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Message du

conseil fédéral à l'assemblée fédérale au sujet

de la question de la création d'un musée national suisse» (Du 3l mai 1889.)

Monsieur le président et messieurs, Le 9 juillet 1883, Salomon Vögelin, qui a été enlevé malheureusement trop tôt de votre sein, attirait l'attention du conseil sur l'énorme dommage, au point de vue idéal et matériel, résultant pour la Suisse du fait qu'elle n'avait pas pris suffisamment soin de ses antiquités nationales et de ses monuments artistiques. Il dépeignait la puissante influence que la représentation plastique de l'histoired'un peuple exerce sur la direction tout entière de ses idées et de volontés; il rappelait que partout autour de nous, en Allemagne, en Autriche, en France, aux Pays-Bas, en Angleterre, en Danemark, en Scandinavie, en Italie, en Espagne, en Grèce, en Russie et même en Egypte, on a créé, en l'honneur du passé et pour agir continuellement et d'une manière efficace sur l'époque présente, des nausées nationaux destinés à recueillir et à conserver les monuments les plus importants des époques antérieures de l'histoire et de la civilisation de ces peuples, tandis que la Suisse, manque de prévoyance et de respect, a laissé enlever, brocanter et détruire en masse les trésors de son passé, si grandiose au point de vue historique et artistique. C'est avec une douleur croissante qu'on apprend, dans tout le pays, la vente toujours renouvelée de ces trésors a l'étranger, et l'on ressent de plus en plus le pénible sentiment que

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ces éternels gaspillages ont pour effet non seulement de nous faire perdre une partie extrêmement précieuse de notre richesse nationale, mais encore de léser notre honneur national. Le fait de ces ventes, généralement regrettées, fréquemment stigmatisées et qui cependant ne cessent pas, d'antiquités suisses fournit aussi la preuve que ni nos nombreuses sociétés archéologiques ni les autorités cantonales et locales ne sont, par elles-mêmes, en état de remédier au mal.

Quel que soit le mérite qui revient à la louable émulation développée, dans ce domaine, depuis plusieurs dizaines d'années déjà, pour rassembler les monuments locaux de l'histoire et de l'art, on ne peut toutefois se dissimuler que tous ces efforts et sacrifices isolés n'ont pas pu, dans le moment critique, détourner de notre pays la perte de grandes collections et d'objets particulièrement importants.

Si l'on veut apporter un remède efficace à cet état de choses, il est nécessaire qu'une personnalité pourvue de ressources tout autres intervienne, et ce ne peut être que la Confédération.

Basé sur ces considérations, M. le- conseiller national Vögelin a proposé que l'assemblée fédérale décrétât la fondation d'un musée national suisse, créant ainsi une oeuvre qui, honorant le passé et servant de stimulant fructueux au présent, constituerait en môme temps un monument durable de l'esprit suisse.

Le conseil national a provisoirement donné suite à cette motion en adoptant le postulat suivant.

« Le conseil fédéral est invité à présenter prochainement à l'assemblée fédérale un rapport et des propositions sur la question de savoir s'il y a lieu de créer un musée national suisse et quelles seraient, pour la Confédération, les conséquences financières de cette mesure. » Pour étudier cette question, notre département de l'intérieur a, en janvier 1884, institué une commission d'experts dans le domaine de l'archéologie, choisis dans les diverses contrées de notre pays. Après des débats circonstanciés sur les conditions existantes, cette commission a donné son préavis dans le sens suivant. La conservation des monuments de l'histoire et de l'art suisses est, en tout cas, d'un intérêt sérieux pour le pays, et une coopération de la Confédération dans ce but est justifiée au plus haut point. Ce qui est nécessaire avant tout, ce sont des mesures de
la Confédération pour mettre un terme au gaspillage et à la vente, à l'étranger, de nos antiquités et objets d'art nationaux. En conséquence, il y a lieu de demander à l'assemblée fédérale 'd'ouvrir au conseil fédéral un crédit annuel de 50,000 francs, pour conserver à la Suisse des antiquités et des objets d'art d'une importance nationale, qui, sans cela, risqueraient de prendre le chemin de l'étranger. Vis-à-vis de

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cette mesure, la création d'un musée national, c'est-à-dire la réunion, dans une collection centralisée, des objets précieux ainsi sauvés pour le pays, est une question secondaire, dont on peut laisser la solution à l'avenir.

L'assemblée fédérale n'avait pas encore été mise en demeure de s'occuper de la question au point de vue du principe, lorsqu'il se présenta au conseil fédéra'! un cas de nature concrète, ainsi que l'avait prévu la commission, ce qui a engagé cette autorité à agir directement et pratiquement dans le sens du voeu émis.

Le musée d'antiquités lacustres de M. le Dr Gross, à Neuveville, collection qui, grâce à la richesse de ses types, présente, plus que toute autre de ce genre, une image claire et complète de la civilisation de la Suisse occidentale à, l'époque des palaffites, menaçait d'être perdue pour la Suisse, attendu qu'un riche institut scientifique d'Amérique demandait à en faire l'acquisition. Le propriétaire, qui était disposé à remettre' sa collection complète à un musée public, mais qui désirait la conserver à son pays, nous en.

ayant donné communication, nous jugeâmes convenable de nous occuper de l'acquisition de cette collection, bien connue dans le monde scientifique et fort précieuse; en 1884, nous présentâmes à l'assemblée fédérale, sur la base d'un préavis favorable d'experts, une proposition dans ce sens.. La proposition fut adoptée, et la collection est maintenant exposée, bien classée, dans une des salles du palais fédéral. Dans notre message du 25 novembre 1884, nous déclarions, en nous référant à la motion Vögelin, que nous pensions, jusqu'à nouvel ordre, continuer à procéder de cette manière, c'est-à-dire en intervenant dans chaque cas spécial.

