05.065 Message relatif à la modification de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (Mesures contre la propagande incitant à la violence et contre la violence lors de manifestations sportives) du 17 août 2005

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, un projet de loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

17 août 2005

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Samuel Schmid La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2005-0336

5285

Condensé Le présent projet vise à créer les bases permettant d'améliorer la lutte préventive contre la violence, en particulier la violence lors de manifestations sportives. Les normes proposées devront permettre à l'avenir de mettre le matériel de propagande incitant à la violence sous séquestre. Il sera par ailleurs possible d'enregistrer les fauteurs de troubles afin d'endiguer la violence lors de manifestations sportives et d'en empêcher l'usage par des mesures préventives conçues par paliers.

La loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI; RS 120) doit être complétée par des mesures visant la propagande incitant à la violence et la violence lors de manifestations sportives.

Les nouvelles dispositions sont destinées: ­

épauler les cantons dans la lutte contre la violence lors de manifestations sportives;

­

à compléter le dispositif de sécurité prévu pour le Championnat d'Europe de football 2008 (EURO 2008);

­

à combler les lacunes décelées dans la lutte contre la propagande incitant à la violence et contre la violence pure et simple;

­

à répondre aux exigences de la Convention européenne du 19 août 1985 sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football (Convention du Conseil de l'Europe; RS 0.415.3).

La propension et le recours à la violence dans les stades se sont accrus en Suisse et à l'étranger. Ces dernières années, les débordements violents sont devenus des épiphénomènes associés aux rencontres nationales de football et de hockey sur glace. Lutter contre la violence avec les moyens fournis par les lois policières cantonales et le droit pénal s'est révélé insuffisant sur le terrain. La violence lors des rencontres sportives est un problème qui dépasse le cadre cantonal, car les hooligans préfèrent prendre part aux débordements qui ont lieu à l'extérieur de leur canton de domicile. Or la base nécessaire pour lutter contre la violence lors des manifestations sportives au niveau national fait défaut.

Pour lutter contre la violence lors de manifestations sportives, le projet prévoit notamment la constitution d'une banque de données nationale recensant les hooligans. Saisir et sauvegarder de manière centralisée les données relatives aux personnes connues pour afficher un comportement violent lors de manifestations sportives permet d'avoir une vue d'ensemble sur le plan national, laquelle est d'autant plus nécessaire dans la perspective de la coopération internationale. Il importe de détecter rapidement les liens personnels et organisationnels noués dans la mouvance du hooliganisme. Le seul moyen de lutter efficacement contre le hooliganisme violent est d'identifier à temps les activistes potentiels, de dévoiler leur identité et de les tenir systématiquement à distance des rencontres sportives. Les informations

5286

enregistrées dans la banque de données centrale seront à la disposition des autorités policières compétentes suisses.

Afin d'enrayer la violence lors des manifestations sportives, le projet prévoit d'autres mesures administratives visant à empêcher des hooligans notoires de prendre part à des manifestations sportives.

Les mesures devront être appréciées en fonction de l'atteinte aux droits fondamentaux qu'elles entraînent chez l'individu. Dans chaque cas d'espèce, il sera de la sorte possible de les appliquer de manière proportionnée au but visé. Ainsi, une mesure plus sévère, telle que l'obligation de se présenter à la police, ne sera prise que si une mesure moins sévère, come l'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé n'aura pas été respectée. Il sera possible de prononcer une garde à vue pour les récalcitrants lorsque même l'obligation de se présenter à la police se sera révélée vaine. Ces mesures ont fait leurs preuves sous une forme similaire dans d'autres pays d'Europe.

Depuis quelques années, les altercations entre des groupes et des particuliers se réclamant des deux extrêmes de l'échiquier politique se sont non seulement multipliées mais sont aussi devenues de plus en plus violentes. Ce phénomène s'est amplifié sous l'influence de la diffusion d'idéologies prônant l'usage de la violence.

Le projet de révision entend réglementer la saisie, le séquestre et la confiscation du matériel de propagande incitant à la violence. Celle-ci inclut les appels à la violence physique sous quelque forme que ce soit. Ces appels ne doivent donc pas être liés à certaines formes de manifestation de violence ni à un phénomène de violence spécifique. Il s'agit de sanctionner de la même manière toute violence extrémiste, qu'elle émane de l'extrême gauche ou de l'extrême droite. Rien, dans un Etat démocratique, ne permet de justifier la généralisation et l'usage de la violence. Il y a lieu de réprouver et de combattre cette violence, indépendamment de l'orientation politique dont elle émane ou de la motivation politique qui la sous-tend.

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Table des matières Condensé

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1 Grandes lignes du projet 1.1 Contexte 1.1.1 Violence lors de manifestations sportives 1.1.2 Lutte contre la propagande incitant à la violence 1.1.3 Travaux préparatoires relatifs au projet de loi 1.2 Les nouveautés proposées 1.2.1 Séquestre et confiscation de matériel de propagande 1.2.2 Banque de données sur le hooliganisme 1.2.3 Mesures visant à lutter contre la violence lors de manifestations sportives 1.3 Justification et appréciation de la solution proposée; prises de position lors de la consultation 1.3.1 Consultation relative à la banque de données et à la propagande incitant à la violence (2003) 1.3.2 Consultation relative aux mesures supplémentaires visant à lutter contre la violence lors de manifestations sportives (2005) 1.4 Corrélation entre les tâches et les ressources financières 1.5 Droit comparé et rapport avec le droit européen 1.6 Application 1.7 Classement d'interventions parlementaires

5289 5289 5289 5290 5290 5291 5291 5292 5292 5293 5293 5294 5295 5296 5297 5297

2 Les nouveautés 2.1 Conception des mesures contre la violence lors de manifestations sportives 2.2 Commentaire des articles

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3 Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.2 Conséquences pour les cantons et les communes 3.3 Conséquences économiques

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4 Liens avec le programme de la législature et le plan financier

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5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.2 Compatibilité avec les droits fondamentaux 5.2.1 Restriction des droits fondamentaux par les mesures contre la propagande incitant à la violence 5.2.2 Restriction des droits fondamentaux par les mesures préventives prévues aux art. 24b à 24e 5.3 Engagements internationaux

5310 5310 5312

Loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (Projet)

5288

5298 5299

5312 5313 5313 5315

Message 1

Présentation de l'objet

1.1

Contexte

Par le présent projet de loi fédérale, le Conseil fédéral entend combler certaines lacunes décelées dans la prévention de la violence. Ce projet inscrit dans la loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI; RS 120) les bases visant à juguler la violence lors de manifestations sportives; il améliore également les possibilités de mettre sous séquestre le matériel de propagande incitant à la violence.

1.1.1

Violence lors de manifestations sportives

Depuis plusieurs années, les cantons et les fédérations sportives demandent à la Confédération de s'engager en créant notamment une banque de données nationale visant à enregistrer les auteurs d'actes de violence lors de manifestations sportives.

En Suisse, il n'est pas encore possible d'harmoniser les actions déployées par les cantons ni de lutter au niveau national contre la violence dans le sport, comme l'exige le droit de l'Union européenne. En effet, il n'existe pas de centre d'information au niveau fédéral.

La multiplication des débordements à caractère violent lors de matches de football et de hockey sur glace montre que les risques d'actes violents sont modérés à importants. Ce constat se fonde sur l'évolution actuelle observée dans différents pays et sur les potentiels évalués en fonction des équipes sportives concernées. Les spectateurs qui se rendent dans les stades de football et les patinoires pour suivre une rencontre sportive sont de plus en plus souvent confrontés à des groupes enclins à la violence.

Certains hooligans profitent de la protection que leur offre la foule et agissent de préférence lors des rencontres à l'extérieur, ce qui leur permet généralement de rester anonymes. Les auteurs d'actes de violence profitent habilement des vides juridiques que connaît actuellement ce domaine. Comme les débordements n'éclatent pas uniquement dans les stades mais se déroulent également dans le contexte large des manifestations sportives et dans le centre des villes organisatrices, les interdictions de stade prononcées à titre privé sont d'une efficacité limitée. Par ailleurs, elles ne peuvent guère être mises en oeuvre sans l'application de mesures policières supplémentaires. Seuls quelques rares fauteurs de troubles peuvent être identifiés, arrêtés et remis aux autorités de poursuite pénale. Force est de constater que les moyens mis à disposition par le droit pénal ne suffisent pas à enrayer le phénomène de la violence.

Parallèlement aux mesures législatives, plusieurs projets visant à lutter contre le hooliganisme ont déjà été lancés. La coopération internationale en matière de police est indispensable à leur réalisation. En dépit des sommes importantes investies chaque semaine par les responsables de stade et les cantons pour assurer la sécurité des manifestations sportives, la montée de la violence est un problème qui n'a pas encore trouvé de solution.

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Destinées à lutter contre la violence lors des manifestations sportives, les mesures proposées par le projet de loi amélioreront la sécurité des grandes manifestations sportives à venir telles que le Championnat d'Europe de football 2008 en Suisse et en Autriche.

Au niveau cantonal, la Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse a mis en place, dès 1998, l'Observatoire suisse du hooliganisme, en le rattachant à la police municipale zurichoise. Cet organe travaille étroitement avec les services spécialisés des corps de police cantonaux et avec les responsables de stade, les clubs sportifs et leurs organisations faîtières. Il a pour but de coordonner la lutte contre la violence lors d'événements sportifs. Une étroite collaboration avec les autorités de sécurité de la Confédération est également indispensable.

1.1.2

Lutte contre la propagande incitant à la violence

Il était possible, jusqu'en 1998, de saisir et de détruire non seulement du matériel d'extrême droite mais aussi de grandes quantités de matériel de propagande suisse et étrangère, qui appelait à faire usage de la violence. Cette pratique se fondait sur l'arrêté du Conseil fédéral visant la propagande subversive1. Or, depuis l'entrée en vigueur de la LMSI et l'abrogation de cet arrêté, les importations de matériel appelant à la violence ont augmenté.

Les activités violentes des organisations extrémistes doivent être détectées suffisamment tôt afin de pouvoir y parer. Les groupes extrémistes utilisent les possibilités offertes par les nouvelles technologies de l'information à des fins de propagande.

