05.029 Message concernant la ratification du Protocole n° 14 du 13 mai 2004 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la Convention du 4 mars 2005

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, un projet d'arrêté fédéral concernant la ratification du Protocole n° 14 du 13 mai 2004 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la Convention.

Veuillez agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

4 mars 2005

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Samuel Schmid La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2004-2725

1989

Condensé La situation de la Cour européenne des droits de l'homme est aujourd'hui alarmante. Fin 2004, près de 80 000 requêtes étaient pendantes. 39 000 requêtes ont été introduites en 2003 et 45 000 en 2004 et la Cour s'attend à recevoir près de 52 000 nouvelles requêtes en 2005.

Les deux principales sources de l'avalanche des requêtes qui arrivent à Strasbourg sont, d'une part, les dizaines de milliers de requêtes déclarées irrecevables (plus de 90 % des requêtes) et, d'autre part, les requêtes qui sont, elles, au contraire, manifestement bien fondées, tout particulièrement les requêtes répétitives, à savoir des centaines, voire des milliers de requêtes qui portent sur le même objet (par ex. la longueur des procédures judiciaires nationales). Pour ces deux catégories de requêtes, le Protocole n° 14 propose d'adopter des procédures simplifiées. Pour les requêtes déclarées irrecevables, un nouveau système de filtrage est prévu: un juge seul, assisté de rapporteurs, pourra déclarer une requête irrecevable. De surcroît, un nouveau critère de recevabilité permettra à la Cour de rejeter des requêtes de peu d'importance, sauf si le respect des droits de l'homme exige leur examen au fond et à condition qu'elles aient déjà été soumises, au niveau national, à l'examen d'un tribunal. Quant aux requêtes manifestement bien fondées, les comités de trois juges pourront, dans le cadre d'une procédure sommaire, rendre à l'unanimité un arrêt constatant la violation de la Convention lorsque l'affaire peut être tranchée sur la base d'une jurisprudence bien établie de la Cour.

D'autres mesures sont prévues, telle la possibilité pour le Comité des Ministres de demander à la Cour l'interprétation d'un arrêt et d'introduire une procédure devant la Cour contre un Etat qui refuserait de se conformer à un arrêt définitif dans un litige auquel il est partie. Le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe se voit pour sa part reconnaître un droit de tierce intervention devant la Cour. Quant aux juges, ils seront désormais élus pour un mandat unique de neuf ans. Enfin, le Protocole n° 14 prévoit expressément la possibilité pour l'Union européenne d'adhérer à la Convention européenne des droits de l'homme.

La Suisse s'est particulièrement investie dans les négociations intergouvernementales qui ont abouti à
l'élaboration du Protocole n° 14 puisque, d'une part, elle a eu le privilège de les présider et que, d'autre part, elle est, avec l'Allemagne, à la base de deux des innovations essentielles de cette réforme.

Le Comité des Ministres a adopté ce nouveau Protocole le 13 mai 2004. Il a été ouvert à la signature et signé par la Suisse le jour même. Le Comité des Ministres a demandé aux Etats parties de tout mettre en oeuvre pour signer et ratifier cet instrument afin qu'il entre en vigueur au plus tard deux ans après son ouverture à la signature.

1990

Table des matières Condensé

1990

1 Présentation du Protocole 1.1 Contexte 1.1.1 Nécessité de renforcer l'efficacité du système de contrôle établi par la Convention 1.2 Déroulement des négociations 1.2.1 Première phase 1.2.2 Deuxième phase 1.2.3 Troisième phase 1.3 Résultat des négociations 1.3.1 Le Protocole n° 14 1.3.2 Les Recommandations et la Résolution 1.4 Aperçu du contenu du Protocole n° 14

1992 1992 1992 1993 1993 1993 1994 1995 1995 1995 1997

2 Commentaires des dispositions du Protocole n° 14

2000

3 Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes 3.2 Conséquences économiques

2008 2008 2008

4 Liens avec le programme de législature

2008

5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

2008 2008 2009

Arrêté fédéral relatif à l'approbation du Protocole n° 14 du 13 mai 2004 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la Convention (Projet)

2011

Protocole n° 14 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la Convention

2013

1991

Message 1

Présentation du Protocole

1.1

Contexte

1.1.1

Nécessité de renforcer l'efficacité du système de contrôle établi par la Convention

La Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH, RS 0.101) a été modifiée et complétée à plusieurs reprises depuis son adoption en 1950. Les Hautes Parties contractantes ont en effet adapté cet instrument à l'évolution des besoins et aux développements de la société européenne par le biais de Protocoles d'amendement ou additionnels. Le mécanisme de contrôle institué par la Convention a, en particulier, fait l'objet d'une profonde réforme en 1994 par l'adoption du Protocole d'amendement n° 11, entré en vigueur le 1er novembre 1998 (RS 0.101.09). Le Protocole n° 11 ­ qui tire son origine d'une proposition suisse formulée à Vienne les 19 et 20 mars 1985, lors de la première Conférence ministérielle du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme1 ­ avait pour but, d'une part, de rendre pleinement juridictionnel le système de contrôle en instituant une Cour unique fonctionnant à plein temps et, d'autre part, de raccourcir la durée des procédures à Strasbourg. De surcroît, le droit de recours individuel et la compétence de la Cour, à l'origine clauses facultatives, sont devenus obligatoires pour tous les Etats parties.

Le Protocole n° 11, notamment en simplifiant la procédure et en améliorant l'accessibilité et la visibilité de la Cour, a sans aucun doute permis d'augmenter l'efficacité du système. Alors que les anciennes Commission et Cour avaient rendu un total de 38 389 décisions et arrêts en 44 ans de fonctionnement, la Cour unique, fonctionnant depuis lors à plein temps, en a rendu 61 633 du 1er novembre 1998 à fin 2003.

Aujourd'hui toutefois, les améliorations apportées par le Protocole n° 11 ne suffisent plus à permettre à la Cour de faire face au flux de requêtes. En effet, fin 2004, près de 80 000 requêtes étaient pendantes devant la Cour. En 2003, 39 000 requêtes ont été introduites et plus de 45 000 nouvelles requêtes l'ont été en 2004. En 2005, ce sont près de 52 000 requêtes qui devraient être introduites. Plusieurs facteurs expliquent cette avalanche qui s'abat sur Strasbourg: d'une part l'adhésion de nouveaux Etats à la Convention (plus de 800 millions de personnes relèvent aujourd'hui de la juridiction des 46 Etats parties) et, d'autre part, l'augmentation générale du nombre de requêtes à l'encontre des Etats qui sont parties à la Convention de
longue date. L'entrée en vigueur de nouveaux Protocoles additionnels ainsi que la jurisprudence extensive et évolutive de la Cour sont d'autres facteurs qui ont contribué à cet accroissement exponentiel des requêtes.

1

Voir JAAC 1984 IV N° 106.

1992

1.2

Déroulement des négociations

1.2.1

Première phase

Le 50e anniversaire de la CEDH a été marqué par une Conférence ministérielle européenne sur les droits de l'homme, organisée à Rome, les 3 et 4 novembre 2000.

