Annexe

Evaluation de l'admission et du réexamen des médicaments dans l'assurance obligatoire des soins Rapport du Contrôle parlementaire de l'administration à l'intention de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 13 juin 2013

2014-1538

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L'essentiel en bref Dans un contexte d'augmentation des coûts de la santé, le prix des médicaments alimente régulièrement les discussions. C'est la raison pour laquelle les Commissions de gestion des Chambres fédérales ont chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) d'évaluer la procédure d'admission et de réexamen des médicaments dans l'assurance obligatoire des soins. La sous-commission DFI/ DETEC de la Commission de gestion du Conseil des Etats, compétente en la matière, a précisé l'objet de l'étude le 19 avril 2012.

Vue d'ensemble des résultats Globalement, l'évaluation met le doigt sur différentes lacunes concernant la procédure d'admission et de réexamen sous l'angle légal, ainsi que sur certaines difficultés en termes de la mise en oeuvre. Les critères d'évaluation des médicaments manquent de précision, la structure de la procédure et les compétences ne sont pas claires, le réexamen de médicaments déjà admis, introduit depuis peu, n'est pas assez efficace et la réglementation du prix des génériques présente des contradictions sur le plan légal. Au cours des quinze dernières années, le nombre de médicaments remboursés par les caisses-maladie a doublé et le prix des nouveaux médicaments admis dans la liste des spécialités (LS) n'a cessé de croître, ce qui prouve que l'objectif d'approvisionnement économique en médicaments n'est que partiellement atteint avec la procédure actuelle.

Critères d'évaluation imprécis et appréciation du bénéfice non systématique L'assurance-maladie ne rembourse que les médicaments qui sont inscrits sur la LS, approuvée par l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Pour être admis dans la LS, les médicaments doivent respecter les trois critères de l'efficacité, de l'adéquation et de l'économicité. L'OFSP et la CFM appliquent les critères EAE à chaque demande. Or, les autorités n'ont pas suffisamment précisé ces critères. Le bénéfice des médicaments, notamment, est évalué de manière insuffisante et cette appréciation n'est pas fondée sur des critères homogènes.

Cette situation se répercute entre autres sur la détermination des prix. Les deux instruments utilisés pour cette détermination présentent des lacunes. Ainsi, les prix courants de six pays de référence retenus pour la comparaison avec les prix pratiqués à l'étranger sont pour certains
nettement supérieurs aux prix effectivement payés, ce qui se traduit par des tarifs exagérés en Suisse. Le deuxième instrument, la comparaison avec des médicaments semblables en Suisse, serait globalement plus appropriée. Il manque cependant une définition claire des médicaments devant être retenus dans cette comparaison, dont les résultats sont contestés. Globalement, le manque de clarté des critères d'évaluation affaiblit la position de l'OFSP à l'égard des fabricants de médicaments, souvent mieux armés que lui sur les plans scientifique et juridique.

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Structure de la procédure et compétences manquant de clarté En Suisse, la procédure d'admission des médicaments n'est pas clairement structurée. Ainsi, aucune distinction n'est faite entre évaluation thérapeutique et évaluation en termes de santé publique. L'OFSP et la Commission fédérale des médicaments (CFM) sont l'un et l'autre responsables de l'évaluation des médicaments. La répartition des tâches entre ces deux instances n'est toutefois pas nette. En outre, comme le montre notamment une comparaison avec l'étranger, ces instances ne sont pas dotées de ressources suffisantes pour les procédures qui leur sont confiées. De plus, ni les requérants ni le public n'ont accès de manière transparente aux résultats des différentes étapes de la procédure.

Réexamen restreint et peu efficace Désormais, le remboursement d'un médicament est réexaminé tous les trois ans.

Ainsi que le premier réexamen effectué en 2012 l'a établi, seul le prix est vérifié par le biais d'une comparaison avec les prix pratiqués à l'étranger. Par contre, l'efficacité et l'adéquation ne sont pas réexaminées, bien que de nouvelles connaissances puissent être disponibles. Vu les ressources dont dispose la section compétente au sein de l'OFSP, un réexamen plus approfondi ne serait de toute façon pas réaliste.

On peut donc attendre de la procédure de réexamen, au mieux, un effet limité sur les prix des médicaments, tandis que des médicaments sont maintenus dans la LS en dépit d'une adéquation moindre.

La réglementation du prix des génériques en contradiction avec l'économicité L'assurance obligatoire des soins doit garantir un approvisionnement médical de qualité aux prix les plus avantageux possible. Cet objectif n'est pas atteint pour les génériques du fait de l'actuelle réglementation des prix.

Tandis qu'à l'étranger le prix d'une préparation originale diminue lors de l'admission d'un générique interchangeable, il demeure inchangé en Suisse, même après expiration du brevet. Le prix d'un générique correspond en Suisse au prix de l'original moins une marge fixe. L'assurance-maladie paie non seulement le médicament le plus avantageux, mais également la préparation originale correspondante, plus chère, ce qui est en contradiction avec l'objectif d'économicité. En outre, les génériques sont sensiblement plus chers en Suisse qu'à
l'étranger, même après soustraction de la marge fixe.

Procédure d'évaluation Les procédures d'admission et de réexamen des médicaments dans l'assurance obligatoire des soins ont été étudiées sous trois angles: les bases légales, la mise en oeuvre et une comparaison internationale. Deux de ces trois parties de l'évaluation ­ l'avis de droit et la comparaison internationale ­ ont été confiées à des experts externes. Le CPA a analysé la mise en oeuvre par l'étude de différentes demandes relatives à des médicaments et au moyen d'entretiens avec les autorités compétentes et les autres acteurs concernés.

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Table des matières L'essentiel en bref

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1

Introduction 1.1 Raison de l'évaluation 1.2 Procédure et méthodologie 1.3 Structure du rapport

7554 7554 7555 7556

2

Vue d'ensemble de l'admission et du réexamen des médicaments

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3

Structure de la procédure, répartition des compétences et ressources 3.1 Les procédures sous l'angle international 3.2 Répartition des compétences entre les acteurs 3.3 Ressources 3.4 Durée des procédures

7559 7559 7560 7562 7563

4

Evaluation sur la base des critères EAE 4.1 Efficacité 4.2 Adéquation 4.3 Economicité 4.4 Les critères EAE pour les génériques 4.5 Les critères EAE pour les médicaments de la médecine complémentaire

7564 7564 7566 7567 7568

5

Décision 5.1 Bases légales 5.2 Pratique en matière de décision 5.3 Conséquences du non-respect des conditions 5.4 Transparence des décisions

7570 7570 7571 7573 7575

6

La procédure de réexamen 6.1 Bases légales 6.2 Premier réexamen en 2012 6.3 Adéquation de la procédure

7576 7576 7576 7578

7

Effets sur la LS 7.1 Nombre de médicaments remboursés 7.2 Evolution des prix

7579 7579 7580

8

Conclusions 8.1 Critères d'évaluation imprécis et appréciation du bénéfice non systématique 8.2 Structure imprécise de la procédure et compétences nébuleuses 8.3 Réexamen restreint et peu efficace 8.4 La réglementation du prix des génériques en contradiction avec l'objectif d'économicité

7583

7552

7569

7583 7584 7585 7586

Index des abréviations

7588

Bibliographie

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Correspondances entre le rapport et les documents annexés

7590

Liste des interlocuteurs

7592

Impressum

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Rapport Le présent rapport contient les principaux résultats de l'évaluation. Les analyses et les documents d'évaluation sont décrits en détail dans les documents annexés1.

1

Introduction

1.1

Raison de l'évaluation

L'assurance-maladie a pour objectif de garantir un approvisionnement approprié en médicaments à l'ensemble de la population.2 Elle ne prend en charge que les médicaments qui sont inscrits sur la Liste des spécialités (LS). Pour être admis par l'OFSP dans la LS, un médicament doit respecter les critères légaux d'efficacité, d'adéquation et d'économicité (abrégés EAE). L'Office fédéral de la santé publique (OFSP) fixe également le prix maximal du remboursement. Au travers de cette fixation du prix, il dispose d'un instrument important qui lui permet d'influer sur le prix des médicaments remboursés par les caisses-maladie et, ainsi, sur les coûts engendrés par une grande partie du marché pharmaceutique.

La procédure d'admission3 des médicaments dans l'assurance obligatoire des soins a prêté le flanc à la critique à plusieurs reprises. L'examen des critères EAE par l'OFSP présenterait des lacunes et la Commission fédérale des médicaments (CFM), qui conseille l'OFSP, n'effectuerait qu'une comparaison superficielle de la possible plus-value thérapeutique de nouveaux médicaments par rapport aux médicaments déjà remboursés.4 Par ailleurs, le réexamen (introduit en 2009) des médicaments inscrits sur la LS trois ans après leur admission ne serait pas assez approfondi. De plus, la question de savoir comment l'efficacité des médicaments de la médecine complémentaire est prouvée a été posée à plusieurs reprises. Enfin, les prix des génériques, élevés en comparaison internationale, ont fait l'objet de critiques réitérées.5 C'est dans ce contexte que les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA), le 27 janvier 1

2 3

4 5

Voir Evaluation der Zulassung und Überprüfung von Medikamenten in der obligatorischen Krankenpflegeversicherung, Materialien zum Bericht der Parlamentarischen Verwaltungskontrolle zuhanden der Geschäftsprüfungskommission des Ständerates vom 13.

Juni 2013. L'annexe du présent rapport contient un tableau permettant de voir à quelles parties des documents annexés les différents chapitres du présent rapport correspondent.

Les documents annexés contiennent quant à eux une présentation détaillée de l'objet de l'évaluation, du modèle d'analyse et de la méthodologie, sans oublier les résultats à proprement parler. L'annexe au rapport est publiée en version originale allemande sur Internet sous: www.parlement.ch > Organes et députés > Commissions > Contrôle parlementaire de l'administration>Publications.

Art. 25, al. 1, de la loi sur l'assurance-maladie (LAMal), RS 832.10.

Par «admission», nous entendons ici l'admission pour le remboursement par l'assurancemaladie, c'est-à-dire l'admission dans la LS; à ne pas confondre avec l'autorisation de mise sur le marché délivrée par Swissmedic (cf. chap. 2).

Voir, par exemple, la motion 07.3861 «Médicaments. L'innovation n'est pas toujours gage de meilleure efficacité».

Voir, par exemple, le postulat 09.4078 «Pour un approvisionnement en médicaments plus économique».

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2012, de réaliser une évaluation dont la question principale est la suivante: que penser des procédures d'admission et de réexamen des médicaments dans l'assurance obligatoire des soins? Le 19 avril 2012, la sous-commission DFI/DETEC de la Commission de gestion du Conseil des Etats, compétente en la matière, a décidé que l'évaluation porterait sur les médicaments et les génériques de la médecine tant classique que complémentaire et qu'elle étudierait en particulier la procédure de détermination des prix.

1.2

Procédure et méthodologie

Afin d'évaluer les procédures d'admission et de réexamen des médicaments remboursés, celles-ci ont été considérées sous trois angles différents: les bases légales, la mise en oeuvre et une comparaison internationale.

Concernant l'angle légal, il s'agissait de vérifier si les normes figurant dans les lois, les ordonnances et les règlements étaient précises, s'il existait des répétitions ou des contradictions et si les compétences étaient clairement définies dans le cadre de la procédure. A cette fin, un avis de droit a été demandé. Celui-ci devait porter sur l'analyse et l'appréciation critique des bases légales en vigueur à l'aide des outils juridiques classiques (analyse exhaustive des bases légales, des documents, de la pratique et des ouvrages spécialisés). Il a été établi par le professeur Thomas Gächter, de l'Université de Zurich, avec le concours de Madame Arlette Meienberger.

En ce qui concerne la mise en oeuvre, le CPA s'est employé à savoir dans quelle mesure les critères EAE sont concrétisés et mis en oeuvre par les acteurs impliqués, comment se déroulent les étapes de la procédure, comment les demandes d'admission sont concrètement évaluées et quelle incidence tous ces aspects ont sur la LS.

Pour cela, huit dossiers d'admission ont été étudiés en détail dans le cadre d'études de cas et huit autres cas ont été examinés sous l'angle de la fixation des prix. Par ailleurs, le CPA s'est entretenu avec plusieurs protagonistes.

Sous l'angle de la comparaison internationale, il s'agissait de juger les procédures suisses d'admission et de réexamen des médicaments remboursés par rapport à d'autres pays occidentaux. Au moyen d'ouvrages et de documents de référence, différents aspects du système suisse (organisation de la procédure, catalogue de critères, instruments, procédure de détermination des prix, transparence) ont été comparés avec ceux de l'Allemagne et de l'Autriche, qui possèdent également une assurance obligatoire des soins. La comparaison internationale a été effectuée par le professeur Tilman Slembeck, de l'Université de Saint-Gall, avec le concours d'experts des deux pays concernés.

L'évaluation est principalement consacrée à l'admission et au réexamen des préparations originales de la médecine classique6. Des médicaments et des génériques de la médecine complémentaires ont
cependant également été étudiés. Les résultats ne peuvent certes pas être transposés à tous les autres types de demande (médicaments en co-marketing, autres dimensions de l'emballage et dosages); néanmoins, cette sélection couvre une large majorité des admissions.

6

La loi utilise également le terme «allopathie» pour les médicaments de la médecine conventionnelle qui reposent sur des résultats et des preuves scientifiques. Il s'agit du traitement d'une maladie au moyen de médicaments destinés à combattre l'origine de la maladie. Nous utilisons dans le présent rapport l'expression «médecine classique».

7555

En vue de garantir la qualité des aspects techniques de l'évaluation, Monsieur Josef Hunkeler (ancien collaborateur du Surveillant des prix chargé des dossiers sur les médicaments) a accompagné les travaux.

