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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'insertion dans la constitution d'un article 36 bis sur la radiodiffusion et la télévision (Du 3 juillet 1956)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec le présent message, le projet d'un arrêté fédéral concernant l'insertion dans la constitution d'un article 36 bis sur la radiodiffusion et la télévision.

INTRODUCTION La radiodiffusion a pris dans la vie publique et privée une place si importante que la question de son organisation et de ses programmes suscite et suscitera encore les controverses du public. On pourrait en dire autant de la télévision, qui, douée d'un rayonnement plus intense et plus étendu encore, se développe à un rythme sans cesse croissant. La question de leur rapport avec l'Etat se pose constamment. La nature même de ces moyens de transmission oblige l'Etat, gardien de notre sécurité intérieure et extérieure, à ne point s'en désintéresser. Tant comme sources d'information et moyens d'expression que comme facteurs culturels, économiques et politiques, la radiodiffusion et la télévision ont acquis aujourd'hui une importance telle qu'elles intéressent le pays tout entier. Même aux Etats-Unis, où la radiodiffusion et la télévision sont exploitées commercialement par des entreprises privées, les autorités se sont vues amenées à soumettre ces institutions à certaines restrictions. La question se pose chez nous avec d'autant plus d'acuité que les installations techniques des postes émetteurs sont aux mains de la Confédération, alors que les services des programmes, malgré leur caractère public, reposent entièrement sur des organismes de droit privé. On a déjà souvent parlé de,la nécessité, de .créer une base juridique spéciale, qui,

1546 conçue de manière à s'adapter aux circonstances, permettrait de définir exactement et durablement ce rapport entre l'Etat et les sociétés privées de radiodiffusion. Ce qui était déjà vrai autrefois pour la radiodiffusion; l'est aujourd'hui aussi pour la télévision, qui, par la similitude de ses procédés techniques et de ses programmes, nous place devant les mêmes problèmes.

Le cinéma, lui, obéit à d'autres normes. Le 24 février 1956, nous vous avons adressé à son sujet un message avec un projet d'arrêté tendant à régler son statut juridique.

Sur proposition de sa commission de gestion, le Conseil national a adopté, le 19 septembre 1940, un postulat conçu en ces termes: Le Conseil fédéral est invité à examiner l'opportunité de régler par une loi tout le domaine de la radiodiffusion.

Selon le rapporteur de la commission, l'élaboration d'une telle loi s'imposait avec évidence. Il n'était pas compréhensible, disait-il, qu'une matière aussi vaste et complexe que l'émission de programmes radiodiffusés, embrassant les domaines de la culture, de la politique, de la presse, de l'art, de la religion, de la propagande, du droit d'auteur, reposât tout entière sur une loi qui datait d'une époque où la radio en était à ses débuts et ne préoccupait pas encore les pouvoirs publics : la loi fédérale du 14 octobre 1922 réglant la correspondance télégraphique et téléphonique.

Un postulat, déposé par M. le conseiller national Moine et adopté le 19 décembre 1945, s'exprime dans le même sens: L'organisation de la radiodiffusion suisse est l'objet, depuis quelque temps, de critiques assez vives. Si, d'une façon générale, elle a rendu de bons services, elle doit cependant être revisée et se débarrasser de certaines dispositions surannées. Le Conseil fédéral est invité, tout en respectant les principes du fédéralisme et de la décentralisation, à présenter un projet de refonte de l'organisation de la radiodiffusion suisse.

L'auteur du postulat avait surtout en vue une loi-cadre qui établirait les principes généraux d'une réorganisation de la radiodiffusion.

Le 27 mars 1952, le Conseil des Etats adopta, sous forme de postulat, la motion suivante, déposée le 28 janvier 1952 par sa commission chargée d'examiner notre message du 4 juin 1951 sur le financement d'un service d'expérimentation de télévision: Le texte de l'article 36 de la constitution est dépassé par suite de l'extension prise par la régale des postes et des télégraphes. En conséquence, le Conseil fédéral est invité à soumettre aux chambres un rapport et des propositions au sujet de la revision de la constitution dans ce sens, et, par la suite, un projet de loi sur les services de la radiodiffusion et de la télévision.

Les délibérations de la commission du Conseil national constituée en vue de l'étude du même message aboutirent à la rédaction d'un postulat analogue. Ce postulat, qui fut accepté par le chef du département des postes et des chemins de fer dans la séance du 22 septembre 1953, invitait le Conseil fédéral à présenter aux chambres fédérales, dans le délai de quatre ans, un rapport et des propositions sur la création d'une base juridique spéciale pour

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le service suisse de la radiodiffusion et de la télévision. Ce délai de quatre ans avait été prévu parce que, aux termes de la concession accordée à la société suisse de radiodiffusion, un délai de cinq ans devait être observé de part et d'autre pour dénoncer la concession.

Lors des débats de la session d'été 1955 sur le message du 8 mars 1955 relatif à l'aménagement de la télévision suisse et le projet d'arrêté fédéral concernant la prolongation et le financement du service d'expérimentation de la télévision suisse, le Conseil des Etats aussi bien que le Conseil national demandèrent à nouveau, de façon pressante, l'élaboration d'un article constitutionnel spécial sur la radiodiffusion et la télévision et de dispositions légales fondées sur cet article. Ils estimaient que l'article 36 de la constitution ne donnait pas de compétence à la Confédération en matière de programmes.

II

LA SITUATION ACTUELLE Dans notre rapport du 13 janvier 1953 sur le statut du service suisse de radiodiffusion et dans celui du 8 mars 1955 sur l'aménagement de la télévision suisse, nous vous avons exposé d'une façon détaillée l'évolution de la radiodiffusion et de la télévision en Suisse et à l'étranger. Nous nous contenterons donc aujourd'hui d'en évoquer les phases essentielles, vous priant, pour le reste, de bien vouloir vous référer auxdits rapports.