Une nouvelle motion, prise en considération par le conseil des états le 25 mai 1885, nous engagea toutefois à régler, par voie législative et en principe, le mode de procéder. Cette motion, présentée par MM. Muheim et Rusch, était ainsi conçue.

« Le conseil fédéral est invité à présenter, avec son rapport sur le musée national, un ranport et des propositions sur la question de savoir si et de^quelle manière la Confédération pourrait s'intéresser par des subsides aux collections d'antiquités qui servent à l'étude de l'histoire nationale, ainsi qu'à ta conservation des monuments historiques.» Les deux motions
poursuivaient évidemment un but analogue : la conservation et l'acquisition d'antiquités nationales importantes au point de vue historique ou artistique; seulement, elles concevaient ce but l'une dans un sens étroit, l'autre dans un sens plus large, et elles différaient quant aux moyens de résoudre le problème. Cela conduisit à un examen simultané des deux postulats et

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au projet d'arrêté du 14 juin J886 concernant la participation de la Confédération à la conservation et à l'acquisition d'antiquités nationales.

Dans notre message, nous approuvions en plein la motion Muheim-Rusch, et nous proposions, en conséquence, des crédits réguliers pour la participation aux fouilles et à la conservation de monuments d'importance historique ou artistique et pour des subventions aux collections archéologiques cantonales, dans les cas où elles désirent faire l'acquisition d'objets intéressants sous le rapport historique et dont le prix dépasse leurs ressources.

Nous nous placions, en même temps, an point de vue de la première motion, en donnant à la Confédération la possibilité d'acquérir directement pour elle des antiquités d'un intérêt national commun. Nous n'avons pas cru, à ce moment-là, pouvoir recommander la création d'un musée national suisse. Quelque sympathique que puisse être l'idée de créer un centre commun pour les antiquités nationales, et quelque évident qu'il soit qu'une pareille représentation, incarnée pour ainsi dire dans des traits parlants, de l'activité industrielle, du grand passé historique, de l'honneur et de la gloire de notre peuple, exercerait une influence patriotique et artistique bien plus puissante et trouverait dans le pays tout entier un tout autre appui que ne peuvent le faire les collections purement cantonales dans leur isolement et dans leurs étroites limites, on ne peut cependant se dissimuler que le projet, tel qu'il était présenté, manque d'une base tangible et pratique. Les objets nécessaires pour un vrai musée réunissant les monuments de l'histoire ne peuvent guère s'acquérir tant que la Confédération, isolée, en était réduite à acheter des antiquités une à une. Toutefois, le conseil fédéral et l'assemblée fédérale n'ont pas voulu se lier les mains pour l'avenir. Si la position venait à changer et qu'une importante collection historique fût mise à la disposition de la Confédération, de sorte qu'on ait une base solide pour le projet, nous nous réserverions de revenir sur l'affaire.

L'assemblée fédérale, approuvant nos propositions sur les points essentiels, adopta l'arrêté du 30 juin 1886, qui alloue un crédit annuel de 50,000 francs pour la conservation et l'acquisition d'antiquités nationales; quant à l'emploi, on eut en vue aussi
bien les subventions aux collections archéologiques cantonales que les acquisitions pour le compte de la Confédération. Cet arrêté trouva son exécution dans le règlement du 25 février 1887, qui adjoint au département de l'intérieur une « commission fédérale pour la conservation d'antiquités nationales», chargée d'examiner et de préaviser toutes les questions relatives à l'emploi des crédits ; en même temps, on a réglé ce qui concerne le mode de subvention.

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A l'époque de cet arrêté, la société suisse pour la conservation de monuments historiques de l'art fonctionnait déjà depuis 6 ans. Elle s'était donné pour tâche de provoquer, au moyen de dessins et de descriptions des oeuvres de l'art national des anciens temps, l'intérêt à ces oeuvres, d'en permettre la conservation au moyen de restaurations consciencieuses et de garder pour le pays, au moyen d'acquisitions en faveur des musées suisses, l'effectif, déjà bien éclairci, des oeuvres d'art. Cette société a travaillé pendant plusieurs années, par ses propres ressources, de la manière la plus louable et la plus efficace. Elle avait de nombreux membres dans toutes les parties de la Suisse et, comme comité, des personnes très-actives et de capacités reconnues. Au lieu d'adjoindre ou d'opposer à ce comité, qui travaillait déjà essentiellement clans la direction de l'arrêté fédéral, une commission fédérale spéciale, nous avons jugé plus utile, sous tous les rapports, de faire participer la société à l'exécution de l'arrêté fédéral, et nous avons directement institué son comité en qualité de commission fédérale.

Avec l'aide de cette commission, on s'est mis à travailler dans le sens de l'arrêté fédéral. La participation de la Confédération a mis, dans un assez grand nombre de cas, des musées cantonaux en état de faire des acquisitions pour lesquelles leurs ressources n'auraient pas suffi à elles seules; des monuments importants au point de vue historique ont été préservés de la ruine et de la destruction au moyen de restaurations, et l'on a acquis, pour la Confédération elle-même, un nombre choisi d'antiquités importantes et intéressantes au point de vue de l'histoire et de l'art historique ; les rapports de gestion des deux dernières années donnent des renseignements à ce sujet. Des objets d'une dimension plus considérable, par exemple la chambre-renaissance complète de Roseuburg, à Stans, ont été provisoirement laissés en place ; d'autres, tels que le balcon sculpté, la porte et une partie des lambris de la salle du conseil de Mellingen, les 35 médaillons sculptés du plafond de l'ancien palais épiscopal de Landenberg, à Arbon, ont été enlevés et remisés en vue d'une exposition future; de petites acquisitions, telles que vitraux, meubles gothiques, armes, coupes, etc., ont été logées dans le palais fédéral
ou, contre récépissé, dans un certain nombre de musées cantonaux.

