05.055 Message concernant l'initiative populaire «pour la baisse des primes d'assurance-maladie dans l'assurance de base» du 22 juin 2005

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous vous présentons ci-après le message concernant l'initiative populaire «pour la baisse des primes d'assurance-maladie dans l'assurance de base». Nous vous proposons de la soumettre au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter.

Un projet d'arrêté fédéral est joint au message.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

22 juin 2005

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Samuel Schmid La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2005-1106

4095

Condensé Comme son titre l'indique, l'initiative populaire «pour la baisse des primes d'assurance-maladie dans l'assurance de base» a pour objectif principal de réduire les primes de l'assurance obligatoire des soins.

A cette fin, l'initiative demande l'adoption d'un nouvel article constitutionnel 117a et d'une disposition transitoire y afférente (art. 197, ch. 2), qui imposeraient une modification du régime suisse de l'assurance-maladie reposant sur les éléments suivants: ­

L'assurance-maladie se composerait de l'assurance de base et de l'assurance complémentaire; la première serait régie par le droit des assurances sociales, la seconde par le droit des assurances privées.

­

L'assurance de base couvrirait les coûts des prestations médicales et des soins qui servent à atténuer la douleur et à guérir et réintégrer le patient, qui sont adéquats et économiques, et dont l'efficacité est reconnue par la science.

­

Les assureurs pratiquant l'assurance de base et les fournisseurs de prestations concluraient des contrats de prestations répondant aux besoins des assurés.

­

Les assureurs pratiquant l'assurance de base n'auraient plus le droit de prendre des participations financières dans les institutions fournissant des prestations médicales et de soins, et inversement.

­

Le financement de l'assurance-maladie de base serait garanti par les primes des assurés d'une part, et par des contributions de la Confédération et des cantons d'autre part. Les subsides des pouvoirs publics couvriraient au total 50 % des coûts au maximum. Ils devraient être versés directement aux assureurs.

­

La différence entre les prestations prises en charge jusqu'alors par l'assurance obligatoire des soins et celles dorénavant couvertes par la nouvelle assurance de base pourrait être assurée auprès de l'assureur de base, dans le cadre de l'assurance complémentaire et sans réserve, jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau régime, trois ans après l'acceptation de l'initiative par le peuple.

Examinées sous l'angle des quatre domaines propres au système de l'assurance ­ à savoir les éléments centraux, les prestations, le financement et la maîtrise des coûts ­, les mesures préconisées par les auteurs de l'initiative pour réduire les primes de l'assurance-maladie de base se révèlent inaptes à atteindre leur but.

L'initiative propose en effet de transférer un pan de l'assurance sociale obligatoire dans le domaine des assurances privées facultatives, sans toutefois préciser clairement quelles prestations seraient touchées. Ce faisant, elle met gravement en danger le caractère social de l'assurance-maladie suisse, sans offrir de solution au problème de la maîtrise des coûts.

4096

Le Conseil fédéral propose par conséquent de rejeter l'initiative populaire «pour la baisse des primes d'assurance-maladie dans l'assurance de base» sans lui opposer de contre-projet.

Dans la mesure où la réforme de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurancemaladie initiée en 2004, partiellement déjà adoptée et partiellement encore en cours, vise précisément à optimiser la maîtrise des coûts dans l'assurance-maladie sociale, mais par des moyens qui apparaissent plus appropriés et plus efficaces que ceux proposés par l'initiative, le Conseil fédéral la considère comme un contreprojet indirect à l'initiative.

4097

Message 1

Aspects formels

1.1

Texte de l'initiative

L'initiative populaire fédérale «pour la baisse des primes d'assurance-maladie dans l'assurance de base» a la teneur suivante: I La Constitution est modifiée comme suit: Art. 117a 1

Assurance-maladie (nouveau)

L'assurance-maladie repose sur: a.

l'assurance de base, régie par le droit des assurances sociales: elle couvre les coûts des prestations médicales et des soins qui servent à atténuer la douleur et à guérir et réintégrer le patient, qui sont adéquats et économiques, et dont l'efficacité est reconnue par la science;

b.

l'assurance complémentaire, régie par le droit des assurances privées.

Les assureurs proposant l'assurance de base et les fournisseurs de prestations médicales et de soins concluent des contrats de prestations qui répondent aux besoins des assurés.

2

Les assureurs proposant l'assurance de base n'ont pas le droit de prendre de participations dans les institutions fournissant des prestations médicales et de soins, et les fournisseurs de prestations médicales et de soins n'ont pas le droit de prendre de participations dans les sociétés d'assurance proposant l'assurance de base.

3

L'assurance de base est financée par des contributions de la Confédération et des cantons, lesquelles couvrent au total 50 % des coûts au maximum, et par les cotisations des assurés.

4

La Confédération et les cantons versent leurs contributions aux assureurs proposant l'assurance de base.

5

II Les dispositions transitoires de la Constitution fédérale sont modifiées comme suit: Art. 197, ch. 2 (nouveau) 2. Disposition transitoire ad art. 117a (Assurance-maladie) Les dispositions de l'art. 117a entrent en vigueur trois ans après l'acceptation de l'initiative par le peuple et les cantons. Le Conseil fédéral édicte par voie d'ordonnance les dispositions d'exécution nécessaires, qui sont valables jusqu'à ce que la loi les remplace. Jusqu'à l'entrée en vigueur de l'art. 117a les assurés peuvent faire assurer par leur assureur de base, dans le cadre de l'assurance complémentaire et 4098

sans réserve, la différence entre les prestations assurées jusqu'alors par l'assurance de base et celles qui seront couvertes par la nouvelle assurance de base.

1.2

Aboutissement

L'initiative populaire «pour la baisse des primes d'assurance-maladie dans l'assurance de base» émane de l'Union Démocratique du Centre (UDC). Elle a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 14 janvier 2003 (FF 2003 389) et a été déposée le 28 juillet 2004, munie des signatures nécessaires.