1.3

Structure du rapport

Le chap. 2 expose les bases légales et propose une vue d'ensemble des procédures, les résultats de l'évaluation étant récapitulés dans les cinq chapitres suivants. Le chap. 3 est consacré à la structure de la procédure, en particulier à l'opacité de la répartition des compétences entre l'OFSP et la CFM, ainsi qu'à la situation en termes de ressources, laquelle est problématique. Les critères EAE sont analysés au chap. 4, qui met au jour leur manque de concrétisation. Dans le cadre de la décision finale de l'OFSP, exposée au chap. 5, l'accent est mis sur le manque de transparence et la pondération souvent peu claire des instruments. Le chap. 6 se rapporte à la procédure de réexamen. Introduite récemment, cette dernière est jugée inappropriée, car elle est focalisée sur la comparaison avec les prix pratiqués à l'étranger. Les effets que les aspects étudiés ont sur la LS, dont le volume croît chaque année, sont exposés au chap. 7. Enfin, quatre conclusions principales sont tirées de l'évaluation.

2

Vue d'ensemble de l'admission et du réexamen des médicaments

Les médicaments qui sont remboursés par l'assurance obligatoire des soins sont inscrits sur la LS. Aux termes de la loi sur l'assurance-maladie (LAMal), l'OFSP établit cette liste après avoir consulté la CFM.7 Pour pouvoir être remboursées, les prestations doivent respecter tous les critères EAE et, par conséquent, être efficaces, appropriées et économiques (art. 32, al. 1, LAMal). Outre les préparations originales, la LS comprend des génériques, c'est-à-dire des médicaments dont les principes actifs sont les mêmes que ceux des préparations originales, qui sont interchangeables avec celles-ci et moins chers. La LS étant une liste dite positive, les assureurs sont tenus de rembourser les médicaments qui y sont inscrits. La liste détermine, pour chaque emballage et chaque dosage, le prix de fabrique (PF) et le prix maximal auquel l'assurance doit rembourser le médicament (appelé prix public [PP]).8 Pour qu'un médicament soit inscrit sur la LS, il faut que Swissmedic ait rendu au moins un préavis9 et que le fabricant du médicament en fasse la demande à l'OFSP.

Il n'y a cependant pas obligation de déposer une demande.10 L'autorisation de mise 7 8

9 10

La liste en vigueur peut être consultée sur Internet à l'adresse www.bag.admin.ch/themen/ krankenversicherung/00263/00264/00265/index.html?lang=fr.

Déterminé par l'OFSP, le PF rémunère les prestations du fabricant et du distributeur jusqu'à la sortie de l'entrepôt. Le PP se compose du PF et de la part relative à la distribution, laquelle comprend les frais d'exploitation et d'investissement liés au transport, au stockage, à la remise des médicaments et à l'encaissement (art. 67 OAMal).

Pour l'admission définitive dans la LS, l'autorisation définitive de mise sur le marché doit avoir été octroyée.

Pour que l'approvisionnement en médicaments soit assuré dans tous les cas, le Conseil fédéral permet à l'OFSP, aux termes de l'art. 70 OAMal, d'inscrire sur la LS ou de maintenir dans la liste un médicament qui a été autorisé par Swissmedic et qui est d'une grande importance pour le traitement médical même lorsque le fabricant n'a pas demandé son inscription ou qu'il a demandé sa radiation.

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sur le marché n'a qu'une influence indirecte sur la procédure d'admission et de réexamen des médicaments remboursés, procédure qui est au coeur de la présente évaluation.

L'admission dans la LS repose sur une décision rendue par l'OFSP. Celui-ci doit également se prononcer sur des adaptations de prix, des modifications concernant les limitations11, l'indication ou les dosages. Toutes les décisions peuvent faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal administratif fédéral.

Le graphique 1 propose une représentation simplifiée de la procédure d'admission et de réexamen des médicaments pris en charge par les caisses-maladie, telle qu'elle est définie dans les instructions concernant la LS12. Les différents acteurs impliqués dans la procédure sont répertoriés dans la colonne de gauche.

Graphique 1 Procédure d'admission et de réexamen des médicaments remboursés

Légende: les champs et les flèches en pointillé représentent la procédure d'autorisation de mise sur le marché, en amont de la procédure d'admission. Abréviations: voir l'index des abréviations.

11 12

Les limitations permettent de restreindre la prescription d'un médicament, ou son remboursement, à une certaine indication ou à un certain groupe.

Instructions concernant la liste des spécialités (LS), 1er septembre 2011, état au 1er mars 2013 (actuellement disponibles en allemand uniquement).

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Les points suivants sont nécessaires à la compréhension du graphique: (1) Le fabricant du médicament dépose une demande d'admission dans la LS auprès de l'OFSP. Cette demande comprend notamment la décision d'autorisation de mise sur le marché ou le préavis de Swissmedic, les trois travaux cliniques les plus importants et divers formulaires concernant les caractéristiques du médicament (il existe de légères différences selon le type de médicament considéré).

(2) Dans le cadre de la procédure ordinaire et de la procédure accélérée, l'OFSP soumet les documents de la demande à la CFM. Cette dernière examine la demande sur la base des critères EAE et formule une recommandation à l'intention de l'OFSP.

(3) La CFM n'est pas associée à une procédure simple, notamment utilisée pour les génériques. L'efficacité est considérée comme étant acquise du fait de l'autorisation octroyée par Swissmedic ou de l'autorisation de remboursement pour la préparation originale.

(4) L'OFSP décide d'admettre un médicament dans la LS sur la base des critères EAE et de la recommandation de la CFM,13 puis il fixe un prix maximal.

Pour cela, il se fonde sur la comparaison avec le prix pratiqué à l'étranger (CPE) et sur la comparaison thérapeutique (CT). Il peut assortir l'admission d'obligations ou la limiter dans le temps.

(5) Si les conditions ne sont pas remplies, l'OFSP annonce au requérant qu'il entend rejeter tout ou partie de sa demande, en justifiant sa décision. Si le prix proposé est trop élevé, il peut être adapté par le fabricant (lettre «C» dans le graphique). Le requérant peut déposer une demande de nouvelle appréciation si des études ou des expertises supplémentaires mettent en évidence de nouvelles conclusions (lettre «A» dans le graphique). Il doit y préciser les motifs pour lesquels il n'accepte pas la décision de l'OFSP. Ce dernier prend alors à nouveau position. Une fois que l'OFSP a envoyé sa décision, le fabricant du médicament a 30 jours pour déposer un recours auprès du Tribunal administratif fédéral. Si aucun recours n'est déposé, la décision entre en force à l'échéance du délai de recours. Le fabricant peut déposer une demande de réexamen (lettre «B» dans le graphique).

(6) L'OFSP procède au réexamen des conditions de prise en charge du médicament par les caisses-maladie tous les trois ans, ainsi
que lors de l'expiration du brevet ou en cas d'extension de l'indication. De ce fait, environ un tiers des médicaments inscrits sur la LS sont réexaminés chaque année. Les fabricants doivent présenter à l'OFSP les informations relatives à leurs médicaments. En règle générale, la CFM n'est pas associée à la procédure de réexamen.14

13

14

En règle générale, l'OFSP rend sa décision dans un délai de 60 jours suivant la séance de la CFM (instructions concernant la LS, A.4.2). Les modifications dans la LS entrent en vigueur le 1er du mois suivant (instructions concernant la LS, A.8.1).

La CFM est associée à la procédure de réexamen en cas d'extension de l'indication.

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3

Structure de la procédure, répartition des compétences et ressources

Le présent chapitre montre que, en Suisse, la procédure d'admission des médicaments remboursés ne se déroule pas selon les étapes qui sont habituelles dans les autres pays: d'une part, aucune étape ne s'achève par un résultat clair et, d'autre part, la répartition des compétences entre les acteurs manque de clarté. Ces derniers disposent de ressources très modestes, ce qui pourrait avoir une incidence sur la qualité des décisions et sur la durée des procédures.

3.1

Les procédures sous l'angle international

Ainsi que le décrit le présent chapitre, la structure des procédures suisses ne correspond pas à l'usage consacré au niveau international. Dans les ouvrages internationaux, la procédure d'admission de médicaments dans l'assurance obligatoire des soins (reimbursement en anglais) se compose de trois étapes, pour lesquelles différents acteurs sont compétents: 1.

Evaluation thérapeutique (assessment): durant cette étape, l'efficacité, la valeur thérapeutique, le bénéfice pour le patient et l'éventuel effet bénéfique supplémentaire d'un médicament sont analysés. Cette tâche est confiée à des spécialistes, généralement à un groupe d'experts. Le résultat de leurs travaux est communiqué dans un rapport contenant une recommandation selon laquelle le médicament peut ou non être remboursé, notamment du fait de son efficacité. De son côté, Swissmedic examine uniquement, dans le cadre de la procédure d'autorisation de mise sur le marché, si un médicament est efficace et si cette efficacité est supérieure à un possible effet indésirable.

2.

Evaluation en termes de santé publique (appraisal): lors de cette étape, les résultats de l'étape précédente sont pondérés selon des aspects de santé publique et des aspects sociaux tels que l'accès aux prestations, la possible stigmatisation de certains groupes de la population et la capacité de financement durable des prestations. Cette tâche est assumée par un organe composé de représentants de groupes d'intérêts et de parties prenantes dont les perspectives sont diverses. Elle donne lieu à un autre rapport, contenant une recommandation relative au remboursement par les caisses-maladie et au prix.

3.

Décision politique (decision): fondée sur les rapports et recommandations issus d'assessment et d'appraisal, la décision définitive porte sur le remboursement d'un médicament par l'assurance-maladie et sur son prix. Cette compétence revient à un service de l'Etat.

Les différentes étapes et leur attribution à différents acteurs doivent permettre des évaluations et des décisions pertinentes aussi bien sur le plan technique que sur le plan hiérarchique. La procédure d'autorisation de mise sur le marché, confiée dans tous les pays de l'UE à une institution indépendante, se déroule en amont de ces trois étapes. Elle consiste à examiner la qualité et la sécurité des nouveaux médicaments, mais ne règle pas la question de la prise en charge par les assurances sociales.

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La séparation institutionnelle des étapes d'assessment (groupe d'experts)15, d'appraisal (organe constitué de représentants de groupes d'intérêts) et de decision (Etat) est mise en oeuvre intégralement en Allemagne et dans une large mesure en Autriche. En Suisse, au contraire, l'autorisation de mise sur le marché est certes octroyée par une institution indépendante (Swissmedic), mais la séparation des trois étapes fait défaut dans la procédure d'admission des médicaments remboursés par les caisses-maladie. La procédure ne fait notamment aucune distinction entre les deux premières étapes de l'évaluation thérapeutique (assessment) et de l'évaluation en termes de santé publique (appraisal). Seule l'étape de la decision formelle se distingue clairement: il revient à l'OFSP, en qualité de service de l'Etat, de se prononcer sur l'admission ou sur le rejet d'un médicament dans la LS (concernant cette étape, se reporter au chap. 5). Or, l'OFSP est également responsable, en collaboration avec la CFM, d'assessment et d'appraisal. Il prend donc ses décisions sur la base de sa propre évaluation, du moins en partie, de telle sorte qu'il n'y a pas de séparation institutionnelle des étapes de la procédure.

3.2

Répartition des compétences entre les acteurs

Outre l'absence de séparation claire entre les différentes étapes de la procédure, il existe un manque de transparence concernant la répartition des compétences entre l'OFSP et la CFM. Le principal problème réside dans le fait que les bases légales ne définissent pas clairement les compétences de l'OFSP et de la CFM dans l'évaluation des demandes, ce qui débouche sur des imprécisions et des répétitions inutiles lors de la mise en oeuvre.

Bases légales Du point de vue légal, l'OFSP et la CFM ont tous deux compétence pour évaluer les demandes sur la base des critères EAE (se reporter au chap. 4). La CFM assume une fonction de consultant, tandis que l'OFSP est compétent en matière de décision (se reporter au chap. 5). Toutefois, ni les ordonnances ni les instructions concernant la LS ne disent précisément qui est responsable de quoi lors de l'évaluation, les secondes précisant uniquement que l'OFSP examine en particulier la question de l'économicité. Dans son avis de droit, l'expert en déduit que l'efficacité et l'adéquation doivent être évaluées en premier lieu par la CFM et que, en règle générale, l'OFSP devrait suivre l'appréciation de la CFM.

En vertu des bases légales, la CFM, dans sa recommandation à l'intention de l'OFSP, classe chaque médicament dans l'une des catégories suivantes (art. 31, al. 2, OPAS)16: (a) percée médico-thérapeutique; (b) progrès thérapeutique; (c) économie par rapport à d'autres médicaments; (d) aucun progrès thérapeutique ni économie; (e) inadéquat pour l'assurance-maladie sociale. Les instructions concernant la LS introduisent une catégorie supplémentaire: «dP: aucun progrès technique ni économie, question des coûts». Il s'agit, selon l'OFSP, de médicaments contenant de 15

16

L'institut chargé d'évaluer la qualité et l'efficacité du système de santé (Institut für Qualität und Wirtschaftlichkeit im Gesundheitswesen, IQWIG) est un institut scientifique indépendant doté de la capacité juridique.

Ordonnance du DFI sur les prestations dans l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie (Ordonnance sur les prestations de l'assurance des soins, OPAS), RS 832.112.31; ordonnance sur l'assurance-maladie (OAMal), RS 832.102.

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nouveaux principes actifs, mais dont aucun bénéfice thérapeutique supplémentaire n'est identifié; pour cette raison, leur admission dans la catégorie des médicaments remboursés est une pure question de coûts, qu'il revient à l'OFSP de traiter.

Mise en oeuvre des compétences Dans la pratique, les tâches liées à l'évaluation ne sont toutefois pas réparties ainsi.

Avant de transmettre le dossier à la CFM, l'OFSP vérifie au moyen de check-lists que la demande déposée contient tous les documents requis. L'OFSP et la CFM examinent ensuite les dossiers.

Les membres de la CFM n'ont pas tous la même conception de leur mission. Les uns expliquent que celle-ci consiste principalement à examiner l'efficacité des médicaments au moyen des études jointes à la demande et, partant, à effectuer une analyse.