Nous pensions continuer ainsi, pendant quelques années encore, à augmenter peu à peu l'effectif des antiquités nationales, pour aborder ensuite la question de la création d'un musée national pour recevoir et exposer convenablement ces objets. Or, ou a pu s'apercevoir que, dans l'intervalle, cette question avait fait bien du chemin en dehors des autorités fédérales qui s'en occupaient.

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Par lettre du 7 mars 1888, le gouvernement de Sale-ville nous fit savoir que Baie demandait à devenir le siège du musée national suisse à créer; que le gouvernement, sous réserve'de l'approbation du grand conseil et du peuple, se déclarait prêt à mettre à la disposition de la Confédération, pour y loger le musée national, l'église des carmes déchaussés avec les installations nécessaires, sous garantie et réserve du droit de propriété de la commune municipale de Baie, et de réunir dans les locaux de cette église les collections déjà existantes d'objets du moyen âge. Cette lettre fut complétée par une autre, datée du 2 juin 1888 et dans laquelle le gouvernement, pour le cas où, contre toute attente, l'église en question, avec sa cour, serait reconnue insuffisante, et où la nécessité d'un agrandissement serait constatée, s'offrait à prévoir la cession d'un terrain renfermant environ 1700 mètres carrés et contigu à l'église, ainsi que la construction, sur ce terrain, des bâtiments qui seraient jugés nécessaires.

Les propositions de Bàie furent, peu après, suivies de celles de Berne. Dans leur lettre du 31 mai 1888, le conseil exécutif du canton, le conseil de bourgeoisie et le conseil municipal de la ville de Berne offrent à la Confédération de mettre à sa disposition, pour le musée national suisse, un terrain de 10,000 m2, de surface dans une situation choisie, et un édifice monumental à construire sur ce terrain, et d'incorporer au musée national les collections historiques et d'art historique de Berne.

Vint le tour de Zurich. Par lettre du 12 juin, le conseil de ville de Zurich annonça préalablement cette ville comme demandant à être le siège du futur musée national suisse et nous demanda de lui communiquer le programme de construction et les conditions que nous pensions poser aux cantons ou aux villes qui se présentent pour concourir. r, Enfin, par lettre du 14 juin, le conseil de ville de Lucerne s'inscrivit officiellement pour que le musée national suisse fût installé dans la ville de Lucerne, en ajoutant qu'il n'était pas encore, pour le momtot, en mesure d'accompagner cette annonce préalable d'une offre précise au sujet des locaux et de la subvention, mais qu'il la compléterait, aussitôt que possible, dans la direction indiquée.

A ces actes méritoires de communautés suisses, qui, par leurs
offres impliquant des sacrifices généreux et considérables, provenaient les désirs encore secrets de la Confédération et assuraient d'avance au musée national suisse un local digne de lui, vinrent s'ajouter des actes non moins réjouissants de patriotes suisses, savoir des dotations, d'une importance plus ou moins grande, en argent et en -objets destinés au musée. La première et la plus considérable de

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ces dotations est celle de feu Louis Merian, de Baie, architecte, dont le testament institue la Confédération comme héritière principale de sa succession, « dans le but déterminé de construire ou d'augmenter un musée national suisse pour les objets d'art et d'industrie artistique des temps passés. » Comme ce testament, par lequel la Confédération entre en possession non seulement d'une somme importante, mais encore d'une belle collection d'antiquités suisses précieuses, laisse tonte latitude pour l'emploi et ne préjuge rien en ce qui concerne le siège du musée national suisse, nous avons cru devoir, au nom de la Confédération, accepter ce legs. -- Un second legs est celui de feu le professeur Salomon Vögelin, qui, par testament, fait don au musée national suisse d'objets d'industrie artistique d'une assez grande importance et d'une valeur notable. -- Au commencement de cette année, un troisième legs a été assuré par testament au musée à fonder; il consiste en une petite collection d'antiquités, pour la plupart des souvenirs de famille intéressants, et en une somme de 500 francs provenant d'une personne encore vivante et qui ne veut pas être nommée pour le moment.

Toutes ces manifestations spontanées, dans lesquelles s'incorpore clairement le vif intérêt qu'inspiré le projet d'un musée national suisse, nous ont engagés à prévoir, plus tôt que nous n'avions l'intention de le faire, la réalisation de ce projet. Dans ce sens, nous avons chargé la commission fédérale pour la conservation d'antiquités nationales d'examiner en détail le but, le contenu, les conditions d'espace, l'étendue et l'aménagement d'une institution de ce genre et de dresser un programme pc|ur le futur musée. Cette commission s'est acquittée de sa tâche par le projet suivant.

Programme pour un musée national suisse.

A. But du musée.

Le but du musée national est de donner une image aussi complète que possible du développement de la civilisation et de Part dans les contrées qui forment aujourd'hui la Suisse, depuis les temps préhistoriques jusqu'à la fin du 18me siècle.

On part de l'idée que, à des conditions à débattre plus tard, la collection historique de la ville ou du canton qui sera le siège du musée national formera, avec les objets déjà acquis par la Confédération, le noyau de ce musée.

Pour la création de ce musée, il est nécessaire de pourvoir, par une. marche centralisée et avec des ressources importantes, à ce

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que les monuments historiques soient conservés au pays et à ce qu'ils soient utilement exposés et étudiés.