Par décision du 17 août 2004 (FF 2004 4437) la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative populaire, avec 101 226 signatures valables, avait abouti sur le plan formel.

1.3

Délais de traitement

L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé, et le Conseil fédéral ne souhaite pas lui opposer de contre-projet. Aux termes de l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl; RS 171.10), le Conseil fédéral a donc jusqu'au 28 juillet 2005 ­ à savoir une année après le dépôt de l'initiative ­ pour soumettre aux Chambres un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message.

Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale décide ensuite, dans un délai de trente mois à compter du jour où l'initiative a été déposée, c'est-à-dire d'ici au 28 janvier 2007, si elle recommande au peuple et aux cantons de l'accepter ou de la rejeter. Elle peut proroger le délai d'un an si l'un des conseils au moins a pris une décision sur un contre-projet ou sur un projet d'acte qui a un rapport étroit avec l'initiative populaire en question (art. 105, al. 1, LParl).

1.4

Validité

1.4.1

Unité de la forme

Aux termes des art. 139 (ancien), al. 2 et 3, et 194, al. 3, de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst.; RS 101), une initiative populaire tendant à une révision partielle de la Constitution fédérale n'est valable que si elle est présentée sous la forme d'une proposition conçue en termes généraux ou celle d'un projet rédigé, les formes mixtes n'étant pas admises. L'initiative populaire «pour la baisse des primes d'assurance-maladie dans l'assurance de base» revêt exclusivement la forme d'un projet rédigé de toutes pièces. Le principe de l'unité de la forme est par conséquent respecté.

1.4.2

Unité de la matière

Selon les art. 139 (ancien), al. 3, et 194, al. 2, Cst., une initiative populaire tendant à une révision partielle de la Constitution fédérale ne peut porter que sur un seul objet.

L'unité de la matière est respectée s'il existe un lien objectif entre les différentes parties de l'initiative. Cette exigence permet d'éviter qu'une initiative recouvre 4099

plusieurs objets, sans lien aucun entre eux sur le plan matériel. Ce principe sert à garantir l'expression libre et authentique de la volonté populaire. Dans la mesure où l'initiative «pour la baisse des primes d'assurance-maladie dans l'assurance de base» se rapporte uniquement à l'assurance-maladie et puisqu'il existe une relation directe et étroite entre les différentes mesures proposées, il y a lieu d'admettre que la condition de l'unité de la matière est remplie.

1.4.3

Compatibilité de l'initiative avec le droit international

Conformément aux art. 139, al. 3, et 194, al. 2, Cst., les initiatives populaires demandant une révision partielle de la Constitution doivent respecter les règles impératives du droit international. L'initiative populaire «pour la baisse des primes d'assurance-maladie dans l'assurance de base» ne touche aucune norme de ce type.

1.4.4

Applicabilité

L'impossibilité manifeste d'appliquer une initiative dans les faits constitue le seul obstacle matériel à une révision de la Constitution qui ne soit pas inscrit dans la loi.

Selon une pratique constante, une initiative populaire qu'il est indéniablement impossible d'appliquer dans les faits ne doit pas être soumise au vote du peuple. Les exigences formulées par l'initiative populaire «pour la baisse des primes d'assurance-maladie dans l'assurance de base» peuvent être concrétisées sur le plan juridique et appliquées dans les faits.

L'initiative populaire «pour la baisse des primes d'assurance-maladie dans l'assurance de base» est donc valable.

2

Situation initiale

2.1

Loi du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie: aperçu des objectifs visés et des mesures de réforme

Dès les années 1980, il est devenu de plus en plus évident que la loi de 1911 sur l'assurance-maladie ne répondait plus aux exigences d'un système de santé moderne. Dans un premier temps cette évolution a justifié, à partir de 1991, de faire usage du droit de nécessité et d'édicter des dispositions, abrogées quelques années plus tard par la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (loi sur l'assurance-maladie [LAMal]; RS 832.10). A son introduction le 1er janvier 1996, la LAMal poursuivait un triple objectif, à savoir: ­

garantir à l'ensemble de la population, grâce à une assurance obligatoire des soins, l'accès à des soins médicaux de haute qualité (objectif de couverture des besoins en soins, objectif de solidarité);

­

alléger la charge financière liée au paiement des primes pour les personnes de condition économique modeste (objectif de solidarité);

4100

­

maîtriser l'évolution des coûts dans l'assurance-maladie (objectif de maîtrise des coûts).

A ces objectifs correspondent dans la LAMal diverses mesures de réforme qui ont trait aux quatre domaines propres au système de l'assurance (maladie) ­ à savoir les éléments centraux de l'assurance, les prestations, le financement et la maîtrise des coûts ­ et qui peuvent se résumer de la manière suivante:

2.1.1

Eléments centraux de l'assurance

La LAMal a essentiellement instauré le régime obligatoire, qui corrige les défauts manifestes d'une assurance facultative, en termes de solidarité et de concurrence.

S'agissant de l'objectif de solidarité, le régime obligatoire n'admet ni l'exclusion d'un assuré en cas d'arriérés de primes, ni l'institution de réserves d'assurance pour les maladies existantes à l'entrée dans une nouvelle caisse, ni enfin l'échelonnement des primes d'après l'âge d'entrée. En outre, le régime obligatoire peut être crédité d'un élément de concurrence ayant un effet modérateur sur les coûts. Car le libre passage intégral des assurés ­ et donc la liberté de choisir son assureur ­ ne devient une réalité que dans un système obligatoire où les assurés doivent être acceptés par tous les assureurs sans exception.