1. Radiodiffusion C'est à l'initiative privée que la radiodiffusion suisse doit son existence et son essor. L'honneur d'avoir construit le premier émetteur public -- le troisième en Europe -- revient à la ville de Lausanne; en 1922, la même année, se fondait la société suisse de radiodiffusion. Déjà deux ans après, le groupe de Genève se rendait indépendant sous le nom de «fondation des émissions de Radio-Genève». En Suisse alémanique, une société de radiodiffusion se constitua en 1924 dans la ville de Zurich, qui fut la première à mettre en exploitation une station n'ayant d'autre but que de servir à la radiodiffusion.

Tour à tour se fondèrent la «Radiogenossenschaft» de Berne, en 1925, celle de Baie en 1926, la «Ostschweizerische Radiogesellschaft», à Saint-Gall en 1930 et la «Società Cooperativa per la radiodiffusione nella Svizzera italiana» à Lugano, également en 1930. Pour exploiter en commun les émetteurs nationaux de Beromunster et de Sottens, dont l'administration des postes, télégraphes et téléphones venait d'achever la construction et auxquels vint s'ajouter en 1933 le troisième émetteur national érigé sur le Monte-Ceneri, au Tessin, ces sociétés fusionnèrent en 1931 en vue de constituer la société suisse de radiodiffusion. Le département des postes et des chemins de fer accorda à cet effet le 26 février 1931 à cette société, pour elle-même et pour les sociétés

1548 membres, une «concession pour l'usage dès postes émetteurs de radiodiffusion de l'administration suisse des télégraphes et des téléphones».

Revisée le 30 novembre 1936, cette concession fut renouvelée le 13 octobre 1953 pour cinq ans. Elle fut suspendue, par suite de la guerre, de 1939 à 1945, période durant laquelle le service des programmes avait dû être rattaché à l'administration des postes, télégraphes et téléphones. Depuis l'adoption de ses nouveaux statuts, le 29 novembre 1952, la société suisse de radiodiffusion compte deux membres de plus, la «Innerschweizerische Radiogesellschaft», fondée en 1946 à Lucerne, et la «Cumunanza Radio Rumantsch», fondée à Coire la même année. Les studios de Baie, Berne et Zurich alimentent en programmes l'émetteur de Beromunster, les studios de Genève et Lausanne celui de Sottens et le studio de Lugano celui de Monte-Ceneri.

La société suisse de radiodiffusion et ses sociétés membres sont organisées sur la base du droit privé. Ce sont des sociétés coopératives à Baie, Berne, Zurich et au Tessiti, ou bien des associations selon le code civil comme l'« Ostschweizerische Radiogesellschaft», l'«Innerschweizerische Radiogesellschaft» et la «Radio Rumantsch». Il y a aussi des fondations au sens des articles 80 et suivants du même code, telles que la société des émissions de Radio-Genève et la société romande de radiodiffusion. Ces sociétés de droit privé comprennent, outre des particuliers, des cantons et des communes. Cette organisation manifeste la structure federative de la radiodiffusion et son caractère d'institution d'intérêt général. En laissant ou en donnant à ces sociétés un caractère de droit privé, on a voulu, après la mise en exploitation des émetteurs nationaux, assurer l'existence d'un service des programmes autonome, séparé nettement de la partie technique, qui restait sous le contrôle de l'administration. Ce service relève, cependant, du droit public. Il est un service public et a aussi été désigné comme tel dans les conseils législatifs. Les statuts de la société suisse de radiodiffusion (art. 2) prévoient eux-mêmes de manière expresse que ladite société et les sociétés membres servent l'intérêt public et ne poursuivent aucun but lucratif. Ce serait d'ailleurs faire violence à la réalité que de considérer et traiter le service des programmes
comme une affaire privée des sociétés émettrices. En assumant une fonction publique, les sociétés responsables ont passé au rang de corporations publiques. Vu la nature de la tâche, il importe peu, juridiquement, que le service des programmes soit confié à des sociétés de droit privé ou à des corporations de droit public créées à cet effet (cf. Burckhardt, Organisation der Rechtsgemeinschaft, p. 324-325).

L'élaboration des programmes incombe aux studios et par conséquent aux sociétés régionales, tandis que la société suisse de radiodiffusion assume la haute direction de l'entreprise, surveille les émissions de programmes, coordonne l'activité d'ensemble de ces sociétés et les représente vis-à-vis des tiers et de l'autorité concédante. Jusqu'à ce jour, le besoin de centraliser la diffusion des programmes ne s'est pas fait sentir. La structure de la radio

1549 suisse, adaptée à la forme federative de notre Etat, permet de tenir compte de la diversité des langues et des cultures de notre pays. Le souci d'une exploitation rationnelle doit cependant retenir toute l'attention, ce qui nous fait dire que le nombre actuel des studios représente déjà le maximum.

Des considérations pratiques justifient la centralisation du service des ondes courtes et de la télédiffusion. Quant à la télévision, elle a été commise aux soins de la société suisse de radiodiffusion, institution centrale. Mais il n'y a là rien de définitif.

Au problème de l'organisation des sociétés de radiodiffusion est lié celui de la participation de l'auditeur et du spectateur à l'établissement des programmes. Maintes discussions ont été engagées à ce propos, au parlement et ailleurs, sous le slogan de la démocratisation des émissions radiophoniques.

Seuls 6 pour cent des abonnés à peine font partie de l'une ou l'autre société.

Ne voyons pas là un signe de désintéressement des auditeurs. C'est plutôt l'indice qu'ils considèrent le service radiophonique comme une institution publique à laquelle ils ne voient guère la nécessité d'apporter leur concours.

