05.063 Message concernant une convention de double imposition avec la Serbie-et-Monténégro du 17 août 2005

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons un projet d'arrêté fédéral approuvant une convention en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée le 13 avril 2005 avec la Serbie-et-Monténégro, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

17 août 2005

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Samuel Schmid La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

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Condensé Une convention en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune a été signée le 13 avril 2005 avec la Serbie-et-Monténégro.

Outre l'élimination des doubles impositions, cette convention offre également une certaine protection institutionnelle aux personnes qui ont des relations fiscales avec les deux Etats et, plus particulièrement, aux entreprises qui procèdent à des investissements. Elle favorise les nouveaux investissements et garantit en outre que les entreprises suisses ne subiront pas de désavantages fiscaux par rapport à leurs concurrentes d'autres Etats.

La convention suit en grande partie le Modèle de convention de l'OCDE ainsi que la pratique conventionnelle suisse. Les cantons et les milieux économiques intéressés ont approuvé la conclusion de cette convention au cours de la procédure de consultation.

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Message 1

Historique

Après la Slovénie, la Croatie et la Macédoine, la Serbie-et-Monténégro est le quatrième Etat de l'ex-République socialiste fédérative de Yougoslavie (RSFY) avec lequel la Suisse a négocié une convention en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune.

Depuis le milieu des années 1970 déjà, la RSFY s'est montrée très intéressée à la conclusion d'une convention de double imposition avec la Suisse. Ce n'est toutefois qu'en 1983 que des pourparlers techniques avec la RSFY ont été entamés. Ces pourparlers furent suivis de deux rondes de négociations, en mai 1985 à Berne, puis en juin 1986 à Belgrade. Elles ne permirent cependant pas d'aboutir à un projet d'accord, les positions des deux Etats étant encore trop éloignées, notamment sur la question des dividendes, intérêts et redevances, points cruciaux de la politique conventionnelle suisse.

En 1991 la situation politique s'est détériorée dans les Balkans et la RSFY est arrivée à une phase critique de son histoire. La troisième ronde de négociations, prévue en mai 1991 à Berne, n'aura finalement jamais lieu.

Après les proclamations d'indépendance de la Slovénie et de la Croatie le 25 juin 1991, la RSFY éclate en plusieurs Etats et disparaît. Les cinq Etats successeurs de la RSFY sont, outre la Slovénie et la Croatie, la Macédoine, la Bosnie-et-Herzégovine et la République fédérale de Yougoslavie. Cette dernière, constituée de la Serbie et du Monténégro, est proclamée le 27 avril 1992.

Fin novembre 1997, la République fédérale de Yougoslavie demande à la Suisse l'ouverture de négociations d'une convention bilatérale de double imposition. Malgré la disposition de la Suisse à entamer des négociations dès 1999, la première rencontre n'aura lieu qu'en avril 2001, à Berne. A l'occasion de la seconde ronde de négociations tenue à Belgrade en mai 2002, les délégations parviennent à s'entendre sur les points restés ouverts, à l'exception d'une disposition du protocole relative à l'art. 7 proposée par la Suisse, et procèdent au paraphe d'un projet de convention et de protocole tenant dans une large mesure compte des intérêts de la Suisse. Il est en outre convenu que les délégations s'engagent à éliminer la dernière divergence par voie d'échange de correspondances.

Dans le cadre d'une réunion informelle à la fin du
mois de septembre 2003, les délégations parviennent à trouver une solution pour la disposition du protocole. Elles discutent également des adaptations à entreprendre dans le texte paraphé afin de tenir compte du fait que, depuis le 4 février 2003, la République fédérale de Yougoslavie a cessé d'exister et cédé la place à la communauté d'Etat Serbie-etMonténégro. La solution relative à la disposition du protocole et les adaptations sont définitivement arrêtées dans le cadre d'un échange de correspondances d'octobre 2003.