2.1.2

Prestations

La loi de 1994 sur l'assurance-maladie a tout d'abord instauré le principe voulant que les prestations médicales soient a priori remboursées à condition de remplir trois critères: l'efficacité, l'adéquation et le caractère économique (voir art. 32 LAMal). Il n'existe donc pas de catalogue exhaustif des prestations médicales. En revanche, le principe de la liste positive s'applique aux prestations non médicales (comme p.ex.

la physiothérapie ou la logopédie). Ainsi, seules les prestations non médicales qui figurent explicitement dans les listes de prestations correspondantes sont obligatoirement remboursées. Ensuite, la loi de 1994 a comblé diverses lacunes dans le domaine des prestations. Cela concerne en particulier les traitements hospitaliers (pas de limite de durée, prise en charge des frais d'hébergement et des frais liés à la réadaptation prescrite par un médecin), les soins (tant à domicile que dans un établissement médico-social), les moyens et appareils diagnostiques ou thérapeutiques (prise en charge des soins à concurrence d'un montant maximum), certaines prestations de prévention (p. ex. vaccinations), les prestations de certains fournisseurs autres que les médecins (p. ex. conseils diététiques) ainsi que les transports (contribution aux frais de transport et de sauvetage).

2.1.3

Financement

La LAMal a maintenu le principe des primes individuelles, indépendantes du revenu, que connaissait l'ancienne loi sur l'assurance-maladie (LAMA), mais ces primes ne sont plus calculées sur la base des groupes de risques (sexe et âge d'entrée, ainsi qu'assurances collectives). Elles ne peuvent plus être échelonnées que par groupes d'âge (enfants, jeunes adultes, adultes), par régions et par formes d'assurance (prin4101

cipe de la prime unique). Un tel système garantit la solidarité entre malades et bienportants, entre les sexes ainsi qu'entre personnes jeunes ou âgées. Néanmoins, le financement ne connaît aucune solidarité entre assurés aisés et assurés économiquement faibles. Par conséquent, les primes grèvent davantage le budget des familles à revenu faible ou moyen que celui des familles à revenu ou fortune élevés. Pour cette raison, un correctif social d'une grande importance a été introduit dans la LAMal: les réductions de primes y sont accordées à titre individuel, à la différence du régime de la LAMA qui subventionnait les caisses. Concrètement, les subsides fédéraux destinés à la réduction individuelle des primes des assurés de condition économique modeste sont alloués par voie d'arrêté fédéral. Pour en bénéficier, les cantons doivent fournir un apport global correspondant à 50 % des subsides fédéraux qu'ils reçoivent. Les cantons fixent eux-mêmes les conditions donnant droit à la réduction des primes. A ce propos, une modification de loi adoptée par les Chambres fédérales à la session de printemps 2005 oblige à réduire en priorité les primes des enfants et des jeunes adultes en formation des familles à bas ou moyens revenus.

En vertu de l'obligation constitutionnelle qui leur est faite de garantir les soins nécessaires à la santé, les cantons participent au financement des coûts d'exploitation des hôpitaux publics ou subventionnés par les pouvoirs publics, dont ils assument généralement de surcroît les déficits et financent les investissements. En outre, les cantons et les communes allouent des subventions aux établissements médicosociaux et aux organisations de soins aux malades et d'aide à domicile. En 2002, les dépenses totales au titre des mesures prévues dans la LAMal se sont élevées à 24 348 millions de francs. L'assurance obligatoire des soins en a financé 17 095,6 millions par le biais des primes, et les cantons 7252,4 millions (y c. les coûts d'investissements) par le biais des impôts. En outre, quelque 2892 millions de francs ont été versés au titre de la réduction des primes des assurés de condition économique modeste par la Confédération (deux tiers) et les cantons (un tiers).1

2.1.4

Maîtrise des coûts

La LAMal prévoit divers instruments qui visent à encourager, chez les acteurs de la santé, une attitude consciente des coûts. Ainsi les cantons doivent veiller, par leur planification hospitalière, à prévenir l'apparition de nouvelles surcapacités et à résorber les surcapacités actuelles dans le secteur hospitalier, qui engendre des coûts importants. L'interdiction expresse de certaines formes d'ententes cartellaires soumet les partenaires tarifaires à une concurrence accrue dans le champ des conventions tarifaires et devrait les amener à baisser leurs prix. Quant aux assurés, ils doivent être à même d'influencer, par le choix de leur franchise, les frais à leur charge ou à celle de l'assurance, et d'accroître ainsi leur responsabilité. Et s'ils adhèrent à un modèle d'assurance particulier impliquant un choix limité des fournisseurs de prestations (selon le principe du «médecin de premier recours» (gatekeeping) ou par la mise en réseau des fournisseurs), ils permettent de bien gérer les traitements, d'éviter les prestations superflues et donc d'influencer la quantité des prestations fournies.

1

Office fédéral de la santé publique, Statistique de l'assurance-maladie obligatoire 2002 et Office fédéral de la statistique, Statistique des finances publiques 2002.

4102

2.2

Evaluation du degré de réalisation des objectifs de la LAMal

Afin d'évaluer dans quelle mesure les objectifs de la LAMal seraient atteints, le Conseil fédéral avait déjà demandé à l'administration, avant l'entrée en vigueur de la loi, de réaliser une large évaluation de celle-ci, pour faire la lumière sur la qualité et la rentabilité des soins de base ainsi que sur la politique sociale et la concurrence.

Par la suite, au cours de la période de 1996 à 2000, quelque 25 études scientifiques ont été rédigées sur certains aspects spécifiques de la LAMal, dont les conclusions ont été reprises dans un rapport de synthèse publié fin 20012. S'agissant de la conformité de la LAMal aux objectifs visés, les conclusions de ce rapport sont les suivantes: ­

Objectif de couverture des besoins en soins: l'analyse des effets montre que la LAMal a comblé les principales lacunes, garantissant ainsi l'accès aux prestations de toute la population. Les soins médicaux couverts par l'assurance de base soutiennent une comparaison internationale malgré certaines lacunes (p. ex. dans le domaine de la prévention et des traitements de médecine dentaire).

­

Objectif de solidarité: la solidarité entre les assurés a été renforcée. Le caractère obligatoire de l'assurance, la prime unique, le libre passage intégral ainsi que la compensation des risques, mais aussi la réduction individuelle de primes (en tout cas pour les bas revenus, moins pour les revenus moyens) ont contribué à contrer de manière durable la désolidarisation progressive.

