00.419 Initiative parlementaire Protection contre la violence dans la famille et dans le couple Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 18 août 2005

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons le projet de modification du Code civil que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet de l'acte ci-joint.

18 août 2005

Pour la commission: Le président, Luzi Stamm

2005-2565

6437

Condensé Le proche milieu social est un lieu de confiance, de compréhension et d'assistance.

Cependant, la réalité peut être différente. La violence domestique est aujourd'hui quotidienne dans notre société. Les femmes en sont souvent les victimes. Afin qu'elles ne soient plus contraintes à l'abandon de leur foyer pour trouver refuge dans un lieu pour personnes en détresse, la conseillère nationale Ruth-Gaby Vermot-Mangold a déposé, en juin 2000, une initiative parlementaire visant à assurer la protection des victimes de violences domestiques par l'expulsion immédiate du domicile des personnes violentes et l'interdiction de le réintégrer pendant une période déterminée. Le Conseil national a décidé en juin 2001 de donner suite à cette initiative.

Sur la base de cette décision, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a élaboré une proposition de modification du Code civil (CC). Le projet prévoit de compléter les dispositions relatives à la protection de la personnalité (art. 28 ss CC) par des mesures générales contre la violence, les menaces ou le harcèlement ainsi que par des mesures spécifiques à la violence domestique. Sont ainsi visées les violences domestiques, mais également d'autres formes de violence comme la poursuite et le harcèlement obsessionnels d'une personne («stalking» en anglais).

Les mesures qui peuvent être requises du juge sont en particulier l'interdiction pour l'auteur d'approcher un certain périmètre autour du logement de la victime ou l'interdiction de fréquenter certains lieux ou de prendre contact avec la victime.

Lorsque la victime et l'auteur vivent dans le même logement, le juge peut également faire expulser celui-ci du logement pour une durée déterminée. Une indemnité appropriée peut être fixée pour l'utilisation exclusive du logement. Le juge peut également attribuer les droits et les obligations qui résultent du contrat de bail à la victime, avec l'accord du bailleur.

Le projet prévoit pour les cantons l'obligation de désigner un service pouvant décider de l'expulsion immédiate d'une personne du logement commun en cas de crise.

Les cantons devront également veiller à ce qu'il existe des centres de consultation auxquels les victimes et les auteurs d'actes de violence, de menaces ou de harcèlement peuvent s'adresser.

6438

Rapport 1

Situation initiale

1.1

Initiative parlementaire

Le 14 juin 2000, Mme Ruth-Gaby Vermot-Mangold, conseillère nationale, a déposé une initiative parlementaire visant à assurer la protection des victimes de violences domestiques par l'expulsion immédiate du domicile des personnes violentes, lesquelles ne peuvent plus réintégrer leur logement pendant une période déterminée.

Le 21 février 2001, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a procédé à l'examen préalable de l'initiative parlementaire. Elle a proposé par 13 voix contre 5 et 4 abstentions d'y donner suite.

Le 7 juin 2001, le Conseil national s'est rallié à la proposition de la commission et a décidé sans opposition de donner suite à l'initiative1.

Conformément à l'art. 21quater, al. 1, de la loi sur les rapports entre les Conseils (LREC)2, le Conseil national a chargé sa Commission des affaires juridiques d'élaborer un projet d'acte législatif.

1.2

Travaux de la commission et de la sous-commission

Le 2 septembre 2002, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a chargé une sous-commission de préparer un avant-projet de loi concrétisant l'initiative parlementaire. Cette sous-commission, composée de Mesdames Vallender, présidente, Garbani, Leuthard et Thanei ainsi que de Messieurs Glasson, Seiler et Siegrist, s'est réunie à quatre reprises entre octobre 2002 et juin 2003. Elle a auditionné des experts de différents milieux professionnels. Le 23 juin 2003, elle a adopté un avant-projet de loi à l'intention de la commission plénière.

Le 25 août 2003, la commission a adopté par 17 voix contre 2 avec 1 abstention un avant-projet et a chargé le Conseil fédéral de le soumettre à une procédure de consultation.

Le 1er juillet 2004, la commission a pris connaissance des résultats de la consultation. Elle a mandaté la sous-commission de réexaminer le projet à la lumière des critiques émises par les participants à la consultation. La sous-commission, présidée par M. Glasson, était composée de Mesdames Garbani, Häberli-Koller, Markwalder Bär et Thanei ainsi que de Messieurs Mathys et Siegrist. Elle s'est réunie à quatre reprises entre octobre 2004 et juin 2005. Le 28 avril 2005, elle a adopté à l'unanimité un projet à l'intention de la commission plénière.

La commission a adopté par 18 voix et 3 abstentions le projet ci-joint en date du 18 août 2005.

1 2

BO 2001 N 615 RS 171.11; voir art. 173, ch. 3, de la Loi sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement, LParl; RS 171.10).

6439

La commission a été secondée dans ses travaux par le Département fédéral de justice et police conformément à l'art. 21quater, al. 2, LREC.

2

Grandes lignes du projet

2.1

Protection de la personnalité contre la violence

2.1.1

Violence domestique

La cellule familiale étant la plus petite unité de l'environnement social de l'individu, elle devrait offrir sécurité et abri. Or il n'en est pas toujours ainsi. La violence domestique est aujourd'hui une réalité quotidienne susceptible de toucher quiconque.3 Il ressort d'une étude menée sur ce type de maltraitances qu'une femme sur cinq (20,7 %) a subi au cours de sa vie des actes de violence physique (12,6 %) ou sexuelle (11,6 %) de la part de son partenaire4.

La société ne tolère plus que les auteurs de violences se protègent derrière le respect de leur sphère privée. Ainsi les délits caractéristiques de la violence domestique sont soumis à la poursuite d'office suite à la modification du 3 octobre 20035 du Code pénal (CP)6 donnant suite à deux initiatives parlementaires7. De même, la violence domestique, quand bien même elle se caractérise par la relation sentimentale étroite qui existe entre l'auteur et sa victime, doit être considérée comme un problème de sécurité et de santé publiques. Les victimes, à plus forte raison parce qu'elles vivent dans le même logement que l'auteur de violences à leur égard, doivent être protégées efficacement.

2.1.2

Autres formes de violence

Il existe d'autres formes de violence dont il convient de tenir compte dans le cadre des dispositions sur la protection de la personnalité. Il s'agit notamment de la menace et de la persécution d'une personne, autrement dit des actes que recouvre le terme anglais «stalking» (harcèlement). Ce terme est apparu aux États-Unis à la fin des années 1980 pour saisir le phénomène de plus en plus fréquent de la poursuite et du harcèlement obsessionnels d'une personne. Sont aujourd'hui considérés comme éléments constitutifs du «stalking»: le fait d'espionner, la recherche constante d'une proximité physique (poursuite), le harcèlement et les menaces proférées contre un tiers. Ce type de harcèlement se caractérise par la répétition et la combinaison de nombreuses actions isolées.8 3

4 5 6 7

8

von Cranach Mario, Les résultats d'un programme national de recherche, Berne 2002, p. 50 ss; Gillioz Lucienne/De Puy Jacqueline/Ducruet Véronique, Domination et violence envers la femme dans le couple, Lausanne 1997, p. 69 s.

Gillioz Lucienne/De Puy Jacqueline/Ducruet Véronique, op. cit., p. 70 RO 2004 1403 RS 311.0 96.464. Iv. pa. Classification parmi les infractions poursuivies d'office des actes de violence commis sur des femmes. Révision de l'article 123 CP; 96.465. Iv. pa. Classification parmi les infractions poursuivies d'office des actes de violence à caractère sexuel commis sur un conjoint. Modification des articles 189 et 190 CP Voir ATF 129 IV 262 ss, consid. 2.3.

