 2009, Tome 1, Andorre). Ces conditions seraient remplies par le droit suisse (art. 12 Cst.).

S'agissant des conditions de rapatriement des étrangers, l'art. 13, par. 4, renvoie à la Convention européenne d'assistance sociale et médicale de 1953 que la Suisse n'a pas ratifiée (cf. Annexe à la CSE révisée). Selon la pratique du CEDS, même les Etats non parties à la Convention de 1953 sont tenus par l'art. 13, par. 4, CSE d'accorder un traitement conforme aux dispositions de la Convention de 1953 (Conclusions 2006-1, Finlande). Il en découle en particulier qu'un Etat ne peut pas rapatrier une
personne étrangère résidant légalement depuis au moins cinq ans sur son territoire au seul motif que cette personne a besoin de l'aide sociale (art. 7, let. a, de la Convention européenne de 1953). Selon le CEDS, cette prescription ne devrait guère avoir d'effet pratique, puisque la situation des personnes qui résident légalement depuis plus de cinq ans dans un Etat est considérée comme régie par l'art. 13, par. 1, CSE. Or, comme l'art. 13, par. 1, ne serait pas acceptable pour la Suisse (cf.

supra ad par. 1), l'art. 13, par. 4, pourrait poser des problèmes dans certains cas exceptionnels, compte tenu du délai de résidence de cinq ans. Il apparaît donc que le droit suisse n'est pas entièrement conforme à l'art. 13, par. 4.

Conclusion Seuls les par. 2 et 3 de l'art. 13 ne posent pas de difficultés au regard du droit et de la pratique suisses. En revanche, compte tenu de la réglementation suisse en matière de révocation des autorisations de séjour et d'établissement lorsqu'une personne dépend de l'aide sociale et de la différence de 20 % pour l'aide sociale accordée aux

5480

personnes admises à titre provisoire, le droit suisse n'est pas conforme aux par. 1 et 4 de l'art. 13.

Par ailleurs, on peut douter de la conformité à la pratique du CEDS de l'art. 121, al. 3, let. b, Cst., qui a été accepté en votation populaire du 28 novembre 2010 (première initiative sur l'expulsion des étrangers criminels) et qui prévoit le retrait du titre de séjour et l'expulsion en cas d'abus des prestations sociales ou de l'aide sociale32.

Une disposition du noyau dur devant pouvoir être acceptée intégralement, il n'est donc pas proposé d'accepter l'art. 13.

Art. 16

Droit de la famille à une protection sociale, juridique et économique

Analyse de conformité Pour retenir la conformité avec cet article, le CEDS exige les mesures suivantes: ­

en ce qui concerne la protection sociale: accès à une offre suffisante de logements, structures de garde des enfants d'un coût abordable et de qualité, services de conseil aux familles et participation des associations représentant les familles à l'élaboration des politiques familiales;

­

en ce qui concerne la protection juridique: égalité entre les conjoints en matière de droits et responsabilités dans le couple et envers les enfants, services de médiation familiale, mesures pour lutter contre les violences domestiques à l'égard des femmes;

­

en ce qui concerne la protection économique: prestations familiales d'un montant suffisant, abattements fiscaux.

En application de cet article, le CEDS se préoccupe en particulier de la protection accordée aux familles vulnérables, dont les familles de Roms et de Gens du voyage ainsi que les familles monoparentales.

De façon générale, les développements récents en droit suisse dans les domaines couverts par l'art. 16 sont positifs.

Protection sociale Un programme d'impulsion à la création de nouvelles places d'accueil de jour pour les enfants a été mis en place au niveau fédéral en 2003 pour une durée initiale de huit ans, puis a été prolongé jusqu'en 2015. Le crédit total mis à la disposition du programme s'élève à 440 millions de francs.

Pour ce qui est de la participation des associations représentant les familles à l'élaboration des politiques familiales, on peut mentionner la Commission fédérale de coordination pour les questions familiales (COFF). Le mandat de cet organe consultatif du Département fédéral de l'intérieur (DFI) est le suivant: diffuser des informations et attirer l'attention du public et des institutions compétentes sur les conditions de vie des familles en Suisse (information); favoriser les échanges de vues entre l'administration et les organisations privées, ainsi qu'entre les différentes institutions actives dans le domaine de la politique familiale (coordination); encou32

Dans le cadre de la mise en oeuvre de cette disposition, le législateur devra encore déterminer les faits constitutifs permettant le retrait du titre de séjour et l'expulsion.

5481

rager, répertorier et évaluer les travaux de recherche; sur cette base, donner des orientations pour la politique familiale et proposer des mesures (recherche); encourager les idées novatrices, recommander l'adoption de mesures de politique familiale et prendre position sur des projets relevant de ce domaine (mise en oeuvre).

L'art. 16 exige que les Etats consentent à un effort budgétaire en faveur de la construction de logements pour les familles et disposent d'un nombre suffisant de logements sociaux. Ils doivent aussi faciliter l'accès au logement. L'art. 1, al. 1, de la loi du 21 mars 2003 sur le logement (LOG)33, entrée en vigueur le 1er octobre 2003, a pour but d'encourager l'offre de logements pour les ménages à revenu modeste.

Selon l'al. 2, il est tenu compte en particulier des intérêts des familles, des familles monoparentales, des personnes handicapées, des personnes âgées dans le besoin et des personnes en formation. Des aides directes et indirectes sont prévues pour l'encouragement, mais les prêts directs de la Confédération sont suspendus par le programme d'allègement budgétaire. L'encouragement à la construction de logements adaptés aux besoins des familles existe donc, même s'il est limité. Toutefois, la politique du logement fait actuellement l'objet d'un dialogue entre la Confédération, les cantons et les grandes villes confrontées à un marché du logement tendu.

Un catalogue de mesures sera proposé au Conseil fédéral.

En matière de logement, il faut également mentionner la loi fédérale du 4 octobre 1974 encourageant la construction et l'accession à la propriété de logements (LCAP)34, qui prévoit, entre autres, l'abaissement des loyers grâce à des avances annuelles à fonds perdus de la Confédération. Il faut citer aussi les dispositions de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP)35 concernant l'encouragement à la propriété du logement, qui prévoient que les fonds issus de la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (2e pilier) peuvent être mis à disposition d'un assuré, pourvu qu'il les affecte à l'achat d'un logement ou à l'amortissement d'une hypothèque grevant ledit logement servant à ses besoins personnels ou à ceux de sa famille, pour autant qu'il s'agisse de sa résidence principale.
Selon la pratique du CEDS, les Roms et les Gens du voyage bénéficient également du droit des familles à une offre suffisante de logements adaptés à leurs besoins, temporaires ou permanents. Lorsqu'elles sont notamment occupées par des familles, les places de séjour et de transit pour les Gens du voyage qui ont conservé un mode de vie itinérant sont considérées comme des logements au sens de l'art. 16. Dans ses Conclusions 2011 au sujet de la France (p. 20), le CEDS a ainsi conclu que la situation de cet Etat n'était pas conforme à l'art. 16 au motif que les conditions de logement des familles de Gens du voyage n'étaient pas d'un niveau suffisant.

En Suisse, la situation ne s'est pas améliorée durant la dernière décennie en ce qui concerne les aires de séjour et de transit pour les Gens du voyage. Selon un rapport d'expertise publié en décembre 2010 par la Fondation «Assurer l'avenir des Gens du voyage suisses»36, le nombre d'aires de séjour suffit seulement à 50 % des Gens du voyage suisses qui ont gardé un mode de vie itinérant et qui y stationnent durant les mois d'hiver. Quant aux aires de transit sur lesquelles les Gens du voyage habitent et

33 34 35 36

RS 842 RS 843 RS 831.40 «Les gens du voyage et l'aménagement du territoire. La situation en 2010».

5482

exercent leurs activités commerciales durant les mois d'été, elles ne permettent d'offrir une place qu'à 6 personnes sur 10.

Les efforts de la Confédération en matière d'incitation à la création d'aires pour les Gens du voyage consistent à proposer aux cantons une partie de son parc immobilier à disposition, en particulier d'anciens terrains militaires. La Confédération est prête à consentir à des prix qui prennent en compte les restrictions d'emploi d'une aire de séjour ou de transit, pour autant que les cantons s'en tiennent à l'affectation prévue.