­

Objectif de maîtrise des coûts: l'analyse des effets révèle que le troisième objectif de la LAMal ­ la maîtrise des coûts ­ n'a en revanche pas pu être atteint de manière satisfaisante. Même si ce résultat, à l'intérieur du système de santé, est lié du moins en partie à certains facteurs qui n'ont pas de rapport direct avec la LAMal (tels que les progrès de la technique médicale ou certains effets de la prospérité), il a fallu après cinq ans se rendre à l'évidence: la concurrence entre les assureurs n'est pas encore suffisante, les réseaux de soins coordonnés ou les organisations de ce type ne se sont guère développés et la planification hospitalière n'a pas encore généré les économies de coûts souhaitées.

2.3

Stratégie de réforme du Conseil fédéral et du Parlement

2.3.1

Stratégie en général

Lors de sa séance spéciale du 22 mai 2002 notamment, le Conseil fédéral s'est largement rallié aux conclusions de l'analyse des effets de la LAMal et a considéré que la loi sur l'assurance-maladie en vigueur avait atteint les objectifs visés par le législateur en ce qui concerne les prestations (catalogue complet) et le système (assurance obligatoire avec une pluralité d'assureurs et une prime unique), mais que ses instruments de maîtrise des coûts présentaient encore des lacunes manifestes.

2

Office fédéral des assurances sociales, Aspects de la sécurité sociale, Analyse des effets de la LAMal: Rapport de synthèse, Berne 2001.

4103

Ce bilan l'a conduit à définir une stratégie double, de consolidation pour les prestations et pour le système de la LAMal, qui avaient dûment fait leurs preuves, et d'optimisation pour le volet (toujours insatisfaisant) de la maîtrise des coûts, afin d'en renforcer les incitations économiques tout en corrigeant les effets pervers observés. Le problème des coûts dans l'assurance-maladie ­ qui n'est toujours pas résolu ­ s'explique avant tout, de l'avis du Conseil fédéral, par le fait que le contrôle de la quantité des prestations est insuffisant. Aussi a-t-il mis l'accent, dans les solutions qu'il a proposées, sur des corrections visant à agir sur leur volume.

2.3.2

Modalités de mise en oeuvre

Suite à l'échec de la 2e révision de la LAMal en décembre 2003, le Conseil fédéral a tiré la conclusion que les étapes de la réforme devaient être intégrées dans une stratégie globale, mais séparément, et non sous la forme d'un projet d'ensemble. Il a dès lors procédé à leur regroupement sous forme de paquets législatifs et a soumis au Parlement sept messages dont les propositions visaient, tantôt à consolider ponctuellement le système en place, tantôt à en optimiser les mesures visant à la maîtrise des coûts en renforçant les incitations économiques. En référence aux quatre domaines propres au système de l'assurance, les divers messages comprennent les mesures suivantes:

2.3.2.1

Eléments centraux de l'assurance

L'analyse des effets de la LAMal montre que le caractère obligatoire de l'assurance, la prime unique, le libre passage intégral et la compensation des risques ont clairement permis d'atteindre les objectifs de soins et de solidarité, si bien qu'aucune réforme de fond n'est actuellement nécessaire concernant les éléments centraux du système.

Dans la mesure où la compensation des risques n'est en principe plus contestée, les Chambres fédérales ont décidé, lors de la session d'automne 2004, de la prolonger ­ elle était en effet initialement limitée à dix ans ­ de cinq ans, sans y apporter de modification. Un postulat déposé lors de la session d'hiver 2002 (02.3643 Po CSSSCN/Compensation des risques. Pool des coûts élevés) charge le Conseil fédéral de reconsidérer l'aménagement de la compensation des risques en prenant en compte des modèles de rechange tels un pool des coûts élevés pour les frais de traitement à partir d'un certain montant par année ou pour certaines catégories de patients, ou une réassurance dans le cadre de réseaux de médecins. Il s'agit ainsi d'optimiser le système. Le Conseil fédéral s'est déclaré prêt à accepter le postulat.

2.3.2.2

Prestations

Bien que le «catalogue des prestations» revienne toujours dans le débat politique en tant que facteur augmentant les coûts, l'élément déterminant pour l'évolution des coûts n'est pas le remboursement obligatoire d'une prestation médicale en lui-même mais plutôt la multiplication d'utilisations uniques inadéquates. Il convient de citer notamment la structure déséquilibrée de l'offre, à savoir la pléthore d'acteurs, méde4104

cins et non-médecins, dans certaines zones urbaines alors même qu'une pénurie de généralistes s'annonce dans les zones rurales, les attentes démesurées, entretenues à dessein parfois, de la population vis-à-vis de la médecine, ou tout simplement la prescription de prestations inadéquates (l'analyse des chiffres de vente et les enquêtes menées auprès des médecins lors des cours de formation continue montrant que les indications recommandées ne sont pas toujours respectées pour certains médicaments). En conclusion, il y a lieu de redoubler d'efforts pour réduire le volume des prestations non indiquées médicalement et donc superflues (voir les diverses mesures exposées au ch. 2.3.2.4).

2.3.2.3

Financement

Le système de financement de l'assurance-maladie par des primes individuelles occasionne de lourdes charges pour les ménages comptant plusieurs personnes. Il s'imposait donc d'optimiser le système de réduction individuelle des primes en prévoyant des allégements ciblés pour les familles. Ce faisant, le législateur a renoncé au modèle de but social différencié3 proposé par le Conseil fédéral dans son message sur la réduction des primes du 26 mai 2004 (FF 2004 4089), et a décidé, lors de la session de printemps 2005, qu'à l'avenir4, les cantons devraient réduire de 50 % au moins les primes des enfants et des jeunes adultes en formation dont les parents disposent de revenus bas à moyens.