6440

Une des premières études épidémiologiques en Europe concernant le harcèlement a eu lieu en Allemagne. Les résultats tendent à prouver que ce phénomène est beaucoup plus répandu qu'on ne le croyait. Selon cette étude, 12 % des personnes interrogées ont été victimes de harcèlement au moins une fois dans leur vie. Pour 68 % d'entre elles, les poursuites et le harcèlement ont duré plus d'un mois, et même plus d'un an pour environ un quart de ces personnes. Les victimes du harcèlement sont dans leur très grande majorité des femmes (87 %), tandis que dans 85 % des cas, les auteurs sont des hommes. Dans trois cas sur quatre, la victime connaissait son persécuteur. Dans environ la moitié des cas recensés, l'auteur du délit était un ex-partenaire qui n'avait pu accepter la fin de la relation.9 Ces résultats montrent que le besoin de mesures de protection contre la violence ne se fait pas uniquement sentir dans le cadre d'une relation existante. La violence peut également se manifester après qu'une relation a pris fin ou en dehors d'une relation, et ces formes de violence appellent des mesures générales de protection de la personnalité.

2.2

Droit actuel

Le droit actuel n'offre pas de moyens satisfaisants pour répondre au problème spécifique de la protection de la victime de violences10. La situation juridique dépend du lieu de vie des personnes concernées, car les pratiques et les législations, notamment de nature policière, diffèrent d'un canton à l'autre. De plus, la situation juridique des couples mariés et non mariés n'est pas homogène, quand bien même l'état civil ne devrait jouer aucun rôle en ce domaine.

2.2.1

Au niveau fédéral

2.2.1.1

En général

Les règles générales des art. 28 ss du Code civil (CC)11 permettent d'appréhender une partie des problèmes liés à la violence. Ces articles protègent la «personnalité» contre les atteintes illicites de tiers. Suivant l'objet de la protection, on distingue les droits de la personnalité physique (par ex. le droit à la vie, le droit à l'intégrité corporelle, la liberté sexuelle, la liberté de mouvement), les droits de la personnalité psychique (par ex. le droit à l'intégrité psychique) et les droits de la personnalité sociale (par ex. le droit à l'image, le droit au respect de la vie privée, le droit à l'honneur).

En cas de violence, la victime dispose en principe de deux actions visant à garantir la protection de sa personnalité, indépendamment de la situation telle qu'elle résulte du droit des obligations ou des droits réels:

9 10

11

Voir Dressing Harald/Kuehner Christine/Gass Peter, Prävalenz von Stalking in Deutschland in: Psychiatrische Praxis 02/2005, p. 73 ss.

Büchler Andrea, Zivilrechtliche Interventionen bei Gewalt in Lebensgemeinschaften in: La Pratique du droit de la famille FamPra 4/2000, p. 583 ss, 606 s. (cité: Zivilrechtliche Interventionen bei Gewalt in Lebensgemeinschaften).

RS 210

6441

­

Elle peut requérir le juge «d'interdire une atteinte illicite, si elle est imminente» (art. 28a, al. 1, ch. 1, CC). Pour que cette action dite en prévention de l'atteinte soit donnée, il faut que le demandeur établisse que le défendeur menace sérieusement de porter une atteinte illicite à sa personnalité. Il s'ensuit qu'en cas de violence domestique imminente, le juge devrait avoir la possibilité d'interdire au défendeur de pénétrer dans le logement occupé par le demandeur, afin d'éviter que celui-ci ne subisse une atteinte à sa personnalité.

­

Elle peut ensuite requérir le juge «de la faire cesser, si elle dure encore» (art. 28a, al. 1, ch. 2, CC). Pour que cette action dite en cessation de l'atteinte soit donnée, il faut que le demandeur établisse qu'il est victime d'une atteinte à sa personnalité en raison d'une situation de fait créée et maintenue par l'intervention du défendeur. Il en résulte qu'en cas de violence domestique, le juge pourrait également interdire à l'auteur du comportement violent de pénétrer dans le logement occupé par la victime tant que sa présence dans ce logement provoque chez celle-ci un état de peur qui équivaut à une atteinte aux droits de sa personnalité psychique.

Il convient ici de relever que l'interdiction prononcée par le juge de pénétrer dans le logement n'est pas comparable avec les règles sur l'attribution du logement en droit du mariage et que le juge ne peut, le cas échéant, transférer à la victime les droits et obligations résultant du contrat de bail à loyer. La victime se trouve conséquemment dans une situation précaire. Quand bien même elle serait seule locataire du logement, elle ne pourrait en chasser sans délai son partenaire car leurs relations sont régies par les règles ordinaires du droit civil (en particulier droit du bail ou droit de la société simple).12 Sont également envisageables d'autres mesures de protection de la personnalité du demandeur, telles que des interdictions faites au défendeur de s'approcher de la personne victime de violence, de prendre contact avec elle, ou de se rendre dans des rues ou des quartiers déterminés. On remarquera toutefois qu'une telle application extensive des art. 28 ss CC n'est de loin pas systématique et uniforme entre les différents cantons.

2.2.1.2

Personnes mariées

2.2.1.2.1

En général

Lorsqu'une personne mariée use de violence envers son conjoint, son comportement est contraire aux buts du mariage et incompatible avec les devoirs qui en découlent (art. 159 CC). Outre l'atteinte à l'intégrité corporelle qu'il engendre, il représente une rupture du rapport de confiance qui a des conséquences psychiques importantes pour la victime. Cela peut également avoir des conséquences non négligeables sur le développement des éventuels enfants du couple.

12

Büchler Andrea, Gewalt in Ehe und Partnerschaft ­ Polizei-, straf- und zivilrechtliche Interventionen am Beispiel des Kantons Basel-Stadt, Bâle 1998, Teil 3: Zivilrechtliche Instrumente zum Schutz vor Gewalt in Ehe und Partnerschaft unter Berücksichtigung des Prozessrechts des Kantons Basel-Stadt, § 9: Zivilrechtlicher Schutz vor Gewalt in der Partnerschaft, p. 313 ss.

6442

La victime peut en pareille situation requérir pour sa protection l'intervention du juge des mesures protectrices de l'union conjugale en vertu de l'art. 172, al. 1, CC.

Ce dernier doit rappeler les conjoints à leurs devoirs et tenter de les réconcilier. En cas d'insuccès, le juge prend les mesures permettant de régler la vie commune ou les conséquences de la vie séparée. Lorsque les époux sont autorisés à vivre séparés, notamment en cas de violences physiques, le juge peut prendre les mesures concernant le logement et le mobilier (art. 176, al. 1, ch. 2, CC) ainsi que, le cas échéant, celles relatives aux enfants mineurs (art. 176, al. 3, CC). Les mesures qui ­ à l'instar des interdictions de s'approcher de la victime, de prendre contact avec elle, ou de se rendre dans des rues ou des quartiers déterminés ­ s'étendent au-delà du logement commun posent le problème de leur admissibilité dans le cadre de la protection du lien conjugal, étant donné que l'art. 172, al. 3, CC ne vise pour l'essentiel que les mesures prévues aux art. 173 à 179 CC13. Or des menaces telles que celles proférées sur le lieu de travail font souvent partie de la réalité du couple qui vit séparé, si bien que l'attribution du logement n'assure pas une protection suffisante si le juge ne peut ordonner des mesures d'accompagnement telles que l'interdiction d'approcher la victime, de séjourner dans les environs de son lieu de travail ou encore de prendre contact avec elle. De plus, l'intervention du juge n'améliore la situation de la victime véritablement que si celui-ci prononce des mesures superprovisionnelles.14 La question est controversée de savoir s'il est possible de recourir aux règles générales relatives à la protection de la personnalité contre des atteintes illicites (art. 28 ss CC) ou si les mesures de protection de l'union conjugale constituent une lex specialis qui exclut leur application15. La doctrine dominante récente considère que les art. 28 ss CC relatifs à la protection de la personnalité sont inapplicables uniquement lorsque le conflit porte sur des devoirs conjugaux (par ex. en cas d'infidélité conjugale), tandis qu'ils s'appliquent aussi entre conjoints lorsque l'atteinte en question peut être aussi bien le fait d'un tiers que du conjoint (par ex. lésion corporelle)16. Si l'application des art. 28 ss CC
était admise, cela ne serait toutefois pas sans inconvénient pour la victime qui devrait supporter la charge psychologique d'un procès supplémentaire17. En conclusion, la protection contre la violence au sein du mariage est actuellement lacunaire.