Les autres sont en revanche d'avis que la CFM est une commission composée de parties prenantes, au sein de laquelle il s'agit de rendre une appréciation basée sur une large assise. De fait, la CFM assume ces deux fonctions pour l'OFSP: elle doit, d'une part, combler les lacunes constatées sur le plan technique et, d'autre part, évaluer les demandes au regard de la plus-value que les médicaments concernés peuvent procurer au système de santé suisse. L'éventail des membres de la commission reflète d'ailleurs cette double fonction: la CFM est composée tant d'experts que de parties prenantes, par exemple de représentants des fabricants de médicaments et des caisses-maladie.17 Dans la pratique, la CFM mène des débats sur l'utilité médicale et sur le coût que celle-ci justifie. Cependant, elle ne classe pas les demandes dans l'une des catégories allant de a à e, comme l'OPAS l'exige explicitement. Certains de ses membres avouent même n'avoir jamais entendu parler de ces catégories. C'est l'OFSP luimême qui effectue ce classement en se fondant sur les résultats des discussions auxquelles il assiste. L'OFSP justifie cette pratique en arguant que les catégories ne sont pas appropriées; il indique que la plupart des demandes relèvent de toute façon de la catégorie supplémentaire «dP». Or, même sans apporter d'effet bénéfique supplémentaire, les médicaments en question sont considérés non comme des génériques, mais comme des préparations originales, l'OFSP s'appuyant, pour la distinction entre préparation originale et
générique, sur le classement des médicaments de Swissmedic.

Par rapport à l'étranger, le cloisonnement des instances responsables de l'évaluation ­ la section ou la division compétente au sein de l'OFSP ainsi que la CFM ­ et de l'instance décisionnelle au sein de l'OFSP est peu marqué dans le système suisse.

Cette proximité peut avoir pour effet que les demandes ne sont pas évaluées en toute indépendance et ne font pas l'objet d'une décision impartiale. L'indépendance de la CFM a été renforcée le 1er janvier 2012, le président de celle-ci n'étant désormais plus nommé par l'OFSP. Ce changement a été salué de toutes parts. Cependant, l'OFSP continue, en vertu des bases légales, d'exercer différentes fonctions au cours de la procédure.

Recours à des experts externes Après le premier examen d'une demande par la CFM, il peut être fait appel à des experts externes, cette pratique n'étant pas systématique. Dans les faits, on se trouve 17

Concernant la composition de la CFM, voir www.admin.ch/ch/d/cf/ko/index_311.html (état au 20.1.2013).

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alors déjà au stade de l'appraisal; or, les connaissances des experts devraient être utilisées dès l'évaluation thérapeutique, c'est-à-dire au stade de l'assessment. Le CPA est d'avis que le recours aux experts externes se fait plutôt tardivement. La demande faisant l'objet d'un avis supplémentaire doit être étudiée une nouvelle fois au sein de la CFM, ce qui rallonge la procédure.

L'OFSP a parfois des difficultés à trouver des experts indépendants. Cela tient, d'une part, à la taille de la Suisse, où le nombre d'experts en la matière est restreint, et, d'autre part, au fait que de nombreux chercheurs collaborent étroitement avec l'industrie pharmaceutique; ceux-ci ne sont donc que partiellement indépendants et refusent pour la plupart de s'exposer. C'est pourquoi l'OFSP souligne qu'il est nécessaire d'examiner d'un oeil critique les avis d'experts que les fabricants de médicaments joignent à leur demande.

3.3

Ressources

Les ressources dont sont dotés l'OFSP et la CFM ne suffisent pas à une évaluation fondée des demandes.

Au sein de l'OFSP, la section compétente ne dispose pas du temps nécessaire à une évaluation approfondie des demandes.18 Actuellement, les collaborateurs de la section Médicaments représentent 4,6 postes à plein temps chez les pharmaciens et 2,4 postes à plein temps chez les juristes. Par ailleurs, plusieurs personnes déplorent que l'OFSP manque parfois de connaissances spécialisées.19 Le manque de ressources pour une évaluation fondée est encore plus évident au sein de la CFM. Le système de commission de milice extra-parlementaire se heurte à ses limites du fait du nombre élevé des demandes et de leur complexité. La charge de travail que celles-ci représentent est problématique. En raison de la quantité des demandes, de nombreux membres de la CFM n'évaluent qu'une partie de celles-ci.

D'autres membres débattent des demandes au sein de groupes de travail auxquels appartiennent d'autres représentants de groupes d'intérêts, qui ne sont pas membres de la CFM, ce que la confidentialité des dossiers interdit. Contrairement à Swissmedic, qui verse une rétribution forfaitaire aux membres de la commission d'experts pour le temps de préparation, la CFM ne rémunère pas ses membres pour cela. Par ailleurs, elle ne dispose pas de son propre secrétariat. L'aide qu'elle reçoit de l'OFSP dans ce domaine est considérée positivement par ses membres.

Quatre séances par an sont prévues pour le traitement des dossiers.20 S'y ajoute une séance consacrée aux questions fondamentales. Une journée de séance est rémunérée 400 francs. La majorité des personnes interrogées considère que le nombre de séances est insuffisant pour une évaluation minutieuse de toutes les demandes. Un rythme de séances plus fréquent ne diminuerait certes pas la charge de travail, mais augmenterait la rétribution et accélérerait les procédures.

18

19 20

Les modifications apportées à l'OAMal au 1.6.2013 contiennent une augmentation des émoluments (art. 71). Cela doit permettre d'augmenter progressivement l'effectif au sein de l'OFSP.

La critique porte notamment sur le fait que, actuellement, aucune personne ne dispose, au sein de la section, de connaissances dans le domaine de la médecine complémentaire.

A partir de 2014, le nombre de séances consacrées au traitement des demandes doit passer de quatre à six.

7562

La comparaison avec l'Allemagne et l'Autriche, qui, du fait de la séparation organisationnelle évoquée plus haut, disposent de plusieurs instances d'évaluation dotées chacune d'importantes ressources, fait d'autant plus apparaître la faiblesse des ressources dont est doté le système suisse.

3.4

Durée des procédures

On peut supposer que la durée des procédures, qui est particulièrement critiquée par les fabricants de médicaments, correspond à la moyenne internationale. Le CPA est toutefois d'avis qu'une structuration plus claire des étapes de la procédure et des compétences ainsi que des ressources plus importantes devraient permettre d'accélérer les procédures.

Estimations de la durée des procédures Aucune donnée fiable n'a pu être trouvée sur la durée des procédures d'admission, ni pour la Suisse ni pour l'étranger. Pour la Suisse, il existe deux évaluations, qui concernent toutes deux une période limitée: l'une de l'OFSP et l'autre d'Interpharma, une association d'entreprises pharmaceutiques. Ces deux études évaluent la durée moyenne de la procédure, du dépôt de la demande auprès de l'OFSP avec préavis de Swissmedic à l'admission dans la LS, à respectivement 164 et 181 jours.21 De telles durées ne sont pas imputables exclusivement à l'OFSP.

Certaines demandes demeurent des mois durant chez les fabricants parce qu'ils attendent les résultats de nouvelles études ou une autorisation dans un autre pays.

Comme le montre l'évaluation de la mise en oeuvre, les acteurs ont des avis divers sur la durée des procédures. Les fabricants de médicaments sont nombreux à considérer que le traitement des demandes est trop lent; ils déplorent l'attitude souvent tatillonne de l'OFSP et ses idées quant aux prix, qui sont parfois éloignées de la réalité et qu'ils ne peuvent prendre en considération. Ils estiment que ces derniers points ralentissent la procédure. Pour sa part, l'OFSP explique la durée de la procédure par les exigences exagérées et irréalistes des fabricants de médicaments en ce qui concerne les prix, ainsi que par des demandes incomplètes. Il indique en outre que la lenteur des procédures en Suisse n'est en tout cas pas corroborée par la comparaison avec l'Allemagne, où, en règle générale, les procédures durent entre six et douze mois.22 Pour les génériques, la durée de traitement n'est pas un problème, selon les déclarations de l'industrie des génériques, puisque aucune marge de manoeuvre n'existe au sujet du prix (se reporter au point 4.4). D'après les fabricants, l'OFSP traiterait les demandes de plus en plus rapidement.

Les résultats du chap. 3 livrent plusieurs pistes sur les facteurs qui seraient
susceptibles d'influer sur la durée de traitement des demandes. Là encore, on constate que les étapes d'assessment et d'appraisal sont réalisées par plusieurs acteurs: l'OFSP et 21

22

La différence s'explique par la durée de l'analyse, qui varie selon les deux études.

Il ressort de celles-ci que les valeurs moyennes sont tirées vers le haut par quelques demandes dont la durée de traitement est très longue. Avec 185 et 258 jours, la moyenne arithmétique est largement supérieure à la valeur moyenne concernée.

Selon les données de l'EFPIA (European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations, 2010), sujettes à caution, la durée d'admission en Suisse est plutôt courte en comparaison internationale.

7563

la CFM, auxquels viennent parfois s'ajouter des experts. Lorsque ce dernier cas se présente, le dossier doit retourner à la CFM. De tels détours et traitements multiples entraînent des retards, d'autant plus que, actuellement, la CFM ne se réunit que quatre fois par an.23

4

Evaluation sur la base des critères EAE

Les critères EAE ne sont pas assez précis pour leur application par la CFM et l'OFSP. De plus, le bénéfice des médicaments n'est évalué que partiellement dans la pratique actuelle.

Pour être remboursées par l'assurance-maladie, les prestations doivent respecter tous les critères EAE. Elles doivent donc être efficaces, appropriées et économiques (art. 32, al. 1, LAMal). Les critères étant évalués dans cet ordre, l'adéquation et l'économicité d'un médicament qui n'est pas efficace n'ont pas besoin d'être examinées. La définition et l'application de chaque critère sont tout d'abord évaluées globalement pour la médecine classique, puis spécifiquement pour les génériques et les médicaments de la médecine complémentaire.

Du point de vue légal, il est permis de retenir, s'agissant de la médecine classique, que la mise en oeuvre des critères EAE est licite et, hormis quelques exceptions, cohérente et convaincante. Sur le fond, le catalogue des critères suisses est semblable à ceux de l'Allemagne et de l'Autriche; en Suisse, les critères restent cependant très vagues. Comme le montre l'évaluation de la mise en oeuvre, la plupart des acteurs impliqués dans la procédure considèrent que les critères, dans leur majorité, ne sont pas suffisamment concrétisés. Le manque de précision du critère de l'efficacité complique notamment l'évaluation des trois critères, étant donné que l'adéquation et l'économicité sont évaluées en fonction de l'efficacité.

Pour les médicaments de la médecine complémentaire, les exigences liées à la preuve de l'efficacité manquent elles aussi de clarté, tandis que les critères de l'adéquation et de l'économicité sont appropriés. Pour les génériques, en revanche, l'instrument d'évaluation de l'efficacité s'avère problématique.

L'OFSP et la CFM appliquent les critères EAE à chaque demande. Cette démarche repose notamment sur les instructions concernant la LS et sur les formulaires annexes, lesquels décrivent les exigences à l'égard des requérants et permettent un traitement efficace des demandes.24

4.1

Efficacité

Bien que le critère de l'efficacité, c'est-à-dire de l'utilité thérapeutique, soit clairement défini du point de vue légal, on constate dans la pratique des lacunes de mise en oeuvre, ce qui empêche d'évaluer les demandes de manière fondée.

23

24

Aux termes de l'OPAS modifiée au 1.6.2013 (art. 31, ch. 5), l'OFSP décide de l'admission dans la LS dans un délai de 60 jours ouvrés dès lors que les demandes sont complètes et ont été déposées avec préavis de Swissmedic.

Les formulaires remaniés, utilisés depuis 2012, et les concrétisations entreprises par l'OFSP dans les instructions concernant la LS sont salués de toutes parts.

7564

Aux termes de l'art. 65a OAMal25, l'évaluation de l'efficacité des médicaments de la médecine classique doit être fondée sur des études cliniques contrôlées. L'art. 32 OPAS stipule par ailleurs que, pour juger de l'efficacité d'un médicament, l'OFSP s'appuie sur les documents de Swissmedic et peut exiger des documents supplémentaires du requérant. Ces exigences légales liées à l'efficacité sont considérées par l'avis de droit comme étant claires, notamment parce que la forme des études exigées est définie (études cliniques contrôlées).

Précision des critères La majorité des acteurs ne sont pourtant pas de cet avis. Ils pensent que la preuve de l'efficacité, établie sur la base des documents de Swissmedic, ne suffit pas pour une admission dans la LS. En règle générale, Swissmedic exige certes des études cliniques contrôlées, mais celles-ci visent à prouver l'efficacité d'un médicament par rapport à un placebo. L'utilité d'un médicament peut être jugée soit au travers de la définition claire de critères (par ex. concrétisation de la qualité de vie), soit par rapport à un autre médicament. Pour la première possibilité, il n'existe pas d'indicateurs clairement définis. Une évaluation systématique par rapport aux médicaments existants requerrait une classification des groupes de principes actifs et la définition d'une norme de référence (thérapie théoriquement la meilleure et la plus économique). L'utilité de chaque nouveau médicament devrait être comparée avec la référence dans le groupe. A titre d'exemple, en Allemagne, on se base sur l'effet bénéfique supplémentaire pour les patients. En Suisse, en revanche, les bases légales ne prévoient pas explicitement une efficacité relative. Par conséquent, la question de savoir si des études sur l'efficacité relative doivent être considérées, et le cas échéant de quelle manière, reste posée.

La majorité des requérants ne joignent à leur demande que des études comparatives avec un placebo. Aux termes de l'art. 63 LPTh26, les rapports de Swissmedic, dans lesquels un nombre relativement important d'études est évalué, ne sont pas accessibles à l'OFSP. Les données ne peuvent être communiquées qu'aux autorités d'exécution de ladite loi, dont ne fait pas partie l'OFSP.27 Par conséquent, l'OFSP et la CFM sont privés d'informations essentielles.