La délégation suisse était conduite par Mme Ruth Metzler-Arnold, conseillère fédérale, cheffe du Département fédéral de justice et police. Dans la première Résolution qu'ils ont adoptée, les Ministres ont constaté que «l'efficience du mécanisme de la Convention se trouve désormais en jeu» du fait des «difficultés que la Cour rencontre pour faire face au volume toujours croissant des requêtes». Conséquence de ce constat: la Conférence a invité le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe à «entamer, dans les meilleurs délais, une réflexion approfondie sur les diverses possibilités et options en vue de garantir l'efficacité de la Cour compte tenu de la nouvelle situation». Dans la Déclaration qu'ils ont adoptée au terme de leur Conférence, les Ministres ont, d'une part, estimé indispensable que les mesures les plus urgentes soient prises pour assister la Cour dans l'accomplissement de ses fonctions, notamment par une augmentation du personnel du greffe, et, d'autre part, qu'une réflexion approfondie soit entamée dans les meilleurs délais sur les diverses possibilités et options en vue de garantir l'efficacité de la Cour.

Le Comité des Ministres a immédiatement donné suite à ces recommandations.

Quant à la nécessité d'examiner une réforme du système de contrôle institué par la Convention, il a, en février 2001, chargé un Groupe d'évaluation d'étudier les moyens possibles de garantir l'efficacité de la Cour. Ce dernier a transmis son rapport au Comité des Ministres, le 27 septembre 20012. Pour sa part, en juin 2001, le Comité directeur pour les droits de l'homme (CDDH) a livré ses réflexions sur le renforcement du mécanisme de protection des droits de l'homme au Groupe d'évaluation afin que ce dernier puisse en tenir compte dans ses travaux3. Il est intéressant de relever que la Cour a tenu compte des conclusions des travaux en cours pour adopter un certain nombre de mesures renforçant l'efficacité de ses méthodes de travail et de celles de son greffe. Elle a ainsi amendé son Règlement en octobre 2002 et en novembre 2003. En ce qui concerne tout d'abord les mesures les plus urgentes pour assister la Cour, le Comité des Ministres a suivi les
conclusions du Groupe d'évaluation en acceptant en principe d'accorder pour la période 2003­2005 des crédits budgétaires supplémentaires devant permettre à la Cour de renforcer de façon significative son corps de juristes tout comme le personnel administratif et de logistique. Il en a été de même pour le renforcement des services du secrétariat du Conseil de l'Europe impliqués dans l'exécution des arrêts de la Cour.

1.2.2

Deuxième phase

Le 8 novembre 2001, lors de sa 109e session, le Comité des Ministres a adopté sa Déclaration intitulée «Protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales en Europe ­ garantir l'efficacité à long terme de la Cour européenne des droits de 2

3

«Rapport du Groupe d'évaluation au Comité des Ministres sur la Cour européenne des droits de l'homme», Strasbourg, Conseil de l'Europe, 27 septembre 2001, publié dans la Revue universelle des Droits de l'homme (RUDH), 2001, pp. 142 ss.

Le rapport du CDDH figure en annexe III du Rapport du Groupe d'évaluation susmentionné.

1993

l'homme»4. Dans cette Déclaration, le Comité des Ministres a chargé le CDDH d'étudier les modalités les plus adéquates d'effectuer l'examen préliminaire des requêtes, notamment par un renforcement de leur filtrage et, le cas échéant, de soumettre des propositions d'amendements de la Convention.

En octobre 2002, le CDDH a remis au Comité des Ministres un rapport intérimaire qui répondait aux deux volets de son mandat. Le CDDH préconisait de poursuivre sa réflexion dans trois domaines: tout d'abord en amont des requêtes, à savoir la prévention des violations de la Convention au niveau national et l'amélioration des recours internes, ensuite en aval, à savoir l'amélioration et l'accélération de l'exécution des arrêts de la Cour et, enfin, l'optimisation de l'efficacité du filtrage et du traitement subséquent des requêtes par la Cour. A la lumière de ce rapport intérimaire, le Comité des Ministres a souhaité pouvoir examiner un ensemble de propositions concrètes et cohérentes lors de sa session ministérielle de mai 2003. Le CDDH lui a ainsi transmis en avril 2003 un rapport final détaillant ses propositions dans les trois domaines précités.

1.2.3

Troisième phase 112e

Lors de sa réunion, tenue les 14 et 15 mai 2003, le Comité des Ministres a fait sienne l'approche du CDDH. Il l'a chargé de concrétiser les propositions qu'il avait formulées dans son rapport final de telle sorte qu'il soit en mesure d'examiner les textes à adopter lors de sa 114e session, les 12 et 13 mai 2004. Le CDDH a alors chargé un premier Comité d'experts d'élaborer des Recommandations aux Etats membres (voir ci-dessous ch. 1.3) et un second Comité d'experts, sous présidence suisse, de rédiger un Protocole d'amendement à la Convention. Durant ses travaux, ce dernier Comité a consulté la société civile, notamment par le biais des ONG et des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme, la Cour, l'Assemblée parlementaire ainsi que le Commissaire aux droits de l'homme.

La Suisse a été particulièrement active durant ces négociations intergouvernementales, puisque non seulement elle les a présidées mais qu'elle est également, avec l'Allemagne, l'auteur de propositions qui ont donné lieu à deux des amendements principaux apportés à la Convention (voir ci-dessous, ch. 1.4). Les travaux du Comité d'experts chargé de l'élaboration du Protocole n° 14 ont été examinés et approuvés par le CDDH en avril 2004 et transmis dans le délai imparti au Comité des Ministres. Ce dernier a adopté le Protocole n° 14 le 13 mai 2004. Il a simultanément adopté sa Déclaration «Assurer l'efficacité de la mise en oeuvre de la Convention européenne des droits de l'homme au niveau national et européen» dans laquelle les Etats membres ont reconnu l'urgence de la réforme et se sont engagés à ratifier le Protocole n° 14 dans un délai de deux ans. Il a été ouvert à la signature des Etats parties à la Convention le 13 mai 2004 et a été signé le jour même par 17 Etats, dont la Suisse.

4

Déclaration publiée dans RUDH, 2002, p. 331.

1994

1.3

Résultat des négociations

1.3.1

Le Protocole n° 14

Le principal résultat des négociations a été l'adoption du Protocole n° 14. Il convient d'emblée de relever que, contrairement au Protocole n° 11, le Protocole n° 14 ne transforme pas radicalement le système de contrôle établi par la Convention. Il vise avant tout à améliorer le fonctionnement de la Cour en lui conférant les moyens procéduraux et la flexibilité nécessaires pour traiter l'ensemble des requêtes dans des délais acceptables, tout en lui permettant de se concentrer sur les affaires les plus importantes qui nécessitent un examen approfondi. Il ne remet par ailleurs aucunement en question deux des prémisses fondamentales du Protocole n° 11 et, en ce sens, il en constitue une sorte de prolongement. En effet, d'une part, le système de contrôle conserve son caractère pleinement juridictionnel. Le Protocole n° 14 renonce ainsi à instituer des catégories différentes de juges au sein de la Cour en créant, par exemple, un mécanisme de filtrage séparé (telle l'ancienne Commission).

En outre, le droit de tout individu qui se prétend victime d'une violation de la Convention de saisir la Cour est totalement préservé. Des amendements sont apportés dans trois domaines principaux: renforcement de la capacité de filtrage de la Cour au regard du grand volume de requêtes dénuées de tout fondement; nouveau critère de recevabilité en ce qui concerne les affaires dans lesquelles le requérant n'a subi aucun préjudice important; mesures pour traiter des affaires répétitives.