2.3.2.4

Maîtrise des coûts

Le Conseil fédéral a proposé, dans les paquets législatifs adoptés en 2004, différentes mesures visant à influencer le volume des prestations fournies et de la demande correspondante:

3

4

­

Incitations à accroître l'efficience dans le domaine du financement hospitalier: Dans son message du 15 septembre 2004 relatif à la révision de la LAMal dans le domaine du financement hospitalier (FF 2004 5207), le Conseil fédéral propose, comme mesures propres à accroître l'efficacité, outre le passage au financement des prestations, notamment l'obligation pour les cantons d'avoir une planification commune dans le domaine de la médecine hautement spécialisée.

­

Introduction de la liberté de contracter: Afin de freiner l'accroissement du volume des prestations dû à l'augmentation du nombre de fournisseurs de prestations, le message du Conseil fédéral du 26 mai 2004 (FF 2004 4055) propose, dans le prolongement des débats parlementaires consacrés à la réviLe modèle proposé se caractérisait par l'introduction d'un but social, matérialisé par un allégement échelonné des primes différent pour les familles et pour les autres bénéficiaires. Chaque canton aurait ainsi dû définir au moins quatre catégories de revenus et octroyer des aides aux ménages de façon à ce que leur participation échelonnée s'élève à un montant compris au maximum entre 2 et 10 % de leur revenu, s'agissant d'une famille, et au maximum entre 4 et 12 % dans les autres cas. Les cantons auraient par ailleurs pu fixer des revenus maximaux donnant droit à une réduction de prime.

La modification de la LAMal entrera en vigueur le 1er janvier 2006. Les cantons disposeront toutefois d'un délai transitoire d'une année après son entrée en vigueur pour mettre en place le nouveau système de réduction des primes.

4105

sion refusée en 2003, l'introduction de la liberté de contracter. Le premier objectif ainsi visé est le renforcement de la concurrence entre les fournisseurs de prestations d'une même profession dans le secteur ambulatoire et la mise à l'écart du marché de l'assurance obligatoire des «moutons noirs», soit les fournisseurs qui dispensent des prestations non économiques ou qui ne sont pas de qualité. Le second objectif que poursuit le Conseil fédéral avec son modèle est la diminution des surcapacités ambulatoires dans les cantons, lorsqu'elles existent. Pour ce faire, le Conseil fédéral entend responsabiliser les cantons en les contraignant à déterminer un nombre minimal de fournisseurs de prestations nécessaire pour garantir la couverture des besoins en soins médicaux de leur population. Cette mesure présente l'avantage de limiter le nombre des fournisseurs de prestations, tout en incitant ceux qui sont actifs sur le marché de l'assurance à fournir des prestations de qualité à caractère économique pour avoir une chance d'accéder à ce marché ou d'y rester. Il s'agira, en outre, de durcir ponctuellement les sanctions contre les fournisseurs de prestations fautifs, afin de corriger ou de prévenir les abus.

Enfin, dans l'optique de la politique des soins, la planification cantonale permettra d'influencer la densité médicale et de rééquilibrer l'offre pléthorique ou au contraire insuffisante dans certaines régions ou spécialités.

­

Relèvement de la quote-part pour adultes: En outre le Conseil fédéral a proposé un relèvement général de la quote-part des assurés adultes de 10 à 20 % (message du 26 mai 2004 relatif à la modification de la LAMal [participation aux coûts], FF 2004 4121). Le montant maximum de la quote-part sera inscrit dans la loi en chiffres absolus. L'augmentation de la quote-part à 20 % doit s'accompagner d'une extension de la compétence du Conseil fédéral pour réduire ou supprimer la participation aux coûts de certaines prestations, ouvrant la voie aux modèles de participation différenciée aux coûts. Le Conseil des Etats, première Chambre délibérante, a adopté ce projet.

­

Encouragement des réseaux de soins: En outre, le Conseil fédéral propose dans son message du 15 septembre 2004 relatif à la révision partielle de la LAMal dans le domaine du managed care (FF 2004 5527) de modifier les conditions-cadres pour promouvoir les modèles de réseaux de soins coordonnés et de définir dans la loi la notion de «réseau de soins coordonnés».

Dans ces réseaux de médecins, les fournisseurs de prestations assument la responsabilité budgétaire convenue avec les assureurs. La proportion dans laquelle le fournisseur de prestations participe au risque financier l'incite de son côté à travailler aussi efficacement que possible et en particulier à éviter les mesures inutiles ou à la fois inutiles et coûteuses. Il est donc adéquat de promouvoir des formes particulières d'assurance si l'on veut mieux maîtriser les coûts et accroître l'efficience, en maintenant par ailleurs la qualité des soins.

4106

3

But et teneur de l'initiative

Il ressort du titre de l'initiative populaire «pour la baisse des primes d'assurancemaladie dans l'assurance de base» que son objectif principal est de réduire les primes de l'assurance obligatoire des soins.

A cette fin, l'initiative réclame l'introduction dans la Constitution d'un nouvel art. 117a et d'une disposition transitoire y afférente (art. 197, ch. 2, Cst.), qui imposeraient une modification du régime suisse de l'assurance-maladie reposant sur les éléments suivants:

4

­

L'assurance-maladie se composerait de l'assurance de base et de l'assurance complémentaire; la première serait régie par le droit des assurances sociales, la seconde par le droit des assurances privées (art. 117a, al. 1).

­

L'assurance de base couvrirait les coûts des prestations médicales et des soins qui servent à atténuer la douleur et à guérir et réintégrer le patient, qui sont adéquats et économiques, et dont l'efficacité est reconnue par la science (art. 117a, al. 1, let. a).

­

Les assureurs pratiquant l'assurance de base et les fournisseurs de prestations concluraient des contrats de prestations répondant aux besoins des assurés (art. 117a, al. 2).

­

Les assureurs pratiquant l'assurance de base n'auraient plus le droit de prendre des participations financières dans les institutions fournissant des prestations médicales et de soins, et inversement (art. 117a, al. 3).

