05.078 Message concernant la révision totale de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI) du 9 novembre 2005

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons un projet de révision totale de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux victimes d'infractions en vous proposant de l'adopter.

Simultanément, nous vous proposons de classer les interventions parlementaires suivantes: 2000

P

00.3064

Loi sur l'aide aux victimes d'infractions (N 14.06.2000, Leuthard)

2002

P

01.3729

Prescription des prétentions selon la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (N 22.03.2002, Jossen-Zinsstag)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

9 novembre 2005

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Samuel Schmid La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2004-0111

6683

Condensé La loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions est en vigueur depuis le 1er janvier 1993. Elle s'appuie sur une disposition constitutionnelle adoptée en 1984 en votation populaire sur la base d'un contre-projet à une initiative.

La loi a fait l'objet de plusieurs évaluations durant les années 1993 à 1998. Les résultats de cette évaluation ont montré que l'aide aux victimes correspond à un véritable besoin et que la loi a dans l'ensemble fait ses preuves. Les dépenses des cantons pour l'aide aux victimes s'élèvent aujourd'hui à environ 30 millions de francs par année.

L'évaluation a également montré la nécessité de réviser la loi: ­

celle-ci pose en effet de nombreux problèmes d'interprétation;

­

certains points sont réglés de manière lacunaire ou incohérente;

­

des questions importantes ne sont inscrites qu'au niveau de l'ordonnance d'application, alors qu'elles devraient figurer dans la loi;

­

les cantons souhaitent pouvoir mieux maîtriser les coûts résultant du développement pris par la réparation morale, qui était à l'origine conçue comme une prestation subsidiaire, extraordinaire et dont l'octroi s'est généralisé suite à la jurisprudence du Tribunal fédéral;

­

le délai fixé pour le dépôt d'une demande d'indemnisation et de réparation morale est problématique, car trop bref;

­

les différentes prestations de l'aide aux victimes ne sont pas suffisamment délimitées entre elles et se recoupent en partie;

­

en outre, les charges ne sont pas réparties équitablement entre les cantons.

La loi actuelle repose sur les trois piliers que sont les conseils, les prestations financières et la protection particulière de la victime dans la procédure pénale; cette conception est maintenue.

Il est toutefois prévu de transférer ultérieurement, dans le futur code de procédure pénale suisse, le volet consacré aux droits de la victime dans le procès pénal.

Le projet de révision se présente sous la forme d'une révision totale et se caractérise par les éléments suivants: ­

il réaffirme le caractère subsidiaire de l'aide aux victimes, déjà présent dans la loi actuelle;

­

il améliore la structure et la lisibilité de la loi, définit les notions importantes, supprime certaines incohérences et comble les lacunes constatées par la pratique;

­

il maintient le principe du libre choix du centre de consultation;

6684

­

il délimite plus nettement l'aide à plus long terme fournie par les centres de consultation de l'indemnisation, dont les prestations se recouvrent en partie actuellement. L'aide à plus long terme est accordée jusqu'à ce que l'état de santé de la victime soit stationnaire et que les autres conséquences de l'infraction soient dans toute la mesure du possible supprimées ou compensées; l'indemnité couvre quant à elle le dommage subi après que l'état de la victime est devenu stationnaire, y compris le préjudice ménager s'il se traduit par des coûts réels;

­

il privilégie l'aide fournie par l'intermédiaire des centres de consultation par rapport aux autres prestations (cercle des ayants droit plus large pour la prise en charge intégrale des coûts de l'aide à plus long terme fournie par un tiers que pour la couverture intégrale du dommage dans le cadre de l'indemnisation; lors d'une infraction à l'étranger, octroi des prestations des centres de consultation, mais absence d'indemnisation et de réparation morale);

­

il plafonne la réparation morale. Le Conseil fédéral propose de fixer le montant maximum de la réparation morale à 70 000 francs pour la victime directe et à 35 000 francs pour les proches;

­

il supprime tout droit à une indemnisation et à une réparation morale, lors d'une infraction à l'étranger; les victimes et leurs proches domiciliés en Suisse auront en revanche droit aux prestations fournies par les centres de consultation;

­

il prévoit un délai plus long pour le dépôt d'une demande d'indemnisation et de réparation morale; le délai général passe de deux à cinq ans, avec un délai plus étendu pour les mineurs victimes d'infractions graves à l'intégrité physique ou sexuelle;

­

il unifie les conditions auxquelles le montant de l'indemnité et de la réparation morale peut être réduit, selon le comportement de la victime ou du proche et prévoit la possibilité de supprimer les prestations, ce que ne fait pas le droit actuel;

­

il confère au Conseil fédéral la compétence de définir, en l'absence de réglementation intercantonale, les montants qui doivent être versés au canton fournissant les prestations d'aide immédiate et d'aide à plus long terme lorsque le bénéficiaire est domicilié dans un autre canton.

6685

Table des matières Condensé

6684

1 Présentation du projet 1.1 Contexte 1.1.1 Loi de 1991 et révisions de 1997 et 2001 1.1.2 Evaluations et statistique 1.1.3 Résultats de la procédure préliminaire 1.1.3.1 Avant-projet de la commission d'experts 1.1.3.2 Consultation 2003 1.1.3.3 Décision matérielle préalable du Conseil fédéral 1.2 Grandes lignes du projet 1.2.1 Objectifs de la réforme 1.2.2 Concept de réglementation 1.2.3 Points essentiels 1.3 Rapports avec d'autres travaux de révision 1.3.1 Unification du droit de la procédure pénale 1.3.2 Violence domestique 1.3.3 Traite des êtres humains 1.4 Droit comparé 1.4.1 France 1.4.2 Allemagne 1.4.3 Autriche 1.4.4 Italie 1.4.5 Grande-Bretagne 1.4.6 Espagne 1.4.7 Danemark, Finlande et Suède 1.4.8 Relation avec le droit de l'UE 1.5 Mise en oeuvre 1.6 Interventions parlementaires 1.6.1 Interventions concernant la loi sur l'aide aux victimes 1.6.2 Autres interventions

6688 6688 6688 6690 6694 6694 6697 6700 6701 6701 6701 6704 6708 6708 6709 6709 6710 6710 6712 6712 6713 6714 6715 6716 6717 6718 6719 6719 6720

2 Commentaire 2.1 Chapitre 1 Dispositions générales 2.2 Chapitre 2 Aide fournie par les centres de consultation et contributions aux frais 2.2.1 Section 1 Centres de consultation 2.2.2 Section 2 Prestations des centres de consultation 2.2.3 Section 3 Infraction commise à l'étranger 2.2.4 Section 4 Répartition des coûts entre les cantons 2.3 Chapitre 3 Indemnisation et réparation morale par l'Etat 2.3.1 Section 1 Indemnisation 2.3.2 Section 2 Réparation morale 2.3.3 Section 3 Dispositions communes 2.4 Chapitre 4 Exemption des frais de procédure 2.5 Chapitre 5 Prestations financières et tâches de la Confédération

6722 6722

6686

6728 6728 6730 6733 6734 6735 6735 6740 6747 6752 6753

2.6 Chapitre 6 Protection et droits particuliers dans la procédure pénale 2.7 Chapitre 7 Dispositions finales 3 Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.2 Conséquences pour les cantons et les communes 3.3 Conséquences économiques 3.4 Autres conséquences

6755 6756 6757 6757 6758 6758 6759

4 Liens avec le programme de législature et le plan financier

6759

5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 5.2.1 Convention européenne du 24 novembre 1983 relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes 5.2.2 Autres conventions internationales contraignantes pour la Suisse en relation avec l'aide aux victimes d'infractions 5.3 Forme de l'acte à adopter 5.4 Frein aux dépenses 5.5 Conformité à la loi sur les subventions 5.6 Délégation de compétences législatives

6760 6760 6760 6760 6762 6763 6763 6763 6764

Index des abréviations des documents cités

6765

Annexe

6766

Loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (Projet)

6771

6687

Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Loi de 1991 et révisions de 1997 et 2001

Après trois interventions parlementaires déposées dans les années 70, le journal «Der Beobachter» lançait une initiative populaire le 18 septembre 1980 qui demandait que l'Etat se préoccupe du sort des victimes d'infractions pénales1. Le Parlement a décidé, sur proposition du Conseil fédéral, de lui opposer un contre-projet plus large2. L'art. 64ter proposé par le Conseil fédéral a été accepté en votation populaire le 2 décembre 1984 par une grande majorité du peuple et par tous les cantons. Lors de la révision totale de la Constitution fédérale de 1998, le nouvel article a repris dans les grandes lignes la notion de victime définie par la loi, effectuant ainsi une mise à jour du droit constitutionnel3.

La loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI)4 est entrée en vigueur le 1er janvier 1993. Le même jour, la Convention européenne du 24 novembre 1983 relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes entrait également en vigueur pour la Suisse5.

L'actuelle loi sur l'aide aux victimes constitue une réglementation minimum qui fixe des principes. Elle laisse une grande marge de manoeuvre aux cantons dans l'exécution de la loi6. La Conférence suisse des offices de liaison LAVI (CSOLLAVI), qui assure la collaboration au niveau intercantonal, a élaboré en 1998 des recommandations pour l'application dans les cantons de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI)7.

1

2

3 4 5 6 7

Elle était formulée comme suit: «La Confédération fixe par voie législative les conditions auxquelles l'Etat indemnise équitablement les victimes d'infractions intentionnelles contre la vie et l'intégrité corporelle.» Le contre-projet du Parlement était ainsi libellé: «La Confédération et les cantons veillent à ce que les victimes d'infractions contre la vie et l'intégrité corporelle bénéficient d'une aide. Celle-ci inclura une indemnisation équitable lorsqu'en raison de l'infraction, ces victimes connaissent des difficultés matérielles.» Cf. FF 1984 II 836 et message initiative populaire, p. 901 ss.

Art. 124 Cst. Cf. message Constitution, p. 347.

RS 312.5 RS 0.312.5. Cf. message LAVI.p. 909.

Message LAVI, p. 919.

Une version remaniée est parue au début de l'année 2002 (cf. www.opferhilfe-schweiz.ch, sous: dispositions légales et recommandations).

6688

La loi s'articule autour de trois axes: 1.

Conseils (Section 2 LAVI): les cantons veillent à ce que des centres de consultation de caractère privé ou public, autonomes dans leur secteur d'activité, soient à la disposition des victimes (art. 3 LAVI). Ces centres sont chargés de fournir gratuitement à la victime, au besoin en faisant appel à des tiers, une aide médicale, psychologique, sociale, matérielle et juridique, et de donner des informations sur l'aide aux victimes. Les centres de consultation doivent garantir une aide immédiate en tout temps et offrir une aide à plus long terme si cela s'avère nécessaire. La victime peut s'adresser au centre de consultation de son choix.

2.

Protection et droits de la victime dans la procédure pénale (Sections 3 et 3a LAVI): les autorités protègent la personnalité de la victime à tous les stades de la procédure pénale (art. 5 LAVI). La loi renferme pour ce faire toute une série de prescriptions de droit fédéral concernant la procédure pénale cantonale.

3.

Indemnisation et réparation morale (Section 4 LAVI): la victime d'une infraction commise en Suisse peut demander une indemnisation et une réparation morale dans le canton dans lequel l'infraction a été commise (art. 11, al. 1, LAVI). Cela vaut également pour les personnes domiciliées à l'étranger. Les personnes de nationalité suisse domiciliées en Suisse qui ont été victimes d'une infraction pénale à l'étranger peuvent demander une indemnisation et une réparation morale, pour autant qu'elles n'obtiennent pas de prestations suffisantes d'un Etat étranger (art. 11, al. 3, LAVI). Dans les deux cas, la victime ne doit pas avoir de revenus qui dépassent un certain montant (art. 12, al. 1, LAVI). Contrairement à l'indemnisation, la réparation morale est accordée indépendamment des revenus de la victime, lorsque l'atteinte est grave et que des circonstances particulières le justifient (art. 12, al. 2, LAVI). La demande d'indemnisation et de réparation morale doit se faire dans les deux ans à compter de la date de l'infraction, sous peine de péremption (art. 16 LAVI).

La position juridique des proches est assimilée à celle de la victime (art. 2, al. 2, LAVI).

Par ailleurs, la loi prévoit des aides financières de la Confédération à la formation du personnel des centres de consultation et des personnes chargées de l'aide aux victimes. Durant les six années suivant son entrée en vigueur, la loi prévoyait une aide financière de la Confédération aux cantons pour la mise en place du système d'aide.

Des aides financières supplémentaires peuvent être accordées en cas d'événements extraordinaires (art. 18 LAVI).

Depuis 1993, la loi sur l'aide aux victimes a subi deux révisions partielles. La première révision a eu lieu en 19978 en raison de la modification de la loi fédérale du 19 mars 1965 sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (LPC)9. Seuls les art. 12 à 14 ont été modifiés de manière à simplifier le mode de calcul de l'indemnisation.

8 9

RO 1997 2952 ss, 2959; FF 1997 I 1139.

RS 831.30

6689

La seconde modification date du 23 mars 200110 et fait suite à une initiative parlementaire déposée par la conseillère nationale Christine Goll en 199411. L'initiative visait une meilleure protection des enfants victimes de délits sexuels. Les Chambres fédérales lui ont donné suite en introduisant dans la LAVI une nouvelle section 3a «Dispositions particulières concernant la protection de la personnalité des enfants victimes dans la procédure pénale». Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er octobre 2002.

1.1.2

Evaluations et statistique

Durant les six ans qui ont suivi l'entrée en vigueur de la loi sur l'aide aux victimes, les cantons ont reçu des contributions fédérales pour la mise en place du système d'aide aux victimes (art. 18, al. 2, LAVI). Ces aides financières ont atteint 4 à 5 millions de francs par an. En contrepartie, les cantons devaient rendre compte de l'utilisation de ces fonds en adressant tous les deux ans à l'Office fédéral de la justice un rapport sur l'utilisation de l'aide fédérale à l'intention du Conseil fédéral (art. 11 de l'ordonnance du 18 novembre 1992 sur l'aide aux victimes d'infractions, OAVI12). En complément à ces rapports, l'Office fédéral de la justice a confié à des experts indépendants de l'administration l'élaboration d'études complémentaires portant sur des aspects particuliers de l'aide aux victimes13. Sur la base de ces études, l'Office fédéral de la justice a évalué l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes entre 1993 et 1998. Il a publié ses trois rapports d'évaluation adressés au Conseil fédéral en 1996, 1998 et 200014.

10

11 12 13

14

RO 2002 2997; cf. rapport de la commission des affaires juridiques du Conseil national du 23 août 1999, FF 2000 3510 et avis du Conseil fédéral du 20 mars 2000, FF 2000 3531.

Initiative parlementaire 94.441 du 16.12.1994. Exploitation sexuelle des enfants.

Meilleure protection.

RS 312.51 Les thèmes suivants ont été traités: ­ «Le point de vue des victimes sur l'application de la LAVI», Prof. Robert Roth, Yann Boggio, Christophe Kellerhals, Joëlle Mathey, Marc Maugué, Université de Genève, CETEL, Centre d'Etude, de Technique et d'Evaluation Législatives, Faculté de droit, Août 1995 (1re étude CETEL).

­ «La protection de la victime dans la procédure pénale», Prof. Robert Roth et Christophe Kellerhals, David Leroy, Joëlle Mathey, assistants avec la collaboration de Marc Maugué, assistant, Université de Genève, CETEL, Centre d'Etude, de Technique et d'Evaluation Législatives, Faculté de droit, octobre 1997 (2e étude CETEL).

­ «Anfangsinformation und -betreuung von Opfern (Soforthilfe): Das Zusammenspiel von Polizei, Beratungsstellen und weiteren AkteurInnen», 3. Teilevaluation zu Vollzug und Wirksamkeit des Opferhilfegesetzes, lic. phil. I Ursula Fiechter, Dr. rer. soc.

Priska Gisler, lic. phil I Sonja Kundert, lic. phil, I Claudia Riboni, DAB, Das Andere Büro, Sozialforschung ­ Beratung ­ Kommunikation; Zurich, novembre 1999 (étude DAB).

­ «Die Rechtsprechung zum Opferhilfegesetz in den Jahren 1993­1998», Prof. Dr. iur.

Karl-Ludwig Kunz und cand. iur. Philipp Keller, Universität Bern, Institut für Strafrecht und Kriminologie, Berne, décembre 1999 (étude Kunz).

1e, 2e et 3e rapports concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes. Les rapports de l'Office ainsi que les études confiées aux experts externes sont disponibles auprès de la division Projets et méthodes législatifs, Office fédéral de la justice, 3003 Berne, ou sur Internet: www.ofj.admin.ch (sous: services ­ l'aide aux victimes ­ publications).

6690

Dans l'ensemble, les résultats15 ont montré que la loi avait fait ses preuves quant à ses principes et qu'elle a permis une aide efficace. Mais l'évaluation a mis à jour certaines incohérences et révélé que certaines dispositions ne répondaient pas aux besoins de la pratique. Par ailleurs, il est apparu que les dépenses des cantons ne cessaient d'augmenter. La réparation morale, indépendante du revenu, n'était plus limitée aux cas de rigueur, comme le prévoyait le législateur16, mais prenait de plus en plus d'ampleur depuis l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral en 1995 établissant qu'il y avait droit à réparation morale lorsque les conditions posées par l'art. 12, al. 2, LAVI étaient remplies17. En 1998, 10 % des cas seulement avaient fait exclusivement l'objet d'une indemnisation; 64 % des prestations accordées étaient des réparations morales, sans indemnisation simultanée18.

Dans le cadre de la dernière évaluation, les cantons avaient également été invités à se prononcer sur la nécessité de réviser la LAVI. Ils ont estimé à la majorité qu'une révision s'imposait, en soulignant la nécessité de se pencher plus particulièrement sur les points suivants19: ­

améliorer la systématique de la loi et délimiter clairement les différentes offres de prestations;

­

préciser la notion de victime et revoir le champ d'application de la loi (par ex. à propos des victimes de la circulation routière);

­

repenser l'aide aux victimes en relation avec l'étranger;

­

simplifier le calcul des indemnisations et revoir la réparation morale (suppression ou conditions plus strictes, et éventuellement introduction d'un montant maximal);

­

régler l'aide aux victimes en cas de catastrophes;

­

revoir la répartition des coûts de la consultation entre le canton de domicile, le canton qui fournit les prestations et le canton du lieu de l'infraction ainsi que la répartition des charges entre Confédération et cantons;

­

revoir le délai de péremption jugé trop court;

­

revoir certains aspects de procédure pénale;

­

tenir compte de diverses préoccupations (par ex. mettre en place un centre de documentation national en matière de jurisprudence, encourager la médiation entre la victime et l'auteur de l'infraction).

Par le biais de leurs Conférences respectives, les directeurs cantonaux des finances, de la justice et de la police, ainsi que des affaires sociales ont également fait part aux autorités fédérales de la nécessité de réviser certains points de la loi.

Sur la base de ces résultats, l'Office fédéral de la justice a décidé, dans son 3e rapport d'évaluation au Conseil fédéral de mai 2000, de soumettre la loi à une révision globale. Peu après, le Département fédéral de justice et police a mis sur pied une commission d'experts et l'a chargée des travaux préparatoires (voir ch. 1.3.1).

15 16 17 18 19

3e rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes, ch. 13.

Cf. FF 1990 II 939 ATF 121 II 369 ss, cons. 3 c, p. 373.

3e rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes, ch. 4.4, figure 4D.

3e rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes, ch. 15.1 et 15.2.

6691

Depuis l'année 2000, l'Office fédéral de la statistique établit, en collaboration avec les cantons, la statistique de l'aide aux victimes20. Les données relevées sont analogues à celles qui figurent dans les évaluations portant sur les années 1993 à 1998.

Les chiffres disponibles sont ceux des années 2000 à 2004. Ils confirment les constatations établies dans les évaluations (cf. ch. 1.1.4.1):

20 21 22 23 24 25 26

­

ce sont essentiellement des femmes qui ont eu recours à l'aide aux victimes: près des trois quarts des personnes qui se sont adressées à un centre de consultation et presque deux tiers de celles qui ont bénéficié d'une indemnisation ou d'une réparation morale sont des femmes21. Bon nombre ont été victimes d'une infraction contre l'intégrité sexuelle. Par contre, le nombre des victimes d'une infraction à la circulation routière est peu élevé: il se situe, pour ce qui est des consultations, à quelque 8 % en moyenne nationale22;

­

le nombre des personnes qui se sont adressées à un centre de consultation n'a pas cessé d'augmenter au cours des dernières années. En 1998, elles étaient 11 16523 et presque deux fois plus (20 269) en 2001. Depuis lors, l'augmentation du nombre de cas s'est toutefois nettement ralentie (2002: 22 554 consultations; 2003: 23 948 consultations; 2004: 24 70924 consultations);

­

le nombre de cas dans lesquels une indemnisation a été allouée semble s'être stabilisé entre 150 et 200 cas par année: 169 en 1998 (avec ou sans réparation morale). Selon la statistique de l'aide aux victimes pour les années 2000­2004, entre 164 et 207 indemnités ont été versées25;

­

par contre, le nombre des cas dans lesquels une réparation morale a été accordée a fortement augmenté. En 1998, une réparation morale avait été accordée dans 302 cas. Au cours des années qui ont suivi, les chiffres ont plus que doublé. Néanmoins, on peut observer une stabilisation durant les années 2001 à 2003: un peu plus de 600 réparations morales ont été octroyées chaque année (2001: 658; 2002: 634; 2003: 631 réparations morales)26; pour 2004, le nombre de réparation morale a dépassé le cap des 700 (728);

Statistique de l'aide aux victimes, chiffres-clés; disponible sur Internet: www.bfs.admin.ch (sous: thèmes ­ criminalité, droit pénal ­ victimes 3e rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes, ch. 10. 2 et 11.3 et statistique de l'aide aux victimes.

3e rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes, chap. 12.4 et statistique de l'aide aux victimes.

3e rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes, ch. 10.1.

Statistique de l'aide aux victimes.

3e rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes, ch. 11.4 et statistique del'aide aux victimes, Les chiffres-clés.

3e rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes, ch. 11.5 et statistique de l'aide aux victimes, Les chiffres-clés.

6692

­

les dépenses cantonales ont continué d'augmenter en conséquence, mais ont quelque peu diminué lors des deux dernières années recensées. Les dépenses pour l'indemnisation s'élevaient à un million de francs en 1998 et ont dépassé les trois millions en 2002 et 2003 pour redescendre à un peu plus de deux millions en 2004; tandis que les dépenses pour réparations morales qui étaient encore de 6,5 millions en 1998 atteignaient les 8 millions en 2002 pour redescendre à 7,1 millions de francs en 2003 et un peu moins de 7,1 millions en 200427.

Les dépenses cantonales en matière de consultation n'ont pas été saisies dans la statistique. Parallèlement à la procédure de consultation relative à l'avant-projet de la commission d'experts, l'Office fédéral de la justice a effectué une enquête auprès des cantons dans la perspective des nouvelles contributions proposées par la commission d'experts pour l'aide fournie par les centres de consultation (art. 25 AP).

L'enquête a montré que de 13,6 millions en 1998, les dépenses cantonales en la matière sont passées à 22 millions de francs en 200328.

Année

Consultation, y compris l'infrastructure29

Indemnisation

Réparation morale

Total

1993

3,55

0,10

0,14

3,79

1994

6,19

0,83

0,91

7,93

1995

7,76

1,02

1,75

10,53

1996

9,12

1,79

2,99

13,90

1997

11,17

1,08

3,40

15,65

1998

13,60

1,07

6,45

21,12

1999

16,33

(Pas de données disponibles)

(Pas de données disponibles)

(Pas de données disponibles)

2000

17,97

1,43

6,97

26,37

2001

20,06

1,60

7,97

29,63

2002

22,14

3,49

8,09

33,72

2003

(Pas de données 3,22 disponibles)

7,19

(Pas de données disponibles)

27 28 29

3e rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes, ch. 5.4.4 et statistique sur l'aide aux victimes, Les chiffres-clés.

Cf. chiffres dans l'annexe, tableau 1. Pour 1998 et les années antérieures, cf. 3e rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes, tableau 5B, p. 38.

Il s'agit des dépenses brutes. Durant les années 1993­1996, la Confédération a versé de 3,9 à 5 millions de francs par an aux cantons à titre d'aide initiale.

6693

1.1.3

Résultats de la procédure préliminaire

1.1.3.1

Avant-projet de la commission d'experts

Par décision du 3 juillet 2000, le DFJP a mis sur pied une commission d'experts chargée de réviser la loi sur l'aide aux victimes d'infractions30, présidée par Jean Guinand, professeur de droit et ancien conseiller d'Etat neuchâtelois. La commission avait pour mandat d'élaborer, à partir des propositions recueillies dans les rapports d'évaluation, un projet de révision portant sur l'ensemble de la loi.

La commission s'est penchée en premier lieu sur la position de la victime dans la procédure pénale. Selon la conception à la base du projet de code de procédure pénale, les dispositions fédérales relatives à la procédure pénale cantonale dans la loi sur l'aide aux victimes seront remplacées par des dispositions analogues dans le nouveau code. La commission en a examiné les propositions pertinentes. Elle a rassemblé ses réflexions et ses propositions de modification dans un rapport intermédiaire. Celui-ci a été envoyé en consultation durant l'été 2001, en même temps que l'avant-projet de code de procédure pénale suisse31.

La commission s'est ensuite consacrée à la révision des autres dispositions de la loi sur l'aide aux victimes. Au cours de l'été 2002, elle a remis un avant-projet comportant 33 articles, accompagné d'un rapport explicatif32. Bien que conçu comme

30

31

32

La commission était composée des personnalités suivantes: M. Jean Guinand (président), Neuchâtel, professeur et docteur en droit, conseiller d'Etat et directeur des finances et des affaires sociales du canton de Neuchâtel jusqu'au printemps 2001; Mme Prisca Grossenbacher-Frei (vice-présidente jusqu'en septembre 2001), Berne, licenciée en droit, chef de division à l'Office fédéral de la justice; Mme Monique Cossali Sauvain (vice-présidente dès septembre 2001), Delémont, licenciée en droit, chef de division à l'Office fédéral de la justice; M. Christian Huber, Zurich, docteur en droit, conseiller d'Etat et directeur des finances du canton de Zurich; M. Ernst Zürcher, Berne, licencié en sciences politiques, secrétaire central de la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales, Président de la Conférence suisse des offices de liaison LAVI; M. Kurt Gehring (jusqu'à fin 2001), Schaffhouse, licencié en droit, secrétaire du département de l'Intérieur du canton de Schaffhouse; M. Rudolf Strahm, Berne, assistant social, responsable d'un centre LAVI; Mme Nilgün Serbest (dès août 2000, en remplacement de Mme Sylvie Ricci), Fribourg, co-responsable de Solidarité Femmes et du Centre LAVI pour femmes; Mme Myriam Caranzano-Maître, Cagiallo, docteur en médecine, pédiatre, membre de la commission LAVI du Canton du Tessin, présidente du groupe régional de la Suisse italienne de l'Association Suisse pour la Protection de l'Enfance (ASPE); Mme Christine StirnimannMüller (jusqu'en mai 2001), Berne, avocate; M. Peter Fässler-Weibel, Winterthour, thérapeute familial et conjugal; Mme Eva Weishaupt, Zurich, docteur en droit, responsable du bureau cantonal LAVI, Direction de la justice et de l'intérieur du canton de Zurich; Mme Silvia Tombesi (jusqu'en avril 2001), Genève, substitut du Procureur; Mme Béatrice Despland (jusqu'en avril 2001), Meyrin, licenciée en droit, professeur à l'Ecole d'études sociales et pédagogiques de Lausanne; M. Niklaus Schmid (uniquement pour le traitement des questions de procédure pénale), Zollikerberg, docteur et professeur en droit); M. Peter Gomm, Olten, avocat et notaire; Mme Françoise Dessaux (dès avril 2001), Lausanne, juge d'instruction cantonal substitut; Mme Patrizia Casoni Delcò (dès avril 2001), Cureglia, avocate et juge des mineurs substitut; Mme Edith Brunner (dès janvier
2002), St-Gall, licenciée en droit, greffière au Tribunal administratif, Présidente de la commission d'exploitation d'un centre LAVI.

Le rapport intermédiaire du 5 février 2001 (tout comme l'avant-projet de code de procédure pénale suisse) est disponible sur Internet: www.ofj.admin.ch (sous: thèmes ­ société ­ législation ­ aide aux victimes ­ évaluation et rapports).

L'avant-projet de la commission d'experts et le rapport explicatif du 25 juin 2002 sont disponibles sur Internet: www.ofj.admin.ch (sous: thèmes ­ société ­ législation ­ aide aux victimes ­ documentation).

6694

révision totale, l'avant-projet a repris diverses dispositions du droit en vigueur sans modification33.

Principes L'avant-projet reprend la définition de la victime qui figure dans la loi actuelle (art. 1er AP, cf. art. 2, al. 1, LAVI). Il en va de même pour la définition des proches.

Toutefois, leurs droits ne sont plus circonscrits de manière globale (cf. art. 2, al. 2, LAVI), mais précisés dans chaque cas.

L'avant-projet confère une importance fondamentale au principe de subsidiarité (art. 2, al. 2, AP). La commission a souligné dans son rapport que l'aide aux victimes a un caractère complémentaire et répond à un souci d'équité qui n'est pas comparable au fondement d'une créance issue d'une responsabilité civile, ni au fondement d'une prestation sociale versée en contrepartie du paiement de cotisations d'assurance34.

Le principe de territorialité est également inscrit dans la loi: l'aide aux victimes n'est en principe accordée que si l'infraction a été commise en Suisse (art. 2, al. 1, AP).

La commission était d'avis que les exceptions devaient être clairement réglementées.

Il était acquis que les personnes domiciliées en Suisse concernées par une infraction commise à l'étranger devaient pouvoir demander une aide auprès des centres de consultation (art. 11 AP). Par contre, la commission a considéré que la décision d'accorder à ces personnes une indemnisation et une réparation morale conformément au droit en vigueur (art. 11, al. 3, LAVI) ou de supprimer ces droits était politique35. Les deux solutions ont été soumises à la discussion. En cas de maintien des deux prestations, la commission estimait que la personne devait être domiciliée en Suisse depuis au moins cinq ans avant la commission de l'infraction et que le critère de la nationalité conformément au droit en vigueur devait être abandonné (variante: art. 20a AP).