Quoi qu'il en soit, il a toujours été reconnu que leur voix doit pouvoir se faire largement entendre. Aussi, conformément à la nouvelle concession de 1953, toutes dispositions furent-elles prises dans les statuts de la société suisse de radiodiffusion et des sociétés membres pour que les milieux intellectuels et Culturels de notre pays, ainsi que les diverses régions et les diverses catégories d'auditeurs soient représentés au sein des organes de direction de ces sociétés. Mais auparavant déjà, en ouvrant la porte de leur association à divers groupements d'auditeurs et aux corporations publiques, voire à l'abonné lui-même, les sociétés de radiodiffusion n'ont pas poursuivi d'autre but. En revanche, la création d'un véritable parlement d'auditeurs avec droit de vote généralisé rencontrerait des obstacles insurmontables et ne donnerait d'ailleurs pas des résultats satisfaisants. L'expérience a montré que ce sont les associations culturelles de toutes espèces qui réclament le droit d'exercer une influence sur la composition des programmes et non pas les auditeurs isolés. L'assemblée générale de la société suisse de radiodiffusion, avec ses 87
membres, tient d'ailleurs lieu en quelque sorte de parlement de la radiodiffusion.

Le nombre d'auditeurs de la radiodiffusion dépasse aujourd'hui nettement le million. Le phénomène naturel de saturation va sans doute ralentir quelque peu l'accroissement. La stabilisation qui se produira aussi bien dans la technique que dans le contenu des programmes nous est une raison de plus pour envisager une organisation de longue durée reposant sur une base légale.

2. Télévision La télévision représente un progrès considérable de la technique, atteignant, quoi qu'on dise, un haut degré de perfection. Alors que la technique de la radio se développe à un rythme plutôt lent, nous nous

1550 trouvons ici subitement en face d'une technique déjà presque parvenue à sa maturité, ayant dépassé de loin en tout cas le stade de l'expérience. La télévision est-elle un bien, est-elle un mal ? La réponse dépend de ce que l'homme saura en faire. Nous sommes là devant la question qui se pose pour chaque invention de grande portée et qui, en matière atomique, revêt une importance décisive pour le sort de l'humanité.

Dans notre message du 8 mars 1955, nous vous avons exposé de façon détaillée le point de départ technique de la télévision ainsi que l'état actuel de son développement. Sans parler des Etats-Unis, où la télévision à domicile s'est répandue avec une surprenante rapidité grâce à des conditions favorables, la télévision s'est fortement implantée dans les pays européens et y prend une extension toujours plus grande. Elle accomplit d'étonnants progrès en Angleterre et en Allemagne. Mais dans les pays voisins également, des efforts considérables sont entrepris pour la développer. Dans le voisinage immédiat de nos frontières, des émetteurs puissants sont en service, en voie de construction ou à l'état de projet. Comme la télévision, pas plus que la radiodiffusion, ne connaît de frontière, l'introduction définitive de la télévision en Suisse soulève aussi le problème de la défense spirituelle du pays.

L'adoption pure et simple des solutions consacrées à l'étranger ne pouvait cependant pas être envisagée. Pas plus qu'on ne voulait-faire de la télévision une régie d'Etat, on ne pouvait l'abandonner à la spéculation économique. Une commission fédérale de télévision avait été constituée déjà en 1949 pour discuter les questions techniques, financières et d'organisation. Elle déclara qu'il fallait procéder prudemment et graduellement: les essais de transmission visant à l'aménagement d'un réseau de télévision devaient être suivis d'un service d'expérimentation proprement dit, précédant lui-même l'institution d'un service, régulier dans toute la Suisse.

Pour tenir compte des craintes exprimées dans divers milieux, nous avons enfin institué une commission fédérale pour l'étude des questions culturelles touchant à la télévision. Cette commission énonça les principes à suivre pour la composition des programmes de télévision suisse.

A la suite de l'arrêté fédéral du 31 janvier 1952 concernant le
financement d'un service d'expérimentation de télévision (qui autorisait le Conseil fédéral à consacrer à cet effet une somme maximum de 2,4 millions de francs), le département des postes et des chemins de fer accorda le 28 février 1952 à la société suisse de radiodiffusion une concession provisoire pour diffuser des programmes de télévision. Entre la radiodiffusion et la télévision, une étroite coordination s'imposait puisque toutes deux poursuivent les mêmes buts et alimentent leurs programmes aux mêmes sources. C'est la raison pour laquelle la société suisse de radiodiffusion se vit confier le service des programmes télévisés, service qui fut assuré directement par sa direction générale. Celle-ci a fait appel à une commission des programmes chargée de surveiller' les émissions. Une fois achevée la construction de

1551 l'émetteur de l'Uetliberg et du studio de Zurich, un premier essai de diffusion fut effectué le 20 juillet 1953. Le 23 novembre de la même année, le fonctionnement régulier du service d'expérimentation débutait officiellement.

L'émetteur de l'Uetliberg ne pouvait cependant assurer une réception satisfaisante au-delà d'un rayon de 50 km environ. Dans les limites de ce rayon, il fallait encore compter avec les conditions topographiques, qui jouaient un rôle prépondérant. Il était clair pour chacun que cet essai était entrepris à l'échelle nationale. Aussi réclama-t-on de toutes parts l'extension de cette expérience aux autres régions du pays. L'arrêté fédéral du 24 juin 1954 concernant le financement d'un programme romand d'expérimentation fournissait la base nécessaire à l'établissement d'un programme d'émission destiné à la Suisse romande. Ce projet put être réalisé au début de 1955, après la construction de l'émetteur de la Dole. Des émetteurs-relais furent en outre installés près de Berne et de Baie pour permettre aux régions avoisinantes de participer aux essais. Quant aux requêtes émanant des régions nord-est et du Tessin, elles ne purent être prises en considération pour le moment.

Comme la période d'essai prévue n'avait pas permis de résoudre les problèmes juridiques et financiers d'un service régulier, pas plus d'ailleurs que la question des programmes, sa prolongation était indispensable.

C'est pourquoi, par arrêté du 22 juin 1955, vous avez accordé les crédits nécessaires pour construire de nouveaux émetteurs sur le Ssentis, le MonteCeneri et le Monte San Salvatore, pour continuer les émissions et prolonger le service technique d'expérimentation jusqu'à fin 1957. D'ici là, il faudra résoudre les questions juridiques, régler le problème financier et établir définitivement la forme des programmes.

Il est trop tôt pour dire si l'intérêt du public suisse justifie les efforts que nous entreprenons en vue de l'introduction de la télévision dans notre pays. Chaque invention a besoin d'un certain temps pour se propager.