Tandis que Swissmedic
clarifie avec les fabricants de médicaments les exigences spécifiques concernant les études faites en vue de l'autorisation de mise sur le marché avant que ceux-ci ne déposent leur demande, l'OFSP ne dispose pas d'une telle possibilité dans le cadre de l'admission des médicaments remboursés par les assureurs. En présence de demandes dépourvues d'études consacrées à l'efficacité relative, l'office s'assure au cas par cas, auprès d'institutions partenaires à l'étranger, si elles ne disposent pas de telles études. Si tel n'est pas le cas, des comparaisons sont effectuées entre plusieurs études (comparaisons indirectes). Cette méthode est toutefois extrêmement compliquée et provoque souvent des discussions sans fin entre l'OFSP et la CFM et, une fois la décision prise, entre l'OFSP et le requérant. Il n'est pas aisé pour l'OFSP d'exiger que de nouvelles études soient réalisées, étant donné le temps que celles-ci requièrent.

25 26 27

Ordonnance sur l'assurance-maladie (OAMal), RS 832.102.

Loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux (LPTh), RS 812.21.

L'extension des droits à l'information à l'OFSP est discutée dans le cadre de l'actuelle révision de la LPTh.

7565

Exigences en matière d'efficacité à l'étranger A l'étranger, les exigences requises sont globalement plus élevées lorsque le médicament doit être remboursé par l'assurance-maladie. A titre d'exemple, les études déposées en Allemagne sont classées selon leur degré de qualité et leur valeur probante est prise en considération lors de l'évaluation de l'efficacité. De plus, dans la plupart des pays de l'UE, l'efficacité relative, voire l'effet bénéfique supplémentaire doivent être prouvés par rapport aux autres solutions. Il peut s'agir, pour ces dernières, de prestations non médicamenteuses. Ainsi, un nouveau médicament anticancéreux est comparé à une opération chirurgicale. A l'heure actuelle, une comparaison de ce type ne peut être effectuée en Suisse du fait de l'absence de normes légales dans le cadre de l'admission dans la LS. Enfin, d'autres pays exigent la preuve de l'utilité pour le patient, pour laquelle des études d'approvisionnement allant au-delà des études cliniques seraient nécessaires. La plupart des personnes interrogées considéreraient un examen plus détaillé de l'efficacité comme pertinent.28

4.2

Adéquation

L'examen de l'adéquation d'un médicament est plus simple que celui de son efficacité. Les préférences sociales qu'il convient d'évaluer ne sont toutefois pas concrétisées et sont définies en fonction de chaque situation.

Aux termes de l'art. 33, al. 1, OPAS, la valeur thérapeutique d'un médicament quant à ses effets et à sa composition est examinée du point de vue clinico-pharmacologique29 et galénique30; l'examen porte également sur les effets secondaires et le danger d'un usage abusif. L'élément déterminant est par conséquent le bénéfice diagnostique ou thérapeutique, mesuré à l'aune de l'effet thérapeutique espéré, soit l'élimination la plus complète possible de l'atteinte physique ou psychique, en tenant compte des risques liés au traitement et des risques d'abus.31 En résumé, on peut dire que l'adéquation suppose, en plus de l'efficacité, que le bénéfice d'un médicament (par ex. qualité de vie améliorée, atténuation des douleurs, etc.) soit supérieur à ses inconvénients (par ex. nausées dues à la prise d'un médicament, autres effets secondaires, mortalité, etc.).

Pour juger de la valeur thérapeutique d'un médicament, l'OFSP s'appuie sur les documents qui ont fondé l'autorisation accordée par Swissmedic. Il peut également exiger des documents supplémentaires (art. 33, al. 2, OPAS).

Selon la pratique administrative, l'adéquation est jugée sur la base du rapport entre les succès et les échecs de l'utilisation d'un médicament, ainsi qu'en fonction de la 28

29

30

31

Elles souhaitent des évaluations des technologies de santé (Health Technology Assessments, HTA), lesquelles tiennent compte d'aspects légaux, éthiques et sociaux et englobent toutes les prestations médicales. Une conception unique des HTA fait toutefois défaut, la désignation ne couvrant pas le même champ dans tous les pays. A noter que la complexité et les besoins en ressources des HTA sont élevés.

La pharmacologie clinique étudie le devenir et les effets des médicaments dans l'organisme humain ainsi que leur usage; elle comble la lacune existant entre la pharmacologie fondamentale et la pratique médicale.

La galénique désigne tout ce qui touche à la fabrication des médicaments. Par «forme galénique», on entend la forme de présentation d'un médicament (comprimés, granulés, gouttes, etc.).

ATF 130 V 299 consid. 6.1 p. 304; ATF 129 V 32 consid. 4.1 p. 37.

7566

fréquence des complications.32 Pour cela, on se fonde là encore avant tout sur les études cliniques, dont la pertinence est limitée en ce qui concerne l'efficacité. Or, les acteurs s'accordent tous pour dire que l'examen de l'adéquation doit également considérer la question de savoir si un médicament est indispensable pour l'assurance obligatoire des soins, des aspects sociaux surgissant alors (se reporter à l'étape d'appraisal). Faute de directives en la matière, les préférences sociales sont définies en fonction de chaque situation. Pour que le caractère indispensable d'un médicament soit jugé uniformément, il faudrait en outre déterminer avec plus de précision dans quels cas il doit être utilisé.

4.3

Economicité

En Suisse, l'économicité est évaluée au moyen de deux instruments: la Comparaison thérapeutique (CT) et la Comparaison avec le prix pratiqué à l'étranger (CPE), qui repose sur le PF moyen de six pays de référence. Ces deux instruments ne sont que partiellement appropriés pour une évaluation fondée de l'économicité.

En vertu des bases légales, un médicament est considéré comme économique lorsqu'il produit l'effet thérapeutique recherché à un coût aussi réduit que possible (art. 65b, al. 1, OAMal). Dans le cadre de l'évaluation au moyen de la CT, plusieurs médicaments qui sont disponibles en Suisse et qui ont le même but thérapeutique sont comparés entre eux (art. 65b, al. 2, OAMal et art. 34, al. 2, let. b et c, OPAS); pour la CPE, le prix de la préparation en question est comparé avec les prix pratiqués dans des pays de référence (art. 65b, al. 2, OAMal et art. 34, al. 2 let. a, OPAS).

Tant l'avis de droit que les acteurs considèrent que les critères d'évaluation de l'économicité sont définis clairement et de manière détaillée dans les bases légales et dans les instructions concernant la LS. L'économicité est cependant définie de manière très restrictive dans le système suisse. Contrairement à ce qui se fait à l'étranger, aucune étude mettant le coût d'un médicament en rapport avec son effet bénéfique supplémentaire n'y est exigée. En Allemagne, les nouveaux médicaments qui n'ont aucun effet bénéfique supplémentaire, par exemple, se voient attribuer le prix de référence (relativement bas) du groupe de comparaison.33 Des négociations sur les prix sont menées seulement si des études scientifiques apportent la preuve d'un effet bénéfique supplémentaire. En Suisse, en revanche, les études d'économicité ne sont prises en considération dans l'évaluation que si elles sont déposées par le requérant. En règle générale, seules des estimations des coûts totaux à la charge de l'assurance de base sont disponibles. Les coûts ne sont mis en rapport avec le bénéfice médical qu'indirectement, au travers de la comparaison avec le prix d'autres médicaments ayant le même but thérapeutique, dans le cadre de la CT.

L'application des instruments CT et CPE pour la définition de l'économicité pose certains problèmes. Etant donné qu'aucune étude de comparaison avec d'autres médicaments ou avec la meilleure alternative
thérapeutique disponible n'est exigée en guise de preuve de l'économicité, de telles études n'existent généralement pas; au mieux, ce sont des comparaisons indirectes qui sont possibles. C'est la raison pour laquelle l'utilisation de la CT est souvent contestée.

32 33

ATF 127 V 138 consid. 5 p. 146.

Pour les explications sur le système des prix de référence, voir le chap. Comparaison internationale.

7567

La CPE est quant à elle basée sur des prix courants à l'étranger, qui, dans certains pays, sont quelque peu supérieurs aux coûts effectivement remboursés. Il arrive en effet que d'importants rabais soient octroyés sur le PF indiqué à l'étranger ou que le prix effectif soit inférieur parce que seul un forfait est remboursé pour tel médicament.

Les rabais précités sont en règle générale octroyés par les fabricants de médicaments à certains assureurs-maladie, mais ils ne sont pas rendus publics. Actuellement, l'Etat allemand exige des fabricants de médicaments qu'ils octroient un rabais de 16 % sur le prix courant des médicaments dont le prix n'est pas inférieur au prix de référence en raison d'un effet bénéfique supplémentaire. Cependant, des rabais supérieurs sont parfois négociés. Ainsi, le PF du Zytiga (boîte de 120, 250 mg) est de 5450,21 euros en Allemagne.34 Ce prix est donc intégré dans la CPE en Suisse.

Le rabais en Allemagne a été fixé à près de 1150 euros, soit quelque 21 %, c'est-àdire au-delà du rabais obligatoire.

Si aucun effet bénéfique supplémentaire n'est constaté lors de l'évaluation en Allemagne, le médicament est classé dans le forfait du groupe de médicaments aux mêmes principes actifs. Le PF du Sortis (boîte de 100, 20 mg) s'élève en Allemagne à l'équivalent de 144,25 francs.35 Or, le prix de référence du groupe de médicaments aux mêmes principes actifs que le Sortis est fixé à 18,50 euros. En Allemagne, les caisses ne paient donc pour le Sortis qu'environ 15 % du PF indiqué, lequel est intégré en Suisse dans la CPE. En Suisse, le PF du Sortis a été fixé à 130,40 francs.

Par conséquent, les prix étrangers qui sont comparés dans le cadre de la CPE sont peu concluants.

4.4

Les critères EAE pour les génériques

En ce qui concerne les génériques, l'application des critères EAE est simple. L'écart de prix fixe entre un générique et la préparation originale est toutefois en contradiction avec les principes de la LAMal et constitue une particularité par rapport à l'étranger.

Grâce à la protection du brevet, les préparations originales ne subissent pas la concurrence des génériques durant les premières années suivant leur introduction sur le marché.36 Les génériques introduits par la suite sont par définition interchangeables avec la préparation originale, c'est-à-dire qu'ils contiennent les mêmes principes actifs (ou les mêmes combinaisons de principes actifs), présentent les mêmes dosages et formes galéniques et ont le même effet. C'est la raison pour laquelle, en vertu des bases légales, la preuve de l'efficacité des génériques est réputée acquise dès lors que les préparations originales remboursées par l'assurance obligatoire des soins ont reçu l'autorisation délivrée par Swissmedic; on peut en effet supposer que l'efficacité est la même que pour la préparation originale, ce qui est attesté au moyen d'une étude de bioéquivalence. En l'espèce, l'OFSP n'a donc pas à examiner la question de l'efficacité. Le générique est réputé adéquat lorsqu'il est proposé aux 34 35 36

Voir www.arznei-telegramm.de/blitz-pdf/blitz-a-t (état 15.4.2013).

Les valeurs pour la Suisse proviennent de la LS (état 1.3.2013) et, pour l'Allemagne, de la liste des prix de référence (état 15.2.2013).

La durée d'un brevet est limitée à 20 ans. Du fait des exigences qui doivent être remplies avant l'introduction sur le marché d'un nouveau médicament, pendant que le brevet est déjà valable, la protection effective du brevet est en moyenne de dix ans.

7568

adultes avec les mêmes modes d'administration, dans le même emballage et au même dosage que la préparation originale. Enfin, un générique est considéré comme économique au sens de l'art. 65c OAMal lorsque son PF est inférieur (de 10 % à 60 %, en fonction des parts de marché de la préparation originale) à celui de la préparation originale interchangeable avec lui (écart de prix fixe).

Les exigences légales concernant l'évaluation de génériques au moyen des critères EAE sont claires; cependant, les directives relatives à la garantie de l'économicité sont inappropriées. La règle de l'écart des prix entre préparations originales et génériques est en contradiction avec le principe même de la LAMal, selon lequel un approvisionnement médical de qualité doit être garanti aux prix les plus avantageux possible. Comme l'a constaté le Tribunal fédéral, à bénéfice médical égal, la préparation la plus avantageuse en termes de prix est réputée économique.37 Le générique étant par définition interchangeable avec la préparation originale, le bénéfice médical est établi. La raison pour laquelle une différence de prix pouvant atteindre 60 % doit être imposée afin que les deux médicaments soient pareillement «économiques» est loin d'être évidente.

La règle de l'écart des prix constitue une particularité suisse. L'écart des prix régi par l'OAMal permet au fabricant de la préparation originale d'exiger des caisses un prix plus élevé que celui des génériques correspondants. En Autriche, en revanche, le prix de la préparation originale est réduit pour le premier et pour le troisième générique. La quote-part prévue par l'art. 38a OPAS, selon lequel les assurés doivent prendre en charge 20 %, et non 10 %, des frais pour l'achat d'une préparation originale alors qu'il existe un générique, traduit la volonté des autorités suisses d'inciter les fabricants de préparations originales à diminuer leurs prix, mais les effets de cette mesure ne peuvent encore être clairement évalués. Quoi qu'il en soit, la contradiction fondamentale avec l'objectif légal de l'économicité subsiste.

Si, en Suisse, le prix des génériques n'était plus déterminé selon la règle de l'écart des prix, mais sur la base d'une CPE, comme pour les préparations originales, il aurait tendance à être plus bas qu'actuellement; en moyenne, les prix des génériques en Suisse présentent une différence encore plus grande avec les prix étrangers que ceux des préparations originales.

4.5

Les critères EAE pour les médicaments de la médecine complémentaire

Tandis que les critères de l'adéquation et de l'économicité sont examinés de la même manière pour les médicaments de la médecine complémentaire que pour ceux de la médecine classique, les exigences en termes d'efficacité présentent des lacunes.