2.2.1.2.2

Pendant la procédure de divorce

Dans le cadre d'un divorce, la protection de la victime de violence domestique est mieux assurée car le juge n'est pas limité par des mesures strictement définies par la loi et peut prendre en conséquence les mesures qu'il juge nécessaires (art. 137, al. 2, CC)18. En outre, l'art. 121 CC assure qu'en cas de divorce le conjoint et les enfants 13 14 15 16 17 18

Art. 172, al. 3, CC: «le juge prend [...] les mesures prévues par la loi».

Büchler Andrea, op. cit., § 8: Zivilrechtlicher Schutz vor Gewalt während der Ehe, p. 252 ss.

Büchler Andrea, Zivilrechtliche Interventionen bei Gewalt in Lebensgemeinschaften, p. 583 ss, 597 ss.

Notamment Berner Kommentar/ Hausheer Heinz/Reusser Ruth/Geiser Thomas, Berne 1999, 2e éd., ad art. 171 ss CC, n° 25.

Büchler Andrea, op. cit., § 8, p. 252 ss, p. 287.

Scheidungsrecht ­ Praxiskommentar/ Leuenberger Marcel, Bâle 2000, ad art. 137 CC n° 13; pour l'ancien droit: Kommentar zum Schweizerischen Privatrecht/ Geiser T./ Lüchinger A., Bâle 1996, ad art. 145 CC n° 8.

6443

puissent demeurer dans le logement indépendamment des rapports juridiques existants si les circonstances concrètes le justifient.

2.2.1.3

Couples non mariés

Lorsqu'il est fait usage de violence au sein d'un couple non marié, la situation est juridiquement délicate. La jurisprudence et la doctrine majoritaire rejettent l'application analogue du droit du mariage aux partenaires non mariés. En fonction des circonstances du cas concret, ce sont les règles sur la société simple (art. 530 ss du Code des obligations (CO)19) qui sont applicables au rapport de concubinage.20 Les règles générales des art. 28 ss CC permettent cependant d'appréhender une partie des problèmes de la violence entre concubins21. De manière analogue, ces constations valent également pour les partenaires de même sexe.

2.2.2

Au niveau cantonal

La violence conjugale est un thème actuel de discussion au sein des autorités cantonales. Alors que des débats sont menés dans différents cantons (notamment dans les cantons d'Argovie22 et Genève23), la législation de certains cantons a déjà été l'objet de modifications à cet égard.

Ainsi, ce sont les cantons de St-Gall et d'Appenzell Rhodes Extérieures qui ont les premiers adopté des dispositions législatives de nature policière. Depuis le 1er janvier 2003, la police de ces cantons peut enjoindre la personne qui met sérieusement en danger d'autres personnes de quitter le logement et son environnement immédiat ainsi que lui interdire d'y retourner durant dix jours24. Dans le canton de St-Gall, l'autorité judiciaire contrôle la décision au plus tard trois jours après l'expulsion du logement25; dans le canton d'Appenzell Rhodes Extérieures, il appartient à l'auteur de contester la décision26. Lorsque la personne en danger requiert du juge compétent des mesures protectrices dans les sept jours qui suivent l'éloignement de l'auteur des violences, l'interdiction de retourner dans le logement est prolongée jusqu'à la décision civile, mais au plus de dix jours27. Afin d'assurer la protection immédiate de la victime, la police st-Galloise peut détenir au maximum vingt-quatre heures la personne qui met en danger sérieusement et de manière imminente une autre personne s'il n'est pas possible de détourner le danger d'une autre manière28. Dans le canton d'Appenzell Rhodes Extérieures, la police peut détenir l'auteur de violences 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28

RS 220 ATF 108 II 204; Werro Franz, Concubinage, mariage et démariage, Berne 2000, p. 39 ss, p. 43 n° 112, p. 46 n° 126.

Voir ci-dessus ch. 2.2.1.1.

Le Grand Conseil a achevé en novembre 2004 une 1re lecture de la révision de sa loi sur la police.

Projet de loi 8633 qui est pendant devant la Commission judiciaire du Grand conseil.

Art. 43 Polizeigesetz du canton de St-Gall (sGS 451.1); Art. 17 Polizeigesetz du canton d'Appenzell Rhodes Extérieures (bGS 521.1) Art. 43quater Polizeigesetz Art. 20 Polizeigesetz Art. 43quinquies Polizeigesetz du canton de St-Gall; Art. 18 Polizeigesetz du canton d'Appenzell Rhodes Extérieures Art. 40 Polizeigesetz

6444

domestiques pour un temps bref lorsque cela s'avère nécessaire pour assurer l'exécution de l'éloignement ou de l'interdiction de retour dans le logement29.

Dans le canton de Neuchâtel, c'est une loi sur la lutte contre la violence dans les relations de couple30 qui est entrée en vigueur le 2 juin 2004. Celle-ci poursuit plusieurs buts dont celui de protéger la victime de violence dans les relations de couple que la loi définit comme «toute atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle commise entre conjoints durant le mariage ou dans l'année qui suit le divorce» ou «entre partenaires hétéro- ou homosexuels, pour autant qu'ils fassent ménage commun pour une durée indéterminée et que l'atteinte ait été commise durant cette période ou dans l'année qui suit la séparation»31. Le texte prévoit par une modification du code de procédure pénale que les auteurs de violence dans les relations de couple peuvent être expulsés par les forces de police de leur domicile durant une période de dix jours ou de vingt jours si l'expulsion est ordonnée par un juge d'instruction. La loi prévoit également la possibilité pour le juge d'instruction de placer l'auteur en détention préventive durant une durée n'excédant pas huit jours s'il présente un danger sérieux et imminent pour autrui et que ce danger ne peut être écarté d'une autre manière32. Parallèlement à un renforcement des compétences d'intervention policière et judiciaire, la loi dispose que l'Etat aide, d'une part, les victimes en soutenant les structures leur offrant accueil et appui et, d'autre part, les auteurs eux-mêmes en encourageant la création d'une structure spécialisée. Le texte prévoit également qu'une politique d'information soit menée par l'Etat qui veillera en outre à la coordination des différentes mesures prises en la matière.

D'autres cantons ont adopté des dispositions semblables aux modèles st-gallois et appenzellois (notamment Lucerne33, Uri34 et Schaffhouse35).

La commission a pris connaissance avec satisfaction du fait que les cantons ont entrepris différentes démarches afin de lutter contre la violence domestique et d'en protéger les victimes. Elle a notamment constaté qu'outre des travaux sur le plan législatif, des projets d'interventions contre la violence domestique36 ont été mis sur pied. La commission juge ces mesures
positives. Afin qu'il y ait complémentarité entre les dispositions de nature policière qui permettent d'assurer la protection immédiate de la victime et les mesures de nature civile qui permettent de lui offrir une protection à court et moyen terme, elle estime nécessaire que des modifications législatives soient adoptées sur l'ensemble du territoire. Ainsi, les mesures proposées au niveau fédéral pourront être efficacement mises en oeuvre.