D'autre part, le prix relativement élevé d'un appareil récepteur et le sort incertain de la télévision sont autant d'obstacles à la rapidité de son extension. Le nombre des téléspectateurs s'élève actuellement à 15 000, mais, comme l'observation de ce qui s'est passé dans
les autres pays nous porte à le croire, une augmentation très sensible du nombre d'abonnés peut être escomptée pour ces prochains mois. En comparant ce chiffre avec celui de la population totale du pays ou avec celui du nombre des concessionnaires de radio en Suisse, on ne saurait d'ailleurs conclure que la télévision n'éveille que peu d'intérêt chez nous. Elle n'a pas encore pénétré toutes les régions de notre territoire, et là où elle s'est déjà implantée, la qualité de la réception laisse encore à désirer. C'est pourquoi nous ne pouvons pas tirer de cette comparaison une conclusion valable avant d'avoir rendu l'ensemble du pays accessible à des programmes convenablement retransmis en le pourvoyant d'installations appropriées.

1552 La formation des programmes dépend essentiellement des ressources financières mises à disposition. Les studios doivent encore se contenter d'un minimum de personnel et de programmes très restreints, car ces ressources sont pour l'instant très limitées. Ajoutons que nous en sommes encore à la période d'études et d'expérimentation. A en croire la presse, la qualité des programmes radiophoniques s'est d'ailleurs considérablement améliorée.

Remarquons enfin qu'il est dans la nature des choses que la retransmission directe constitue le principal intérêt du téléspectateur.

3. La radiodiffusion et la télévision dans leurs rapports avec l'Etat D'après l'article 36 de la constitution, les postes et les télégraphes sont dans toute la Suisse du domaine fédéral. C'est en vertu de cet article que la Confédération a secondé dès le début les promoteurs de la radiodiffusion suisse, en assurant la construction et l'exploitation des stations émettrices nécessaires. Il en est de même présentement pour la télévision. En vertu de la régale, la loi du 14 octobre 1922 réglant la correspondance télégraphique et téléphonique s'applique en effet à toutes les installations servant à la transmission électrique ou radioélectrique de signaux, d'images ou de sons, quelle que soit leur nature. Quant à l'unité technique entre la radiodiffusion et la télévision, elle est clairement illustrée par le fait que les fréquences leur sont à toutes deux attribuées dans l'annexe à la convention mondiale des radiocommunications, signée à Atlantic City en 1947, et aussi par le statut européen établi en 1952 à la conférence de Stockhohn.

La Confédération peut donc, comme elle l'a fait, prendre à sa charge le service technique et l'entretien des postes émetteurs tout en laissant l'usage de ces derniers à la société suisse de radiodiffusion et aux sociétés régionales par l'octroi d'une concession. Ce rapport entre la Confédération et les sociétés de radiodiffusion eût sans doute pu être réglé d'une autre manière. Le régime de la concession correspond à celui des télégraphes et des téléphones, dont l'administration demeure propriétaire des installations mises au service des usagers. La différence réside en ce que la communication télégraphique ou téléphonique est un message de l'usager à un tiers, dont le contenu reste soustrait à
l'influence de l'administration, tandis que les communications et les programmes de la radiodiffusion et de la télévision s'adressent à un cercle inconnu de destinataires, c'est-à-dire au public.

Puisque la radiodiffusion et la télévision ont un caractère public et qu'elles s'adressent à l'ensemble de la population constituant une communauté morale et intellectuelle sur laquelle elles exercent une influence, il est nécessaire d'introduire des règles particulières dans le statut juridique de ces institutions. Objet d'un service public, leurs programmes doivent aussi bien servir l'intérêt du pays et de la culture que satisfaire les désirs

1553 des abonnés et des autorités. La radiodiffusion et la télévision cessent par là même d'être une affaire privée.

Il y a loin de la liberté d'émission, 'qui ne se manifeste que dans l'organisation indépendante du service des programmes, à la liberté de la presse, qui est beaucoup plus large. Le Conseil fédéral a de tout temps refusé, notamment pendant la dernière guerre, de reconnaître une responsabilité pour les allégations faites dans la presse, mais il a dû l'admettre · pour celles qui sont diffusées par la radio. Les conseils législatifs ont confirmé cette manière de voir le 16 décembre 1938 en approuvant la convention internationale de Genève du 23 septembre 1936 concernant l'emploi de la radiodiffusion dans l'intérêt de la paix. Cette convention se rapportait à la question de savoir quel usage les Etats pouvaient et devaient faire de leur pouvoir de contrôle sur les stations radiotélégraphiques. Devenue partie à cette convention, la Suisse s'est engagée à interdire sur son territoire «toute émission qui, au détriment de la bonne entente internationale, serait de nature à inciter les habitants d'un territoire quelconque à des actes contraires à l'ordre intérieur ou à la sécurité d'un territoire d'une haute partie contractante». Elle s'obligeait «à veiller à ce que les émissions diffusées par les postes de son territoire ne constituent ni incitation à la guerre contre une autre haute partie contractante ni incitation à des actes susceptibles d'y conduire». Ses obligations s'étendaient plus loin encore et lui commandaient de proscrire «toute émission susceptible de nuire à la bonne entente internationale par des allégations dont l'inexactitude serait ou devrait être connue des personnea responsables de la diffusion». Les hautes parties contractantes s'engageaient en outre à veiller à ce que «les postes de leurs territoires respectifs diffusent sur les relations internationales des informations dont l'exactitude aura été vérifiée par les personnes responsables de la diffusion de ces informations et cela par tous les moyens en leur pouvoir». La convention contient une disposition selon laquelle «des allégations inexactes doivent être corrigées le plus tôt possible, même si l'inexactitude n'est apparue que postérieurement à la diffusion». Dans son message du 11 octobre 1938 relatif à la convention,
le Conseil fédéral avait déclaré: «Cette convention ne contient, à vrai dire, aucun engagement qui n'ait déjà été assumé naturellement par la Suisse. Ce qu'elle interdit, nous nous le sommes interdit de nous-mêmes, sans attendre la conclusion d'un accord international. La Suisse ne troublera jamais, par ses postes d'émission, la bonne entente internationale.» Il ajoutait que les articles cités «ont moins pour objet d'étendre les obligations incombant déjà aux Etats au titre du droit des gens que d'en préciser la nature aux fins d'en faciliter l'observation».