­

Le financement de l'assurance-maladie de base serait garanti par les primes des assurés, d'une part, et par des contributions de la Confédération et des cantons, d'autre part. Les subsides des pouvoirs publics couvriraient au total 50 % des coûts au maximum. Ils devraient être versés directement aux assureurs (art. 117a, al. 4 et 5).

­

La différence entre les prestations prises en charge jusqu'alors par l'assurance obligatoire des soins et celles dorénavant couvertes par la nouvelle assurance de base pourrait être assurée auprès de l'assureur de base, dans le cadre de l'assurance complémentaire et sans réserve, jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau régime, trois ans après l'acceptation de l'initiative par le peuple (art. 197, ch. 2).

Appréciation de l'initiative

Les différents moyens que l'initiative populaire «pour la baisse des primes d'assurance-maladie dans l'assurance de base» juge aptes à réduire les primes de l'assurance obligatoire peuvent être examinés sous l'angle des quatre domaines propres au système de l'assurance:

4107

4.1

Eléments centraux de l'assurance

Pour faire baisser les primes de l'assurance obligatoire des soins, l'initiative propose d'en réduire le champ d'application. Elle prévoit en effet de transférer un pan de l'assurance sociale obligatoire dans le domaine des assurances privées facultatives.

Réduire les prestations obligatoirement à la charge de l'assurance-maladie mettrait directement en péril le caractère social de l'assurance-maladie. En effet, l'obligation de s'assurer est le corollaire de la solidarité visée par l'assurance-maladie. Dans une assurance facultative, les caisses-maladie peuvent imposer des réserves d'assurance ou prévoir des primes différentes en fonction du sexe ou selon l'âge, effectif ou d'entrée, des assurés; dans une assurance obligatoire, au contraire, tous les assurés paient des primes égales par assureur et bénéficient du libre passage intégral. Actuellement, la distinction entre assurance de base LAMal et assurance complémentaire relevant du droit privé est admissible, dans la mesure où l'assurance obligatoire offre un éventail complet de prestations nécessaires, alors que les assurances facultatives répondent à des souhaits particuliers de confort pour lesquels aucune solidarité n'est requise d'un point de vue social. Si en revanche, comme le demande l'initiative, on limite l'obligation de s'assurer concernant les prestations nécessaires, on retombera dans les travers de l'ancien droit et il se produira immanquablement une érosion de la solidarité entre malades et bien-portants, entre personnes jeunes et âgées, ainsi qu'entre les sexes.

4.2

Prestations

Dans le domaine des prestations, l'initiative propose trois mesures pour faire baisser les primes de l'assurance de base:

4.2.1

Réduction du catalogue des prestations en général

L'initiative ne propose pas explicitement de diminuer les prestations prises en charge au titre de la LAMal. Il ressort toutefois implicitement du texte de la disposition transitoire que des prestations de l'assurance obligatoire des soins seraient substantiellement réduites ou supprimées, et que leur couverture devrait être transférée, en partie du moins, dans le domaine des assurances privées. Logiquement, le texte de l'initiative ne précise pas non plus quelles prestations ou quels domaines de prestations devraient être concrètement exclus de l'assurance de base.

S'agissant du catalogue des prestations, le Conseil fédéral est d'avis que le remboursement obligatoire d'une prestation médicale en lui-même n'est pas déterminant pour l'évolution des coûts mais plutôt la multiplication d'utilisations inadéquates dans les cas individuels (voir ch. 2.3.2.4). Le Conseil fédéral rejette donc tout démantèlement des prestations couvertes par l'assurance de base. Il admet toutefois qu'il faudra revoir les listes de prestations là où elles existent et biffer, le cas échéant, les prestations qui ne se justifieraient plus sous l'angle des critères de l'efficacité, de l'adéquation et de l'économicité. Les travaux préparatoires correspondants sont en cours au sein de l'administration.

4108

4.2.2

Exclusion des mesures de prévention et des prestations de maternité

Dans la mesure où elle limite la prise en charge au titre de l'assurance de base aux «prestations médicales et [aux] soins qui servent à atténuer la douleur et à guérir et réintégrer le patient», l'initiative semble exclure, entre autres, la couverture des prestations de maternité et des mesures de prévention: En cas d'exclusion des prestations de maternité, les contrôles usuels de la grossesse et la naissance coûteraient aux parents entre 5000 et 10 000 francs, voire bien plus en cas de grossesse à risque (p. ex. grossesse multiple) ou de complications à la naissance. Et si les prestations de l'assurance-maladie étaient limitées aux grossesses ou aux naissances à risque, on s'expose à voir souvent déclarer comme grossesse à risque une grossesse en soi normale, dans le but de bénéficier des prestations de l'assurance, ce qui aboutirait à une médicalisation de la maternité.

En excluant du champ de l'assurance les mesures de prévention, les auteurs de l'initiative oublient que 50 % des coûts de l'assurance-maladie sont occasionnés par 8 % seulement des assurés. Il s'agit en grande partie de patients souffrant de maladies chroniques. Or il est parfois possible de dépister de bonne heure de telles maladies pour les traiter à un moindre coût, voire même de les prévenir ou d'en retarder l'apparition par des mesures médicamenteuses et non médicamenteuses adéquates.