La situation économique de la victime et des proches est prise en considération de manière différenciée dans le projet de la commission d'experts. Tout comme dans le droit actuel, il ne devrait y avoir de droit à une indemnisation que lorsque les revenus de la personne concernée ne dépassent pas le quadruple (art. 12 LAVI, art. 14 en rel. avec l'art. 3 AP) du montant supérieur destiné à la couverture des besoins vitaux au sens de la loi fédérale du 19 mars 1965 sur les
prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (LPC36). Une limite de revenus est proposée (en remplacement du critère de la «situation personnelle») pour ce qui est de la contribution aux frais pour les prestations de tiers. Cette limite doit toutefois être plus haute que la limite de revenus prévue pour l'indemnisation (art. 10, al. 3 AP). En ce qui concerne la réparation morale, la commission, comme le droit actuel, n'a pas prévu de limite de revenus car l'objectif était de réparer un préjudice immatériel37. Elle proposait que la victime et les proches, dont les revenus déterminants donneraient droit à une indemnisation, soient exemptés des frais de procédure en relation avec l'infraction (art. 5, al. 2, AP). Au cas où la victime ou ses proches auraient bénéficié de l'assistance gratuite d'un défenseur, en vertu du droit cantonal 33 34 35 36 37

Cf. rapport explicatif, ch. 1.3.3.

Cf. rapport explicatif, ch. 1.3.5.

Cf. rapport explicatif, ch. 1.3.6 et les considérations précédant le commentaire de l'art. 20a AP.

RS 831.30 Cf. rapport explicatif, ch. 2 (remarques précédant les art. 18 à 20 AP, in fine).

6695

ou du droit constitutionnel fédéral, le projet de la commission précisait qu'ils n'étaient pas tenus de rembourser les frais occasionnés par cette assistance, indépendamment de leurs revenus (art. 5, al. 4, AP).

Enfin, la commission a mis l'accent sur l'information des victimes (art. 4 AP).

Conseils En matière de conseils fournis par les centres de consultation, la commission a proposé de petites modifications ainsi que la prise en compte, comme déjà mentionné plus haut, des revenus des personnes concernées en remplacement de la notion de «situation personnelle». Conformément aux besoins de la pratique, le projet assouplit légèrement l'obligation de garder le secret du personnel des centres de consultation (art. 13, al. 4, AP) et donne le droit de consulter les dossiers aux centres de consultation.

Indemnité et réparation morale La commission d'experts n'a apporté que peu de corrections au système des indemnisations. Elle a prévu notamment une notion du dommage plus précise (art. 14 AP) et a établi clairement qu'il n'y avait pas d'indemnité lorsque l'aide est fournie par un tiers (art. 10, al. 4, AP).

La raison d'être de la réparation morale et son incidence au niveau financier étaient au coeur des travaux de la commission, laquelle s'est décidée pour le maintien de la réparation morale dans l'aide aux victimes. La commission a estimé que cette réparation morale devait s'écarter clairement du droit civil38. C'est la raison pour laquelle elle a proposé de régler de manière détaillée les conditions d'octroi de la réparation morale (art. 18 AP), ainsi que les motifs de réduction ou d'exclusion de cette dernière (art. 20 AP). Elle recommandait en outre de plafonnemer la réparation morale, un montant maximal plus élevé devant être prévu pour la victime que pour ses proches (art. 19, al. 2, AP). Selon la proposition de la commission, ce plafond devait correspondre à une fraction du gain annuel assuré conformément à la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'assurance-accidents (LAA), à savoir 71 200 francs pour les victimes et 35 600 francs pour les proches.

Du point de vue de la procédure, la commission a proposé de prolonger le délai de dépôt d'une demande d'indemnité ou de réparation morale de deux à cinq ans, le délai commençant à courir non pas à compter du jour où l'infraction a eu lieu, mais à
partir du jour où la personne concernée a eu connaissance du dommage. Pour les mineurs victimes d'une infraction particulièrement grave, un délai plus long est prévu (jusqu'à l'âge de 25 ans). En outre, un délai d'un an peut, si nécessaire, commencer à courir après la clôture d'une procédure pénale (cf. art. 21 AP et art. 16, al. 3, LAVI). Enfin, la commission a recommandé d'attribuer la compétence d'octroyer les indemnités et les réparations morales au canton sur le territoire duquel la victime a son domicile (art. 22 AP), plutôt qu'au canton du lieu de commission de l'infraction.

38

Cf. rapport explicatif, ch. 1.3.9 et les considérations précédant le commentaire relatif à l'art. 18 AP.

6696

Nouvelles contributions et tâches de la Confédération La commission a proposé de nouvelles indemnités pour les cantons pour l'aide fournie par les centres de consultation et pour leurs dépenses en matière d'indemnisation et de réparation morale (art. 25 et 26 AP). Sa décision de maintenir le libre choix du centre de consultation auquel la victime et ses proches peuvent s'adresser a pour conséquence de faire supporter davantage de charges aux cantons dotés de centres de consultation spécialisés et bien organisés, susceptibles d'attirer des personnes domiciliées dans d'autres cantons. Les cantons ne disposent que d'une marge de manoeuvre étroite dans l'exécution de l'aide aux victimes; cette dernière étant, selon l'art. 124 Cst., une tâche commune de la Confédération et des cantons, la Confédération se doit ­ en vertu de l'art. 46 Cst. ­ de prendre à sa charge une partie des coûts de cette tâche commune39.

La commission a proposé que l'information soit soutenue par des aides financières de la Confédération et que la Confédération, en cas d'événements extraordinaires comme l'attentat de Louxor, puisse coordonner la collaboration et prendre certains frais à sa charge (art. 28 et 29 AP).

1.1.3.2

Consultation 2003

Le 18 décembre 2002, le Conseil fédéral a chargé le DFJP de mettre l'avant-projet de la commission d'experts en consultation. Il ne s'est toutefois pas prononcé sur le contenu de celui-ci. La procédure de consultation a pris fin le 10 avril 2003.

Dans sa lettre d'accompagnement, le DFJP a relevé que les nouvelles contributions fédérales aux dépenses des cantons pour l'aide fournie par les centres de consultation et pour les frais d'indemnisation et de réparation morale (art. 25 et 26 AP) sont en contradiction avec les conditions-cadres de la politique financière découlant du frein aux dépenses, et avec le but de la nouvelle péréquation financière qui entend ne plus lier les transferts financiers de la Confédération aux cantons à des affectations déterminées. Il soulignait également que le partage constitutionnel des compétences n'oblige pas la Confédération à fournir aux cantons des moyens financiers particuliers pour l'exécution du droit fédéral40.

39 40

Cf. rapport explicatif, ch. 1.3.4 et les considérations précédant le commentaire relatif à l'art. 25 AP.

La lettre d'accompagnement peut être consultée sur Internet: www.ofj.admin.ch (sous: thèmes ­ société ­ législation ­ aide aux victimes ­ documentation ­ procédure de consultation).

6697

Un questionnaire accompagnant le dossier de la consultation a été envoyé aux personnes et organismes concernés41.

Le 26 septembre 2003, le Conseil fédéral a pris connaissance des résultats de la procédure de consultation et les a rendus publics42.

Soutien fondamental du projet 38 des 85 participants à la consultation, dont 17 cantons, ont expressément approuvé le projet de révision. Quatre organismes l'ont rejeté et huit ont émis d'importantes réserves, certains souhaitant une législation plus restrictive et d'autres craignant une diminution des prestations43.

Nouvelle réglementation de la réparation morale Une nette majorité des participants se sont prononcés en faveur du maintien de principe de la réparation morale. La proposition de plafonner celle-ci a été aussi favorablement accueillie, tout comme ­ bien qu'à une majorité plus faible ­ celle d'accorder aux proches un montant maximum moins élevé qu'aux victimes44.

Par contre, les montants maximaux proposés n'ont pas fait l'unanimité45. Douze participants ont proposé un plafond considérablement plus élevé pour les victimes (100 000 francs), 22 ont approuvé la limite supérieure d'environ 70 000 francs et dix préconisent une limite de 50 000 francs environ. Des différences similaires ont été constatées pour ce qui est des montants maximaux pour les proches.

Aide aux victimes en cas d'infraction à l'étranger La proposition de donner aux victimes d'une infraction commise à l'étranger ­ à condition toutefois que ces personnes soient domiciliées en Suisse au moment de l'infraction ­ la possibilité de solliciter l'aide des centres de consultation a rencontré une large approbation. La majorité des participants estiment qu'en pareille situation, l'indemnité et la réparation morale doivent demeurer possibles. Toutefois, la majorité des cantons et des partis ont rejeté l'octroi de telles prestations financières46.

Pas de nouvelles dispositions pour certaines catégories de victimes La majorité des participants se sont ralliés à l'avis de la commission d'experts, à savoir ne pas introduire dans la LAVI de dispositions spécifiques pour les victimes de la traite des êtres humains ou de la violence domestique47.

41

42

43

44 45 46 47

Le questionnaire est également disponible sur Internet: www.ofj.admin.ch (sous: thèmes ­ société ­ législation ­ aide aux victimes ­ documentation ­ procédure de consultation). Le ch. 4 du questionnaire concernait entre autres les victimes de la traite des êtres humains et les centres pour femmes battues et se faisait ainsi l'écho de suggestions figurant dans deux interventions parlementaires qui n'étaient pas uniquement axées sur l'aide aux victimes. Cf. ch. 1.6.2.

«Révision totale de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI). Résultats de la procédure de consultation relative à l'avant-projet de la commission d'experts» du 22 août 2003, disponible sur Internet: www.ofj.admin.ch (sous: thèmes ­ société ­ législation ­ aide aux victimes ­ documentation ­ résultats de la consultation).

Cf. Résultats de la procédure de consultation, ch. 4. Les cantons suivants ont expressément approuvé le projet de loi: AG, BE, BL, BS, FR, GE, GL, GR, JU, NE, SH, SO, TG, TI, VE, VS, ZG.

Cf. résultats de la procédure de consultation, ch. 5.1, 5.2 et ch. 5.4.

Cf. résultats de la procédure de consultation, ch. 5.6.2.

Cf. résultats de la procédure de consultation, ch. 6.

Cf. résultats de la procédure de consultation, ch. 8.1 concernant la traite des êtres humains et 8.2 concernant les victimes de la violence domestique.

6698

Centres pour femmes battues Le rapport «Traite des êtres humains en Suisse»48 proposait que la Confédération introduise dans la loi sur l'aide aux victimes une disposition obligeant les cantons à assurer un nombre de places suffisant destiné à l'accueil des femmes victimes de la violence domestique. Selon ce rapport, les centres pour femmes battues sont disposés à conseiller et à aider les victimes de la traite des êtres humains, mais affichent souvent complet et doivent refuser les femmes recherchant protection, en raison du mode de financement actuel qui limite leurs capacités. La commission a examiné la nécessité de créer de nouvelles dispositions pour certaines catégories de victimes en renvoyant à ce rapport49. Fin mai 2002, le Conseil fédéral a chargé le DFJP d'examiner les recommandations du rapport.

Dans ce contexte, on a été demandé aux participants à la consultation s'il fallait, dans la loi sur l'aide aux victimes, obliger les cantons à mettre à disposition un nombre suffisant de places dans les centres d'accueil pour victimes de la violence domestique. La majorité des participants se sont montrés favorables à une cette mesure, mais la majorité des cantons directement concernés ont rejeté cette obligation, arguant qu'elle dépasserait le cadre de l'aide aux victimes et porterait atteinte à leur autonomie50.

Nouvelles dispositions concernant les contributions fédérales aux dépenses des cantons et la répartition intercantonale des coûts Bien que dans la lettre d'accompagnement aux documents mis en consultation, le DFJP ait souligné les problèmes d'ordre constitutionnel et de politique financière que pourraient poser les nouvelles dispositions sur les contributions fédérales aux dépenses des cantons (coûts de l'aide fournie par les centres de consultation et coûts des indemnisations et des réparations morales, art. 25 et 26 AP), ces dispositions ont été approuvées par la grande majorité des participants.

Que ce soit à propos des nouvelles contributions fédérales51, des centres pour femmes battues52 et du libre choix du centre de consultation53, la nécessité de régler la répartition des coûts entre les cantons dans la nouvelle loi a été soulignée.

Assouplissement de l'obligation de garder le secret L'assouplissement de l'obligation de garder le secret pour le personnel des centres de consultation, dans l'intérêt de la protection des mineurs, a été accueilli favorablement par une nette majorité des participants54.

48

49 50 51 52 53 54

Ce rapport a été mandaté par le Conseil fédéral à la suite d'un postulat Vermot. Pour plus de détails à ce sujet, voir ci-dessous ch. 1.6.2. Le rapport peut être consulté sur Internet: www.ofj.admin.ch (sous: thèmes ­ législation ­ traite des êtres humains ­ documentation).

Cf. rapport explicatif, ch. 1.3.13.

Cf. résultats de la procédure de consultation, ch. 8.3.

Cf. résultats de la procédure de consultation, ch. 9.1.

Cf. résultats de la procédure de consultation, ch. 8.3.3.

Cf. résultats de la procédure de consultation, p. 58 s. (commentaires relatifs à l'art. 8 AP); cf. égal. ch. 4.7.

Cf. résultats de la procédure de consultation, ch. 7.

6699

Autres innovations La prolongation du délai pour introduire une demande d'indemnisation et de réparation morale a rencontré une très large approbation. Par contre, eu égard au point de départ du délai, plusieurs cantons souhaitent le maintien de la règle actuelle (le délai commence à courir au jour de l'infraction) et rejettent la nouvelle réglementation (le délai court à partir du jour où la victime et ses proches ont eu connaissance du dommage)55. De même, le changement de compétence proposé par la commission en faveur du canton de domicile (actuellement c'est le canton sur le territoire duquel l'infraction a été commise) a été rejeté par divers participants56.

Enfin, de nombreuses remarques ont été formulées à propos du dommage à prendre en considération lors de l'octroi d'une indemnisation à titre d'aide aux victimes57.

Dispositions relatives à la procédure pénale Le projet de supprimer les dispositions consacrées à la procédure pénale dans la loi sur l'aide aux victimes et de les transférer dans le code de procédure pénale suisse a suscité un certain scepticisme parmi les organismes consultés. Bon nombre d'entre eux craignent que les prescriptions de protection s'en trouvent affaiblies ou soient reprises de manière incomplète. Par ailleurs, ils redoutent que les dispositions en faveur des victimes ne soient plus aussi faciles à trouver que dans le droit actuel.

Plusieurs participants à la consultation proposent de réexaminer les dispositions introduites en 200258.

1.1.3.3

Décision matérielle préalable du Conseil fédéral

Le 26 septembre 2003, s'appuyant sur l'accueil dans l'ensemble positif réservé au projet de révision mis en consultation, le Conseil fédéral a donné mandat au DFJP d'élaborer un projet de message et décidé, sur la base des motifs exposés par le département dans sa lettre d'accompagnement relative à la consultation, de renoncer aux nouvelles contributions de la Confédération aux cantons. Il a chargé le DFJP de trouver de nouvelles solutions pour la collaboration et la péréquation entre les cantons. Enfin, il a sprécisé qu'étant donné que le futur code de procédure pénale suisse n'entrerait probablement en vigueur qu'après la révision totale de la LAVI, les dispositions relatives à la protection de la victime dans la procédure pénale devaient provisoirement rester dans la LAVI59.

55

56

57 58 59

8 cantons et 2 conférences intercantonales se sont prononcés contre cette innovation; cf. résultats de la procédure de consultation, p. 75 ss (commentaires relatifs à l'art. 21 AP).

7 cantons et 2 conférences intercantonales ont émis des critiques à l'égard de cette innovation; cf. résultats de la procédure de consultation, p. 78 ss (commentaires relatifs à l'art. 22 AP).

Cf. résultats de la procédure de consultation, p. 65 ss (commentaires relatifs à l'art. 14 AP).

Cf. résultats de la procédure de consultation, chap. 4.6 et commentaires relatifs à l'art. 31 AP.

Cf. communiqué de presse du DFJP en date du 26.09.2003, disponible sur Internet: www.ofj.admin.ch (sous: thèmes ­ société ­ législation ­ aide aux victimes ­ documentation ­ résultats de la consultation).

6700

1.2

Grandes lignes du projet

1.2.1

Objectifs de la réforme

L'un des objectifs majeurs de la révision est de résoudre les problèmes, constatés au cours des l'évaluation, qui se posent pour les organes chargés d'appliquer le droit dans les domaines des conseils, de l'indemnisation et de la réparation morale (délimitation entre les différentes prestations, répartition des coûts des conseils et de l'aide entre les cantons, rôle de la réparation morale). Les trois piliers de l'aide aux victimes (conseils, protection de la victime et garantie de ses droits lors de la procédure pénale, indemnisation et réparation morale) doivent être conservés, comme la réparation morale en compensation des souffrances subies. Celle-ci doit néanmoins être plafonnée. En outre, le projet de révision contient des améliorations ponctuelles en faveur de la victime, par exemple concernant l'information, la prise de contact des centres de consultation avec les victimes qui leur sont annoncées par la police, la prolongation du délai de péremption ou l'exemption des frais de procédure. L'aide aux victimes en cas d'infractions commises à l'étranger doit être réglée de manière claire. Le projet de révision vise également ­ et c'est important ­ le contrôle de l'évolution des coûts.

Il n'est pas nécessaire de procéder à des modifications radicales des dispositions fédérales sur la protection et les droits de la victime et de ses proches dans le droit de procédure cantonal. En effet, le futur code de procédure pénale suisse devrait remplacer le droit cantonal dans un avenir relativement proche60.

1.2.2

Concept de réglementation

Rôle de l'aide aux victimes et conception de la révision L'aide accordée par l'Etat se conçoit comme un geste de solidarité de la collectivité envers ses citoyens les plus durement touchés par la criminalité. Elle compense en faveur des victimes les efforts consentis, notamment au niveau financier, pour favoriser la réinsertion sociale des auteurs d'infraction61. Elle complète la protection juridique offerte par le droit civil, le droit pénal et le droit des assurances sociales.

Le fondement de l'aide aux victimes n'est donc pas comparable au fondement d'une créance issue d'une responsabilité civile ou versée en contrepartie du paiement de cotisations d'assurances sociales. Il s'ensuit que l'aide aux victimes revêt et doit continuer à revêtir un caractère essentiellement subsidiaire.

Ainsi, les pouvoirs publics n'ont pas à intervenir si la victime peut obtenir réparation d'une autre manière62. L'Etat ne saurait se substituer à l'auteur de l'infraction ou aux institutions qui assument la responsabilité première par rapport aux conséquences de l'infraction (par ex. assurances privées ou sociales). En outre, on attend des victimes qui disposent de ressources financières suffisantes qu'elles surmontent, au moins en partie, par leurs propres moyens les conséquences de l'infraction. Ces principes, déjà consacrés par la loi actuelle, sont mis en évidence dans le projet de 60 61 62

Pour plus de détails, voir ch. 2, à propos des commentaires relatifs au chapitre 6 du projet de loi (art. 34 à 44).

Cf. message initiative populaire, p. 901.

Cf. message initiative populaire, p. 930, et message Constitution, p. 347.

6701

révision. Celui-ci réserve certaines prestations aux victimes qui connaissent des difficultés matérielles (art. 6, al. 1, 16 et 20, al. 2), comme le fait déjà la loi actuelle.

De plus, il subordonne l'octroi d'une aide à la condition que la victime ne puisse rien recevoir de tiers ou n'en puisse recevoir que des prestations insuffisantes (art. 4 et 17, al. 2). En vertu du même principe de subsidiarité, il est légitime que l'Etat ne couvre pas nécessairement le préjudice subi dans son intégralité, que celui-ci soit matériel ou immatériel: ce principe reste applicable à l'indemnité qui continuera d'être plafonnée (art. 20, al. 3) et il s'appliquera désormais aussi à la réparation morale (art. 23, al. 2).

Le Conseil fédéral, comme la commission d'experts, souhaite clairement accorder la priorité aux prestations qui permettent à la victime de surmonter les conséquences de l'infraction et de répondre aux besoins les plus urgents qui en découlent. C'est pourquoi les prestations fournies par les centres de consultation, sous forme de conseils ou d'aide psychologique, juridique, sociale et morale, doivent continuer à être accordées plus généreusement que l'indemnisation ou la réparation morale. Le libre choix des centres de consultation est maintenu, de même que la gratuité des prestations d'aide immédiate et d'aide à plus long terme fournies par les centres euxmêmes. Lorsqu'une aide à plus long terme est fournie par des tiers, le plafond fixé pour la prise en charge intégrale des coûts (art. 16) est fixé plus haut et l'octroi des prestations est ainsi plus généreux que pour l'indemnisation (art. 20, al. 2). Lorsque l'infraction a eu lieu à l'étranger, la victime et ses proches ont droit aux prestations fournies par les centres de consultation et à des contributions aux frais pour l'aide fournie par des tiers, alors qu'ils n'ont plus droit, contrairement au droit actuel, à une indemnité, ni à une réparation morale.

L'aide aux victimes a pour but de permettre aux victimes d'infractions de recevoir une aide non seulement financière, mais aussi morale, en vue de surmonter les conséquences de l'infraction. L'octroi d'une réparation morale permet à la victime d'obtenir une reconnaissance de ses souffrances de la part de la société. Cela est particulièrement important dans les cas où la victime n'a pas subi
un dommage matériel, comme lors d'infraction contre l'intégrité sexuelle. La réparation morale devient alors le seul témoignage de solidarité que la victime peut obtenir en dehors de l'aide fournie par les centres de consultation. C'est pourquoi le Conseil fédéral, comme la grande majorité des milieux consultés, ne souhaite pas la voir supprimée.

Le montant de la réparation morale ne doit toutefois pas nécessairement être équivalent à celui que verserait l'auteur de l'infraction ou une assurance. Le plafonnement de la réparation morale, prévu à l'art. 23, al. 2, aura pour effet que les montants accordés sur la base de la LAVI seront en règle générale plus bas que les montants qui seraient versés par l'auteur de l'infraction. On retrouve donc là aussi le principe de subsidiarité évoqué plus haut.

Besoins particuliers des différentes catégories de victimes Le projet de révision ne fait pas de distinction fondamentale entre les différentes catégories de victimes. Il prévoit tout au plus des droits particuliers pour les mineurs (art. 11, al. 3, 25, al. 2, et 41 à 44). La commission d'experts avait examiné la possibilité d'exclure les victimes d'infractions par négligence et plus particulièrement les victimes de la circulation routière du champ d'application de la LAVI. Plusieurs cantons l'avaient demandé dans le cadre du troisième rapport d'évaluation63.

63

Cf. 3e rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes, p. 106.

6702

Compte tenu de la part très faible des victimes de la circulation routière qui recourent aux prestations de l'aide aux victimes et du caractère subsidiaire de celle-ci, la commission d'experts a renoncé à exclure les victimes d'infractions par négligence du champ d'application de la loi. Le Conseil fédéral partage cette façon de voir.

Faire une distinction entre infractions intentionnelles et infractions par négligence poserait en outre des difficultés pratiques. Enfin, le recours aux prestations des centres de consultation peut être tout aussi important pour ce type de victime que pour les autres; certains cantons ont d'ailleurs instauré des centres spécialisés pour les victimes d'accidents de la circulation routière par exemple.

La question de savoir si des mesures spécifiques doivent être prévues en faveur de certaines catégories de victimes, comme les victimes mineures, les victimes de la violence domestique ou encore les victimes de la traite des êtres humains se pose également. Le Conseil fédéral a repris différentes mesures proposées par la commission d'experts en vue de mieux prendre en compte la situation particulière des victimes mineures (art. 11, al. 3, et 25, al. 2). Il convient par ailleurs de rappeler que la situation des victimes mineures dans la procédure pénale a déjà été prise en compte lors de la révision du 23 mars 200164 (amélioration de la protection des enfants victimes).

Quant aux victimes de la violence domestique et de la traite des êtres humains, le problème dépasse largement le cadre de l'aide aux victimes et appelle des mesures particulières dans d'autres domaines du droit. Le projet de révision fait toutefois expressément allusion à la nécessité pour les cantons de mettre à disposition des différentes catégories de victimes des centres de consultation qui prennent en compte les besoins particuliers (art. 9, al. 1). Cette disposition a pour but d'inciter les cantons à regrouper leurs forces pour créer des centres de consultation spécialisés régionaux. Le projet de loi prévoit en outre expressément l'obligation de fournir un hébergement d'urgence en cas de besoin, une mesure qui, indirectement, reconnaît le rôle important joué par les centres d'hébergement pour femmes (art. 14, al. 1). Cette disposition correspond à la pratique.

La question d'une réglementation
particulière pour la protection des personnes qui sont à la fois victimes et témoins (par ex. les victimes de la traite des êtres humains) doit être examinée dans le cadre du nouveau code de procédure pénale.

Projet plus lisible et mieux structuré Le projet de loi contient de nombreuses améliorations sur le plan systématique, ce qui devrait contribuer à sa lisibilité. La nouvelle loi compte une cinquantaine d'articleset semble beaucoup plus complète que la loi actuelle. Néanmoins, la majeure partie des nouveaux articles résulte de modifications formelles. Ainsi, les art. 10a à 10d LAVI font l'objet d'une numérotation individuelle et plusieurs dispositions (par ex. les art. 1, 3 et 14 LAVI) sont scindées en plusieurs articles. Deux nouveaux articles traitent de la réparation morale, qui ne fait actuellement l'objet que d'un alinéa. Par ailleurs, la jurisprudence relative aux lacunes du droit actuel a été codifiée (par ex. art. 3, al. 1). Enfin, des dispositions importantes figurant dans l'ordonnance (par ex. art. 4, al. 1, et 12, al. 2, OAVI) sont désormais mentionnées dans la loi (art. 15, al. 2, et 20, al. 3).

64

Cf. en outre le ch. 1.1.1.

6703

1.2.3

Points essentiels

Ayants droit La définition de la victime est reprise du droit actuel. Les victimes d'infractions non intentionnelles et, en particulier, les victimes d'accidents de la circulation ne sont pas exclues du champ d'application. En effet, les besoins des victimes ne dépendent pas de la manière dont a été commis le délit (intentionnel ou non intentionnel). La définition des proches correspond aussi au droit actuel (art. 1, al. 1, et 2). Tout comme dans l'avant-projet, les droits des proches sont réglés pour chaque cas de figure.

L'aide requise par les différentes catégories de victimes (par ex. les enfants, les victimes de délits sexuels, de la violence domestique ou de la traite des êtres humains) étant très différente selon les cas, les cantons doivent tenir compte de cette diversité lorsqu'ils créent ou reconnaissent des centres de consultation. Par exemple, ils peuvent mettre en place des centres de consultation spécialisés ou former en conséquence leur personnel ou faire appel à l'institution ou à la personne adéquate (art. 9, al. 1, 2e phrase). Cette nouvelle obligation des cantons permet de tenir compte des préoccupations exprimées dans la motion Vermot, transformée en postulat, concernant la traite des femmes et la motion Goll concernant les centres pour femmes battues65.

Principe de territorialité Selon le principe de territorialité, il ne peut y avoir de droit à l'aide aux victimes d'infraction que lorsque l'infraction a été commise en Suisse. Les personnes victimes d'une infraction à l'étranger peuvent obtenir des prestations dans une mesure restreinte (cf. art. 3, al. 2, et 17).

En cas d'infraction commise à l'étranger, les personnes concernées, domiciliées en Suisse au moment des faits, ont droit aux prestations des centres de consultation ou à celles fournies par l'intermédiaire d'un tiers, ainsi qu'à une contribution aux frais pour l'aide à plus long terme fournie par un tiers (art. 17). Cette réglementation vient combler une lacune de la loi actuelle en conformité avec la jurisprudence. Le Conseil fédéral est d'avis que les indemnisations et la réparation morale ­ qui sont octroyées à l'heure actuelle si la personne est de nationalité suisse et est domiciliée en Suisse (art. 11, al. 3, LAVI) ­ ne devront à l'avenir plus être accordées lorsque l'infraction est commise à l'étranger. Cette
position correspond à la position des cantons au cours de la consultation. Le Conseil fédéral reconnaît qu'il est important, pour les personnes concernées, de bénéficier d'un soutien leur permettant de surmonter les conséquences de l'infraction. Par contre, il estime qu'il n'est pas du devoir de la Suisse de répondre d'un dommage matériel ou immatériel qui découle d'une infraction commise hors du territoire national. Cette optique correspond du reste à celle de la Convention européenne du 24 novembre 1983 relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes66.

Durant les années 2000 à 2003, les dépenses des cantons pour des faits qui se sont déroulés à l'étranger allaient de 2700 francs à 176 390 francs par an pour l'indemnisation et de 56 000 à 573 953 francs par an pour la réparation morale67. Après 65 66 67

Pour plus de détails sur ces interventions, voir ci-dessous ch. 1.6.2.

Pour plus de précisions, voir ch. 5.2.1.

Source: Office fédéral de la statistique.

6704

l'attentat de Louxor, les cantons ont versé environ 100 000 francs d'indemnités et environ 2,5 millions de francs de réparations morales. L'attentat de Louxor avait fait 36 morts et 10 blessés parmi les ressortissants suisses.

Principe de subsidiarité Le principe de subsidiarité, déjà présent dans le droit actuel (art. 14 LAVI), est précisé ­ comme le propose la commission d'experts ­ et passe dans le chapitre 1 de la loi, puisqu'il est fondamental: les prestations ne sont fournies à titre d'aide aux victimes que lorsque l'auteur de l'infraction ou un autre débiteur ne versent aucune prestation ou ne versent que des prestations insuffisantes (art. 4).

Assouplissement de l'obligation de garder le secret pour le personnel des centres de consultation L'obligation ­ stricte ­ de garder le secret est légèrement assouplie. Ainsi, le personnel des centres de consultation peut informer les autorités de tutelle dans l'intérêt de la protection des mineurs et, si nécessaire, dénoncer une infraction à l'autorité de poursuite pénale (art. 11, al. 3).

Délimitation entre les contributions aux frais accordées par les centres de consultation et les indemnisations Selon le droit en vigueur, la victime peut faire valoir certains frais soit auprès d'un centre de consultation dans le canton de son choix, soit auprès des autorités d'indemnisation du canton où les faits se sont produits. Selon la voie choisie, des conditions et des modalités de calculs différentes sont applicables. Ce problème de délimitation entre les contributions aux frais accordées par les centres de consultation pour l'aide à plus long terme fournie par des tiers et les indemnisations est résolu par le projet qui prévoit que le dommage pouvant donner lieu à des prestations d'aide immédiate et d'aide à plus long terme n'est pas pris en compte (art. 19, al. 3). Cette solution a le mérite d'être plus précise que le projet de la commission d'experts et s'inspire des recommandations de la CSOL-LAVI68.

Plafonnement de la réparation morale prévue par la loi sur l'aide aux victimes Le Conseil fédéral partage l'avis de la commission d'experts et de la grande majorité des participants à la consultation, qui approuvent le maintien de la réparation morale dans la législation sur l'aide aux victimes. Contrairement à la commission d'experts, il n'entend pas
s'écarter du droit de la responsabilité civile pour ce qui est de la notion de réparation morale. Il s'agit d'éviter d'introduire une nouvelle notion qui pourrait créer des difficultés dans la pratique. Il tient ainsi compte des craintes formulées par certains milieux lors de la procédure de consultation. Le présent projet reprend l'idée d'un montant maximal. Celui-ci n'est pas déterminé sur la base d'une valeur de référence, mais est directement fixé dans la loi, comme c'est déjà le cas pour l'indemnisation. Ainsi que la commission d'experts l'a prévu ­ proposition du reste acceptée en consultation ­, un montant maximum est proposé pour la victime, et un montant moins élevé pour les proches. Le Conseil fédéral avance un montant maximum de 70 000 francs pour la victime et de 35 000 francs pour les proches, suivant en cela le postulat Leuthard69, qui suggérait une réduction de la réparation morale due à titre d'aide aux victimes d'infraction, par rapport à celle due en vertu 68 69

Cf. chap. 6 des recommandations CSOL-LAVI.