Ce qui est valable sur le plan international l'est aussi à l'intérieur des frontières d'un Etat. On ne pourrait concevoir par exemple que la radiodiffusion et la télévision deviennent des instruments de propagande politique. C'est pourquoi la concession à la société suisse de radiodiffusion

1554 contient certains principes selon lesquels les programmes diffusés par les concessionnaires doivent servir l'intérêt du pays, renforcer l'union et la concorde nationale, défendre et développer les valeurs spirituelles et culturelles du pays, contribuer à la formation spirituelle, artistique et morale des auditeurs, tout en répondant à leur désir d'information et de divertissement. Elle prévoit en outre que l'autorité concédante peut interdire des émissions qui peuvent mettre en danger la sûreté intérieure et extérieure de la Confédération, ses rapports internationaux comme aussi la tranquillité et l'ordre publics. La concession renferme aussi, sur l'organisation de la société, l'utilisation des recettes, etc., des dispositions conçues dans l'intérêt des auditeurs. Notons d'autre part qu'il n'a jamais été question de faire de la radiodiffusion hier et de la télévision aujourd'hui une branche de l'administration publique de la Confédération. Toutes les précautions ont été prises pour éviter que l'octroi d'une concession ne paraisse signifier une tentative de l'Etat de s'immiscer dans l'élaboration des programmes. Et l'on peut affirmer que, eu égard à la portée immense de ces deux institutions, le statut actuel de la radiodiffusion et de la télévision ne pourrait pas laisser aux organisateurs une plus grande liberté dans ce domaine.

Notre activité culturelle se déroule dans le cadre de notre vie privée, dans notre vie personnelle d'abord, puis au sein de la famille et enfin dans le cercle plus élargi des associations et institutions culturelles ou scientifiques.

Ce sont là les supports de notre culture. Là où les tâches à accomplir débordent ce cadre, intervient la puissance publique, représentée par les communes, les cantons ou la Confédération. La puissance publique se borne à jouer un rôle essentiellement subsidiaire, se contentant de remplacer l'initiative privée là où elle fait défaut, de la soutenir lorsqu'elle est défaillante, prenant garde de ne pas s'y substituer. Tel est le régime instauré chez nous pour la télédiffusion et la télévision. L'action de l'Etat tend simplement à protéger les intérêts du pays et de la collectivité. La liberté de la pensée ne subit ici aucune restriction.

III

CONSULTATION DES GOUVERNEMENTS CANTONAUX ET DES ORGANISATIONS CULTURELLES ET ÉCONOMIQUES DU PAYS Tenant compte des voeux exprimés dans les conseils législatifs et dans le public ainsi que de l'évolution enregistrée jusqu'alors, le département des postes et des chemins de fer a élaboré, il y a quelque temps déjà, un projet d'article constitutionnel sur la radiodiffusion et la télévision. Ce projet avait la teneur suivante : Article 36bis

La législation sur la radiodiffusion et la télévision est du domaine fédéral.

La construction et l'exploitation technique des postes émetteurs incombent à la Confédération.

.. · .

1555 La Confédération charge du service des programmes une ou plusieurs institutions de droit public ou privé. Elle veule à ce que les besoins culturels des différentes parties du pays et des divers milieux de la population soient équitablement pris en consii dération.

Les termes de cet article se limitaient à l'essentiel, pour laisser à l'activité législative une liberté d'adaptation suffisante. Accompagné d'une circulaire et d'un commentaire, ce projet fut envoyé aux gouvernements cantonaux et à 91 organisations: 23 associations d'auditeurs à caractère culturel et scientifique, 36 associations culturelles, 8 associations d'utilité publique, 9 associations cinématographiques et 15 associations économiques.

Les résultats de cette consultation peuvent être représentés schématiquement comme suit: 1. Est-il nécessaire de créer une base juridique constitutionnelle spéciale pour la radiodiffusion et la télévision ? Tous les cantons et toutes les organisations qui ont donné leur avis se sont prononcés affirmativement.

2. Attitude à l'égard dé l'ensemble du projet: approbation sans réserve dans 36 réponses, dont 9 de cantons.

3. Faut-il réunir les deux matières en un seul article ? Avis affirmatif tacite se déduisant de 50 réponses, dont 18 de cantons. Avis affirmatif exprimé de manière expresse dans 21 réponses, dont 5 de canton. Avis négatif exprimé dans 21 réponses, dont 2 de cantons. Dans 7 réponses, dont 3 de cantons, il était proposé de traiter les deux matières dans le même article constitutionnel, mais dans des lois distinctes.

4. Alinéa 2: .

Proposition de modification dans 3 réponses, dont 2 de cantons.

5. Alinéa 3, 1K phrase: Proposition de modification dans 10 réponses, dont 6 de cantons.

6. Alinéa 3, 2e phrase: Proposition de modification dans 30 réponses, dont 14 de cantons.

7. Principales adjonctions proposées: Reconnaître expressément aux cantons le pouvoir d'édicter des prescriptions sur les séances publiques de télévision ; Accorder aux associations intéressées le droit d'être entendues dans l'application de la loi; Régler le financement de la radiodiffusion et de la télévision déjà dans la disposition constitutionnelle.

Il ne nous est évidemment pas possible de vous signaler ici tous les voeux exprimés et toutes les suggestions faites. Un rapport spécial, polycopié, renseignera
en détail vos commissions sur le résultat de cette enquête.

Notons que beaucoup de propositions sont semblables.