Il convient également de relever que, lors des négociations intergouvernementales, de nombreuses propositions ont été examinées mais n'ont pas été retenues. Dans ce contexte, on peut mentionner la création de «cours régionales de première instance», proposition écartée notamment en raison du risque de jurisprudences divergentes et du coût élevé de la mise en place de telles juridictions. On peut également mentionner les propositions visant à octroyer à la Cour le pouvoir d'examiner des recours préjudiciels ou tendant à élargir la compétence de la Cour en matière d'avis consultatifs. Ont également été écartées la proposition de donner à la Cour un pouvoir discrétionnaire pour décider d'examiner ou non une affaire et celle d'obliger les requérants à être représentés par un avocat dès l'introduction de la requête. N'a pas été retenue non plus la proposition de mettre en place un organe de filtrage séparé, composé de personnes autres que les juges de la Cour.

1.3.2

Les Recommandations et la Résolution

Les amendements apportés par le Protocole n° 14 ne suffiront certainement pas, à eux seuls, à assurer l'efficacité à long terme du système de contrôle établi par la Convention. Ce système est entièrement fondé sur le principe de la subsidiarité.

Selon l'art. 1, CEDH, il appartient, en effet, d'abord aux Hautes Parties contractantes de reconnaître «à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés» énoncés dans la Convention, alors que le rôle de la Cour, conformément à l'art. 19, CEDH, est «d'assurer le respect des engagements résultant pour les Hautes Parties contractantes» de la (...) Convention». Il relève donc de la responsabilité première des Etats parties d'assurer le respect des droits et libertés, le rôle de la Cour étant subsidiaire.

1995

Afin de contenir le flot des requêtes, il est ainsi primordial de prendre des mesures dans le but de prévenir les violations au niveau national. Seul un ensemble de mesures cohérentes et interdépendantes apportant des solutions sous des angles différents permettra de remédier durablement à la situation d'engorgement de la Cour.

Le Comité des Ministres a ainsi adopté trois Recommandations aux Etats membres.

La première5 demande aux Etats de s'assurer que les personnes qui allèguent d'une façon défendable une violation de la Convention aient à leur disposition, sur le plan interne, un recours effectif et efficace. Une instance nationale doit, en effet, pouvoir constater la violation alléguée de la Convention et, le cas échéant, y remédier. Cette exigence découle d'ailleurs expressément de l'art. 13 de la Convention (droit à un recours effectif).

La deuxième Recommandation6 s'attache, elle, à inciter les Etats membres à mettre en place sur le plan national des procédures et des mécanismes qui devraient leur permettre de vérifier systématiquement leur législation et pratique administrative à la lumière des exigences découlant de la Convention et de la jurisprudence de la Cour. En effet, il est impérieux d'éviter qu'une violation potentielle de la Convention ne trouve sa source dans la loi nationale elle-même ou dans une pratique administrative par exemple.

La troisième Recommandation7 vise à inciter les Etats membres à faire un effort accru de sensibilisation, de formation et d'éducation aux droits de l'homme dans l'enseignement universitaire et la formation professionnelle. Il est, en effet, indéniable que si les personnes chargées d'appliquer au quotidien des normes en conformité avec les exigences de la Convention (juges, avocats, policiers, personnel de prison, etc.) sont au fait de ces dernières, le risque de violation de la Convention sera limité.

Il s'impose enfin de prendre des mesures afin d'améliorer et d'accélérer l'exécution des arrêts, tout particulièrement ceux qui révèlent un problème structurel sousjacent. Plus les Etats parties prendront rapidement des mesures générales pour exécuter de tels arrêts, moins grand sera le nombre de requêtes répétitives introduites devant la Cour. C'est la raison pour laquelle le Comité des Ministres a adopté une Résolution invitant la Cour à identifier,
dans les arrêts où elle constate une violation de la Convention, ce qui révèle un problème structurel sous-jacent et la source de ce problème de façon à aider les Etats à trouver la solution appropriée et le Comité des Ministres à surveiller l'exécution desdits arrêts8. La Cour est également invitée, dans cette Résolution, à signaler ces arrêts ­ dits «arrêts pilotes» ­ au Comité des Ministres, à l'Assemblée parlementaire, au Secrétaire général et au Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe. Dans le cadre des compétences que lui reconnaît l'art. 46, par. 2, CEDH, le Comité des Ministres devra, pour sa part, tout mettre en oeuvre pour accélérer l'exécution de ces arrêts par les Etats défendeurs, en les invitant d'une part à supprimer la source de la violation et, d'autre part, à intro-

5 6

7 8

Rec. (2004) 6 du Comité des Ministres aux Etats membres sur l'amélioration des recours internes.

Rec. (2004) 5 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la vérification de la compatibilité des projets de lois, des lois en vigueur et des pratiques administratives avec les normes fixées par la Convention européenne des droits de l'homme.

Rec. (2004) 4 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la Convention européenne des droits de l'homme dans l'enseignement universitaire et la formation professionnelle.

Résolution Res (2004) 3 du Comité des Ministres sur les arrêts qui révèlent un problème structurel sous-jacent.

1996

duire un recours effectif sur le plan interne. Se fondant sur cette Résolution, la Cour a rendu les premiers arrêts pilotes les 22 juin et 10 novembre 20049.

1.4

Aperçu du contenu du Protocole n° 14

Les principaux amendements apportés par le Protocole n° 14 partent du constat que deux causes principales sont à l'origine de l'énorme masse de requêtes qui s'abat sur la Cour. La première est constituée par les requêtes déclarées irrecevables après un premier examen qui représentent plus de 90 % des requêtes introduites à Strasbourg.

La seconde source est constituée par les requêtes qui sont, elles, manifestement bien fondées et qui représentent environ 65 % des arrêts rendus par la Cour. Il s'agit des requêtes répétitives, dites également requêtes «clones», à savoir des requêtes qui se répètent par dizaines, par centaines, voire par milliers, car elles dénoncent une lacune structurelle ou systématique dans l'ordre juridique interne (par exemple, la longueur des procédures judiciaires nationales ou l'inexécution des décisions judiciaires en matière civile).

Afin de filtrer et de traiter d'une façon aussi efficace que possible ces requêtes, le Protocole n° 14 apporte les solutions suivantes: ­

Nouveau mécanisme de filtrage (art. 27 et 24, par. 2, nouveaux) Les décisions d'irrecevabilité pourront être rendues par un juge unique, assisté par des rapporteurs, qui seront essentiellement chargés d'instruire le dossier et de rédiger le rapport pour ce juge. Les rapporteurs n'auront toutefois aucun pouvoir décisionnel. Afin de préserver les apparences d'indépendance et d'impartialité de la Cour, le juge unique ne sera jamais le juge élu au titre de l'Etat défendeur. En revanche, un des juristes rapporteurs sera de la nationalité de cet Etat afin d'être en mesure de fournir les informations nécessaires au juge sur des questions ayant trait au droit national. En cas de doute sur la recevabilité, le juge unique soumettra la requête à un comité de trois juges ou à une Chambre de sept juges.