Cf. ch. 1.6.1.

6705

du droit civil. Par une contribution de solidarité échelonnée en fonction de la situation concrète jusqu'au plafond, la société peut manifester sa solidarité aux victimes et aux proches gravement touchés (art. 22 et 23). Le Conseil fédéral préfère la solution proposée à une réduction proportionnelle des réparations morales calculées selon les règles du droit civil. Cette réduction serait difficilement compréhensible du point de vue de la victime et l'évolution des coûts serait plus difficile à contrôler.

Nouveaux délais pour introduire les demandes d'indemnisation et de réparation morale Le présent projet reprend la réglementation différenciée de l'avant-projet et y apporte les modifications souhaitées dans le cadre de la consultation. Le délai de péremption demeure, mais est prolongé à cinq ans. Par ailleurs, un délai spécial est prévu pour certaines catégories de victimes mineures, ainsi qu'un délai ultérieur d'un an à compter de la clôture de la procédure pénale. Le délai ne commence pas à courir au moment de la connaissance du dommage, comme le prévoyait l'avantprojet de la commission d'experts, mais à compter de la date de l'infraction, comme le prévoit la loi actuelle, ou à compter de la connaissance de l'infraction (art. 25). La compétence n'est pas transmise au canton de domicile, mais demeure au canton du lieu de l'infraction (art. 26).

Frais d'avocat et de procédure Selon le droit en vigueur, la procédure devant les autorités d'indemnisation est gratuite. En outre, les centres de consultation peuvent payer les frais d'avocat à certaines conditions. L'assistance judiciaire selon le droit cantonal ou selon la constitution fédérale s'applique par ailleurs. Le présent projet prévoit la gratuité des procédures relatives aux prestations allouées par les autorités en charge des indemnisations et des réparations morale; il en va de même ­ et c'est nouveau ­ pour les prestations des centres de consultation. Par contre, il n'étend pas la gratuité à d'autres procédures en relation avec l'infraction (comme le proposait l'avant-projet).

Autre nouveauté, la victime et ses proches ne sont plus tenus, de par le droit fédéral, de rembourser les frais de l'assistance judiciaire gratuite ­ au cas où ils en auraient bénéficié. L'égalité de droit entre les victimes dont les frais d'avocat sont pris en
charge en vertu de la LAVI d'une part, et les victimes qui bénéficient d'une assistance judiciaire en vertu du droit procédural applicable ou en vertu de la Constitution fédérale d'autre part, est ainsi assurée. Cette proposition émane de la commission d'experts (art. 30).

Marche à suivre en cas d'événements extraordinaires Par suite d'événements extraordinaires impliquant de nombreuses victimes, par exemple un attentat dans un train de voyageurs, la Confédération peut soutenir par des aides financières les cantons particulièrement touchés, comme c'est déjà le cas actuellement. Désormais, la coordination lui incombe aussi ­ dans la mesure où elle est nécessaire (art. 32). Ces règles figuraient déjà dans l'avant-projet.

Pas de nouvelles contributions fédérales La commission d'experts avait proposé que la Confédération contribue désormais à raison de 35 % aux dépenses des cantons pour l'aide fournie par les centres de consultation et pour les indemnisations et les réparations morales. Lors de la consultation, le DFJP avait déjà exprimé son scepticisme à l'égard des propositions de la

6706

commission d'experts dans sa lettre d'accompagnement70. Bien que les propositions figurant dans l'avant-projet aient été approuvées par une large majorité des participants à la consultation, le Conseil fédéral a décidé le 26 septembre 2003 de ne pas prévoir de nouvelles contributions71.

Contrairement à l'opinion exprimée par divers organismes lors de la consultation, le fait que l'art. 124 Cst. fasse de l'aide aux victimes une tâche commune de la Confédération et des cantons n'oblige pas la Confédération à soutenir financièrement les cantons dans la mise en oeuvre du droit fédéral. La compétence commune signifie que la Confédération dispose d'un pouvoir étendu pour légiférer et que parallèlement les cantons ­ en raison de leur proximité avec le domaine de l'assistance ­ sont chargés de tâches propres et ne se limitent pas à participer à l'accomplissement d'une compétence de la Confédération72.

Le Conseil fédéral estime que les contributions proposées par la commission d'experts seraient en contradiction avec la nouvelle péréquation financière et la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons. L'arrêté fédéral du 3 octobre 2003 concernant la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT modifie notamment l'art. 46 Cst)73. La péréquation financière au sens étroit doit être dissociée de l'accomplissement des tâches et de l'octroi de contributions. En outre, il convient de veiller aux principes de la subsidiarité et de l'équivalence fiscale lors de l'attribution et de l'accomplissement des tâches de l'Etat.

Par le présent projet, le Conseil fédéral tient compte des préoccupations des cantons quant à leur charge financière. Les montants maximaux proposés concernant la réparation morale permettent de contenir les dépenses des cantons sans réduction radicale des prestations. L'abandon, défendable matériellement, de l'indemnisation et de la réparation morale lorsque l'infraction a été commise à l'étranger, contribue également à une certaine maîtrise des coûts.

Comme la commission d'experts l'a constaté, le volume financier du domaine de l'aide aux victimes est relativement faible74 et il n'est pas nécessaire de maintenir durablement la contribution versée par la Confédération pendant la période initiale à titre d'aide
à la mise en place du système75.

La proposition faite par la commission d'experts de soutenir au besoin financièrement des institutions et des programmes visant à améliorer l'information sur l'aide aux victimes n'a pas été retenue, pas plus que la possibilité de prendre en charge les frais de mesures urgentes lors d'événements extraordinaires. Des subventions aussi mineures ne sont pas nécessaires et rendraient la répartition des tâches plus opaque.

70 71 72 73

74 75

Cf. ch. 1.1.3.2.

Cf. ch. 1.1.3.3.

Message Constitution, p. 347; cf. également message initiative populaire, FF 1983 III 901, ch. 10.21, et message LAVI, ch. 122.

Arrêté fédéral du 3 octobre 2003 concernant la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT), FF 2003 6035 ss, p. 6599, accepté en votation populaire le 28 novembre 2004.

Rapport explicatif, ch. 1.3.4; cf. également les résultats de l'enquête sur les coûts des centres de consultations, ch. 1.1.2.

Art. 18, al. 2, LAVI.

6707

Répartition de certains coûts liés aux conseils entre les cantons Les victimes ayant le libre choix du centre de consultation, les cantons dotés de centres bien organisés et spécialisés sont davantage sollicités que d'autres. Les nouvelles indemnités proposées dans le domaine de la consultation auraient dû apporter une certaine harmonisation des prestations, égalisant de ce fait les charges pour les cantons. Comme cela a été suggéré durant la consultation, le Conseil fédéral propose désormais un remboursement des frais, par le canton de domicile, des conseils fournis aux victimes qui s'adressent à un centre situé dans un autre canton (art. 18). Cette disposition permet en même temps de tenir indirectement compte de la proposition avancée lors de la procédure de consultation, bien que soumise à controverses, visant à soutenir les centres pour femmes battues; les cantons qui n'ont pas de tels centres peuvent être appelés à fournir des contributions couvrant le coût des séjours nécessaires dans un centre d'un autre canton. La création d'un système régional ou national adéquat est en premier lieu du ressort des cantons; la règle de droit fédéral est subsidiaire. Elle n'entre en application que si les cantons n'ont pas passé d'accords intercantonaux. Une réglementation simple, comprenant des forfaits, est prévue. Elle permet le règlement rapide et sans contestation du montant des frais.

Maintien provisoire des dispositions de procédure pénale Les dispositions sur la protection et les droits de la victime et de ses proches en procédure pénale sont maintenues provisoirement ­ bien qu'avec de légères modifications ­ dans la loi sur l'aide aux victimes d'infractions. Elles seront transférées dans le code de procédure pénale suisse, qui prendra le relais des codes de procédure cantonaux76.

Le projet ne prévoit pas de grandes modifications matérielles du droit actuel. Il en va de même pour les dispositions inscrites en dernier lieu dans la loi, dispositions qui touchent à la protection des victimes mineures. Si des questions sur l'interprétation et l'application de certaines dispositions se sont posées au début, une pratique s'est établie dans les cantons. Lesinnovations éventuelles ne doivent pas être examinées de manière ponctuelle, mais dans le contexte général du nouveau code de procédure pénale suisse. Il ne serait pas judicieux que le Parlement se penche à deux reprises sur le même sujet.

1.3

Rapports avec d'autres travaux de révision

1.3.1

Unification du droit de la procédure pénale

Sur la base du nouvel art. 123, al. 1, Cst.77, le DFJP élabore actuellement un code de procédure pénale suisse ainsi qu'une loi fédérale sur la procédure pénale applicable aux mineurs. Le nouveau droit de procédure pénale abrogera les codes cantonaux et la procédure fédérale. L'unification du droit fédéral rendra superflues les dispositions de la LAVI fixant des exigences minimales pour les procédures cantonales.

76 77

Cf. ch. 2: commentaires relatifs au chap. 6 du projet de loi (art. 34 à 44).

Adopté par le peuple et les cantons le 12 mars 2000.

6708

Les dispositions de protection en faveur des victimes et de leurs proches dans la procédure pénale doivent être maintenues dans leur intégralité. Il faut donc reprendre, dans le présent projet, les dispositions figurant à la section 3 de la loi actuelle, jusqu'à l'entrée en vigueur du futur code de procédure pénale.

Les dispositions de la procédure pénale militaire relatives à la protection et aux droits particuliers de la victime et de ses proches sont intégrées directement dans le projet de révision (procédure pénale militaire du 23 mars 197978).

1.3.2

Violence domestique

L'initiative parlementaire Vermot-Mangold (00.419 Protection contre la violence dans la famille et dans le couple) du 14 juin 2000, à laquelle le Conseil national a donné suite le 7 juin 2000, demande l'adoption d'une loi de protection contre la violence, analogue à la loi autrichienne qui permet l'expulsion immédiate du domicile familial des personnes violentes à l'égard de leur partenaire ou d'autres membres de la famille, lesquelles pourront en outre se voir interdire de réintégrer leur logement pendant une période déterminée.

De l'avis du Conseil fédéral, le problème de la violence domestique ne peut être résolu par le seul biais de l'aide aux victimes. Etant donné que le Parlement examine l'initiative parlementaire relative à cette problématique, on peut renoncer, dans le cadre de la révision de la LAVI, à prévoir d'autres mesures que celles mentionnées plus haut (ch. 1.2.2).

1.3.3

Traite des êtres humains

La motion Vermot-Mangold (Postulat 00.3055 Vermot-Mangold, Traite des femmes. Programme de protection pour les victimes) du 15 mars 2000 demande au Conseil fédéral un programme de protection complet (nouvelle définition de la traite des femmes, révision du code pénal, de la LAVI et des dispositions sur le séjour des étrangers) en faveur des personnes victimes de la traite des femmes. Elle a conduit à la création d'un groupe de travail interdépartemental dont le rapport a été publié le 29 mai 2002, avec l'avis du Conseil fédéral79. L'élargissement, dans le code pénal, de la définition de la traite des êtres humains (art. 19680) est notamment demandé.

Cette infraction ne prend en compte actuellement que la traite en vue de l'exploitation sexuelle. Dans la perspective de la ratification de deux accords internationaux, l'infraction devrait être étendue à la traite en vue de l'exploitation de la force de travail, ainsi qu'à la traite visant à prélever des organes humains81.

78 79

80 81

RS 322.1 Le rapport «Traite des êtres humains en Suisse», DFJP 2001, est disponible sur Internet: www.ofj.admin.ch (sous: thèmes ­ législation ­ traite des êtres humains ­ documentation), tout comme l'avis du Conseil fédéral.

Code pénal suisse, RS 311.0.

Message et arrêté fédéral du 11 mars 2005 portant approbation du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, FF 2005 2639 2681.

6709

Dans le cadre des travaux concernant le code de procédure pénale suisse, des mesures de protection en faveur des personnes qui participent à la procédure sont examinées. Ces mesures se basent sur celles prévues par la procédure pénale militaire et seront aussi applicables aux victimes de la traite des femmes et des êtres humains.

Sous ch. 1.2.2 supra, sont indiquées les mesures prévues dans le cadre de la révision de la LAVI.

1.4

Droit comparé82

1.4.1

France

La loi du 6 juillet 1990 a créé un Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme (FGTI83) et d'autres Infractions, financé par un prélèvement sur les contrats d'assurances de biens84. Ce fonds de garantie intervient selon deux régimes d'indemnisation: ­

le régime d'indemnisation des victimes des actes de terrorisme qui trouve son origine dans la loi du 9 septembre 1986; les indemnités sont fixées et réglées par le fonds de garantie en accord avec les victimes.

­

le régime d'indemnisation des victimes d'autres infractions qui trouve son origine dans la loi du 3 janvier 1977. La procédure est judiciaire. Le FGTI paie les indemnités fixées par la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions (CIVI) qui siège auprès de chaque Tribunal de grande instance.

Un Fonds de garantie distinct est chargé de l'indemnisation des victimes d'accidents automobiles et d'accidents de chasse.

Dans le régime d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme, le FGTI indemnise intégralement les dommages corporels des victimes blessées et les préjudices moraux et économiques des ayants droit de la victime, en tenant compte des prestations versées par les organismes sociaux, publics et privés. La procédure d'indemnisation est en principe transactionnelle. La victime et ses ayants droit disposent d'un délai de dix ans à compter de la date de l'acte de terrorisme pour saisir le Fonds de garantie. Si l'acte de terrorisme survient sur le territoire national, toute victime quelle que soit sa nationalité peut être indemnisée. Si l'acte de terrorisme survient à l'étranger, seules les victimes de nationalité française peuvent obtenir une indemnisation.

Dans le régime d'indemnisation des victimes d'autres infractions, les faits ayant entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité de travail égale ou supérieure à un mois, de même que les faits constituant un viol ou une agression sexuelle ouvrent droit à une indemnisation intégrale. Le préjudice vestimentaire ou d'autres dommages matériels ne sont pas admis. Les atteintes légères à la personne et le préjudice matériel résultant du vol, de l'escroquerie, de l'abus de confiance, de l'extorsion de fonds ou de la destruction, de la dégradation ou de la détérioration d'un bien ouvrent également droit à une indemnisation, mais celle-ci est soumise à des conditions strictes et limitée par un plafond: pour l'année 2001, les ressources 82 83 84

Les informations qui suivent proviennent en majeure partie de l'Institut suisse de droit comparé (Avis 04-016 du 12 mars 2004, mettant à jour l'avis 97-125 du 27 février 1998).

www.fgti.fr/index.htm 4 par contrat en 2002.

6710

mensuelles devaient être inférieures à 1203 , auxquels s'ajoutaient 91 par personne à charge. De plus, la victime doit se trouver dans une situation matérielle ou psychologique grave à cause de l'infraction, prouver que l'auteur est inconnu ou insolvable et être dans l'impossibilité d'obtenir une réparation effective et suffisante par une assurance ou tout autre débiteur. La CIVI tient compte des prestations et indemnités versées par des organismes sociaux, mutuelles, entreprises d'assurances, etc.

Le délai pour saisir la CIVI est de trois ans à compter de la date de l'infraction. Il est prolongé d'un an à compter de la date de la dernière décision pénale. La commission a la possibilité de prolonger ces délais en cas de motif légitime.

Si l'infraction a été commise sur le territoire français, peuvent être indemnisées les personnes de nationalité française, les ressortissants d'un Etat membre de l'UE ainsi que les personnes de nationalité étrangère en séjour régulier au jour des faits ou de la demande présentée à la CIVI. Si l'infraction a eu lieu à l'étranger, seules les personnes de nationalité française peuvent bénéficier d'une indemnisation.

La faute de la victime peut exclure ou réduire l'indemnisation, notamment en cas d'imprudence, d'injures proférées, de participation à une bagarre ou à une activité délictueuse.

Dès l'enquête, le procureur de la République peut recourir à une association d'aide aux victimes ayant fait l'objet d'un conventionnement afin qu'il soit porté aide à la victime de l'infraction. Avec la loi du 9 septembre 2002, les victimes d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne bénéficient d'une aide juridictionnelle de plein droit, sans condition de ressources. D'autre part, elles doivent être informées de leur droit d'obtenir une éventuelle réparation du préjudice subi, de se constituer partie civile, d'être assistées d'un avocat, d'être aidées par un service relevant d'une collectivité publique ou par une association d'aide aux victimes et de saisir la CIVI. D'autres mesures sont à l'étude ou en cours d'élaboration afin de mieux prendre en compte les intérêts de la victime au stade de l'exécution de la peine, d'améliorer l'accessibilité et la lisibilité des documents remis à la victime et de lui proposer un accompagnement avant, pendant et après
l'audience.

Par ailleurs, la loi du 15 juin 2000 prévoit l'organisation d'un accueil spécifique des femmes victimes de violences au sein de la famille par les services de police et de gendarmerie, afin que celles-ci bénéficient d'une écoute respectant la confidentialité et qu'elles puissent porter plainte plus facilement.

6711

1.4.2

Allemagne

L'aide aux victimes est régie par plusieurs lois en Allemagne: ­

la loi sur l'indemnisation des victimes («Opferentschädigungsgesetz, OEG»85;

­

la loi sur la protection contre la violence («Gewaltschutzgesetz, GewSchG»86) qui offre une protection contre la violence domestique;

­

le code de procédure pénale («Strafprozessordnung, StPO») qui a été modifié pour renforcer les droits des victimes et des témoins87;

­

la loi sur la sauvegarde des droits des victimes («Opferanspruchssicherungsgesetz»88) qui protège les droits civils des victimes.

La loi sur l'indemnisation des victimes (OEG) prévoit une indemnité («Versorgung») couvrant uniquement les dommages à la santé. Le préjudice immatériel n'est pas couvert. La perte ou la détérioration d'un bien n'est couverte que s'il s'agit d'un moyen auxiliaire directement porté (par ex. lunettes de vue ou lentilles de contact).

Peuvent bénéficier des prestations les victimes elles-mêmes, ainsi que leurs survivants (conjoints, enfants ou parents). Les prestations sont accordées selon les principes de la loi d'assistance («Bundesversorgungsgesetz»). Sont prévues des prestations pour frais de guérison (y compris pour frais de psychothérapie), des rentes pour lésé et des allocations pour soins, des prestations pour frais d'obsèques et des rentes pour survivant. La rente de base pour personne lésée (indépendante du revenu) va de 118 à 621 , à quoi peut s'ajouter une augmentation liée à l'âge de 24 à 37 89.

Certaines prestations dépendent du revenu.

La loi respecte le principe de territorialité: l'atteinte doit avoir lieu sur le territoire, un navire ou un aéronef allemand. Les étrangers ont droit, à certaines conditions, à des prestations limitées.

1.4.3

Autriche

La loi sur l'aide aux victimes d'infractions («Verbrechensopfergesetz, VOG90») date de 1972. L'aide s'étend à la victime et à ses survivants. Elle est accordée aux ressortissants autrichiens, ainsi qu'aux ressortissants d'Etats membres de l'EEE lorsque les faits se sont produits sur le territoire national ou à bord d'un navire ou d'un aéronef autrichien, ou lorsqu'ils nentmentséjour ordinaire en Autriche. Des prestations sont accordées pour la perte de gain, la perte de soutien, les soins médicaux, les soins 85 86

87 88 89 90

Gesetz über die Entschädigung für Opfer von Gewalttaten vom 7.1.1985, entrée en vigueur en 1976 et modifiée pour la dernière fois le 6.12.2000 (BGBl. I p. 1676).

Gesetz zum Zivilrechtlichen Schutz vor Gewalttaten und Nachstellungen vom 11.12.2001, BGBl. I p. 3513); cette loi contient des règles permettant de prendre des décisions judiciaires urgentes en vue de protéger les victimes contre des actes de violence et donne notamment la possibilité au lésé de demander que l'usage du logement commun lui soit réservé.

Modifications apportées par l'«Opferschutzgesetz» (18.12.1986, BGBl. I p. 2496) et le «Zeugenschutzgesetz» (1.12.1998, BGBl. I p. 820).

Gesetz zur Sicherung der zivilrechtlichen Ansprüche der Opfer von Straftaten vom 8.5.1998, BGBl. I p. 905.

Montants au 1.7.2003.

BGBl. 288/1972

6712

orthopédiques, la rééducation, la réinsertion professionnelle et sociale, l'assistance et les frais d'obsèques. L'aide pour la perte de gain et la perte de soutien est accordée sous forme de rente mensuelle. Le montant de la rente mensuelle tient compte du revenu et est plafonnée à un montant de base qui, en 2002, s'élevait à 2 068,78 , autres revenus du bénéficiaire compris. Ce plafond est augmenté si la victime subvient principalement aux besoins de son conjoint et pour chaque enfant. D'autre part, la loi autrichienne prévoit la possibilité d'accorder des prestations supplémentaires pour les cas de rigueur. Elle ne couvre en revanche pas le préjudice immatériel.

Des mesures particulières dans le domaine de la violence domestique ont en outre été adoptées en 199691.

1.4.4

Italie

A ce jour, les mesures d'aide aux victimes en vigueur en Italie se rapportent à des catégories d'infractions particulières, comme les actes terroristes et la criminalité organisée, mais pas aux infractions ordinaires. Un projet de loi a toutefois été présenté au Sénat en août 2003 en vue de l'adoption d'une loi cadre sur l'assistance aux victimes d'infractions92, dont le contenu a en partie un caractère programmatique et s'inspire de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 15 mars 2001.

Ce projet de loi n'a pas encore été débattu au Parlement.

La loi du 20 octobre 199093 en faveur des victimes du terrorisme et de la criminalité organisée a été complétée par différentes lois successives, dont la loi du 22 décembre 199994 qui vise à assurer aux victimes de la criminalité organisée le paiement effectif du dommage subi grâce à l'intervention directe de l'Etat. Sont considérées comme des victimes du terrorisme et de la criminalité organisée les ressortissants italiens, de même que les ressortissants étrangers et apatrides, décédés ou blessés à la suite d'actes terroristes ou d'actes de criminalité organisée de type mafieux commis sur le territoire italien. Le requérant doit être au bénéfice d'un jugement pénal ou civil reconnaissant ses prétentions civiles. Les proches peuvent également bénéficier des prestations lorsque la victime est décédée. Les prestations peuvent être de nature économique et non économique. Les prestations de nature économique aux proches survivants d'une victime décédée comprennent soit une indemnité unique de 77 000 environ, soit une rente mensuelle de 250 environ. Les prestations de nature économique aux personnes blessées comprennent soit une indemnité unique s'élevant à 770 par pourcentage d'invalidité permanente dûment constatée, soit une rente mensuelle. Les prestations de nature non économique comprennent notamment des facilités d'embauche et des bourses d'études pour les enfants.

91

92 93 94

Ces dispositions prévoient la possibilité pour les organes chargés d'assurer la sécurité publique d'expulser la personne violente du logement de la victime et de lui en interdire l'accès, y compris lorsqu'il s'agit du logement commun.

Disegno di legge n. 2464 recante «Legge-quadro per l'assistenza, il sostegno e la tutela di vittime di reati».

Legge n. 302 recante «Norme a favore delle vittime del terrorismo e della criminalità organizzata».

Legge n. 512 recante «Istituzione del Fondo di rotazione per la solidarietà alle vittime dei reati di tipo mafioso».

6713

Le projet de loi d'août 2003 prévoit de couvrir les ressortissants italiens et étrangers victimes d'une infraction commise sur le territoire italien. Est considérée comme victime la personne qui a subi l'infraction, de même que ses proches si elle est décédée des suites de l'infraction. La liste des infractions entrant en ligne de compte comprend des infractions graves telles que la séquestration, l'homicide, les lésions corporelles particulièrement graves, les actes de violence sexuelle. Le dédommagement accordé couvre la perte de gain en relation avec une invalidité temporaire ou permanente, les frais médicaux et hospitaliers, les frais funéraires et la perte de soutien. Il est versé indépendamment de la situation économique de la victime et de ses prétentions vis-à-vis de l'auteur. Le montant du dédommagement est fixé proportionnellement au dommage jusqu'à un montant maximum de 1 500 000 . La victime a le droit de recevoir certaines informations, en particulier sur les formes d'assistance qu'elle peut obtenir et les organismes auxquels elle peut s'adresser.

Enfin, il convient de citer la loi du 4 avril 2001 sur les mesures contre la violence dans les relations familiales95.

1.4.5

Grande-Bretagne

Le CICS («Criminal Injuries Compensation Scheme») permet d'indemniser les victimes d'infractions avec violence. Adopté en 1996, il a été révisé en 2001. Les sommes allouées à titre d'indemnisation s'élèvent annuellement à plus de 200 millions de livres sterling. Le CICS s'occupe des dommages survenus sur le territoire de la Grande-Bretagne, mais ne couvre pas les dommages survenus à l'étranger.

L'Irlande du Nord a un régime d'indemnisation analogue. Les atteintes découlant de l'utilisation d'un véhicule ne sont en principe pas considérées comme des infractions au sens du régime d'indemnisation. Les proches d'une victime décédée peuvent également obtenir une indemnisation. La prestation principale du régime d'indemnisation comprend un montant standard d'indemnisation («standard amount of compensation»). Par l'octroi de cette indemnisation, on reconnaît que la victime a subi une atteinte. Pour bénéficier d'une telle prestation, il faut avoir subi une atteinte corporelle ou mentale suffisamment grave pour être incluse dans le tarif joint au régime d'indemnisation. Le montant alloué est calculé ur la base sd'un tarif très détaillé en fonction du type d'atteinte et de sa gravité96. L'indemnité peut être supprimée ou réduite lorsque, par exemple, le requérant n'a pas fait les démarches qu'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour informer la police ou n'a pas 95

96

Legge n. 154 recante «Misure contro la violenza nelle relazioni familiari»: Le juge peut prononcer diverses mesures, à savoir ordonner à l'auteur des violences de quitter immédiatement le domicile familial et lui en interdire l'accès sans autorisation diciairejuge, lui interdire de s'approcher des lieux habituellement fréquentés par la victime et lui prescrire le versement périodique d'une allocation aux proches qui vivaient sous son toit afin qu'ils puissent subvenir à leurs besoins.

Par exemple, le montant standard alloué est de 250 000 £ en cas de tétraplégie ou de quadriplégie, de 175 000 £ en cas de paraplégie et de 55 000 £ en cas d'hémiplégie. En cas de décès, le montant standard alloué est de 11 000 £ en présence d'un seul ayant droit et de 5 500 £ par ayant droit dans les autres cas. En cas de pénétration vaginale ou anale non consentie, le montant standard est de 11 000 £ si l'agresseur était seul et de 13 500 £ lorsque les agresseurs étaient plusieurs. Il va de 16 500 à 22 000 £ lorsque les faits se sont répétés sur une période plus ou moins longue. Le montant standard est de 11 000 £ lorsque la victime a été gravement défigurée au visage, mais de 1 500 £ seulement en cas de défiguration mineure, etc.

6714

coopéré avec les autorités de poursuite, ou lorsqu'il n'a pas eu un comportement adéquat ou s'il a contribué à la survenance du dommage par une consommation excessive d'alcool ou de drogue. La demande d'indemnisation doit être déposée dans les deux ans qui suivent la commission de l'infraction. Des circonstances particulières permettent toutefois de prolonger ce délai lorsque l'autorité compétente le juge raisonnable. En plus du montant standard d'indemnisation, il est possible d'obtenir une compensation pour la perte de gain, en cas d'incapacité de gain supérieure à 28 semaines, et une compensation pour les frais encourus, tels que les frais médicaux qui ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale. Le montant minimum alloué est de 1000 £ et le montant maximum de 500 000 £ par cas, y compris la compensation de la perte de gain et des frais spéciaux éventuels.

Les victimes peuvent obtenir des informations et un soutien gratuits auprès d'un organisme de bienfaisance indépendant appelé «victim support», doté d'une ligne téléphonique nationale et d'agences locales réparties dans tout le pays. Cet organisme gère également un service d'aide aux témoins («witness support») présent dans tous les tribunaux pénaux, dont le but est d'offrir un soutien et un accompagnement aux personnes appelées à témoigner lors du procès pénal. Ce service permet notamment aux personnes concernées de se familiariser avec les lieux et de s'informer sur le déroulement du procès avant de témoigner, de se faire accompagner pendant l'audience et de recevoir une aide pratique.

Un projet de loi concernant la violence domestique est actuellement débattu au Parlement97.

1.4.6

Espagne

Lorsqu'elle a ratifié la convention européenne relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes le 20 octobre 2001, l'Espagne disposait déjà d'un système d'aide aux victimes comprenant deux régimes distincts, l'un pour les actes de terrorisme et de violence commis par des bandes armées98, l'autre pour les délits violents et d'ordre sexuel99. Malgré un effort d'unification, surtout au niveau administratif, ces deux régimes sont restés distincts.

Le cercle des bénéficiaires s'étend aux personnes qui, au moment de la commission de l'infraction, ont la nationalité espagnole ou sont ressortissants d'un Etat membre de l'UE, de même que les personnes résidant habituellement en Espagne et possédant la nationalité d'un Etat qui accorde la réciprocité aux ressortissants espagnols.

La loi s'applique aux victimes qui ont subi une atteinte grave à leur santé physique ou psychique ayant causé une incapacité permanente ou temporaire supérieure à six mois. Les proches peuvent également bénéficier de prestations.

97

98

99

Il renforce les pouvoirs de la police et permet au juge d'édicter un ordre de contrainte («restraining order») à l'encontre de la personne violente lorsque la protection de la victime l'exige.

Ley 32/1999, de 8 de octubre, de Solidaridad con las víctimas del terrorismo, N° de disposición: 32/1999, Fecha Disposición: 8/10/1999, Órgano Emisor: JEFATURA EL ESTADO Número de Boletín: 242/1999 Fecha Publicación: 9/10/1999, Categorias: Ayuda a las víctimas.

RCL 1995/3319, Ley 35/1995, de 11 diciembre. Jefatura Del Estado Boe 12 diciembre 1995, núm 296, [pág. 35576]; Delitos violentos y contra la libertad sexual. Ayudas y asistencia a las víctimas.