La fondation de cet établissement ne doit entraver, d'aucune manière, le développement progressif des collections cantonales et communales qui existent à côté de lui. On admet bien plutôt qu'elles continueront, comme par le passé, à être subventionnées par la Confédération dans le sens de l'arrêté fédéral du 13 juin 1886 et que ces subventions seront favorisées par leurs relations avec le musée fédéral.

B. Contenu.

Le musée national doit réunir, en originaux ou en reproductions, les monuments des époques suivantes de la civilisation et de l'art.

I.

500 m2.

1. Temps préhistoriques.

2. Epoque helvéto-celto-étrusque.

3.

» romaine.

4.

» allemane-burgonde.

II.

Moyen-âge et renaissance jusqu'à la fin du 18nle siècle.

Pour objets datant du moyen-âge et des siècles postérieurs, la classification suivante devra servir de base, pour autant qu'il ne s'agit pas de groupes bien caractérisés.

500 m*. 1. Parties de constructions, et sculptures.

2. Art religieux.

150 » 3. Orfèvrerie.

50 » Ustensiles de ménage, sculptures sur bois et meubles.

(*'· Art textile.

|B.

800 » i 6 - Vitraux.

7 Céramique.

'·8.- Objets d'art en métal.

200 » 9. Armes.

100 » 10. Instruments de musique.

100 » 11. Reliures, imprimés et arts graphiques.

2400 m2 à reporter.

276 2400 m* report.

III.

1. Utie section historique spéciale, renfermant les souvenirs historiques de la Suisse et des cantons.

2. Costumes.

3. Antiquités du droit et de l'état: instruments de torture et de supplice, poids et mesures, antiquités des corporations, sceaux, monnaies et médailles, timbres.

4. Tableaux historiques, gravures et portraits, dessins de costumes et autographes.

5. Modèles de construction.

6. Raretés.

300 » 200 »

200 »

IV.

t Bibliothèque et dessins à la main, i Salles de travail.

400

V.

liocaux d'administration.

300 2

3800 m .

C. Conditions d'espace.

En ce qui concerne les conditions d'espace, les chiffres qui accompagnent chacune des subdivisions ci-dessus fournissent les indications nécessaires. 11 en résulte que, en supposant les parties de constructions exposées en plein air, il faut au moins, pour loger les diverses sections, un espace utile de 3800 mètres carrés. De cette surface, 3000 m*, seulement seront occupés par le bâtiment prin'cipal, tandis que le reste, soit 800 m2., pourra être employé pour l'annexe et pour les objets exposés en plein air.

D. Etendue et aménagement.

Pour l'arrangement des diverses collections, il y a lieu, en première ligne, de prendre en considération la classification historique.

Les expériences qui ont été faites à diverses reprises ont démontré que le développement prospère d'un musée est souvent en-

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trave par le fait qu'on ne peut disposer que d'un bâtiment restreint pour l'exposition des objets. Il est dono indispensable que le bâtiment principal soit accompagné ou entouré d'un vaste terrain, qui offre l'espace libre nécessaire pour l'agrandissement des constructions -·et pour l'exposition de monuments.

Ainsi préparée, la question de la création d'un musée nationa ·suisse n'attend plus que sa solution définitive par l'assemblée fédérale. Si cette question, comme nous le désirons et comme nous osons l'espérer, est résolue affirmativement, nous aurons, d'ici à peu d'années, un musée qui, déjà riche par lui-môme et réuni à une des collections cantonales les plus importantes, sera dès l'abord un établissement d'une, grande valeur et un ornement pour le pays.

II.

Quant à ce que doit être le musée national suisse, on peut s'en faire une idée d'après le programme général qui a été dressé pour cet établissement. Mieux on réussira à remplir ce cadre avec des représentants typiques des diverses époques, plus sera complète la manière dont il répondra à son but. La notion du musée national est plus vaste que celle des collections cantonales existantes. Nous avons relativement beaucoup de celles-ci, et parmi elles plusieurs fort importantes ; mais ou bien ce sont des cabinets d'antiquités intéressantes en général, sans égard à la provenance suisse, ou bien elles se composent en majeure partie, sans augmentation, de souvenirs de guerres auxquelles le peuple suisse du canton a glorieusement pris part, et elles ne rappellent alors que certains événements, ou bien enfin elles sont surtout de nature historique, au point de vue de la civilisation et de l'art, mais restreintes à certains domaines et à certaines époques, et présentant souvent le caractère d'une juxtaposition d'antiquités intéressantes réunies par le hasard et provenant de telle ou telle époque de l'histoire et de la civilisation du canton.

Le musée national suisse n'a pas pour but de remplacer ces collections, qui ont leur valeur particulière et qui sont à bon droit chères aux cantons, mais bien de les compléter. A côté et vis-à-vis des collections partielles existantes, il donnera une image générale, embrassant le tout, cohérente et synoptique de l'histoire suisse et du développement de la civilisation en Suisse. Certaines parties de ce tableau se trouveront représentées d'une manière plus riche et Feuille fédérale suisse. Année L. Vol. III.

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plus détaillée dans les collections cantonales, et c'est précisément l'existence d'un musée général suisse qui lenr permettra de concevoir leur but d'une manière plus précise et d'y travailler avec plus de succès par la concentration de leurs moyens. Chaque collection cantonale ne peut pas devenir un musée suisse général -f les ressources financières et les bâtiments disponibles sont insuffisants pour cela ; la Confédération elle-même ne serait pas en état, dans tous les cantons qui ont déjà des collections de ce genre, de les transformer toutes en collections suisses quelque peu complètes.