­

Nouvelle condition de recevabilité (art. 35, par. 3, let. b, nouveau) Sur la base d'une proposition des délégations suisse et allemande, un nouveau critère de recevabilité permettra à la Cour de déclarer irrecevable une requête lorsque le requérant n'a subi aucun préjudice important, sauf si le respect des droits de l'homme garantis par la Convention et ses Protocoles exigent l'examen de la requête au fond et à condition que l'affaire ait été dûment examinée par un tribunal interne. La Cour poursuivra donc l'examen de la requête si cette dernière, malgré sa banalité, pose par exemple des questions sérieuses d'interprétation ou d'application de la Convention ou pourrait avoir des conséquences significatives sur l'ordre juridique interne, ou encore si l'affaire n'a jamais fait l'objet d'un examen par un tribunal national. Il va de soi que ce nouveau critère de recevabilité ne sera pas défini d'un jour à l'autre. Il est d'ailleurs prévu que durant une période de deux ans seules les Chambres et la Grande Chambre pourront l'appliquer. En d'autres termes, durant cette période, les juges uniques et les comités de trois juges

9

Arrêts Broniowski c/Pologne [Grande Chambre] (22 juin 2004, Recueil des arrêts et décisions de la Cour EDH 2004-V ...) et Sejdovic c/ Italie (10 novembre 2004).

1997

ne pourront pas faire usage de ce nouveau critère de recevabilité (voir la règle transitoire prévue à l'art. 20, par. 2, 2e phr. du Protocole n° 14).

L'introduction d'une nouvelle condition de recevabilité ne vise en aucun cas à restreindre le droit de recours individuel. Bien au contraire, elle tend à préserver l'existence même de ce droit. Toute personne souhaitant s'adresser à la Cour demeurera libre de le faire. Si le droit de recours individuel est pleinement maintenu, il est vrai que la possibilité d'obtenir un examen sur le fond de chaque requête se trouvera réduite dans une certaine mesure. C'est toutefois la Cour ­ et la Cour seule ­ qui en décidera.

­

Nouvelle compétence des comités de trois juges (art. 28, par. 1, let. b, nouveau) A la suite d'une proposition formulée, elle aussi, par les délégations suisse et allemande, les comités de trois juges se voient reconnaître la compétence de déclarer, à l'unanimité, non seulement irrecevable une requête, comme c'est déjà le cas aujourd'hui, mais encore de déclarer cette requête recevable et de rendre un arrêt sur le fond lorsque l'affaire peut être tranchée sur la base d'une jurisprudence bien établie de la Cour. La procédure suivie sera une procédure sommaire. Elle devrait être particulièrement utile pour rendre des arrêts dans les affaires répétitives. Il convient de relever que l'Etat défendeur aura la possibilité de contester l'application de cette procédure, par exemple s'il estime que les voies de recours internes n'ont pas été épuisées ou si le cas sous examen diffère, selon lui, des requêtes qui ont donné lieu à une jurisprudence bien établie. L'Etat défendeur n'aura toutefois en aucun cas le droit d'opposer son veto à l'utilisation de cette procédure qui relève de la seule compétence du comité. Le comité devra être unanime sur la recevabilité, le fond ainsi que sur la satisfaction équitable et il rendra un seul arrêt (ou alors une décision d'irrecevabilité). En l'absence d'unanimité sur l'un de ces trois éléments, la procédure ordinaire en Chambre s'appliquera (art. 29).

A noter que le juge élu au titre de l'Etat défendeur ne fera pas nécessairement partie du comité de trois juges. Cela dit, si le comité estime que la présence de ce juge s'impose, notamment en raison des questions posées par la requête sous l'angle du droit national, il pourra l'inviter à siéger en son sein en lieu et place de l'un des autres juges (le Règlement de la Cour fixera la procédure à suivre).

­

Demande en interprétation (art. 46, par. 3, nouveau) Certaines difficultés dans l'exécution d'un arrêt de la Cour peuvent surgir en raison d'avis divergents sur son interprétation au sein du Comité des Ministres ­ organe chargé de la surveillance de l'exécution des arrêts ­. La décision de saisir la Cour en interprétation d'un arrêt sera prise à la majorité qualifiée ce qui devrait inciter le Comité des Ministres à faire un usage modéré de cette possibilité afin de ne pas surcharger la Cour.

­

Procédure en manquement (art. 46, par. 4 et 5,, nouveaux) L'une des causes majeures de la surcharge de la Cour est l'inexécution de certains arrêts qui portent sur des violations révélatrices de lacunes structurelles de l'ordre juridique interne. Afin de renforcer les moyens mis à la disposition du Comité des Ministres, ce dernier se voit reconnaître la possibilité de saisir la Cour par une action en manquement dirigée contre un Etat qui persisterait à refuser de se conformer, expressément ou du fait de son com-

1998

portement, à l'arrêt définitif de la Cour dans un litige auquel il est partie.

Cette procédure de recours en manquement, qui nécessitera une majorité qualifiée des deux tiers des membres ayant le droit de siéger au Comité des Ministres pour être introduite, ne sera très vraisemblablement utilisée que dans des situations exceptionnelles. Il s'agit néanmoins d'un important moyen de pression politique (la Cour ne pourra pas prononcer d'amende contre l'Etat récalcitrant) pour assurer l'exécution des arrêts.

Les autres principales innovations apportées par le Protocole n° 14 sont les suivantes: ­

Mandat des juges (art. 23, par. 1, nouveau) Actuellement le mandat des juges est de 6 ans et est renouvelable. Ce mandat des juges sera désormais de 9 ans. En revanche, les juges ne seront plus rééligibles. Ce mandat unique tend à renforcer l'indépendance et l'impartialité des juges. L'art. 21 du Protocole d'amendement prévoit une disposition transitoire afin de permettre un renouvellement progressif des juges, assurant ainsi la continuité du travail de la Cour.

­

Droit de tierce intervention accordé au Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe (art. 36, par. 3, nouveau) Afin de renforcer la défense de l'intérêt général, la Convention mentionne pour la première fois le Commissaire aux droits de l'homme en lui reconnaissant formellement un droit de tierce intervention. L'intervention du Commissaire devant la Cour sera particulièrement utile lorsqu'il aura eu l'occasion, lors de ses visites sur le terrain, de mettre en évidence des lacunes structurelles ou systémiques dans l'ordre juridique de la Partie défenderesse ou d'autres Parties contractantes. En revanche, le droit de saisir luimême la Cour ne lui est pas reconnu.

­

Décisions conjointes sur la recevabilité et le fond (art. 29, par. 1, nouveau) Cette nouvelle disposition ne fait en réalité que consacrer la pratique qui s'est développée au sein de la Cour qui, pour des raisons d'économie de la procédure, rend, dans la plupart des cas, sa décision à la fois sur la recevabilité et sur le fond d'une requête individuelle. En revanche, le principe de la séparation de la décision sur la recevabilité de celle sur le fond reste la règle pour les requêtes étatiques (art. 29, par. 2, nouveau, qui reprend l'ancien art. 29, par. 3).

­

Examen contradictoire de l'affaire (art. 38, nouveau) Désormais la Cour pourra examiner l'affaire de façon contradictoire avec les représentants des parties et procéder à une enquête à tout moment de la procédure et non plus seulement après la décision de recevabilité. Il s'agit-là notamment d'une conséquence de la modification de l'art. 29, par. 1, de la Convention.