La conclusion d'une convention de double imposition avec la Serbie-et-Monténégro s'inscrit dans le contexte de l'intensification des relations bilatérales entre les deux Etats. Elle revêt pour la Suisse une importance non seulement sur le plan économique mais aussi sur le plan politique, ce d'autant plus que la Serbie-et-Monténégro 5013

fait partie du même groupe de vote que la Suisse au sein du FMI. La Suisse a un intérêt à ce que ses entreprises puissent participer à la reconstruction économique de la Serbie-et-Monténégro dans les mêmes conditions que celles d'autres Etats qui ont déjà, pour la plupart, conclu des conventions de double imposition avec l'ex-RSFY dans les années 70 et 80, lesquelles sont restées applicables dans les relations avec la République fédérale de Yougoslavie, puis avec la Serbie-et-Monténégro.

Depuis l'entrée en vigueur, en juin 2002, de l'accord bilatéral sur le commerce et la coopération économique du 21 novembre 2001, le volume des échanges commerciaux bilatéraux a augmenté. Les exportations suisses vers la Serbie-et-Monténégro sont en effet passées de 151 millions de francs en 2002 à 216 millions de francs en 2004. Bien que les importations demeurent relativement faibles, elles ont, elles aussi, progressé (de 18 millions de fr. en 2002 à 21 millions de fr. en 2004).

En ce qui concerne les investissements directs, la Suisse était en 2004 au 8e rang des investisseurs étrangers (14e rang en 2002). Une bonne partie des conditions est réunie pour que les investissements directs suisses continuent d'augmenter. Ainsi, un accord sur la protection des investissements est en cours de négociation entre les deux Etats. En outre, tant la communauté d'Etat Serbie-et-Monténégro que le gouvernement serbe font leur possible pour encourager les investissements étrangers. Le processus de privatisation des entreprises engagé en 1989 est depuis juin 2001 réglé par une nouvelle loi permettant la participation des étrangers. Quant à la loi sur les investissements étrangers modifiée fin 2002, en supprimant certains obstacles, elle devrait faciliter les investissements et encourager de ce fait l'afflux de capitaux étrangers en Serbie-et-Monténégro.

Après que les cantons et les milieux économiques intéressés eurent déclaré approuver sa conclusion, la présente convention a été signée à Belgrade le 13 avril 2005.

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Commentaire des dispositions de la convention

La convention de double imposition suit en grande partie, tant sur le plan formel que matériel, le Modèle de convention élaboré par l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) ainsi que la pratique conventionnelle suisse en la matière. C'est pourquoi, nous nous limiterons à signaler les particularités de la convention et à commenter les dispositions qui s'écartent du Modèle OCDE ou de la pratique suisse.

Art. 2

Impôts visés

La convention couvre les impôts sur le revenu et sur la fortune perçus pour le compte d'un Etat contractant, de ses subdivisions politiques ou de ses collectivités locales. En ce qui concerne la Serbie-et-Monténégro, le ch. 1 du protocole à la convention spécifie que l'expression «subdivisions politiques» désigne les Etats membres de cette communauté d'Etat, soit la Serbie et le Monténégro.

Le catalogue des impôts auxquels la convention s'applique en Serbie-et-Monténégro inclut l'impôt sur le revenu provenant du transport international. Le ch. 3 du protocole précise toutefois que cet impôt n'est pas applicable aux bénéfices qu'une entreprise dont le siège de direction effective est en Suisse tire de l'exploitation, en trafic international, de navires, aéronefs ou véhicules routiers.

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Conformément à la pratique conventionnelle suisse, les impôts perçus à la source sur les gains réalisés dans les loteries ne tombent pas dans le champ d'application de la convention.

Art. 3

Définitions générales

Les dispositions concernant le trafic international sont étendues au trafic routier.

Art. 5

Etablissement stable

Un chantier de construction ou de montage ne constitue un établissement stable que si sa durée dépasse douze mois.

Art. 7

Bénéfices des entreprises

Cet article suit le principe établi dans le Modèle de convention de l'OCDE selon lequel un établissement stable ne peut être imposé que sur des bénéfices qui lui sont effectivement imputables.

Le ch. 2 du protocole précise qu'on ne peut attribuer à l'établissement stable que la part de la rémunération correspondant à sa contribution effective et à ses fonctions.