Mais ce qui est possible et répond tant à la nature de la chose qu'à nos conditions spéciales, c'est un musée suisse général, entouré d'un certain nombre de collections cantonales spéciales, dans lesquelles l'histoire de certaines parties du 'pays ou le développement de la civilisation à certaines époques se trouvent particulièrement représentées.

Ces collections spéciales ne seront point entravées par l'existence d'un musée national suisse. La chose ne serait possible que si l'on admettait que l'activité historique et archéologique dans les cantons serait par là paralysée, que l'intérêt pour la collection spéciale du canton serait diminué et qu'il deviendrait impossible ou difficile d'en prendre convenablement soin. Or, il n'en est point ainsi. On peut même prévoir avec certitude que, plus le musée national suisse sera ce qu'il doit devenir, plus aussi tout ce qui a trait aux anciennes époques de notre pays et de notre peuple trouvera d'amateurs, plus les efforts historiques et archéologiques, qu'ils se rapportent à l'histoire du développement du pays entier ou de certaines contrées, rencontreront d'encouragement, plus enfin on travaillera à rendre les collections fructueuses pour le peuple. Certainement, la visite du musée national fera un jour sur les hommes faits on sur les jeunes confédérés, qu'ils viennent de l'est ou de l'ouest, 'd'un canton du centre ou de la périphérie, une impression qui élèvera particulièrement l'âme ; elle excitera vivement en eux le sentiment et la conscience du patriotisme suisse et leur procurera une grande satisfaction ; mais tout cela ne les détournera pas de leur patrie plus restreinte et ne diminuera en aucune façon leur goût et leur intérêt pour les monuments de l'histoire
de leur canton, tels qu'ils les trouvent dans la collection spéciale cantonale. Cette appréhension est si peu justifiée que nous voyons, môme dans des villes petites, mais anciennes et importantes au point de vue historique, d'un canton qui a déjà au chef-lieu un musée historique important, se former, grâce à l'émulation produite par celui-ci, des musées spéciaux ayant pour objet les antiquités d'une petite partie du pays.

Enfin, quant au développement futur des collections cantonales, il ne sera pas entravé, mais bien au contraire favorisé et encouragé.

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Le même arrêté fédéral qui autorise le conseil fédéral à faire, pour le compte de la Confédération, l'acquisition d'antiquités nationales assure aussi aux cantons l'appui financier de la Confédération, lorsqu'ils désirent faire des acquisitions de ce genre qui dépassent leurs ressources. Grâce à cet arrêté fédéral, cet appui continuera à leur être accordé à l'avenir, de même que -cela a eu lieu jusqu'ici dans un assez grand nombre de cas. Les musées cantonaux n'ont pas à craindre, pour l'avenir, que la Confédération, avec ses grandes ressources, leur fasse concurrence pour ces acquisitions, pas plus que les cantons n'ont eu à s'en plaindre jusqu'à présent.

Or, si l'on admet comme allant de soi, dans le sens indiqué ci-dessus, que les collections cantonales existantes continueront à subsister et se développeront même, on peut se demander si un musée national suisse digne de ce nom peut encore être mené à bonne fin. Pouvons-nous reprendre aujourd'hui ce que les confédérés avaient jadis commencé dans l'église d'Einsiedeln, aux époques reculées de notre histoire ? On sait que c'est dans cette église que se déposait le riche butin de guerre, pour autant qu'il n'était pas partagé et vendu, et qu'on y exposait les bannières appartenant à la Confédération comme telle. Les nombreux incendies qui ont ravagé cet édifice ne nous ont rien laissé des trophées qui y étaient conservés, et un second Delphes, comme Jean de Müller appelle l'église d'Einsiedeln en considération de son antique" importance et de son usage, n'a pas surgi depuis pour la Confédération. Après la réformation, les confédérés n'ont plus eu à faire face à des ennemis extérieurs. Ils n'avaient plus que les guerres de mercenaires à l'étranger et les guerres civiles chez eux; ni les unes ni les autres n'ont donné des trophées nationaux. En effet, il n'y avait plus de sentiment national et vraiment suisse. Ce sentiment ne s'est réveillé que lorsque les anciennes ligues s'écroulèrent pour faire place à la République helvétique. Ce qui est caractéristique, c'est que, parmi les nombreuses aspirations patriotiques de cette époque, on vit surgir immédiatement aussi l'idée d'un musée national suisse. Vu la défaveur des temps, cette idée resta, il est vrai, à l'état de simple voeu. La République helvétique fut détruite avant d'avoir pu réaliser ses projets.
Depuis lors, près de 90 ans se sont écoulés. Dans ce laps de temps, on a vu se développer lentement, dans notre propre pays, ce qui avait été prématurément tenté sur ce terrain et, par cette raison, n'avait pu se réaliser. Les cantons, rentrés de nouveau dans leur particularisme, sentirent bientôt les vices de leur isolement ; les défectuosités, les entraves, les empêchements se firent apercevoir lentement, mais chaque année plus clairement ; l'idée nationale et patriotique se fit jour de plus en plus puissante, se fraya un chemin

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peu à peu, jusqu'à la création de la nouvelle Confédération, qui, tout en maintenant et en affermissant les divers membres, donne placo aussi au développement conscient, de l'ensemble. Le sentiment national, le vif intérêt pour tout ce qui touche la patrie commune so sont réveillés, et ainsi s'est trouvée réalisée la première condition préalable pour reprendre et exécuter le projet par lequel nous continuons les efforts interrompus des époques antérieures. La preuve en est dans l'accueil favorable qui a été fait à l'arrôté fédéral concernant la conservation et l'acquisition d'antiquités nationales, dans l'empressement patriotique des villes suisses qui aspirent à devenir le siège du musée national suisse, dans les généreux dons que des patriotes ont faits à cet établissement, avant même qu'il ait été créé.