­

Règlements amiables (art. 39, nouveau) Le Protocole n° 14 favorise les règlements amiables, notamment afin de permettre de régler les affaires répétitives. Ainsi, la Cour pourra se mettre à la disposition des intéressés afin de parvenir à un règlement amiable à tout moment de la procédure. A noter également que, dorénavant, les règlements amiables ne feront plus l'objet d'un arrêt de la Cour mais d'une simple déci1999

sion de cette dernière (art. 39, par. 3, nouveau). De surcroît, il est prévu que cette décision sera transmise au Comité des Ministres qui surveillera l'exécution des termes du règlement amiable (art. 39, par. 4 nouveau).

­

Adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme (art. 59, par. 2, nouveau) La Convention prévoit désormais expressément que l'Union européenne peut adhérer à la Convention européenne des droits de l'homme. Cette demande d'adhésion ne devrait être formulée qu'après l'adoption du Traité constitutionnel de l'Union européenne. Des modifications additionnelles devront être apportées à la Convention afin de rendre une telle adhésion possible d'un point de vue juridique et technique. Ces modifications pourraient être introduites soit par un Protocole d'amendement à la Convention, soit par un Traité d'adhésion à conclure entre l'Union européenne, d'une part, et les Etats parties à la Convention, d'autre part.

2

Commentaires des dispositions du Protocole n° 14

Art. 1

du Protocole

Art. 22

Election des juges

Le second paragraphe de l'actuel art. 22 CEDH règle la procédure permettant de repourvoir les sièges de juges devenus vacants. Cette procédure deviendra sans objet puisque chaque juge élu à la Cour le sera pour un mandat unique de neuf ans. Ainsi, la règle contenue à l'art. 22 amendé (qui est identique au par. 1 de l'ancien art. 22) s'appliquera à toute situation dans laquelle il sera nécessaire de procéder à l'élection d'un juge.

Dans son avis sur le projet de Protocole n° 1410, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe demandait à ce que les listes de trois candidats présentés par les Hautes Parties contractantes afin de pourvoir, ou de repourvoir, le poste de juge élu au titre de leur Etat contiennent impérativement des candidats des deux sexes. Cette proposition n'a pas été retenue car il a été estimé que la priorité devait être accordée aux compétences des candidats. Cela dit, le Comité des Ministres devrait adopter une Recommandation invitant les Hautes Parties contractantes à tout mettre en oeuvre pour que leur liste contienne des candidats des deux sexes.

Art. 2

du Protocole

Art. 23

Durée du mandat

Aujourd'hui, les juges sont élus pour une durée de six ans et ils sont rééligibles. Le Protocole n° 14 introduit un mandat unique de neuf ans. Les juges ne seront donc pas rééligibles. Cette modification tend à renforcer leur indépendance et leur impartialité.

Le libellé du nouveau par. 1 a entraîné la suppression des par. 2 à 4 de l'actuel art. 23. Quant au par. 5, il a été supprimé afin qu'il ne soit plus possible, si un siège devient vacant, qu'un juge soit élu pour achever le mandat de son prédécesseur.

10

Avis n° 251 (2204) 1.

2000

Les par. 6 et 7 de l'actuel art. 23 deviennent les par. 2 et 3 du nouvel art. 23.

Si le par. 2 maintient la règle selon laquelle le mandat des juges s'achève dès qu'ils atteignent l'âge de 70 ans, il a en revanche été décidé de ne pas établir d'âge limite pour être présenté comme candidat, par exemple en excluant les personnes qui, à la date de l'élection, auraient plus de 61 ans. En effet, on priverait ainsi la Cour de personnes expérimentées si elles devaient être élues. Cela dit, les Hautes Parties contractantes devraient être invitées à ne pas proposer des candidats qui, du fait de leur âge, ne pourraient pas rester en poste pendant cinq ans au moins.

De surcroît, lorsque le départ d'un juge peut être prévu, il serait souhaitable que les Hautes Parties contractantes soumettent leur liste de trois candidats six mois au moins avant l'expiration du mandat. On éviterait de cette façon la nécessité de nommer des juges ad hoc11 dans le laps de temps qui précéderait l'élection et l'entrée en fonction du nouveau juge, pour les affaires introduites contre l'Etat au titre duquel ils sont élus.

Quant au quatrième paragraphe de l'art. 23, il reprend tel quel le libellé de l'actuel art. 24 (révocation). L'insertion de ce nouveau quatrième paragraphe permet d'éviter de renuméroter les articles suivants. L'actuel art. 24 a donc été supprimé.

Art. 4

du Protocole

Art. 24

Greffe et rapporteurs

L'actuel art. 25 ­ qui porte la note marginale «Greffe et référendaires» ­ devient l'art. 24. Le Protocole n° 11 avait prévu que la Cour mettrait en place des référendaires. Toutefois, ceux-ci n'ont, en pratique, jamais eu d'existence propre, autonome par rapport au greffe. C'est la raison pour laquelle la seconde phrase de l'art. 25 a été supprimée et le titre de cette disposition adapté.

Le par. 2 du nouvel art. 24 introduit la fonction de «rapporteur». Les rapporteurs seront rattachés au greffe et seront chargés d'assister la nouvelle formation de juge unique prévue à l'art. 27 amendé (voir ci-après le commentaire de l'art. 7 du Protocole n° 14). Ils exerceront leur fonction sous l'autorité du président de la Cour. Il appartiendra à cette dernière de décider notamment du nombre de rapporteurs nécessaire, du mode et de la durée de leur nomination. Elle pourra les recruter au sein du greffe bien évidemment. Toutefois, elle pourra renforcer sa capacité de travail en faisant appel à des juristes ayant une expérience pratique appropriée du fonctionnement de leur système juridique national respectif. Par ailleurs, les procédures de recrutement habituelles ainsi que les règles pertinentes en matière de statut du personnel s'appliqueront. En toute hypothèse, ces personnes devraient posséder une solide expérience juridique, une connaissance spécialisée de la Convention et de sa jurisprudence, et maîtriser au moins l'une des langues officielles du Conseil de l'Europe. Comme tous les autres membres du greffe, les rapporteurs devront remplir les conditions d'indépendance et d'impartialité.

11

Les juges ad hoc sont nommés par les gouvernements des Etats défendeurs et n'ont donc pas la légitimité d'une élection par l'Assemblée parlementaire (voir également ci-dessous les commentaires à l'art. 6).

2001

Art. 5

du Protocole

Art. 25

Assemblée plénière de la Cour

L'actuel art. 26 de la Convention devient l'art. 25. Hormis les modifications mineures portant sur la rédaction et la ponctuation des par. d et e, un nouveau par. f est ajouté. Il reflète la nouvelle fonction attribuée à l'Assemblée plénière de la Cour par l'art. 26, par. 2 (voir ci-dessous le commentaire de l'art. 6).

Il convient de relever que le terme «Chambres» qui figure aux par. b et c se réfère en réalité aux entités administratives de la Cour (habituellement nommées «Sections» de la Cour, composées de dix juges) par opposition aux formations juridictionnelles désignées par le terme «Chambres», composées de sept juges, au nouvel art. 26, par. 1, 1re phr.