Art. 10

Dividendes

L'impôt en faveur de l'Etat de la source est de 5 % pour les participations d'au moins 20 % détenues par une société (à l'exclusion des sociétés de personnes). Dans tous les autres cas, le droit d'imposition de l'Etat de la source est limité à 15 %.

Art. 11

Intérêts

L'impôt qui peut être perçu par l'Etat de la source est limité de façon générale à 10 %.

Art. 12

Redevances

La convention prévoit un impôt résiduel en faveur de l'Etat de la source de 10 % sur les redevances. Le ch. 4 du protocole mentionne cependant qu'aussi longtemps que la Suisse ne prélève aucun impôt à la source sur les redevances versées à des nonrésidents, les redevances ne sont imposables que dans l'Etat de résidence du bénéficiaire. Ainsi, les redevances payées par un résident de Serbie-et-Monténégro à un résident de Suisse ne sont pas soumises à un impôt à la source en Serbie-etMonténégro.

Les redevances de leasing sont incluses dans la définition de redevances.

Art. 13

Gains en capital

A l'instar de ce qui existe dans d'autres conventions de double imposition conclues par la Suisse, le droit d'imposition sur les gains en capital réalisés lors de l'aliénation de parts au capital d'une société dont l'actif est principalement constitué d'immeubles situés dans un Etat est donné à l'Etat où sont situés ces immeubles.

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Art. 19

Fonctions publiques

Le ch. 6 du protocole règle expressément la question de l'imposition des rémunérations versées par la Serbie-et-Monténégro aux enseignants de cet Etat qui exercent leur activité d'enseignant en Suisse. Ces rémunérations tombent sous le coup du par. 1 de l'art. 19 et sont par conséquent, en principe, imposables uniquement dans l'Etat d'où elles proviennent, c'est-à-dire en Serbie-et-Monténégro. La Suisse doit les exonérer, sous réserve de progressivité, conformément à l'art. 23. Il convient de préciser que seule la partie du salaire effectivement versée par la Serbie-etMonténégro est visée par cette disposition. Les enseignants de Serbie-et-Monténégro sont en effet rémunérés en partie par cet Etat et en partie par le biais d'un fonds ouvert par l'Ambassade de Serbie-et-Monténégro à Berne et financé par des contributions des parents d'élèves. La partie provenant de ce fonds est imposable en Suisse, nonobstant le fait que le paiement est exécuté par l'Ambassade.

Art. 21

Autres revenus

Ces revenus ne sont imposables que dans l'Etat de résidence du bénéficiaire.

Art. 23

Elimination des doubles impositions

La Serbie-et-Monténégro élimine les doubles impositions par la méthode de l'imputation d'impôts ordinaire.

La Suisse applique, comme d'habitude, la méthode de l'exonération avec réserve de la progressivité et accorde l'imputation forfaitaire d'impôt pour les dividendes et les intérêts. Il est en outre mentionné que les entreprises suisses bénéficient du même dégrèvement pour les dividendes provenant de la Serbie-et-Monténégro que pour les dividendes de source suisse.

Art. 26

Echange de renseignements

La clause qui figure dans la convention correspond à celle qui a été convenue avec plusieurs Etats d'Europe de l'Est. Conformément à la pratique conventionnelle constante de la Suisse, cette disposition prévoit que ne peuvent être échangés que les renseignements qui sont nécessaires à la correcte application de la convention.

Art. 27

Membres des missions diplomatiques et postes consulaires

Cet article correspond à la pratique conventionnelle suisse qui prévoit une clause plus détaillée que celle du Modèle de convention de l'OCDE.

Art. 28

Entrée en vigueur

La convention sera applicable aux impôts sur le revenu et sur la fortune à partir du 1er janvier de l'année qui suit celle de son entrée en vigueur. L'échange de notes de 1964 entre la Suisse et l'ex-RSFY relatif à l'imposition des entreprises de la navigation maritime ou aérienne cessera d'être applicable dès que les dispositions de la convention de double imposition le seront.