Le réseau Internet constitue pour eux une plate-forme diversifiée permettant une diffusion rapide et planétaire de l'information. Enfin, la quasi-totalité des groupes extrémistes violents notoires qu'ils soient suisses ou étrangers, disposent de leur propre site Web.

1.1.3

Travaux préparatoires relatifs au projet de loi

Répartition des projets Le 26 juin 2002, le Conseil fédéral a décidé, sur la base du rapport d'octobre 2000 du groupe de travail «Extrémisme de droite» et de celui d'octobre 2001 du groupe de travail «Coordination et mise en oeuvre de mesures dans le domaine de l'extrémisme de droite», de prendre de nouvelles mesures pour juguler la violence; le rapport intitulé «Analyse de la situation et des menaces pour la Suisse après les attentats du 11 septembre 2001» publié ce même jour lui a également servi de base de décision. Les projets législatifs dans le domaine de la sûreté intérieure ont été divisés en deux volets.

Le premier volet est consacré aux travaux législatifs liés au racisme, au hooliganisme et à la propagande incitant à la violence.

La révision de la LMSI concernant les mesures relatives à l'extrémisme et au terrorisme constitue le second volet de ces travaux.

1

Arrêté du Conseil fédéral du 29 décembre 1948 visant la propagande subversive; RO 1948 1271.

5290

Engagements internationaux En décembre 2001, un rapport a été établi à l'initiative du chef du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports afin, primo, de répondre aux obligations découlant de la Convention du Conseil de l'Europe et, secundo, de mettre en oeuvre la stratégie du Conseil fédéral pour une politique du sport en Suisse, qui prévoit de lutter contre les actes de violence portant atteinte à l'image du sport. Ce document analyse les causes de la violence dans le sport et propose à la fois des mesures préventives et des sanctions en vue d'éradiquer le phénomène. Les fédérations concernées (de football et de hockey sur glace) ont pris très rapidement des mesures, qui concernent notamment la formation du personnel de sécurité. Swiss Olympic a mis sur pied un groupe d'experts chargé de servir d'interlocuteur aux fédérations et, à ce titre, de prendre des mesures et d'édicter des directives pour lutter contre ces déchaînements de la violence. En créant une base juridique au niveau fédéral permettant de constituer une banque de données sur le hooliganisme, comme le prévoit le présent projet de révision, la Confédération fait cas d'une proposition centrale du rapport précité.

Première consultation La mise en consultation de la base juridique élaborée pour la banque de données sur le hooliganisme et pour les mesures contre la propagande incitant à la violence a eu lieu au printemps 2003. Le 22 décembre 2004, après avoir pris connaissance des résultats de la consultation, le Conseil fédéral a décidé d'assortir la nouvelle banque de données de mesures complémentaires visant à juguler la violence lors de manifestations sportives.

Le Conseil fédéral est conscient que les mesures répressives relevant de sa compétence ne permettent pas, à elles seules, d'éradiquer la violence dans les stades. C'est pourquoi il attend que les fédérations et les clubs sportifs, notamment, prennent les initiatives relevant de leur responsabilité pour que les événements sportifs se déroulent dans le calme. Il invite par conséquent tous les milieux intéressés à développer les programmes visant à sensibiliser les supporters.

1.2

Les changements proposés

1.2.1

Séquestre et confiscation de matériel de propagande

La norme proposée (art. 13a nouveau) améliore de manière générale la protection de la population contre la violence. Il sera désormais possible de mettre du matériel de propagande sous séquestre également en l'absence de condamnation judiciaire. Cette nouvelle disposition complète ainsi l'art. 259 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP; RS 311.0), qui réprime la provocation publique à la violence. Il s'agit de ne pas tolérer la violence, sous quelque forme que ce soit, une attitude qui doit être tout aussi ferme envers la violence visant des biens. Cela dit, il ne s'agit nullement de criminaliser des manières de penser.

5291

1.2.2

Banque de données sur le hooliganisme

Associées à la banque de données nationale sur le hooliganisme (art. 24a nouveau), les mesures préventives proposées offrent une approche nouvelle, en intégrant une dimension individuelle à la prévention. Ces mesures ont déjà fait leurs preuves dans d'autres pays européens qui, avant la Suisse, ont été confrontés au phénomène de la violence. Elles visent à empêcher les auteurs d'actes de violence connus des autorités de commettre des voies de fait, ou de provoquer des lésions corporelles ou des dommages matériels à l'occasion d'événements sportifs. Dès lors, ces mesures permettent de protéger en général les manifestations sportives de la violence et en particulier les biens juridiques individuels tels que la vie et l'intégrité corporelle, la santé, la liberté et la propriété. Elles protègent également les supporters pacifiques et garantissent la sécurité et l'ordre publics.

1.2.3

Mesures visant à lutter contre la violence lors de manifestations sportives

L'article consacré aux informations relatives aux actes de violence commis lors de manifestations sportives (art. 24a nouveau) servira de base légale pour la création au niveau fédéral d'une banque de données qui permettra de reconstituer rapidement le maillage organisationnel et personnel reliant les hooligans entre eux et de fournir des informations aux services intéressés.

L'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé (art. 24b nouveau) est destinée à empêcher la personne concernée de pénétrer, pendant des heures précises, dans une zone clairement déterminée entourant l'endroit où se déroule une manifestation sportive. L'étendue du périmètre interdit est définie par le canton.

L'interdiction de se rendre dans un pays déterminé (art. 24c nouveau) vise à éviter que la personne qui, pour des raisons de sécurité, est interdite de stade en Suisse, n'aille jouer les fauteurs de violences à l'étranger. Il existe des cas concrets de supporters connus pour ne jamais faire usage de la violence en Suisse, mais, par contre, pour en faire régulièrement usage à l'étranger. Cette mesure est prononcée par l'Office fédéral de la police sous la forme d'une décision écrite.

Contrairement aux deux mesures précédentes, qui sont des interdictions, l'obligation de se présenter à la police (art. 24d nouveau) est un ordre. Dès lors, si une personne ne respecte pas l'une de ces deux mesures, elle sera sanctionnée et devra se présenter à un poste de police précis aux heures indiquées. Les obligations de se présenter à la police visent les personnes pour lesquelles il est établi que des mesures moins strictes se sont révélées inefficaces.

La garde à vue (art. 24e nouveau) constitue l'«ultima ratio» pour écarter les risques émanant de fauteurs de violences particulièrement récalcitrants. Cette mesure n'est autorisée que si des éléments concrets indiquent qu'une personne s'apprête à participer à des débordements lors de rencontres sportives et qu'il n'existe pas d'autres possibilités d'éviter des actes de violence imminents. Cette détention ne durera que le temps nécessaire pour empêcher la personne de participer à des débordements lors de manifestations sportives bien précises et est limitée à 24 heures.

5292

1.3

Justification et appréciation de la solution proposée; consultations

Les propositions sont équilibrées dans l'ensemble et propres à juguler l'augmentation des actes de violence lors de manifestations sportives ainsi que la diffusion de propagande incitant à la violence.

1.3.1

Consultation relative à la banque de données et à la propagande incitant à la violence (2003)

Lors de la consultation de 2003, la quasi-totalité des cantons se sont prononcés en faveur de la mesure visant à lutter contre la propagande incitant à la violence et de la base légale permettant de créer une banque de données sur le hooliganisme. Le projet de loi a été en effet perçu comme un instrument approprié pour atteindre les objectifs formulés. En revanche, les partis politiques ont émis des avis divergents.

Ainsi, deux partis (PDC et PCS) ont soutenu l'avant-projet, tandis que les autres partis ont certes considéré les mesures comme nécessaires, mais ont émis des avis nuancés au sujet de leur conception. Trois partis (Les Verts, Démocrates suisses et UDC) ont désapprouvé le principe du projet.

Propagande incitant à la violence Quelques participants à la consultation ont rejeté la mesure administrative visant le matériel de propagande. Selon eux, il revient au juge de confisquer, au besoin, le matériel en question. Cela dit, en formulant cette remarque, ils ne tiennent pas compte des prescriptions de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA; RS 172.021), qui stipulent que la décision prononcée requiert une motivation et est sujette à recours. En outre, la norme n'est applicable que lorsqu'il n'est pas possible de séquestrer le matériel sur la base du droit pénal. Enfin, la solution administrative présente l'avantage de pouvoir déjà agir avec efficacité au niveau préventif.

En vertu des adaptations apportées à la suite de la procédure de consultation, seule la propagande qui incite à la violence contre des personnes et des objets pourra être saisie, indépendamment du fait qu'elle soit de nature raciste, politique ou autre.

Banque de données sur le hooliganisme La majorité des organismes consultés ont approuvé la création d'une base légale au niveau fédéral permettant l'échange, aux niveaux national et international, d'informations sur les auteurs de violences lors de manifestations sportives. La proportionnalité est garantie car les informations porteront essentiellement sur des événements supracantonaux et nationaux. Faute de base juridique, il n'existe actuellement pas, à l'échelle nationale, de système de collecte et de sauvegarde des données relatives aux auteurs de violences lors de manifestations sportives. Les fichiers existants, c'est-à-dire ceux
gérés par la police municipale zurichoise dans le cadre de l'Observatoire suisse du hooliganisme, doivent être effacés trop tôt à cause des prescriptions cantonales en matière de protection des données. Il devient indispensable, eu égard précisément à l'importance croissante de la coopération internationale, de centraliser les données afin de disposer d'une vue d'ensemble nationale.

5293

Conformément aux résultats de la consultation, seules les données relatives aux personnes ayant commis des violences lors de manifestations sportives seront enregistrées dans la banque de données. Les dispositions proposées ne prévoient nullement d'enregistrer les supporters pacifiques. Il n'est pas nécessaire d'ajouter dans la disposition la saisie des données relatives aux personnes qui participent à des manifestations violentes ou qui se comportent violemment lors de manifestations publiques, comme certains participants à la consultation l'ont proposé, car ces individus sont déjà enregistrés dans d'autres bases de données.

1.3.2

Consultation relative aux mesures supplémentaires visant à lutter contre la violence lors de manifestations sportives (2005)

Les autres mesures proposées dans le cadre de la seconde consultation qui s'est achevée le 24 juin 2005 ont reçu un écho très favorable. Le projet de loi est en effet perçu comme un instrument efficace et approprié pour atteindre les objectifs formulés.