Art. 6

du Protocole

Art. 26

Formations de juge unique, comités, Chambres et Grande Chambre

L'art. 26 (actuel art. 27) instaure à son paragraphe premier, une nouvelle formation juridictionnelle de la Cour: la formation de juge unique (voir ci-dessous les commentaires à l'art. 7). Pour des raisons tenant aux apparences de la sauvegarde des principes d'indépendance et d'impartialité, le par. 3 de l'art. 26 prévoit expressément que le juge unique ne sera jamais celui élu au titre de la Haute Partie contractante contre laquelle une requête a été introduite.

Le par. 2 introduit une certaine flexibilité puisqu'il permettra au Comité des Ministres, à la demande de l'Assemblée plénière de la Cour, de réduire pour une période déterminée la taille des Chambres de sept à cinq juges. Cette innovation devrait, le cas échéant, permettre d'accroître la capacité de travail de la Cour puisqu'elle aura la possibilité d'augmenter le nombre de Chambres.

Le par. 4, quant à lui, prévoit un nouveau système de désignation des juges ad hoc, tenant compte de la critique dont faisait l'objet l'ancienne formule, qui autorisait l'Etat défendeur à choisir un juge ad hoc alors que l'affaire était déjà pendante devant la Cour. Désormais, chaque Haute Partie contractante devra dresser une liste de réserve de juges ad hoc, au sein de laquelle le président de la Cour choisira une personne lorsque la désignation d'un juge ad hoc s'imposera.

Enfin, le par. 5 reprend dans des termes pratiquement identiques le libellé du par. 3 de l'art. 27 actuel.

Art. 7

du Protocole

Art. 27

Compétence des juges uniques

L'art. 27 définit la compétence des formations de juge unique créées par le nouvel art. 26, par. 1. Cette compétence consistera uniquement à prendre des décisions d'irrecevabilité ou à rayer du rôle une requête lorsqu'une telle décision pourra être prise sans examen complémentaire. En d'autres termes, le juge unique ne pourra prendre de telles décisions que dans des affaires parfaitement claires, dans lesquelles l'irrecevabilité de la requête s'impose d'emblée. Ce dernier point est particulièrement important au regard du nouveau critère de recevabilité introduit à l'art. 35 (voir ci-après le commentaire des art. 12 et 20 du Protocole). Les formations de juge unique seront assistées par des rapporteurs. Il est essentiel que l'un des rapporteurs 2002

connaisse la langue et le système juridique de l'Etat défendeur afin d'assister au mieux le juge unique. Cela dit, la décision elle-même restera de la seule responsabilité de ce juge. En cas de doute sur la recevabilité, le juge soumettra la requête à un comité de trois juges ou à une Chambre.

Art. 8

du Protocole

Art. 28

Compétence des comités

Aujourd'hui, les comités de trois juges peuvent déclarer, à l'unanimité, les requêtes irrecevables. Le nouveau par. 1, let. b, de l'art. 28 leur reconnaît dorénavant la compétence de déclarer les requêtes individuelles recevables et, dans la même décision, de statuer sur le fond, lorsque la question relative à l'interprétation ou à l'application de la Convention qui est à l'origine de l'affaire fait l'objet d'une jurisprudence bien établie de la Cour. Par «jurisprudence bien établie» de la Cour, on entend, en principe, une jurisprudence constante d'une Chambre. On ne saurait toutefois exclure qu'un seul arrêt de principe de la Cour, tout particulièrement s'il s'agit d'un arrêt de la Grande Chambre, constitue une «jurisprudence bien établie».

Sont ainsi avant tout visées par cette nouvelle procédure les affaires répétitives qui représentent aujourd'hui plus de 60 % des arrêts rendus par la Cour.

La procédure prévue est une procédure simplifiée et accélérée. La Cour se limitera en effet à porter l'affaire ­ ou un groupe d'affaires semblables ­ à la connaissance de l'Etat défendeur en précisant que, selon elle, cette affaire concerne une question qui a fait l'objet d'une jurisprudence bien établie. Si la Partie défenderesse partage l'avis de la Cour, cette dernière pourra rendre son arrêt très rapidement. La Partie défenderesse aura, toutefois, la possibilité de contester l'application de cette nouvelle procédure, par exemple si elle met en doute le caractère «bien établi» de la jurisprudence de la Cour, si elle est d'avis que les voies de recours internes n'ont pas été épuisées ou encore si elle estime que le cas d'espèce diffère des requêtes qui ont donné lieu à la jurisprudence bien établie. Il est, toutefois, essentiel de relever que la Partie défenderesse n'aura en aucun cas le droit d'opposer son veto à l'utilisation de cette procédure qui relève de la seule compétence du comité.

Pour rendre son arrêt, le Comité devra être unanime sur la recevabilité, le fond et la satisfaction équitable. En l'absence d'unanimité, il sera considéré qu'aucune décision n'a été prise et la procédure ordinaire devant une Chambre s'appliquera conformément à l'art. 29. Il appartiendra alors à la Chambre de décider s'il est opportun ou non de se prononcer sur tous les aspects de l'affaire dans un seul arrêt.
Même lorsqu'il aura initialement envisagé d'appliquer la procédure prévue à l'art. 28, par. 1, let. b, le comité pourra rendre une décision d'irrecevabilité conformément à l'art. 28 par. 1, let. a. Une telle situation pourra se présenter, par exemple, lorsque la Partie défenderesse aura persuadé le comité que les voies de recours internes n'ont pas été épuisées.

Alors que le juge élu au titre de la Haute Partie contractante partie au litige restera membre de droit de la Chambre ou de la Grande Chambre devant laquelle la requête est portée, il n'en ira pas de même devant les comités de trois juges. En effet, la présence de ce juge ne s'avérera pas indispensable puisque le comité se prononcera sur les seules affaires relatives à des questions faisant l'objet d'une jurisprudence bien établie. En revanche, si le comité de trois juges devait estimer nécessaire la présence du juge élu au titre de la Haute Partie contractante, par exemple parce que se poseraient des questions complexes relatives à l'épuisement des voies de recours 2003

internes ou à l'interprétation du droit national, il pourra l'inviter à siéger en son sein.

Il pourra également le faire lorsque la partie défenderesse contestera l'application de la procédure visée au par. 1, let. b. Il appartiendra à la Cour de préciser dans son Règlement les modalités relatives à la composition des comités de trois juges et les modalités pratiques de cette nouvelle procédure.

Art. 9

du Protocole

Art. 29

Décisions des Chambres sur la recevabilité et le fond

Le fait que désormais les décisions sur la recevabilité et le fond des requêtes individuelles seront prises conjointement par la Cour n'empêchera pas cette dernière de décider, au cas par cas, de prendre une décision séparée sur la recevabilité (pour de plus amples détails, voir ci-dessus, ch. 1.4).

Art. 10 du Protocole Art. 31

Attributions de la Grande Chambre

Un par. b a été ajouté à cet article afin de refléter la nouvelle fonction attribuée à la Grande Chambre par le nouvel art. 46, par. 4 (voir ci-après le commentaire de l'art. 16 du Protocole).

Art. 11 du Protocole Art. 32

Compétence de la Cour

Une référence aux nouvelles procédures prévues à l'art. 46 amendé a été ajoutée.