Le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) a été mandaté par le Conseil fédéral pour collaborer sur ces questions de réaffectation de terrains militaires avec un groupe de travail de la Fondation «Assurer l'avenir des gens du voyage suisses». Cinquante sites qui étaient aptes à être transformés en aires de séjour ou de transit pour les Gens du voyage ont pu être proposés par la Confédération aux cantons. Seul un terrain a pu être retenu à ce jour (canton de St-Gall), du fait de la difficulté de réaffecter ces sites à des fins de logement et en raison des critères posés par les cantons. Les discussions se poursuivent néanmoins, notamment avec le canton du Jura. En novembre 2013, la Confédération, par l'Office fédéral des routes (OFROU), a annoncé une nouvelle mesure innovante en faveur des Gens du voyage: à la suite d'une convention passée avec le canton de Fribourg, elle sera le maître d'oeuvre d'une aire multifonctionnelle sur l'autoroute A12 pouvant accueillir quarante caravanes de Gens du voyage.

Plusieurs cantons ont également concrétisé leur volonté de créer des aires de séjour et de transit et ont développé des concepts qui ont été repris par d'autres cantons. Il en va ainsi notamment des cantons de St-Gall et d'Argovie. Les efforts se poursuivent actuellement dans plusieurs cantons pour établir de nouvelles aires ou assainir celles qui existent. Parmi les réalisations et projets les plus récents, on peut ainsi citer une nouvelle aire de séjour de 46 places inaugurée par le canton de Genève en septembre 2012, une aire de transit de 15 places ouverte en juin 2013 à Winterthur, dans le canton de Zurich. Dans le canton de Vaud, en avril 2013, le Parlement cantonal a appuyé à l'unanimité une pétition
déposée par des familles de la communauté yéniche vaudoise pour qu'une aire de séjour équipée soit mise à leur disposition. Le canton de Soleure projette d'établir une à deux nouvelles aires de séjour. Le canton d'Argovie a entrepris l'assainissement de quatre aires de transit.

Dans son troisième avis sur la Suisse, adopté en mars 2013, le Comité consultatif de la Convention-cadre du 1er février 1995 pour la protection des minorités nationales37 a recommandé aux autorités suisses de redoubler d'efforts pour remédier au plus vite au manque d'aires de séjour et de transit pour les Gens du voyage.

On ne peut exclure que le manque actuel de places de séjour et de transit pour les Gens du voyage puisse poser une difficulté au regard de l'art. 16 CSE. Les efforts importants en cours dans plusieurs cantons et la dernière mesure novatrice de la Confédération pour aménager une aire d'autoroute en aire de transit devraient néanmoins être pris en compte par le CEDS, qui évalue la situation dans son ensemble en considérant tous les éléments pertinents. En tout état de cause, cela ne saurait constituer un obstacle à l'acceptation de l'art. 16 CSE, dans la mesure où une conclusion négative du CEDS n'irait pas au-delà de la recommandation d'efforts accrus du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, efforts que les autorités suisses s'efforcent d'effectuer.

37

RS 0.441.1

5483

Protection juridique Au cours des dernières années, des mesures importantes ont été prises à différents niveaux pour lutter contre la violence dans les relations de couple. On peut citer les mesures législatives prises par la Confédération (poursuite d'office des actes de violence dans le couple, norme civile de protection contre la violence ainsi que révision des lois sur les étrangers et sur l'aide aux victimes) et celles prises par les cantons (possibilités d'intervention de la police pour protéger les victimes, mesures d'éloignement des auteurs). En outre, le réseautage, la coopération et la coordination ont été renforcés aux niveaux fédéral et local. La formation initiale et le perfectionnement des forces de police ont été intensifiés, les offres pour victimes et pour auteurs de violences étendues. Depuis 2010, les cas de violence domestique enregistrés par la police sont intégrés dans la nouvelle statistique policière de la criminalité (SPC), publiée annuellement. La norme civile de protection contre la violence (art.

28b CC38) et l'article du code pénal prévoyant la possibilité de suspendre une procédure liée à des actes de violence dans le couple (art. 55a CP) font l'objet d'une évaluation par l'OFJ.

En outre, il faut signaler que le 11 septembre 2013, la Suisse a signé la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Convention d'Istanbul). Le Département fédéral de justice et police (DFJP) a été chargé de préparer un message portant ratification à l'attention des Chambres fédérales. A priori, l'ordre juridique suisse semble largement satisfaire aux exigences de droit matériel posées par la Convention. De même, les cantons devraient en principe disposer des instruments de prévention et de protection des victimes qui sont de leur ressort.

Protection économique Le 1er janvier 2009, la loi du 24 mars 2006 sur les allocations familiales (LAFam)39, qui harmonise au plan national un certain nombre de dispositions, est entrée en vigueur. Elle fixe pour toute la Suisse un niveau minimum pour les allocations familiales: au moins 200 francs par mois pour les enfants de 0 à 16 ans et au moins 250 francs par mois pour les enfants de 16 à 25 ans en formation ou aux études. Les cantons peuvent prévoir des allocations
d'un montant plus élevé. La LAFam s'applique à tous les travailleurs salariés et une allocation entière doit être versée, quel que soit le taux d'occupation du parent. La LAFam prévoit aussi le versement d'allocations familiales à toute personne sans activité lucrative dont les ressources ne dépassent pas un certain montant. Depuis le 1er janvier 2013, la LAFam couvre également tous les travailleurs indépendants.

En Suisse, la fiscalité tient particulièrement compte des familles (couples avec ou sans enfants, familles monoparentales) comme le demande l'art. 16 CSE. Pour tenir compte de la situation économique personnelle des contribuables, la législation fiscale, tant fédérale que cantonale, prévoit des déductions et des barèmes particuliers qui sont accordés aux contribuables sur la base de leur statut social ou familial (situation de famille, nombre d'enfants, charges d'entretien, âge, etc.). Des allégements supplémentaires prévus par la loi fédérale du 25 septembre 2009 sur les allégements fiscaux en faveur des familles avec enfants40 sont entrés en vigueur le 38 39 40

RS 210 RS 836.2 RO 2010 455; FF 2009 6023

5484

1er janvier 2011. D'une part, le nouveau barème parental de l'impôt fédéral direct améliore l'équité fiscale entre les personnes avec enfants et les personnes sans enfant. D'autre part, avec l'introduction d'une déduction pour la garde des enfants par des tiers, les parents qui exercent une activité lucrative et font garder leurs enfants par des tiers et les ménages dont l'un des parents assure la garde des enfants seront imposés sur un pied d'égalité en fonction de leur capacité économique, par la Confédération et les cantons.

Conclusion La situation a évolué favorablement depuis le rapport 2002­2004 de l'administration fédérale qui concluait à la non-acceptation de l'art. 16. Le droit et la pratique suisses actuels sont compatibles avec les exigences posées par cet article. Par les efforts faits à différents niveaux, le manque de places de séjour et transit pour les Gens du voyage devrait, à terme, s'atténuer. Cette situation particulière en cours d'amélioration, qui retient l'attention des autorités suisses, ne saurait être un obstacle à l'acceptation de l'art. 16.

La Suisse pourrait donc accepter l'art. 16.

Art. 19

Droit des travailleurs migrants et de leurs familles à la protection et à l'assistance

Analyse de conformité Art. 19, par. 1 à 3 Ces paragraphes ne posent pas de problème de conformité par rapport au droit suisse.

Art. 19, par. 4, let. a Selon le texte de l'art. 19, par. 4, let. a, les Etats parties doivent garantir aux travailleurs se trouvant légalement sur leur territoire un traitement non moins favorable qu'à leurs nationaux en ce qui concerne la rémunération et les autres conditions d'emploi et de travail.

Selon la pratique du CEDS, l'art. 19, par. 4, let. a, doit s'appliquer soit en matière de conditions de rémunération et de travail, soit en matière de mobilité géographique et professionnelle.

En Suisse, en ce qui concerne les conditions de rémunération et de travail des ressortissants d'Etats non membres de l'UE ou de l'AELE, l'égalité de traitement est garantie par l'art. 22 LEtr, qui prévoit qu'un étranger ne peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative qu'aux conditions de rémunération et de travail usuelles du lieu, de la profession et de la branche.

En revanche, en Suisse, aux termes de la LEtr et de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA)41, le droit à la mobilité géographique et professionnelle n'est pas réalisé pour tous les étrangers. En effet, les titulaires d'une autorisation de séjour de courte durée, les frontaliers, les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire, les per41

RS 142.201

5485

sonnes à protéger et les réfugiés exerçant une activité lucrative n'ont pas le droit de changer d'emploi, de profession et de canton sans autorisation préalable de l'autorité cantonale compétente42. Des restrictions en matière de mobilité géographique et professionnelle peuvent également s'appliquer aux titulaires d'une autorisation de séjour.

Par conséquent, le droit positif suisse n'est, à cet égard, pas entièrement conforme à l'art. 19, par. 4, let. a.