Sont, d'une manière générale, favorables au projet: cinq partis politiques (PDC, PCS, PEV, PRD, UDC), tous les cantons, le commandement de police de Bâle-Ville ainsi que 22 organisations intéressées (Centre patronal, Chambre vaudoise des arts et métiers, Commission fédérale pour l'enfance et la jeunesse, Fédération internationale des fan's-clubs sportifs, Institut de police scientifique et de criminologie, Commission consultative en matière de sûreté intérieure, Conférence des autorités de poursuite pénale, Pro Sportstadt Zürich, Fédération suisse des avocats, Préposés suisses à la protection des données, Ligue suisse de hockey sur glace, Ligue nationale suisse de hockey sur glace S.à r.l., Ligue suisse de hockey sur glace amateur, Association suisse de football, Union des villes suisses, Union suisse des arts et métiers, Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse/Commission suisse de lutte contre la criminalité, Swiss Football League, Swiss Olympic Association, Fédération suisse des fonctionnaires de police, Association des entreprises suisses de services de sécurité, Observatoire suisse du hooliganisme).

Ces participants à la consultation ont exprimé un avis favorable à l'égard de l'avantprojet, tout en y apportant quelques propositions de modification ou de complément.

Les propositions qui ont été retenues n'entraînent toutefois pas de modifications sur le plan matériel.

Le PS ne s'exprime pas fondamentalement contre le projet, mais émet des réserves concernant trois dispositions. Les Verts et quatre organisations (Fanarbeit Schweiz, Fanprojekt Basel, Juristes démocrates de Suisse, WochenZeitung) désapprouvent plutôt le projet.

Les propositions de modifications visent principalement à étoffer les mesures et à alourdir les suites judiciaires prévues. De nombreux milieux consultés regrettent que les mesures se limitent au contexte des manifestations sportives et qu'elles ne puissent pas être appliquées de manière générale lors de tout débordement violent dans le cadre de manifestations publiques.

Bon nombre des participants
à la consultation se sont prononcés sur la question de savoir s'il est conforme à la Constitution que la Confédération dispose d'une compétence législative pour décréter des mesures de police de sécurité. Tandis que certains 5294

approuvent explicitement la compétence législative de la Confédération inscrite à l'art. 57, al. 2, de la Constitution fédérale (Cst.), d'autres milieux consultés réclament le réexamen de ce point. Ainsi, la souveraineté des cantons pour décréter de telles mesures de police de sécurité est aussi soulignée dans certaines prises de position, qui proposent une solution concordataire.

La question de la compétence législative a été largement discutée à l'occasion de la procédure préliminaire. Les autorités d'exécution devront systématiquement effectuer une comparaison des cas enregistrés dans la banque de données et les mesures devront être décrétées selon des critères uniformes. Le Département fédéral de justice et police (DFJP) a estimé que le besoin de coordination au niveau national, de même que les intérêts nationaux en jeu, suffisaient à justifier la compétence de la Confédération au sens de l'art. 57, al. 2, Cst. Ce point a été une nouvelle fois examiné pendant la procédure de consultation.

La compétence législative de la Confédération a été confirmée au sujet de la banque de données sur le hooliganisme et de l'interdiction de se rendre dans un pays déterminé (cf. ch. 5.1). En revanche, sa compétence législative pour mettre en oeuvre une interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé, une obligation de se présenter à la police et une garde à vue est controversée. Selon la doctrine dominante, il faut admettre que l'art. 57 Cst. ne peut servir de base pour justifier une telle compétence, pas plus d'ailleurs, à notre avis, qu'une autre disposition constitutionnelle. De leur côté, les cantons s'expriment explicitement en faveur de la mise en oeuvre d'une réglementation fédérale et certains d'entre eux estiment que l'art. 57 Cst. offre une base suffisante à cet égard. Au vu de ce qui précède et des impératifs du calendrier, le Conseil fédéral estime qu'une réglementation fédérale est envisageable. Tous les doutes quant à la compétence de la Confédération ne pouvant être écartés, il propose toutefois d'introduire les mesures en question au moins à titre provisoire dans un premier temps. Ainsi, les mesures visées ne seront applicables que jusqu'à fin 2008.

Cette solution permet de répondre à la situation particulière liée à l'EURO 2008 et de respecter, en même temps, le principe de proportionnalité.

1.4

Corrélation entre les tâches et les ressources financières

Mesures contre la violence lors de manifestations sportives La sécurité est un élément crucial pour notre qualité de vie. L'une des tâches primaires de l'Etat est de prendre les mesures adéquates afin de garantir la sécurité. Or, dans le cadre des événements sportifs, des lacunes existent à cet égard.

Les cantons et l'économie privée doivent prendre en charge les dommages matériels et les lésions corporelles occasionnés lors des débordements, parfois graves, qui surviennent. Pour les événements sportifs d'envergure nationale, qui sont souvent le théâtre de débordements, il est impératif de mettre en place des dispositifs de sécurité dispendieux afin de garantir un minimum de sécurité. Ainsi, le budget consacré à la sécurité des rencontres de football de la Super League dépasse bien souvent 50 000 francs par match. Les mesures proposées visent à empêcher que des débordements n'éclatent. Les manifestations sportives se dérouleront ainsi dans un cadre plus pacifique, ce qui, à moyen terme, permettra de réduire les coûts liés à la sécurité.

5295

Grâce à l'allègement des dispositifs de sécurité et à la réduction des dommages matériels et corporels, les cantons pourront réaliser des économies qui compenseront au moins les coûts supplémentaires engendrés par l'exécution des mesures.

Comparées à l'importance du projet, les dépenses inhérentes à la mise en oeuvre des nouvelles mesures sont peu conséquentes.

1.5

Droit comparé et rapport avec le droit européen

Initiatives internationales Coopération policière internationale Grâce aux accords internationaux de police ainsi qu'à divers arrangements, la coopération policière a aussi été améliorée dans le domaine de la lutte contre le hooliganisme, notamment par la création d'équipes d'enquête communes, la mise en oeuvre de recherches et d'observations conjointes et l'engagement d'officiers de liaison connaissant bien la mouvance.

Convention du Conseil de l'Europe La Suisse prend part aux assemblées du Comité permanent du Conseil de l'Europe, qui a pour tâche de veiller à l'application de la Convention européenne du 19 août 1985 sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football (RS 0.415.3). Cette convention ratifiée le 24 septembre 1990 par notre pays tend à l'harmonisation des normes de sécurité au sein de l'Europe. Elle engage les Etats signataires à adopter une législation leur permettant de prendre des mesures visant à empêcher les actes de violence lors de matches de football (art. 1, par. 1, en relation avec l'art. 3, par. 1, let. c, de la convention). En outre, aux termes de l'art. 3, par. 4, let. d, de la convention, les Etats signataires s'engagent à prendre des mesures préventives destinées à exclure les fauteurs de troubles connus des matches de football. Enfin, l'art. 1, par. 2, de la convention précise que ces obligations ne s'appliquent pas uniquement aux matches de football, mais à l'ensemble des manifestations sportives. Le présent projet permet de mettre en oeuvre certaines parties de la convention du Conseil de l'Europe.

Mesures prises à l'étranger contre la violence lors de manifestations sportives Des pays tels que la Grande-Bretagne et l'Allemagne, qui ont déjà dû faire face au phénomène du hooliganisme dans les années 60 et 70, appliquent depuis longtemps avec succès des mesures préventives telles que l'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé, l'obligation de se présenter à la police et l'interdiction de se rendre dans un pays déterminé. Selon les indications des autorités allemandes, quelque 8000 interdictions nationales de stade sont actuellement en vigueur dans les pays de l'Union européenne, dont 2000 en Allemagne. Dans la majorité des Etats disposant d'un système leur permettant de prononcer des interdictions de stade, ces dernières sont ordonnées et administrées par les autorités ou par des organismes privés (associations, fédérations)2.

2

«Concept-cadre relatif aux engagements de police lors de la Coupe du Monde de football de 2006 en Allemagne», ch. 6.1.5. (Rahmenkonzeption zur Bewältigung von polizeilichen Einsätzen anlässlich der Fussball-WM 2006 in Deutschland); en allemand uniquement.

5296

Les bases juridiques des mesures appliquées à l'étranger figurent dans des actes législatifs très divers. Ainsi, en Allemagne, les interdictions de se rendre dans un pays déterminé sont décrétées sur la base de la loi sur les documents d'identité (Passgesetz), tandis que les obligations de se présenter à la police, pour lesquelles il n'existe pas de loi spéciale, se fondent sur le pouvoir général de police3. La GrandeBretagne a, pour sa part, créé une série de bases juridiques propres en matière de mesures préventives, telles que la loi sur l'ordre public (Public Order Act 1986). Le modèle britannique prévoit des sanctions sévères à l'encontre des personnes frappées de mesures (dans certains cas une interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé pendant dix ans; pour les matches à l'étranger un retrait du passeport, combiné avec des obligations de se présenter à la police).

Mesures prises à l'étranger contre la propagande incitant à la violence De nombreux pays européens possèdent des dispositifs administratifs ou pénaux pour séquestrer le matériel de propagande incitant à la violence. La plupart de ces dispositions vont en général plus loin que celles actuellement en vigueur en Suisse (art. 135, 261bis et 259 CP).

En Grande-Bretagne et en France, il est possible de prendre des mesures en dehors d'une procédure pénale, et il n'existe aucune possibilité de saisir une instance judiciaire indépendante pour réexaminer la décision. L'Espagne et le Portugal disposent, en dehors des procédures pénales, de possibilités d'intervention prévoyant des voies de recours. En Allemagne, en Autriche, en Italie, aux Pays-Bas, au Danemark, en Suède, ainsi que dans les pays de l'Est, le matériel de propagande peut être mis sous séquestre dans le cadre des procédures ouvertes par les autorités pénales compétentes.

1.6

Application

Un représentant de l'Observatoire suisse du hooliganisme a assisté à l'élaboration des bases légales relatives aux mesures préventives et a vérifié si les propositions étaient applicables dans la pratique. Dans le cadre de la procédure de consultation, aucun canton n'a remis en question l'applicabilité des mesures.