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Conséquences financières

Dans toute convention de double imposition, les deux Etats contractants renoncent à certaines recettes fiscales. Pour la Suisse, ces pertes résultent du remboursement partiel de l'impôt anticipé et de l'imputation des impôts à la source prélevés par la Serbie-et-Monténégro sur les dividendes et les intérêts en vertu des art. 10 et 11. Le manque à gagner résultant du remboursement partiel de l'impôt anticipé à des résidents de Serbie-et-Monténégro ne devrait pas être très important. L'imputation forfaitaire d'impôt introduite par l'ordonnance du Conseil fédéral du 22 août 1967 n'entraînera également qu'une légère diminution des recettes fiscales suisses. Ces pertes de recettes fiscales, dont l'ampleur ne peut être chiffrée faute de statistiques appropriées, seront en partie compensées par le fait que, désormais, le montant brut des revenus provenant de Serbie-et-Monténégro sera imposable en Suisse, alors qu'il fallait admettre jusqu'ici la déduction de l'impôt à la source de Serbie-et-Monténégro de la base de calcul. Il s'ensuivra une augmentation générale du revenu imposable.

Dans la convention, la Suisse a pu convenir avec la Serbie-et-Monténégro de solutions pour éviter les doubles impositions qui offrent à la Suisse et à l'économie suisse une base solide dans les relations bilatérales et éliminent les possibles désavantages fiscaux par rapport à d'autres Etats qui ont conclu une convention de double imposition avec la Serbie-et-Monténégro. La conclusion d'une convention de double imposition devrait avoir un effet positif sur les futurs investissements directs de la Suisse, faciliter les échanges de capitaux et de savoir-faire et ainsi influencer favorablement le développement économique de la Serbie-et-Monténégro. Les cantons et les milieux économiques intéressés ont approuvé la conclusion de la présente convention au cours de la procédure de consultation. Par ailleurs, on rappellera que les conventions en vue d'éviter les doubles impositions sont conclues avant tout dans l'intérêt des contribuables et que, de manière générale, elles favorisent la coopération économique, ce qui constitue l'un des buts principaux de la politique suisse en matière de commerce extérieur.

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Constitutionnalité

La présente convention se fonde sur l'art. 54 de la Constitution (Cst.), qui attribue à la Confédération la compétence en matière d'affaires étrangères. L'Assemblée fédérale est compétente pour approuver la convention en vertu de l'art. 166, al. 2, Cst. La convention est conclue pour une durée indéterminée, mais elle peut être dénoncée en tout temps pour la fin d'une année civile moyennant un préavis de six mois. Elle ne prévoit pas d'adhésion à une organisation internationale. Depuis le premier août 2003 sont soumis au référendum facultatif conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst., les traités internationaux qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales. A teneur de l'art. 22, al. 4, de la loi sur le Parlement, une disposition d'un traité fixe des règles de droit lorsque, générale et abstraite, et d'application directe, elle crée des obligations, confère des droits ou attribue des compétences.

Afin de se doter d'une pratique cohérente en ce qui concerne le ch. 3 introduit dans l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., et d'éviter que des accords similaires soient soumis de façon répétée au référendum, le Conseil fédéral a cependant précisé, dans le message 5017

du 19 septembre 2003 relatif à la Convention de double-imposition avec Israël, qu'il accompagnerait désormais les accords soumis au Parlement de la proposition expresse de ne pas les soumettre au référendum facultatif en matière de traités internationaux, pour autant que ces accords n'entraînent pas de nouveaux engagements importants pour la Suisse. En l'espèce, la présente convention contient certes des dispositions qui fixent des règles de droit, mais elles se limitent à restreindre les droits d'imposition de la Suisse, sans créer d'obligations fiscales supplémentaires.

Par ailleurs, le contenu de la convention suit la politique suisse en matière de double imposition. Pour ces motifs, il est donc prévu que l'arrêté fédéral ne soit pas sujet au référendum facultatif selon l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

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Conclusions

La présente convention suit dans une large mesure le Modèle de convention de l'OCDE et est conforme à la pratique conventionnelle suisse. Elle institue la sécurité du droit et garantit aux investisseurs suisses d'importants dégrèvements des impôts de Serbie-et-Monténégro. De façon plus générale, elle devrait favoriser le développement ultérieur des relations économiques bilatérales entre la Suisse et la Serbie-etMonténégro.

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