29 30 31 32 33 34 35 36

Art. 16, al. 1, let. d, Polizeigesetz LVCouple (RSN 322.05) Art. 2 LVCouple Art. 117, al. 2, Code de procédure pénale neuchâtelois (RSN 322.0) Art. 83ter al. 2, 89ter, 89quater et 89quinquies Gesetz über die Strafprozessordnung (SRL 305) (entrée en vigueur le 1er juillet 2004).

Art. 258a ss Strafprozessordnung (Urner Rechtsbuch 3.9222) (entrée en vigueur le 1er juillet 2004).

Art. 150a Strafprozessordnung (SHR 320.100) et 24a ss Polizeiorganisationsgesetz (SHR 354.100) (entrée en vigueur le 1er avril 2005).

Notamment dans les cantons d'Argovie, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Berne, Lucerne, St-Gall et Zürich.

6445

3

Droit comparé

En droit allemand, depuis 2002, une personne victime de menaces ou d'atteintes intentionnelles à l'intégrité corporelle, à la santé ou à la liberté peut requérir le juge de prendre les mesures adéquates37. Le juge peut notamment interdire à l'auteur des violences d'accéder au domicile de la victime, d'entrer en contact avec elle et de la rencontrer. Ces mesures sont de durée limitée. Si la victime et l'auteur font ménage commun, la victime peut demander l'octroi de l'usage exclusif de la demeure commune. La durée de cette mesure est limitée si la victime est co-titulaire du droit garantissant l'usage du logement. Si l'auteur en est seul titulaire, le délai est en principe de six mois au plus. Une telle prétention est cependant exclue dans trois cas: si de nouvelles violences ne sont pas prévisibles et pour autant que la poursuite de la vie commune soit supportable pour la victime, si la victime n'a pas demandé par écrit l'attribution du logement dans les trois mois qui suivent l'atteinte ou si cela causerait un préjudice particulièrement important à l'auteur. Le non-respect de ces mesures est sanctionné par une peine privative de liberté d'un an au plus ou par une amende.

Le Parlement autrichien a adopté en 1996 une réglementation ayant pour but de lutter contre la violence au sein de la famille38. Elle prévoit différentes mesures à cet effet: des mesures de police et des mesures de droit civil. En cas d'atteintes graves à la vie, à la santé ou à la liberté, les mesures de police permettent d'expulser l'auteur du domicile commun et de lui en interdire l'accès pour une durée de dix jours, prolongeable de dix jours supplémentaires si des mesures provisionnelles de droit civil ont été demandées. Si l'auteur enfreint cette interdiction, il est passible d'une amende ou d'une peine privative de liberté de deux semaines au plus. Les victimes sont informées de leurs droits et conseillées. Par le dépôt d'une requête de mesures provisionnelles, la victime peut requérir le juge de confirmer les mesures policières et de les compléter. Le juge peut notamment interdire à l'auteur d'accéder aux endroits fréquentés par la victime et de prendre contact avec elle. Ces mesures sont limitées à trois mois ou s'appliquent jusqu'à la fin de la procédure de divorce.

En Belgique, une loi a été adoptée en 1997 afin de
combattre la violence au sein du couple39. Sur le plan pénal, les violences commises dans le couple par le partenaire sont une circonstance aggravante des lésions corporelles. L'auteur des violences peut être arrêté immédiatement pour une durée de 24 heures, laissant ainsi le temps à la victime de s'adresser au juge de paix pour obtenir qu'il interdise provisoirement le retour du partenaire violent au domicile. Enfin, la loi organise la possibilité pour les organismes dont l'objet statutaire est d'apporter de l'aide aux victimes de violences conjugales et d'effectuer des missions de prévention et d'information auprès du public d'ester en justice à la place de la victime, moyennant son autorisation, dans les procès pour violence conjugale.

37

38

39

Voir la loi du 11 décembre 2001 sur l'amélioration de la protection juridique en cas de violences et sur l'attribution facilitée du domicile conjugal en cas de séparation (Gesetz zur Verbesserung des zivilgerichtlichen Schutzes bei Gewalttaten und Nachtstellungen sowie zur Erleichterung der Überlassung der Ehewohnung bei Trennung).

Voir la loi fédérale du 30 décembre 1996 sur la protection contre la violence dans la famille ainsi que les modifications du 13 août 1999 (Bundesgesetz zum Schutz vor Gewalt in der Familie).

Voir la loi du 24 novembre 1997 visant à combattre la violence au sein du couple.

6446

En France, une modification du Code civil entrée en vigueur le 1er janvier 2005 prévoit une protection particulière du conjoint victime de violences conjugales.

Selon le nouvel art. 220-1, lorsque les violences exercées par l'un des époux mettent en danger son conjoint ou un enfant, le juge peut statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal.

Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences. Les mesures prises sont toutefois caduques si, à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de leur prononcé, aucune requête en divorce ou en séparation de corps n'a été déposée. Sur le plan pénal, des travaux législatifs sont en cours qui visent notamment à permettre au juge d'interdire à l'auteur de violences au sein du couple, dans le cadre des mesures de contrôle judiciaire ou de sursis avec mise à l'épreuve, de résider au domicile commun40.

En Italie, une loi prévoyant des mesures pour lutter contre la violence domestique a été adoptée en 200141. Ces mesures sont notamment l'éviction de l'auteur violent du domicile, l'interdiction de s'approcher des lieux fréquentés habituellement par la victime et l'obligation de subvenir durant cette période au besoin de la famille. Ces mesures sont applicables aussi bien dans le cadre pénal que civil. Les mesures de droit civil peuvent être prises dans l'urgence et ne requièrent pas le dépôt d'une plainte, ce qui permet d'éviter un procès pénal. Si l'auteur ne respecte pas l'ordre du juge, il peut être contraint par la force publique.

4

Consultation

4.1

Avant-projet mis en consultation

L'avant-projet mis en consultation prévoyait l'introduction dans le CC d'un nouvel art. 28b qui visait à protéger la victime de violence domestique. Selon cette disposition, toute personne qui subissait une atteinte illicite à sa personnalité du fait d'une agression physique ou de la menace d'une telle agression par une personne avec qui elle faisait ou avait fait ménage commun pouvait requérir le juge de prendre toute mesure nécessaire à sa protection. Cet article trouvait application en cas de violence physique, à l'exclusion de la violence psychique. Sur sa base, le juge pouvait condamner l'auteur à quitter le logement et son environnement immédiat, lui interdire d'y retourner ainsi que d'y pénétrer, ce qui offrait à la victime une alternative à la fuite hors du logement. Le juge pouvait en outre prendre des mesures préventives telles qu'interdire à l'auteur d'approcher la victime, de prendre contact avec elle ou de se rendre dans certains lieux. Les mesures étaient limitées dans le temps.

40 41

Rapport n° 228 (2004­2005) à l'intention du Sénat relatif à la proposition de loi tendant à lutter contre les violences à l'égard des femmes.

Voir la loi du 4 avril 2001, n° 154, Mesures contre la violence dans les relations familiales (Misure contro la violenza nelle relazioni familiari).