Contrairement à ce qu'il a fait pour les médicaments de la médecine classique, pour lesquels, en vertu de l'art. 65a OPAS, la preuve de l'efficacité doit être apportée au moyen d'études cliniques, le Conseil fédéral s'est abstenu de préciser dans ladite ordonnance les exigences concernant la preuve de l'efficacité de médicaments de la médecine complémentaires. Dans ce cas d'espèce, l'évaluation de l'efficacité est expliquée dans les instructions concernant la LS et clairement définie pour les ac37

ATF 130 V 532 consid. 2.2.

7569

teurs impliqués dans la procédure. L'évaluation de l'économicité est clairement régie, comme pour la médecine classique.

Comme l'indique l'avis de droit, les critères ne présentent pas de contradictions, mais ils ne sont pas spécifiés dans le cas de l'efficacité. A cela s'ajoute le fait, problématique, que la LS ne comprend que des spécialités pharmaceutiques et des médicaments confectionnés, alors que les médicaments de la médecine complémentaire, en particulier dans le domaine des médicaments homéopathiques et anthroposophiques, ne sont souvent pas confectionnés et doivent être mélangés par un pharmacien.

Par rapport à l'étranger, l'admission dans la LS de médicaments de la médecine complémentaire est régie de manière généreuse. En Autriche, elle est difficile, voire impossible, car il est souvent ardu de prouver le bénéfice de ces médicaments. En Allemagne, il est mentionné qu'il faut tenir compte de la manière particulière dont l'effet se fait sentir pour les «orientations thérapeutiques particulières», mais il n'a pas été possible de savoir, dans le cadre de la comparaison internationale, comment cela est mis en oeuvre.

5

Décision

Ce chapitre est consacré à l'étape de la décision, qui incombe à l'OFSP (voir le point 4 du Graphique 1). Celui-ci rend une décision dans laquelle il arrête si un médicament est admis dans la LS et à quel prix maximal. Des difficultés sont constatées lors de la détermination des prix dès que la Comparaison avec le prix pratiqué à l'étranger (CPE) et la Comparaison thérapeutique (CT) sont disponibles. Globalement, la procédure manque de transparence.

Les bases décisionnelles légales et la pratique en matière de décision sont présentées ci-après, l'accent étant mis sur la détermination des prix. Est ensuite expliquée la procédure suivie lorsque l'OFSP parvient à la conclusion, dans sa décision, que les conditions pour une admission dans la LS ne sont pas remplies. La transparence des décisions est enfin passée au crible.

5.1

Bases légales

La décision quant à l'admission des médicaments dans la LS revient à l'OFSP.

Conformément aux bases légales, celui-ci prend cette décision après avoir consulté la CFM et pris en considération les critères EAE (art. 52, al. 1, let. b, LAMal). Il se prononce en toute autonomie. La CFM n'est pas habilitée à intervenir et le Conseil fédéral, plus particulièrement le département concerné, est responsable du système, mais pas de la décision d'admission elle-même.

Critères relatifs à la détermination des prix Comme évoqué au point 4.3, l'évaluation de l'économicité, qui porte notamment sur le prix d'un médicament remboursé par l'assurance obligatoire des soins, est la plus controversée. Les obligations légales relatives à la détermination des prix sont détaillées ci-après.

7570

Des analyses plus appropriées du bénéfice des médicaments faisant défaut, l'économicité est évaluée au moyen des deux instruments que sont la CT et la CPE. Dans ce contexte, la question se pose de savoir comment les résultats de ces deux comparaisons sont intégrés dans la décision relative au prix. Aux termes de l'art. 35, al. 1, OPAS, le PF d'un médicament ne doit pas dépasser, en règle générale, la moyenne des PF du même médicament établie par la CPE. Conformément à cette disposition, le prix calculé sur la base de la CPE est donc le prix maximal. Comme évoqué au point 4.3, les prix courants à l'étranger ne sont toutefois pas toujours les prix effectivement payés.

L'importance de la CT n'est en revanche pas précisée pour la détermination des prix. La question de savoir comment les résultats de la CT et de la CPE sont pondérés lorsque la CT donne lieu à des prix beaucoup plus bas n'est pas clarifiée non plus.

Pour les préparations originales qui sont classées par la CFM dans la catégorie «percée médico-thérapeutique» ou «progrès thérapeutique» (art. 31, al. 2, let. a et b, OPAS), l'art. 65b, al. 4, OAMal prévoit une prime à l'innovation. Octroyée pour une durée maximale de quinze ans, cette prime vise à compenser les coûts de recherche et de développement (art. 34, al. 2, let. d, OPAS). Elle représente au plus 20 % du prix établi sur la base de la CT et le prix total, prime à l'innovation incluse, ne doit pas dépasser la moyenne des PF pratiqués à l'étranger (instructions concernant la LS, C.2.2).

La règle de l'écart des prix s'applique aux génériques (voir point 4.4).

5.2

Pratique en matière de décision

L'OFSP indique qu'il se fonde, pour prendre sa décision, non seulement sur la recommandation de la CFM, mais aussi sur sa propre évaluation de la demande et, parfois, sur l'avis d'experts. Il est ressorti des entretiens avec les membres de la CFM et des dossiers de l'évaluation de la mise en oeuvre que, dans la grande majorité des cas, l'OFSP suit la recommandation de la CFM. Dans les rares cas où il s'en éloigne, c'est surtout, d'après ses propres déclarations, parce qu'il a demandé des études à des organisations partenaires et que leurs résultats livrent de nouvelles conclusions, inconnues de la CFM.

Pour le prix aussi, l'OFSP suit dans la majorité des cas les recommandations de la CFM. Il indique s'écarter de ces recommandations lorsque la CFM établit, sans arguments clairs, un prix nettement inférieur à celui qui a été fixé par le fabricant du médicament. Aucune demande ou presque n'est retournée à la CFM du seul fait de questions en suspens concernant l'économicité. L'OFSP agit donc en toute autonomie s'agissant de la détermination des prix.

La détermination des prix pour les préparations originales est détaillée ci-après, tout d'abord à travers l'importance des deux instruments de comparaison (CPE et CT), puis à travers l'analyse des primes à l'innovation qui sont octroyées. Les prix des génériques étant clairement déterminés par le biais de l'écart des prix fixe, il n'existe pour eux aucune marge de manoeuvre lors de la mise en oeuvre.

7571

Pondération de la CPE et de la CT On constate, s'agissant de l'importance accordée à la CPE et à la CT dans la détermination des prix, que l'OFSP considère strictement la CPE comme un prix maximal et l'impose comme tel. Cependant, les résultats des deux comparaisons ne sont pas pondérés selon un modèle clair.

Si, concernant un médicament, des données sont disponibles uniquement pour l'une des deux comparaisons, la détermination des prix suit, comme le montre l'évaluation de la mise en oeuvre, les résultats de cette comparaison. Dans de rares cas, un prix plus bas est déterminé.

Si une CPE et une CT sont effectuées, la protection des consommateurs est d'avis que le prix devrait toujours être aligné sur l'instrument (CPE ou CT) qui présente le prix de référence le plus bas. Certains fabricants de médicaments sont en revanche favorables à une pondération à 50:50. Dans la pratique, on ne constate pas de règle de pondération claire. Dans la majorité des cas, toutefois, le prix est fixé au niveau de l'instrument de comparaison le plus bas, sachant qu'il ne dépasse pas la CPE.38 Cela apparaît dans les dossiers analysés et dans les données relatives aux demandes de nouvelle admission du second semestre 2012.39 La détermination des prix s'avère notamment problématique lorsque les deux comparaisons fournissent des résultats très divergents. Dans ces cas relativement rares, il se peut qu'une pondération à 50:50 (deux cas sur seize) ou des modèles de pondération comprenant différentes références pour des dosages différents (un cas sur seize) soient retenus. Dans deux cas d'espèce du second semestre 2012, les prix fixés étaient inférieurs à la fois à la CPE et à la CT. Cela peut survenir, par exemple, lorsque la CPE est effectuée au moyen d'un critère de comparaison qui présente un bénéfice plus élevé.

Avec la détermination de la CPE comme valeur plafond, le système actuel dispose donc d'une délimitation claire des prix vers le haut. Comme exposé au point 4.3, la CPE repose sur des prix courants, qui sont des prix affichés dont certains sont nettement supérieurs aux prix effectivement payés à l'étranger. C'est la raison pour laquelle la pertinence de la CPE n'est que limitée.

Certains acteurs considèrent que l'absence d'une règle de pondération claire est positive, car cela permet, selon eux, de tenir compte
des particularités de chaque demande. Néanmoins, cette situation complique la détermination des prix et entraîne parfois, comme exposé au point 3.4, de longues procédures et des inégalités juridiques.

Prime à l'innovation Contrairement à ce que prévoient les instructions concernant la LS, la prime à l'innovation n'est pas appliquée uniformément, ni dans tous les cas.

38

39

L'OFSP indique qu'il est arrivé, afin que l'approvisionnement en médicaments soit assuré dans des cas exceptionnels motivés, que le prix dépasse la CPE. La tuberculose en est un exemple: il n'existait plus de médicaments remboursés contre cette maladie, car aucun cas n'était plus apparu en Suisse depuis longtemps. Le médicament aurait dû être vendu à un prix très avantageux sur la base de la CPE, mais aucune entreprise n'était intéressée à le commercialiser à un prix aussi bas.

Dans 11 des 16 cas; voir également le tableau 8 dans l'évaluation de la mise en oeuvre.

7572

Pour les nouvelles préparations originales, une prime à l'innovation est octroyée dans environ 4 % à 10 % des cas.40 La question de savoir si une telle prime doit être accordée, et comment elle doit l'être, est fréquemment l'objet de controverses, car, d'une part, la définition de l'innovation n'est pas claire et, d'autre part, le bénéfice attendu de l'innovation demeure incertain faute d'études comparatives en la matière (voir chap. 4). Une application uniforme est par conséquent difficile.

Par ailleurs, la prime à l'innovation s'élevait à 80 % pour l'un des dossiers.41 Certes, il s'agit très probablement d'une exception, mais elle constitue un non-respect flagrant du maximum de 20 % défini dans les instructions concernant la LS. Cellesci ne sont donc pas toujours respectées.

Admission limitée dans le temps Des admissions limitées dans le temps permettent au fabricant de collecter des données de meilleure qualité. Cependant, d'autres preuves de l'efficacité ne sont souvent pas encore disponibles une fois le délai expiré.

Pour les nouveaux médicaments, l'efficacité est souvent difficile à prouver dans un premier temps. C'est pourquoi différents fabricants ont avancé l'idée d'admissions dans la LS limitées dans le temps. Selon eux, une admission limitée dans le temps et assortie de conditions claires permet aux patients de déjà bénéficier de l'innovation et aux fabricants de collecter d'autres données, durant le délai imparti, en vue d'apporter la preuve de l'efficacité. Actuellement, cette mesure est appliquée dans de rares cas. Les admissions limitées dans le temps sont problématiques en ce sens que, souvent, des preuves indéniables de l'efficacité manquent toujours une fois le délai expiré, alors que des patients sont déjà habitués au médicament et que l'arrêt de celui-ci pourrait s'avérer pénible pour eux. Pour cette raison, il est impossible ou presque d'imposer ensuite la radiation du médicament. Il convient par ailleurs de se demander s'il est effectivement dans l'intérêt du patient d'introduire plus rapidement un médicament dont l'efficacité ou l'effet bénéfique supplémentaire ne sont pas encore véritablement prouvés.

5.3

Conséquences du non-respect des conditions

Habituellement, l'OFSP parvient à la conclusion, pour les demandes déposées pour la première fois, que le médicament ne remplit pas les conditions pour l'admission dans la LS. La principale raison en est que le prix exigé par le fabricant est jugé trop élevé. Il s'ensuit généralement une phase de négociations, au cours desquelles l'OFSP et le fabricant tentent de trouver un compromis.

Des rejets peu formels Si l'OFSP estime que le médicament respecte tous les critères EAE et peut être remboursé au prix exigé par le fabricant, il rend une décision d'admission du médicament dans la LS. S'il considère en revanche que les critères ne sont pas respectés, il envoie au fabricant une notification dans laquelle il motive son intention de rejeter 40 41

Voir Ip Humbel 10.3944 et Rossini 12.3541 ou encore l'évaluation de la mise en oeuvre, point 2.3.2.3.

La CT était très inférieure à la CPE. La prime à l'innovation élevée a permis de fixer un prix se situant dans la moyenne. Ainsi, il n'y a pas eu dépassement de la CPE.

7573

tout ou partie de la demande. Le requérant peut alors déposer une demande de nouvelle appréciation. Par conséquent, l'OFSP ne rend pas automatiquement une décision de rejet; il le fait uniquement si le fabricant le souhaite (instructions concernant la LS, A.4.2-4.3), notamment parce qu'il entend attaquer la décision en justice.

Selon les indications de l'OFSP, le nombre de rejets est au plus de cinq par an.

Soulignons cependant qu'il n'enregistre systématiquement ni le nombre de rejets, ni celui des notifications envoyées. Généralement, il est renoncé à une décision de rejet; la demande est alors considérée comme pendante. Le fabricant peut à tout moment déposer une demande de nouvelle appréciation comprenant par exemple de nouveaux arguments ainsi que des études ou des expertises supplémentaires.

Position de l'OFSP lors de la détermination des prix Il arrive très souvent, dans la pratique, que l'OFSP estime tout d'abord que les conditions pour l'admission dans la LS ne sont pas remplies, la plupart du temps parce que, au vu de l'idée que le fabricant se fait du prix, l'économicité est jugée insuffisante. Il ressort de l'analyse des dossiers que les fabricants, dans la majorité des demandes déposées pour la première fois, indiquent des prix clairement supérieurs à la CPE et à la CT. Dans des cas plus rares, l'adéquation est mise en cause, par exemple parce que l'emballage prévu est jugé trop grand.

Si l'OFSP parvient à la conclusion que le prix proposé par le requérant est trop élevé, il en informe le fabricant tout en indiquant le prix jugé approprié. Si, ce faisant, l'OFSP s'appuie sur la CPE, le requérant peut difficilement trouver à y redire.