Les articles relatifs aux différentes mesures et les commentaires s'y rapportant contiennent des indications concernant l'application des mesures à fixer dans une ordonnance fédérale et dans les législations cantonales.

1.7

Classement d'interventions parlementaires

Les nouvelles dispositions répondent en tout ou partie aux exigences formulées dans les interventions suivantes.

Ainsi, les interpellations Heim (01.3451), Stahl (04.3513) et Gysin (04.3782) ainsi que la question Leutenegger Oberholzer (04.1163) demandaient au Conseil fédéral de prendre position sur ce qu'il envisage d'entreprendre contre la recrudescence de la violence lors d'événements sportifs. Les interventions parlementaires soulèvent la 3

Breucker, NJW 2004, 1632.

5297

question des mesures préventives prévues à l'encontre des auteurs de violences, et demandent si celles-ci seront mises en oeuvre d'ici à l'EURO 2008.

2

Les nouveautés

2.1

Conception des mesures contre la violence lors de manifestations sportives

Les mesures préventives proposées visent à empêcher les personnes connues des autorités pour leur comportement violent de commettre des actes de violence en les tenant à l'écart des événements sportifs.

La relation entre des actes de violence et une manifestation sportive précise est établie par la proximité temporelle et thématique de l'événement sportif en question.

Les responsables des supporters de clubs de sport et les polices locales connaissent les fauteurs de troubles potentiels et sont présents lors des matches jugés à risques.

Ces personnes jouent un rôle clé dans l'évaluation des débordements et l'identification des personnes impliquées. Sur le plan pratique, la mise en relation d'actes de violence avec une manifestation sportive précise n'a, à ce jour, jamais posé de problème.

A l'exception de l'interdiction de se rendre dans un pays déterminé (art. 24c nouveau), qui sera ordonnée et exécutée par la Confédération, il reviendra aux cantons d'exécuter les mesures puisqu'elles visent à garantir l'ordre public, une tâche dont ils sont responsables à titre principal.

Les mesures sont conçues comme des mesures de droit administratif, et non de droit pénal. Dès lors, les autorités cantonales de police pourront ordonner ces mesures, sauf les interdictions de se rendre dans un pays déterminé. La LMSI a été choisie comme lieu de codification, car elle renferme toutes les mesures préventives concernant la sûreté intérieure.

Les mesures les plus contraignantes devront être prises seulement lorsque les mesures les plus légères se seront avérées inefficaces. En cas de doute, il conviendra de toujours opter pour la mesure la moins dure. Ce concept des paliers garantira une application des mesures proportionnée au but visé, dans le respect de l'art. 36 Cst.

Ainsi, une obligation de se présenter à la police (art. 24d nouveau) ne sera en principe ordonnée que si une personne a déjà enfreint une interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé (art. 24b nouveau) ou une interdiction de se rendre dans un pays déterminé (art. 24c nouveau). De cette manière, l'atteinte aux droits fondamentaux de la personne visée sera réduite au minimum nécessaire. Rappelons que, depuis bien longtemps déjà, des interdictions d'entrer sur le territoire suisse sont prononcées à l'encontre de hooligans étrangers
lorsqu'il y a tout lieu de croire qu'ils prévoient de se rendre dans notre pays.

Le non-respect des mesures proposées sera sanctionné conformément à l'art. 292 CP (voir sous le ch. 2.2 le commentaire de l'art. 24h, al. 2).

Les personnes frappées d'une mesure pourront recourir aux voies de droit ordinaires prévues par les cantons et la Confédération. Elles auront ainsi la possibilité de donner leur avis sur les motifs invoqués dans la décision de l'autorité. La légalité et le bien-fondé d'une mesure pourront ainsi être réexaminés dans le cas concret.

5298

2.2

Commentaire des articles

Art. 2, al. 4, let. f La liste des mesures préventives inscrites dans la LMSI est complétée par de nouvelles mesures visant à empêcher les actes de violence lors de manifestations sportives.

Art. 13a (nouveau) La notion de «matériel de propagande» est définie à l'al. 1.

Afin d'éviter que la loi ne soit contournée, la disposition parle de «matériel» pouvant servir à des fins de propagande. Il s'agit de documents imprimés, d'enregistrements sonores ou de prises de vue, d'images ainsi que d'autres objets ou représentations.

La nouvelle disposition inclut toutes les formes de propagande qui incitent à agir violemment contre des personnes ou à commettre un délit contre le patrimoine ou des dommages à la propriété («Demain on va mettre le feu à ...»).

La disposition vise également le matériel qui, au premier abord, n'a pas l'apparence du matériel de propagande (p.ex. documents qui seraient intitulés «réflexions personnelles» pour dissimuler leur véritable destination). Sur le modèle de l'art. 46 de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA; RS 313.0), toutes les mesures exécutées par les autorités, telles que la saisie, le séquestre et la confiscation, doivent être inclues dans la norme. La formulation «indépendamment de sa quantité» permet aux autorités douanières de séquestrer tout matériel de propagande incitant à la violence. Le matériel sera ensuite remis à l'Office fédéral de la police (voir aussi l'al. 2).

La propagande, considérée au sens large, est l'action exercée sur un nombre de personnes plus ou moins important dans le but de les amener à s'engager contre d'autres personnes ou groupes de personnes. Sur le plan objectif, la propagande comprise au sens étroit du terme a été définie par la doctrine et la jurisprudence suisses en relation avec l'art. 275bis CP comme un «comportement de communication» (ATF 68 IV 147 ss). Il s'agit par exemple de la tenue de conférences, du prêt ou de la distribution de textes ou encore de l'exposition de photos. Sur le plan subjectif, il faut non seulement que l'auteur ait conscience que son action sera perçue, mais encore qu'il ait l'intention de gagner des adeptes ou de renforcer leurs convictions. A ce titre, il importe peu que la propagande s'adresse à une ou à plusieurs personnes. La propagande implique toujours une composante
publique.

Conformément à l'al. 2, l'Office fédéral de la police se prononcera, par décision, sur le séquestre ou la restitution des objets, ce qui garantit une exécution unifiée dans toute la Suisse.

Il sera possible de déposer un recours contre une saisie auprès du DFJP. Les recours seront traités conformément aux dispositions générales de la procédure fédérale.

L'exception prévue à l'art. 100, al. 1, let. a, de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ; RS 173.110) sera interprétée de manière plus restrictive après l'entrée en vigueur de l'art. 29a Cst. (réforme de la justice). Le Tribunal administratif fédéral sera compétent dès le 1er janvier 2007.

5299

Il n'est pas nécessaire de modifier la loi fédérale du 1er octobre 1925 sur les douanes, le nouvel art. 13a étant suffisant pour permettre aux douanes et au Corps des gardes-frontière d'accomplir leurs activités.

Si, lors de la saisie, on constate qu'une infraction a été commise, l'affaire sera transmise au juge pénal conformément à l'al. 4. Dès lors, la procédure pénale primera la confiscation administrative.

L'al. 5 décrit les possibilités d'action dont dispose l'office fédéral compétent en cas de diffusion de matériel de propagande par le biais d'Internet. Si une poursuite judiciaire en Suisse est possible (le serveur se trouve en Suisse ou le siège du fournisseur qui héberge le site incriminé ou du fournisseur de son contenu est en Suisse), la suppression du site concerné peut être ordonnée. Si ce n'est pas le cas, l'office fédéral peut uniquement recommander aux fournisseurs d'accès suisses de bloquer les contenus incriminés.

Section 5a

Mesures contre la violence lors de manifestations sportives

Afin de conserver la systématique de la LMSI, les mesures visant à protéger les manifestations sportives sont regroupées dans une nouvelle section.

Art. 24a A l'al. 1, par «afficher un comportement violent», on entend aussi bien le comportement violent d'une seule personne que la violence émanant de plusieurs personnes.

Il s'agit essentiellement des actes de violence organisés et de ceux commis par des groupes. Les détails seront réglés par voie d'ordonnance.

La banque de données sera tenue par l'Office fédéral de la police afin d'assurer une coordination au niveau national. Elle sera gérée séparément du système de traitement des données relatives à la protection de l'Etat (ISIS).

L'al. 2 inclut aussi bien les mesures de droit civil, comme les interdictions de stade, que les mesures de droit public de la Confédération et des cantons. Les données seront enregistrées lorsque la mesure pourra être justifiée, par exemple sur la base d'enregistrements vidéo ou de déclarations de témoins. En vertu de la let. c, les données seront enregistrées dans la banque de données, par exemple lorsque le motif de la mesure pourra être établi a posteriori. A cela s'ajoutent les informations de l'étranger que l'office fédéral reçoit dans le cadre d'autres tâches relevant de la LMSI. Ces informations portent par exemple sur des interdictions de pénétrer dans des locaux ou des stades, pour lesquelles une plainte n'a pas encore été déposée ou qui ne sont pas encore connues des autorités judiciaires. L'ordonnance d'exécution réglera la question du traitement des données.

L'al. 3 définit dans le détail les données qui seront saisies. L'ordonnance devra préciser dans quelle mesure les données saisies par l'Observatoire suisse du hooliganisme jusqu'à l'entrée en vigueur du présent projet doivent être reprises dans la banque de données sur le hooliganisme. Les dispositions transitoires relatives à l'utilisation des données collectées sur la base des mesures temporaires figureront dans l'ordonnance. Le «flux de travail» de la banque de données sera réglé dans l'ordonnance. L'Observatoire suisse du hooliganisme aura accès à la banque de données. Seules les personnes qui sont à l'origine d'actes de violence y seront enregistrées. Par «organisations», on entend les groupes enclins à la violence. La notion d'«événements» se réfère ici au lieu et aux circonstances du recours à la violence.

5300

L'al. 4 garantit la transmission des données nécessaires.

Al. 5: En ce qui concerne les données sensibles, l'art. 15, al. 2, LMSI est applicable.

Toutefois, sur proposition du Préposé fédéral à la protection des données, une formulation de l'art. 17, al. 2, let. a, de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD; RS 235.1) a été explicitement reprise.