6715

La législation espagnole prévoit une aide sous forme d'allocation mensuelle, dont le montant dépend du revenu, du nombre de personnes à charge de la victime et de la gravité des atteintes subies. Cette allocation ne couvre pas le préjudice moral. L'Etat est subrogé dans les droits de la victime à l'encontre de l'auteur de l'infraction jusqu'à concurrence du montant total versé. L'Etat peut refuser l'attribution d'une aide pour des raisons d'équité ou d'ordre public, en particulier si le bénéficiaire a contribué de façon directe ou indirecte à la commission de l'infraction ou à l'aggravation de ses conséquences. La victime peut bénéficier d'une forme d'assistance judiciaire lorsqu'elle démontre qu'elle a des difficultés économiques. Dans le régime d'aide aux victimes du terrorisme et des bandes armées, l'Etat indemnise tous les préjudices résultant d'atteintes physiques et psychiques, y compris les frais médicaux et les pertes matérielles (par exemple pour la remise en état de la propriété immobilière).

1.4.7

Danemark, Finlande et Suède

législation100

La de ces trois pays est très similaire. Elle prévoit qu'une indemnisation ne peut être octroyée que si l'infraction a été commise sur le territoire national.

Si celle-ci a été commise à l'étranger, la victime doit être domiciliée sur le territoire national. En droit finlandais, une indemnité pour une infraction commise à l'étranger est possible en cas de lésions corporelles si la victime était domiciliée en Finlande au moment de l'infraction. Il est possible de renoncer à cette exigence si une indemnisation paraît justifiée. En Suède, il est possible, depuis 2002, de refuser toute indemnisation à celui dont le rattachement avec la Suède est minime (par exemple lorsque la victime a déménagé entre-temps à l'étranger).

Sont indemnisés les dommages corporels de façon générale; le tort moral est inclus dans cette notion. Le droit de la responsabilité civile des pays nordiques est cependant très restrictif en matière de réparation morale. Les dommages matériels et économiques ne sont indemnisés que de manière limitée: les droits suédois et finlandais n'indemnisent en principe les dommages matériels que si la victime est tombée dans le besoin à la suite de l'infraction. Le Danemark n'indemnise pas le préjudice économique, la Suède seulement si la victime est tombée dans le dénuement. En Finlande, l'indemnisation est plafonnée à 47 934 pour les dommages corporels de la victime, à 3 364 pour les proches de la victime décédée et à 24 050 pour les dommages matériels. Toujours en Finlande, la perte de gain est indemnisée à concurrence de 115 par jour. La Suède prévoit aussi un montant maximum: celuici est fixé, pour les dommages corporels, à 20 fois le montant de base de l'assurance sociale (qui s'élève, pour 2004, à 39 300 couronnes); pour les dommages matériels, le montant maximum est fixé à dix fois le montant de base de l'assurance sociale. Le Danemark ne connaît de plafond que pour les dommages matériels.

Une indemnisation par les fonds publics n'entre en ligne de compte qu'une fois que tous les autres moyens (assurances, dommages-intérêts) ont été épuisés. D'autre part, l'indemnisation peut être réduite si le dommage est en partie imputable à la victime ou si celle-ci n'a rien entrepris pour éviter la commission de l'infraction. La 100

Pour le Danemark: loi 1976/277 «Lov om erstatning fra staten til ofre for forbrydelser»; pour la Finlande: loi 1973/935 «Lag om ersättning för brottskador av statsmedel»; pour la Suède: loi 1978/413 «Brottskadelag».

6716

victime perd tout droit à l'indemnisation si l'infraction n'a pas été dénoncée à la police.

Au Danemark et en Suède, la demande d'indemnisation doit être introduite dans les deux ans qui suivent l'infraction; en Finlande, ce délai est de dix ans et peut être prolongé si des circonstances exceptionnelles l'exigent.

Au Danemark, il incombe à la police de donner aux victimes des informations sur la procédure d'indemnisation. Les services administratifs danois et finlandais compétents ont pour seule tâche de se prononcer sur les demandes d'indemnisation.

L'agence suédoise a en revanche aussi une activité de conseil et d'assistance.

1.4.8

Relation avec le droit de l'UE

Le 15 mars 2001, le Conseil de l'Union européenne a adopté une décision-cadre relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales101. Cette décision contient un ensemble de dispositions visant à protéger les victimes et à leur garantir le respect et la reconnaissance de leurs droits. Les Etats membres ont jusqu'à mars 2006 pour transposer dans leur ordre juridique national les obligations imposées par cette décision-cadre.

Cette décision comporte plusieurs aspects particulièrement intéressants: Elle entend par victime la personne physique qui a subi un préjudice, en particulier une atteinte à son intégrité physique ou mentale, une souffrance morale ou une perte matérielle, directement causé par des actes ou des omissions qui enfreignent la législation pénale d'un Etat102. Respect et reconnaissance sont dus aux victimes.

Elles ont le droit de recevoir un minimum d'information précisément définies, si possible dans des langues généralement comprises103. Les victimes doivent être protégées des actes de rétorsion et il convient d'éviter qu'elles entrent en contact avec les auteurs de l'infraction; au besoin, des zones d'attentes séparées pour les victimes seront créées104. Par ailleurs, il convient de veiller à ce que la victime d'une infraction à l'étranger puisse porter plainte dans son Etat de résidence105.

Le projet de loi reprend pratiquement à l'identique les dispositions de la LAVI actuelle quant au statut de la victime dans la procédure pénale. Le droit actuel ne règle pas la question de manière exhaustive; il ne contient que des prescriptions minimales de droit fédéral à l'intention des cantons. Les prescriptions figurant dans le projet de loi ne correspondent pas dans leur totalité à celles de la décision-cadre.

Les travaux consacrés au futur code de procédure pénale pourraient être l'occasion de s'approcher davantage encore du droit européen106.

101 102 103 104 105 106

2001/220/JAI, JOCE n° L 082 du 22.03.2001, p. 1 ss; http://europa.eu.int/comm/ justice_home/ejn/comp_crime_victim/comp_crime_victim_ec_fr.htm Art. 1 de la décision-cadre.

Art. 2 et 4 de la décision-cadre.

Art. 8 de la décision-cadre.

Art. 11 de la décision-cadre.

S'agissant de l'unification de la procédure pénale, voir ci-dessus ch. 1.3.1.

6717

Par ailleurs, une directive du Conseil relative à l'indemnisation des victimes de la criminalité a été adoptée récemment107. Elle règle les conditions de l'accès à une indemnisation dans les situations transfrontalières à l'intérieur de l'UE. La victime d'une infraction violente, intentionnelle, commise en dehors de son Etat de résidence doit pouvoir déposer une demande dans son pays de résidence108. Le principe applicable est celui de la territorialité: l'Etat compétent pour accorder l'indemnité est celui sur le territoire duquel les faits se sont produits109. Les Etats membres veillent à ce que leur droit national prévoie une indemnisation juste et adéquate pour les victimes d'infractions violentes intentionnelles110.

Le droit suisse de l'aide aux victimes, contrairement à la directive, ne prévoit pas seulement des indemnisations et d'autres prestations pour les infractions commises intentionnellement (art. 1 et 2, LAVI, ainsi que les art. 1 et 2 du présent projet). Les autorités sont tenues de coopérer lorsque l'infraction a été commise dans un pays qui a ratifié la Convention européenne relative au dédommagement des victimes d'infractions111.

1.5

Mise en oeuvre

La loi actuelle sur l'aide aux victimes laisse quelques questions en suspens, bien que son ordonnance ait permis de clarifier certains aspects importants. La jurisprudence et la consultation ont néanmoins montré qu'il serait judicieux de fixer dans la loi certains points revêtant une grande importance pratique. Le projet de loi tient compte de ce souhait et l'ordonnance peut donc être allégée en conséquence.

Le droit de procéder à des adaptations de peu d'importance (notamment l'adaptation au renchérissement des montants maximaux) est délégué au Conseil fédéral. Par ailleurs, celui-ci peut prévoir des forfaits et des tarifs afin de simplifier et d'uniformiser l'octroi des réparations morales. Le Conseil fédéral peut en outre établir des prescriptions subsidiaires sur la répartition des coûts entre les cantons pour l'aide fournie par les centres de consultation et les contributions aux frais pour l'aide de tiers. Néanmoins, pour l'essentiel, la loi doit être mise en oeuvre et appliquée par les cantons, comme c'est le cas aujourd'hui.

Le projet se fonde sur le système en vigueur, de sorte que sa mise en oeuvre ne devrait pas poser de difficulté particulière aux cantons. Il correspond à la pratique cantonale en de nombreux points. Seul l'octroi des réparations morales pourrait créer au début quelques problèmes d'application; il est dès lors important que la Confédération puisse instaurer, si nécessaire, des forfaits ou des tarifs.

107 108 109 110 111

2004/80/CE, JOCE n° L 261 du 6.08.2004, p. 15 ss; http://europa.eu.int/ prelex/detail_dossier_real.cfm?CL=de&DosId=177050 Art. 1 de la directive.

Art. 2 de la directive.

Art. 12 de la directive.

Voir à ce propos ch. 5.2.1 ci-dessous.

6718

1.6

Interventions parlementaires

1.6.1

Interventions concernant la loi sur l'aide aux victimes

Délai de péremption D'emblée, le délai de péremption de deux ans prévu par la loi sur l'aide aux victimes a été considéré comme relativement court112. Deux ans environ après l'entrée en vigueur de la loi, la suppression du délai de péremption a été demandée au Conseil national, sur proposition de Christine Goll113. En 2000, le Conseil national a adopté le postulat Leuthard qui demandait une prolongation du délai de péremption à cinq ans pour les victimes d'infractions de nature sexuelle114. En 2001, la motion JossenZinsstag demandait une prolongation du délai à quatre ans pour toutes les victimes115. En juin 2005, la motion Markwalder Bär demandait à son tour un allongement du délai116. La commission d'experts a examiné la suppression du délai et son remplacement par un délai de prescription117. A l'instar de la commission d'experts, le projet de révision propose une prolongation du délai de péremption à cinq ans. Il prévoit en outre deux règles spécifiques: premièrement, les enfants victimes d'un délit de caractère sexuel ou d'un acte particulièrement grave peuvent introduire une demande jusqu'au jour de leurs 25 ans (art. 25, al. 2). Deuxièmement, la personne qui veut faire valoir ses prétentions à l'égard de l'Etat lorsque l'action contre l'auteur s'est révélée infructueuse peut encore introduire une demande dans un délai ultérieur d'un an (art. 25, al. 3). Cette solution différenciée répond au désir d'assouplir le droit en vigueur. Les objectifs des interventions sont dès lors atteints et cellesci peuvent, de ce fait, être classées.

Limitation des réparations morales Le postulat Leuthard demandait de limiter à deux tiers au maximum la responsabilité des cantons pour la réparation morale due par l'auteur. La réparation morale sera désormais limitée à un montant maximum (art. 23); le postulat est donc réalisé sur ce point et peut être classé.

112 113

114 115 116

117

Voir le message LAVI, p. 942 ad art. 15.

94.3574 Motion Goll du 16.12.1994, Loi sur l'aide aux victimes d'infractions, délai de péremption de l'art. 16, al. 3. La motion a été transformée en postulat le 24 mars 1995 et classée en 2002 avec d'autres interventions.

00.3064 Postulat Leuthard du 16 mars 2000, Loi sur l'aide aux victimes d'infractions. Le postulat a été adopté le 14 juin 2000.

01.3729 Motion Jossen-Zinstag du 12 décembre 2001, Prescription des prétentions selon la loi sur l'aide aux victimes. La motion a été transformée en postulat le 22 mars 2002.

05.3409 Motion Marwalder Bär du 17 juin 2005, Loi sur l'aide aux victimes d'infractions. Allonger le délai de péremption. Le 14 septembre 2005, le Conseil fédéral a proposé d'accepter la motion.

Cf. rapport explicatif, p. 49 (remarques relatives à l'art. 21 AP).

6719

1.6.2

Autres interventions

Les interventions suivantes concernent également l'aide aux victimes: Motion Vermot 00.3055 Traite des femmes. Programme de protection pour les victimes La motion Vermot (mentionnée supra sous ch. 1.3.3) a été transmise comme postulat. Outre une redéfinition de la traite des femmes en droit pénal, cette intervention demandait des améliorations concernant le droit de séjour, en particulier pendant une procédure pénale, la protection contre les représailles, un soutien financier ainsi que la création d'une cellule de consultation reconnue par l'Etat118.

Le Conseil fédéral a mis en place un groupe de travail interdépartemental chargé d'examiner l'ensemble de la question. Le 29 mai 2002, il a pris connaissance du rapport «Traite des êtres humains en Suisse» et invité les départements concernés à se pencher sur les recommandations qui y étaient faites. Dans le domaine de l'aide aux victimes, le rapport proposait de mettre sur pied une permanence téléphonique gratuite, accessible 24 h sur 24 dans toute la Suisse, pour conseiller les victimes et leur faciliter l'accès à une aide. Par ailleurs, le groupe de travail recommandait d'intensifier la collaboration entre la police, les centres de consultation et les personnes concernées. Enfin, il suggérait que la LAVI oblige les cantons à mettre suffisamment de places à disposition dans les maisons pour femmes battues et à veiller à un financement suffisant de ces institutions119.

Tout comme le droit actuel, le projet de révision permet le soutien, notamment financier, des victimes de la traite des êtres humains: les centres de consultation garantissent l'aide immédiate et l'aide à plus long terme (art. 13). Il établit de manière explicite le principe selon lequel les centres de consultation fournissent, en cas de besoin, un hébergement d'urgence à la victime et à ses proches (art. 14, al. 1). Par ailleurs, il prescrit aux centres de consultation de prendre contact avec les victimes dont les coordonnées leur ont été transmises par la police ­ pour autant que les victimes aient consenti à cette transmission (art. 12, al. 2, en relation avec l'art. 8, al. 2 et 3). La collaboration avec les services concernés gagne ainsi en efficacité et l'accès aux centres de consultation s'en trouve facilité. De plus, les cantons veillent à ce que les besoins particuliers des
différentes catégories de victimes soient pris en compte dans l'offre des centres de consultation mis à disposition ou dans l'offre de prestations (art. 9, al. 1). Les besoins particuliers des victimes de la traite des êtres humains sont ainsi reconnus. En même temps, les cantons seront encouragés à exploiter en commun des centres de consultation spécialisés. Par contre, suite aux résultats de la consultation, les cantons ne seront pas tenus de mettre à disposition un nombre suffisant de places d'accueil pour femmes battues120.

118

La motion a été déposée le 15 mars 2000 et le Conseil fédéral y a répondu le 24 mai 2000.

Elle a été transmise en tant que postulat par le Conseil national le 12 juin 2000.

119 «Traite des êtres humains en Suisse», Rapport de septembre 2001 du groupe de travail interdépartemental présenté au Département fédéral de justice et police, ch. 5.5, p. 58 ss; ce rapport peut être consulté sur Internet: www.ofj.admin.ch (sous: thèmes ­ législation ­ traite des êtres humains ­ documentation).

120 Voir supra, ch. 1.1.3.2.

6720

Dans le courant de l'été 2002, la proposition du groupe de travail «Traite des êtres humains» concernant la permanence téléphonique a été soumise à la Conférence suisse des offices de liaison de l'aide aux victimes (CSOL-LAVI)121. Celle-ci estime insuffisant la création d'une permanence téléphonique sans service de consultation centralisé et spécialisé en arrière-plan. A son avis, le financement de ce service doit être assuré par la Confédération. A l'automne 2003, le centre de consultation Makasi à Zurich a proposé à la CSOL-LAVI de créer un centre de consultation financé par plusieurs cantons ou par la Confédération, à l'intention des victimes de la traite des femmes. Le projet de révision ne donne pas à la Confédération la compétence d'exploiter des centres de consultation spécialisés. Le Conseil fédéral estime qu'il ne serait pas judicieux d'obliger la Confédération, en plus des cantons, à mettre sur pied des centres de consultation. La nouvelle péréquation financière est incompatible avec de nouvelles contributions fédérales qui seraient affectées à des centres de consultation spécialisés122. La possibilité pour les cantons de mettre en place des institutions communes (art. 9, al. 2) devrait les inciter à créer un ou deux centres nationaux. En outre, la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) envisage de donner un mandat pour un projet d'étude visant notamment à examiner l'existence d'un éventuel besoin d'organiser une offre spécifique pour les victimes de la traite des êtres humains. La Confédération (Office fédéral de la police) participe à cette étude.

Tous les points du postulat concernant l'aide aux victimes ont été examinés. Le projet de révision permet d'atteindre en partie les objectifs visés.

Motion Goll 03.3114 Soutien des maisons pour les femmes victimes de violences La motion Goll du 20 mars 2003 demandait au Conseil fédéral de créer le plus rapidement possible les conditions permettant d'accorder un soutien financier aux maisons qui accueillent les femmes victimes de violences domestiques. Dans sa réponse du 21 mai 2003, le Conseil fédéral a promis d'examiner la demande à la lumière des résultats de la procédure de consultation relative à la révision totale de la LAVI. L'intervention parlementaire a été classée le 18 mars 2005, car elle était pendante
depuis plus de deux ans.

La proposition a fait l'objet de multiples critiques lors de la consultation123. Le versement de nouvelles contributions entre en contradiction avec la nouvelle péréquation financière. Par ailleurs, la situation budgétaire de la Confédération ne s'y prête pas124. Le présent projet ne prévoit donc pas de financer les maisons pour femmes battues. Néanmoins, l'obligation de remboursement des séjours des victimes domiciliées dans un autre canton (art. 18) contribue à décharger financièrement les centres pour femmes battues et leur canton. Le projet prévoit aussi que les centres de consultation procurent si nécessaire un hébergement d'urgence à la victime ou à ses proches (art. 14, al. 1).

121

La CSOL-LAVI assure la collaboration au niveau intercantonal. Plus d'informations disponibles sur Internet: www.opferhilfe-schweiz.ch (sous: dispositions légales et recommandations).

122 Voir supra, ch.1.2.3.

123 Voir supra ch. 1.1.3.2.

124 Voir supra ch. 1.2.3 et. 2, commentaires de l'art. 18.

6721

Au début de l'année 2004, le Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes a mandaté une étude préalable pour évaluer les besoins. La Conférence suisse des offices de liaison de l'aide aux victimes (CSOL-LAVI)125 recommande depuis peu d'appliquer le tarif de l'institution concernée pour les séjours extra-cantonaux, c'està-dire de rembourser en règle générale la totalité des frais.

2

Commentaire

Titre et préambule Le titre est repris sans modification de la loi en vigueur.

Le préambule renvoie non seulement à la disposition constitutionnelle relative à l'aide aux victimes, mais aussi à celle relative au droit pénal. En effet, la loi comprend encore des dispositions de procédure pénale; dans une phase ultérieure, ces dispositions sur la protection et les droits de la victime et de ses proches dans la procédure pénale passeront dans le code de procédure pénale suisse. En attendant, elles relèvent encore de la loi sur l'aide aux victimes.

2.1

Chapitre 1

Art. 1

Dispositions générales

Principes

Al. 1: le projet reprend, sans modification, la teneur de l'art. 2, al. 1, du droit en vigueur; la disposition est toutefois partagée en deux alinéas (al. 1 et 3). Comme sous l'empire du droit actuel, une aide au sens de la présente loi n'est pas accordée automatiquement à toutes les victimes d'infractions; elle n'est accordée qu'aux victimes atteintes dans leur intégrité physique, psychique ou sexuelle. A l'instar du droit en vigueur, le projet n'établit pas de liste des infractions donnant droit à l'aide aux victimes. C'est la pratique qui décidera si, dans le cas d'espèce, un fait entre ou non dans le champ d'application de la loi. Alors que certaines infractions sont clairement des infractions au sens de la LAVI (par ex. le meurtre, les lésions corporelles, le viol et d'autres délits à caractère sexuel), d'autres sont moins évidentes. Le TF a par exemple reconnu qu'un cas de calomnie caractérisée peut donner droit, selon les circonstances, à des prestations d'aide aux victimes126.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les exigences relatives à la preuve de l'infraction diffèrent sensiblement en fonction du type d'aide sollicité. S'agissant de l'aide immédiate et de la protection des droits de la victime dans la procédure pénale, il suffit qu'entre en considération une infraction pouvant donner lieu à une aide. En revanche, pour l'octroi de prestations financières définitives, la preuve des éléments constitutifs d'un acte pénal délictueux est nécessaire127.

125 126 127

En ce qui concerne ses tâches, v. supra sous ch. 1.1.1: recommandations CSOL-LAVI.

Arrêt du Tribunal fédéral 1A.70/2004 du 7.07.2004.

ATF 125 II 265 ss

6722

Al. 2: l'aide aux victimes n'est pas seulement destinée à la victime, mais également à ses proches. Le cercle des proches est repris du droit en vigueur (art. 2, al. 2, LAVI); le partenariat enregistré et le concubinage sont également inclus dans cette définition.

Al. 3: le fait que l'auteur ait été ou non découvert ou que le comportement de celuici soit ou non fautif et qu'en particulier l'infraction ait été commise intentionnellement ou par négligence ne joue aucun rôle quant à la qualité de victime. A l'instar du droit en vigueur, il suffit de démontrer que les éléments constitutifs objectifs d'une infraction sont réalisés. D'un point de vue rédactionnel, cette disposition a été adaptée à la conception de la doctrine dominante128, conception selon laquelle l'intention et la négligence ne doivent pas être examinées dans le cadre de la faute, mais appréciées en tant qu'éléments constitutifs subjectifs de l'infraction.

Lors de la procédure de consultation, les organismes consultés ont demandé aussi bien des restrictions (telles que l'exclusion des infractions aux règles de la circulation du champ d'application) que des adjonctions (telles que la mention expresse de la traite des êtres humains). Globalement, le Conseil fédéral estime que la solution proposée ici a largement fait ses preuves et qu'elle est susceptible de réunir un consensus politique. Afin d'assurer la cohérence du projet, il n'entend spas privilégier ou traiter différemment certains types d'infractions ou certaines catégories de victimes.

Art. 2

Formes de l'aide aux victimes

Cette disposition offre un aperçu des prestations qui peuvent être fournies dans le cadre de l'aide aux victimes. Le droit en vigueur les énumère également (art. 1, al. 2), ­ contrairement à l'avant-projet de la commission d'experts ­ mais de façon plus sommaire. Dans le projet du Conseil fédéral, le catalogue des prestations est très détaillé, mais il n'instaure pas de nouvelles prestations.

Art. 3

Champ d'application à raison du lieu

L'art. 3 règle le champ d'application d'une manière plus précise que par le passé; il s'inspire de la jurisprudence du Tribunal fédéral129. Contrairement à ce que laisse entendre le droit en vigueur, l'aide aux victimes n'est pas accordée à toutes les victimes; l'existence d'un lien avec la Suisse est nécessaire (art. 11, al. 3, LAVI).

L'al. 1 précise que seule la victime d'une infraction commise en Suisse (principe de territorialité au sens de l'art. 3 de la Convention européenne du 24 novembre 1983 relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes130) peut bénéficier des prestations de l'aide aux victimes. Le lieu de commission se détermine de la même manière qu'en droit pénal, c'est-à-dire que l'on considère aussi bien le lieu où l'auteur a agi ou omis d'agir que le lieu où le résultat de l'acte s'est produit (art. 7 CP131). Les personnes domiciliées à l'étranger ont également droit à l'aide 128

Cf. Stefan Trechsel/Peter Noll, Schweizerisches Strafrecht Allgmeiner Teil I, Zurich 1998, § 19D p. 74 et §23A p. 93, et Kurt Seelmann, Strafrecht Allgemeiner Teil, Bâle 1999, p. 39.

129 ATF 126 II 229 130 RS 0.312.5 131 Cette disposition est reprise dans la nouvelle partie générale du code pénal: cf. art. 8 CP dans sa version du 13.12.2002 (RS 311.0), FF 2002 7658, et le message du Conseil fédéral du 21 septembre 1998, FF 1999 1787.

6723

aux victimes dans la mesure où l'infraction a été commise en Suisse, conformément à la convention européenne ratifiée par la Suisse.

Al. 2: en présence d'une relation suffisamment étroite entre la victime et la Suisse (cf. art. 17), l'aide aux victimes est également allouée lorsque l'infraction a été commise à l'étranger. L'aide accordée se limite alors à l'aide immédiate et à l'aide à plus long terme; aucune indemnisation ou réparation morale n'est versée. Cette solution est soutenue par la majorité des cantons. Elle est conforme à la Convention européenne132 mentionnée, qui se fonde pour l'essentiel sur le principe de territorialité. Des considérations pratiques parlent aussi en faveur de cette solution: les infractions à l'étranger donnent souvent lieu à des problèmes de preuve. De surcroît, il ne serait ni équitable, ni raisonnable que la Suisse supporte les conséquences d'une infraction commise à l'étranger dans des régions à risques.

Cette règle s'écarte du droit en vigueur. Conformément à l'art. 11, al. 3, LAVI, les personnes victimes d'une infraction à l'étranger, de nationalité suisse et ayant leur domicile en Suisse, peuvent également obtenir une indemnisation et une réparation morale, en plus des conseils et de l'aide. Le Conseil fédéral a abandonné l'indemnisation et la réparation morale en se basant sur les propositions de la commission d'experts, bien qu'elles aient été diversement appréciées. Son choix tient compte des conséquences financières pour les cantons. En outre, les participants à la procédure de consultation étaient divisés sur les critères donnant droit au versement de ces prestations (nationalité, domicile, etc.). La réglementation actuelle, qui se réfère à la citoyenneté suisse et au domicile en Suisse, est jugée peu satisfaisante.

Art. 4

Subsidiarité de l'aide aux victimes

L'aide aux victimes se comprend depuis toujours comme une aide subsidiaire, visant à surmonter les conséquences de situations douloureuses et à soutenir la victime et ses proches placés dans une position financière difficile133.

Par principe, c'est l'auteur de l'infraction qui doit supporter les dommages qu'il a causés. En outre, en cas d'accident, notion qui comprend également les atteintes à l'intégrité résultant d'une infraction134, la victime bénéficie de prestations des assurances sociales et, souvent, des assurances privées. L'aide aux victimes pallie les insuffisances des débiteurs primaires, évitant que les personnes concernées ne doivent recourir à l'aide sociale. L'avant-projet présentait déjà deux alinéas semblables à ceux de l'art. 4, mais avec une teneur partiellement différente (art. 2, al. 2, et 3); la réglementation expresse de la subsidiarité a été accueillie favorablement lors de la procédure de consultation.

Les prestations de l'aide aux victimes ne sont allouées de manière définitive que dans la mesure où les conditions prévues à l'al. 1 sont remplies. L'aide aux victimes n'entre en jeu que lorsque les personnes concernées, pour des motifs d'ordre juridique ou autres, ne peuvent recevoir des débiteurs primaires que des prestations insuffisantes voire aucune. Les prestations financières de l'aide aux victimes doivent toutefois être accordées également lorsque les personnes en cause en ont immédia132

Convention européenne du 24 novembre 1983 relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes, RS 0.312.5.

133 FF 1990 II 924; ATF du 26.1.2001, 1A.249/2000, cons. 4c.

134 Art. 9, al. 1, de l'ordonnance du 20 décembre 1982 sur l'assurance-accidents (OLAA, RS 832.202); cf. également art. 4 de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA), RS 830.1.

6724

tement besoin et que l'on ne connaît pas encore le débiteur primaire, ou que les conditions dont dépend la participation de ce dernier à la couverture du dommage ne sont pas encore clairement établies.

Conformément à l'al. 2, l'existence des conditions de l'al. 1 ne doit pas être prouvée, mais seulement rendue vraisemblable. Selon les circonstances, on ne peut toutefois pas exiger d'une victime qu'elle se préoccupe de prestations de tiers (par ex. lorsque la victime est incapable d'agir suite à des blessures ou lors d'une infraction commise dans le cercle familial). Dans ces hypothèses, la victime et ses proches sont déliés de l'obligation d'apporter la vraisemblance requise. Cette disposition correspond à l'art. 1 OAVI, qui est élevé au rang de la loi. Bien que l'autorité compétente soit chargée de constater les faits d'office (cf. art. 29, al. 2, de même teneur que l'art. 16, al. 2, LAVI), la victime ne saurait demeurer entièrement passive, mais doit collaborer à l'établissement des faits. Toutefois, l'octroi de prestations ne doit pas être subordonné à la condition que la victime porte plainte pénale ou collabore à la procédure pénale, comme prévu dans certaines législations étrangères. La victime qui fait valoir des prétentions doit supporter les conséquences de l'absence de preuve, en particulier lorsqu'elle n'a pas pu rendre vraisemblable le fait de n'avoir rien obtenu de l'auteur de l'infraction ou de tiers (assurances, Etat étranger) ou de n'en avoir obtenu que des montants insuffisants. L'autorité compétente devra tenir compte des circonstances. Il est concevable de ne pas exiger que la victime rende vraisemblable ses prétentions, eu égard aux difficultés pratiques ou à l'épreuve que cela représenterait pour elle.

Art. 5

Prestations gratuites

Cet article reprend les principes du droit en vigueur (en particulier l'art. 3, al. 4, LAVI) relatifs aux coûts de l'aide aux victimes. Les prestations de base de l'aide aux victimes sont gratuites pour les personnes concernées. Elles comprennent l'aide immédiate, qu'elle soit fournie par le centre de consultation lui-même ou par l'intermédiaire de tiers, ainsi que l'aide à plus long terme, mais uniquement si c'est le centre de consultation qui la procure. Selon la structure du centre de consultation mis en place par le canton, les prestations gratuites se composent, en plus des conseils, de l'information et des démarches effectuées auprès de tiers, et du soutien psychosocial, psychologique ou juridique.

Art. 6

Prise en compte des revenus dans l'octroi d'autres prestations

Selon l'art. 124 de la Constitution, ne doivent être indemnisées que les victimes qui connaissent des difficultés matérielles en raison de l'infraction. Comme le droit en vigueur, l'al. 1 ne prévoit le droit à une contribution aux frais ou à une indemnisation que dans la mesure où la personne dispose de revenus inférieurs à un montant maximum déterminé (art. 12, al. 1, LAVI). La limite de revenus actuelle a été reprise sans changement. Le montant supérieur appliqué en matière de prestations complémentaires (art. 3b, al. 1, let. a, LPC135) sert de montant de référence; ce dernier a fait ses preuves. La situation financière ­ qui est un aspect important de la «situation personnelle» ­ est déjà prise en compte aujourd'hui pour l'octroi de l'aide à plus long terme (art. 3, al. 4, LAVI). La CSOL-LAVI recommande d'utiliser la même 135

Loi fédérale du 19 mars 1965 sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, RS 831.30.

6725

échelle que pour l'indemnisation136. Le projet reprend cette pratique et prévoit la même limite de revenus tant pour l'aide à plus long terme fournie par un tiers que pour l'indemnisation.

L'al. 2 indique qu'il faut calculer les revenus déterminants de la victime ou de ses proches d'après les règles de la LPC.