En revanche, un financement insuffisant mettrait en péril les mesures préventives. Il est incontestable que l'assurance-maladie ne peut financer toutes les mesures de prévention imaginables, mais uniquement les mesures médicales de prévention qui sont efficaces, adéquates et économiques, et que les autres acteurs (comme la Confédération, les assureurs maladie ou l'institution prévue aux art. 19 s. LAMal) conservent un rôle important dans le champ de la prévention. Il faut néanmoins absolument qu'à l'avenir aussi, les mesures individuelles de prévention qui, soit parce qu'elles nécessitent une indication exacte, soit à cause des effets secondaires éventuels relèvent du contexte médical (p. ex. vaccinations, traitement médicamenteux de l'hypertension artérielle ou de l'excès de cholestérol, dépistage du cancer), puissent être financés par la LAMal. Sans compter que, en excluant du domaine des prestations de l'assurance-maladie les prestations
de prévention médicale, on se priverait d'une possibilité d'alléger à moyen et à long terme la charge de morbidité (et ses coûts pour l'assurance-maladie comme pour la société). La vaccination contre la grippe en donne un exemple probant: analyses économiques à l'appui, la vaccination des personnes de plus de 65 ans fait éviter des complications voire une limitation des capacités restantes, et les frais que ces conséquences induiraient sont un multiple des coûts de vaccination.

4.2.3

Modification des critères de prise en charge

L'initiative propose de modifier les conditions de prise en charge des coûts des prestations de la manière suivante: la disposition actuelle «L'efficacité doit être démontrée selon des méthodes scientifiques» serait remplacée par «l'efficacité est reconnue par la science». La différence, qui semble minime au premier abord, peut être lourde de conséquences. En effet, alors que la «démonstration de l'efficacité selon des méthodes scientifiques» exige un examen et une évaluation critique de toutes les études scientifiques disponibles, méthode érigée au rang de norme interna4109

tionale dans le cadre du réseau d'évaluation des technologies sanitaires (Health Technology Assessment), le critère «reconnue par la science» signifie seulement que l'on interroge sur une méthode le meilleur expert du domaine en Suisse (dont l'avis ne résisterait peut-être pas à une approche globale des évidences). En outre, la démonstration de l'efficacité par des méthodes scientifiques inclut, à côté de l'efficacité potentielle (en anglais: efficacy), l'efficacité réelle (effectiveness) qui est le véritable enjeu de la prise en charge des coûts, alors que la reconnaissance scientifique de l'efficacité risque de se limiter à l'efficacité potentielle. La formulation proposée par les auteurs de l'initiative aboutirait ainsi à vider de sa substance le concept d'efficacité.

4.3

Financement

L'initiative «pour la baisse des primes d'assurance-maladie dans l'assurance de base» semble, sans toutefois être claire sur ce point, continuer à tabler sur les primes des assurés comme source principale de financement. Elle propose par contre deux changements majeurs dans le financement de l'assurance obligatoire.

4.3.1

Mécanismes de financement généraux de l'initiative

L'initiative semble ­ comme le droit en vigueur ­ tabler sur les «contributions des assurés» comme source principale de financement de l'assurance de base. Elle est toutefois muette sur la manière dont ces primes devraient être calculées. Ainsi, elle ne dit pas si le système de la prime individuelle et unique devrait être maintenu. Le manque de clarté de l'initiative sur les prestations ou les domaines de prestations appartenant à l'assurance de base entraîne également des incertitudes concernant le financement. En effet, dans la mesure où, selon la lettre de l'initiative, le volume financier de l'assurance de base est à peu près impossible à déterminer, on ne peut pas estimer clairement les conséquences financières pour les pouvoirs publics, dont la contribution ne pourrait pas excéder 50 % des coûts de l'assurance de base. Une seule chose est sûre: dans tous les cas, il faudrait compter avec une redistribution financière massive. En effet, si l'on part du volume actuel de l'assurance de base (environ 17 milliards de francs par année) et des contributions des pouvoirs publics actuellement à disposition pour la réduction individuelle des primes (environ 3,5 milliards de francs par année), on constate que l'initiative entraînerait soit une augmentation massive de la contribution des pouvoirs publics, soit un important transfert financier de l'assurance de base vers le domaine des assurances complémentaires.

4110

4.3.2

Subsides des pouvoirs publics

La formulation vague de l'initiative autoriserait également un système de financement renonçant à la réduction individuelle des primes des assurés de condition économique modeste au profit d'un retour au subventionnement des caisses-maladie, tel qu'il existait sous l'ancien droit.

A l'époque en effet, les assureurs percevaient des subsides de la Confédération, dont le montant dépendait de la structure de risques de leur effectif. Dans la mesure où l'assurance-maladie était facultative, les subsides des pouvoirs publics aux caisses contribuaient à garantir la solidarité entre les assurés bien-portants et les assurés malades ou à risque. Ce système offrait un abaissement généralisé des primes pour tous les assurés, indépendamment de leur capacité financière. Il n'existait en revanche pas, au niveau fédéral, de subventionnement différencié selon les conditions économiques des assurés.

L'introduction de la LAMal a rendu inutile le versement de subsides aux assureurs.

En effet, dans une assurance obligatoire, il n'y a pas lieu de garantir la solidarité entre personnes malades et personnes en bonne santé par des contributions des pouvoirs publics. Le législateur a dès lors choisi d'affecter les fonds publics à un système de subventionnement ciblé, conforme aux besoins des assurés. Il a opté pour la réduction individuelle des primes, par laquelle il entendait répondre globalement à la nécessité sociale de garantir la solidarité entre personnes de condition économique différente, engendrée par le système de la prime unique par assureur ne tenant pas compte de la capacité financière des assurés.

Le Conseil fédéral considère la réduction individuelle des primes comme un instrument central de politique sociale en Suisse. Cette approche a également convaincu les Chambres fédérales, qui l'ont consolidée lors de la session de printemps 2005 en la dotant de nettes améliorations en faveur des ménages avec enfants (voir ch. 2.3.2.3). Son efficacité sous l'angle du renforcement de la solidarité a été clairement démontrée, si bien qu'y renoncer ­ qui plus est au profit d'une solution ne tenant pas compte des conditions économiques des assurés ­ s'inscrirait en totale opposition avec l'un des buts principaux de la LAMal.