Dans ce cas, les fabricants font pour la plupart preuve de bonne volonté à l'égard de l'OFSP. Si, en revanche, l'OFSP se base sur la CT pour déterminer les prix, les fabricants déposent souvent une demande de nouvelle appréciation contenant des études et des expertises supplémentaires. Selon l'OFSP, il est alors difficile d'obtenir du fabricant qu'il baisse le prix.

La CT et la prime à l'innovation sont régulièrement sujettes à controverse. Si l'OFSP propose un prix inférieur, les requérants avancent souvent que ce prix ne tient pas compte de l'innovation et de la recherche qui l'a permise. Les arguments ne portent donc pas sur le bénéfice du médicament,
mais sur le coût du travail que sa mise au point a nécessité.

Si les propositions de prix de l'OFSP sont très éloignées de celles des fabricants, plusieurs négociations ont lieu (notification de l'OFSP, demande de nouvelle appréciation), entraînant nombre de courriers, argumentaires, rapports d'experts et, parfois, des rencontres entre les deux acteurs. La procédure peut ainsi durer très longtemps. L'OFSP estime que le nombre de recours déposés se situe entre deux et trois par an (pour quelque 580 médicaments nouvellement admis chaque année). Suivre la voie judiciaire pour imposer ses décisions requiert certes beaucoup de temps de la part de l'OFSP, mais, de 2010 au début 2013, le Tribunal administratif fédéral a rejeté quatre recours de fabricants sur cinq. L'un de ces cas a été porté devant le Tribunal fédéral, lequel a approuvé partiellement le recours.

Rarement, la détermination des prix se conclut par un accord sujet à caution. Dans un cas, par exemple, l'OFSP a fait un geste en direction du requérant en proposant un prix relativement élevé, tout en fixant dans la limitation, où sont ordonnées des restrictions pour l'utilisation du médicament, un rabais pour les caisses, octroyé par

7574

l'entreprise pharmaceutique.42 Le fabricant s'est ainsi vu attribuer un PF élevé, ce qui augmente le prix pour l'admission dans d'autres pays,43 tandis que les caissesmaladie ne doivent rembourser que le prix plus avantageux, initialement souhaité par l'OFSP.

En règle générale, la section Médicaments de l'OFSP détermine les prix en toute autonomie, mais, pour les dossiers délicats, elle se couvre en consultant préalablement le directeur de l'office. Certains fabricants tentent d'influer sur la décision en passant par le chef du département ou par le directeur de l'office.

5.4

Transparence des décisions

En Suisse, les décisions d'admission dans la LS manquent de transparence, notamment par rapport à l'Allemagne. Tandis qu'il est évident que tous les aspects de la détermination des prix ne peuvent être publiés du fait du secret commercial, rien ou presque ne justifie la non-publication, à l'issue de la procédure, des rapports sur l'assessment et l'appraisal.

Evaluation de la transparence En matière de transparence, l'Allemagne est un pays modèle: à la fin de chaque étape de la procédure (assessment, appraisal, decision), les résultats respectifs sont publiés sur Internet, accompagnés des principaux documents.

En Suisse, en revanche, les résultats de l'évaluation (assessment et appraisal) ne sont consignés que superficiellement. Le premier examen par l'OFSP n'est pas documenté systématiquement et il n'est accessible ni au public ni à la CFM. Les délibérations de la CFM sont confidentielles et sont elles aussi consignées superficiellement.

Pour justifier leur réserve à l'égard de la publication des documents, l'OFSP et les fabricants de médicaments mettent en avant le secret commercial. Celui-ci est toutefois rare dans les dossiers et concerne notamment les informations relatives à la détermination des prix, par exemple des calculs sur le volume de vente attendu d'un médicament et des résultats d'études non publiés. En Allemagne aussi, ces informations doivent être maintenues secrètes. En revanche, rien ne s'oppose à la publication des rapports consacrés à l'assessment et à l'appraisal. Ceux-ci peuvent contenir des informations précieuses pour les médecins, sans oublier les patients.

Communication des décisions Les décisions font l'objet d'une communication très brève de l'OFSP, qui indique le médicament autorisé et son prix. Pour les non-initiés, les bases de la décision ne sont donc pas compréhensibles. Le Tribunal fédéral indique toutefois que l'OFSP devrait justifier les écarts par rapport aux notifications claires émises par la CFM.44 Or, l'office ne le fait pas.

42 43

44

Voir évaluation de la mise en oeuvre, point 2.3.2.4.

La Suisse est directement représentée dans le panier de référence de 20 pays. Dans d'autres pays, les prix pratiqués par la Suisse ont une incidence indirecte sur la détermination des prix, étant donné que les 20 pays qui comptent la Suisse dans leur panier sont à leur tour référencés dans le panier des pays en question (Interpharma 2013).

ATF 129 V 32 consid. 3.2.2.

7575

Des représentants des fabricants de médicaments critiquent en outre le fait qu'il ne ressort jamais clairement des notifications de l'OFSP pourquoi une demande a été rejetée, quelle instance (OFSP/CFM) a procédé à une évaluation, quel en était l'objet et quelle méthode a été utilisée. C'est la raison pour laquelle les notifications sont parfois jugées arbitraires. Les fabricants de médicaments souhaitent certes être davantage impliqués dans la procédure, mais ils ne souhaitent pas obligatoirement davantage de transparence par rapport à l'opinion publique.

6

La procédure de réexamen

Il s'agit maintenant d'étudier la procédure de réexamen, qui consiste à vérifier tous les trois ans si un médicament remplit encore les conditions d'admission dans la LS (voir point 6, Graphique 1). En raison du taux de change revu à la baisse, les prix ont pu être baissés de près de 20 %. Des baisses de prix allant au-delà de la correction des effets du taux de change n'ont pu être enregistrées.

Un bref exposé des bases légales précède une évaluation de la procédure fondée sur les résultats du premier réexamen effectué en 2012.

6.1

Bases légales

En vertu de l'art. 32, al. 2, LAMal, l'efficacité, l'adéquation et l'économicité des prestations de l'assurance obligatoire des soins sont réexaminées périodiquement.

Aux termes de l'art. 65d, al. 1, OAMal, l'OFSP examine tous les trois ans si les médicaments figurant dans la LS remplissent encore les conditions d'admission.

Pour cela, les fabricants de médicaments doivent lui livrer tous les documents nécessaires (art. 65d, al. 3, OAMal). Des normes légales plus précises sont formulées uniquement sur la façon de procéder au réexamen de l'économicité (art. 65d, al. 1bis, 1ter et 2, OAMal, ainsi qu'art. 35b OPAS), des dispositions d'exécution relatives aux deux autres critères faisant défaut. Pour les préparations originales, l'économicité est examinée exclusivement au moyen de la CPE; la CT n'est effectuée que si le médicament n'est pas disponible à l'étranger (art. 65d, al. 1bis, OAMal). Les génériques sont réexaminés en même temps que les préparations originales correspondantes.

Leur prix doit être inférieur d'au moins 20 % aux prix moyens des préparations originales appliqués à l'étranger (art. 35b, al. 10, OPAS).

6.2

Premier réexamen en 2012

L'OFSP a effectué le premier réexamen en 2012. Dorénavant, environ un tiers des quelque 2800 médicaments45 figurant dans la LS seront réexaminés chaque année, de sorte que chaque médicament soit réévalué tous les trois ans pour ce qui est de son admission dans la LS.

45

Etant donné qu'un médicament est généralement distribué dans des emballages de différentes dimensions ou sous diverses formes galéniques, toutes ces formes sont réexaminées. Par la suite, c'est le terme «emballage» qui sera utilisé.

7576

Le premier réexamen a été limité au critère de l'économicité, l'efficacité et l'adéquation n'ayant pas du tout été prises en considération, bien que leur réexamen soit lui aussi prescrit par les bases légales. Il n'est pas prévu de modifier cette pratique.

Les baisses de prix ordonnées sur la base du réexamen de l'économicité s'élèvent à 20 %, ce qui correspond à peu près à la diminution du taux de change pour le prix pratiqué à l'étranger.

Baisses de prix ordonnées Au total, les prix de 1512 emballages ont été baissés dans le cadre du réexamen 2012, les prix de plusieurs emballages ou plusieurs modes d'administration étant souvent ajustés pour le même médicament (voir Tableau 1). En moyenne, le PF a diminué de 20,1 %. L'OFSP a ordonné des baisses de prix pour les préparations originales et pour les génériques. La baisse moyenne du prix des génériques était légèrement supérieure à celle du prix des préparations originales.

Pour les préparations originales, l'OFSP a ordonné la plupart des adaptations de prix sur la base de la CPE. Pour 107 préparations originales indisponibles sur le marché étranger, il a tenté d'établir une CT, ce qui s'est traduit par une baisse du prix dans 27 cas. Pour les 80 médicaments restants, aucune préparation de référence n'a pu être trouvée ou le prix en vigueur a été jugé adéquat.

Tableau 1 Adaptation des prix sur la base du réexamen 2012 Prix de fabrique (PF)

Nombre de diminutions de prix Ecart moyen

1 512 ­20,1 %

Source: évaluation J. Hunkeler fondée sur la LS (état 1.4.2013) Lors du réexamen des conditions d'admission, un supplément maximal de 5 % peut être octroyé (marge de tolérance). Pour la CPE, une marge de tolérance de 5 % a été fixée par rapport au taux de change de 1,23 franc/euro en vigueur au début de l'année 2012. Il en a résulté un taux de change de 1,29 franc/euro, qui a servi de référence pour l'examen des prix appliqués à l'étranger en 2012. Lors du dernier examen de grande envergure, soit l'examen extraordinaire effectué en 2009, le taux de change était de 1,58 franc/euro.46 Pour les nouvelles admissions et les examens effectués depuis octobre 2009, des taux de change actualisés et donc plus bas ont été appliqués. En revanche, le prix des génériques a été calculé sur la base d'un taux de change de 1,23 franc/euro (sans marge de tolérance) lors du réexamen de 2012, ce qui accentue l'écart avec la préparation originale.

Le nouveau taux de change pour les préparations originales est inférieur d'environ 18 % au taux de change appliqué lors de l'examen extraordinaire de 2009, ce qui correspond approximativement à la baisse de prix moyenne ordonnée. Au final, le réexamen a eu pour effet une adaptation (atténuée) aux nouveaux taux de change.

46

Taux de change de 1,52 franc/euro plus une marge de tolérance de 4 %.

7577

Les quelque deux tiers de médicaments qui n'ont pas été réexaminés en 2012 conserveront leur prix calculé sur la base d'un taux de change de 1,58 franc/euro jusqu'à leur réexamen à l'automne 2013 ou 2014.

Recours pendants Quelques fabricants de médicaments ont recouru contre les baisses de prix ordonnées. Quatre d'entre eux ont déposé des recours parce qu'ils n'étaient pas d'accord sur le réexamen effectué uniquement en fonction de la CPE.47 Pour imposer malgré tout les baisses de prix, l'OFSP a tenté d'annuler l'effet suspensif des recours, ce que le Tribunal fédéral a cependant jugé illicite dans son arrêt du 20 décembre 2012.48 Sur la base de l'accord du 11 avril 2013 conclu entre le DFI et la branche pharmaceutique, les associations s'engagent à ce que leurs membres retirent les recours qu'ils ont déposés contre des baisses de prix parce que la CT n'avait pas été prise en compte et à ce qu'ils n'en déposent pas de nouveaux.

6.3

Adéquation de la procédure

Le réexamen garantit uniquement que l'écart de prix avec les pays de référence n'augmente pas. En revanche, il ne garantit pas que l'assurance-maladie ne rembourse que des médicaments efficaces et adéquats, qui présentent le plus grand bénéfice thérapeutique.

Etant donné que, en règle générale, seuls les prix pratiqués à l'étranger sont pris en compte pour le réexamen triennal des préparations originales, le bénéfice d'un médicament est ignoré. Lors de l'admission, l'évaluation du bénéfice est prévue au moins indirectement à travers la CT. Les prix diminuent lorsque le prix moyen pratiqué dans les pays de référence est plus bas. Or, conformément au critère de l'économicité, les prix devraient également diminuer lorsque le rapport coût/bénéfice diminue par rapport à des médicaments comparables. Par conséquent, le réexamen ne garantit pas le meilleur rapport coût/bénéfice.

Pour certains médicaments figurant dans la LS, des membres de la CFM et des collaborateurs de l'OFSP sont d'avis que les conditions d'admission ne sont plus remplies pour ce qui est de l'efficacité et de l'adéquation (par ex. additifs de bain, pommades, médicaments homéopathiques). Pourtant, au cours des dix à quinze dernières années, l'OFSP n'a radié aucun médicament de la LS, à l'exception des médicaments auxquels Swissmedic avait retiré l'autorisation de mise sur le marché du fait de nouvelles conclusions relatives à leur sécurité, lesquels ont également été retirés de la LS. Pour le reste, ce sont éventuellement les fabricants qui retirent euxmêmes leurs médicaments de la LS, en règle générale parce qu'ils arrêtent de les produire. Le fardeau de la preuve pour une radiation par l'OFSP revient à ce dernier, ce qui, dans les faits, empêche toute radiation de la LS.

47

48

En règle générale, la prise en compte du bénéfice thérapeutique dans le cadre de la CT donne lieu à une valeur de référence plus basse que dans la CPE (voir point 4.3), ce qui, en principe, ne devrait pas être dans l'intérêt des fabricants. Etant donné toutefois qu'actuellement deux tiers des prix de médicaments qui figurent dans la LS et sont pris en compte dans la CT reposent sur un taux de change de 1,58 franc/euro, il en résulte souvent un niveau de CT supérieur à celui de la CPE calculée sur la base des cours actuels.

ATF 9C 986/2012, 9C 987/2012, 9C 988/2012.

7578

Selon les déclarations de l'OFSP, si l'OAMal ne prévoit que des adaptations de prix dans le cadre du réexamen, cela tient au manque de ressources pour un contrôle plus approfondi.