Contre la réunion de la radiodiffusion et de la télévision en un seul article constitutionnel, on a avancé en particulier les arguments ci-après :

1556 a. La radiodiffusion a plus de trente ans d'existence. Elle est une institution dont l'organisation a, d'une façon générale, donné satisfaction et dont la vie publique ne pourrait plus se passer. La télévision n'est apparue qu'au cours de ces dernières années et n'a pas que des-partisans.

6. Le peuple doit pouvoir se prononcer pour ou contre la télévision; la jonction des deux objets empêche une décision non équivoque du souverain.

c. Un rejet dont la télévision serait la cause mettrait en danger la radiodiffusion admise par tout le monde.

0 A propos de l'alinéa 2, un canton estime qu'il faudrait grouper dans la même organisation l'exploitation technique et le service des -émissions en prévoyant que tout ou partie de l'appareil technique de la radiodiffusion et de la télévision sera transféré à la société suisse de radiodiffusion.

A l'alinéa 3, première phrase, certains voudraient charger une institution unique d'assumer le service des programmes. D'autres proposent de le confier à des institutions qui en garantiraient le haut niveau culturel.

Quelques-uns même donneraient la préférence à des institutions de droit public. Un canton pense que le terme de «corporation» conviendrait mieux que celui d'«institution» et un autre que le caractère indépendant de l'institution désignée devrait être souligné en termes exprès.

Les changements proposés se rapportent en majeure partie à la deuxième phrase de l'alinéa 3. Selon la plupart des propositions, il s'agirait de prévoir d'une manière plus nette et plus étendue l'obligation imposée aux organismes responsables des programmes de tenir compte des besoins intellectuels et culturels des divers cantons, contrées, milieux et régions linguistiques. Un canton désire même que les autorités fédérales veillent, »avec le concours des cantons, à ce que ces besoins soient équitablement pris en considération.

IV

NÉCESSITÉ DE CRÉER UNE BASE JURIDIQUE CONSTITUTIONNELLE Comme le prouve l'enquête faite auprès des cantons et des organisations intéressées, la nécessité de créer une base juridique constitutionnelle n'est contestée par personne.

L'article 36 de la constitution dispose que, dans toute la Suisse, les postes et les télégraphes sont du domaine fédéral; il confère ainsi à la Confédération la régale des postes et des télégraphes. Il ne prévoit pas l'extension de la régale à des institutions techniques assimilables au télégraphe.

Cependant, l'Assemblée fédérale a toujours été d'avis que l'article 36 signifie, par analogie, «que la transmission des pensées, en tant qu'institution for-

1557 mant nécessairement un tout, doit être réservée à la Confédération» (cf.

Burckhardt, Kommentar zur Bundesverfassung, 3e édition, p. 312; Fleiner, Bundesstaatsrecht, p. 509). Cette thèse a prévalu pour le téléphone et a donné lieu à la loi fédérale du 27 juin 1889. Cette loi fut abrogée par celle du 14 octobre 1922 réglant la correspondance télégraphique et téléphonique, dont l'article premier -- rédigé avec la prescience de l'avenir -- donne à la Confédération le droit exclusif d'établir et d'exploiter des installations émettrices et réceptrices, ou des installations de n'importe quelle nature servant à la transmission électrique ou radioélectrique de signaux, d'images ou de sons.

Ainsi la Confédération put assurer la construction et l'exploitation des stations émettrices nécessaires. Il en est de même présentement pour le développement de la télévision. L'intervention immédiate de l'administration permit d'éviter le gaspillage de forces que la faiblesse des moyens mis en oeuvre par les sociétés de radiodiffusion privées avait occasionné au premier stade de la radiodiffusion.

La régale des télégraphes ne s'étend qu'à la partie technique des moyens de transmission. La Confédération ne peut donc pas fonder sur elle le droit d'assurer le service des émissions de la radio et de la télévision. La régale lui donne seulement le droit de construire et d'exploiter les installations techniques servant à ces dernières.

Divers auteurs admettent néanmoins que la Confédération peut accorder des concessions et édicter des prescriptions d'ordre général pour le service des programmes eux-mêmes, l'établissement et l'émission des programmes constituant, disent-ils, un tout. Ils estiment que les intérêts nationaux, politiques et militaires de la Confédération justifient le régime de la concession. Ce problème ne se pose ni dans les Etats qui ont nationalisé la radiodiffusion et la télévision (France, Danemark), ni dans ceux, comme la Grande-Bretagne, qui les ont attribuées en bloc à une société exerçant un monopole, ni enfin dans ceux qui les ont laissées à l'initiative privée, comme les Etats-Unis. L'Allemagne de l'Ouest s'est trouvée devant une difficulté d'interprétation résultant de la rédaction d'un article constitutionnel selon lequel «l'Etat fédéral a seul le droit de légiférer sur les postes et les
moyens de transmission». La question de savoir si les émissions de programmes étaient également comprises dans ce texte fut discutée, puis résolue affirmativement pour les raisons indiquées plus haut. Ces raisons ne valent cependant pas pour notre pays, puisque, comme le déclare la doctrine suisse, la genèse de l'article 36 de la constitution montre que cet article ne vise que les installations techniques.

Notre constitution fournit à la Confédération une base suffisante pour légiférer sur tous les aspects techniques de la radiodiffusion et de la télévision, mais ce serait en vain que l'on chercherait à fonder sur elle une compétence fédérale d'exploiter le service des émissions ou simplement de légiférer à son sujet.

Feuille fédérale. 108e année. Vol. I.

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1558 Nous avons vu que le service des programmes chevauche entre le domaine public et le domaine privé. Il rentre dans le domaine privé en tant que tâche culturelle mais touche au domaine public par le vaste champ de son influence et les intérêts en jeu. Chacun reconnaît qu'un service purement public n'entre pas en considération. Il s'agira de trouver, par la voie de la législation, une solution judicieuse. Mais pour cela, une base constitutionnelle est indispensable.