Art. 19, par. 4, let. b Ce paragraphe ne pose pas de problème de conformité par rapport au droit suisse.

Art. 19, par. 4, let. c Selon le texte de l'art. 19, par. 4, let. c, les Etats parties doivent garantir aux travailleurs se trouvant légalement sur leur territoire un traitement non moins favorable qu'à leurs nationaux en ce qui concerne le logement.

Il ressort de la pratique du CEDS que si un Etat subordonne l'attribution d'un permis à un étranger à la possession d'un logement, il doit veiller à ce que les étrangers puissent accéder aisément à des logements ­ notamment lorsque ces logements sont gérés par des pouvoirs publics ­ et que l'accès ne fasse pas l'objet d'entraves.

L'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers, que le rapport 2002 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique qualifiait de problématique pour la ratification de la CSE, a été abrogée par l'OASA. Cependant, la LEtr prévoit elle aussi, à son art. 24, qu'un étranger ne peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative que s'il dispose d'un logement approprié. La nouvelle législation sur les étrangers n'a donc pas modifié cette situation.

Quant à l'art. 1 LOG, il a pour but d'encourager l'offre de logements pour les ménages à revenu modeste. Selon l'art. 5 LOG, les mesures d'encouragement sont régies, entre autres, par le principe qu'un mélange équilibré de différentes catégories sociales doit être possible. Ces dispositions peuvent favoriser l'accès des étrangers à des logements, même dans les cas où ces derniers ne sont pas gérés par les pouvoirs publics. Les locataires étrangers bénéficient exactement des mêmes droits que les locataires suisses, en application du principe fondamental de mixité sociale et intergénérationnelle des logements subventionnés. Dans les faits, les discriminations à l'encontre des étrangers
ne peuvent être exclues dans la mesure où les bailleurs de logements restent, en règle générale, libres de louer un logement aux personnes de leur choix. Toutefois, il ne semble pas exister d'inégalité en droit (à ce sujet, voir l'analyse de la consultation technique des cantons ci-dessous ad ch. 10.1).

Il apparaît donc que nationaux et étrangers jouissent en principe d'une égalité de traitement en matière d'accès au logement et que le droit suisse est conforme à la pratique du CEDS en application de l'art. 19, par. 4, let. c.

42

A noter que cette question est également l'un des obstacles à l'adhésion de la Suisse au Protocole no 4 à la CEDH de 1963.

5486

Art. 19, par. 5 Ce paragraphe ne pose pas de problème de conformité par rapport au droit suisse.

Art. 19, par. 6 Selon l'art. 19, par. 6, les Etats parties doivent faciliter autant que possible le regroupement de la famille du travailleur migrant autorisé à s'établir lui-même sur le territoire.

En matière de regroupement familial, le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Constitution fédérale et la CEDH (art. 13, al. 1, Cst. et 8 CEDH) veut que les autorités tiennent compte de manière circonstanciée des différents intérêts en présence43.

La CSE révisée propose une nouvelle définition des membres de la «famille». Désormais, l'âge limite des enfants qui peuvent être admis au titre du regroupement familial est l'âge de la majorité tel que fixé dans le pays d'accueil et non plus l'âge de 21 ans. En Suisse, l'âge de la majorité est fixé à 18 ans, comme dans la plupart des autres pays européens. C'est là une pierre d'achoppement qui disparaît et qui était encore présente dans la CSE de 1961. Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle LEtr, le regroupement familial des conjoints et enfants étrangers du titulaire d'une autorisation de courte durée peut désormais être accordé (art. 45 LEtr). Bien qu'il ne s'agisse pas en l'occurrence d'un droit, on peut partir du principe que cette nouvelle disposition satisfait aux exigences posées par l'art. 19, par. 6. Le regroupement familial est confronté toutefois à d'autres obstacles juridiques que l'entrée en vigueur de la LEtr n'a pas permis d'écarter ou qui sont encore venus s'ajouter.

Selon la pratique du CEDS, le droit au regroupement familial ne peut notamment pas être refusé au motif que le travailleur migrant est tributaire de l'aide sociale. Par ailleurs, les membres de la famille d'un travailleur migrant qui sont admis au titre du regroupement familial et l'ont rejoint sur le territoire d'un Etat jouissent d'un droit propre à séjourner sur ce territoire. Ces deux conditions ne sont pas clairement prévues par la LEtr.

La LEtr contient deux autres dispositions qui ne satisfont pas aux exigences posées par l'art. 19, par. 6. Il s'agit d'abord du délai pour le regroupement familial. D'après l'art. 47 LEtr, le regroupement familial doit être demandé dans les cinq ans. Pour les enfants de plus de 12 ans, le regroupement doit intervenir
dans un délai de 12 mois.

Le deuxième obstacle juridique est l'exigence faite par le droit suisse au conjoint et aux enfants de vivre en ménage commun avec la personne qui les a fait venir au titre du regroupement familial (art. 42, 44 et 45 LEtr). Il est probable que le CEDS, selon sa pratique, considérerait ces dispositions de la LEtr comme non conformes à l'art. 19, par. 6.

Par conséquent, le droit suisse en vigueur n'est, à divers égards, pas conforme à l'art. 19, par. 6.

43

Voir par ex. les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme dans les affaires Gezginci contre Suisse (arrêt du 9 décembre 2010, requête no 16327/05) et Hasanbasic contre Suisse (arrêt du 11 juin 2013, requête no 52166/09).

5487

Art. 19, par. 7 Ce paragraphe ne pose pas de problème de conformité par rapport au droit suisse.

Art. 19, par. 8 Selon l'art. 19, par. 8, les Etats parties s'engagent à garantir aux travailleurs résidant régulièrement sur leur territoire qu'ils ne pourront être expulsés que s'ils menacent la sécurité de l'Etat ou contreviennent à l'ordre public ou aux bonnes moeurs.

Le CEDS interprète de manière restrictive ces motifs d'expulsion. Le fait qu'un travailleur migrant ou sa famille soient tributaires de l'aide sociale ne peut constituer un motif d'expulsion.

L'art. 68 LEtr (expulsion) ne mentionne plus le fait d'être dépendant de l'aide sociale comme un motif d'expulsion. Toutefois, il existe la possibilité prévue à l'art. 62, let. e, LEtr (autorisation de séjour, autorisation de courte durée) et à l'art. 63, let. c, LEtr (autorisation d'établissement) de révoquer une autorisation au motif que la personne dépend de l'aide sociale. Des étrangers peuvent donc être renvoyés de Suisse pour ce motif (à ce sujet, voir ci-dessus, ad art. 13, par. 1). De plus, le nouvel art. 121 Cst. prévoit, en cas de perception abusive de prestations sociales ou de l'aide sociale, le retrait du titre de séjour et l'expulsion44 (voir également ci-dessus la conclusion ad art. 13). Ces dispositions ne seraient manifestement pas compatibles avec la pratique du CEDS.

Par conséquent, le droit suisse en vigueur n'est pas conforme à l'art. 19, par. 8.

Art. 19, par. 9 Ce paragraphe ne pose pas de problème de conformité par rapport au droit suisse.

Art. 19, par. 10 Selon le par. 10, les Etats parties s'engagent à étendre la protection et l'assistance prévues à l'art. 19 aux travailleurs migrants travaillant pour leur propre compte.

Selon l'art. 19 LEtr, les travailleurs migrants peuvent être autorisés à exercer une activité lucrative indépendante. En règle générale, ils obtiennent d'abord une autorisation de séjour de courte durée. Les titulaires de ce type d'autorisation n'ont cependant pas le droit de changer d'emploi, de profession et de canton sans autorisation préalable de l'autorité cantonale compétente. Des restrictions en matière géographique et professionnelle peuvent également s'appliquer aux titulaires d'une autorisation de séjour.

Il apparaît donc que la protection prévue par l'art. 19, par. 4, let. a, CSE, plus
précisément la mobilité géographique et professionnelle, n'est pas garantie en Suisse aux travailleurs migrants travaillant pour leur propre compte. Le droit positif suisse n'est donc pas entièrement conforme à l'art. 19, par. 10.

44

A la suite de l'acceptation de l'initiative sur l'expulsion des étrangers criminels. Dans le cadre de la mise en oeuvre de cette disposition, le législateur devra encore déterminer les faits constitutifs permettant le retrait du titre de séjour et l'expulsion.

5488

Art. 19, par. 11 Selon le par. 11, les Etats parties s'engagent à favoriser et à faciliter l'enseignement de leur langue nationale ou de l'une de leurs langues nationales aux travailleurs migrants et aux membres de leurs familles.