L'al. 6 est calqué sur l'art. 15, al. 1, LMSI et doit être mis en oeuvre par le Conseil fédéral sur la base des dispositions de l'ordonnance du 30 novembre 2001 sur le système de traitement des données relatives à la protection de l'Etat (Ordonnance ISIS; RS 120.3). Les informations fausses ou devenues inutiles, telles que des dénonciations pénales ayant conduit à un acquittement, seront effacées de la banque de données. Conformément à l'al. 4, elles doivent être transmises à l'office fédéral.

Les détails seront réglés par voie d'ordonnance L'al. 7 est formulé sur le modèle de l'art. 15, al. 3, LMSI. La procédure pour la conservation et l'effacement des données et pour l'accès à celles-ci doit aussi être mise en oeuvre au niveau de l'ordonnance.

Conformément à l'al. 8, les organisateurs ne pourront communiquer les données personnelles enregistrées dans la banque de données que dans le cadre de l'exécution des mesures de sûreté; pensons par exemple aux services de sécurité qui effectuent des contrôles d'accès. Les données ne seront communiquées aux organisateurs que pour certaines manifestations sportives (précisées à l'avance) et devront être détruites après la manifestation.

La communication de données personnelles à l'étranger ne devra être possible que dans un cadre très strict, car elles proviendront en partie d'appréciations ou de décisions de particuliers. L'al. 9 règle cette contrainte. La règle de l'échange de données répond aux objectifs de la Convention européenne du 19 août 1985 sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football (art. 3, par. 1, let. b, en relation avec l'art. 3, par. 4, let. d, de la convention). La garantie de la protection des sources se réfère aux informations récoltées en Suisse.

Relevons que les données relatives aux personnes qui ont déjà commis un acte punissable ou qui appartiennent à la mouvance de l'extrémisme violent
peuvent être transmises à l'étranger au titre de l'échange d'informations de police prévu dans le cadre de l'entraide administrative, en application de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (loi sur l'entraide pénale internationale; EIMP; RS 351.1) et de l'art. 17, al. 3, LMSI.

L'al. 10 prévoit que le droit d'être renseigné sur des données figurant dans la banque de données s'exerce selon les dispositions de la LPD.

Art. 24b

Interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé

Une interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé ne pourra être ordonnée que si la personne concernée a pris part de façon avérée à des actes de violence. Ce sont généralement les agents de police, les responsables des supporters des clubs sportifs ou le personnel chargé de la sécurité des stades qui en fourniront la preuve, ou bien celle-ci sera apportée par les photos ou les enregistrements vidéo. Il ne sera pas nécessaire d'apporter une preuve formelle relevant de la procédure pénale.

Lorsqu'une plainte pénale sera déposée, les autorités de poursuite pénale administre-

5301

ront les preuves indépendamment de ces déclarations ou de ces enregistrements; les résultats de leurs recherches seront, bien entendu, pris en considération (al. 1).

Les autorités cantonales pourront vérifier les interdictions de stade qui auront déjà été prononcées par les responsables de stade ou par la fédération de football ou celle de hockey sur glace. Une personne pourra être frappée d'une interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé seulement lorsque la preuve aura été apportée que la mesure prise à son encontre résulte d'un acte de violence. La formulation «participation à des actes de violence» inclut aussi les éléments constitutifs de l'infraction d'émeute (art. 260 CP). Les conditions relatives à l'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé seront précisées dans l'ordonnance.

Dans la pratique, l'interdiction pourra par exemple s'étendre aux stades de football qui accueillent des rencontres de la Super League et de la Challenge League, à tous les sites où des matches de hockey sur glace ou de football peuvent avoir lieu, ou encore, aux localités qui accueillent d'autres événements sportifs. La possibilité de définir au cas par cas le champ d'application de la mesure dans l'espace et dans le temps garantira sa proportionnalité à la situation. Par ailleurs, on tiendra ainsi compte du fait que le phénomène de la violence ne se limite pas au football et au hockey sur glace, mais qu'il peut aussi apparaître dans d'autres sports; le phénomène semblerait contaminer par exemple les matches de basket-ball.

Conformément au but visé par la mesure, l'interdiction prendra effet seulement lorsque des manifestations sportives auront lieu aux endroits indiqués. Dès lors, les personnes frappées d'une interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé pourront malgré tout se rendre à des concerts ou à des expositions dans des stades polyvalents.

Les autorités cantonales définiront, pour chaque stade ou pour chaque endroit où la manifestation sportive est prévue, la zone géographique interdite (périmètre). Cette interdiction ne devra inclure que la zone accessible au public à l'intérieur du périmètre interdit et devra être définie de sorte à englober les lieux (cafés) situés à proximité des stades où les supporters enclins à la violence se rassemblent. En revanche, les piscines ou
hôpitaux publics, par exemple, ne devront pas faire partie d'un périmètre interdit. En effet, si tel était le cas, la limitation de la liberté de mouvement de la personne frappée de l'interdiction ne serait pas proportionnée au but visé par la mesure.

La décision arrêtant l'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé devra être accompagnée d'un plan indiquant les différents périmètres interdits. Ainsi, la personne visée pourra clairement voir sur le plan les zones dans lesquelles elle ne devra pas pénétrer lors de manifestations sportives.

La durée de l'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé dépendra de la gravité de l'acte violent commis et des circonstances précises. Ainsi, les meneurs qui déclenchent des bagarres devront être tenus plus longtemps à l'écart des stades que les «suiveurs». L'al. 2 prévoit donc une durée d'interdiction variable, mais d'un an au maximum. Cette mesure permettra en général de couvrir toute une saison sportive.

Selon les experts de l'Observatoire suisse du hooliganisme, les cantons réagissent différemment envers les personnes domiciliées sur leur territoire qui commettent des actes de vandalisme lorsque leur équipe sportive joue à l'extérieur. Pour parer à ces différences de traitement, l'al. 3 précise que les cantons ayant subi les actes de 5302

violence des hooligans pourront aussi prononcer des interdictions de pénétrer dans un périmètre déterminé à l'encontre d'auteurs de violence non domiciliés dans leur canton. Afin de prévenir les conflits de compétence, la loi précise que la décision de l'autorité du canton dans lequel l'acte de violence a été commis primera. Grâce à la banque de données sur le hooliganisme, le canton de domicile des personnes visées sera automatiquement informé des mesures décrétées par un autre canton.

L'ordonnance réglera dans le détail l'organisation et la gestion des interdictions de pénétrer dans un périmètre déterminé.

Art. 24c

Interdiction de se rendre dans un pays déterminé

En vertu de leur devoir de respect mutuel découlant du droit international public, les Etats sont tenus d'empêcher leurs ressortissants de troubler l'ordre à l'étranger. En outre, les Etats doivent prévenir les actes de violence des particuliers domiciliés en Suisse pouvant avoir des effets négatifs pour les Etats voisins. Il existe des cas concrets de hooligans connus pour ne jamais faire usage de la violence en Suisse, mais pour, par contre, en faire régulièrement usage à l'étranger. Ainsi, la Suisse a l'obligation, conformément au droit international public, de mettre en place des mesures appropriées visant à empêcher les hooligans de quitter le pays s'ils s'apprêtent à participer à des manifestations sportives à l'étranger au risque d'y compromettre la sécurité publique.

De même, les Etats étrangers ont l'obligation de prendre des mesures visant à empêcher les hooligans domiciliés dans leur pays de se rendre en Suisse pour y troubler l'ordre public. La Grande-Bretagne ou l'Allemagne, par exemple, qui doivent faire face à un nombre élevé de hooligans, appliquent depuis longtemps avec succès des mesures visant à limiter, voire à interdire le départ des hooligans. Par ailleurs, les autorités suisses ont la possibilité de demander, avant les grands événements sportifs internationaux, les listes recensant les hooligans étrangers notoires. L'office fédéral peut alors prononcer à leur encontre une interdiction d'entrée conformément à l'art. 13 de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20). Les hooligans étrangers interceptés en Suisse sans permis de séjour peuvent être renvoyés de manière informelle et ainsi être rapidement expulsés du pays (art. 12 LSEE en relation avec l'art. 17, al. 1, du règlement d'exécution de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers; RSEE; RS 142.201).

La mesure est aussi applicable aux ressortissants des Etats membres de l'Union européenne disposant d'un droit de séjour en Suisse. Aux termes de l'art. 5 de l'annexe 1 de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (RS 0.142.112.681), la libre circulation des personnes peut être limitée en vue de protéger l'ordrepublic, la
sécurité publique et la santé publique. La jurisprudence de la Cour européenne de justice4 précise que des mesures préventives contre les hooligans et les manifestants violents sont aussi applicables, même si ceux-ci n'ont pas encore commis d'actes punissables, mais représentent un danger suffisant, concret et sérieux pour l'ordre et la sécurité publics (cf. aussi les explications sous le ch. 5.3).

4

Décisions de la Cour européenne de justice du 4.12.1974 Rs 41/74, van Duyn et du 27.10. 1977 Rs 30/77, Bouchereau.

5303

L'al. 1 règle les conditions et l'effet de l'interdiction de se rendre dans un pays déterminé, qui sera prononcée dans la perspective d'événements sportifs organisés à l'étranger. Pour ordonner cette mesure, il faudra que la personne visée soit déjà l'objet d'une interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé (let. a) et que tout porte à croire qu'elle participera à des actes de violence lors d'une manifestation sportive précise si elle est autorisée à se rendre dans le pays en question (let. b). On parvient à cette forte présomption lorsqu'il est peu raisonnable de supposer que la personne se comportera pacifiquement. Pour qu'une interdiction de se rendre dans un pays déterminé soit prononcée, il suffira que les éléments suivants soient réunis: participation à des actes de violence en Suisse et appartenance à un groupe de supporters qui a déjà fait parler de lui à plusieurs reprises pour avoir commis des actes de violence et qui envisage, selon les policiers spécialistes de ces milieux, de se rendre à des manifestations sportives à l'étranger.

Aux termes de l'al. 2, les personnes qui envisageront de se rendre à des manifestations sportives à l'étranger pour y commettre, de toute évidence, des actes de violence pourront aussi, à titre exceptionnel, se voir interdire de quitter la Suisse, sans être frappées d'une interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé. Dans un tel cas, la mesure sera prononcée sur la base des faits récents et concrets concernant ces personnes, qui peuvent émaner de services étrangers ou de policiers connaisseurs de ces milieux. Toutefois, il faudra que la personne visée ait exprimé son intention de se rendre à l'étranger pour assister à un événement sportif précis.