6447

4.2

Résultats de la procédure de consultation

Les 26 cantons, 6 partis politiques ainsi que 28 organisations ont participé à la consultation, auxquels s'ajoutent 18 participants non officiels.42 La majorité des participants a globalement approuvé l'avant-projet qui reflète la volonté de l'Etat de ne plus considérer la violence domestique comme un problème ressortissant à la sphère privée. Les participants ont salué le fait que la disposition protège toutes les personnes qui vivent dans le même ménage, par exemple des personnes âgées ou des enfants, et s'adresse indifféremment aux couples mariés ou aux concubins. Ont également été salués le fait que les victimes puissent saisir le juge même lorsque le ménage commun a pris fin et le fait que les mesures de protection que peut ordonner le juge ne soient pas exhaustivement énumérées. Parmi les participants officiels à la procédure de consultation, seule l'Union démocratique du centre a formellement rejeté le projet, au motif que le droit actuel assure une protection suffisante contre la violence domestique.

Les participants ont toutefois remis en question le fait que la réglementation ne protège les victimes de violence domestique que dans le cas d'agressions physiques à l'exclusion des violences psychiques. Ils ont de surcroît jugé trop restrictif le fait que la victime doive faire ou avoir fait ménage commun avec l'auteur pour que s'applique la nouvelle réglementation. Certaines réserves ont également été émises notamment en ce qui concerne l'obligation faite aux cantons d'instituer des centres d'information et de consultation en matière de protection contre la violence domestique. Si la nécessité de mettre sur pied de tels centres n'a pas été contestée, le report intégral des coûts sur les cantons a par contre été désapprouvé. Enfin, de nombreuses remarques de détails ont été formulées.

4.3

Modifications par rapport à l'avant-projet soumis à consultation

L'avant-projet prévoyait que le nouvel art. 28b CC ne s'appliquerait que si l'auteur et la victime de violence font ou ont fait ménage commun. Le projet abandonne cette restriction. Il règle de manière générale les mesures dont le juge peut être requis pour protéger les personnes concernées en cas d'atteintes à la personnalité (art. 28 CC) du fait d'actes de violence, de menaces ou de harcèlement. La disposition s'applique ainsi également aux cas où l'auteur et la victime ne vivent pas ou n'ont pas vécu en ménage commun.

L'atteinte illicite à la personnalité n'est de même plus limitée aux agressions physiques et aux menaces de telles agressions mais comprend tout acte de violence, toute menace ou tout harcèlement. En particulier, les cas de poursuite et de harcèlement obsessionnels envers une personne («stalking» en anglais) sont dorénavant inclus.

Ces deux modifications permettent de répondre aux principales critiques des participants à la procédure de consultation. Par ailleurs, le projet a été remanié de sorte à ce que la nouvelle réglementation soit mieux intégrée dans le chapitre «Protection de la personnalité» (art. 27 ss CC) et à éliminer les doublons en relation avec les mesures 42

Le rapport sur les résultats de la procédure de consultation peut être consulté sur le site Internet de l'Office fédéral de la justice (www.ofj.admin.ch/f/index.html) ­ Législation ­ Violence domestique.

6448

provisionnelles. De plus, la limite temporelle de 2 ans pour ce qui est de l'expulsion du logement commun a été abandonnée et la possibilité est donnée au juge de fixer une indemnité appropriée pour l'utilisation exclusive du logement ou d'attribuer les droits et les obligations qui résultent du contrat de bail à la victime, avec l'accord du bailleur.

Enfin, les cantons ont l'obligation nouvelle de désigner une autorité pouvant décider de l'expulsion immédiate d'une personne du logement commun en cas de crise.

5

Commentaire

5.1

Art. 28a CC (Modification du titre marginal)

L'art. 28a CC comprend uniquement un titre marginal additionnel (a. En général).

Cette disposition prévoit de manière générale les mesures que le demandeur peut requérir en cas d'atteinte illicite à la personnalité au sens de l'art. 28 CC.

5.2

Art. 28b CC

5.2.1

En général

Le nouvel art. 28b CC est lié du point de vue systématique à l'art. 28a CC. Le titre marginal poursuit la numérotation commencée à l'art. 28a CC (b. Violence, menaces ou harcèlement). Il se rapporte ainsi directement à l'art. 28 CC. Les mesures prévues peuvent être ordonnées en cas d'atteinte illicite à la personnalité provenant d'actes de violence, de menaces ou de harcèlement. Les principes développés par la doctrine et la pratique en matière de protection de la personnalité valent ainsi également pour le nouvel art. 28b CC.

5.2.2

Condition d'application (art. 28b, al. 1, phr. introductive, CC)

La phrase introductive de l'art. 28b, al. 1, CC énonce l'état de fait à la base de l'atteinte à la personnalité qui conduit à l'application des mesures prévues par cette disposition. Il s'agit de violence, menaces ou harcèlement.

5.2.2.1

Violence

On entend par violence l'atteinte directe à l'intégrité physique, psychique, sexuelle ou sociale d'une personne. Le terme «violence domestique», utilisé dans l'avantprojet soumis à consultation, est plus étroit car il ne vise à englober que la violence «à l'intérieur d'une relation familiale ou partenariale existante ou dissoute»43. Même si la notion de violence du présent projet ne comporte plus de restriction, l'atteinte 43

Traduit de Kranich Schneiter Cornelia/Eggenberger Marlene/Lindauer Ursula, Gemeinsam gegen häusliche Gewalt ­ Eine Bestandesaufnahme im Kanton Zürich, Zürich 2004, p. 23.

6449

doit présenter un certain degré d'intensité. Tout comportement socialement incorrect n'est pas constitutif d'une atteinte à la personnalité44.

5.2.2.2

Menaces

Les menaces se rapportent à des situations où des atteintes illicites à la personnalité sont à prévoir. Dans ce cas également, il doit s'agir d'une menace sérieuse qui fasse craindre la victime pour son intégrité physique, psychique, sexuelle ou sociale, ou du moins pour celle de personnes qui lui sont proches (de ses enfants par ex.) et non pas d'une menace anodine.

5.2.2.3

Harcèlement

Cette condition d'application se réfère à la poursuite et au harcèlement obsessionnels d'une personne sur une longue durée, indépendamment du fait qu'il existe une relation entre l'auteur et la victime. Les caractéristiques typiques du harcèlement sont l'espionnage, la recherche de la proximité physique et tout ce qui y est lié, à savoir la poursuite et la traque ainsi que le dérangement et la menace d'une personne. Ces événements doivent engendrer chez la personne une grande peur et survenir de manière répétée.45

5.2.3

Légitimation

La légitimation active n'appartient qu'à la personne atteinte dans sa personnalité (personne victime de violences, menacée, harcelée). Il a été parfois proposé lors de la procédure de consultation d'accorder la légitimation active aux proches de la victime.46 Cette proposition n'a pas été suivie. La personne lésée peut très bien avoir de bonnes raisons de ne pas vouloir introduire une action civile contre l'auteur. Il n'est pas envisageable, et précisément dans le domaine de la protection de la personnalité de l'individu, qu'un tiers puisse contredire les intentions de la victime.

La légitimation passive appartient à la personne qui a commis l'atteinte, c'est-à-dire à l'auteur de l'acte et toutes les personnes qui y ont participé de quelque manière que ce soit, ce qui inclut les complices47.

44 45

46 47

Commentaire bâlois/Meili Andreas, Bâle 2002, 2e éd., ad art. 28 CC n° 38.

ATF 129 IV 262 cons. 2.3; Köblmann Rebecca, Stalking, Monatsschrift für Kriminologie und Strafrechtsreform 85/2002, p. 25; Dressing Harald/Gass Peter, Stalking ­ vom Psychoterror zum Mord, der Nervenarzt 2002, p. 1112.

Voir sur la légitimitation active: Commentaire bâlois/Meili Andreas, op. cit., ad art. 28 CC n° 32; ATF 95 II 537.

Commentaire bâlois/Meili Andreas, op. cit., ad art. 28 CC n° 37; ATF 95 II 537.