Selon l'al. 3, le moment auquel l'autorité se réfère, pour le calcul des revenus probables de la victime ou de ses proches, se situe après l'infraction, c'est-à-dire généralement au moment où elle se prononce. La différence entre les revenus avant et après l'infraction peut être importante.

L'al. 4 énonce que la réparation morale est fixée non d'après les moyens financiers de la victime, mais uniquement en fonction des conséquences de l'infraction. Cela correspond à la réglementation actuelle. La non-prise en compte des moyens financiers est justifiée, du fait que la réparation morale vise à compenser un dommage de nature idéale, sans rapport avec un dommage matériel.

Art. 7

Transmission des droits au canton

Le droit en vigueur prévoit que les prétentions de la victime ou de ses proches en relation avec une indemnisation ou une réparation morale passent au canton à concurrence des prestations versées par celui-ci (subrogation, art. 14, al. 2, LAVI).

A l'avenir, le canton pourra aussi se substituer à la victime ou à ses proches pour les prestations qu'il octroie dans le cadre de l'aide à plus long terme; il pourra ainsi faire valoir leurs prétentions (al. 1) envers l'auteur de l'infraction ou envers un tiers (par ex. des assurances). Cette extension se justifie matériellement et a été expressément souhaitée par plusieurs participants à la procédure de consultation. La subrogation n'intervient que lorsque la prestation est définitive; une provision n'entraîne pas une subrogation. En principe, elle vaut également pour l'aide immédiate. En pratique, on renonce le plus souvent à faire valoir la subrogation pour des raisons d'économie de procédure. Celle-ci n'est en outre possible que pour des prestations de même type.

Un exemple: un canton ne peut se prévaloir envers l'auteur de l'infraction que du montant qu'il a lui-même versé à titre de réparation morale et non du dommage matériel s'il n'a accordé aucune indemnisation.

L'al. 2 donne aux prétentions de l'Etat la priorité sur celles de la victime et de ses proches.

Selon l'art. 14, al. 3, LAVI, le canton renonce à faire valoir ses droits à l'égard de l'auteur de l'infraction, si cela devait nuire à la réinsertion sociale de ce dernier.

L'al. 3 reprend ce principe, mais y ajoute un second motif, à savoir un intérêt prépondérant de la victime ou de ses proches (par ex. dans l'hypothèse où la victime dépend financièrement de l'auteur et où une telle démarche aurait des répercussions sur la situation financière de la victime).

Art. 8

Information sur l'aide aux victimes et annonce des cas

Jusqu'ici, l'information sur l'aide aux victimes incombait aux centres de consultation, aux membres de la police qui procédaient à l'audition de la victime ainsi qu'aux autorités responsables de la procédure pénale (art. 3, al. 2, let. b, 6, al. 1 et 8, 136

Ch, 3.3.2 des recommandations.

6726

al. 2, LAVI). Le Tribunal fédéral a concrétisé les exigences auxquelles doivent satisfaire les organes de police et les centres de consultation en matière d'information; celles-ci sont en corrélation avec un délai de péremption strict137. Le projet précise le devoir d'information de la police, en se basant sur la jurisprudence. D'une manière générale, il étend le devoir d'information dse cantons en matière d'aide aux victimes.

Les cantons n'ont pas seulement à informer de manière individuelle et concrète les personnes concernées, mais doivent aussi, conformément à l'al. 1, faire connaître au public l'existence de l'aide aux victimes. Ils doivent veuiller, par des moyens appropriés, à ce que toutes les victimes soient, si possible, informées rapidement et sous une forme adéquate des possibilités qui s'offrent à elles en matière de consultation et d'indemnisation, non seulement par la police, mais aussi par les agents du secteur médical (hôpitaux, cabinets médicaux, ambulanciers) ou d'autres institutions telles que les sapeurs-pompiers.

L'al. 2 énonce trois points importants au sujet desquels la victime doit être informée lors de la première audition effectuée par la police. Celle-ci ne peut se contenter de donner les adresses et les tâches des centres de consultation; elle doit attirer l'attention de la victime sur les diverses prestations de l'aide aux victimes et le délai de péremption à respecter pour pouvoir faire valoir le droit à une indemnisation ou à une réparation morale. Cette disposition reprend les exigences établies par la jurisprudence du Tribunal fédéral. Lorsque la police n'a pas informé à temps la victime de ses droits et des possibilités de les faire valoir, cette dernière se voit restituer le délai prévu (art. 25) pour pouvoir prétendre à l'octroi d'une indemnisation et d'une réparation morale138.

D'après l'al. 3, la police a le devoir de transmettre à un centre de consultation les coordonnées de la personne concernée, pour autant que celle-ci manifeste son accord.

Al. 4: toute victime d'une infraction commise à l'étranger doit être informée, dans le pays où l'acte a été commis, de l'existence de l'aide aux victimes en Suisse. Cela n'est généralement possible que si elle s'adresse à une représentation suisse ou à tout autre service chargé de la protection consulaire suisse. A
l'instar de la police, ces services sont tenus de transmettre le nom et l'adresse des personnes concernées à un centre de consultation, si celles-ci y consentent. L'al. 4 établit le droit à l'information des personnes concernées et donne une base légale claire à la pratique actuelle139.

L'al. 5 indique que les règles des al. 2 à 4 sont applicables par analogie aux proches, dans la mesure où ils sont entrés en contact avec la police, une représentation suisse ou un service chargé de la protection consulaire.

137 138 139

Cf. arrêt du Tribunal fédéral 1A.137/2003 du 19.9.2003, cons. 5.2.

ATF 123 II 241 Directives de l'Office fédéral de la justice du 14 avril 2000 aux représentations suisses à l'étranger concernant l'aide aux victimes d'infractions.

6727

2.2

Chapitre 2 Aide fournie par les centres de consultation et contributions aux frais

2.2.1

Section 1

Art. 9

Centres de consultation

Offre

Cette disposition correspond au droit actuel (art. 3, al. 1, LAVI), mais elle a été fractionnée en deux alinéas.

En vertu de l'al. 1, les cantons sont tenus de veiller à ce qu'il y ait des centres de consultation autonomes dans leur secteur d'activité. Plusieurs participants à la procédure de consultation ont demandé la mise en place de centres de consultation spécialisés pour les victimes de violences sexuelles ou domestiques, ainsi que pour les victimes de la traite des êtres humains. Certaines catégories de victimes ont, il est vrai, des besoins particuliers, qui nécessitent des services spécialisés (femmes victimes de violence, victimes d'accidents de la circulation, victimes de la traite des êtres humains, mineurs ...). Mais la Confédération ne doit pas prévoir d'une manière générale l'obligation pour les cantons de mettre en place des services spécialisés.

Comme par le passé, les cantons peuvent déterminer eux-mêmes le type d'organisation et les priorités des centres de consultation. Ils doivent toutefois tenir compte des besoins distincts des diverses catégories de victimes, que ce soit par la création de structures adéquates (par ex. centre spécialisé, foyer pour femmes ou centre de consultation spécialisé pour les victimes de la traite des êtres humains), par la mise en place d'institutions communes (v. al. 2), par la formation du personnel nécessaire ou par le recours à des tiers pour procurer l'aide. Quant au règlement des prestations, les cantons sont libres de doter les centres de consultation de compétences financières en la matière ou de répartir les compétences matérielles et financières entre les centres de consultation et l'administration cantonale.

On laisse également aux cantons le soin de déterminer la densité du réseau de centres de consultation. Selon la densité de la population, la structure de l'habitat et le degré de spécialisation des centres de consultation, différentes formes d'organisation sont concevables. L'al. 2 permet expressément l'instauration d'une collaboration intercantonale, qui demeure souhaitable. La collaboration régionale pourrait être particulièrement appropriée pour les centres de consultation spécialisés. L'art. 18 permet de répartir les frais entre les cantons qui ont mis en place une infrastructure particulièrement développée et ceux qui se contentent d'une offre minimale.

Art. 10

Droit de consulter le dossier

Al. 1: tous les cantons n'accordent pas aux centres de consultation le droit de consulter les dossiers de la procédure pénale. Lors de la procédure de consultation, la possibilité de conférer ce droit aux centres de consultation a été bien accueillie par plusieurs participants. Les centres de consultation ont ainsi la possibilité de se faire une idée plus précise de chaque cas particulier; ils se rendent compte du degré de conseils et d'aide dont a besoin la personne qui en fait la demande. En donnant son accord, la victime ne doit plus exposer la totalité des faits. En outre, la consultation du dossier permet de coordonner et de simplifier l'étude du cas par différents organismes. En revanche, il est superflu d'étendre ce droit aux autorités chargées d'octroyer les indemnisations et les réparations morales, comme l'ont demandé 6728

plusieurs participants à la consultation, puisque ces autorités doivent constater les faits d'office et ont donc accès au dossier.

Afin de protéger la victime et ses proches, le droit de consulter le dossier dépend de leur consentement lorsqu'ils participent à la procédure. Dans certains cas, la victime ou ses proches font des déclarations lors de la procédure pénale qu'ils ne souhaitent pas, légitimement, rendre accessibles à d'autres organismes. Toutefois, ils doivent supporter les conséquences qui peuvent découler du fait que le centre de consultation n'a pu avoir connaissance du dossier.

Al. 2: il est raisonnable de refuser au centre de consultation le droit de consulter le dossier, dans la mesure où l'accès pourrait être également refusé à la personne lésée, en vertu des dispositions de procédure applicables.

Art. 11

Obligation de garder le secret

L'obligation stricte de garder le secret prévue par le droit actuel est complétée: l'al. 3 instaure ­ conformément à la majorité des opinions exprimées lors de la consultation ­ le droit d'aviser en cas de mise en danger d'une victime mineure.

Pour le surplus, cette disposition reste proche de la teneur de l'art. 4 LAVI. L'al. 1 reprend mot pour mot la teneur de l'art. 4, al. 1 et 2, LAVI. L'al. 2 correspond à l'art. 4, al. 3, LAVI.

L'al. 3 prévoit une règle spéciale de protection des mineurs. Les personnes travaillant pour un centre de consultation pourront aviser l'autorité tutélaire ou l'autorité de poursuite pénale de l'existence d'un danger sérieux que la victime mineure ou un autre mineur (enseignant pédophile, violence domestique) subisse de nouvelles infractions au sens de l'art. 1, al. 1. Cette exception à l'obligation de garder le secret n'a pas été étendue à la mise en danger d'autres personnes dépendantes; l'obligation de garder le secret doit être la règle pour ne pas nuire à la confiance accordée aux centres de consultation. Lors de circonstances extraordinaires, les personnes travaillant pour un centre de consultation peuvent se soustraire à cette obligation en cas de mise en danger d'autres personnes qui ne sont pas mineures, par exemple des personnes incapables de discernement; cela n'est possible qu'en invoquant, comme jusqu'ici, les conditions restrictives de l'art. 34 du code pénal140 (état de nécessité).

Le projet prévoit le droit et non l'obligation d'aviser, qui pourrait mettre en péril la confiance de la victime. Le droit d'aviser présente l'avantage de permettre, dans chaque cas, de peser les différents intérêts en présence, de manière à adopter l'attitude la plus appropriée.

La personne chargée de la consultation peut aviser l'autorité tutélaire ou l'autorité de poursuite pénale ou encore les deux. Les informations relatives à l'infraction dont l'enfant a été la victime et à la situation actuelle de l'enfant en danger doivent permettre à l'autorité tutélaire de procéder de manière ciblée à des investigations supplémentaires et de prendre les mesures de protection de l'enfant qui s'imposent.

L'intervention de l'autorité de poursuite pénale permet d'établir les faits avec une plus grande précision, en y associant l'auteur présumé. Par ailleurs, selon les besoins, cette
autorité peut ordonner des mesures de contrainte telles que la détention préventive à l'encontre de l'auteur présumé. L'autorité judiciaire compétente peut aussi classer la procédure pénale dans l'intérêt de l'enfant (art. 44).

140

RS 311.0

6729

La nouvelle réglementation tient compte de la contradiction qu'il pourrait y avoir entre l'obligation de garder le secret au sens de la LAVI et une éventuelle obligation de dénoncer prévue par le droit cantonal.

Le code pénal connaît des dispositions semblables: l'art. 358bis prévoit une obligation d'aviser de l'autorité, tandis que l'art. 358ter règle le droit d'aviser des personnes astreintes au secret de fonction ou au secret professionnel au sens des art. 320 et 321.

L'al. 4 fixe la peine dont sont passibles les personnes qui ne respectent pas leur obligation; il correspond à l'actuel art. 4, al. 4 LAVI.

2.2.2 Art. 12

Section 2

Prestations des centres de consultation

Conseils

Al. 1: la tâche principale des centres de consultation demeure les conseils personnalisés aux personnes touchées par une infraction. Le centre de consultation doit informer ces dernières des prestations à leur disposition et de leurs incidences financières, de la possibilité de demander une indemnisation et une réparation morale et de leurs droits et obligations dans l'éventualité d'une procédure pénale. Les tâches des centres de consultation sont les mêmes qu'à l'heure actuelle (art. 3, al. 2, LAVI).

D'après l'al. 2, le centre de consultation prend l'initiative et contacte la victime ou ses proches lorsque la police (ou, lors d'infractions à l'étranger, l'ambassade ou le service chargé de la protection consulaire) lui annonce un cas, conformément à l'art. 8, al. 2. Le droit actuel ne le prévoit pas expressément. Cette règle ressort toutefois implicitement de l'obligation de transmettre les données de la victime au centre de consultation.

Art. 13

Aide immédiate et aide à plus long terme

L'al. 1 décrit la notion d'aide immédiate. Celle-ci couvre les besoins qui sont une conséquence directe de l'acte criminel et qui ne souffrent aucun retard. Elle est allouée, normalement, peu de temps après l'infraction, mais elle peut être versée également plus tard, selon les circonstances. L'aide immédiate peut englober les prestations les plus diverses (assistance psychologique, soins médicaux, habillement, logement, dépannage financier, première consultation d'un avocat, etc.). La description et la définition s'inspirent des recommandations de la Conférence suisse des offices de liaison LAVI141.

Souvent l'aide immédiate n'est pas suffisante et la victime et ses proches ont besoin d'une aide additionnelle, ou «aide à plus long terme» selon l'al. 2. Cette aide sert à éliminer les conséquences de l'infraction ou tout au moins à les compenser. Elle recouvre toute forme de prestations (assistance médicale et sociale, frais de transport, frais de traduction, etc.) et est procurée sur une plus longue durée. L'assistance médicale et psychologique doit être fournie jusqu'à ce qu'il n'y ait plus lieu d'attendre une amélioration sensible de l'état de santé de la victime et de ses proches, ce qui peut prendre, en fonction des circonstances, plusieurs mois, voire des 141

Recommandations CSOL-LAVI, ch. 3.3.1.

6730

années. Le moment déterminant à partir duquel l'aide à plus long terme doit prendre fin est défini de la même manière dans la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'assurance-accidents142. Un état stationnaire ne signifie dès lors pas obligatoirement une guérison. Si une victime a encore besoin d'aide bien que son état soit stationnaire, celle-ci est prodiguée par d'autres organismes (en particulier par les assurances sociales). Les frais qui ne sont plus couverts à partir de ce moment peuvent être pris en considération lors de l'octroi d'une indemnisation à titre de l'aide aux victimes (art. 19). L'aide à plus long terme couvre également les autres conséquences de l'infraction, jusqu'à ce qu'elles soient éliminées ou compensées, dans la mesure du possible. Enfin, elle englobe aussi un soutien juridique (frais d'avocat et de procédure) pour les procédures qui résultent directement de l'infraction (en particulier les procédures civiles ayant trait aux dommages-intérêts et à la réparation morale et les procédures relevant du droit des assurances). L'art. 16 règle dans quelle mesure les contributions aux frais couvrent les coûts de l'aide à plus long terme.

L'al. 3 établit que ce ne sont pas seulement les centres de consultation qui peuvent accorder l'aide immédiate et l'aide à plus long terme, mais aussi des tiers auxquels les centres de consultation font appel. Les centres de consultation disposent en effet rarement du personnel spécialisé apte à traiter toutes les prestations mentionnées auparavant.

Art. 14

Etendue de l'aide

D'après l'al. 1, les centres de consultation fournissent l'aide nécessaire en l'espèce, par ex. une assistance psychologique, médicale ou juridique ou font appel à un tiers pour qu'il apporte cette aide. L'aide n'est procurée que dans la mesure où elle est nécessaire. A titre d'exemple, cette condition n'est pas réalisée pour l'assistance d'un avocat lorsque la victime a conclu une assurance de protection juridique. L'aide doit en outre être appropriée. Ainsi n'y aura-t-il pas d'assistance juridique, en poursuivant le même exemple, pour des actions en justice manifestement vouées à l'échec.

Les cantons peuvent continuer d'opter pour un système dans lequel les centres de consultation jouent essentiellement le rôle d'intermédiaire ou pour un modèle d'organisation dans lequel les centres de consultation fournissent eux-mêmes une large palette de prestations (généralistes ou ciblées pour certaines catégories de victimes). Cette non-ingérence dans l'autonomie cantonale en matière d'organisation est relativisée par le droit qu'ont les personnes concernées de s'adresser au centre de consultation de leur choix (art. 15, al. 3) et par l'obligation faite au canton du lieu de domicile de prendre en charge les frais de l'aide accordée dans un autre canton sous forme de contributions forfaitaires (art. 18). Le projet mentionne expressément, contrairement au droit actuel et au projet mis en consultation, que l'aide aux victimes peut aussi consister, selon les circonstances, en un hébergement d'urgence à la victime ou à ses proches. L'hébergement d'urgence peut s'avérer nécessaire lors d'infractions au sein de la famille. Cette disposition correspond à la pratique actuelle.

L'al. 2 prévoit pour les personnes domiciliées à l'étranger le droit à des contributions aux frais des soins médicaux, ceci pour les frais engendrés à leur domicile. Cet alinéa répond aux exigences de la convention du 24 novembre 1983 relative au 142

Art. 19 LAA, RS 832.20.

6731

dédommagement des victimes d'infractions violentes143, qui prévoit que le dédommagement doit couvrir au moins les frais médicaux et d'hospitalisation (art. 4). Cette règle découle de la nouvelle définition du dommage à l'art. 19.

Art. 15

Accès aux centres de consultation

D'après l'al. 1, les cantons sont tenus de pourvoir à ce que les personnes concernées puissent recevoir, dans un délai approprié, l'aide immédiate dont elles ont besoin.

Quelques prestations de base (soutien psychologique, hébergement d'urgence) doivent pouvoir être apportées en tout temps, que ce soit par un centre de consultation ou par un autre organisme (la Main tendue, la police ou un service d'urgence).

Il appartient à chaque canton d'adopter, compte tenu des structures existantes, les mesures d'organisation nécessaires pour satisfaire à cette exigence. Les cantons peuvent non seulement charger un ou plusieurs centres de consultation d'assurer cette tâche, mais encore la confier à des services d'urgence, qu'ils soient médicaux, psychologiques ou sociaux. Les organismes mandatés assument une tâche de droit public dans le domaine des conseils aux victimes. Aussi, lorsque cette tâche est déléguée à des tiers, les cantons doivent-ils veiller à ce que les exigences posées par le droit fédéral soient respectées (en particulier l'autonomie des mandataires dans leur secteur d'activité et l'obligation de garder le secret). Contrairement au droit en vigueur, le projet de révision ne prévoit pas d'obligation de permanence pour les centres de consultation. Aux yeux des cantons, une telle obligation ne correspond pas aux besoins. Le projet prévoit dès lors une solution permettant davantage de flexibilité.

L'al. 2 énonce que le droit aux prestations des centres de consultation n'est assorti d'aucun délai; l'aide peut dès lors être sollicitée indépendamment de la date de commission de l'infraction. Le droit actuel connaît ce principe (art. 12, al. 1, OAVI).

Puisqu'il s'agit d'un principe important, il doit être mentionné au niveau de la loi et non simplement au niveau de l'ordonnance.

Enfin, l'al. 3 indique que la victime et ses proches ont le libre choix du centre de consultation auquel ils veulent s'adresser. La possibilité de choisir le centre de consultation peut avoir une importance capitale pour les personnes concernées; c'est pourquoi ce principe a été repris sans modification du droit actuel (art. 3, al. 5, LAVI). Dans certaines situations, il y a un besoin évident de pouvoir s'adresser à un centre de consultation situé hors du canton. Cela pourrait toutefois avoir pour conséquence que les
meilleurs centres de consultation attirent également des victimes provenant de l'extérieur du canton, d'où un accroissement de leurs frais. Pour autant, il n'est pas raisonnable de prévoir certains services spécialisés dans chaque canton.

La répartition des coûts entre les cantons est dès lors appropriée (pour plus de détails: v. commentaire relatif à l'art. 18).

Art. 16

Contributions aux frais pour l'aide à plus long terme fournie par un tiers

Les frais de l'aide à plus long terme fournie par un tiers sont pris en charge à titre d'aide aux victimes, pour autant que les revenus de la victime ou de ses proches ne dépassent pas un certain montant. Le montant supérieur défini à l'art. 6, al. 1, sert de 143

RS 0.312.5

6732

base de calcul. Si les revenus déterminants sont inférieurs au double du montant supérieur, le canton prend en charge la totalité des coûts (let. a). Si les revenus sont supérieurs au double du montant supérieur, mais n'atteignent pas le quadruple de ce montant, le canton prend en charge une part correspondante des coûts (let. b). Si les revenus sont supérieurs au quadruple du montant supérieur, le canton ne fournira pas de prestations financières pour l'aide à plus long terme. Il y a prise en charge des frais, selon le droit en vigueur, «dans la mesure où la situation personnelle de la victime le justifie» (art. 3, al. 4, LAVI). D'après les recommandations de la CSOLLAVI144 et la jurisprudence du Tribunal fédéral, il faut notamment prendre en considération la situation financière de la victime. Mais il faut aussi examiner si l'aide ou la mesure est nécessaire, adéquate et proportionnée. Le projet de la commission d'experts se fonde exclusivement sur les moyens financiers (art. 2, al. 4, et 10, al. 3, AP LAVI). Lors de la procédure de consultation, certains participants ont souhaité la prise en compte d'autres critères. Le Conseil fédéral a néanmoins repris la formulation plus étroite de la commission d'experts, parce qu'elle suffit à déterminer le niveau de la prestation. Quant à savoir si une prestation est nécessaire, adéquate et proportionnée, il s'agit d'une question qui doit être examinée au préalable, ainsi que le prévoient les art. 13, al. 1 et 2, et 14, al. 1, du projet de révision.

Il n'est pas nécessaire qu'une demande de contribution soit déposée avant de recourir à un spécialiste externe. Les demandes postérieures de prise en charge des frais doivent aussi être acceptées si les conditions sont remplies. Comme dans la pratique actuelle, le recours à des garanties de prise en charge des frais sera fréquent pour assurer suffisamment tôt l'aide dont la victime et ses proches ont besoin; la part définitive des frais non couverts que prendra en charge l'aide aux victimes sera déterminée plus tard.

Pour fixer le montant définitif à la charge de l'aide aux victimes, on partira des frais qui ne sont pas pris en charge par des tiers tels que l'auteur de l'infraction ou une assurance. Les cantons peuvent utiliser les tarifs de l'assistance juridique pour les contributions aux frais en matière d'aide judiciaire.

2.2.3

Section 3

Infraction commise à l'étranger

Art. 17 En principe, la victime d'une infraction commise à l'étranger qui a un domicile en Suisse doit pouvoir bénéficier de conseils, de l'aide immédiate et de l'aide à plus long terme; une forte majorité des participants à la procédure de consultation y est d'ailleurs favorable. La victime d'une infraction commise à l'étranger et ses proches sont à cet égard assimilés à une victime d'une infraction commise en Suisse. La seule condition, exprimée à l'art. 17, al. 1, est que la victime doit avoir son domicile en Suisse au moment des faits et au moment du dépôt de la demande. Pour les proches, il faut cumulativement qu'eux-mêmes et que la victime aient eu leur domicile en Suisse, à la fois au moment des faits et du dépôt de la demande. On exige un domicile au sens des art. 23 ss du Code civil (CC)145. Par «au moment des faits», on entend le moment de la commission ou de l'omission d'un acte, considéré comme 144 145

Recommandations CSOL-LAVI, p. 9.

RS 210

6733

pénalement répréhensible. Pour déterminer si une infraction a été commise en Suisse ou à l'étranger dans l'hypothèse d'un délit matériel présentant des aspects transfrontaliers, on se reportera aux dispositions du Code pénal relatives au lieu de commission de l'infraction (art. 7 CP146).

Les étrangers qui ont été victimes d'une infraction à l'étranger et qui arrivent par la suite en Suisse (par ex. les requérants d'asile torturés dans leur pays d'origine) ne peuvent faire valoir, comme par le passé, aucune prétention fondée sur la loi d'aide aux victimes.

Prenant en compte les résultats de la procédure de consultation, on a de surcroît renoncé à prévoir d'autres conditions, en particulier une durée minimale de domiciliation en Suisse ou la citoyenneté suisse. Lier l'octroi de prestations à une durée minimale du domicile a été considéré par beaucoup de participants à la consultation comme trop restrictif, arbitraire et discriminatoire.

Comme pour les infractions commises sur le territoire suisse, le principe de subsidiarité est également applicable aux infractions à l'étranger (al. 2).

2.2.4

Section 4

Répartition des coûts entre les cantons

Art. 18 A priori chaque canton doit prendre en charge les coûts engendrés par l'aide aux victimes. Lors de la procédure de consultation, le besoin de revoir cette règle s'est fait sentir. Différents motifs amènent en effet les victimes et leurs proches à ne pas se rendre forcément dans les centres de consultation de leur canton de domicile ou du canton du lieu de commission de l'infraction. D'une part, les infrastructures mises en place par chaque canton sont assez différentes; les centres de consultation spécialisés et bien dotés se trouvent plutôt ­ et c'est naturel ­ dans les cantons à forte population comptant des agglomérations. D'autre part, selon les circonstances, la victime peut avoir intérêt à chercher de l'aide dans un centre de consultation relativement éloigné de son canton de domicile ou du canton du lieu de commission de l'infraction. C'est pourquoi le choix du centre de consultation est libre (art. 15, al. 3). Mais cela a pour conséquence que les coûts ne sont pas répartis également entre les cantons, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas forcément supportés par le canton de domicile ou le canton du lieu de l'infraction.

Al. 1: le canton de domicile doit prendre en charge les frais engendrés par toute personne qui reçoit des conseils, une aide ou des contributions aux frais pour l'aide à plus long terme fournie par un tiers dans un autre canton. Il convient d'éviter que les cantons ayant mis en place une infrastructure et des centres mieux dotés soient désavantagés. Les cantons doivent en principe régler eux-mêmes le remboursement de ces frais, puisque ce sont eux qui prennent les décisions relatives aux dépenses.

En l'absence de réglementation intercantonale, une règle de répartition simple s'applique. Ses grandes lignes sont exposées à l'al. 2: sur la base des coûts engendrés par les centres de consultation et les contributions aux frais pour l'aide à plus long terme pour l'ensemble des cantons, on calcule un montant forfaitaire par personne ayant bénéficié de l'aide aux victimes. Ainsi les coûts devraient être grosso 146

Cela correspond à l'art. 8 du CP révisé (version du 13.12.2002, FF 2002 7658).

6734

modo compensés d'une manière efficace et économique. A partir des données disponibles pour l'année 2002, on obtient un coût total d'environ 22 millions de francs pour quelque 24 000 cas d'assistance, ce qui fait un montant moyen de 900 francs par cas. Durant l'année 2001, 2243 personnes ont recouru à l'aide aux victimes hors de leur canton de domicile. L'ordre de grandeur total des charges à compenser entre les cantons est de plus de deux millions; toutefois la répartition varie beaucoup d'un canton à l'autre (Zurich pourrait revenidquer environ la moitié de la somme).

L'annexe 1 donne plus de détails sur les statistiques. Le système de contributions forfaitaires présente l'avantage qu'un canton «fournisseur de prestations» a intérêt à ne pas allouer des prestations disproportionnées. Il est également important que les prestations soient fournies rapidement, sans que le canton de domicile ne doive tout d'abord exprimer son accord.

L'art. 26 énonce de manière claire quel canton est compétent pour allouer les indemnisations et les réparations morales. Aucune règle spéciale applicable à la prise en charge des coûts entre les cantons n'apparaît dès lors nécessaire.

Le Conseil fédéral règle les modalités du calcul (art. 45, al. 2). Pour l'essentiel, on pourra se reporter, puisqu'elle existe déjà, à la statistique de l'aide aux victimes. Il est envisageable de n'appliquer cette règle subsidiaire qu'à partir d'un certain nombre de cas (pas de montants insignifiants).

2.3

Chapitre 3 Indemnisation et réparation morale par l'Etat

2.3.1

Section 1

Art. 19

Indemnisation

Droit

L'art. 19 fixe les conditions du droit à une indemnisation pour la diminution involontaire du patrimoine (le dommage) subie par la victime ou ses proches. Lors de la procédure de consultation, plusieurs participants ont souhaité une délimitation claire entre le préjudice couvert par l'indemnisation et celui couvert par l'aide à plus long terme. Plusieurs cantons et la CSOL-LAVI ont en outre proposé d'exclure le préjudice ménager en tant que dommage normatif147.

Le projet prévoit que, d'une manière générale, les principes du droit de la responsabilité civile sont applicables pour la détermination du dommage. Mais certains postes du dommage sont exclus. Il s'agit d'une part de postes du dommage dont l'indemnisation irait au-delà des objectifs de l'aide aux victimes et d'autre part de postes qui sont pris en considération par la loi d'une autre manière. La précision des dommages déterminants proposée ici, en relation avec la clarification du but et de la durée de l'aide offerte par les centres de consultation selon l'art. 13, permet de définir clairement ce qui est couvert à titre d'indemnisation et ce qui l'est à titre d'aide.

L'al. 1 énonce qui a droit à une indemnisation. Il s'agit aussi bien de la victime (let. a) que de ses proches (let. b). Le cercle des proches est défini à l'art. 1, al. 1, du projet.

147

Résultats de la procédure de consultation, p. 66.

6735

Les conditions préliminaires à l'indemnisation (limite des revenus et subsidiarité) sont réglées dans le chapitre des dispositions générales de la loi (art. 6, al. 1, 4). Les alinéas suivants énoncent les postes du dommage pris en considération pour l'indemnisation à titre d'aide aux victimes.

L'al. 2 établit qu'en principe le droit civil est déterminant pour la fixation des postes du dommage. La victime atteinte dans son intégrité a droit à une indemnité fondée sur l'aide aux victimes pour les frais qui résultent de l'atteinte subie, de son incapacité de travail totale ou partielle, ainsi que de l'atteinte portée à son avenir économique (art. 46 CO148). Si la victime est décédée, les proches qui lui survivent peuvent être indemnisés des frais de traitement et du préjudice résultant de l'incapacité de travail lorsque la victime n'est pas décédée immédiatement, des frais d'inhumation et de la perte de soutien (art. 45 CO). Dans les deux hypothèses, les al. 3 et 4 sont réservés.