Le domaine de l'instruction publique obligatoire est de la compétence des cantons.

L'enseignement des langues nationales est régi par le Concordat HarmoS, de même que par l'art. 15 de la loi du 5 octobre 2007 sur les langues (LLC)45, entrée en vigueur en janvier 2010.

Dans ses Recommandations concernant la scolarisation des enfants de langue étrangère, la CDIP a réaffirmé le principe selon lequel il importe d'intégrer tous les enfants de langue étrangère vivant en Suisse dans les écoles publiques en évitant toute discrimination. La CDIP recommande ainsi aux cantons de proposer dès l'âge préscolaire l'enseignement gratuit de la langue locale courante et de soutenir les efforts entrepris pour la promotion de la langue d'origine. La CDIP recommande également de faciliter l'admission directe des élèves nouvellement arrivés dans les écoles et les classes de l'école publique correspondant à leur niveau de formation et à leur âge, tout en organisant à leur intention des cours d'appui et des cours de langue gratuits. La CDIP recommande également de tenir compte dans une mesure appropriée de l'allophonie et des connaissances supplémentaires dans la langue et la culture du pays d'origine dans le cadre de l'évaluation des élèves, lors des décisions portant sur la promotion et la sélection. Il importe avant tout d'éviter que les élèves de langue étrangère soient placés dans des classes d'enseignement spécialisé ou doivent redoubler une année scolaire seulement en raison de lacunes dans la langue d'enseignement.

En vertu des art. 16 LCC et 10 de l'ordonnance du 4 juin 2010 sur les langues (OLang)46, la Confédération peut promouvoir l'acquisition par les allophones en âge préscolaire de la langue nationale locale, à travers le soutien à des projets innovants des cantons.

Les compétences linguistiques de migrants adultes sont encouragées par l'Office fédéral des migrations (ODM). Les objectifs de la politique suisse en matière d'intégration s'inscrivent dans la LEtr et l'ordonnance du 24 octobre 2007 sur l'intégration des étrangers (OIE)47 révisée. Pour mettre en oeuvre cette
politique, le DFJP, en accord avec les cantons et les communes, a mis sur pied une stratégie de promotion de l'intégration par le biais des Programmes cantonaux d'intégration (PIC). Le pilier no 2 de ces PIC concerne la formation et le travail, dont fait partie la promotion des langues nationales. Aux termes de l'art. 53, al. 3, LEtr, la Confédération, les cantons et les communes encouragent en particulier l'apprentissage d'une langue nationale; ils soutiennent les efforts déployés en vue de favoriser la compréhension mutuelle entre populations suisse et étrangère et de faciliter leur coexistence.

L'expérience a montré que les cours de langue dispensés au sein des structures ordinaires (école, formation professionnelle, mesures relatives au marché de l'emploi, etc.) ne sont pas à la portée de tous les migrants. Cela signifie que les chances d'améliorer la compréhension mutuelle et, partant, la coexistence sont 45 46 47

RS 441.1 RS 441.11 RS 142.205

5489

remises en question. Pour cette raison, le domaine de la promotion de la langue vise les objectifs primaires suivants: ­

Il existe des offres appropriées en vue de l'apprentissage d'une langue nationale auxquelles les migrants ont recours. Concrètement, les migrants seront soutenus afin qu'ils puissent accéder, dans la mesure du possible, aux offres ordinaires existantes. Des offres appropriées permettent de pallier les lacunes.

­

Il importe de faciliter l'intégration sociale des migrants par le biais d'offres visant, d'une part, à favoriser la communication et la compréhension, dans la vie quotidienne, entre la population indigène et les migrants mais aussi entre les migrants parlant diverses langues d'origine, et, d'autre part, à motiver les migrants à apprendre une langue nationale (par ex. dans leur voisinage, lors de contacts à l'école ou de démarches auprès de l'administration, à l'occasion de visites chez le médecin, etc.).

Il apparaît donc que le droit et la pratiques suisses sont conformes à l'art. 19, par. 11.

Art. 19, par. 12 Selon le par. 12, les Etats parties s'engagent à favoriser et faciliter dans la mesure du possible l'enseignement de la langue maternelle du travailleur migrant à ses enfants.

Le par. 12 est mis en oeuvre en Suisse par la réalisation et la mise à disposition de cours de langue et de culture du pays d'origine (LCO). L'art. 4, al. 4, du Concordat HarmoS prévoit qu'«en ce qui concerne les élèves issus de la migration, les cantons apportent, par des mesures d'organisation, leur soutien aux cours LCO organisés par les pays d'origine et les différentes communautés linguistiques dans le respect de la neutralité religieuse et politique». Dans le cadre de la LLC (art. 16, let. c) et de son ordonnance d'application (art. 11), la Confédération a la possibilité de promouvoir l'acquisition par les allophones de leur langue première, à travers le soutien à des projets innovants des cantons pour la promotion de formules d'enseignement intégré en langue et culture d'origine, la formation continue des enseignants, ainsi que l'élaboration de matériel didactique.

S'ils le désirent, les élèves dont la langue première est différente de la langue d'enseignement locale (allemand, français, italien ou romanche) peuvent donc, dans un grand nombre de localités, suivre des cours dans la langue de leur région d'origine. Ces cours sont le plus souvent organisés par la communauté issue de la migration (par l'ambassade, le consulat, une association ou encore des particuliers).

Dans quelques cas, ce sont les cantons, les communes ou les organisations caritatives qui s'en chargent. Les cours sont destinés aux enfants qui parlent la langue d'origine en question dans leur famille ou dont la nationalité est celle de leur pays d'origine. Ces cours sont un soutien à la construction de l'identité des enfants et à l'acquisition de la langue première, qu'ils ne parlent que dans le cercle familial. Le développement précoce du plurilinguisme et des compétences interculturelles est un facteur important pour la réussite de l'intégration. Pour les migrants et les allophones, le fait de posséder de bonnes connaissances de la langue première facilite l'acquisition de la langue nationale locale.

Il apparaît donc que, là aussi, le droit et la pratique suisses sont conformes à l'art. 19, par. 12.

5490

Conclusion Le droit et la pratique suisses actuels posent des problèmes de conformité ­ dont certains importants ­ avec le par. 4, let. a, et les par. 6, 8 et 10 de l'art. 19.

Dans la mesure où une disposition du noyau dur doit pouvoir être acceptée intégralement, l'acceptation de l'art. 19 n'est donc pas proposée.

Art. 20

Droit à l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi et de profession, sans discrimination fondée sur le sexe

Analyse de conformité Le rapport 2002/2004 de l'administration fédérale proposait déjà d'accepter l'art. 20.

Garantie de l'égalité de traitement dans la loi et dans les faits L'art. 20 garantit le droit à l'égalité de traitement dans toutes les étapes de la vie professionnelle. Il se rapporte à l'accès à l'emploi, à la protection contre le licenciement, à l'orientation et à la formation professionnelles, aux conditions d'emploi et de travail et au déroulement de la carrière. Toute discrimination en fonction du sexe, qu'elle soit directe ou indirecte, doit être interdite. L'égalité doit être respectée à l'égard de tous les salariés, du secteur privé et du secteur public.

D'après le CEDS, le droit des femmes et des hommes à l'égalité professionnelle doit être garanti par un texte législatif. Les Etats doivent garantir l'égalité de traitement dans tous ses aspects. L'inscription du principe dans la Constitution ne suffit pas.

Le droit suisse en vigueur est conforme à cette exigence. La loi du 24 mars 1995 sur l'égalité (LEg)48 a pour but de promouvoir l'égalité dans les faits.

Droit de recours Le CEDS précise que le droit national doit prévoir des voies de recours adéquates et efficaces en cas d'allégation de discrimination. Tout salarié qui s'estime victime d'une discrimination salariale doit pouvoir saisir une instance indépendante.

Cela ne pose pas de problème de conformité par rapport au droit suisse.

Fardeau de la preuve Selon le CEDS, dans les litiges comportant une allégation de discrimination dans les matières couvertes par la CSE, la charge de la preuve ne doit pas reposer totalement sur le plaignant; elle doit faire l'objet d'un aménagement approprié. Celui-ci consiste en principe à s'assurer que, dès lors qu'une personne estime avoir subi un préjudice en raison du non-respect du principe d'égalité de traitement et établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation dudit principe (Conclusions 2008, Tome 1, Andorre).