4.3.3

Système de financement moniste

Il est permis de supposer que l'initiative vise un système de financement moniste, où les fournisseurs de prestations seraient face à un seul financeur. La discussion à propos d'un tel système de financement a déjà débuté au Parlement, indépendamment de la présente initiative. Il est vrai que le Conseil fédéral a proposé, dans son message du 15 septembre 2004 concernant la révision partielle de la LAMal dans le domaine du financement hospitalier (FF 2004 5207), de passer dans un premier temps au financement dual-fixe des prestations hospitalières et de n'envisager qu'ultérieurement le passage à un système moniste. Mais le Parlement traitera de manière globale le financement futur des prestations selon la LAMal. Dans tous les cas, on constate qu'il est difficile de déterminer l'étendue des effets d'un financement moniste sur les primes.

4111

4.4

Maîtrise des coûts

Mise à part la liberté de contracter, l'approche de l'initiative ne comporte pas de nouvelles mesures de réduction des coûts, autrement dit de rationalisation sans diminution de la qualité des soins médicaux. Au contraire, l'interdiction faite aux assureurs de base de prendre des participations dans les institutions fournissant des prestations médicales et de soins remet en cause les modèles de réseaux de soin et leur réel potentiel de freiner les coûts: Il est vrai que cette interdiction écarte le risque de voir les intérêts économiques des assureurs empiéter sur les décisions médicales, mais elle ne permet plus aux assureurs de s'engager, dès le début du processus, pour que les thérapies soient efficaces, adéquates et économiques.

La promotion des réseaux de soins coordonnés, dont on attend un effet modérateur sur les coûts, serait également compromise. Aujourd'hui déjà, les petits ou moyens réseaux de médecins sont souvent dans l'impossibilité de s'engager sur cette voie, faute du personnel et des ressources techniques ou financières nécessaires. Ainsi à quelques rares exceptions près, les réseaux de médecins ne parviennent pas à préfinancer leurs projets de développement. Pour ces raisons, et comme, de surcroît, certaines questions exigent une approche transversale (p. ex. évaluation, recherche et développement, formation postgrade et formation continue), la grande part des innovations concernant ces réseaux est assumée par les assureurs. Leur participation est d'ailleurs quasiment indispensable à la conception de tels modèles.

Ainsi, l'interdiction faite aux assureurs de base de prendre des participations dans les institutions fournissant des prestations médicales et de soins serait lourde de conséquences pour la promotion des réseaux de soins. Et vu l'effet bénéfique de ceux-ci sur les coûts, une telle mesure serait inefficace.

5

Conclusions

En résumé, l'initiative populaire «pour la baisse des primes d'assurance-maladie dans l'assurance de base» n'est pas apte à atteindre son but. En effet: ­

Le titre de l'initiative fait miroiter de réelles baisses de primes dans le système actuel d'assurance-maladie. En réalité, les réductions de primes sont impossibles à moins de démanteler les prestations de l'assurance de base.

L'initiative ne précise d'ailleurs absolument pas quelles prestations ou quels domaines de prestations seraient touchés. Dans ce contexte, il faudrait inévitablement déplorer un surcroît de charges que les assurés devraient payer. En cas de maladie, il faudrait régler soi-même les prestations fournies, ou conclure par avance des assurances complémentaires ­ avec tous les inconvénients que cela suppose (primes de risque, réserves d'assurance pour les maladies existantes à l'entrée).

­

Mise à part la liberté de contracter, l'initiative ne propose aucun instrument concret pour réduire les coûts. Loin de suggérer la moindre mesure de maîtrise des coûts ­ autrement dit de rationalisation sans perte de qualité des soins ­ elle les entrave même (interdiction de prise de participations).

4112

Ainsi l'initiative démantèle l'assurance-maladie sociale, sans faire progresser la question des coûts. La stratégie différenciée du Conseil fédéral, qui vise à réduire le nombre des prestations non indiquées médicalement ­ et donc à obtenir une réduction des coûts sans limiter l'accès à une médecine de qualité ­ est non seulement plus appropriée du point de vue de la politique sociale, mais elle laisse encore prévoir des baisses de coûts nettement plus substantielles que l'initiative populaire «pour la baisse des primes d'assurance-maladie dans l'assurance de base».

Il est donc proposé de rejeter cette initiative populaire sans lui opposer de contreprojet. Un contre-projet direct est superflu au vu de la formulation ouverte de la norme de compétence constitutionnelle en vigueur (art. 117 Cst.). Un contre-projet indirect ne s'impose pas non plus, dans la mesure où, à l'échelon politique, les révisions de la LAMal, dont certaines sont achevées alors que d'autres se poursuivent, peuvent être assimilées à un contre-projet indirect à l'initiative, dont elles partagent le but tout en proposant une solution beaucoup plus adéquate et plus équilibrée.

Maîtrise des coûts

Financement

Prestations

Eléments de l'assurance

Tableau synoptique: Comparaison entre la LAMal (droit en vigueur et projets de révisions en cours) et l'initiative «Pour la baisse des primes d'assurancemaladie dans l'assurance de base» LAMal (y c. révision en suspens)

Initiative

Accès garanti aux prestations de santé grâce au régime obligatoire.

Démantèlement du régime obligatoire; transfert de certaines prestations dans le domaine des assurances complémentaires (d'où des primes de risque et des réserves d'assurance pour les maladies existantes).

Offre complète de prestations.

Démantèlement des prestations (prévention, prestations de maternité) ou transfert dans le domaine des assurances complémentaires.

Correctif social aux primes individuelles par le système de réduction de primes, qui sera réaménagé en faveur des familles (décision parlementaire de mars 2005).

Définition imprécise de la contribution des assurés (primes) et de celle des pouvoirs publics; possible abandon de la réduction individuelle des primes et retour au subventionnement des assureurs maladie.

Renforcement des instruments destinés à la réduction des coûts, par l'adoption de mesures spécifiques dans plusieurs volets de la révision: ­ financement hospitalier ­ liberté de contracter ­ participation aux coûts ­ réseaux de soins coordonnés.

Absence de nouvelle approche: les propositions de l'initiative sont soit déjà en discussion (liberté de contracter), soit irréalisables (interdiction de toute prise de participations).

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