Selon l'al. 3, il n'y a pas lieu de prendre en considération les dommages aux biens149: l'indemnisation ne vise à couvrir que le dommage subi du fait de l'atteinte ou de la mort de la victime, conformément au ch. 5.3 des recommandations de la CSOL-LAVI150 et à l'avant-projet. Le dommage couvert par l'aide immédiate ou l'aide à plus long terme au sens de l'art. 13 n'est pas non plus pris en considération.

Cette catégorie comprend les frais de guérison, de soins et d'aide ménagère qui sont antérieurs à la stabilisation de l'état de santé. La prise en charge des frais d'avocat et de procédure est également réglée par l'art. 13; en effet, cette prise en charge sert à éliminer ou à compenser les conséquences de l'infraction qui ne dépendent pas de l'état de santé.

L'al. 4 permet de prendre en compte le dommage lié aux activités dans le ménage, dans la mesure où il a des conséquences financières concrètes; en effet, l'indemnisation d'un dommage qui ne serait pas effectivement subi n'est pas compatible avec l'objectif social de la LAVI.

S'inspirant des propositions faites lors de la procédure de consultation, la réglementation proposée s'éloigne de la pratique actuelle. En effet, la pratique en cours s'aligne sur le droit civil et reconnaît le préjudice ménager en tant que «dommage normatif». La particularité de ce dommage
tient au fait qu'il est compensé sans preuve de l'existence de frais supplémentaires. Le préjudice lié aux soins ou à l'assistance apportés aux proches est indemnisé selon les mêmes principes en droit civil151.

Contrairement au droit de la responsabilité civile, l'aide aux victimes ne vise pas à replacer la victime dans la situation financière qui était la sienne avant l'infraction; les dommages qui n'ont pas pour conséquence une diminution du patrimoine ne sont pas pris en compte lors de la détermination du dommage. Dès lors, le préjudice ménager ou lié à l'incapacité de prodiguer des soins aux proches n'est indemnisé que s'il entraîne une diminution du patrimoine, par la nécessité d'engager un auxiliaire ou par la diminution de gain résultant de la réduction de l'activité lucrative.

148 149 150

RS 220 La jurisprudence n'a pas tranché: ATF 1A.163/2000.

Disponible sur Internet: www.opferhilfe-schweiz.ch (sous: dispositions légales et recommandations).

151 Sur le préjudice ménager dans l'aide aux victimes: ATF 1A.228/2004, ATF 129 II 145 et 1A.252/2000; pour les soins et l'assistance aux proches en droit civil: ATF 4C.276/2001.

Sur le préjudice ménager comme perte de soutien: 1A.252/2000.

6736

Cette réduction de l'activité lucrative peut être aussi bien celle de la victime que celle des proches qui font ménage commun avec elle ou lui fournissent des soins. Il ne sera en revanche plus possible d'indemniser le préjudice ménager lorsque la victime préfère supporter une baisse de qualité de l'entretien de son ménage ou s'occuper elle-même de ce dernier au prix de plus grands efforts, de même que lorsque les proches assument le surcroît de travail sans recourir à une aide extérieure, ni réduire leur activité lucrative. Le dommage est calculé selon le droit de la responsabilité civile (cf. art. 45, al. 2 et 42 CO).

Lorsque la victime décède, les proches ont droit à une indemnité pour la perte de soutien ménager, toujours aux conditions fixées à l'al. 4.

Art. 20

Calcul

Al. 1: l'art. 14 LAVI règle aujourd'hui la subsidiarité des indemnités et réparations morales octroyées par l'Etat à titre d'aide aux victimes. Cette disposition prévoit également que les prétentions que la victime peut faire valoir en raison de l'infraction envers l'auteur ou une assurance passent au canton, dans la mesure où celui-ci a alloué des prestations en vertu de l'aide aux victimes. Le droit de l'Etat est traité de manière préférentielle par rapport aux prétentions d'un tiers. Cette disposition prévoit enfin l'action récursoire de l'Etat contre l'auteur. Le système de coordination des prestations a été critiqué à plusieurs reprises par la doctrine152.

La commission d'experts a dès lors réexaminé la manière dont étaient réglées la subsidiarité et la coordination des prestations. Elle est parvenue à la conclusion qu'en dépit des critiques susmentionnées, il convenait de maintenir l'essentiel du système. Seule la coordination donne lieu à quelques difficultés très ponctuelles sn pratique; l'évaluation l'a confirmé.

L'art. 4, al. 1 établit ­ et c'est là une nouveauté ­ la subsidiarité de l'ensemble des prestations de l'aide aux victimes, tandis que l'al. 2 consacre ce principe pour le cas où la victime a déjà reçu des prestations.

Le libellé de l'actuel art. 14 LAVI, jugé peu clair, a été reformulé. Cependant, la prise en compte des prestations de tiers dans la détermination du montant de l'indemnisation n'a pas changé; il en va de même pour la réparation morale153. Les prestations de tiers sont imputées sur le montant du dommage déterminant. En d'autres termes, on part du montant net du dommage. La 2e phrase de l'art. 14, al. 1,154 en vigueur est une inadvertance du législateur et n'a évidemment pas été reprise dans le projet de loi. En effet, il est admis tant par la doctrine que par la jurisprudence155 que pour fixer correctement le montant de l'indemnité, il convient de prendre en compte les prestations de tiers tant pour la détermination des revenus selon les normes de la LPC que lors de la fixation du montant net du dommage156.

152

153 154

155 156

Cf. notamment Gomm/Stein/Zehntner, Kommentar zur Opferhilfegesetz, Berne 1995, p. 208; Alexandra Rumo-Jungo, Haftpflicht und Sozialversicherung, Fribourg 1998, n° 1124.

Cf. commentaire de l'art. 23, al. 3.

La teneur de l'art. 14, al. 1, 1re et 2e phrases LAVI est la suivante: «Les prestations que la victime a reçues à titre de réparation du dommage matériel sont déduites du montant de l'indemnité. Sont exceptées les prestations (en particulier les rentes et les indemnités en capital) qui ont déjà été prises en compte lors du calcul des revenus déterminants.» ATF 125 II 169, ATF 126 II 237, ATF 129 II 145 Cf. Gomm/Stein/Zehntner, p. 223 s.

6737

Dans le premier cas, il s'agit d'établir si la victime ou ses proches sont confrontés à des difficultés matérielles par suite de l'infraction et, partant, s'ils ont besoin de l'aide financière apportée par les cantons. Dans le second cas, l'objectif est de déterminer l'ampleur du dommage non couvert. Selon un arrêt récent157 du Tribunal fédéral, les règles de coïncidence du droit de la responsabilité civile ne sont pas applicables, ce qui signifie concrètement que les indemnités versées par des tiers doivent êtres déduites même si elles ne coïncident pas avec un poste du dommage.

Par exemple, des prestations de tiers telles qu'une rente de survivant au sens de l'art. 28 LAA ou un capital-décès versé par la prévoyance professionnelle seront déduites de l'indemnité due selon la LAVI pour le préjudice ménager158.

L'opportunité de prendre en compte, dans le cadre de la réparation du dommage, les prestations en capital (par exemple celles d'une assurance-vie) financées par la victime elle-même ­ autrement dit des prestations dont le montant n'est pas déterminé en fonction de l'ampleur d'un dommage matériel ­ est controversée dans la doctrine159. La nécessité d'assurer une certaine cohérence avec le droit civil conduit à la prise en compte des prestations en capital uniquement pour le calcul du revenu déterminant. Cette manière de procéder est du reste conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral160. En revanche, les assurances contre les dommages que la victime ou le proche finance lui-même sont imputées sur le montant du dommage.

La teneur de l'al. 2 correspond à celle des art. 12, al. 1, et 13, al. 1, LAVI. Les valeurs retenues pour la fixation de l'indemnité sont les mêmes, seule la formulation a été améliorée. L'art. 6 règle le montant supérieur (al. 1), le mode de calcul des revenus déterminants (al. 2), de même que le moment à considérer pour le calcul de ces derniers (al. 3). Si les revenus déterminants du requérant dépassent le montant maximum prévu à l'art. 6, al. 1, aucune indemnité n'est versée. La victime ou le proche est considéré comme pouvant supporter financièrement le dommage.

L'al. 3, 1re phrase, établit le montant maximum de l'indemnité, actuellement fixé dans l'ordonnance (art. 4, al. 1, OAVI). Il s'agit d'un élément important qui doit être réglé au niveau de la loi; il en
est de même pour le montant maximum de la réparation morale (v. art. 23, al. 2). Ce montant sera périodiquement adapté au renchérissement (cf. art. 45, al. 1). En toute logique, le montant de 100 000 francs figurant dans l'ordonnance a d'ores et déjà été adapté au renchérissement. Il n'avait encore jamais été adapté jusqu'ici. Depuis 1991, date d'adoption de la loi, le renchérissement s'est élevé à 16,4 %161; le montant arrondi retenu dans le projet de loi est dès lors de 120 000 francs.

Le montant minimum prévu à l'art. 4, al. 2, OAVI a été repris à l'al. 3, 2e phrase.

Comme dans le droit en vigueur, l'indemnité, une fois calculée, doit s'élever à 500 francs au moins pour être versée. Si le montant du dommage est inférieur à ce mon157 158

ATF 129 II 145 En l'occurrence, dans l'ATF 129 II 145, cons. 3.4.3, le TF n'a pas tranché la question de la congruence pour ces postes, puisque, dans le cas concret, la déduction devait être opérée qu'il y ait eu congruence ou non.

159 Sont favorables à une telle prise en compte: Gomm/Stein/Zehntner, art. 14, n° 18 et 24; d'un avis contraire: Thomas Koller, Opferhilfegesetz: Auswirkungen auf das Strassenverkehrsrecht, PJA 1996, 578 à 595, p. 592, avec renvois.

160 ATF 126 II 237 161 Le montant de 100 000 francs en octobre 1991 correspondent à 116 397 francs en juillet 2004; cf. calculatrice du renchérissement sur le site de l'Office fédéral de la statistique: www.bfs.admin.ch (sous: thèmes ­ prix ­ calculatrice).

6738

tant, il est évident que l'indemnité n'atteindra pas le montant minimum fixé. Si la somme des dommages dépasse 500 francs, mais que, après calculs, le montant de l'indemnité s'avère inférieur à 500 francs, cette dernière ne sera pas versée non plus.

Aucune indemnité n'est versée pour des montants aussi modestes, parce que l'on part de l'idée que la victime ou ses proches sont à même de les prendre en charge.

Le montant minimum de 500 francs sera lui aussi adapté au coût de la vie (art. 45, al. 1).

La question des intérêts est réglée à l'art. 28.

L'al. 4 permet de verser l'indemnité en plusieurs fois. Cela peut être utile lorsqu'il n'est pas possible de déterminer tout de suite l'évolution de l'état de la victime et de ses besoins. Les versements peuvent alors être facilement adaptés. Cette pratique est déjà connue dans plusieurs cantons.

Art. 21

Provision

Cette disposition correspond, dans une large mesure, à l'art. 15 LAVI dans sa teneur actuelle. Elle précise toutefois que les deux conditions matérielles ­ besoin urgent d'une aide pécuniaire (let. a) et impossibilité de déterminer dans un bref délai les conséquences de l'infraction (let. b) ­ sont cumulatives. Seule la détresse financière qui est une conséquence de l'infraction ­ et non celle qui existait auparavant ­, ou l'aggravation de la situation pécuniaire du fait de l'infraction est prise en compte. Si l'autorité est à même de déterminer rapidement et avec une certitude suffisante les conséquences de l'infraction, elle peut allouer une indemnité sans tarder. L'octroi d'une provision n'est examiné que sur demande (cf. art. 24). L'examen sommaire de la demande d'indemnisation permet à l'autorité de prendre une décision concernant l'octroi d'une provision (art. 29, al. 1, 2e phrase).

Par «conséquence de l'infraction», il faut également entendre les prestations de tiers auxquelles le requérant pourrait avoir droit suite à l'infraction. En cas d'octroi d'une provision, les prétentions de la victime ne sont pas transférées au canton: les prétentions ne passent au canton que lorsque le montant définitif de l'indemnisation a été alloué (l'art. 7 ne s'applique pas).

Le Troisième rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes162 relève que, dans l'ensemble, les cas d'octroi d'une provision sont rares, bien que la fixation définitive du montant de l'indemnité prenne généralement du temps. Bien que, dans la pratique, la possibilité de demander une provision ne soit pas très utilisée, elle doit être maintenue pour les cas de détresse; toute demande devrait être traitée de manière prioritaire163.

162 163

3e rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes.

Cf. recommandations CSOL-LAVI, ch. 5.4.2.

6739

2.3.2 Art. 22

Section 2

Réparation morale

Droit

La réparation morale est un point essentiel de la présente révision.

Historique et contexte En vertu de l'art. 12, al. 2, LAVI, une somme peut être versée à la victime à titre de réparation morale, indépendamment de son revenu, lorsque celle-ci a subi une atteinte grave et que des circonstances particulières le justifient. Les proches de la victime peuvent bénéficier d'une réparation morale, dans la mesure où ils peuvent faire valoir des prétentions civiles contre l'auteur de l'infraction (art. 2, al. 2, let. b, LAVI). La Convention européenne relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes164 n'exige pas le versement d'une réparation morale et la Constitution fédérale (art. 124) ne le prévoit pas expressément. Le législateur de 1991 a donc fait usage de la latitude que lui laissait la Constitution pour instituer cette forme d'aide indépendante du revenu, qui devait atténuer les rigueurs découlant de l'application des dispositions concernant l'indemnisation165. En conséquence, la réparation morale ne devait pas être un droit et son octroi devait être laissé à la libre appréciation de l'autorité166.

Le Tribunal fédéral en a jugé différemment dans un arrêt du 20 décembre 1995167, établissant que la réparation morale ne correspond pas à une libéralité de l'Etat, mais à un véritable droit subjectif. Cette jurisprudence a été confirmée par la suite.

Les évaluations effectuées par l'Office fédéral de la justice de 1993 à 1998 montrent que le nombre des réparations morales a constamment augmenté depuis l'entrée en vigueur de la loi. En 1998, 423 réparations pour tort moral ont été allouées; les cantons ont dépensé à cette fin 6,4 millions de francs168. En l'an 2002, leurs dépenses ont dépassé les 8 millions de francs169. Qu'un tournant ait ainsi été atteint, comme les chiffres des années 2003 et 2004 le laissent entendre, reste à démontrer (en 2004, 728 réparations morales ont été octroyées, mais pour un montant inférieur à celui des années 2002 et 2003, soit un peu moins de 7,1 millions de fr.; en 2003, 631 réparations morales ont été versées pour un montant de 7,2 millions de fr.; le nombre de réparations morales allouées en 2002 était quasiment identique à celui de 2003, à savoir 634).

164 165 166 167 168

169

Cf. également ch. 5.2.1 infra.

Cette prestation ne se fonde pas sur la notion de «juste indemnité» prévue par l'art. 124 Cst., mais sur la notion d'«aide» prévue par la 1re partie de l'article constitutionnel.

Cf. Message LAVI, p. 939: «La réparation morale n'est pas un droit».

ATF 121 II 369 ss, cons. 3c, p. 373.

3e rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes, ch. 4.4, figure 4D, et 5.4.4. Dans 121 cas, des prestations combinées comprenant une indemnité et une réparation morale, ont été allouées. En 1998, 169 indemnités on été allouées (prestations combinées incluses) et les dépenses des cantons ont atteint 1,1 million de francs.

www.bfs.admin.ch (sous: thèmes ­ criminalité, droit pénal ­ victimes).

6740

Le nombre des réparations morales allouées en 1998 et en 2001 était, dans tous les cantons, supérieur à celui des indemnisations170. Cette inversion du système voulu par le législateur171 et la crainte qu'il s'ensuive une augmentation des coûts ont amené à souhaiter une révision de la loi.

Les points de vue quant au contenu de cette révision diffèrent toutefois: plusieurs cantons (AR, GL, GR, NE, TG, ZH) ainsi que la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police ont demandé, dans le cadre du dernier rapport LAVI de 1998, d'envisager la suppression de la réparation morale. Certains ont proposé de rendre les conditions du droit à la réparation morale plus restrictives (AG, GL, GR, SO, SZ, BE) ou de limiter le montant de la réparation morale (AG, SZ, TG, JU, Conférence des directeurs cantonaux des finances)172. Selon une enquête de la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales effectuée au printemps 2000, à laquelle 23 cantons ont participé, cinq cantons souhaitent la suppression de la réparation morale, alors que 18 se prononçent pour son maintien (avec des modifications).

D'autre part, le postulat Leuthard du 16 mars 2000 (00.3064. Loi fédérale sur l'aide aux victimes) demande que dans le cas de réparations morales, la responsabilité des cantons, en tant que fournisseurs de prestations à titre subsidiaire, soit limitée aux deux tiers de la somme due en vertu du droit civil173.

Les options retenues par la commission d'experts Le Tribunal fédéral considère, pour des raisons d'égalité de traitement, que la réparation morale est un droit et non une libéralité de l'Etat174. Pour la commission d'experts, il n'y a dès lors que deux voies possibles: soit supprimer purement et simplement cette prestation, soit revenir à l'objectif poursuivi par le législateur en 1991. Si elle n'est pas supprimée, la réparation morale doit retrouver son caractère subsidiaire: l'aide accordée par l'Etat ne doit pas nécessairement couvrir entièrement le préjudice subi.

La réparation morale traduit la reconnaissance par la collectivité publique de la situation difficile de la victime. L'octroi d'une somme d'argent que la victime peut utiliser à sa guise est la meilleure expression possible de cette reconnaissance et permet de répondre aux différents besoins des victimes. Ce n'est dès lors pas tant
le montant de la réparation qui importe que son principe même.

Forte de ces considérations, la commission d'experts a envisagé trois scénarios. Le premier consistait à supprimer la réparation morale. Les victimes qui ne peuvent rien obtenir de l'auteur de l'infraction, ni de tiers, et qui ne peuvent prétendre à une indemnité faute de dommage matériel, n'auraient pour la plupart plus eu droit à d'autres prestations de l'Etat que l'aide fournie par les centres de consultation. La suppression de la réparation morale toucherait au premier chef les victimes d'infraction contre l'intégrité sexuelle.

170 171 172 173 174

3e rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes., ch. 5.4.4 et statistique suisse de l'aide aux victimes 2001, Office fédéral de la statistique.

3e rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes, ch. 11.5 et 13.3.

3e rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes, ch. 15.2 et 15.3.

BO 2000 N 681 (et ch. 1.6.1 supra).

ATF 121 II 369 ss, cons. 3c, p. 373.

6741

Une autre solution, inspirée du postulat Leuthard mentionné ci-dessus, serait de calculer le montant de la réparation morale selon les principes actuels, par analogie avec le droit civil, et à en réduire proportionnellement le montant (par ex. de moitié). Les victimes disposant d'un jugement sur leurs prétentions civiles obtiendraient des montants plus élevés que celles qui déposent directement leur demande auprès des autorités LAVI. Cette solution ne donne par ailleurs aucune garantie quant à l'évolution future des montants accordés par les tribunaux, qui lient les autorités LAVI. En outre, il est plus difficile pour une victime de comprendre et d'accepter la réduction de la prestation promise par le tribunal que de recevoir une autre prestation qui sera certes moins élevée, mais qui ne subira pas de réduction.

Pour ces raisons, la commission d'experts a privilégié une troisième solution qui s'écarte du droit civil et fait de la réparation morale au sens de la LAVI une prestation propre, rompant avec les montants accordés en vertu des art. 47 et 49 CO.

L'Etat n'est plus lié par les montants attribués par les tribunaux civils et pénaux et les victimes sont traitées sur un pied d'égalité, qu'elles disposent d'un jugement sur leurs prétentions civiles ou non. La commission d'experts a proposé de plafonner les montants attribués en fonction du montant maximum du gain annuel assuré selon la LAA175.

Procédure de consultation Le maintien de la réparation morale a été plébiscité lors de la consultation176. En effet, la réparation morale joue un rôle symbolique important, la collectivité publique reconnaissant par elle la situation difficile de la victime. Elle permet de prendre en considération les victimes qui n'ont pas subi un dommage matériel important, alors que l'atteinte elle-même est grave, notamment en cas d'infractions contre l'intégrité sexuelle. Elle assure une certaine égalité de traitement des victimes, l'octroi de la réparation morale ne dépendant pas du fait que l'auteur de l'infraction ait été retrouvé ou condamné.

Solution retenue par le Conseil fédéral La réparation morale doit clairement être maintenue. En l'absence de motifs justifiant que la LAVI s'éloigne par trop du droit civil (le système actuel ayant fait ses preuves) et compte tenu qu'une réparation morale allouée par l'Etat
n'a pas à être identique, dans son montant, à celle que verserait l'auteur de l'infraction, la solution retenue est celle d'une réparation morale au sens des art. 47 et 49 CO, mais plafonnée.

Eu égard aux particularités de la réparation morale fondée sur la LAVI, plusieurs dispositions de la section 2 (réparation morale) et de la section 3 (dispositions communes) n'expriment pas ­ pour certains aspects ­ les mêmes solutions que celles qui ont été retenues par le droit civil.

Al. 1 L'art. 22, al. 1, règle les conditions d'octroi d'une réparation morale à la victime et à ses proches par un renvoi aux art. 47 et 49 CO; il rappelle en outre ­ puisque c'est important ­ que seules les atteintes graves donnent droit à une réparation morale. Le 175

Art. 15 LAA et 22 de l'ordonnance du 20 décembre 1982 sur l'assurance-accidents (OLAA, RS 832.202); cf. commentaire relatif à l'art. 18, al. 1, AP la commission d'experts.

176 Résultats de la procédure de consultation, p. 9.

6742

droit à la réparation morale de la victime est désormais clairement établie. Les proches de la victime ont un droit propre à une réparation morale, dans la mesure où ils remplissent les conditions fixées par les art. 47 et 49 CO. C'est l'art. 1, al. 2, qui détermine qui sont les proches.

La réparation morale n'est pas soumise à une limite de revenus de la victime ou des proches (art. 6, al. 4); celle-ci n'a pas lieu d'être puisque l'objectif de la réparation morale est de réparer un préjudice immatériel. Si elle était liée aux revenus, elle ferait par ailleurs double emploi avec l'indemnisation.

Pour qu'une réparation morale soit octroyée, il doit y avoir une atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle de la victime (art. 1, al. 1). Les conditions qui relèvent du droit de la responsabilité civile s'appliquent ensuite. A titre d'exemple: la réparation morale allouée à la victime d'une lésion corporelle dépendra de la gravité de la souffrance résultant de l'atteinte et de la possibilité d'adoucir de façon sensible, par le versement d'une somme d'argent, la douleur physique ou morale177; l'invalidité, la durée de l'hospitalisation, des opérations douloureuses, le bouleversement de la vie professionnelle ou de la vie privée sont notamment pris en compte.

Si la victime décède des suites de l'infraction, l'octroi d'une réparation morale aux proches dépend de l'intensité des liens qui existaient entre la victime et chacun d'entre eux; l'intensité se présume généralement en fonction des liens de parenté. Si la victime n'est pas décédée, les proches peuvent avoir droit à une réparation morale dans la mesure où ils sont touchés de la même manière ou plus fortement qu'en cas de décès178; leur souffrance doit avoir un caractère exceptionnel179. On pense notamment à des cas d'invalidité permanente, qui nécessitent des soins et une attention constante.

Lors de la procédure de consultation, la notion de «conséquences de longue durée», découlant de la définition de l'invalidité selon l'art. 8 LPGA180 (autrefois selon les art. 18 LAA et 4 LAI) a été critiquée par plusieurs participants, notamment en ce qui concerne les atteintes à l'intégrité sexuelle. Cette notion n'a dès lors pas été retenue.

Néanmoins, la notion de durée reste présente. Si une blessure ne laisse pas de séquelles et peut être
soignée sans grandes complications, aucune réparation morale ne sera versée en règle générale; il en va de même pour une incapacité de travail de quelques semaines181. Par ailleurs, il est possible de demander une réparation morale même si le traumatisme ne se manifeste pas tout de suite; cela est particulièrement important pour les atteintes à l'intégrité sexuelle. Le délai a en outre été prolongé à cinq ans182.

Au demeurant, la nature de l'infraction et la culpabilité de l'auteur ne jouent aucun rôle.

Al. 2 En droit de la responsabilité civile, l'action pour obtenir une réparation morale passe aux héritiers de la victime, pour autant que celle-ci ait manifesté sa volonté de l'exercer183. Comme la réparation morale accordée en vertu de la LAVI remplit une 177 178 179 180 181 182 183

Cf. ATF 123 III 306, cons. 9b.

Cf. ATF 125 III 412, cons. 2a; ATF 1A.69/2005, cons. 2.3.

Cf. ATF 117 II 50, cons. 3a; ATF 122 III 5, cons. 2a; ATF 112 II 220; ATF 112 II 226.

RS 830.1 ATF 1A.235/2000 du 21 février 2001, cons. 5b aa.

Cf. art. 25.

Cf. ATF 79 IV 104.

6743

autre fonction que la réparation du tort moral en droit civil, la prétention à une réparation morale fondée sur la LAVI s'éteint à la mort de l'ayant droit. Les proches de la victime ont un droit propre à l'octroi d'une réparation morale s'ils remplissent eux-mêmes les conditions fixées par l'art. 47 CO (cf. al. 1).

Art. 23

Calcul

L'al. 1 établit que le montant de la réparation morale est fixé en fonction de la gravité de l'atteinte.

L'al. 2 plafonne le montant de la réparation morale et l'inscrit directement dans la loi. Le montant maximum pour les proches est inférieur à celui fixé pour la victime.

La commission d'experts était d'avis que les réparations morales accordées par l'Etat et fondées sur l'aide aux victimes doivent être limitées dans leur montant, afin de tenir compte du principe de subsidiarité (cf. art. 4). Le montant de l'indemnisation est par ailleurs déjà limité dans le droit actuel184.

Une très grande partie des participants à la consultation sont favorables à un plafonnement185. Le Conseil fédéral en a dès lors repris le principe. Les avis sont plus partagés sur le renvoi, pour le plafond, à une fraction du montant maximum du gain assuré selon l'art. 15 LAA186. Le montant lui-même a également suscité beaucoup de commentaires. Sur la question d'un plafond moins élevé pour les proches que pour la victime, les participants se sont partagés en deux camps quasi-égaux.

Comme en droit de la responsabilité civile, le montant de la réparation morale est déterminé en fonction de la gravité de l'atteinte (art. 22, al. 1). Il s'agira toutefois de tenir compte des plafonds instaurés à l'al. 2. Les montants maximaux devant être réservés aux souffrances les plus graves, le montant de la réparation morale fondée sur la LAVI sera donc différent de celui alloué en vertu du droit privé, afin de pouvoir prendre en compte les nouveaux plafonds.

Les revenus ne sont pas pris en considération (cf. art. 6, al. 4). La réparation morale compense un dommage immatériel et n'a de ce fait aucun rapport avec les revenus.

Al. 2 Plafond de la réparation morale: comme il s'agit d'un point essentiel de la révision, le montant du plafond est directement fixé dans la loi. Parmi les montants maximaux proposés lors de la procédure de consultation187, une tendance se dessine pour un montant d'environ 70 000 francs188 pour la victime et entre 20 000 et 50 000 francs189 pour le proche. Les montants (arrondis) proposés par la commission d'experts, soit 70 000 francs pour la victime et 35 000 francs pour les proches ont 184 185 186

Cf. art. 4, al. 1, OAVI.

Résultats de la procédure de consultation, p. 12.

RS 832.20. En l'occurrence, la commission d'experts a prévu un montant de 71 200 francs ( de 106 800 francs) pour la victime directe et de 35 600 francs pour les proches ( de 106 800 francs).

187 Résultats de la procédure de consultation, p. 20 s.

188 Résultats de la procédure de consultation, p. 21: la fourchette allait de 5 000 à 215 000 francs. Parmi les participants qui se sont exprimés sur le montant de la réparation morale pour les victimes, quasiment la moitié a opté pour un montant proche de 70 000 francs.

189 Résultats de la procédure de consultation, p. 21: la fourchette allait de 0 à 106 800 francs.

Parmi les participants qui se sont exprimés sur le montant de la réparation morale pour les proches, la moitié était favorable à un montant proche de 30 000 francs.

6744

dès lors été retenus. De plus, le montant de 70 000 francs correspond à peu près aux deux tiers du montant de base généralement attribué en droit de la responsabilité civile pour une invalidité permanente, soit 100 000 francs190. Il est donc proche des exigences du postulat Leuthard191. Le renvoi à une fraction du montant du gain maximum assuré de la LAA, comme le prévoyait le projet de la commission d'experts, n'a pas été repris. Il avait le désavantage d'obliger le citoyen à consulter une deuxième loi; en outre, il a parfois été compris comme une prise en compte du revenu désavantageant les victimes sans activité lucrative192.

Plafond moins élevé pour les proches: la réparation morale revêt généralement une plus grande importance pour la victime que pour les proches, puisque c'est elle qui subit le plus intensément les conséquences de l'infraction. Le droit de la responsabilité civile accorde lui aussi des montants plus faibles pour les proches. Il est dès lors justifié de prévoir un montant maximum moins élevé pour ces derniers. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral193, les proches d'une personne gravement invalide ont droit, en règle générale, à une réparation morale plus élevée que celle allouée aux proches d'une victime décédée des suites de l'infraction; la gravité de la souffrance des premiers est considérée comme plus grande.

Pour les proches, le montant maximum ne s'entend pas par cas, mais par requérant.

Le plafond de la réparation morale sera lui aussi périodiquement adapté (cf. art. 45, al. 1). La question des intérêts est réglée à l'art. 28.

Fixation du montant: les montants alloués sont calculés selon une échelle dégressive indépendante des montants accordés habituellement en droit civil, même si ceux-ci peuvent servir à déterminer quels types d'atteintes donnent lieu à l'octroi des montants les plus élevés. La fourchette des montants à disposition est plus étroite que celle du droit civil. Les autorités cantonales devront dès lors réserver les montants proches du plafond aux cas les plus graves. Sinon il ne sera pas possible de traiter différemment des situations différentess, ce qui serait contraire au principe de l'égalité de traitement. Le Conseil fédéral souhaite laisser à la pratique le soin de mettre au point une tarification. Si les résultats devaient être insatisfaisants
ou mener à de trop grandes différences entre les cantons, alors il pourrait prévoir des forfaits ou des tarifs (art. 45, al. 3); il pourrait par exemple fixer des fourchettes laissant suffisamment de latitude pour prendre en compte les particularités de chaque cas.

Les réparations morales octroyées sont nettement plus basses que les montants alloués en droit civil. Les autorités pourront s'inspirer des tarifs existants, par exemple celui qui a été établi pour les atteintes à l'intégrité194.