En Suisse, l'art. 6 LEg prévoit un allégement du fardeau de la preuve en ce sens que l'existence d'une discrimination est présumée pour autant que la personne qui s'en prévaut la rende vraisemblable. Cet allégement du fardeau de la preuve s'applique aux discriminations relatives à l'attribution des tâches, à l'aménagement des condi48

RS 151.1

5491

tions de travail, à la rémunération, à la formation et au perfectionnement professionnels, à la promotion et à la résiliation des rapports de travail. S'agissant en revanche de discrimination lors de l'engagement et de harcèlement sexuel, le partage du fardeau de la preuve est régi par la règle générale de l'art. 8 CC: chaque partie doit prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit; le juge établit toutefois d'office les faits et apprécie librement les preuves (maxime inquisitoire). En cas d'allégation de discrimination lors de l'engagement, la personne qui estime avoir été lésée peut exiger de l'employeur qu'il motive sa décision par écrit, ce qui contribue à atténuer les difficultés liées à la preuve. Quant au harcèlement sexuel ou psychologique, il peut être admis sur la base d'un faisceau d'indices convergents (voir par exemple les arrêts du Tribunal fédéral 1C_418/2008 du 27 mai 2009, consid. 2.2, et 4P. 214/2006 du 19 décembre 2006, consid. 2.2.).

Par conséquent, il apparaît que le fardeau de la preuve tel qu'il est aménagé en droit suisse devrait suffire à satisfaire aux exigences de la pratique du CEDS et ne devrait donc pas poser de problème de conformité avec l'art. 20 CSE.

Réparation en cas de discrimination Pour assurer que l'égalité est effectivement mise en oeuvre, le droit national doit prévoir des sanctions suffisamment dissuasives pour l'employeur et une réparation suffisante et proportionnée au préjudice subi par la victime (Conclusions 2006 Tome 2, Moldova). Une réparation suffisante signifie: ­

la réintégration ou le maintien dans l'emploi en cas de licenciement illégal ou abusif, ainsi que l'octroi d'une indemnité compensant le préjudice économique subi;

­

une indemnité proportionnée au préjudice subi, à savoir couvrant le préjudice économique et moral, si la personne salariée ne souhaite pas être réintégrée ou si la poursuite de la relation de travail est impossible;

­

dans tous les autres cas, la cessation de la discrimination et l'octroi d'une indemnité proportionnée au préjudice matériel et moral subi.

Dans son ancienne pratique, le CEDS considérait en outre que l'indemnisation ne pouvait être plafonnée, afin de ne pas empêcher qu'elle soit proportionnée au préjudice subi et, partant, suffisante (Conclusions 2008 Tome 1, Géorgie). Toutefois, comme cela a été exposé ci-dessus de manière générale au sujet de l'art. 1, par. 2, le CEDS a assoupli à la fin 2011 sa position relative au plafond des indemnités pour licenciement abusif. Cette nouvelle pratique est également applicable à l'indemnisation en cas de licenciement discriminatoire dans le cadre de l'art. 20.

En droit suisse, la situation est la suivante: de manière exceptionnelle en droit privé, l'art. 10 LEg prévoit que la résiliation du contrat de travail par l'employeur est annulable lorsqu'elle ne repose pas sur un motif justifié et qu'elle fait suite à une réclamation adressée à un supérieur ou à un autre organe compétent au sein de l'entreprise, à l'ouverture d'une procédure de conciliation ou à l'introduction d'une action en justice. Le travailleur est protégé contre un congé de rétorsion durant la procédure interne ou judiciaire et six mois après sa clôture (art. 10, al. 2, LEg). S'il le souhaite, il peut demander au tribunal d'ordonner sa réintégration provisoire jusqu'à l'issue de la procédure en annulation du congé (art. 10, al. 3, LEg).

5492

Dans les autres cas de discrimination portant sur la résiliation de rapports de travail qui sont régis par le CO, la personne lésée ne peut prétendre qu'au versement d'une indemnité par l'employeur (art. 5, al. 2, LEg). Cette indemnité est fixée compte tenu de toutes les circonstances. En principe, elle n'excède pas le montant correspondant à six mois de salaire. Il en va de même de l'indemnité pour harcèlement sexuel. En revanche, dans les cas de refus d'embauche, l'indemnité prévue ne peut excéder le montant correspondant à trois mois de salaire. De plus, lorsque plusieurs personnes prétendent au versement d'une indemnité pour refus d'embauche à un même poste, la somme totale des indemnités versées n'excédera pas non plus ce montant (art. 5, al. 4, LEg).

Il faut noter que ces indemnités peuvent être complétées par des droits en dommages-intérêts et en réparation du tort moral, de même que par les prétentions découlant de dispositions contractuelles plus favorables (art. 5, al. 5, LEg). Ces droits en dommages-intérêts et en réparation du tort moral ne sont pas plafonnés et permettent donc d'assurer la fonction réparatrice voulue par le CEDS.

Dans le cadre de son dialogue avec les autorités suisses, le CEDS, à qui la situation du droit suisse actuel en matière de plafonnement d'indemnisation a été exposée, a apprécié qu'elle lui semblait suffisante, dès lors que ce qui est déterminant selon les critères de sa nouvelle pratique, c'est que la porte ne soit pas fermée à un dédommagement complémentaire. Tel étant bien le cas selon l'art. 5, al. 5, LEg, on peut donc conclure que, sur ce point, le droit suisse en vigueur est en principe conforme à l'art. 20.

Egalité salariale Conformément à la pratique du CEDS, la CSE garantit le droit des femmes et des hommes à une rémunération égale pour un travail de valeur égale. L'égalité salariale doit couvrir tous les aspects de la rémunération, c'est-à-dire le salaire ou le traitement de base ou minimum, et tous les avantages accordés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.

La notion d'égalité salariale telle qu'elle est interprétée par le CEDS ne pose pas de problème de conformité par rapport au droit suisse (art. 8, al. 3, Cst. et 3 LEg). Par ailleurs, il faut relever que
les associations faîtières patronales et syndicales et les services fédéraux concernés oeuvrent depuis 2009 en partenariat pour inciter les entreprises à analyser volontairement leurs grilles salariales et à éliminer dans les meilleurs délais les discriminations entre femmes et hommes qu'elles pourraient constater.

Conclusion Globalement, le droit suisse en vigueur est en principe conforme à toutes les exigences découlant de l'art. 20 CSE.

L'appréciation préalable de la situation suisse faite par le CEDS est favorable. La conformité de l'ordre juridique suisse par rapport au plafonnement des indemnisations en cas de discrimination peut être retenue du fait de l'assouplissement récent de la pratique du CEDS.

Quant aux exigences du CEDS en matière de fardeau de la preuve, elles ne devraient en principe pas poser de problème de conformité par rapport au droit suisse.

5493

8.1.3

Récapitulatif des dispositions du noyau dur que la Suisse peut s'engager à accepter

Article

Numéros des paragraphes auxquels le droit suisse en vigueur devrait être entièrement conforme

Numéros des paragraphes auxquels le droit suisse n'est pas entièrement conforme

Articles que la Suisse pourrait reconnaitre

1 5 6 7 12 13 16 19 20

1, 2, 3, 4 Tout l'art. (1 par.)

1, 2, 3, 4 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 2, 3 2, 3 Tout l'art. (1 par.)

1, 2, 3, 5, 7, 9, 11, 12 Tout l'art. (1 par.)

­ ­ ­ ­ 1, 4 1, 4 4, 6, 8, 10 ­

oui oui oui oui non non oui non oui

Total

33

8

6

8.2

Sommaire récapitulatif de la conformité du droit suisse avec les dispositions supplémentaires de la CSE

Il faut rappeler qu'outre six articles intégraux du noyau dur, l'Etat qui ratifie la CSE révisée doit pouvoir accepter un certain nombre de «dispositions supplémentaires», de sorte à accepter en tout 16 articles dans leur intégralité ou 63 paragraphes numérotés, y compris les articles (et leurs paragraphes) minima du noyau dur.

L'examen des dispositions supplémentaires qui suit se fonde sur le rapport de l'administration fédérale de 2002­2004. Pour des raisons d'économie administrative, l'examen de la conformité du droit suisse avec les dispositions supplémentaires n'a pas été mis à jour pour le présent rapport. D'une part, le présent rapport porte essentiellement sur la conformité du droit suisse avec le noyau dur de la CSE, cet élément étant absolument déterminant pour juger de l'opportunité de ratifier la CSE révisée. D'autre part, il ressort du tableau ci-dessous, établi conformément au rapport 2002­2004 de l'administration fédérale et complété par les résultats de l'analyse du présent rapport, que le nombre total d'articles et de paragraphes est largement atteint (20 articles sur 16 et 76 paragraphes sur 63). Le tableau figurant cidessous est donc présenté à titre indicatif, sous réserve d'un examen plus poussé de l'évolution du droit suisse et de la pratique du CEDS depuis 2004.