Nous devons néanmoins revenir, puisqu'elle a été posée, sur la question de la possibilité matérielle d'un musée national suisse.

Si ce musée devait, exclusivement ou même seulement de préférence, avoir pour but de devenir une collection des monuments et des souvenirs les plus importants des époques antérieures de notre histoire politique, ce but serait difficile à atteindre. De ces époques reculées, qui sont tout particulièrement chères aux Suisses, des temps des glorieuses luttes pour la liberté et l'indépendance, des campagnes héroïques, il s'est détruit ou perdu trop de choses ; ce qui nous en reste est en grande partie bien caché dans les archives et dans les collections de quelques anciens cantons. Ce n'est que dans le cas où une collection historique déjà riche serait mise à la disposition du musée national suisse qu'on pourrait entrer en matière sur ce plan et avoir des chances de le compléter. C'est surtout le cas en ce qui concerne les antiquités suisses des époques récentes de notre histoire politique. Beaucoup d'objets précieux et importants de cette période se trouvent encore entre les mains de particuliers : ils rappellent certains événements ou certaines personnalités saillantes et seraient tout spécialement de nature à figurer dans un musée ayant pour but de donner une image aussi complète et aussi continue que possible de l'histoire politique de notre pays. Or, l'hypothèse posée ci-dessus s'est réalisée, puisque d'anciens cantons ont brigué l'honneur d'être le siège du musée
national suisse et lui ont ainsi, dans tous les cas, assuré une riche collection historique de laquelle on pourra en toute sécurité partir pour exécuter le plan.

Toutefois, le musée national suisse ne remplirait son but que d'une manière incomplète s'il n'offrait aux yeux des futures générations que les époques de politique guerrière du pays, les vénérables anciens drapeaux, qui ont été témoins de victoires sanglantes, les antiques morgenstern, hallebardes, haches de combat et armes à feu, les bannières conquises, les casques et les cuirasses

281 recueillis sur les champs de bataille et ayaut appartenu aux ennemis tués, les pièces les plus intéressantes provenant de butin, etc.

Le musée devra aussi -- et ce n'est pas la moins importante de ses tâches -- offrir autant que possible une représentation cohérente de la civilisation suisse, dans l'ordre chronologique des époques historiques, de la manière d'être et de vivre des habitants, de leur activité spéciale, de leurs instruments, des produits de l'art industriel, etc. Or, il est certain que notre pays a beaucoup perdu, dans la suite des temps, des objets qui sont nécessaires pour accomplir d'une manière satisfaisante cette belle tâche, extrêmement instructive. On faisait peu de cas de ces vieilles choses, qui paraissaient ne plus servir à rien et qui ne cadraient plus avec les nouveaux ménages ; on les laissait tomber de vétusté, ou bien on s'en débarrassait sans scrupule lorsqu'un individu habile se présentait, ayant l'air de prendre plaisir à ces vieilleries et en offrant même un bon prix. C'est ainsi que des marchands et spéculateurs étrangers, connaissant très-bien la valeur de chaque objet, ont pu sans être dérangés parcourir notre pays en long et en large, acheter secrètement et nous enlever une notable partie de nos richesses en produits de l'ancien art suisse et des monuments des époques antérieures. Il est vrai que, avec le temps, des sociétés, des musées et des particuliers s'occupant d'archéologie suisse sont intervenus pour conserver et sauver bien des objets, mais les ressources et les institutions des sociétés et des musées étaient toujours trop restreintes pour être à même d'empêcher de grosses pertes ; quant aux particuliers, on a pu voir qu'à leur mort de riches collections prenaient presque toutes le chemin de l'étranger.

Le musée national suisse doit néanmoins s'acquitter de cette tâche. Nous avons, à ce sujet, pris l'avis de plusieurs archéologues suisses, qui ont déclaré, sans exception, que le musée suisse sera, dans leur conviction, en état de la remplir complètement avec le temps.' Ce que la Suisse a perdu, dans le courant de ce siècle, en pièces représentant l'ancienne civilisation et l'ancienne activité industrielle n'est pas plus considérable que ce que d'autres pays ont perdu sons ce rapport pendant les temps de longues guerres dévastatrices, comme par
exemple les pays allemands dans la guerre de trente ans et dans celle de sept ans.

Cependant nous avons, à notre époque, vu presque simultanément se créer deux collections, qui, malgré diverses circonstances défavorables, sont devenues, dans un temps relativement très-court, des musées grandioses et splendides. Nous avons vu aussi comment, aujourd'hui, certains particuliers de notre pays, réduits à leurs propres ressources, ont réussi à faire, dans le cours relativement restreint de leur existence, des collections d'une grande importance et