190 191 192 193 194

V. Hütte/Ducksch, Die Genugtuung, Eine tabellarische Übersicht über Gerichtsentscheide aus den Jahren 1990­2003, Zurich/Bâle/Genève.

Cf. 1.6.1.

Cf. Résultats de la procédure de consultation, p. 15.

ATF 113 II 323, ATF 117 II 50 (60), Sem. jud. 1994 589 Annexe 3 de l'ordonnance du 20 décembre 1982 sur l'assurance-accidents (OLAA), RS 832.202.

6745

En 2004, la valeur moyenne de la réparation morale selon la LAVI s'élevtait à 9700 francs, la valeur médiane étant de 5000 francs195. En 2001, les montants s'étendaient de 200 à près de 120 000 francs196. Sur la base des nouveaux montatns maximaux, la valeur médiane devrait s'élever à environ 3000 francs.

Pour la victime: Les montants proches du plafond sont à réserver aux cas les plus graves, qui coïncident en règle générale avec une invalidité à 100 %. Les montants attribués pour des atteintes à l'intégrité corporelle devdès lorspourraient se situer dans les ordres de grandeur suivants: ­

55 000 à 70 000 francs: mobilité et/ou fonctions intellectuelles et sociales très fortement réduites (par ex. tétraplégie),

­

40 000 à 55 000 francs: mobilité et/ou fonctions intellectuelles et sociales fortement réduites (par ex. paraplégie, cécité ou surdité totale),

­

20 000 à 40 000 francs: mobilité réduite, perte d'une fonction ou d'un organe importants (par ex. hémiplégie, perte d'un bras ou d'une jambe, atteinte très grave et douloureuse à la colonne vertébrale, perte des organes génitaux ou de la capacité de reproduction, grave défiguration),

­

moins de 20 000 francs: atteintes de gravité moindre (par ex. perte du nez, d'un doigt, de l'odorat ou du goût).

On peut au besoin établir des listes semblables pour les atteintes à l'intégrité psychique ou à l'intégrité sexuelle.

Pour les proches: Les montants les plus élevés sont à attribuer aux proches d'une victime gravement invalide. La fourchette est étroite et la latitude pour prendre en compte les particularités de chaque cas est dès lors réduite. Les ordres de grandeur sont les suivants: ­

25 000 à 35 000 francs197: pour tout proche qui a très considérablement réaménagé sa vie pour s'occuper de la victime ou qui a la charge de soins ou d'un accompagnement très importants envers la victime,

­

20 000 à 30 000 francs: pour la perte du conjoint ou du partenaire,

­

10 000 à 20 000 francs: pour la perte d'un enfant (compte tenu de la situation concrète telle que l'âge ou l'existence d'un ménage commun)

­

8000 à 18 000 francs: pour la perte du père ou de la mère (compte tenu de la situation concrète telle que l'âge ou l'existence d'un ménage commun)

­

0 à 8000 francs: pour la perte d'un frère, d'une soeur (en fonction de l'existence d'un ménage commun ou de l'intensité de la relation)

Aucune réparation morale n'est en principe versée pour la perte d'autres parents.

195

www.bfs.admin.ch (sous: thèmes ­ criminalité, droit pénal ­ victimes). La médiane est la valeur qui partage le nombre total des cas en deux parts égales: la moitié des cas est inférieure à la valeur de la médiane et l'autre moitié est supérieure. La valeur médiane est plus pertinente que la moyenne, car un seul montant important suffit pour que l'on obtienne une valeur moyenne élevée.

196 Ces deux dernières valeurs se réfèrent à l'année 2001, Statistique suisse de l'aide aux victimes (OHS) 2001, Actualités OFS, 19/Droit et justice, septembre 2002, p. 11 s.

197 Il s'agit ici aussi uniquement d'ordres de grandeur pour le calcul. Les conditions de l'art. 22 (intensité de la relation notamment) doivent évidemment être remplies.

6746

Al. 3 Pour déterminer le montant de la réparation morale, les prestations de tiers qui comportent des éléments caractéristiques de la réparation seront prises en compte.

Une disposition analogue, l'art. 20, al. 1, est prévue pour l'indemnisation. Cette disposition découle du principe de subsidiarité (cf. art. 4).

L'indemnité pour atteinte à l'intégrité au sens des art. 24 ss LAA198 doit en principe être considérée comme une prestation de tiers déductible199. Elle doit dès lors être déduite du montant de la réparation morale qui est alloué à la victime à titre d'aide aux victimes.

2.3.3 Art. 24

Section 3

Dispositions communes

Demande

Il ne suffit pas de s'adresser à un centre de consultation sans accomplir de démarche supplémentaire pour avoir droit à une indemnisation ou une réparation morale et pour respecter le délai prévu à l'art. 25. L'ayant droit doit faire une demande. Dans le même ordre d'idées, aucune avance n'est accordée d'office (cf. art. 21).

Art. 25

Délais

L'actuel art. 16, al. 3, LAVI impartit à la victime un délai de deux ans pour introduire ses demandes d'indemnisation et de réparation morale. L'idée était que la victime devait décider rapidement si elle entendait bénéficier de l'aide aux victimes.

Ce délai de péremption a fait l'objet de de trois interventions parlementaires et de divers arrêts du Tribunal fédéral200. Dans le cadre des évaluations faites par l'Office fédéral de la justice201, les cantons ont demandé, entre autres, à ce que le délai de péremption, jugé trop court, soit revu.

Lela délai plus long prévu à l'al. 1 a été très favorablement accueilli lors de la procédure de consultation202. Le délai sera désormais de cinq ans, comme en droit des assurances sociales (cf. art. 24 LPGA203). Il s'agit d'un délai de péremption, qui ne peut dès lors être interrompu, et non d'un délai de prescription. La péremption est adaptée au système de la LAVI, dès lors que la décision doit être rendue à un moment où il est encore possible d'élucider rapidement les circonstances exactes de l'infraction à la base de la demande et de déterminer si le préjudice allégué par la victime a bien été causé par l'infraction; en outre, l'autorité doit constater les faits d'office.

198 199 200

Art. 25, al. 2, LAA (RS 832.20) et annexe 3 à l'OLAA (RS 832.202).

V. ATF 125 II 169.

Motion 94.3574 Goll, Postulat 00.3064 Leuthard, Motion 01.3729 Jossen (cf. ch. 1.6 supra); ATF 123 II 241, ATF 126 II 348 (les deux portant sur le moment où le délai commence à courir), ATF 126 II 97 (demandes déposées à titre provisoire et exigences quant à la formulation des prétentions).

201 Cf. ch. 1.1.2.

202 Cf. résultats de la procédure de consultation, p. 76 s.

203 Loi fédérale du 6 octobre 200 sur la partie générale des assurances sociales, RS 830.1.

6747

S'inspirant des règles du droit civil, le projet de la commission d'experts204 prévoyait de faire courir le délai à partir du jour où la victime a connaissance du dommage205. Plusieurs participants à la procédure de consultation se sont déclarés en faveur de la solution prévue par la loi en vigueur, soit que le délai court à compter de la date de l'infraction206. La connaissance du dommage est un critère plus subjectif, plus difficile à prouver, qui pourrait donner lieu à des abus. Dans la majorité des cas, le dommage est connu le jour de l'infraction; ce sont plutôt son étendue et ses conséquences qui ne sont pas encore déterminées ou déterminables à ce moment-là.

Pour ces raisons, le point de départ du délai à compter du jour de l'infraction a été retenu en première ligne. Mais le délai ne commence au plus tard à courir que lorsque la victime a connaissance de l'infraction. Dans l'hypothèse de la disparition d'une personne ou de la contamination par une maladie transmissible, ce n'est parfois qu'après plusieurs années qu'une personne aura connaissance de l'existence d'une infraction. Bien que le projet semble plus large que le droit actuel, il ne fait cependant que confirmer la pratique207.

Le délai peut être restitué à la victime lorsque n'a pas été informée à temps par la police de l'existence de ses droits et des moyens de les faire valoir208; l'obligation d'informer est prévue par la loi (art. 8, al. 2). A l'exception de ce cas, le délai de péremption sera appliqué strictement.

La péremption du droit à l'indemnisation ou à la réparation morale ne fait pas obstacle à une demande d'aide ou de conseils auprès d'un centre de consultation (art. 15, al. 2).

Al. 2: les abus sexuels sont souvent tus ou refoulés par les victimes mineures pendant de longues années en raison des rapports de dépendance qui lient la victime à l'auteur ou encore en raison des menaces ou du chantage exercés par ce dernier.

C'est pourquoi les dispositions du code pénal209 et du code pénal militaire210 en matière de prescription ont été récemment modifiées (art. 70, al. 2, CP et 51, al. 2, CPM). Selon ces articles, la prescription pénale pour certaines infractions211 court en tout cas jusqu'au jour où la victime a 25 ans. Les enfants de moins de 16 ans (aux204 205 206 207 208 209 210 211

Cette dernière était d'ailleurs partagée sur la solution à apporter. cf. rapport explicatif, p. 49 s.

Cf. art. 60, al. 1, CO et 55 de l'avant-projet de loi fédérale sur la révision et l'unification du droit de la responsabilité civile, LRCiv, ainsi que l'art. 83, al. 1, LCR.

Résultats de la procédure de consultation, p. 76 s.

Cpr. ATF 126 II 348, où le diagnostic du SIDA a été posé plus de cinq après un viol, ce qui a mis au jour une nouvelle infraction.

Cf. ATF 123 II 241 RS 311.0 RS 321.0 L'art. 70, al. 2, CP modifié renvoie aux infractions suivantes: art. 187 CP: actes d'ordre sexuel avec des enfants de moins de 16 ans; art. 188 CP: actes d'ordre sexuel avec des mineurs de plus de 16 ans liés à l'auteur par des rapports d'éducation, de confiance ou de travail ou par tout autre lien de dépendance; art. 111 CP: meurtre; art. 113 CP: meurtre passionnel; art. 122 CP: lésions corporelles graves; art. 189 CP: contrainte sexuelle; art. 190 CP: viol; art. 191 CP: actes sexuels commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance; art. 195 CP: encouragement à la prostitution; art. 196 CP: traite d'êtres humains.

L'art. 51, al. 2, CPM modifié renvoie aux infractions suivantes: art. 156 CPM: actes d'ordre sexuel avec des enfants de moins de 16 ans; art. 115 CPM: meurtre; art. 117 CPM: meurtre passionnel; art. 121: lésions corporelles graves art.; 153 CPM: contrainte sexuelle art.; 154 CPM: viol art.; 155 CPM: actes sexuels commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance.

6748

quels il faut ajouter les mineurs de plus de 16 ans en ce qui concerne l'art. 188 CP), qui ont subi de telles infractions, doivent pouvoir déposer une demande d'indemnisation et de réparation morale selon la LAVI jusqu'au jour de leurs 25 ans. Il faut y ajouter, selon la let. b, la tentative d'assassinat (art. 112 CP et 116 CPM), puisque cette infraction se prescrit par 30 ans.

Cette règle particulière ne s'applique pas aux proches.

Selon l'al. 3, un second délai, plus court, est accordé aux personnes qui font d'abord valoir leurs prétentions civiles par voie d'adhésion à la procédure pénale intentée contre l'auteur; faire valoir ses prétentions dans le procès pénal n'est pas une exigence, mais il convient d'inciter les victimes et leurs proches à s'adresser d'abord à l'auteur de l'infraction. Elles peuvent faire valoir leurs droits à une indemnisation ou à une réparation morale dans le cadre de l'aide aux victimes a posteriori, dans le délai d'un an à compter du jour où la procédure pénale est close. Ce délai est notamment utile dans l'hypothèse où l'auteur de l'infraction, condamné à verser un certain montant à la victime, s'avère dans l'incapacité de payer.

Si la procédure pénale avance trop lentement, la victime peut s'adresser directement à l'aide aux victimes dans le délai de cinq ans et demander, le cas échéant, une avance (cf. art. 21) sur l'indemnisation qu'elle devrait obtenir. Dans la pratique, l'autorité cantonale suspend alors sa décision quant à une éventuelle indemnisation jusqu'à droit connu dans la procédure pénale.

Art. 26

Canton compétent

L'al. 1 détermine le canton chargé de l'indemnisation et de la réparation morale de la victime et de ses proches. Le projet de la commission d'experts donnait cette compétence au canton du domicile de la victime, à la place du canton du lieu de l'infraction prévu par le droit en vigueur. Lors de la procédure de consultation, plusieurs participants ont déclaré préférer la seconde solution212. Le projet du Conseil fédéral prévoit la compétence du canton du lieu de l'infraction, comme la loi en vigueur . Ce choix présente l'avantage pour la victime de ne pas devoir entrer en contact avec les autorités de différents cantons, selon qu'elle s'adresse aux autorités compétentes en matière de LAVI ou aux autorités chargées de la procédure pénale.

Le fait que la procédure d'indemnisation soit écrite dans presque tous les cantons plaide en faveur de cette solution; en outre, la victime est libre dans le choix du centre de consultation (art. 15, al. 3) et c'est au niveau de l'aide immédiate et à plus long terme que la proximité géographique revêt une grande importance. Le centre de consultation du lieu de domicile peut aider la victime dans ses démarches pour déposer une demande dans un autre canton. De plus, il ne faut pas traiter différemment les personnes domiciliées dans des cantons différents, mais victimes d'une même infraction. Dans 82 % des cas, le canton dans lequel l'infraction a été commise et le canton de domicile de la victime ne font qu'un213. Enfin, l'accès au dossier pénal sera plus facile si la procédure d'indemnisation se déroule dans le même canton.

212 213

Résultats de la procédure de consultation, p. 78 s.

Statistique suisse de l'aide aux victimes (OHS) 2001, Actualités OFS, 19/Droit et justice, septembre 2002, p. 12.

6749

L'al. 2 règle la compétence lorsque l'infraction s'est déroulée en plusieurs lieux ou lorsque le résultat s'est produit également en plusieurs lieux. La let. a reprend la solution de l'art. 346, al. 2, du code pénal214: l'autorité compétente est celle du lieu où la première instruction est ouverte. Si aucune procédure d'instruction n'est ouverte ­ l'octroi d'une indemnité ou d'une réparation morale à titre d'aide aux victimes ne dépend pas de l'existence d'un procès pénal ­ la let. b donne la compétence au canton de domicile. La notion de domicile est celle qui est prévue aux art. 23 ss du code civil215. Il faut dès lors entendre par domicile le lieu où une personne réside avec l'intention de s'y établir. Lorsqu'il n'y a ni enquête pénale, ni domicile en Suisse de la victime, c'est la let. c qui s'applique.

Art. 27

Réduction et exclusion des prestations

La LAVI en vigueur règle la réduction du montant de l'indemnité (art. 13, al. 2), mais ne prévoit pas expressément de réduction du montant de la réparation morale.

Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a établi que le comportement fautif peut être pris en compte lors de la détermination du montant de la réparation morale216.

La commission d'experts faisait une distinction entre l'indemnisation et la réparation morale217. Elle prévoyait une plus grande sévérité pour l'octroi de la réparation morale, qui devait permettre des réductions plus fréquentes de cette dernière.

Un traitement différencié de l'indemnisation et de la réparation morale ne se justifie pas. Les deux dispositions sont regroupées dans une disposition commune, qui reprend la formulation initialement prévue pour la réparation morale. Ce texte, contrairement au droit en vigueur et à la pratique, ne met pas au premier plan la faute de la victime ou du proche, mais le comportement qui a contribué à causer l'atteinte ou à en aggraver les effets. Le projet du Conseil fédéral laisse une importante marge d'appréciation à l'autorité. L'autorité d'indemnisation selon la LAVI peut se montrer plus sévère qu'en droit civil, du fait du caractère subsidiaire des prestations LAVI. Le fait que la victime se soit exposée à un danger concret qui dépasse la mesure ordinaire, par exemple en s'adonnant à un sport particulièrement dangereux ou qu'elle n'ait pas pris toutes les mesures exigées par les circonstances pour diminuer rapidement le préjudice peut être un motif de réduction, voire d'exclusion.

Puisque les prétentions du proche découlent en quelque sorte des prétentions de la victime, on pourra opposer à celui-ci non seulement son propre comportement, mais également celui de la victime.

L'al. 3 prévoit un motif supplémentaire de réduction pour la réparation morale: la prise en compte du coût de la vie à l'étranger218. Le droit civil ne prévoit pas expressément cette réduction. Par analogie avec sa jurisprudence en matière de droit privé, le Tribunal fédéral n'a admis qu'exceptionnellement la réduction du montant de la réparation morale en raison d'un coût de la vie sensiblement plus faible à l'étranger 219. L'aide aux victimes étant un acte de solidarité de la collectivité envers la vic214 215 216 217 218

RS 311.0 RS 210 ATF 123 II 210 et ATF 128 II 49 Cpr. art. 16 et 20 du projet de la commission d'experts.

Pour l'indemnisation, un coût de la vie moins élevé en raison d'un domicile à l'étranger sera pris en compte lors de la détermination du dommage.

219 ATF 125 II 554

6750

time, il est équitable de prendre en compte un coût de la vie moins élevé lorsque le bénéficiaire habite à l'étranger. La différence entre le coût de la vie à l'étranger et le coût de la vie en Suisse doit être suffisamment importante pour justifier une réduction. Tel est le cas lorsque l'application des normes de calcul usuelles entraînerait une indemnisation disproportionnée des victimes et de leurs proches domiciliés à l'étranger par rapport aux personnes domiciliées en Suisse. A l'inverse, un niveau du coût de la vie plus élevé à l'étranger n'entraînera pas une augmentation du montant de la réparation morale.

Le projet de la commission d'experts prévoyait un motif supplémentaire d'exclusion de la réparation morale220, à titre facultatif, lorsque la victime n'est plus en état de prendre conscience des atteintes subies. La question étant très controversée221, ce motif d'exclusion n'a pas été maintenu.

Art. 28

Intérêts

Plusieurs participants à la consultation ont demandé à ce que la question des intérêts soit réglée dans la loi222. L'obtention de tels intérêts diffère ­ semble-t-il ­ sensiblement d'un canton à l'autre223. Afin d'assurer une pratique uniforme en la matière, cet aspect est désormais réglé dans la loi. Le droit de la responsabilité civile, qui vise à replacer la victime dans la situation antérieure à l'infraction, accorde des intérêts compensatoires, tant pour la réparation du dommage que pour la réparation morale.

L'objectif de la LAVI est diffférent: l'Etat n'intervient qu'à titre subsidiaire, exprimant un geste de solidarité de la collectivité envers des citoyens durement touchés.

En outre, le montant de l'indemnisation (art. 20, al. 3), et désormais celui de la réparation morale (art. 23, al. 2), sont plafonnés. Renoncer au versement d'intérêts compensatoires (intérêt du capital qui est dû) est dès lors justifié.

L'art. 26 LPGA224 prévoit le versement d'intérêts moratoires dans un délai de 24 mois après la naissance du droit et dans tous les cas douze mois après le dépôt de la demande. Pour les raisons évoquées plus haut, ce système n'a pas été repris dans la LAVI. Si l'autorité, alors qu'elle dispose de tous les éléments, tarde à se prononcer, le requérant peut utiliser les moyens de droit usuels. Les prestations d'aide aux victimes ne sont pas la contrepartie de cotisations d'assurances sociales.

Art. 29

Procédure

L'al. 1, à l'instar de la loi en vigueur (art. 16, al. 1, LAVI), prévoit une procédure simple et rapide pour l'indemnisation et la réparation morale. Dans la pratique, en cas de doute quant à l'existence et à la portée d'une infraction, la procédure d'octroi de l'indemnité et/ou de la réparation morale peut être suspendue jusqu'à droit connu

220 221

Cf. l'art. 20, al. 4, du projet de la commission d'experts.

Le projet de loi sur la responsabilité civile, mis en consultation en octobre 2000, ne tranchait pas: l'art. 45e AP-LRCiv, qui traite de la réparation du tort moral, est formulé de manière telle qu'il n'exclut pas a priori qu'une personne (physique) privée de toute conscience ait le droit d'agir. Cf. également les commentaires des participants à la procédure de consultation LAVI, résultats de la procédure de consultation, p. 75.

222 Résultats de la procédure de consultation, p. 66 et 72 s.

223 Plusieurs autorités accordent actuellement des intérêts en se fondant sur l'ATF 129 IV 149.

224 Loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales, RS 830.1.

6751

(jugement pénal passé en force)225, ce qui relativise la notion de «procédure rapide».

Comme la commission d'experts, le Conseil fédéral estime toutefois que cette exigence doit être maintenue: la procédure doit être aussi rapide que possible lorsque les circonstances le permettent.

La gratuité de la procédure relative à l'indemnisation et à la réparation morale est réglée à l'art. 30, al. 1.

Al. 2: cette disposition a la même teneur que l'art. 16, al. 2, LAVI. Dans ce contexte, il faut mentionner le devoir de collaborer réglé à l'art. 4, al. 2, alors qu'il est actuellement inscrit dans l'ordonnance.

L'al. 3 reprend l'art. 17 LAVI. L'autorité de recours doit notamment jouir d'un plein pouvoir d'examen.

2.4

Chapitre 4

Exemption des frais de procédure

Art. 30 L'al. 1 établit la gratuité des procédures ayant trait aux prestations allouées par les centres de consultations et les autorités chargées d'octroyer les indemnisations et les réparations morales, indépendamment des revenus de la personne concernée. Il correspond à l'art. 16, al. 1, LAVI, qui prévoit la gratuité de la procédure relative à l'indemnisation ou à la réparation morale et étend ce principe à l'octroi d'une aide au sens des art. 13 et 16 du présent projet. La proposition de la commission d'experts, qui prévoyait également la gratuité pour d'autres procédures résultant de l'infraction (par exemple l'action civile contre l'auteur), n'a pas été retenue. Aucune disposition particulière pour la victime n'est de toute façon nécessaire; en effet, le centre de consultation peut allouer des contributions aux frais pour compléter, si nécessaire, l'assistance judiciaire gratuite.

Selon l'al. 2, les procédures fondées sur la présente loi ne sont plus gratuites si la personne a agi de manière téméraire. Aujourd'hui déjà, les centres de consultation peuvent refuser de prendre en charge les frais d'avocat, lorsqu'il semble que ceux-ci seraient engagés en pure perte226.

L'al. 3 empêche l'inégalité de traitement entreles victimes dont les frais d'avocat sont pris en charge par l'assistance judiciaire gratuite et celles qui reçoivent une contribution destinée à régler ces mêmes frais d'un centre de consultation.

Selon l'art. 29, al. 3, Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire gratuite, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. Si l'art. 29, al. 3, Cst.

ou le droit à l'assistance judiciaire selon le droit cantonal soient applicable, la victime et ses proches n'ont pas besoin de la contribution aux frais pour l'aide juridique prévue par la LAVI. Le rapport entre la loi sur l'aide aux victimes d'infractions et le droit constitutionnel à l'assistance gratuite d'un défenseur fait l'objet d'une importante jurisprudence227.

225 226 227

ATF 122 II 211 ATF 121 II 209 ATF 123 II 548, 125 II 265, 122 II 315, 121 II 209

6752

Lorsque la victime ou ses proches n'ont pas droit, du fait de leurs revenus, à l'assistance gratuite d'un défenseur, le centre de consultation ou l'autorité cantonale compétente doit examiner s'ils remplissent les conditions plus généreuses prévues par la LAVI pour la prise en charge des frais d'avocat et de procédure. Ainsi l'aide juridique gratuite et la prise en charge des frais d'avocat et de procédure au sens de la LAVI complètent-elles les garanties de procédure prévues par la Constitution.

Si leur situation financière s'améliore, la victime et ses proches doivent en principe rembourser l'aide reçue lorsque leurs frais d'avocat ont été pris en charge par l'assistance judiciaire gratuite ­ donc par l'Etat ­ selon l'art. 29, al. 3 Cst. ou le droit cantonal. Tel n'est pas le cas lorsque la prise en charge des frais d'avocat se fonde sur la LAVI. Les victimes dont la situation financière est très modeste se retrouvent ainsi moins bien loties que celles qui diposent de revenus proches de la limite alemaximum donnant droit à des contributions aux frais. En outre, le remboursement des frais d'avocat qui peut être demandé par la suite peut entraîner une «revictimisation». C'est pourquoi le présent projet ­ comme l'avant-projet d'ailleurs ­ prévoit que la victime et ses proches n'ont pas à rembourser les frais découlant de l'assistance gratuite d'un défenseur.

2.5

Chapitre 5 Prestations financières et tâches de la Confédération

Le projet de révision ne modifie pas la répartition actuelle des tâches entre la Confédération et les cantons. L'exécution de la LAVI incombe presque entièrement à ces derniers. La Confédération a essentiellement pour tâche de soutenir la formation spécifique des personnes chargées de l'aide aux victimes (art. 31) et d'évaluer les effets de la loi.

Durant les six années qui ont suivi l'entrée en vigueur de la LAVI, la Confédération a accordé des contributions financières aux cantons pour la mise en place de l'aide aux victimes. Par la suite, le soutien financier de la Confédération s'est limité à l'octroi d'aides financières pour la formation des personnes chargées de l'aide aux victimes et d'une contribution financière extraordinaire aux cantons pour les dépenses liées à l'attentat de Louxor. Contrairement à l'avant-projet de la commission d'experts, le présent projet ne prévoit pas de contributions financières de la Confédération aux dépenses cantonales pour les prestations fournies par les centres de consultation ou les prestations d'indemnisation et de réparation morale, à l'exception des indemnités susceptibles d'être accordées lors d'événements extraordinaires (art. 32, al. 1). la proposition de la commission d'experts de soutenir au besoin financièrement des institutions et des programmes visant à améliorer l'information sur l'aide aux victimes (cf. ch. 1.2.3) n'a pas été reprise non plus.

Le projet de révision règle expressément les tâches de coordination que la Confédération a déjà partiellement assumé lors d'événements extraordinaires, comme l'attentat de Louxor en 1997.

Art. 31

Formation

L'art. 31 correspond à l'art. 18, al. 1, LAVI. Comme aujourd'hui, les mesures de soutien porteront sur la formation spécifique (c'est-à-dire les cours de perfectionnement et de formation permanente) et non sur la formation professionnelle de base.

6753

Les cours s'adresseront au personnel des centres de consultation et aux autres personnes chargées de l'aide aux victimes. On entend par «personnes chargées de l'aide aux victimes» principalement les membres de la police et des organes judiciaires, mais cette notion pourrait aussi englober les personnes appelées à assumer des tâches d'information sur l'aide aux victimes en vertu de l'art. 8 ou à fournir une aide immédiate (par exemple le personnel hospitalier, les médecins ou les pompiers). Les cours doivent avoir un lien direct et étroit avec la loi sur l'aide aux victimes.

L'art. 31 n'a pas pour objectif de faire supporter à la Confédération la totalité des frais de perfectionnement et de formation permanente des personnes chargées de l'aide aux victimes. Les cours de formation organisés à l'interne de l'institution, par exemple, doivent être pris en charge par l'employeur lui-même, et non par la LAVI.

La Confédération peut continuer à subordonner l'octroi d'une aide financière à certaines conditions, par exemple que les cours soient organisés pour toute une région linguistique ou incluent un nombre minimum de participants. La Confédération peut octroyer les aides financières sur une base forfaitaire, comme aujourd'hui, ou revenir, si elle le juge opportun, à une participation aux dépenses effectives.

L'art. 18, al. 1, LAVI charge expressément la Confédération de tenir compte des besoins particuliers des enfants victimes d'infractions contre leur intégrité sexuelle.

Ce complément a été introduit le 23 mars 2001 par le biais d'une initiative parlementaire228. Le présent projet reprend cette invitation, mais de manière un peu plus ouverte. En effet, s'il convient de tenir compte des besoins des enfants victimes d'infraction contre leur intégrité sexuelle, d'autres catégories de victimes ont aussi des besoins particuliers dont il faut tenir compte (par ex. les victimes de la violence conjugale ou les victimes de la traite des êtres humains). Si les crédits sont insuffisants, la priorité sera donnée à des cours ciblant des besoins particuliers qui sont encore trop peu pris en considération.

Art. 32

Evénements extraordinaires

L'al. 1 correspond à l'art. 18, al. 3, LAVI. Il permet à la Confédération d'accorder des indemnités aux cantons lorsque, par suite d'événements extraordinaires, un canton doit supporter des frais particulièrement élevés, découlant de l'application de la loi sur l'aide aux victimes. Cet article s'applique en cas d' événements exceptionnels tels que les actes terroristes, les actes commis par un tireur forcené, les catastrophes découlant d'une négligence humaine. Il s'agit d'événements qui font de nombreuses victimes et peuvent mettre à rude épreuve les ressources des cantons concernés. A ce jour, la Confédération n'a fait usage de cette possibilité qu'une seule fois, à l'occasion de l'attentat de Louxor en 1997. La portée de l'art. 32 en cas d'infractions à l'étranger sera sans doute presque nulle à l'avenir, puisqu'il est prévu de supprimer tout droit à l'indemnisation et à la réparation morale dans ce cas de figure: les dépenses cantonales se limiteront aux prestations que les centres de consultation fournissent eux-mêmes ou par l'intermédiaire de tiers, de sorte que le montant de ces perstations atteindra rarement le niveau requis pour l'octroi d'une indemnité. En revanche,si les événements se produisent sur le territoire suisse, les dépenses cantonales peuvent être très élevées. Même si la Suisse a été relativement épargnée jusqu'ici (si l'on excepte la tuerie de Zoug en 2001), on ne peut entièrement exclure que de tels actes se produisent à l'avenir sur notre sol.

228

RO 2002 2997 2999

6754

L'al. 2 est nouveau. Lors de l'attentat de Louxor, un besoin de coordination s'est fait sentir, entre les autorités fédérales, de même qu'entre les autorités fédérales et les autorités cantonales. Le présent projet va plus loin et permet également à la Confédération de coordonner l'aide fournie par les cantons si nécessaire.

Art. 33

Evaluation

Cet article concrétise l'art. 170 de la Constitution fédérale. Il oblige le Conseil fédéral à procéder régulièrement à l'évaluation des mesures prévues par la loi. Cette obligation figure déjà à l'art. 18, al. 2, de la loi en vigueur. La périodicité des évaluations n'est pas prescrite par la loi: les évaluations n'auront donc pas nécessairement lieu aussi souvent que durant la période qui a suivi l'entrée en vigueur de la loi actuelle.

2.6

Chapitre 6 Protection et droits particuliers dans la procédure pénale

Les art. 5 à 10d de la LAVI comprennent des dispositions de protection particulières de victimes dans la procédure pénale. Ces dispositions ont été reprises pratiquement sans aucune modification (art. 34 à 44). Dans une phase ultérieure, ces dispositions seront transférées dans le futur code de procédure pénale suisse.