5494

Article

Nombre de paragraphes numérotés

Numéros des paragraphes auxquels le droit suisse est conforme

Nombre de paragraphes auxquels le droit suisse est conforme

Articles auxquels le droit suisse est entièrement conforme

Report noyau dur 2 3 4 8 9 10 11 14 15 17 18 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31

­ 7 4 5 5 1 5 3 2 3 2 4 1 1 1 1 1 2 3 1 1 1 3

­ 1, 2, 3, 5, 7 1 3, 4, 5 1, 2, 3, 4, 5 1 1, 2, 3, 4 1, 2, 3 1, 2 1, 2, (3) 1, 2 2, 4 1 1 1 ­ ­ 1, 2 3 1 1 1 1, 2, 3

33 5 1 3 5 1 4 3 2 2 (3) 2 2 1 1 1 0 0 2 1 1 1 1 3

6 non non non oui oui non oui oui non (oui)49 oui non oui oui oui non non oui non oui oui oui oui

43

14

76

20

Sous-total Total

9

98

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

La mise en oeuvre de la CSE révisée implique pour un Etat partie l'élaboration de rapports annuels sur une partie des dispositions qu'il a acceptées, regroupées thématiquement. Le dialogue avec le CEDS qui précède l'adoption des conclusions peut ensuite être concrétisé par des rencontres ponctuelles (cf. supra ch. 7.1).

49

Cette disposition semble désormais conforme dans sa totalité. Au titre des évolutions pertinentes depuis 2004, voir la loi du 13 décembre 2002 sur l'égalité pour les handicapés (LHand; RS 151.3) et la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée le 15 avril 2014 par la Suisse.

5495

En outre, les experts gouvernementaux des Etats parties assistent deux fois par année (pendant au moins trois jours chaque fois) aux réunions du Comité gouvernemental (cf. supra ch. 7.2). En principe, chaque Etat partie délègue un seul expert gouvernemental, spécialisé dans les domaines examinés, et dont les frais de voyage et d'hébergement sont pris en charge par le Conseil de l'Europe. Le travail de préparation des réunions du Comité gouvernemental par les administrations nationales dépend du nombre de situations de non-conformité et de conclusions négatives concernant leur pays.

L'élaboration des rapports annuels sur une partie seulement des dispositions acceptées de la CSE, les discussions avec le CEDS, la participation aux deux réunions annuelles du Comité gouvernemental et leur préparation impliqueraient des dépenses administratives nouvelles, mais qui resteraient mesurées.

En septembre 2011, le DFAE avait informé le Conseil fédéral de son intention de compléter le rapport sur la CSE révisée par un volet économique. Dans le contexte d'alors, il s'agissait d'examiner les effets économiques qu'auraient des modifications de la législation ou de la pratique suisses. Cette analyse économique, confiée au SECO, a été effectuée puis intégrée dans le projet de rapport. Par la suite, le contexte a substantiellement changé, vu les résultats du dialogue avec le CEDS, en particulier l'accord trouvé au sujet du système suisse de formation professionnelle initiale duale (à ce sujet, voir supra les commentaires ad art. 7, par. 4 et 5). Il en a résulté que les dispositions de la CSE en cause sont acceptables pour la Suisse sans que des modifications législatives soient nécessaires. Dans ces conditions, le volet économique qui avait été initialement prévu est devenu sans objet et a perdu son actualité. Par conséquent, il n'a pas été intégré dans le présent rapport.

10

Répercussions pour les cantons et les communes

10.1

Résultats de la consultation technique des cantons

La ratification de la CSE révisée aurait différentes répercussions sur les compétences des cantons et affecterait leurs intérêts essentiels. En vertu des art. 45 et 54, al. 3, Cst., ainsi que de la loi fédérale du 22 décembre 1999 sur la participation des cantons à la politique extérieure de la Confédération (LFPC)50, la Confédération doit informer les cantons des principales étapes concernant la Charte (art. 3 LFPC) et les consulter (art. 4 LFPC).

Ainsi, une enquête a été menée entre décembre 2010 et mars 2011 auprès des cantons, préalablement à l'adoption du présent rapport. Elle a pris la forme d'une consultation technique n'entrant pas dans le champ d'application de la législation sur la consultation proprement dite. Dans le cadre de cette enquête, les cantons et toutes les conférences des directeurs cantonaux ont été invités à fournir leurs commentaires généraux sur le projet de rapport. Des questions plus spécifiques leur ont aussi été soumises en vue, d'une part, d'identifier les articles du noyau dur qui seraient le plus facilement acceptables et, d'autre part, de compléter le rapport sur des points techniques relevant de la compétence des cantons (droit de grève, droit à l'assistance sociale et égalité des travailleurs migrants en matière de logement).

50

RS 138.1

5496

Nombre de cantons ont souligné le caractère technique de la consultation et ont réservé de plus amples commentaires et prises de position pour une éventuelle procédure de consultation formelle ultérieure. Parmi les cantons qui se sont prononcés sur l'opportunité d'une ratification de la CSE, une moitié s'est exprimée en faveur d'une telle démarche, tandis que l'autre a émis des réserves. Les cantons favorables à la ratification ont évoqué la responsabilité qui incombe à la Suisse en tant qu'Etat membre influent du Conseil de l'Europe, un effet favorable sur la cohésion sociale et l'intégration des étrangers ainsi que la prévention du racisme et une meilleure protection des enfants et des jeunes. Les cantons défavorables à la Charte ont relevé, pour leur part, les obstacles politiques qui s'opposeraient à une ratification, l'approche évolutive du CEDS, le caractère non prioritaire d'une ratification et le bon fonctionnement du système social suisse sous sa forme actuelle. Ils craignent en outre des répercussions négatives sur le secteur de l'éducation et l'économie.

Tous les cantons se sont en revanche accordés à dire qu'une acceptation des art. 13 et 19 CSE n'entre pas en ligne de compte au vu des adaptations juridiques qu'elle nécessiterait. La plupart des cantons ont par ailleurs estimé que la question de l'opportunité d'une ratification ne pouvait être clarifiée que dans le cadre des processus politiques usuels.

La question de savoir quel sixième article du noyau dur serait le plus facilement acceptable (en plus des art. 1, 5, 6, 16 et 20) a recueilli des réponses de plus de la moitié des cantons. Une grande majorité de ceux qui se sont exprimés ont opté pour l'art. 7. Deux considérations sous-tendent ce choix: la perspective d'effets positifs sur la protection des enfants et des jeunes ainsi que la compatibilité du droit et de la pratique de la Suisse avec ceux de la CSE, déjà largement donnée aujourd'hui.

Il s'est avéré que les cantons et les communes admettent de fait le droit de grève (cf.

art. 6, par. 4, CSE). Près de la moitié d'entre eux s'en tiennent strictement aux règles de l'art. 28, al. 3, Cst.. Les autres ont repris les dispositions constitutionnelles dans leur droit cantonal et adopté une base légale restreignant le droit de grève selon les critères admis. Seuls deux cantons
font figure d'exception: ils interdisent le droit de grève pour leurs employés et fonctionnaires, allant ainsi à l'encontre de la Constitution fédérale, de la CEDH, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de la CSE (cf. supra le commentaire ad art. 6, par. 4).

Il ressort que les législations cantonales d'aide sociale sont conformes à l'art. 13 CSE, dans la mesure où une assistance «appropriée» est fournie, permettant de mener une vie décente et de couvrir les besoins essentiels de l'individu (cf. supra le commentaire ad art. 13, par. 1). On peut noter que les méthodes de calcul utilisées par le CEDS diffèrent de celles dont se servent les cantons. Le CEDS considère que l'assistance est appropriée quand le montant des prestations d'assistance n'est manifestement pas inférieur au seuil de pauvreté, fixé à 50 % du revenu médian ajusté et calculé sur la base du seuil de risque de pauvreté d'Eurostat. Les cantons, quant à eux, se basent plus volontiers sur un critère de besoin. Ils agissent souvent sur la base des normes d'accès à l'aide sociale définies par la Conférence suisse des institutions d'action sociale, jugées par les cantons comme étant conformes à la CSE.

La consultation technique a confirmé que les étrangers bénéficient en général d'une égalité de traitement avec les ressortissants suisses en matière d'aide sociale (cf.

supra le commentaire ad art. 13, par. 4). Toutefois, dans une dizaine de cantons, certains groupes d'étrangers, dont ceux qui sont admis à titre provisoire, reçoivent des prestations moindres.