Art. 12 du Protocole Art. 35

Conditions de recevabilité

Le nouveau critère de recevabilité introduit par l'art. 35, par. 3, let. b permettra à la Cour de déclarer irrecevable les requêtes dans lesquelles le requérant n'a subi aucun préjudice important. La Cour devra ainsi tout d'abord déterminer si tel le cas. Il est évident que la notion de «préjudice important» est une notion juridique indéterminée. Son interprétation ne devrait toutefois pas constituer un obstacle insurmontable pour la Cour puisque la Convention regorge de telles notions (bref délai, délai raisonnable, droits et obligations de caractère civil, vie privée etc.). On introduit ainsi surtout un élément de souplesse supplémentaire dans le système de contrôle, qui devrait contribuer à permettre à la Cour de faire face au nombre toujours croissant de requêtes tout en se concentrant sur les affaires les plus importantes.

Ce nouveau critère de recevabilité contient une première clause de sauvegarde. En effet, la requête ne sera pas déclarée irrecevable si le respect des droits de l'homme garantis par la Convention et ses Protocoles exige d'examiner la requête au fond. Il en ira ainsi des affaires qui, malgré leur banalité, soulèvent des questions sérieuses d'application ou d'interprétation de la Convention, ou des questions importantes

2004

relatives au droit national12. Il est effectivement notoire que des affaires dans lesquelles les requérants n'ont subi que des préjudices mineurs ont donné lieu à des développements jurisprudentiels essentiels de la Cour13.

A cette première clause de sauvegarde s'en ajoute une seconde: la Cour ne pourra, en effet, jamais déclarer irrecevable une requête au motif de sa banalité si l'affaire n'a pas été dûment examinée par un tribunal sur le plan interne. Cette clause, qui reflète le principe de subsidiarité, garantit qu'aux fins de l'application du nouveau critère de recevabilité toute affaire fera l'objet d'un examen juridictionnel au moins, soit sur le plan national, soit sur le plan européen.

Il s'écoulera très probablement un certain temps avant que les Chambres et la Grande Chambre de la Cour n'établissent des principes jurisprudentiels clairs quant à l'interprétation et à l'application de ce nouveau critère de recevabilité dans des cas concrets. L'art. 20, par. 2, 2e phr., du présent Protocole prévoit dès lors que les formations de juge unique et les comités ne pourront pas utiliser le nouveau critère au cours des deux ans qui suivront son entrée en vigueur. Par ailleurs, ce nouveau critère de recevabilité ne pourra pas être appliqué aux requêtes déclarées recevables avant l'entrée en vigueur du Protocole (voir ci-après le commentaire de l'art. 20).

Art. 13 du Protocole Art. 36

Tierce intervention

Afin de renforcer la défense de l'intérêt général, le troisième paragraphe ajouté à l'art. 36 mentionne pour la première fois le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe dans le texte de la Convention en lui reconnaissant formellement un droit de tierce intervention. De par son expérience sur le terrain, le Commissaire pourra donner un éclairage utile à la Cour dans un certain nombre d'affaires, notamment celles qui mettent en évidence des lacunes structurelles ou systémiques de l'ordre juridique de la Partie défenderesse ou d'autres Parties contractantes. Le règlement de la Cour définira les modalités d'application de cette nouvelle disposition.

Le Commissaire aux droits de l'homme ne s'est en revanche pas vu reconnaître le droit de saisir lui-même la Cour. En effet, d'une part, ce droit n'est guère conciliable avec la philosophie générale du système de contrôle de la CEDH et, d'autre part, il risquerait d'avoir des répercussions négatives sur la confiance que le Commissaire se doit d'entretenir avec les Etats membres du Conseil de l'Europe.

Art. 14 du Protocole Art. 38

Examen contradictoire de l'affaire

Les nouveaux art. 28 et 29 favoriseront la prise de décisions conjointes par la Cour sur la recevabilité et le fond des requêtes individuelles. La Cour pourra donc procé-

12

13

La proposition originale formulée par les délégations allemande et suisse avait la teneur suivante: «La Cour déclare irrecevable toute requête individuelle introduite en application de l'art. 34 ... (b) lorsque le requérant n'a subi aucun préjudice important et si l'affaire ne soulève aucune question grave relative à l'interprétation ou l'application de la Convention ou de ses Protocoles, ni toute autre question de caractère général».

Deux exemples significatifs sont les affaires Belilos c/Suisse (29 avril 1988, Série A, n° 132) et Öztürk c/Allemagne (21 février 1984, Série A n° 73).

2005

der à une enquête dans le cas d'espèce, à tout moment de la procédure et non plus seulement après la décision de recevabilité.

Art. 15 du Protocole Art. 39

Règlements amiables

La procédure régissant les règlements amiables fait désormais l'objet d'un article spécifique. Dans le régime actuel (art. 38, par. 1, let. b), ce n'est qu'après la décision sur la recevabilité que la Cour se met à la disposition des parties en vue de parvenir à un règlement amiable. Etant donné que les nouveaux art. 28 et 29 devraient entraîner moins de décisions sur la seule recevabilité des requêtes, le nouvel art. 39, par. 1, prévoit que la Cour pourra se mettre à la disposition des parties à tout moment de la procédure en vue de parvenir à un règlement amiable. La conclusion de tels règlements devrait ainsi être favorisée. Ceux-ci peuvent s'avérer particulièrement utiles dans des affaires répétitives ou dans celles qui ne soulèvent pas de question de principe ni n'entraînent de modification du droit interne. Comme sous l'empire de la Convention actuelle, il va de soi que ces règlements amiables devront s'inspirer du respect des droits de l'homme tels qu'ils sont garantis par la Convention et ses Protocoles.

Aujourd'hui, la Cour entérine les règlements amiables sous la forme d'arrêts afin de permettre la surveillance de leur exécution par le Comité des Ministres qui, conformément à l'art. 46, par. 2, CEDH, ne peut surveiller que l'exécution par les Etats défendeurs des arrêts définitifs et non celle de décisions de la Cour. Or il s'est avéré que l'adoption d'un arrêt en matière de règlement amiable pouvait avoir une connotation négative pour la Partie défenderesse, ce qui n'en favorise pas la conclusion.

La nouvelle procédure, qui prévoit que la Cour adoptera une décision et non plus un arrêt, devrait favoriser la conclusion de règlements amiables, ce qui aura pour conséquence d'alléger la charge de travail de la Cour. Quant au Comité des Ministres, il se voit octroyer un nouveau pouvoir de surveillance de l'exécution des décisions entérinant les termes des règlements amiables.

Art. 16 du Protocole Art. 46

Force obligatoire et exécution des arrêts

Les par. 3, 4 et 5 de l'art. 46 sont nouveaux.

Certaines difficultés dans l'exécution d'un arrêt peuvent survenir en raison d'avis divergents sur l'interprétation à donner à cet arrêt. Le par. 3 habilite donc le Comité des Ministres à demander à la Cour une interprétation d'un arrêt définitif, afin de faciliter la surveillance de son exécution. Selon toute vraisemblance, le Comité des Ministres fera un usage modéré de cette possibilité, d'autant plus que la décision de saisir la Cour nécessitera la majorité des deux tiers des représentants ayant le droit de siéger au Comité des Ministres. Il est important de souligner que le but de ce par. 3 est de permettre à la Cour de donner une interprétation d'un arrêt et non de se prononcer sur les mesures prises par une Haute Partie contractante pour se conformer à cet arrêt.