6450

5.2.4

Mesures protectrices (art. 28b, al. 1, ch. 1 à 3, CC)

L'art. 28b, al. 1, ch. 1 à 3, CC concrétise les mesures dont le demandeur peut requérir le juge en cas de violence, de menaces ou de harcèlement. L'expression «en particulier» (al. 1, phr. introductive) indique que la liste n'est pas exhaustive.

Plusieurs types d'interdictions qui peuvent être requises sont énumérés à titre d'exemple, notamment l'interdiction d'approcher (al. 1, ch. 1), de fréquenter certains lieux, notamment des rues, des places ou des quartiers déterminés (al. 1, ch. 2), ainsi que l'interdiction de prendre contact, notamment par téléphone, par écrit ou par voie électronique (al. 1, ch. 3). Mais d'autres types de dérangements peuvent aussi être interdits. Cela peut comprendre des dérangements directs aussi bien qu'indirects. Un dérangement indirect consistera par exemple pour l'auteur à utiliser un tiers pour harceler la victime.

Lorsqu'il prend des mesures pour protéger la victime, le juge doit respecter le principe fondamental de la proportionnalité (voir art. 5, al. 2, et 36, al. 3, de la Constitution (Cst.)48) car ces mesures peuvent aussi empiéter sur les droits fondamentaux des auteurs. Cela vaut en particulier pour leur durée. Le nouvel art. 28b CC, à l'instar du droit actuel, ne prévoit pas de limite temporelle aux mesures. Une limitation ne serait pas adéquate dans de nombreux cas (par ex., en cas de dérangement ou de harcèlement par téléphone). Le juge décide du caractère limité ou illimité dans le temps de la mesure selon son pouvoir discrétionnaire.

Le juge prend la mesure qui est suffisamment efficace pour la victime et la moins incisive pour l'auteur de l'atteinte. L'auteur peut faire valoir qu'afin de sauvegarder des intérêts légitimes l'interruption des contacts avec la victime n'est pas adaptée, notamment en raison de l'exercice du droit de visite à l'égard des enfants (art. 273 ss CC). Le juge pourra prendre la mesure adaptée à chaque cas, car le principe de proportionnalité permet la prise en compte des différents intérêts.

En principe, le juge ordonne le «comportement contraignant» ­ qui peut consister en un ordre ou en une interdiction ­ sous menace de condamnation selon l'art. 292 du Code pénal (CP)49 (insoumission à une décision de l'autorité). Le principe de la légalité nécessite que le destinataire de l'injonction possède une description claire du
comportement prescrit par l'ordre afin qu'il puisse effectivement y adapter sa conduite. Le juge doit rendre l'auteur attentif à la menace de peine de l'art. 292 CP (arrêts ou amende).

5.2.5

Mesures en cas de vie dans le même logement (art. 28b, al. 2 et 3, CC)

5.2.5.1

Expulsion du logement commun (art. 28b, al. 2, CC)

Lorsque le demandeur et le défendeur vivent dans le même logement, le juge peut ordonner l'expulsion du défendeur du logement commun, c'est-à-dire l'astreindre à quitter le logement pendant une durée déterminée et à ne pas y retourner pendant ce temps. Cela offre en particulier aux femmes victimes de violence une alternative à la fuite vers des centres pour femmes en détresse. Le terme «en outre» indique que les 48 49

RS 101 RS 311.0

6451

mesures prévues à l'al. 1 peuvent ­ cela va de soi ­ être cumulées avec l'expulsion prévue à l'al. 2. La loi ne fixe pas de limite temporelle. La durée de l'expulsion est laissée à l'appréciation du juge, qui tiendra compte de l'ensemble des circonstances.

Il peut ainsi être indiqué, en cas de pénurie de logements, de laisser à la victime assez de temps pour chercher un logement de remplacement adéquat, lorsque le logement commun ne peut durablement être laissé à sa disposition.

L'expulsion du logement peut être prononcée lorsque le demandeur vit dans le même logement que l'auteur de l'atteinte. Ce sont certes en général des couples mariés ou des concubins hétérosexuels ou homosexuels et, lorsque la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe sera entrée en vigueur50, des partenaires enregistrés, qui vivent dans un logement commun. La nouvelle disposition ne doit cependant pas viser uniquement à résoudre les problèmes dans ce type de relations. Par exemple, le fait qu'une mère vive avec sa fille, et le cas échéant avec sa famille, doit également être pris en compte. Il est de même possible que plusieurs personnes partagent un logement sans constituer à proprement parler de ménage commun. On peut ainsi penser à des étudiants qui louent ensemble un logement et occupent chacun une chambre. Le fait de vivre dans le même logement ne se limite donc pas seulement à un couple mais inclut aussi d'autres communautés de logement. Des structures d'accueil telles que des foyers, des hospices ou des maisons de retraite restent cependant exclues.

La victime pourra se prévaloir de l'art. 28b, al. 2, CC et requérir l'expulsion de l'auteur de ce logement, même si dans un premier temps elle a fui le logement commun pour se protéger, en allant par exemple dans un centre pour femmes en détresse. L'acte constitutif de l'atteinte ne doit par ailleurs pas nécessairement avoir été effectué dans le logement commun pour que l'auteur puisse en être expulsé.

La reprise (à titre d'essai) de la vie commune n'implique pas l'annulation de l'expulsion ordonnée par le juge. La victime peut bien au contraire s'en prévaloir jusqu'à ce que la durée fixée pour la mesure soit écoulée. Une application par analogie de l'art. 179, al. 2, CC n'est pas indiquée car la durée de la mesure est limitée.

La durée
de l'expulsion fixée par le juge peut être prolongée une fois pour de justes motifs. Peut constituer un juste motif le fait que la victime qui s'est vu attribuer le logement de l'auteur à titre exclusif pour une durée déterminée n'a pas trouvé de nouveau logement malgré des recherches intensives (en cas de pénurie de logements par ex.). L'ensemble des circonstances du cas particulier doivent être prises en compte.

5.2.5.2

Protection des enfants et des personnes âgées

La réglementation de l'art. 28b, al. 2, CC a pour fondement une revendication du mouvement féministe: «Qui bat s'en va» («Wer schlägt, der geht»). Il est fait référence en premier lieu à la vie en couple. Mais l'époux, le concubin et à l'avenir le partenaire enregistré51 victime de violence ne sont pas les seuls à pouvoir agir. Toute personne «qui subit une atteinte illicite à sa personnalité» (art. 28, al. 1, phr. introductive, CC) peut agir, donc également les enfants et les personnes âgées vivant 50 51

La loi a été acceptée en votation populaire le 5 juin 2005 (Loi sur le partenariat, LPart; FF 2004 2935 ss).

Voir note de bas de p. n° 50.

6452

dans le logement commun. Mais cette réglementation prise isolément n'est généralement d'aucun secours pour les enfants ou les personnes âgées maltraités ou négligés. Le juge compétent en matière de protection de la personnalité peut tenir compte de cette situation et n'ordonner des mesures spécifiques pour la protection contre la violence dans le logement commun que dans la mesure où elles sont proportionnées, c'est-à-dire adéquates, nécessaires et adaptées au cas concret. Du reste, les dispositions sur la protection des enfants et des adultes ont la priorité sur l'art. 28b CC en tant que leges speciales. Le CC règle déjà la protection des enfants de manière détaillée et les organes de la tutelle sont chargés de son application. La protection de l'enfant englobe d'une part les dispositions du droit de l'enfant en relation avec la limitation de l'autorité parentale (art. 307­315b CC) et d'autre part les dispositions sur la tutelle des mineurs (art. 368, 405 s., 407 ss CC). La protection de l'enfant est encore renforcée par les dispositions relatives à la surveillance des enfants placés chez des parents nourriciers (art. 316 CC; Ordonnance sur le placement des enfants à des fins d'entretien et en vue d'adoption52) et à la protection de la jeunesse (art. 317 CC). Pour les personnes majeures qui, en raison d'un état de faiblesse, ne sont pas en mesure de faire valoir leurs intérêts activement, les mesures du droit de la tutelle (art. 360 ss CC) entrent en jeu.