5497

Seuls 18 cantons ont répondu à la question concernant la révocation des autorisations de séjour et d'établissement lorsqu'une personne dépend de l'aide sociale (cf.

supra le commentaire ad art. 13, par. 1). Six d'entre eux ont indiqué qu'ils ne pratiquaient pas ou extrêmement rarement le renvoi basé sur le seul motif que l'étranger en question aurait besoin d'assistance. La majorité des autres cantons qui se sont exprimés sur cette question semblent se conformer à la LEtr.

Il semblerait que le droit et la pratique suisses soient conformes à l'art. 19, par. 4, let. c, CSE (cf. supra le commentaire ad art. 19, par. 4c). Les cantons ont informé qu'ils traitaient de manière égale les ressortissants suisses et les étrangers et que l'accès au logement n'était pas lié à des conditions dépendant de la nationalité. Un canton a mentionné que si les logements étaient attribués de manière égale en droit, il pouvait y avoir une inégalité de fait, dans la mesure où il fallait être établi dans le canton depuis deux ans pour avoir droit à l'aide. D'autres cantons relèvent en outre qu'il n'est pas exclu que des étrangers soient de facto pénalisés dans l'accès au logement.

10.2

Conséquences économiques

Une ratification de la CSE révisée nécessiterait certaines ressources du côté des cantons. Plusieurs domaines couverts par la Charte relèvent en effet de la compétence des cantons, de sorte que ces derniers pourraient être appelés à collaborer avec l'administration fédérale pour la compilation des données à fournir dans les rapports étatiques annuels (à ce sujet, cf. supra ch. 7.1 et 9). Les dépenses nouvelles qui résulteraient pour les cantons de cette collaboration avec l'administration fédérale resteraient néanmoins mesurées vu la pratique du CEDS d'examiner la mise en oeuvre par les Etats parties non pas de l'ensemble de leurs engagements, mais d'un nombre limité de dispositions de la CSE.

11

Constitutionnalité

En vertu de l'art. 54, al. 1, Cst., la conclusion de traités internationaux comme la Charte révisée relève de la compétence de la Confédération en matière de politique extérieure. La signature et la ratification relèvent de la compétence du Conseil fédéral (art. 184, al. 2, 1re phrase). Les traités sont soumis à l'approbation de l'Assemblée fédérale, pour autant que leur conclusion ne relève pas de la seule compétence du Conseil fédéral (art. 166, al. 2, et 184, al. 2, 2e phrase, Cst.; art. 24, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement51). La Charte ne constitue pas une telle exception et doit donc être approuvée par le Parlement.

En vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst., les traités internationaux qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales sont soumis au référendum facultatif.

51

RS 171.10

5498

La Charte révisée contient des dispositions établissant des règles de droit qui, si elles étaient adoptées dans le droit national, seraient considérées comme importantes, conformément à l'art. 164, al. 1, Cst.52.

Conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst., un éventuel arrêté fédéral portant approbation de la CSE révisée devrait donc être soumis au référendum facultatif s'appliquant aux traités internationaux.

12

Conclusion finale

Pour être en mesure de ratifier la CSE révisée, un Etat doit pouvoir accepter dans leur intégralité au moins six des neuf articles que comporte son noyau dur. Dans le cadre de l'examen juridique de la possibilité de ratification, la question essentielle est dès lors celle de la conformité du droit national aux dispositions du noyau dur.

En ce qui concerne la Suisse, l'analyse de conformité a démontré que le droit actuel ne permettait pas d'accepter les art. 12 «droit à la sécurité sociale», 13 «droit à l'assistance sociale et médicale» et 19 «droit des travailleurs migrants et de leurs familles à la protection et à l'assistance». Ces dispositions ne peuvent donc pas être prises en considération.

S'agissant des art. 1, 5, 6 et 20 du noyau dur, ils sont acceptables pour la Suisse notamment du fait de l'assouplissement de la pratique du CEDS.

Quant à l'art. 7 du noyau dur, il peut également être accepté grâce à l'accord qui a pu être trouvé avec le CEDS au sujet du système suisse de formation professionnelle initiale duale. En cas de ratification, le Comité examinerait en effet la formation professionnelle initiale duale comme un système éducatif à part entière, donc sous l'angle de l'art. 10 relatif à la formation professionnelle, et non sous celui de l'art. 7.

Il en résulte que l'art. 7 CSE ne pose plus de difficulté de conformité par rapport au droit et à la pratique suisses en vigueur.

La sixième disposition du noyau dur qui pourrait être acceptée dans la perspective d'une ratification est l'art. 16. Le droit suisse en vigueur et les efforts en cours dans les différents domaines d'application de l'art. 16 sont conformes avec les exigences du CEDS.

Par conséquent, d'un point de vue juridique, il apparaît que la Suisse serait aujourd'hui en mesure d'accepter les six articles indispensables du noyau dur et, ainsi, de ratifier la CSE révisée. A cela s'ajoute que la Suisse pourrait accepter le nombre requis de dispositions supplémentaires.

Le Conseil fédéral se prononcera sur le principe d'une ratification de la CSE lors d'une prochaine étape, après que le Parlement aura pris acte du présent rapport.

52

Voir à ce sujet la motion 04.3203, intitulée «Référendum facultatif s'appliquant aux traités internationaux. Parallélisme des règles de droit internationales et nationales», déposée par la Commission des institutions politiques du Conseil national.

5499

Annexe I

Schéma du système de contrôle Etats ayant ratifié la CSE

Rapports annuels sur la mise en oeuvre d'une partie des dispositions de la CSE

Organ. d'employeurs/travailleurs

Observations sur les rapports annuels des Etats

Réclamations collectives (mécanisme facultatif)

Comité européen des droits sociaux (CEDS) ­ Est composé de 15 experts indépendants, élus par le Comité des ministres.

­ Mène un dialogue pragmatique avec les Etats.

­ Juge la conformité du droit et de la pratique des Etats à la CSE sur la base des rapports annuels («conclusions») et, le cas échéant, suite à une réclamation collective («décisions»).

Comité gouvernemental ­ Est composé des représentants des Etats parties à la CSE.

­ Examine les conclusions de non-conformité du CEDS en prenant en compte les explications des Etats et leurs informations concernant les mesures prises ou envisagées.

­ Peut proposer au Comité des ministres d'adresser une recommandation à un Etat.

Comité des ministres ­ Est composé des ministres des affaires étrangères des Etats parties à la CSE.

­ Peut adresser à la majorité de deux tiers des recommandations juridiquement non contraignantes à un Etat.

Assemblée parlementaire Débats périodiques sur des questions de politique sociale ­ Peut adresser à la majorité de deux tiers des recommandations juridiquement non contraignantes à un Etat.

5500

Annexe II

Texte des articles du noyau dur de la CSE révisée53 Art. 1

Droit au travail

En vue d'assurer l'exercice effectif du droit au travail, les Parties s'engagent: 1.

à reconnaître comme l'un de leurs principaux objectifs et responsabilités la réalisation et le maintien du niveau le plus élevé et le plus stable possible de l'emploi en vue de la réalisation du plein emploi;

2.

à protéger de façon efficace le droit pour le travailleur de gagner sa vie par un travail librement entrepris;

3.

à établir ou à maintenir des services gratuits de l'emploi pour tous les travailleurs;

4.

à assurer ou à favoriser une orientation, une formation et une réadaptation professionnelles appropriées.

(...)

Art. 5

Droit syndical

En vue de garantir ou de promouvoir la liberté pour les travailleurs et les employeurs de constituer des organisations locales, nationales ou internationales, pour la protection de leurs intérêts économiques et sociaux et d'adhérer à ces organisations, les Parties s'engagent à ce que la législation nationale ne porte pas atteinte, ni ne soit appliquée de manière à porter atteinte à cette liberté. La mesure dans laquelle les garanties prévues au présent article s'appliqueront à la police sera déterminée par la législation ou la réglementation nationale. Le principe de l'application de ces garanties aux membres des forces armées et la mesure dans laquelle elles s'appliqueraient à cette catégorie de personnes sont également déterminés par la législation ou la réglementation nationale.

Art. 6

Droit de négociation collective

En vue d'assurer l'exercice effectif du droit de négociation collective, les Parties s'engagent: 1.

à favoriser la consultation paritaire entre travailleurs et employeurs;

2.

à promouvoir, lorsque cela est nécessaire et utile, l'institution de procédures de négociation volontaire entre les employeurs ou les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler les conditions d'emploi par des conventions collectives;

3.

à favoriser l'institution et l'utilisation de procédures appropriées de conciliation et d'arbitrage volontaire pour le règlement des conflits du travail; et reconnaissent:

53

Texte original. Source: http://conventions.coe.int/ > Traités du Conseil de l'Europe > Liste complète > No 163.