Le réexamen de l'admission dans la liste des médicaments remboursés diffère d'un pays européen à l'autre, l'éventail allant de l'examen de certains produits seulement à l'examen systématique de tous les médicaments remboursés (en France, par ex.), en passant par l'examen de certains groupes de produits. En Allemagne, le prix de médicaments déjà remboursés est diminué à la suite de l'admission de nouveaux médicaments présentant un effet bénéfique supplémentaire important.

7

Effets sur la LS

Les chapitres précédents exposent, étape par étape, la procédure d'admission et de réexamen des médicaments dans l'assurance obligatoire des soins. Quelles en sont les répercussions sur la LS? La réponse à cette question peut se trouver dans l'étude des modifications de la LS. Ainsi, on constate que le nombre des médicaments remboursés a doublé au cours des quinze dernières années et que leur prix moyen a été multiplié par quatre. Telle qu'elle est conçue, la procédure n'a certainement pas freiné cette évolution, au contraire, elle l'a même favorisée. Les chapitres précédents livrent de nombreux indices en ce sens, mais d'autres facteurs devraient avoir joué un rôle dans cette évolution.

7.1

Nombre de médicaments remboursés

Le Graphique 2 montre l'évolution de la LS s'agissant du nombre de médicaments remboursés et de leur prix. Le volume de la LS a presque doublé depuis l'introduction de la LAMal en 1996. En 2012, la LS comptait environ 2800 médicaments, plus précisément 9281 prix, étant donné qu'un médicament est souvent admis dans différents dosages, sous différentes formes galéniques et dans différents emballages.

Par conséquent, la liste s'est considérablement développée depuis 1996.

7579

Graphique 2 Evolution de la liste des spécialités

Source: évaluation J. Hunkeler fondée sur la LS (état déc. 2012)

Chaque année, quelque 580 nouveaux emballages sont en moyenne admis dans la LS, ce qui correspond environ à 8 % du total des emballages remboursés. Dans le même temps, près de 5 % des emballages sont retirés de la liste, notamment parce que les fabricants arrêtent leur production. Par conséquent, la LS croît chaque année d'environ 3 % en moyenne.49

7.2

Evolution des prix

Le prix moyen d'un emballage de médicament admis dans la LS était en 2012 de quelque 130 francs. Cette moyenne non pondérée a été multipliée à peu près par quatre depuis 1996 (voir Graphique 3). Durant la même période, les prix moyens des génériques admis dans la LS ont doublé et coûtaient quelque 42 francs en 2012.

49

Voir évaluation de la mise en oeuvre, tableau 4.

7580

Graphique 3 Evolution des prix de la liste des spécialités

Légende: les prix correspondent au prix de fabrique moyen non pondéré (PF).

Source: évaluation J. Hunkeler fondée sur la LS (état déc. 2012)

Cette évolution des prix s'explique partiellement par le renchérissement dû au remplacement d'un médicament par un autre: les fabricants retirent d'anciennes préparations de la liste tout en demandant l'admission de nouveaux médicaments ayant le même but thérapeutique, mais un prix plus élevé. Ici et là, on doute que les nouveaux médicaments soient effectivement de meilleure qualité, une critique qui ne peut toutefois être confirmée, faute de CT suffisante.

La part des médicaments pris en charge par les caisses-maladie dans le chiffre d'affaires global du marché du médicament est passée de près de 70 % en 2000 à environ 78 % en 2011 (Tableau 2). Sur les quelque 25 milliards de francs versés en 2011 pour les prestations de l'assurance obligatoire des soins, la part des médicaments s'est élevée à environ 5,5 milliards de francs (22 % des coûts totaux). Cette part est restée plus ou moins constante ces dernières années. Par conséquent, la hausse des coûts des médicaments correspond à la hausse des coûts de l'ensemble de l'assurance obligatoire des soins.

7581

Tableau 2 Part des médicaments pris en charge par les caisses-maladie dans le marché du médicament Jahr

Prestations brutes AOS Coûts des médicaments en mio. CHF AOS en mio. CHF

Part des coûts des Médicaments LS en % médicaments AOS dans les coûts totaux dans le total AOS en % des médicaments

1998

14 024

2 721

19

2000

15 478

3 241

21

69,5

2005

20 348

4 597

23

77,9

2010

24 292

5 395

22

78,1

2011

24 932

5 459

22

77,7

Légende: les prix publics (PP) sont déterminants. Les coûts des médicaments comprennent les médicaments délivrés par les médecins, par les pharmaciens et également, depuis 2005, par les hôpitaux en consultations ambulatoires. Les médicaments délivrés dans le cadre d'un séjour hospitalier ne sont enregistrés ni par l'OFSP ni par l'Office fédéral de la statistique.50 Source: OFSP, statistique de l'assurance-maladie obligatoire; «Médicaments LS en % dans les coûts totaux des médicaments» est basée sur une évaluation de J. Hunkeler; voir évaluation de la mise en oeuvre.

Différentes raisons expliquent l'augmentation des coûts. Comme le montre la part constante des coûts des médicaments dans les coûts totaux couverts par la LAMal, la progression des coûts correspond plus à une tendance générale observée dans le secteur de la santé ­ due notamment au développement de la population, à la démographie, à l'augmentation de la durée de vie ­ qu'à une problématique spécifique du marché du médicament. La progression des coûts peut également s'expliquer en partie par l'évolution des causes de décès (cancer, par ex.) et par de nouvelles indications pour les médicaments.51 Le secteur de la santé est tellement réglementé, au moins dans le domaine des médicaments pris en charge par les caisses-maladie, que le marché est peu dynamique. Cela s'exprime par exemple à travers le fait que des prix plus élevés sont payés pour de nouveaux médicaments en vue de compenser les coûts d'innovation, alors que les prix des médicaments existants ayant la même utilisation et servant de référence pour la CT demeurent inchangés. Sur le marché de la libre concurrence, en revanche, le prix des produits classiques diminue généralement à l'apparition d'une innovation, afin que ces produits disposent d'un avantage par rapport à l'innovation au moins en termes de prix.

De plus, on explique souvent les prix élevés pratiqués en Suisse par l'interdiction des importations parallèles de médicaments protégés par un brevet, qui ont tendance à être moins chers à l'étranger.52 Dans les pays membres de l'UE comme l'Allemagne et l'Autriche, les assureurs, les pharmacies et les hôpitaux peuvent en outre recourir aux offres de gros détaillants, qui sont plus avantageuses en termes de 50

51 52

Un calcul concernant les médicaments délivrés dans le cadre d'un séjour hospitalier se trouve en annexe, dans l'évaluation de la mise en oeuvre. D'après une estimation, les coûts de ces médicaments se sont élevés en 2011, avec ceux des médicaments délivrés en consultations ambulatoires, à près de 900 millions de francs.

En 2005, il y avait par ex. trois indications avec statut de médicament orphelin (maladies rares); en 2011, elles étaient au nombre de 144 (Interpharma 2012, p. 29).

Exception du principe du Cassis de Dijon en vertu de l'art. 16a, al. 2, de la loi fédérale sur les entraves techniques au commerce (LETC), RS 946.51.

7582

prix, tandis que seuls des médicaments dans leur emballage d'origine sont autorisés en Suisse, et souvent dans de petits emballages.

8

Conclusions

Les médias ont rapporté à maintes reprises des critiques relatives au prix élevé des médicaments en Suisse. Ces derniers représentent environ un quart des coûts totaux de l'assurance-maladie obligatoire. Les médicaments remboursés sont ceux que l'OFSP admet dans la Liste des spécialités (LS). La présente évaluation porte de façon détaillée sur la procédure d'admission des médicaments dans la LS et sur le réexamen de la LS à travers l'analyse des bases légales et de la mise en oeuvre, ces deux éléments étant placés dans une perspective internationale.

Le présent chapitre formule quatre conclusions principales tirées des nombreux résultats de l'évaluation. Par ailleurs, l'évaluation a relevé, lors de chaque étape de la procédure, d'autres problèmes tels que, par exemple, la définition lacunaire du critère de l'efficacité pour les médicaments de la médecine complémentaire ou encore la pondération non spécifiée des deux comparaisons de prix (CPE et CT) lors de la prise de décision.

8.1

Critères d'évaluation imprécis et appréciation du bénéfice non systématique

Pour être remboursés par l'assurance-maladie obligatoire, les médicaments doivent, conformément à l'art. 32 LAMal, remplir les trois critères de l'efficacité, de l'adéquation et de l'économicité (EAE). Or, les autorités n'ont pas suffisamment précisé ces critères. Actuellement, le bénéfice des médicaments n'est pas pris systématiquement en compte dans l'évaluation. C'est la raison pour laquelle le système ne garantit pas qu'un prix plus élevé sera accompagné d'une efficacité et d'une adéquation des médicaments elles aussi plus élevées.

Evaluation imprécise du bénéfice Les normes édictées pour l'évaluation des critères EAE par les autorités sous formes d'ordonnances et de directives (instructions concernant la LS) sont imprécises. Cela a pour conséquence, d'une part, que leur application uniforme n'est pas garantie et, d'autre part, que les fabricants de médicaments remettent fréquemment en question les évaluations. Pour l'OFSP, en qualité d'autorité responsable de l'admission, il est difficile de rejeter des demandes sur la base de critères manquant de clarté, raison pour laquelle l'office est plutôt réservé en la matière.

Une analyse systématique du bénéfice, qui s'appuie soit sur des indicateurs clairement définis (par ex. amélioration de la qualité de vie), soit sur une comparaison de l'effet d'un médicament avec celui d'un médicament déjà commercialisé, n'est pas exigée. C'est pourquoi les études en la matière ne sont souvent pas déposées. Certes, l'OFSP effectue parfois des comparaisons indirectes avec des études existantes, mais celles-ci, entachées d'incertitudes, ne sont pas fiables. Enfin, des synergies entre l'OFSP et Swissmedic, l'autorité chargée de l'autorisation de mise sur le marché, ne peuvent être exploitées de manière optimale du fait de restrictions légales (art. 63 LPTh): le rapport d'évaluation de Swissmedic, notamment, n'est pas accessible.

7583

En raison de données souvent encore indisponibles, les fabricants de médicaments exigent que l'admission des médicaments se fasse de plus en plus pour une durée limitée (et que, par conséquent, la procédure soit plus rapide). Cela leur permet de collecter, dans le délai imparti, des données de meilleure qualité. Or, le problème des admissions limitées dans le temps est que, souvent, des preuves claires de l'efficacité manquent même après expiration du délai imparti, alors que, dans le même temps, certains patients se sont déjà habitués au médicament, dont l'arrêt pourrait être pénible pour eux. Il n'est dès lors pas aisé pour l'OFSP de retirer un médicament de la LS dans le cadre donné.

Evaluation imprécise de l'économicité Les lacunes de l'évaluation de l'efficacité ont un impact sur l'évaluation de l'économicité. Un médicament est réputé économique lorsque son prix est avantageux par rapport au bénéfice thérapeutique attendu. Actuellement, ce dernier est évalué par le biais de la CT, dans le cadre de laquelle les coûts du médicament sont comparés avec ceux d'autres médicaments ayant le même but. Contrairement à d'autres pays, dans lesquels des groupes de produits sont clairement définis, la Suisse ne définit pas précisément les médicaments avec lesquels un médicament donné doit être comparé.

Or, la CPE est encore moins appropriée pour une évaluation du rapport coût/ bénéfice. Elle est fondée uniquement sur des prix courants étrangers, dont certains sont supérieurs aux prix effectivement payés. La CPE reposant toutefois sur des exigences claires, elle joue un rôle beaucoup plus important que la CT pour ce qui est d'aider l'OFSP à imposer ses prix.

On constate, à l'étranger, une tendance à réaliser des études sur l'approvisionnement ainsi que des évaluations complètes des technologies de santé (Health Technology Assessments), lesquelles incluent systématiquement des aspects de la santé publique, du droit et de l'éthique ainsi que des aspects sociaux. Elles comparent également le bénéfice de médicaments avec celui d'autres prestations médicales (opérations, moyens auxiliaires, etc.). De tels examens supposeraient des ressources humaines beaucoup plus importantes, ainsi qu'un savoir qui fait actuellement défaut.

8.2

Structure imprécise de la procédure et compétences nébuleuses

En Suisse, la procédure d'admission des médicaments pris en charge par les caissesmaladie ne suit pas des étapes clairement définies. Sur le plan institutionnel, les différentes tâches ne sont pas réparties entre les deux acteurs concernés, l'OFSP et la CFM. De plus, ceux-ci ne disposent que de ressources très modestes pour accomplir leur mission dans le domaine des médicaments remboursés. Par ailleurs, les résultats de la procédure ne sont communiqués en toute transparence ni aux requérants ni au public.

A l'étranger, la procédure de l'admission comprend trois étapes: l'assessment (évaluation thérapeutique), l'appraisal (évaluation en termes de santé publique) et la decision. Un acteur différent est responsable de chaque étape. En Suisse, la procédure n'est pas clairement structurée et les étapes ne sont pas réparties entre différents acteurs.

7584

Des chevauchements entre l'OFSP et la CFM lors de l'évaluation L'OFSP et la CFM sont responsables de l'évaluation, aucune distinction claire n'étant faite entre assessment et appraisal. L'OFSP se considère comme compétent pour l'une et pour l'autre, tandis que les membres de la CFM ne sont pas unanimes quant à savoir sous quel angle ils doivent évaluer les demandes. Visiblement, l'absence de clarté concernant la répartition des compétences entraîne des chevauchements et accroît le risque de voir certains aspects ne pas être évalués systématiquement.

Conformément aux textes légaux, la CFM devrait évaluer les médicaments sous la forme d'une recommandation relative à leur bénéfice attendu. Or, elle ne le fait pas.