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d'une grande valeur. L'état actuel des objets existant en Suisse est encore tel qu'il permet, sans nuire aux collections cantonales spéciales, de créer et de développer peu à peu un musée répondant aux conditions du pays. Si le musée national est établi dans l'une ou l'autre des villes concurrentes, il y trouvera des collections plus ou moins riches, qui, réunies à ce que la Confédération possède déjà -- nous rappelons notamment la précieuse collection d'antiquités lacustres et la collection numismatique -- constitueront un commencement qui n'est point à mépriser. En position, grâce à l'arrêté fédéral du 30 juin 1886, de consacrer chaque année une somme importante pour le compléter, le musée sarà avec le temps -- car il n'y a quu les objets détournés et placés dans des musées qu'on ne puisse plus se procurer -- en mesure de chercher à retirer à l'étranger bien des choses précieuses et mémorables ; du reste, toute collection privée est destinée, tôt ou tard, à être mise publiquement en vente. Le musée pourra aussi acquérir beaucoup d'objets qui sont mieux à leur pince dans l'une ou l'autre des collections cantonales, et il obtiendra peut-être, en échange, des choses qui combleront les lacunes existant chez luû N'étant pas borné à une vie d'homme, ainsi que l'est le collectionneur privé, il continuera, soua une habile direction, à travailler d'année en année, de génération en génération ; il attendra le moment favorable et l'occasion de faire des acquisitions avantageuses, et, dans l'intervalle, il aura continuellement l'oeil sur les trésors qui se trouvent dans le pays et qui sont encore la propriété, toujours incertaine, de particuliers. Beaucoup de ces objets lui seront confiés par leurs propriétaires ; aux premiers donateurs viendront s'en adjoindre d'autres ; plus la satisfaction qu'il donnera sera grande, plus aussi il trouvera en Suisse, dans toutes les directions, appui et assistance.

C'est ainsi, nous n'en doutons pas, que le musée national suisse deviendra réellement ce qu'une brochure zurichoise prédit de lui en termes enthousiastes : l'incarnation du sentiment national ; le grand atlas de l'histoire suisse, un sol fertile pour l'activité et l'amour de la liberté chez notre jeunesse ; le centre scientifique pour toutes les recherches archéologiques et historiques sur le territoire entier
de la Suisse ; le temple que nous élevons en l'honneur du travail de nos pères sur le champ de bataille et dans l'atelier ; la réunion de tout ce qui a été fait de mieux à l'est, à l'ouest, au nord et au sud du pays, depuis des siècles; une source inépuisable d'instruction et d'encouragement pour notre industrie.

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Le moment est favorable pour mettre la maiu à l'oeuvre.

·Quant aux ressources nécessaires pour la mener à bonne fin, l'arrêté fédéral du 30 juin 1886 y a pourvu. Sans que nous nous en soyous occupés, quatre villes suisses ont saisi la balle au bond et offrent à la Confédération de beaux emplacements pour recevoir dignement le musée. La création de cet établissement ne porte aucun tort aux intérêts respectables et apportera au pays honneur et utilité. Les conditions favorables qui s'offrent maintenant ne se représenteront probablement plus guère à l'avenir ; aussi devons-nous aux générations futures de les utiliser. C'est dans cette conviction ·et dans l'esprit des arrêtés fédéraux concernant l'acquisition de la collection d'antiquités lacustres de M. Gross et de la collection numismatique de M. Amiet, et aussi concernant la conservation et l'acquisition d'aotiquités nationales, que nous avons accepté le testament de L. Merian, architecte à Baie, instituant la Confédération héritière principale, « dans le but déterminé de construire ou d'augmenter un musée national suisse pour les objets d'art et d'industrie artistique des temps passés », ainsi que le legs de feu M. le professeur Vögelin, à Zurich.

III.

Nous n'avons que peu d'explications à ajouter au projet d'arrêté que nous avons l'honneur de vous soumettre.

Après avoir prononcé la création du musée national (article 1er), le projet en indique le but final (article 2). Il ne nous a pas paru convenable d'admettre dans l'arrêté un programme entrant dans Jes détails, attendu qu'on doit laisser une certaine latitude dans les limites du cadre général et fixe.

L'article 3 du projet traite du premier effectif du musée et des moyens de l'augmenter continuellement.

L'article 4 précise la position du musée national vis-à-vis des musées publics des cantons, auxquelles il donne les garanties nécessaires pour leur libre développement ultérieur.

Les articles 5 à 8 renferment les obligations et les prestations qui seront imposées au siège éventuel du musée national.

Les articles 9 et 10 traitent de l'administration du musée national. Comme, à teneur de l'article 6, les collections historicoarehéologiques qui se trouvent au siège de l'établissement et qui appartiennent à la ville, à une corporation ou au canton doivent être réunies avec les collections de la Confédération et exposées ainsi dans les locaux du musée national, il est évident qu'on doit

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accorder et garantir aux propriétaires de ces parties très-notableset précieuses du musée, une coopération convenable dans l'administration de l'établissement. D'autre part, il faut veiller à ce quel'administration ne soit pas séparée. Il est donc utile de prévoir, pour celle-ci, une commission mixte, qui, sous réserve de la présidence en faveur de l'autorité fédérale, sera élue en partie par le conseil fédéral, en partie par les autorités cantonales et communales, ou éventuellement par les organes d'une corporation intéresséeau musée. Nous avons pris comme modèle, pour cela et pour le choix du conservateur, les dispositions en vigueur pour une institution analogue, savoir pour les collections réunies d'histoire naturelle de l'école polytechnique, qui appartiennent en partie à la, Confédération, en partie au canton et h la ville de Zurich, dispositions qui ont été reconnues convenables.

La question du siège du musée national ne peut, en ce moment, otre ni traitée ni résolue. Une fois que le projet d'arrêté ciaprès, que nous considérons comme n'etaut pas de portée générale et comme entrant par conséquent immédiatement en vigueur, sera adopté, il sera communiqué par nous aux villes et cantons qui demandent à être le siège du musée, et nous attendrons leurs déclarations au sujet des obligations à assumer par les concurrents. Ensuite, nous instituerons une commission d'experts impartiaux, pris en partie en dehors de la Suisse, et nous la chargerons d'ouvrir une enquête sérieuse sur les conditions spéciales, à prendre en considération pour la réussite du musée national, des villes dont les déclarations auront été trouvées suffisantes, et de nous faire rapport sur le résultat. Nous serons alors en position, en nous basant sur ce préavis ot en appréciant librement les circonstances, de faire à l'assemblée fédérale des propositions sur la question de savoir dans quelle ville doit être placé le musée national suisse ; ce sera ensuite à l'assemblée fédérale à décider définitivement sur ce point.