5501

4.

Art. 7

le droit des travailleurs et des employeurs à des actions collectives en cas de conflits d'intérêt, y compris le droit de grève, sous réserve des obligations qui pourraient résulter des conventions collectives en vigueur.

Droit des enfants et des adolescents à la protection

En vue d'assurer l'exercice effectif du droit des enfants et des adolescents à la protection, les Parties s'engagent: 1.

à fixer à 15 ans l'âge minimum d'admission à l'emploi, des dérogations étant toutefois admises pour les enfants employés à des travaux légers déterminés qui ne risquent pas de porter atteinte à leur santé, à leur moralité ou à leur éducation;

2.

à fixer à 18 ans l'âge minimum d'admission à l'emploi pour certaines occupations déterminées, considérées comme dangereuses ou insalubres;

3.

à interdire que les enfants encore soumis à l'instruction obligatoire soient employés à des travaux qui les privent du plein bénéfice de cette instruction;

4.

à limiter la durée du travail des travailleurs de moins de 18 ans pour qu'elle corresponde aux exigences de leur développement et, plus particulièrement, aux besoins de leur formation professionnelle;

5.

à reconnaître le droit des jeunes travailleurs et apprentis à une rémunération équitable ou à une allocation appropriée;

6.

à prévoir que les heures que les adolescents consacrent à la formation professionnelle pendant la durée normale du travail avec le consentement de l'employeur seront considérées comme comprises dans la journée de travail;

7.

à fixer à quatre semaines au minimum la durée des congés payés annuels des travailleurs de moins de 18 ans;

8.

à interdire l'emploi des travailleurs de moins de 18 ans à des travaux de nuit, exception faite pour certains emplois déterminés par la législation ou la réglementation nationale;

9.

à prévoir que les travailleurs de moins de 18 ans occupés dans certains emplois déterminés par la législation ou la réglementation nationale doivent être soumis à un contrôle médical régulier;

10. à assurer une protection spéciale contre les dangers physiques et moraux auxquels les enfants et les adolescents sont exposés, et notamment contre ceux qui résultent d'une façon directe ou indirecte de leur travail.

(...)

Art. 12

Droit à la sécurité sociale

En vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la sécurité sociale, les Parties s'engagent: 1.

à établir ou à maintenir un régime de sécurité sociale;

2.

à maintenir le régime de sécurité sociale à un niveau satisfaisant, au moins égal à celui nécessaire pour la ratification du Code européen de sécurité sociale;

5502

3.

à s'efforcer de porter progressivement le régime de sécurité sociale à un niveau plus haut;

4.

à prendre des mesures, par la conclusion d'accords bilatéraux ou multilatéraux appropriés ou par d'autres moyens, et sous réserve des conditions arrêtées dans ces accords, pour assurer: a. l'égalité de traitement entre les nationaux de chacune des Parties et les ressortissants des autres Parties en ce qui concerne les droits à la sécurité sociale, y compris la conservation des avantages accordés par les législations de sécurité sociale, quels que puissent être les déplacements que les personnes protégées pourraient effectuer entre les territoires des Parties; b. l'octroi, le maintien et le rétablissement des droits à la sécurité sociale par des moyens tels que la totalisation des périodes d'assurance ou d'emploi accomplies conformément à la législation de chacune des Parties.

Art. 13

Droit à l'assistance sociale et médicale

En vue d'assurer l'exercice effectif du droit à l'assistance sociale et médicale, les Parties s'engagent: 1.

à veiller à ce que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes et qui n'est pas en mesure de se procurer celles-ci par ses propres moyens ou de les recevoir d'une autre source, notamment par des prestations résultant d'un régime de sécurité sociale, puisse obtenir une assistance appropriée et, en cas de maladie, les soins nécessités par son état;

2.

à veiller à ce que les personnes bénéficiant d'une telle assistance ne souffrent pas, pour cette raison, d'une diminution de leurs droits politiques ou sociaux;

3.

à prévoir que chacun puisse obtenir, par des services compétents de caractère public ou privé, tous conseils et toute aide personnelle nécessaires pour prévenir, abolir ou alléger l'état de besoin d'ordre personnel et d'ordre familial;

4.

à appliquer les dispositions visées aux par. 1, 2 et 3 du présent article, sur un pied d'égalité avec leurs nationaux, aux ressortissants des autres Parties se trouvant légalement sur leur territoire, conformément aux obligations qu'elles assument en vertu de la Convention européenne d'assistance sociale et médicale, signée à Paris le 11 décembre 1953.

(...)

Art. 16

Droit de la famille à une protection sociale, juridique et économique

En vue de réaliser les conditions de vie indispensables au plein épanouissement de la famille, cellule fondamentale de la société, les Parties s'engagent à promouvoir la protection économique, juridique et sociale de la vie de famille, notamment par le moyen de prestations sociales et familiales, de dispositions fiscales, d'encouragement à la construction de logements adaptés aux besoins des familles, d'aide aux jeunes foyers, ou de toutes autres mesures appropriées.

(...)

5503

Art. 19

Droit des travailleurs migrants et de leurs familles à la protection et à l'assistance

En vue d'assurer l'exercice effectif du droit des travailleurs migrants et de leurs familles à la protection et à l'assistance sur le territoire de toute autre Partie, les Parties s'engagent: 1.

à maintenir ou à s'assurer qu'il existe des services gratuits appropriés chargés d'aider ces travailleurs et, notamment, de leur fournir des informations exactes, et à prendre toutes mesures utiles, pour autant que la législation et la réglementation nationales le permettent, contre toute propagande trompeuse concernant l'émigration et l'immigration;

2.

à adopter, dans les limites de leur juridiction, des mesures appropriées pour faciliter le départ, le voyage et l'accueil de ces travailleurs et de leurs familles, et à leur assurer, dans les limites de leur juridiction, pendant le voyage, les services sanitaires et médicaux nécessaires, ainsi que de bonnes conditions d'hygiène;

3.

à promouvoir la collaboration, suivant les cas, entre les services sociaux, publics ou privés, des pays d'émigration et d'immigration;

4.

à garantir à ces travailleurs se trouvant légalement sur leur territoire, pour autant que ces matières sont régies par la législation ou la réglementation ou sont soumises au contrôle des autorités administratives, un traitement non moins favorable qu'à leurs nationaux en ce qui concerne les matières suivantes: a. la rémunération et les autres conditions d'emploi et de travail; b. l'affiliation aux organisations syndicales et la jouissance des avantages offerts par les conventions collectives; c. le logement;

5.

à assurer à ces travailleurs se trouvant légalement sur leur territoire un traitement non moins favorable qu'à leurs propres nationaux en ce qui concerne les impôts, taxes et contributions afférents au travail, perçus au titre du travailleur;

6.

à faciliter autant que possible le regroupement de la famille du travailleur migrant autorisé à s'établir lui-même sur le territoire;

7.

à assurer à ces travailleurs se trouvant légalement sur leur territoire un traitement non moins favorable qu'à leurs nationaux pour les actions en justice concernant les questions mentionnées dans le présent article;

8.

à garantir à ces travailleurs résidant régulièrement sur leur territoire qu'ils ne pourront être expulsés que s'ils menacent la sécurité de l'Etat ou contreviennent à l'ordre public ou aux bonnes moeurs;

9.

à permettre, dans le cadre des limites fixées par la législation, le transfert de toute partie des gains et des économies des travailleurs migrants que ceux-ci désirent transférer;

10. à étendre la protection et l'assistance prévues par le présent article aux travailleurs migrants travaillant pour leur propre compte, pour autant que les mesures en question sont applicables à cette catégorie;

5504

11. à favoriser et à faciliter l'enseignement de la langue nationale de l'Etat d'accueil ou, s'il y en a plusieurs, de l'une d'entre elles, aux travailleurs migrants et aux membres de leurs familles; 12. à favoriser et à faciliter, dans la mesure du possible, l'enseignement de la langue maternelle du travailleur migrant à ses enfants.

(...)

Art. 20

Droit à l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi et de profession, sans discrimination fondée sur le sexe

En vue d'assurer l'exercice effectif du droit à l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi et de profession sans discrimination fondée sur le sexe, les Parties s'engagent à reconnaître ce droit et à prendre les mesures appropriées pour en assurer ou en promouvoir l'application dans les domaines suivants: a.

accès à l'emploi, protection contre le licenciement et réinsertion professionnelle;

b.

orientation et formation professionnelles, recyclage, réadaptation professionnelle;

c.

conditions d'emploi et de travail, y compris la rémunération;

d.

déroulement de la carrière, y compris la promotion.

5505

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