1. Contenu de la disposition constitutionnelle Le projet d'article constitutionnel sur la radiodiffusion et la télévision tient compte dans une large mesure des progrès accomplis jusqu'ici. Comme nous l'avons dit, nous nous sommes bornés à formuler l'essentiel afin de laisser une marge suffisante à la législation. Cet article ne doit viser qu'à délimiter son objet. Il doit rester indépendant de l'évolution de la radiodiffusion et de la télévision pour avoir ce caractère d'intangibilité qui convient à un texte constitutionnel. Nous ne croyons donc pas pouvoir y faire figurer des indications sur le contenu des programmes, la protection de l'intérêt public, la consultation des auditeurs, l'organisation du service des programmes, le financement, etc.

La différence entre l'article 36 et l'article 36&is réside dans le fait que le premier continue à réserver à la Confédération la régale générale pour la mise sur pied et l'exploitation des installations techniques nécessaires à la transmission de messages par signes, images ou sons, tandis que le second vise les conditions particulières de la transmission de programmes publics de radiodiffusion et de télévision de toute nature. Relevons à ce propos que l'article 36 continuera de s'appliquer aussi bien aux émetteurs de radio servant à des fins commerciales et aux postes d'amateurs qu'à la télévision industrielle permettant d'observer les phénomènes à courte distance. En rédigeant une loi sur la radiodiffusion et la télévision, on ne pourra probablement pas empêcher que tel point ne se réfère à l'un des articles constitutionnels et tel point à l'autre. Ce ne serait pas chose nouvelle puisque le préambule de la loi sur la navigation aérienne et celui du projet de la loi sur les chemins de fer mentionnent, entre autres, l'article 36 de la constitution.

Le premier alinéa confère à la Confédération une compétence législative ilhmitée dans le domaine de la radiodiffusion et de la télévision. Mais pour exclure d'emblée toute crainte de voir la Confédération s'attribuer de nouvelles tâches, les deux alinéas suivants précisent que la tâche technique de construire et d'exploiter des postes émetteurs lui incombe seule, le service des programmes étant confié comme par le passé à des institutions autonomes.

1559 La parenté étroite qui existe entre la radiodiffusion et la télévision nous contraint d'en fixer le statut juridique dans un seul et même article. Elles se servent toutes deux des mêmes moyens (les ondes radiophoniques), exercent les mêmes fonctions de divertissement, d'information, d'instruction et d'éducation. L'une est une forme dérivée de l'autre. Leurs programmes répondent aux mêmes principes: objectivité, prise en considération de besoins divers. Elles dépendent enfin de la même société. Le fait que la radiodiffusion existe depuis trente ans alors que la télévision est de date toute récente ne joue pas de rôle. La radiodiffusion évolua lentement, tandis que la télévision, profitant des expériences faites, atteignit rapidement dans le domaine de l'émission et de la réception des ondes un niveau proche de la perfection. Si des questions restent à fésoudre à propos de la télévision, notamment celle de son financement, cela ne-devrait pas être une raison de refuser plus longtemps à la Confédération la compétence d'agir en dehors du domaine purement technique de cette institution.

L'organisation technique relève d'ores et déjà de la compétence de la Confédération en vertu de l'article 36. Seule la formation des programmes nécessite une base constitutionnelle nouvelle. Si l'on refuse de créer une telle base, l'utilisation des stations émettrices et le service des programmes échapperaient complètement à la Confédération, ce qui ne manquerait pas d'entraîner les conséquences fâcheuses redoutées dans de nombreux milieux. Les points controversés du problème seront résolus par les dispositions d'application, pour lesquelles l'appel au peuple sera réservé par l'institution du referendum. Le but de l'article constitutionnel n'est pas de prendre parti pour ou contre la télévision, mais bien de créer une compétence constitutionnelle.

Le second alinéa est imposé par l'évolution qui a conduit à la construction des émetteurs nationaux, pour aboutir au développement d'un réseau émetteur sur ondes ultra-courtes, par les soins de l'administration des postes, télégraphes et téléphones. Pour la télévision, cette évolution est jalonnée par les arrêtés fédéraux des 31 janvier 1952, 24 juin 1954 et 22 juin 1955. Modifier l'organisation actuelle en remettant entièrement ou partiellement le service technique à
la société suisse de radiodiffusion comporterait de grands inconvénients d'ordre technique et administratif. Cela supprimerait en outre un système de répartition des tâches qui a fait ses preuves et n'a guère donné lieu à des critiques.

Se fondant sur le premier alinéa du projet, la loi prévoira que certaines conditions d'établissement et d'exploitation des installations réceptrices de radiodiffusion et de télévision devront être prescrites par la Confédération.

L'article 36 ois donnera en particulier à celle-ci le droit, qui lui a fait défaut jusqu'ici, de faire payer aux concessionnaires de stations réceptrices de radiodiffusion et de télévision des taxes destinées aux sociétés qui préparent les programmes. Les dispositions d'application apporteront sur ce point

1560 les éclaircissements voulus. Nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire d'insérer un texte spécial dans l'article constitutionnel.

Aux termes de l'alinéa 3, la Confédération charge du service des programmes une ou plusieurs institutions de droit public ou privé. Comme nous l'avons déjà signalé, le désir de sauvegarder l'autonomie du service des programmes a amené les autorités fédérales à le réserver, pour la radiodiffusion, à des institutions fondées à cette fin. Leur indépendance à l'égard de l'administration publique était soulignée par leur caractère de société de droit privé. Pour tenir compte des diverses formes de sociétés possibles, il fallut désigner d'un terme tout à fait général l'organisme chargé de ce service.

Les expressions «association» et «société» éveillent trop facilement l'idée d'une participation individuelle à la constitution des corporations en question, appelées aujourd'hui sociétés régionales. Ce que nous recherchons, ce n'est pas une participation directe de l'abonné à la société, c'est une forme qui lui permette de faire valoir ses opinions et ses désirs, soit directement, soit par l'intermédiaire des milieux culturels intéressés. Mais le terme de «corporation» pourrait, lui aussi, susciter des malentendus. La notion de «corporation» dans le langage courant correspond en effet à celle de l'article 110 de la constitution, notion qui, d'après une interprétation solidement établie, concerne aussi bien les institutions corporatives de droit public et privé que les communes et les groupements de commune. L'emploi de ce terme pourrait donc peut-être laisser entendre que l'on aurait quand même finalement l'intention de confier le service des programmes à un organe de droit public. La loi devra établir la clarté sur ce point en définissant d'une manière précise le principe de l'indépendance des émissions.