Selon l'al. 3, la durée maximale d'une interdiction de se rendre dans un pays déterminé est limitée, ce qui garantit le respect du principe de proportionnalité. En effet, la restriction de la liberté de mouvement ne peut durer que le temps absolument nécessaire pour empêcher la personne visée de participer à des actes de violence dans le cadre d'un événement sportif précis. Dans ce contexte, la durée de la manifestation sportive ne se limite pas à la durée nette d'un match, mais comprend aussi les activités se déroulant en marge de la manifestation (ovations des vainqueurs, réceptions publiques,
tournois complets).

Si les documents de voyage de la personne frappée d'une interdiction de se rendre dans un pays déterminé laissent supposer qu'elle entend se rendre dans le pays où la manifestation sportive a lieu en passant par un pays tiers, l'entrée dans le pays tiers pourra lui être refusée au poste-frontière (al. 4). La mesure inclut donc non seulement le franchissement direct de la frontière entre la Suisse et le pays concerné (pays de destination), mais aussi tout départ de la Suisse dans le but de gagner le pays de destination en passant par un autre pays.

L'interdiction de se rendre dans un pays déterminé ne sera pas inscrite dans le document de voyage. En effet, cette procédure serait trop complexe et la mesure pourrait être contournée de diverses manières. Il n'apparaît pas non plus nécessaire de confisquer les documents de voyage de la personne visée pour la durée de l'interdiction de se rendre dans un pays déterminé, car elle ne pourrait alors pas non plus se rendre dans d'autres pays, de sorte que cette mesure ne serait pas proportionnée au but visé.

Dès lors, la mesure sera prononcée par l'office fédéral sous la forme d'une décision écrite (al. 5). L'interdiction de se rendre dans un pays déterminé sera communiquée aux autorités douanières ainsi qu'aux autorités du pays dans lequel la manifestation sportive aura lieu. L'art. 17, al. 3, LMSI, constitue la base légale pour la communication des données (cf. art. 24a, al. 9).

5304

Conformément à l'al. 6, l'une des conditions préalables à l'exécution d'une interdiction de se rendre dans un pays déterminé est son inscription dans le système de recherche informatisé de police (RIPOL). Etant donné que le Corps des gardesfrontière consulte régulièrement ce système, les chances d'identifier des hooligans recherchés lorsqu'ils entrent dans le pays ou le quittent sont plus grandes que si les autorités douanières disposaient uniquement d'un droit d'accès à la banque de données sur le hooliganisme (cf. art. 24a, al. 7).

La décision par laquelle l'autorité informe une personne qu'elle est frappée d'une interdiction de se rendre dans un pays déterminé devra clairement spécifier que les données la concernant sont communiquées aux douanes et aux autorités étrangères.

Cette obligation relève du droit sur la protection des données. Par ailleurs, la mesure n'a un effet préventif que si la personne visée sait qu'elle risque d'être identifiée aussi bien lors du franchissement de la frontière que dans le pays de destination.

Les expériences faites à l'étranger montrent que la mesure a un double effet préventif: premièrement, la personne frappée d'une interdiction de se rendre dans un pays déterminé renonce, en général, à quitter le pays en raison de la peine encourue et, deuxièmement, si la personne décide néanmoins de se rendre à l'étranger, il y aura de fortes chances qu'elle s'y comporte plutôt discrètement afin d'éviter toute confrontation avec les autorités du pays. Dès lors, elle renoncera généralement à participer aux débordements: l'objectif initial de la mesure est donc atteint.

Art. 24d

Obligation de se présenter à la police

Contrairement à l'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé (art. 24b) et à l'interdiction de se rendre dans un pays déterminé (art. 24c), qui sont donc des interdictions, l'obligation de se présenter à la police est une injonction. Ainsi, si une personne n'a pas respecté l'une des deux mesures impliquant une interdiction, elle sera sanctionnée et devra se présenter à un poste de police précis à des heures indiquées. La mesure vise ainsi à empêcher la personne de participer à des débordements dans le cadre de manifestations sportives.

La personne visée étant tenue de se présenter à un endroit et à une heure précis, il est facile de vérifier si elle a respecté ou non cette obligation et d'en apporter la preuve.

Notons que cette mesure est appliquée avec succès dans plusieurs pays européens (Allemagne, Grande-Bretagne, Belgique, Pologne, Italie).

Les obligations de se présenter à la police visent les personnes pour lesquelles il aura été prouvé que des mesures moins strictes sont inefficaces (al. 1, let. a). Ces personnes seront alors contraintes de se présenter à un poste de police précis à des heures données, le jour de la manifestation sportive. De surcroît, les horaires devront être choisis de sorte à empêcher la personne de prendre part aux débordements pouvant avoir lieu avant ou après l'événement sportif. A ce titre, les expériences faites par les autorités allemandes montrent qu'il est judicieux de prévoir deux horaires, l'un juste avant, l'autre juste après l'événement sportif concerné.

Les conditions visées aux let. a à c tiennent compte du fait que toute restriction d'un droit fondamental doit être proportionnée au but visé. Ainsi, une obligation de se présenter à la police ne pourra être prononcée que lorsqu'une interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé ou une interdiction de se rendre dans un pays déterminé ne suffiront pas à empêcher une personne de commettre des actes de violence. En outre, il sera possible de prononcer une obligation de se présenter à la 5305

police comme première mesure, ou en association avec les mesures prévues aux art. 24b et 24c, mais seulement lorsque la mesure la moins stricte s'avérera dès le départ inutile, si par exemple une personne annonce d'emblée qu'elle ne la respectera pas (let. b).

Au demeurant, des exceptions aux conditions visées à la let. a seront possibles lorsque l'obligation de se présenter à la police semblera être une mesure moins contraignante pour la liberté de mouvement de la personne visée (let. c). C'est le cas, par exemple, lorsque la personne travaille à l'étranger et qu'une interdiction de se rendre dans un pays déterminé l'empêcherait de se rendre à son lieu de travail.

La liberté de mouvement de la personne frappée d'une obligation de se présenter à la police ne devra pas être réduite plus que la mesure ne le justifie. Ainsi, le lieu où la personne travaille ou celui où elle passe ses week-ends pourra être désigné comme lieu où la personne doit se présenter, pour autant que l'efficacité de la mesure ne soit pas remise en cause (al. 2).

L'Observatoire suisse du hooliganisme disposera d'un droit de demander l'émission d'obligations de se présenter, car il aura une meilleure vue d'ensemble de la situation nationale (al. 3).

Les personnes frappées d'une mesure qui feront valoir que, sans le vouloir, elles ont omis de se présenter à la police, devront être en mesure de prouver ce qu'elles prétendent. La décision devra clairement mentionner que si la personne ne peut pas se soumettre à la mesure, elle devra immédiatement en informer le poste de police où elle doit se présenter, de quelque manière que ce soit. Il reviendra au Conseil fédéral de régler les détails, afin que cette possibilité de contourner la mesure ne remette pas en cause son efficacité.

Art. 24e

Garde à vue

Les motifs pour lesquels il est possible de prononcer une privation de liberté sont mentionnés de manière exhaustive dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH; RS 0.101).

Ainsi, en vertu de l'art. 5, par. 1, let. b, CEDH, il est possible, selon les voies légales, de priver une personne de sa liberté en vue de garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi. Cela n'est toutefois possible que si des éléments concrets indiquent qu'un acte délictueux pour-rait être commis (al. 1) et si la mesure est limitée dans le temps (al. 2). La norme proposée répond à ces conditions et est par conséquent conforme à la CEDH.

La garde à vue porte une sérieuse atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10, al. 2, et art. 31 Cst.). De ce fait, cette mesure est prévue comme l'ultima ratio pour écarter les risques de violence lors de manifestations sportives. Conformément à l'al. 1, elle ne sera autorisée que si les mesures moins dures n'ont pas produit l'effet escompté (let. b) et si des éléments concrets indiquent que la personne entend participer à des débordements lors d'événements sportifs (let. a). La privation de liberté ne pourra être ordonnée que si l'on s'attend à ce que des actes de violence graves soient commis. Or cette condition n'est pas remplie à chaque fois que des dommages matériels pourraient être causés. En revanche, la mesure pourra être prononcée dans tous les cas où l'on s'attend à ce que des dommages corporels, graves comme mineurs, soient commis. En général, les personnes concernées sont connues de la police pour être enclines à la violence. En outre, la garde à vue ne sera applicable 5306

que pour les manifestations sportives qui attirent un nombre élevé de spectateurs, comme cela est le cas lors d'événements nationaux ou internationaux. En effet, en termes de sécurité, ces grands événements présentent un risque plus important que les manifestations régionales et nécessitent une prévention en conséquence pour parer au phénomène de la violence. Par manifestations nationales, on entend, pour le football par exemple, toutes les rencontres organisées au niveau national, comme les matches de la Super League, de la Challenge League, de la première ligue et de coupe.

La garde à vue ne devra durer que le temps nécessaire pour empêcher les auteurs d'actes de violence récalcitrants de participer à des débordements lors de certaines manifestations sportives. En tout état de cause, une privation de liberté plus longue que nécessaire ne serait pas proportionnée au but visé (al. 2).

La garde à vue devra être organisée, dans la mesure du possible, dans un souci d'efficacité et eu égard à la situation de la personne visée (al. 3). Ainsi, s'il n'y a pas de poste de police au lieu de domicile de la personne, cette dernière devra se présenter au poste de police le plus proche.

La police pourra amener la personne visée au poste de police si elle ne s'y est pas présentée d'elle-même (al. 4). Cette mise en demeure vise à renforcer l'effet préventif général de la mesure et à en faciliter l'exécution.