Dans chaque cas, les circonstances explicitées avec précision et la pesée des intérêts qui s'y rapporte doivent montrer quelle mesure est la plus adéquate pour mettre fin à la situation litigieuse. En comparaison aux mesures de protection de l'enfant, les décisions du juge en matière de protection de la personnalité ont l'avantage de ne pas s'éteindre avec la majorité.

5.2.5.3

Recours à la violence par des mineurs

Il convient de ne pas exclure les cas de violence commise par des mineurs envers leurs parents ou envers d'autres personnes qui sont juridiquement chargées de les élever. Dans ces cas, les mesures de protection de l'art. 28b CC ne peuvent être appliquées que si les efforts entrepris dans le cadre de la protection de la jeunesse (voir art. 145, al. 2, CC) ou si les mesures basées sur l'exercice de l'autorité parentale ­ notamment le placement de l'enfant hors du foyer en vertu du droit des parents de déterminer le domicile des enfants ­ ne sont pas appropriées ou suffisantes pour prévenir d'autres atteintes.

5.2.5.4

Indemnité pour l'utilisation exclusive du logement; transfert du contrat de bail (art. 28b, al. 3, CC)

L'art. 28b, al. 3, ch. 1, CC stipule que le juge peut fixer une indemnité appropriée pour l'utilisation exclusive du logement commun lorsque les circonstances le justifient. Cette mesure peut par exemple entrer en ligne de compte s'agissant d'un logement détenu à titre de propriété lorsque l'expulsion n'est pas de courte durée, obligeant la personne expulsée à trouver une nouvelle demeure sur le long terme et à supporter les frais qui y sont liés. Cependant, si la victime et l'auteur sont mariés, l'obligation d'entretien des époux prime (art. 163 CC). S'agissant des concubins, 52

RS 211.222.338

6453

l'obligation d'entretien des enfants communs (art. 276 ss CC) qui restent dans le logement est à prendre en compte.

Si l'auteur est locataire du logement et s'il doit le quitter pour une longue période, le risque qu'il résilie le contrat de bail existe. Pour éviter de telles situations, l'art. 28b, al. 3, ch. 2, CC s'inspirant de l'art. 121, al. 1, CC, donne la possibilité au juge d'attribuer les droits et obligations résultant du contrat de bail à la victime au lieu de prononcer une expulsion pour une durée plus longue. La situation peut ainsi être réglée de manière définitive, en particulier dans l'intérêt d'éventuels enfants du couple. La mesure peut également être prise lorsque le logement est loué conjointement. L'accord du bailleur est cependant toujours nécessaire.

5.2.5.5

Droit à une autorisation de séjour durant la période d'éloignement de l'auteur

La commission s'est penchée sur le statut des victimes migrantes. Aux yeux de la majorité de la commission, il y a lieu de régler cette question dans le cadre de la révision en cours du droit des étrangers53. Le texte actuellement discuté54 prévoit, pour le conjoint et les enfants d'un ressortissant suisse ou d'un titulaire d'une autorisation d'établissement, que le droit à une autorisation de séjour en cas de dissolution de la famille subsiste lorsque le conjoint est victime de violence conjugale. La majorité relève par ailleurs qu'une disposition relative au séjour de personnes étrangères n'a pas sa place dans le CC et qu'il n'appartient pas au juge civil de rendre des décisions sur le séjour des personnes étrangères.

Une minorité de la commission souhaite inscrire dans le CC le droit pour la victime étrangère de violence, menaces ou harcèlement, lorsque son statut légal dépend de celui de son conjoint, de se voir accorder une autorisation de séjour au moins pendant la période d'éloignement du conjoint (art. 28b, al. 3bis, CC). La minorité entend s'assurer que les victimes migrantes bénéficient toutes de la même protection quel que soit le type d'autorisation dont elles bénéficient. Il importe aux yeux de la minorité de protéger les migrants qui perdraient leur autorisation de séjour si l'auteur était expulsé du logement commun et pour lesquels la protection offerte par le nouvel art. 28b CC serait alors inefficace.

5.2.6

Service d'intervention en cas de crise (art. 28b, al. 4, CC)

Le juge compétent en matière de protection de la personnalité peut ordonner des mesures provisionnelles en vertu de l'art. 28c CC en cas d'atteinte à la personnalité.

Dans les cas particulièrement urgents, des mesures superprovisionnelles peuvent être ordonnées sans même entendre la partie adverse (art. 28d, al. 2, CC). Dans les deux cas, un certain temps s'écoule jusqu'à la décision du juge. Il peut cependant être nécessaire d'agir immédiatement en cas de crise. Par conséquent, certains cantons ont pris des mesures pour faire face aux cas particuliers de la violence domestique 53 54

Voir Message du Conseil fédéral concernant la loi sur les étrangers du 8 mars 2002, FF 2002 3469 ss.

Voir décision du Conseil des Etats du 17 mars 2005, BO 2005 E 310.

6454

en donnant la compétence à la police de décider de l'expulsion immédiate pour une durée déterminée55.

L'art. 28b, al. 4, CC charge les cantons de désigner un service qui peut prononcer l'expulsion immédiate du logement commun en cas de crise («mesures supersuperprovisionnelles» en matière de protection de la personnalité). Le service, dans des cas sérieux et indépendamment du moment où la crise éclate, c'est-à-dire sans égard aux heures d'ouverture des bureaux ou aux jours ouvrables ou fériés, doit pouvoir être appelé à intervenir sur place, juger la situation et prendre les mesures prévues par la loi. On se réfère en premier lieu à la police. Mais les cantons sont libres de désigner un autre service pour accomplir cette tâche.

Le droit fédéral ne fait que définir le but. Les cantons sont compétents pour régler les détails de la procédure. La durée maximale de l'expulsion que le service peut ordonner doit en particulier être fixée. Il faut également décider si l'approbation de l'expulsion par une autorité judiciaire est obligatoire ou n'intervient que sur demande de la personne expulsée. La compétence d'expulser doit également comprendre la faculté d'exiger de la personne expulsée toutes les clés du logement commun, de sorte à ce qu'elle ne puisse plus y retourner durant la durée de l'expulsion. La réglementation doit également traiter de l'obligation d'information juridique du service qui intervient et de son étendue, déterminant ainsi dans quelle mesure elle devrait orienter la victime et l'auteur des violences vers un centre de consultation. La victime devrait être rendue attentive au fait que les mesures d'expulsion prennent fin à l'expiration de la durée fixée par le service d'intervention et qu'elle doit saisir le tribunal dans ce délai sur la base de l'art. 28b, al. 2, CC pour que les mesures d'expulsion puissent être prolongées ou que d'autres mesures soient prononcées sur la base de l'art. 28b, al. 1, CC. Ce n'est que si le juge est saisi que la possibilité est donnée de remplacer la mesure (policière) prévue pour quelques jours par des mesures superprovisionnelles au sens de l'art. 28d, al. 2, CC ou par des mesures provisionnelles au sens de l'art. 28c CC, qui restent valables jusqu'au prononcé de la décision en procédure ordinaire.