Cette décision présentera certaines difficultés, qui pourraient, ça et là, éveiller peut-être l'idée qu'il vaudrait mieux mettre fin à la compétition en renonçant à cette belle oeuvre. Toutefois, il ne convient pas de donner place à ce sentiment de faiblesse, qui serait,, en même temps, un vote injustifié de méfiance
vis-à-vis des cantons entre lesquels se fera le choix. La Confédération ne l'a pas fait dans des questions beaucoup plus importantes et où elle se trouvait dans une position identique, et elle ne voudra pas non plus le faire à l'avenir. Quant aux villes suisses qui concourent pour être le siège du musée, nous leur ferions tort au plus haut point en attribuant simplement à des motifs mesquins d'ambition et d'intérêts locaux le /èie et l'ardeur avec lesquels elles luttent entre elles pour

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posséder le musée national, et en doutant que, quelle que puisse être la décision, elles ne saluent toutes - avec joie la création de l'institution patriotique et ne continuent à lui vouer leur sollicitude à l'avenir.

En ayant l'honneur de vous soumettre le projet d'arrotò ciaprès, nous saisissons cette occasion, monsieur le président et messieurs, pour vous renouveler l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 31 mai 1889.

Au nom du conseil fédéral suisse, Le président de la Confédération: HAMMEE.

Le chancelier de la Confédération: RINGIEK.

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Projet.

Arrêté fédéral concernant

la création d'un musée national suisse.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE de la C O N F É D É R A T I O N SUISSE, vu le message du conseil fédéral du 31 mai 1889, arrête : er

Art. 1 . Il sera fondé et entretenu un musée national suisse.

Art. 2. Ce musée est destiné à recevoir et à conserver, d'après un plan déterminé, les antiquités nationales importantes au point de vue historique et artistique, provenant des époques du commencement de la civilisation et de l'histoire de notre pays jusqu'en 1815.

Art. 3. Seront remis au musée national, pour y être conservés, les collections d'antiquités historiques et les objets disséminés qui se trouvent déjà en possession de la Confédération.

Le musée sera augmenté par les acquisitions qui seront faites chaque année au moyen du crédit fédéral pour la conservation des antiquités nationales, de la fondation Merian et d'autres dons qui pourront lui être faits ; en outre, par les antiquités suisses qui lui seront remises par les au-

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torités, les corporations ou les particuliers, soit à titre de don, soit sous réserve du droit de propriété et qui conviennent aux collections.

Art. 4. Le musée national suisse ne fera, en aucun cas, concurrence pour l'acquisition d'antiquités que les musées publics des cantons, en exécution de l'article 1er, lettre d, de l'arrêté fédéral du 30 juin 1886 concernant la conservation et l'acquisition d'antiquités nationales, ainsi que des articles 6 et 7 du règlement d'exécution relatif à cet arrêté, désirent acquérir pour leur propre compte.

Art. 5. Le canton ou la ville qui sera le siège du musée national suisse mettra à la disposition de cet établissement : un bâtiment convenable, bien situé et construit pour recevoir les collections, avec une surface utilisable de trois mille mètres carrés au moins ; en connexité immédiate avec le bâtiment, un terrain libre offrant l'espace nécessaire pour l'agrandissement ou l'augmentation des locaux à l'avenir et pour exposer des monuments, et ayant au moins une surface de 2000 mètres carrés.

L'assentiment du conseil fédéral est réservé en ce qui concerne les plans de construction, de restauration et d'aménagement soit du bâtiment principal, soit des annexes futures.

Art. 6. Les collections d'antiquités historiques qui se trouvent au siège du musée national et qui appartiennent à une corporation publique ou au canton seront réunies aux collections de la Confédération, exposées et classées ensemble dans les locaux du musée national.

Art. 7. Le droit de propriété est garanti aux propriétaires actuels des diverses collections. Il sera dressé de celles-ci, avant leur fusion, un inventaire, et les divers objets qui les composent seront munis de signes de propriété.

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Les objets acquis par la Confédération et les dons faits au musée national suisse sont la propriété de la Confédération ; les acquisitions faites par les propriétaires des collections de la ville, des corporations ou du canton, avec leurs propres fonds, restent leur propriété.

Art. 8. Les frais d'entretien des bâtiments du musée et ceux de l'assurance des collections contre l'incendie sont à la charge des propriétaires respectifs.

Art. 9. Pour l'administration du musée national, il est institué une commission de 5 ou 7 membres, dont 3 ou 4 sont nommés par le conseil fédéral et 2 ou 3 par l'autorité cantonale et communale.

Le conservateur du musée est sous les ordres de cette commission ; il est nommé .par le conseil fédéral sur la proposition de la commission et est indemnisé par la caisse fédérale, qui su charge également des frais de la surveillance, du service et du chauffage du musée.

Art. 10. Les obligations et les compétences de la commission du musée seront fixées par un règlement spécial, adopté par le conseil fédéral sur la base de négociations entre les propriétaires des collections.

Art. 11. L'assemblée fédérale fixe, sur le rapport et la proposition du conseil fédéral, le siège du musée national.

Art. 12. Le présent arrêté, n'étant pas de portée générale, entre immédiatement en vigueur.

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Message du conseil fédéral à l'assemblée fédérale au sujet de la question de la création d'un musée national suisse. (Du 3l mai 1889.)

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Bundesblatt

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1889

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3

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25

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08.06.1889

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268-288

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