Dans tous les cas, la personne pourra demander qu'un juge vérifie si la privation de liberté est conforme à la loi (al. 5). Cette disposition est par conséquent moins restrictive que les dispositions cantonales correspondantes relatives à la garde à vue, qui ne prévoient pas de vérification par un juge (cf. p. ex. le par. 16 de la loi lucernoise sur la police cantonale; SRL n° 350) Art. 24f

Age minimum

D'après l'évaluation des experts de l'Observatoire suisse du hooliganisme, les hooligans violents sont généralement âgés de plus de 15 ans. La pratique policière montre toutefois que, parmi les personnes qui commettent des actes de vandalisme et des dommages matériels dans le cadre de déborde-ments liés à des événements sportifs, on trouve aussi quelques jeunes de moins de 15 ans.. Fort de ce constat, le Conseil fédéral a donc abaissé à 12 ans la limite d'âge initialement prévue à 15 ans dans le projet de consulta-tion. La limite d'âge est fixée à 15 ans uniquement pour la garde à vue, qui représente la mesure la plus sévère. La majorité pénale de 18 ans n'a pas été retenue, car, si tel avait été le cas, les hooligans plus jeunes, qui disposent parfois d'un fort potentiel de violence, n'auraient pas été touchés par les mesures.

Art. 24g

Effet suspensif

Même si la personne visée fait valoir son droit de recours, les mesures ordonnées conserveront en principe leur force exécutoire; ainsi, leur effet ne pourra être réduit à néant. Afin que la mesure prononcée en vue de protéger les spectateurs pacifiques ne soit pas vaine, l'effet suspensif ne doit pouvoir être accordé que lorsqu'il est possible de garantir que le but visé par la mesure ne sera pas pour autant remis en question.

5307

Art. 24h

Compétence et procédure

L'al. 2 fait référence à la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP. Lorsqu'une mesure sera ordonnée, la sanction prévue devra figurer dans la décision. Les suites juridiques prévues en cas d'infraction aux mesures visées par les art. 24b à 24e seront les mêmes, à savoir les arrêts ou l'amende. Cela dit, la révision du CP5 vise à limiter les peines d'arrêt de courte durée, ce qui signifie que la sanction prononcée sera l'amende. En revanche, avec l'entrée en vigueur de la révision du droit pénal (le 1er janvier 2007 au plus tôt), le montant maximum de l'amende passera de 5000 (art. 106, al. 1, CP) à 10 000 francs (même disposition du nouveau CP). De plus, le juge pourra prononcer dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, l'amende n'est pas payée, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus (art. 106, al. 2, nouveau CP). En outre, l'amende et la peine privative de liberté de substitution seront fixées en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (art. 106, al. 3, nouveau CP).

Les communications des cantons (al. 3) sont la condition pratique à l'intégration des mesures ordonnées dans la banque de données selon l'art. 24a. Les cantons chargés de l'exécution des mesures auront accès aux données y figurant (cf. art. 24a, al. 7) et pourront donc toujours savoir quelles sont les personnes frappées d'une mesure et quelle est celle-ci. Par ailleurs, l'office fédéral devra être immédiatement informé lorsque des mesures auront été violées. Ces violations seront saisies dans la banque de données et serviront de base aux futures évaluations de risques individuelles.

L'office fédéral établira un plan des périmètres définis par les cantons (let. c) et l'actualisera en cas de besoin.

3

Conséquences

Il existe déjà plusieurs institutions actives dans la prévention du hooliganisme et de la propagande incitant à la violence et dans la lutte contre ces phénomènes aux échelons cantonal et fédéral.

Les mesures préventives prévues dans le projet de loi seront exécutées en premier lieu par les cantons. La Confédération aura quant à elle la compétence de prononcer des interdictions de se rendre dans un pays déterminé.

3.1

Conséquences pour la Confédération

Grâce à la banque de données sur le hooliganisme, la charge de travail des cantons, qui gèrent l'Observatoire du hooliganisme, sera allégée et ils seront soutenus par la Confédération. Ainsi, la création de cette banque de données servira en premier lieu les cantons. Notons par ailleurs qu'il est dans l'intérêt de la Confédération de mettre en place une banque de données sur le hooliganisme, qui lui permettra de mener à bien la coopération internationale dans la lutte contre ce phénomène. Et c'est précisément dans la perspective de manifestations sportives d'envergure internationale,

5

Modification du code pénal du 13 décembre 2002, FF 2002 7658

5308

comme l'EURO 2008, qu'une telle banque de données révélera toute son importance.

On estime que quelque 2,4 millions de francs (coûts uniques) seront nécessaires à la réalisation d'une banque de données sur le hooliganisme, tandis que l'on estime pour l'heure à environ 360 000 francs (sans les amortissements ni les intérêts) le montant annuel des frais qui s'ensuivront. Ces estimations ont été effectuées sur la base de projets comparables, déjà réalisés ou en phase de développement. Les mesures de droit administratif qu'il est prévu d'introduire dans la LMSI n'auront que très peu d'effets sur l'état du personnel à l'échelon fédéral. Un total de quatre policiers et juristes devraient en effet suffire. Le DFJP a déjà pris les dispositions nécessaires.

Pour la Confédération, les décisions d'interdiction de se rendre dans un pays déterminé (art. 24c) et leur exécution, d'une part, et l'enregistrement des mesures prononcées dans la banque de données en vertu de l'art. 24a, d'autre part, ne représenteront qu'une faible augmentation des frais.

Les mesures de droit administratif qu'il est prévu d'introduire dans la LMSI pour lutter contre la propagande incitant à la violence n'auront que très peu d'effets sur l'état du personnel à l'échelon fédéral. Les effets sont d'ordre mineur pour les autorités douanières, qui exécutent aujourd'hui déjà le contrôle du fret. Une éventuelle charge de travail supplémentaire au sein du DFJP pourra être compensée à l'interne.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Les mesures préventives prévues dans la solution fédérale allégeront dans l'ensemble la charge de travail des cantons, notamment à moyen et à long termes. Il n'est toutefois pas possible de chiffrer cet allègement. En outre, en raison de leur effet préventif général, les nouvelles mesures contre la violence amélioreront à long terme non seulement le côté matériel, mais aussi et surtout l'aspect politique. De ce fait, les autorités de poursuite pénale cantonales ne devraient subir une charge de travail supplémentaire qu'à court et moyen termes.

L'Office fédéral de la police estime à environ 400 le nombre de personnes qui provoquent, de manière ciblée, des débordements lors de matches de football et de hockey sur glace. Il s'agit là du nombre de personnes actuellement frappées d'une interdiction de stade. Par ailleurs, le nombre de personnes qui participent occasionnellement à des débordements se porterait à environ 600. Dès lors, les cantons ne devraient avoir à ordonner qu'un nombre restreint de mesures.

La charge qui incombera aux autorités et, notamment, à celles des cantons pour l'exécution des nouvelles mesures sera, selon les estimations, proportionnelle à celle occasionnée aujourd'hui par les actions des auteurs de violence lors de manifestations sportives (engagements policiers, dommages matériels, lésions corporelles et leurs conséquences, etc.).

3.3

Conséquences économiques

Les mesures contre la violence lors de manifestations sportives, ainsi que celles visant la propagande incitant à la violence n'auront pas de répercussions notables sur l'économie. Les commerces se trouvant à proximité des stades où se jouent les 5309

grandes compétitions nationales (Bâle, Zurich, Berne, Lucerne, Genève) pourront néanmoins compter avec une diminution des dommages à la propriété et ainsi réaliser des économies.

4

Liens avec le programme de la législature et le plan financier

Le projet est annoncé dans le Rapport du 25 février 2004 sur le Programme de la législature 2003­2007 (FF 2004 1073, ch. 6.3.2). Il n'apparaît pas spécifiquement dans le plan financier de la législature. Les répercussions financières sur la Confédération sont relativement faibles.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

Le message que vous avez sous les yeux présente le projet de révision de la LMSI.

Cette loi se fonde sur la compétence de la Confédération en matière de maintien de la sûreté intérieure et de la sûreté extérieure, une compétence qui lui permet d'adopter les mesures nécessaires en vue d'assurer sa propre protection ainsi que celle de ses institutions et organes. Cette compétence trouve son fondement dans l'existence même de la collectivité suisse.

Certaines des modifications présentées ici dépassent peut-être le cadre de la compétence constitutionnelle de la Confédération en matière de maintien de la sûreté intérieure et de la sûreté extérieure. Il s'agit donc de vérifier l'existence d'un fondement constitutionnel pour chacune des mesures envisagées.

L'art. 13a réglemente la saisie, le séquestre et la confiscation de matériel de propagande incitant à la violence. Cette disposition de droit administratif permet la mise sous séquestre de matériel de ce type sans même qu'une décision pénale ait été prise.

Elle rejoint le but et les tâches fixés dans la LMSI en vigueur. Il s'agit en l'occurrence de prendre des mesures préventives en vue d'assurer le respect des fondements démocratiques et constitutionnels de la Suisse ainsi que de protéger les libertés de sa population. Le fondement constitutionnel de cette mesure se trouve, comme c'est le cas pour les dispositions en vigueur de la LMSI, dans la compétence de la Confédération de préserver la sûreté intérieure et la sûreté extérieure.

Le système d'information électronique prévu à l'art. 24a contiendra les données relatives à des personnes ayant affiché par le passé un comportement violent lors de manifestations sportives et qui représentent de ce fait un risque potentiel pour la sécurité. Le système d'information doit permettre aux autorités chargées de l'application de la loi de mettre en oeuvre les mesures permettant de prévenir les actes de violence lors de manifestations sportives. Dès lors, il est crucial que les données soient saisies de manière centralisée et selon des critères uniformes. Il en découle des besoins accrus en matière de coordination. La compétence nécessaire pour ce faire peut procéder de l'art. 57, al. 2, Cst. Cette disposition exige des cantons qu'ils coordonnent leurs activités si besoin est, et reconnaît une compétence de
coordination à la Confédération lorsque tant les intérêts des cantons que ceux de la Confédération entrent en jeu. Si, dans le domaine de la sûreté intérieure, des intérêts 5310

fédéraux spécifiques ou des besoins de coordination au niveau national sont en présence, la Confédération a une compétence de coordination qui se fonde sur l'art. 57, al. 2, Cst. La mise sur pied du système d'information national en vertu de l'art. 24a peut donc se fonder sur l'art. 57, al. 2, Cst.