C'est l'OFSP qui s'en charge, en s'appuyant sur les débats menés au sein de la CFM. Comme c'est lui aussi qui prend la décision d'admettre ou non un médicament dans la LS, l'instance d'évaluation et l'instance décisionnelle ne font qu'une, contrairement à l'usage consacré sur le plan international. Par conséquent, l'OFSP fonde partiellement sa décision sur l'évaluation qu'il a lui-même effectuée.

Manque de transparence Tandis que dans d'autres pays, tels que l'Allemagne, les rapports sont publiés à l'issue de chaque étape de la procédure, sous réserve du secret commercial, la transparence doit être qualifiée d'insuffisante dans le système suisse. Ni l'évaluation de l'OFSP ni les considérations de la CFM ne font l'objet d'une documentation systématique et compréhensible. De plus, étant donné que la CFM ne classe pas les médicaments par catégorie, sa recommandation à l'intention de l'OFSP est peu explicite.

L'admission est communiquée aux requérants par voie de décision; si les critères ne sont pas respectés, les requérants reçoivent une notification contenant les motifs.

Cette notification n'indique pas s'il s'agit d'évaluations de l'OFSP ou de la CFM.

Quant au public, il est uniquement informé du prix auquel un nouveau médicament est admis dans la LS. De même, nul ne sait quelle instance a évalué une demande et de quelle manière.

Manque de ressources Il ressort de la comparaison avec l'étranger que le système suisse d'admission des médicaments est doté de ressources très modestes. Tandis que d'autres pays disposent de plusieurs instances d'évaluation dotées chacune de moyens considérables,
la section compétente au sein de l'OFSP est relativement petite et la CFM est une commission de milice, dont seules les séances sont rétribuées. La CFM, en particulier, atteint la limite de ses possibilités pour ce qui est de remplir sa tâche.

8.3

Réexamen restreint et peu efficace

Tous les trois ans, un réexamen approfondi des médicaments remboursés est effectué afin de vérifier s'ils respectent toujours les critères exigés pour leur remboursement. Un premier réexamen de ce type a eu lieu en 2012. Il révèle que seul le prix est passé au crible, en général uniquement au moyen d'une CPE, ce qui entraîne des diminutions de prix limitées. La procédure de réexamen ne permet pas aux prix des

7585

médicaments admis dans la LS de refléter avec justesse le rapport coût/bénéfice, aspect auquel on attache plus d'importance à l'étranger.

Limitation à la CPE Lors du réexamen effectué en 2012, il a été tenu compte exclusivement du prix, plus précisément de la CPE, bien que, comme exposé plus haut, cet instrument s'appuie sur des taux excessifs. Il y a tentative de CT uniquement si la CPE n'est pas réalisable. En d'autres termes, l'économicité n'est vérifiée que de manière très limitée.

Quant à l'efficacité et à l'adéquation des médicaments, elles ne font pas l'objet d'une réévaluation, alors que de nouvelles conclusions en la matière pourraient être disponibles. Notons toutefois qu'un réexamen plus complet requiert des ressources nettement plus importantes.

Se basant sur le réexamen, l'OFSP a ordonné des baisses de prix de quelque 20 %, ce qui correspond approximativement à l'adaptation du taux de change appliqué à la CPE. Par conséquent, la procédure de réexamen au moyen de la CPE garantit uniquement que, par rapport à l'étranger, le prix des médicaments en Suisse ne sera pas encore plus élevé qu'il ne l'est déjà et que, partant, l'écart des prix ne se creusera pas davantage.

Impossibilité de stopper la spirale ascendante des prix Considérés exclusivement sous l'angle de la CPE, les prix des médicaments remboursés par les caisses-maladie ne sont pas évalués dans le contexte global de la LS.

Lors de l'apparition d'innovations, les prix des médicaments déjà disponibles ne diminuent pas. Ce déficit ne peut être comblé par la procédure de réexamen, étant donné que celle-ci ne repose que sur la CPE. La spirale ascendante des prix ne peut donc être stoppée.

La procédure de réexamen en comparaison internationale Dans d'autres pays (par ex. en France), les prix des médicaments remboursés sont examinés périodiquement. Cela peut se produire lorsque des alternatives de traitement meilleur marché (éventuellement sous une forme autre que médicamenteuse) ou de nouveaux médicaments présentant un effet bénéfique supplémentaire sont autorisés sur le marché. D'autres pays vont donc au-delà de la simple question des prix, puisqu'ils prennent également en considération la question du bénéfice sous les angles de l'efficacité et de l'adéquation. Par rapport à l'étranger, il s'avère par conséquent que le réexamen
du prix des médicaments tel qu'il est effectué en Suisse, soit tous les trois ans et au moyen d'une CPE, représente un instrument trop restreint pour garantir un approvisionnement efficace, adéquat et économique de la population en médicaments.

8.4

La réglementation du prix des génériques en contradiction avec l'objectif d'économicité

L'objectif de l'économicité n'est pas atteint pour les médicaments remboursés du fait de l'actuelle réglementation du prix des génériques, cette dernière n'empêchant que partiellement que les préparations originales soient moins chères une fois le brevet expiré.

7586

L'art. 65c OAMal dispose que le prix d'un générique correspond au prix de la préparation originale moins une marge fixe. A cause de cette règle, deux produits interchangeables ayant la même valeur thérapeutique - préparation originale et générique ­ sont remboursés par l'assurance-maladie à des tarifs différents. Celle-ci ne paie donc pas uniquement la préparation la moins chère, mais également la plus chère, ce qui est en contradiction avec l'objectif d'économicité.

La règle de l'écart de prix fixe empêche en outre le prix de la préparation originale de se rapprocher de celui du générique, meilleur marché. Tandis que le prix de l'original est baissé dans d'autres pays lors de l'introduction d'un générique, il demeure au même niveau élevé en Suisse, sauf si le fabricant décide de le baisser.

Alors que les autorités ont augmenté la quote-part pour les préparations originales pour lesquelles il existe un générique, les prix de celles-ci sont partiellement diminués afin de contourner la quote-part plus élevée. L'effet de cette quote-part différenciée ne pouvant encore être clairement identifié, la contradiction fondamentale constatée avec l'objectif légal d'économicité subsiste.

7587

Index des abréviations AOS CdC CdG CFM CPA CPE CT DFI EAE HTA IQWIG LAMal LETC LPTh LS OAMal OFSP OPAS PF PP RS

7588

Assurance obligatoire des soins Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé Commissions de gestion des Chambres fédérales Commission fédérale des médicaments Contrôle parlementaire de l'administration Comparaison avec le prix pratiqué à l'étranger Comparaison thérapeutique Département fédéral de l'intérieur Efficacité, adéquation et économicité Health Technology Assessment (évaluation des technologies de santé) Institut für Qualität und Wirtschaftlichkeit im Gesundheitswesen (institut allemand chargé d'évaluer la qualité et l'efficacité du système de santé) Loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal; RS 832.10) Loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les entraves techniques au commerce (LETC; RS 946.51) Loi fédérale du 15 décembre 2000 sur les médicaments et les dispositifs médicaux (loi sur les produits thérapeutiques, LPTh; RS 812.21) Liste des spécialités Ordonnance du 27 juin 1995 sur l'assurance-maladie (OAMal; RS 832.102) Office fédéral de la santé publique Ordonnance du DFI sur les prestations dans l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie (ordonnance sur les prestations de l'assurance des soins, OPAS; RS 832.112.31) Prix de fabrique Prix public Recueil systématique du droit fédéral

Bibliographie Ouvrages cités CPA, 2008, Détermination et contrôle des prestations médicales dans l'assurance obligatoire des soins, 21 août 2008.

European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations, 2010, Patients W.A.I.T. Indicator. En ligne www.efpia.eu/patients-wait-indicator-report-2010.

Interpharma, 2012, Le marché du médicament en Suisse, Bâle.

Interpharma 2013, Internationale Auswirkungen der schweizerischen Arzneimittelregulierung, Bâle (disponible uniquement en allemand).

OFSP, 2012, Instructions concernant la liste des spécialités (LS), 1er janvier 2012.

www.sl.bag.admin.ch.

Autres ouvrages Les autres ouvrages ainsi que les documents utilisés et les sources de données en ligne figurent dans les documents annexés au présent rapport. Evaluation der Zulassung und Überprüfung von Medikamenten in der obligatorischen Krankenpflegeversicherung, Materialien zum Bericht der Parlamentarischen Verwaltungskontrolle zuhanden der Geschäftsprüfungskommission des Ständerates vom 13. Juni 2013.

7589

Correspondances entre le rapport et les documents annexés Comme le montre le tableau ci-dessous, un chapitre du rapport récapitule les conclusions des trois parties de l'évaluation.

Chapitre dans le rapport

Chapitre dans les annexes (AD=avis de droit, EE=évaluation de la mise en oeuvre, CI=comparaison internationale)

1 1.1 1.2

Introduction Raison de l'évaluation Procédure et méthodologie

­ ­ AD EE CI

­ ­ 1.III 1.3 1.3

2

Admission et réexamen des médicaments

AD EE

2.III 1.1

3

­

­

3.1 3.2

Structure de la procédure, répartition des compétences et ressources Structure de la procédure Répartition des compétences

3.3

Ressources

3.4

Durée des procédures

CI AD EE EE CI EE

1.4; 4 6.I 2.2.1; 2.3.1.3; 2.3.2 2.1.3; 2.3.1.

4 2.3.3

4

Critères EAE

4.1

Efficacité

4.2

Adéquation

4.3

Economicité

4.4

Critères EAE pour les génériques

4.5

Critères EAE pour les médicaments de la médecine complémentaire

AD CI AD EE CI AV EE AD EE CI AD EE CI AD EE CI

3.II; 4II; 5.II 4 4.II.1 2.1 3.1 4.II.2 2.1 4.II.3 2.1 2.2 4.II.1; 4.II.3 2.1.3.2 4 4.II.1 2.1.3.2 4

5 5.1

Décision Bases légales

5.2 5.3 5.4

Pratique en matière de décision Conséquences du non-respect des conditions Transparence

­ EE CI EE EE AD EE CI

­ 2.3.2.1 4 2.3.2.2; 2.3.2.3 2.3.2.4 5.II.B 2.3.2.5 4

7590

Chapitre dans le rapport

Chapitre dans les annexes (AD=avis de droit, EE=évaluation de la mise en oeuvre, CI=comparaison internationale)

6 6.1 6.2

Procédure de réexamen Bases légales Premier réexamen en 2012

6.3

Adéquation de la procédure

7 7.1 7.2

Effets sur la LS Volume de la LS Evolution des prix

­ AD EE CI EE

­ 2.II.E.

2.1.2.3; 2.4.3 3.5 2.1.3.3

­ EE EE CI

­ 2.4.1 2.4.2 3.6

7591

Liste des interlocuteurs Ayoubi, Semya

Conseillère spécialisée Santé, Département fédéral de l'intérieur (DFI) Binder, Thomas Secrétaire général, Association des entreprises pharmaceutiques en Suisse (VIPS) Brun, Anita Pharmacienne, section Médicaments, Office fédéral de la santé publique (OFSP) Christen, Thomas Collaborateur personnel du chef du département, Département fédéral de l'intérieur (DFI) Cueni, Thomas B.

Secrétaire général, Interpharma Dörr, Petra Membre de la direction, Swissmedic Eggenberger, Marianne Responsable de projet Médicaments, Santésuisse Frey, Andrea Responsable suppléante section Médicaments, Office fédéral de la santé publique (OFSP); responsable de la section depuis octobre 2012 Gasche, Urs P.

Représentant des assurés, Commission fédérale des médicaments (CFM) Giger, Max Président de la Commission fédérale des médicaments (CFM) et représentant des médecins Gnädinger, Cornelia Juriste section Médicaments, Office fédéral de la santé publique (OFSP) Hölzle, Walter Président, Association des entreprises pharmaceutiques en Suisse (VIPS) Huber, Peter Directeur, Intergenerika Meier, Christoph Q.

Directeur, Santésuisse Mennet-von Eiff, Mónica Représentante Médecine complémentaire, Commission fédérale des médicaments (CFM) Montandon, Jean-Blaise Membre de la CFM, Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) Kessler, Margrit Présidente, Organisation suisse des patients Klaus, Guido Représentant des assurances, Commission fédérale des médicaments (CFM) Krayenbühl, Jean Christian Responsable section Médicaments, Office fédéral de la santé publique (OFSP); jusqu'en octobre 2012 Martinelli, Enea Représentant des hôpitaux, Commission fédérale des médicaments (CFM) Ruggli, Martine Représentante des pharmaciens, Commission fédérale des médicaments (CFM) Sandmeier, Heiner Secrétaire général adjoint, Interpharma Schneider, Sandra Responsable division Prestations, Office fédéral de la santé publique (OFSP) Zwahlen, Roland Responsable Autorisation, Swissmedic

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Impressum

Réalisation de l'étude Dr. Felix Strebel, CPA (direction de projet) Dr. Simone Ledermann, CPA (collaboration scientifique) Christoph Bättig, CPA (collaboration scientifique) Quentin Schärer, CPA (collaboration scientifique) Dr. Josef Hunkeler (conseil externe) Rapport d'experts externes «Avis de droit» Professeur Thomas Gächter, chaire de droit public, de droit administratif et de droit en matière d'assurances sociales, Université de Zurich (direction de projet) Arlette Meienberger (collaboration scientifique) Rapport d'experts externes «Comparaison internationale» Professeur Tilman Slembeck, School of Economics & Political Science, Université de Saint-Gall (direction de projet) Remerciements Le CPA remercie toutes les personnes qui ont accepté de prendre part aux entretiens. Ses remerciements s'adressent également aux collaborateurs de l'OFSP pour la collaboration fructueuse et pour leur disposition à lui fournir toutes les informations souhaitées. Enfin, le CPA remercie les experts externes de leur précieux soutien.

Contact Contrôle parlementaire de l'administration Services du Parlement CH-3003 Berne Tél. +41 58 322 97 99 fax +41 58 322 96 63 Courriel: pvk.cpa@parl.admin.ch www.parlement.ch > Organes et députés > Commissions > Contrôle parlementaire de l'administration Langue originale du rapport: allemand

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