D'un point de vue formel, toutes les dispositions relatives aux victimes d'infractions contre l'intégrité sexuelle sont désormais regroupées dans une disposition unique (art. 35). En outre, la teneur de l'art. 6 LAVI ne figure plus dans ce chapitre, mais dans les dispositions générales du chapitre 1 (art. 8). Enfin, l'art. 39 rend applicable par analogie les dispositions de procédure aux proches (cf. art. 2, LAVI).

Pour le reste, les dispositions ont été reprises sans modifications; après une période de rodage, la pratique des cantons est au point. On peut dès lors renvoyer aux explications du message du Conseil fédéral concernant la LAVI et au rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national relatif à l'initiative parlementaire «Exploitation sexuelle des enfants. Meilleure protection»229.

Les dispositions sur la protection et les droits particuliers dans la procédure pénale doivent aussi être applicables dans la procédure pénale militaire. Eu égard à certaines particularités de la procédure pénale militaire, ces dispositions sont directement intégrées dans la procédure pénale militaire230 en lieu et place d'un simple renvoi à la loi sur l'aide aux victimes d'infractions. Cela présente l'avantage de grouper toutes les dispositions pertinentes dans un seul acte .

229

Message LAVI, FF 1990 II 909; rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 23 août 1999 relatif à l'initiative parlementaire «Exploitation sexuelle des enfants. Meilleure protection», FF 2000 3510 3531.

230 RS 322.1

6755

2.7

Chapitre 7

Art. 45

Dispositions finales

Compétence d'exécution du Conseil fédéral

Cette disposition comprend différentes compétences législatives déléguées au Conseil fédéral. L'adaptation des montants maximaux et minimaux au renchérissement ne doit pas être décidée par le Parlement; elle peut être laissée au Conseil fédéral.

L'al. 1 prévoit que le Conseil fédéral adapte périodiquemenet au coût de la vie les montants de l'indemnisation et de la réparation morale (art. 20, al. 3, 1re phrase, et 23, al. 2). Cette adaptation est d'autant plus importante que, contrairement au droit civil, le montant de la réparation morale est plafonné. Le montant en dessous duquel aucune indemnité n'est versée peut lui aussi être adapté au renchérissement (art. 20, al. 3, 2e phrase).

Al. 2: le règlement des modalités techniques du calcul des contributions cantonales peut aussi être délégué au Conseil fédéral. Celui-ci ne fera usage de cette compétence que si les cantons n'élaborent pas de réglementation.

Al. 3: le droit en vigueur autorise le Conseil fédéral à édicter d'autres prescriptions pour calculer le montant de l'indemnisation (art. 13, al. 3, LAVI); le nouveau droit fait de même, mais étend sa compétence aux contributions aux frais et à la réparation morale. Il peut, notamment pour la réparation morale, instaurer des forfaits ou des tarifs (comme pour l'indemnité pour atteinte à l'intégrité selon la LAA231). La 2e phrase de l'alinéa permet de déroger à la réglementation prévue par la LPC232 ­ à laquelle le projet renvoie plusieurs fois ­ lorsque cette dernière s'éloigne par trop des besoins de la victime et de ses proches (par ex. pour le calcul des revenus déterminants).

Art. 46

Abrogation du droit en vigueur

La présente révision est une révision totale. La loi en vigueur doit être formellement abrogée.

Art. 47

Modification du droit en vigueur

L'art. 47 renvoie à l'annexe pour les modifications du droit en vigueur, à savoir la loi fédérale du 15 juin 1934 sur la procédure pénale233 et la procédure pénale militaire du 23 mars 1979234.

Procédure pénale: en raison de la protection plus étendue de la LAVI, la notion de proches doit être ajoutée à celle de victime dasn trois dispositions. Parfois la notion d'ayants droit remplace celles de victime et de proches.

Procédure pénale militaire: l'art. 8, al. 1 du présent projet désigne précisément l'autorité qui doit informer la victime, à savoir la police. Puisqu'en cas d'infractions au code pénal militaire, le premier contact peut avoir lieu avec d'autres autorités

231 232 233 234

Art. 25, al. 2 LAA (RS 832.20) et annexe 3 à l'OLAA (RS 832.202).

RS 831.30 RS 312.0 RS 322.1

6756

(police militaire, juges d'instruction, troupe), on ne parle ici que d'«autorité» (art. 84b, al. 1, PPM).

Pour autant que la procédure pénale militaire n'exige pas une solution particulière pour des raisons impératives, les dispositions pertinentes sont identiques à celles de la loi sur l'aide aux victimes d'infractions. La systématique a toutefois été légèrement adaptée.

Le procès militaire connaît ­ à la différence du procès pénal civil ­ l'obligation d'être assisté par un défenseur (art. 127 PPM). Afin de ne pas désavantager la victime, un défenseur doit, si nécessaire, être également mis à sa disposition (art. 84e, al. 2).

L'art. 135 de la loi fédérale du 3 février 1995 sur l'armée et l'administration militaire (LAAM)235 prévoit en outre la responsabilité causale de la Confédération. La formulation relative aux prétentions civiles tient compte de cette règle spéciale (art. 84f, al. 1, let. a, et 84g).

Art. 48

Dispositions transitoires

L'al. 1 établit que le droit à l'indemnisation ou à la réparation morale, pour des infractions commises avant l'entrée en vigueur du nouveau droit, reste soumis à l'ancien droit. Toutefois, pour les infractions commises moins de deux ans avant l'entrée en vigueur de la présente loi, la victime et ses proches bénéficient du délai de péremption plus favorable du nouveau droit (let. a). Cette période de deux ans se rapporte au délai de péremption ­ également de deux ans ­ prévu par l'ancien droit.

En outre, l'ancien droit est applicable aux demandes encore pendantes pour des contributions aux frais (let. b). Le nouveau droit est applicable dans tous les autres cas (al. 2).

Les délais de péremption de l'art. 25 relatifs aux prétentions à une indemnisation ou à une réparation morale sont immédiatement applicables; cela vaut également pour les états de fait qui se sont produits avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi (al. 2). De cette façon la victime et ses proches profitent des délais plus favorables prévus par le nouveau droit. La prolongation des délais n'a pas été contestée lors de la procédure de consultation et se justifie d'un point de vue matériel.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

L'engagement financier de la Confédération dans le domaine de la formation doit être poursuivi dans le cadre actuel (250 000 à 300 000 francs par année). L'aide initiale accordée aux cantons par la Confédération était conçue comme un instrument limité aux six années suivant l'entrée en vigueur de la loi actuelle. Le présent projet ne prévoit donc plus d'aide de la Confédération pour la mise en place de l'aide aux victimes.

235

RS 510.10

6757

Le projet prévoit, comme le droit actuel, la possibilité pour la Confédération d'accorder des indemnités aux cantons qui, par suite d'événements extraordinaires, doivent supporter des frais particulièrement élevés (art. 32). Un tel cas de figure pourrait se présenter par exemple dans le cas d'une attaque terroriste qui ferait de nombreuses victimes, si les structures existantes sont insuffisantes. Cette mesure n'a été appliquée qu'une fois, lors de l'attentat de Louxor en 1997.

Le projet n'a pas de conséquences sur le personnel de la Confédération.

Il n'entraînera aucune dépense supplémentaire par rapport au droit en vigueur.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

La révision de la LAVI n'apporte pas de modifications fondamentales entraînant des conséquences financières importantes. Ce sont les cantons qui accordent l'aide aux victimes et qui continuent à supporter l'essentiel de la charge financière de l'aide aux victimes. Les dépenses des cantons pour les centres de consultation ont continuellement augmenté ces dernières années pour atteindre 22,1 millions de francs en 2002 (pour plus de détails, cf. tableau 1 «coûts des centres de consultation» en annexe). Pour l'essentiel, cet accroissement est dû à l'augmentation du nombre des demandes de conseils; en 2000, 16 891 personnes se sont adressées à un centre de consultation, 23 948 personnes en 2003.

En 2003, les cantons ont versé au total 3,2 millions de francs pour les indemnisations et 7,2 millions de francs pour les réparations morales.

En prévoyant des plafonds non seulement pour les indemnisations, mais également pour la réparation morale, les dépenses des cantons devraient diminuer. Les indemnisations et les réparations morales pour les victimes d'infractions commises à l'étranger seront supprimées. A l'avenir, seuls les conseils et les aides seront encore accordésen cas d'infraction commise à l'étranger (art. 3, al. 2). L'ensemble des dépenses cantonales devrait donc ainsi tendre à la baisse.

L'art. 18 vise à répartir les coûts de manière plus équitable entre les cantons. Certains d'entre eux devront supporter une charge quelque peu supérieure, d'autres (en particulier ceux qui offrent une infrastructure attrayante, bien développée et spécialisée) verront au contraire la leur s'alléger proportionnellement.

En définissant clairement les différentes prestations accordées à titre d'aide aux victimes, le projet facilitera le travail des autorités cantonales d'exécution.

3.3

Conséquences économiques

L'aide aux victimes accordée par la Confédération et les cantons répond à un besoin évident. Elle sert à soutenir des personnes victimes d'une infraction qui leur cause, notamment, des difficultés financières. Souvent, les auteurs de l'infraction ne sont pas à même de réparer les dommages qu'ils ont causés. Si une assurance ou une autre institution ne couvre pas le dommage, il incombe aux cantons d'intervenir dans le cadre de l'aide aux victimes. Les victimes et leurs proches doivent pouvoir, dans la mesure du possible, mener la même vie qu'auparavant. Quelques données statisti-

6758

ques sur les coûts de l'aide aux victimes figurent à l'annexe 1. Les contribuables paient environ 33 millions de francs chaque année pour l'aide aux victimes.

L'aide aux victimes n'a pas de conséquence directe sur l'économie, mais des effets positifs indirects en facilitant la réintégration économique des victimes dans la société (indépendance économique des victimes, baisse des coûts pour l'employeur grâce à une reprise rapide de l'activité professionnelle, etc.). La révision de la LAVI n'entraîne pas de coûts directs pour les employeurs, puisque l'aide aux victimes est financée par les fonds publics.

La densité normative n'a guère augmenté (la Confédération peut désormais fixer des montants forfaitaires et des tarifs dans certains domaines et le projet contient une réglementation subsidiaire pour la répartition des coûts entre les cantons). C'est surtout la structure de la loi qui a été remaniée,. Celle-ci règle maintenant des questions qui étaient restées ouvertes ou qui n'étaient réglées qu'au niveau de l'ordonnance ou par la jurisprudence. La loi s'adresse avant tout aux cantons; les employeurs n'ont pas à craindre un surcroît de travail administratif ou des frais supplémentaires. Enfin, les précisions terminologiques contribueront à améliorer l'exécution de la loi.

3.4

Autres conséquences

Grâce à la LAVI de 1991, la situation des victimes d'infractions et de leurs proches a été améliorée. La présente révision maintient en principe l'aide existante: alors que les conseils, l'aide immédiate et la réparation morale profitent de manière égale à tous, les contributions aux frais et l'indemnisation profitent avant tout aux personnes en mauvaise posture financière.

L'aide aux victimes est surtout sollicitée par des femmes (environ 75 % pour les conseils, plus de 60 % pour les indemnisations et les réparations morales). La révision ne changera guère cet état de fait. La nouvelle loi améliore sur certains points la situation des victimes: le délai de péremption est prolongé, les cantons disposant d'une bonne infrastructure pour l'aide aux victimes (notamment des centres spécialisés pour les femmes) bénéficieront d'un meilleur soutien, les centres de consultation pourront dénoncer l'infraction à l'autorité de poursuite pénale, le droit à l'hébergement d'urgence est inscrit dans la loi, etc. Ces avantages compensent les restrictions concernant l'octroi des réparations morales, qui affecteront plus particulièrement les victimes d'infractions sexuelles.

4

Liens avec le programme de législature et le plan financier

Le projet est mentionné dans le programme de la législature 2003­2007 et dans le plan financier236.

236

FF 2004 1089, Programme de législature 2003­2007, ch. 3.2.

6759

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

La nouvelle loi se base, comme la LAVI actuelle, sur l'article constitutionnel relatif à l'aide aux victimes (art. 124 Cst.) et la nouvelle compétence de la Confédération en matière de procédure pénale (art. 123, al. 1, Cst.).

En vertu de l'art. 124, la Confédération et les cantons doivent veiller à ce que les victimes d'une infraction bénéficient d'une aide et reçoivent une indemnité si elles connaissent des difficultés matérielles en raison de l'infraction. L'aide peut comprendre des conseils, un soutien (soutien personnel, participation aux coûts de prestations de tiers, mise à disposition de biens de première nécessité, etc.) et la réparation du préjudice moral. La Constitution précise que l'indemnité doit être juste.

Cette précision permet d'opérer une distinction par rapport au droit de la responsabilité civile. Une juste indemnité ne signifie pas que le préjudice subi sera indemnisé intégralement. On tiendra plutôt compte de la situation particulière de la victime237.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

5.2.1

Convention européenne du 24 novembre 1983 relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes

Les Etats membres du Conseil de l'Europe ont conclu le 14 novembre 1984 à Strasbourg la Convention européenne relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes. Pour la Suisse, cette convention est entrée en vigueur, comme la LAVI, le 1er janvier 1993238.

La convention contient des prescriptions minimales pour le dédommagement subsidiaire par l'Etat des victimes d'infractions. Les Etats parties à la convention s'engagent à en transposer les principes en droit national. Outre la Suisse, l'Albanie, l'Azerbaïdjan, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, le Danemark, l'Allemagne, la Finlande, la France, la Grande-Bretagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, la Suède, l'Espagne, la République tchèque et Chypre ont ratifié la convention.Celle-ci ne traite que des indemnisations. L'indemnité doit être accordée par l'Etat sur le territoire duquel l'infraction a été commise239. C'est également la base du présent projet. Le droit suisse ne se limite toutefois pas à la seule question des indemnités, mais prévoit une aide aux victimes plus globale.

Le champ d'application personnel du projet de révision, comme du reste celui de la LAVI, est plus vaste que celui de la convention. Celle-ci ne prévoit d'indemnités que pour ceux qui ont subi de graves atteintes au corps ou à la santé résultant direc-

237 238

Message Constitution, p. 347; Mader, St.Galler Kommentar BV zu Art. 124 BV, n° 10.

RS 0.312.5, cf. Message du 25.4.1990 relatif à la LAVI, FF 1990 II 961 ss, ch. 22. Le Conseil de l'Europe a en outre édicté pour ses Etats membres des directives non contraignantes: N° R (85) 11 sur la position de la victime dans le cadre du droit pénal, N° R (87) 21 relative à l'assistance de la victime et à la prévention de la victimisation (actuellement en révision).

239 Art. 3 de la convention.

6760

tement d'une infraction intentionnelle, ainsi que pour les proches qui étaient à la charge d'une personne décédée à la suite d'une infraction240.

En ce qui concerne l'étendue et les modalités de l'aide financière, le présent projet correspond aux exigences de la convention. Celle-ci prévoit que le dédommagement couvrira au moins, selon le cas, les éléments suivants du préjudice: perte de revenus, frais médicaux et d'hospitalisation, frais funéraires, et, en ce qui concerne les personnes à charge, perte d'aliments241. Le dédommagement peut être plafonné, ou encore réduit ou supprimé compte tenu de la situation financière du requérant242.

Les Etats peuvent fixer un délai dans lequel les requêtes en dédommagement doivent être introduites243. Le présent projet prévoit qu'une indemnité pour les frais médicaux peut, selon l'état de santé de la victime, être demandée à titre d'aide à plus long terme auprès d'un centre de consultation, ou directement auprès de l'autorité compétente pour l'indemnisation (art. 13, al. 2 et 19). Dans les deux cas, la situation économique de la personne est prise en compte, les conditions pour l'aide à plus long terme étant toutefois moins strictes que pour l'indemnisation. En outre, l'aide à plus long terme, contrairement à l'indemnisation, n'est ni plafonnée ni soumise à un délai de péremption244. La réglementation proposée est donc à maints égards plus généreuse que la convention.

La convention contient, outre les dispositions relatives au droit national, deux dispositions sur la collaboration internationale. Les Etats parties à la convention doivent désigner une autorité centrale chargée de recevoir les demandes d'assistance et d'y donner suite, et s'accorder mutuellement, sur demande, la plus large assistance possible dans le domaine couvert par la convention245. C'est l'Office fédéral de la justice qui assume cette tâche.

240 241 242 243 244

Art. 2 de la convention et 1 du présent projet.

Art. 4 de la convention.

Art. 5 et 7 de la convention.

Art. 6 de la convention.

Une réduction de l'indemnité est possible selon les art. 8 de la convention et 27 du présent projet.

245 Art. 12 de la convention.

6761

5.2.2

Autres conventions internationales contraignantes pour la Suisse en relation avec l'aide aux victimes d'infractions

Différentes conventions internationales règlent également la situation juridique de personnes ayant besoin d'une protection particulière246, comme les enfants247 et les personnes concernées par la traite des êtres humains et la traite des femmes248, la torture ou la discrimination raciale249. Ces conventions contiennent notamment des règles contraignantes en matière d'aide aux victimes250. La Résolution 40/34 (1985) de l'ONU, adoptée en 1985, concernant la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de droit n'a quant à elle qu'un caractère de recommandation251.

246 247

248

249

250

251

Cf. les nombreuses conventions sur la protection des victimes de la guerre (RS 0.518).

On mentionnera plus particulièrement la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, entrée en vigueur pour la Suisse le 26 mars 1997 (RS 0.107), mais également les conventions qui concernent l'enlèvement de mineurs par un des parents, cf. art. 220 CP et la Convention européenne du 20 mai 1980 sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants, entrée en vigueur pour la Suisse le 1er janvier 1984 (RS 0.211.230.01), et la Convention de la Haye du 30 septembre 1921 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, entrée en vigueur pour la Suisse le 1er février 1966 (RS 0.211.230.02).

Les anciennes conventions relatives à la traite des femmes contiennent quelques dispositions concernant les victimes: Arrangement international du 18 mai 1904 en vue d'assurer une protection efficace contre le trafic criminel connu sous le nom de traite des blanches, entré en vigueur pour la Suisse le 18 juillet 1905 (RS 0.311.31), art. 3 et 4; Convention internationale du 30 septembre 1921 pour la suppression de la traite des femmes et des enfants, entrée en vigueur pour la Suisse le 1er février 1926 (RS 0.311.33). Elles ont été remplacées au niveau international par d'autres conventions, que la Suisse n'a toutefois pas encore ratifiées. D'autres informations sur la situation actuelle sont disponibles sur: www.ofj.admin.ch (sous: thèmes ­ législation ­ traite des êtres humains).

Convention de l'ONU du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, entrée en vigueur pour la Suisse le 26 juin 1987 (RS 0.105). Tout Etat partie à cette Convention veille à ce que tous les actes de torture constituent des infractions au regard de son droit pénal, et garantit, dans son système juridique, à la victime d'un acte de torture, le droit d'obtenir réparation et d'être indemnisée équitablement et de manière adéquate, y compris les moyens nécessaires à sa réadaptation la plus complète possible (art. 4 et 14). La Convention de l'ONU sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 21 décembre 1965 est entrée en vigueur pour la Suisse le 29 décembre 1994 (RS
0.104); cette convention exige que les Etats parties à la convention interdisent toute forme de discrimination raciale, que chaque personne soit protégée par l'Etat contre les voies de fait ou les sévices, et qu'elle obtienne satisfaction ou réparation juste et adéquate pour tout dommage dont elle pourrait être victime par suite d'une telle discrimination. (art. 5, let. b, et 6).

Par ex. l'art. 12 de la Convention de l'ONU sur les droits de l'enfant, qui confère à ce dernier la possibilité de s'exprimer, directement ou indirectement, dans le cadre d'une procédure.

La version anglaise peut être consultée sous www.un.org/documents/ga/res/40/a40r034.htm; cf. la contribution de VAN DIJK et JO Goodey, «UNO: Benchmarking Legislation on Crime Victims: The UN Victims Declaration of 1985», in: Office féderal de la justice, (éditeur), Aide aux victimes en Suisse, Expériences et perspectives, Berne, 2004; sur sa nature juridique: Klein n° 138, Vitzthum n° 153, in: Völkerrecht, hrsg. von Wolfgang Graf Vitzthum, Bearb. von Michael Bothe et. al., Berlin/New York 1997.

6762

Le présent projet, comme la loi actuelle, entend créer une réglementation qui soit en principe applicable à toutes les catégories de victimes. Des dispositions particulières existent toutefois pour les enfants (art. 11, al. 3, 25, al. 2, et 41 à 44) et ­ en procédure pénale ­ pour les victimes d'infractions contre l'intégrité sexuelle (art. 35). Il n'en pas nécessaire d'inclure dans la LAVI d'autres dispositions spécifiques en vertu des conventions existantes.

5.3

Forme de l'acte à adopter

Le présent projet doit être édicté sous la forme d'une loi fédérale au sens de l'art. 163, al. 1, Cst., sujette au référendum facultatif prévu à l'art. 141, al. 1, let. a, Cst.

5.4

Frein aux dépenses

Le frein aux dépenses prévu à l'art. 159, al. 3, let. b, Cst., ne s'applique pas, puisque les aides financières pour la formation et les événements extraordinaires (art. 31 et 32) étaient déjà accordées en vertu du droit actuel et ne sont dès lors pas nouvelles.

5.5

Conformité à la loi sur les subventions

Le présent projet est conforme aux principes de la loi sur les subventions. Il prévoit que l'adéquation, l'efficacité et l'efficience des mesures prévues fassent périodiquement l'objet d'une évaluation.

Le versement de montants forfaitaires pour la formation spécialisée des personnes chargées de l'aide aux victimes et la possibilité de verser des indemnités aux cantons suite à des événements extraordinaires, sont également conformes aux exigences de la loi sur les subventions. Les mesures sont dans l'intérêt de la Confédération et ne pourraient pas être efficaces sans aides financières de la Confédération.

6763

5.6

Délégation de compétences législatives

La compétence du Conseil fédéral d'édicter de pures dispositions d'exécution découle directement de sa compétence d'exécution (art.182, al. 2, Cst.).

En vertu de l'art. 182, al. 1, Cst., le Conseil fédéral édicte des règles de droit sous la forme d'une ordonnance, dans la mesure où la Constitution ou la loi l'y autorisent.

L'art. 45, al. 1 du projet de révision confère au Conseil fédéral la tâche d'adapter périodiquement au renchérissement les montants maximaux et minimaux prévus par la loi. L'art. 45, al. 2, prévoit que le Conseil fédéral édicte des dispositions pour le calcul des contributions cantonales (au sens de l'art. 18, al. 2) et les relevés statistiques nécessaires à cet effet. Enfin, l'art. 45, al. 3, donne au Conseil fédéral la possibilité d'édicter d'autres prescriptions sur les modalités des contributions aux frais, de l'indemnisation et de la réparation morale. Cette disposition prévoit exppressément l'instauration de forfaits ou des tarifs pour la réparation morale. Toutes les dispositions contenant des clauses de délégation remplissent les exigences légales concernant l'objet et le but des compétences législatives.

6764

Index des abréviations des documents cités Message Constitution Message initiative populaire Message LAVI

1er rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes 2e rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes 3e rapport concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes Rapport explicatif

Résultats de la procédure de consultation

Statistique de l'aide aux victimes Reommandations CSOL-LAVI Gomm/Stein/Zehntner

Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, FF 1997 I 347 ss Message du Conseil fédéral du 6 juillet 1983 relatif à l'initiative populaire «sur l'indemnisation des victimes d'actes de violence criminels», FF 1983 III 901 ss.

Message du Conseil fédéral du 25 avril 1990 relatif à une loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI) et à un arrêté fédéral portant approbation de la Convention européenne relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes, FF 1990 II 909 ss.

xAide aux victimes d'infractions, Rapport de l'Office fédéral de la justice au Conseil fédéral concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes au cours des années 1993 et 1994, Berne, février 1996; disponible sur Internet: www.ofj.admin.ch (sous: services ­ l'aide aux victimes ­ publications) Aide aux victimes d'infractions, Deuxième rapport de l'Office fédéral de la justiceau Conseil fédéral concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes (1993­1996), Berne, janvier 1998; disponible sur Internet: www.ofj.admin.ch (sous: services ­ l'aide aux victimes ­ publications) Aide aux victimes d'infractions, Troisième rapport de l'Office fédéral de la justiceau Conseil fédéral concernant l'exécution et l'efficacité de l'aide aux victimes (1993­1998), Berne, mai 2000; disponible sur Internet: www.ofj.admin.ch (sous: services ­ l'aide aux victimes ­ publications Avant-projet de la commission d'experts et le rapport explicatif du 25 juin 2002; disponibles sur Internet: www.ofj.admin.ch ( sous: thèmes ­ société ­ législation ­ aide aux victimes ­ documentation) Révision totale de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI). Résultats de la procédure de consultation relative à l'avant-projet de la commission d'experts du 22 août 2003; disponible sur Internet: www.ofj.admin.ch ( sous: thèmes ­ société ­ législation ­ aide aux victimes ­ documentation) Statistique de l'aide aux victimes, chiffres-clés; disponible sur Internet: www.bfs.admin.ch ( sous: thèmes ­ criminalité, droit pénal ­ victimes) Recommandations de la conférence des offices de liaison de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (CSOL-LAVI); disponible sur Internet: www.opferhilfe-schweiz.ch (sous: dispositions légales et recommandations) Peter Gomm, Peter Stein, Dominic Zehntner, Kommentar zum Opferhilfegesetz, Berne1995

6765

Annexe

1

Coût des centres de consultation

(Montant total pour les coûts de fonctionnement, l'aide immédiate et l'aide à plus long terme, en francs) Canton

AG AI

1999

2000

2001

2002

1 143 734

1 239 302

1 165 825

1 294 818

28 973

27 092

29 822

28 628

AR

101 403

94 822

104 377

100 197

BE

3 426 000

3 788 000

3 731 000

4 086 000

BL

538 876

59 379

724 288

719 880

BS

690 524

668 496

776 288

1 041 261

FR

719 998

783 924

944 671

1 048 246

GE

677 853

749 703

1 041 086

1 080 030

GL

71 700

80 500

80 000

88 600

GR

1 001 930

896 425

647 281

893 092

JU

146 976

115 826

127 318

130 043

LU

1 317 000

1 290 000

1 321 000

1 593 000

NE

494 169

532 290

638 612

683 247

?

37 135

39 978

34 025

NW OW

47 923

43 223

58 835

31 734

SG

829 919

841 037

766 119

796 380

SH

216 109

258 637

263 338

232 866

SO

315 000

415 000

540 000

600 000

SZ

78 968

315 226

531 993

453 540

TG

412 098

508 879

639 609

580 780

TI

250 963

264 311

301 762

341 861

UR

16 038

11 438

37 553

50 201

VD

406 063

416 143

561 104

557 447

VS

415 115

394 959

413 280

415 339

ZG

229 091

330 767

639 903

467 303

ZH

2 751 159

3 808 204

3 938 346

4 791 277

16 327 581

17 970 717

20 063 388

22 139 796

Total

Source: enquête de l'Office fédéral de la justice, 2003

6766

2

Réparations morales

Montant des réparations morales en 2003 Prestations

Canton

Somme

AG AI, GL, UR

Nombre

Total en fr.

Valeur moyenne

Valeur médiane

631

7 186 854

11 390

5 372

20

235 337

11 767

5 527

0

0

0

0

AR, GL, GR, JU, NW, SH, SZ, TG, TI, VS, ZG

48

707 592

11 061

9 125

BE

83

1 103 200

13 292

7 921

BL

11

174 500

15 864

8 000

BS

37

412 622

11 152

5 486

FR

26

142 469

5 480

2 750

GE

108

1 332 333

12 336

6 000

LU

21

249 259

11 869

5 000

NE

20

179 530

8 977

4 750

SG

35

531 000

15 171

7 000

SO

37

586 242

15 844

7 836

VD

21

166 500

7 929

6 000

ZH

164

1 366 270

8 331

5 000

Source: Office fédéral de la statistique

6767

3

Nombre de cas d'assistance dans les cantons comparé avec le canton de domicile de la victime, 2003

Canton

Nombre de cas

Domicile hors du canton*

total

pour 100 000 habitants

nombre

pourcentage

AG

1 134

205.8

80

7.1

AI, AR, SG

1 244

238.8

86

6.9

BE

4 122

435.2

535

13.0

BL, BS

2 218

495.0

236

10.6

FR

862

360.5

69

8.0

GE

1 477

356.5

324

21.9

GL

91

237.4

17

18.7

GR

485

261.2

59

12.2

JU

118

170.9

8

6.8

LU

1 303

371.6

119

9.1

NE

713

428.3

30

4.2

NW

100

259.3

78

78.0

OW

28

85.5

11

39.3

SH

234

318.8

50

21.4

SO

489

199.1

46

9.4

SZ

198

150.6

28

14.1

TG

401

175.7

43

10.7

TI

348

111.6

26

7.5

UR

36

103.1

16

44.4

VD

903

144.2

38

4.2

VS

569

204.5

53

9.3

ZG

273

270.6

40

14.7

ZH

6 593

536.6

898

13.6

23 948

329.8

2 890

12.1

Total

Pas de données sur le domicile: 564 * y compris 445 cas à l'étranger Source: Office fédéral de la statistique

6768

4

Chiffres-clés de l'aide aux victimes en un clin d'oeil

Consultations au total

2003

2002

2001

2000

23 948

22 554

20 269

16 891

Consultations pour 100 000 habitants selon l'âge de la victime: ­ moins de 10 ans

307

275

305

227

­ 10­17 ans

509

480

481

358

­ 18­29 ans

542

529

457

358

­ 30 ans et plus

243

225

198

147

Victimes féminines en %

73.7

74.5

72.5

73.1

Auteurs masculins en %

82.4

81.8

79.9

82.4

Relation familiale auteur-victime en %

50.4

50.3

47.9

49.4

38

38.7

33.8

34.1

­ atteintes à l'intégrité sexuelle d'enfants ­ autres formes d'atteintes à l'intégrité sexuelle ­ accidents de la circulation routière ­ homicides (y c. les tentatives)

17.3

17.1

20.6

22.6

14.4

14.5

15.8

16.3

8.8

8.0

8.2

8.0

3.5

3.2

2.9

2.7

Procédure pénale (en %)

38.1

36.0

38.0

36.2

Décisions d'indemnisation ou de réparation morale

953

857

986

923

Infractions en % ­ lésions corporelles

Victimes féminines en %

62.3

60.1

63.9

63.5

Auteurs masculins en %

90.5

90.2

92.7

88.8

Relation familiale auteur-victime en %

27.5

27.7

34.2

32.6

Procédure pénale (en %)

84.2

78.9

76.1

80.3

Réparation morale

631

634

658

564

7 186 854

8 088 918

7 974 909

6 971 392

5 372

7 000

6 000

7 000

­ somme des réparations morales ­ médiane Indemnisation ­ somme des indemnisations ­ médiane

164

207

178

205

3 219 228

3 494 966

1 596 199

1 434 878

2 620

2 363

2 800

2 300

Source: Office fédéral de la statistique

6769

6770