L'exécution rapide et complète des arrêts de la Cour est primordiale. Elle l'est encore plus lorsque ces arrêts concernent des affaires qui portent sur des lacunes structurelles: il s'agit d'éviter que la Cour ne soit engorgée par un grand nombre de requêtes répétitives. Les par. 4 et 5 de l'art. 46 habilitent ainsi le Comité des Minis2006

tres à saisir la Grande Chambre d'un recours en manquement contre un Etat qui persévérerait dans son refus d'exécuter un arrêt. Cette procédure n'aboutira pas à une décision de la Cour condamnant l'Etat récalcitrant à verser une pénalité financière. Il s'agira toutefois d'un moyen de pression propre à assurer l'exécution des arrêts. Le Comité des Ministres ne devrait d'ailleurs y avoir recours que dans des situations tout à fait exceptionnelles. Sa décision à cet égard nécessitera, à l'instar de la demande en interprétation, la majorité des deux tiers des représentants ayant le droit de siéger au Comité.

Art. 17 du Protocole Art. 59

Signature et ratification

Un nouveau deuxième paragraphe a été ajouté à l'art. 59 pour permettre l'éventuelle adhésion de l'Union européenne à la Convention. Celle-ci ne pourra intervenir qu'une fois adopté le Traité constitutionnel. L'adhésion de l'Union européenne nécessitera un certain nombre d'aménagements de la Convention. Ceux-ci pourraient être introduits soit par un Protocole d'amendement, soit par un Traité d'adhésion à conclure entre l'Union européenne, d'une part, et les Etats parties à la Convention, d'autre part. En toute hypothèse, l'approbation et la ratification d'un tel instrument par les Hautes Parties contractantes seraient indispensables.

Art. 18 du Protocole Cet article est l'une des clauses finales habituellement incluses dans les traités préparés au sein du Conseil de l'Europe. De par sa nature même, le Protocole d'amendement exclut la formulation de réserves.

Art. 19 du Protocole Cet article est l'une des clauses finales habituellement incluses dans les traités préparés au sein du Conseil de l'Europe.

Art. 20 du Protocole Le nouveau critère de recevabilité prévu à l'art. 35, par. 3, let. b, ne s'appliquera pas aux requêtes déclarées recevables avant l'entrée en vigueur du Protocole. Il y va ici de la sécurité juridique. De surcroît, l'application de ce nouveau critère ne pourra être appliqué que par les Chambres et la Grande Chambre de la Cour pour une période de deux ans consécutive à l'entrée en vigueur du Protocole. Il est apparu, en effet, indispensable de développer une jurisprudence relative à l'interprétation de ce nouveau critère de recevabilité avant que son application uniforme par les formations de juge unique et par les comités ne puisse être assurée.

Art. 21 du Protocole Conformément au nouvel art. 23, tous les juges seront élus pour un mandat non renouvelable de 9 ans. Les mandats des juges ne prendront pas fin à la date de l'entrée en vigueur du présent Protocole. En effet, les juges qui en seront à leur premier mandat verront ce dernier prolongé de plein droit pour atteindre un total de neuf ans. En revanche, pour les juges qui en seront à leur deuxième ou troisième mandat, ce dernier sera prolongé de plein droit de deux ans. Cette nouvelle procédure devrait permettre, en quelques années, d'obtenir un renouvellement régulier de 2007

la composition de la Cour et, normalement, d'aboutir à une situation dans laquelle chaque juge commencera son mandat à une date différente. La nécessaire continuité au sein de la Cour sera ainsi assurée.

Art. 22 du Protocole Cet article est l'une des clauses finales habituellement incluses dans les traités préparés au sein du Conseil de l'Europe.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes

Le Protocole n° 14 n'aura aucune conséquence pour la Confédération, les cantons et les communes.

3.2

Conséquences économiques

Le Protocole n° 14 n'aura aucune conséquence financière pour la Confédération, ni de répercussions sur l'effectif de son personnel.

4

Liens avec le programme de législature

Par la force des choses, la ratification du Protocole n° 14 ne pouvait pas être annoncée dans le Rapport sur le Programme de la législature (BBl 2004 1135). Comme il a été relévé sous chiffre 1.2, cette ratification est néanmoins urgente et son approbation est donc soumise à l'Assemblée fédérale. Elle est par ailleurs en parfaite harmonie avec l'un des objectifs permanents du Conseil fédéral qui est la promotion et la protection des droits de l'homme aussi bien sur le plan suisse que sur le plan international (voir art. 54, al. 2, Cst.).

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

Conformément à l'art. 54, al. 1, Cst., la conclusion des traités internationaux relève de la compétence de la Confédération. L'art. 141, al. 1, let. d., Cst. (RS 101) prévoit que les traités internationaux qui sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables, qui prévoient l'adhésion à une organisation internationale, ou qui contiennent des règles de droit importantes ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales, sont sujets au référendum (référendum facultatif). Le Protocole n° 14 est d'une durée indéterminée, mais il est dénonçable puisqu'il amende la CEDH qui est elle-même dénonçable conformément à son art. 58. Il ne prévoit pas non plus l'adhésion à une organisation internationale et il n'est pas nécessaire d'édicter ou de modifier des lois fédérales pour le mettre en oeuvre. En revanche, il établit des règles de droit au sens de l'art. 22, al. 4, de la loi sur le par2008

lement (RS 171.10), règles qui doivent être considérées comme importantes puisqu'elles confèrent des compétences, touchent aux droits des personnes et régissent des questions institutionnelles et procédurales relatives à la Cour. Si de telles règles devaient être édictées en droit interne, elles ne pourraient l'être que sous la forme d'une loi formelle au sens de l'art. 164, al. 1, let. g, Cst. Le contenu du Protocole n° 14 répond ainsi à l'un des critères de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. L'arrêté fédéral portant approbation du Protocole n° 14 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la Convention, est donc sujet au référendum facultatif.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

En ratifiant la CEDH, la Suisse s'est engagée dans un système de responsabilité collective. Il est donc de sa responsabilité, à l'instar de celle des 45 autres Parties à la CEDH, d'assurer l'efficacité du système de contrôle de la Convention. Les amendements apportés par le Protocole n° 14 visent à accélérer et rationaliser le traitement des requêtes. Comme l'a relevé le Comité des Ministres dans la Déclaration qu'il a adoptée le 13 mai 2004, le Protocole n° 14 a pour but de sauvegarder l'efficacité du droit de recours individuel dans un contexte d'augmentation continue des requêtes, tout en apportant des solutions à deux problèmes principaux auxquels la Cour est confrontée: d'une part, le filtrage des très nombreuses requêtes individuelles et, d'autre part, les affaires dites répétitives. Réaffirmant le rôle central que la Convention doit continuer à jouer en tant qu'instrument constitutionnel de l'ordre public européen, dont dépend la stabilité démocratique du continent, le Comité des Ministres a ainsi demandé instamment aux Etats membres de «tout mettre en oeuvre pour signer et ratifier le Protocole n° 14 aussi rapidement que possible aux fins de son entrée en vigueur dans un délai de deux ans à compter de la date de son ouverture à la signature». La Suisse se doit donc de le ratifier d'ici à la fin janvier 2006 afin de ne pas faire obstacle à son entrée en vigueur le 1er mai 2006.

2009

2010