L'art. 24c prévoit la possibilité d'interdire à une personne de se rendre dans un pays déterminé pendant une période précise. Il s'agit d'éviter ainsi que des personnes interdites de stade en Suisse pour des raisons de sécurité ne puissent faire usage de violence lors de manifestations sportives à l'étranger. Cette mesure se fonde sur le devoir de respect, qui découle du droit international public, et qui oblige les Etats à empêcher toute répercussion négative par-delà les frontières. L'art. 54 Cst. attribue la responsabilité des affaires étrangères à la Confédération. Cette mesure de sécurité, qui est liée à la politique étrangère, peut par conséquent se fonder sur l'art. 54, al. 1, Cst.

Les art. 24b, 24d et 24e prévoient des mesures préventives à mettre en oeuvre «par paliers»: l'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé, l'obligation de se présenter à la police et la garde à vue. Il n'y a aucune contestation quant à l'existence d'une base constitutionnelle pour ces trois mesures.

Il ne fait aucun doute que le hooliganisme, qui a désormais également sa composante politique, est un phénomène à prendre au sérieux, qui peut perturber gravement l'ordre public. Il convient néanmoins de s'interroger: les tapages, les violences et les débordements, même s'ils ont lieu à l'occasion de grandes manifestations sportives, menacent-ils réellement l'Etat dans son existence-même et sont-ils en mesure de mettre gravement en danger ses organes et ses institutions? Si l'on se fonde sur la doctrine dominante, il apparaît que la compétence confiée à la Confédération dans le domaine de la sécurité ne lui permet pas d'édicter des dispositions relatives à des mesures préventives dirigées contre des personnes violentes issues des milieux hooligans. La question de savoir si la Confédération pourrait édicter de telles mesures en se fondant sur la compétence de coordination qui lui est attribuée en vertu de l'art. 57, al. 2, Cst. est également sujette à controverse. Cette compétence ne peut être invoquée que s'il
existe des intérêts fédéraux spécifiques ou des besoins de coordination au niveau national. Les excès de violence à l'occasion d'événements relayés par les médias pourraient ternir la réputation de la Suisse, un risque qui se verrait passagèrement accru pendant la durée de l'EURO 2008. On ne saurait par conséquent nier qu'il existe un besoin de coordination en la matière. A cela, on pourrait arguer que la collaboration intercantonale pourrait suffire à y remédier, mais notons à cet égard que le hooliganisme ne s'arrête pas aux frontières cantonales et nécessite une coordination qui aille au-delà de celles-ci. Il se pourrait en effet que le canton concerné ne soit pas toujours en mesure d'assurer le niveau de sécurité nécessaire et de contenir, voire d'empêcher les débordements violents des hooligans s'il était confronté à une multiplication des manifestations sportives à caractère international auxquelles participent de nombreux étrangers, et ce même s'il était assuré du soutien d'autres cantons. Dans la mesure en outre où des personnalités que la Suisse doit protéger en vertu du droit international prennent part à ce genre de manifestations, la compétence de la Confédération est fondée.

Lors de la procédure de consultation, presque tous les cantons se sont prononcés en faveur d'une réglementation fédérale pour ces trois mesures. Le temps est source de pression dans la mesure où les bases légales nécessaires pour pouvoir prendre les mesures préventives doivent être disponibles pour l'EURO 2008. Vu les circonstances et la pression du temps, le Conseil fédéral estime que la présente réglementation 5311

au niveau fédéral est défendable. Dans la mesure où la constitutionnalité du projet est controversée, il propose néanmoins de limiter la durée de validité des art. 24b, 24d et 24e à fin 2008.

5.2

Compatibilité avec les droits fondamentaux

Les mesures prévues dans le projet sont constitutionnelles et sont compatibles avec la CEDH.

L'art. 36 Cst. dispose que toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale, doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et doit être proportionnée au but visé. Il précise en outre que l'essence des droits fondamentaux est inviolable. Les restrictions de droits fondamentaux sont permises lorsque les biens juridiques concrets de tiers ou de la communauté sont gravement menacés ou violés.

Les mesures proposées se fondent sur une loi au sens formel, la LMSI. L'intérêt public réside dans la protection de l'intégrité corporelle, de la vie et de la propriété, dans la sécurité publique, en Suisse comme à l'étranger, et dans la prévention de comportements violents de citoyens suisses à l'étranger, lesquels pourraient porter atteinte à la réputation de notre pays.

Il convient de procéder à une pesée des intérêts entre la protection de l'intégrité corporelle, de la vie, de la propriété, de la sécurité et de l'ordre publics ainsi que de la réputation de la Suisse à l'étranger, et les contraintes auxquelles serait soumise la personne concernée par une mesure. La conception «par paliers» des mesures préventives quant à l'intensité de leur atteinte aux droits fondamentaux de la personne concernée doit permettre d'adopter toujours le moyen le plus modéré pour que le but des mesures soit atteint (protection de l'intégrité corporelle, de la vie et de la propriété, sécurité publique). Par ailleurs, les mesures ont une validité géographique et temporelle réduite, si bien que les atteintes aux droits fondamentaux se réduisent au minimum nécessaire. Ainsi, les dispositions proposées relatives aux mesures préventives contre la violence lors de manifestations sportives sont proportionnées.

5.2.1

Restriction des droits fondamentaux par les mesures contre la propagande incitant à la violence

Les mesures proposées contre la propagande incitant à la violence restreignent la liberté d'expression et la liberté d'information. Cette restriction s'explique, non pas par le fait que quelques individus ont des convictions qui ne sont pas socialement acceptables, mais bien par les risques concrets que l'expression et la diffusion de ces idées font courir aux individus et à la sécurité publique. En proposant une telle norme, le législateur, pour sauvegarder les biens juridiques, trace une frontière là où des appels à la violence sont lancés contre certaines personnes ou certains groupes, ou encore contre leur propriété, sous le couvert de la liberté d'expression et de la liberté d'information.

5312

5.2.2

Restriction des droits fondamentaux par les mesures préventives prévues aux art. 24b à 24e

Restriction de la liberté de mouvement L'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé et l'obligation de se présenter à la police restreignent la liberté de mouvement des personnes concernées.

L'intensité de l'atteinte à la liberté de mouvement dépend des circonstances précises et ne peut être jugée que dans un cas d'application concrète. Il est certain par contre que la garde à vue (art. 24e), en tant que privation de liberté, constitue une atteinte grave à la liberté de mouvement (art. 10, al. 2, Cst.). Pour apprécier le caractère légitime des privations de liberté, il convient de toujours tenir compte des garanties offertes par l'art. 5 CEDH (cf. explications au ch. 4 et explications relatives à l'art. 24e).

Restriction de la liberté d'établissement Le protection offerte par l'art. 24, al. 2, Cst. garantit aux citoyens suisses le droit d'entrer librement sur le territoire et d'en sortir. La restriction prévue à l'art. 24c a pour objectif de protéger l'intégrité corporelle, la vie et la propriété à l'étranger ainsi que de sauvegarder la réputation internationale de la Suisse. Cette mesure découle d'un principe de droit international (cf. explications au ch. 3 et explications relatives à l'art. 24c). En général, une interdiction de se rendre dans un pays déterminé constitue une atteinte de moindre importance à la liberté d'établissement, car elle est toujours limitée dans le temps et concerne une destination bien précise.

Aucune restriction de la liberté de réunion Il n'y a dans une manifestation sportive qu'une valeur de divertissement. Il n'y a pas d'objectif de formation de l'opinion dans le fait de suivre ensemble une rencontre sportive. Les rencontres publiques à l'occasion de manifestations sportives n'entrent donc pas dans le domaine protégé de la liberté de réunion.

5.3

Engagements internationaux

La Suisse, qui est partie à différents accords internationaux en faveur des droits de l'homme et à différentes conventions, est tenue de rendre régulièrement compte aux organes de contrôle internationaux de la mise en oeuvre de ses obligations de droit international. Sous cet aspect également, l'approbation du train de mesures proposées constitue une contribution importante à la lutte contre la violence sous toutes ses formes, ce qui est propice à la réputation de la Suisse au plan international.

Mesures contre la propagande incitant à la violence La Suisse a tout intérêt, au vu de ses relations avec l'étranger, et en particulier dans le cadre de la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme et l'extrémisme, à agir contre les activités visibles de propagande d'organisations paraétatiques et de leurs branches.

5313

Mesures contre la violence lors de manifestations sportives Le présent projet de loi est conforme, aussi bien dans ses orientations générales que dans ses dispositions, à la CEDH et au Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte II; RS 0.103.2). Les atteintes au droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH et art. 17 du Pacte II) peuvent être qualifiées de proportionnées; il en va de même pour les restrictions de la liberté de mouvement (art. 12 du Pacte II). Par ailleurs, la garde à vue est conçue de sorte à pouvoir se fonder sur l'un des cas explicitement formulés à l'art. 5, par. 1, CEDH.

Dans les mesures proposées (interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé, obligation de se présenter à la police, garde à vue), il convient de tenir compte des dispositions de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (RS 0.142.112.681). Les mesures proposées sont en effet de nature à restreindre les droits de libre circulation des personnes favorisées par l'accord (en particulier les citoyens de l'UE justifiant d'une autorisation de séjour en Suisse). Il n'y a violation de cet accord que si les mesures concernées ne peuvent être justifiées par des intérêts supérieurs d'ordre général et si elles sont disproportionnées. Selon l'art. 5 de l'annexe I de l'accord, les droits de libre circulation peuvent notamment être limités par des mesures justifiées par des raisons d'ordre et de sécurité publics. C'est le cas, au regard de la jurisprudence de la Cour européenne de justice6, lorsque les mesures proposées à l'encontre des hooligans et des manifestants violents sont non discriminatoires, se fondent uniquement sur le comportement concret de la personne concernée et permettent, dans chaque cas individuel, de juger si la sécurité et l'ordre publics sont menacés suffisamment gravement au moment précis et, enfin, si la mesure se limite au strict nécessaire.

6

CEJ, Aff. 30/77, Rec. 1977, p. 1999 ­ «Bouchereau»; CEJ, Aff. 115/81 et 116/81, Rec.

1981, p. 1665 ­ «Rutili»; CEJ, Aff. C-101/01, Rec. 2002, I-10981 ­ «Olazabal»; CEJ, Aff. C-482/01 et C-493/01, Rec. 2004, I-5257 ­ «Orfanopoulos»

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