5.2.7

Aménagement de la procédure

La commission a examiné s'il était nécessaire d'aménager spécialement la procédure pour les actions intentées sur la base de l'art. 28b CC, plus précisément s'il convenait de prévoir une procédure simple, rapide et gratuite. La majorité de la commission est d'avis que la possibilité offerte par l'assistance judiciaire gratuite est suffisante et qu'il ne saurait être question de prévoir la gratuité dans le cadre de l'art. 28b CC alors que la procédure en mesures protectrices de l'union conjugale notamment ne l'est pas. S'agissant de la possibilité de disposer que la procédure doit être simple et rapide, la majorité relève que le projet va plus loin: il prévoit, à l'art. 28b, al. 4, CC, l'intervention d'un service qui peut prononcer l'expulsion immédiate du logement commun en cas de crise, laquelle mesure pourra être remplacée par des mesures superprovisionnelles qui peuvent être rendues sans audition de l'auteur (art. 28d CC) et, enfin, par des mesures provisionnelles (art. 28c CC).

55

Voir ci-dessus ch. 2.2.2.

6455

Pour une minorité de la commission en revanche, il se justifie de prévoir expréssement une procédure simple, rapide et gratuite (art. 28b, al. 4bis, CC). En proposant la gratuité de la procédure, la minorité entend supprimer au mieux les obstacles que pourraient rencontrer les victimes désireuses de requérir des mesures de protection.

La minorité relève que, quand bien même l'assistance judiciaire peut venir à l'aide de certaines victimes, toutes ne remplissent pas les conditions pour l'obtenir sans pour autant pouvoir assumer les frais d'une procédure judiciaire. La minorité souhaite de surcroît s'assurer que toutes les mesures que le juge peut ordonner, par exemple l'attribution du logement loué, soient prises au cours d'une procédure simple et rapide.

5.2.8

Centres de consultation (art. 28b, al. 5, CC)

Les cantons veillent à ce que les victimes et les auteurs puissent s'adresser à des centres de consultation (al. 5). Les centres de consultation ont pout tâche de prévenir la récidive des agresseurs. Ils n'interviennent pas avec les outils du droit civil ou à l'aide de moyens policiers.

La formulation de l'al. 5 s'inspire de l'art. 171 CC concernant les offices de consultation conjugale. L'expression «veillent à» signifie que les cantons ont une liberté d'organisation relativement grande dans l'accomplissent de leur mandat. S'il y a suffisamment de services privés ou publics dans un canton, de nouveaux services ne doivent pas être créés. Le conseil aux victimes de violence, de menaces ou de harcèlement peut être attribué aux centres d'aide aux victimes du canton qui pourront agir indépendamment de l'existence d'un acte pénalement punissable, alors que les services de probation pourront exercer l'activité de conseil correspondante vis-à-vis des auteurs de violence.56

5.3

Mesures provisionnelles, superprovisionnelles en particulier (art. 28d, al. 2 et 3, CC)

Le prononcé de mesures provisionnelles est soumis aux conditions de l'art. 28c CC.

Lorsque le danger est grave, la décision peut être superprovisionnelle, c'est-à-dire qu'elle peut être rendue sans audition préalable de la partie adverse (art. 28d, al. 2, 1re phr., CC). La clause d'exclusion, qui n'est appliquée qu'avec retenue par la pratique et selon laquelle les mesures superprovisionnelles sont exclues lorsque le demandeur a visiblement tardé à faire sa demande, ne doit par contre pas s'appliquer aux cas de violence, de menaces ou de harcèlement (art. 28d, al. 2, 2e phr., nouvelle, CC). L'obligation de fournir des sûretés au sens de l'art. 28d, al. 3, CC lorsqu'une mesure provisionnelle peut causer un dommage à la partie adverse ne doit pas non plus être applicable dans ce contexte (art. 28d, al. 3, 2e phr., nouvelle, CC).

56

Voir sur l'ensemble de la problématique: Wyss Eva, Gegen häusliche Gewalt ­ Interventionsprojekte in den Kantonen St. Gallen und Appenzell Ausserrhoden: Erste Erfahrungen mit der Umsetzung der polizeilichen Wegweisung ­ Evaluation, p. 24 ss, Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes.

6456

5.4

Art. 172, al. 3, 2e phr., CC

Cette disposition élargit les compétences du juge de la protection de l'union conjugale en l'autorisant à ordonner les mesures de protection de la personnalité en cas de violence, de menaces ou de harcèlement dans une procédure de protection de l'union conjugale. Une réglementation exhaustive des relations est ainsi garantie, eu égard en particulier à l'art. 176 CC.

Les dispositions de la protection de la personnalité ne s'appliquent que par analogie.

La possibilité donnée au juge de la protection de l'union conjugale d'attribuer le logement commun à un époux sans limitation temporelle (art. 176 CC) est en particulier à prendre en compte.

Les mesures de protection de la personnalité en cas de violence, de menaces ou de harcèlement sont par ailleurs également applicables en tant que mesures provisionnelles dans une procédure de divorce (voir art. 137, al. 2, 2e phr., CC).

6

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

6.1

Confédération

Pour la Confédération, le projet n'a aucune incidence financière ou effet sur l'état du personnel.

6.2

Cantons

La révision touchera en premier lieu les organes judiciaires et par là les cantons qui devront faire face à des charges supplémentaires. L'augmentation des demandes adressées aux tribunaux civils est difficile à évaluer mais elle devrait rester limitée car le projet clarifie des moyens légaux déjà existants à travers une réglementation spécifique relative à la protection contre la violence, les menaces ou le harcèlement.

Selon l'art. 28b, al. 5, CC, les cantons doivent instituer des centres de consultation en relation avec la protection de la personnalité contre la violence, les menaces ou le harcèlement. Ils peuvent également instituer des centres en commun ou confier les tâches d'information et de consultation à des centres déjà existants. Les besoins en personnel et les ressources financières nécessaires sont difficiles à chiffrer. Ils dépendront de la demande en matière d'information et de conseil. Il conviendra en outre de déterminer si les centres existants peuvent augmenter leurs capacités et si leur personnel dispose de suffisamment de connaissances en matière de violence (domestique), de menaces ou de harcèlement afin de se charger des nouvelles tâches.

6457

7

Relation avec le droit européen

La réglementation proposée est compatible avec la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales57 et en particulier avec son art. 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) car les principes de la légalité et de la proportionnalité sont respectés.

8

Constitutionnalité

La compétence de la Confédération pour édicter des dispositions en matière de droit civil se fonde sur l'art. 122, al. 1, Cst. Selon la méthode typologique, défendue par le Conseil fédéral et l'Office fédéral de la justice, une réglementation relève de la compétence en matière de droit civil prévue à l'art. 122, al. 1, Cst. lorsqu'on la rattache traditionnellement au domaine du droit civil, qu'elle poursuit typiquement des buts de droit civil et qu'elle est nécessaire à la protection de la personnalité58.

Cela vaut autant pour la règle enjoignant aux cantons de désigner un service d'intervention en cas de crise habilité à ordonner l'expulsion immédiate de l'auteur (art. 28b, al. 4, CC) que pour celle qui leur enjoint de mettre sur pied des centres de consultation (art. 28b, al. 5, CC). Le service d'intervention en cas de crise prévu à l'art. 28b, al. 4, CC, grâce aux compétences qui lui sont attribuées, sert la protection de la personnalité de la victime, alors que tant la personnalité des éventuelles victimes que celle des auteurs est protégée par l'institution de centres de consultation pour victimes et auteurs. Ces deux injonctions constituent donc des mesures nécessaires pour concrétiser la protection de la personnalité prévue aux art. 28 ss CC. Ces injonctions n'entravent par ailleurs pas l'autonomie d'organisation des cantons.

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RS 0.101 Avis de droit de l'OFJ du 16 juin 1999, JAAC 63.83, p. 797 ss; Commentaire saint-gallois/Leuenberger Christoph, Zürich 2002, ad art. 122 Cst. n° 5.

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