En attendant et pour ne pas anticiper sur la loi, nous nous sommes servis d'un vocable consacré par la loi française, celui d'«institution». Il appartiendra également à la loi de dire s'il y aura une ou plusieurs institutions.

Le droit de l'auditeur et du téléspectateur d'exprimer leurs opinions et leurs voeux sur les programmes devra être respecté, quelle que soit la forme de l'institution. On en est venu à reconnaître généralement que si un «parlement des auditeurs»
n'est pas chose souhaitable, en raison des grandes et vaines complications qu'il entraînerait, il faut en revanche que la voix des milieux les plus divers puisse se faire entendre. C'est à quoi vise la dernière phrase du dernier alinéa, que nous formulons de la manière suivante pour satisfaire aux voeux exprimés: «Elle (la Confédération) veille à ce que les besoins spirituels et culturels des cantons, comme aussi ceux des différentes parties du pays, des divers milieux de la population ainsi que des diverses régions linguistiques soient équitablement pris en considération.» Nous sommes d'avis que les besoins religieux sont inclus dans ce nouveau texte et que les «régions linguistiques» comprennent aussi naturellement les territoires de langue romanche. Quant au concours des autorités

1561 fédérales pour l'application de cette disposition, il va de soi que les cantons pourront le requérir lorsque les circonstances l'exigeront, sans qu'une mention spéciale à ce sujet soit nécessaire.

Pour les séances publiques de télévision, nous sommes d'avis que le régime devrait être celui auquel sont actuellement soumis les spectacles cinématographiques. Si le nouvel article sur le cinéma est accepté, l'adaptation demeurera possible. Sauf en ce qui concerne la censure, qui doit être exercée par un organe central, la compétence des cantons reste indiscutable dans ce domaine. L'insertion d'une disposition dans l'article constitutionnel ne nous paraît pas nécessaire. Ajoutons que certains cantons se sont déjà acquittés de leurs tâches en édictant des prescriptions sur la fréquentation des spectacles publies de télévision par la jeunesse.

Les autres propositions de modifier ou de compléter le projet d'article constitutionnel que le département des postes et des chemins de fer a reçues en réponse à sa circulaire seront examinées lorsqu'il s'agira d'établir les dispositions d'exécution. Le texte constitutionnel doit se limiter à l'indispensable et ne pas contenir de dispositions sujettes à des modifications ou dont la place est dans la loi.

2. Les rapports entre la Confédération et les cantons dans le domaine de la législation sur la radiodiffusion et la télévision La crainte a été exprimée que la Confédération, en acquérant la compétence de légiférer sur la radiodiffusion et la télévision, n'empiète sur la sphère la plus jalousement gardée des cantons, celle de la culture. Rappelons à ce propos qu'il n'existe pas de répartition définitive des attributions entre la Confédération et les cantons. Il est tout à fait naturel qu'au cours des temps et au fur et à mesure du développement de la culture et de la civilisation, la Confédération assume, dans le domaine culturel aussi, de nouvelles tâches qui n'ont pas encore été réglementées et qui ne pourraient pas être confiées aux cantons. Depuis 1848, la Confédération a pris toute une série de mesures dans le domaine de la culture et de la science sans pouvoir s'appuyer sur une disposition expresse de la constitution. Nous mentionnons à cet égard les arrêtés fédéraux concernant la création d'un musée national et d'une bibliothèque nationale, l'encouragenlent
des beaux-arts et des arts appliqués, la création d'une fondation «Pro Helvetia», la conservation et l'acquisition d'antiquités nationales, le subventionnement du ciné-journal suisse, la constitution d'un fonds national de la recherche scientifique, etc. Ces mesures trouvaient leur justification dans le fait que la Confédération ne peut pas se soustraire à des tâches de politique culturelle sous prétexte qu'elles ne lui seraient pas expressément attribuées par la constitution. Cela est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit de tâches représentant incontestablement un intérêt pour le pays tout entier. La même règle vaut d'ailleurs pour les cantons, qui eux non plus n'ont pas délimité

1562 une fois pour toutes leurs attributions dans ce domaine, mais se voient obligés de les étendre au gré des besoins et des circonstances. Pour qu'on puisse s'opposer à ce qu'une compétence cantonale passe à la Confédération, il faut que cette compétence ait déjà en quelque sorte existé. Or ce n'est pas le cas ici. Il va sans dire que les questions d'ordre culturel qui touchent indirectement le service des programmes et qui sont déjà réglées par les cantons, comme celles qui concernent les écoles, doivent être prises en considération.

Existant depuis trente ans, la radiodiffusion est devenue l'affaire de tout le pays. Un statut national s'impose. Il n'empêchera pas les cantons d'exercer leurs droits dans les questions de radiodiffusion et de télévision qui leur sont réservées. Ils auront entre autres la possibilité de participer aux sociétés régionales et de prévoir des émissions radiophoniques dans le programme des écoles. Jusqu'ici, il n'a pas été difficile de délimiter ce qui est du domaine fédéral et ce qui relève des cantons, parce qu'on avait trouvé, en organisant la société suisse de radiodiffusion, une solution permettant aux cantons d'exercer une influence directe sur l'élaboration des programmes.

La législation de la Confédération sur le service des programmes ne courra pas non plus le risque d'empiéter sur la souveraineté cantonale parce qu'elle ne fera, qu'esquisser les grandes lignes d'un système. Elle sera ainsi limitée à une partie de la matière.

3. Les rapports avec le cinéma et la presse La législation sur le cinéma suit sa propre voie, non seulement en ce sens qu'elle a été établie dans une large mesure par les cantons, mais aussi parce qu'elle se rapporte à un objet qui n'intéresse pas directement la législation sur la télévision et la radiodiffusion : les entreprises privées. Le cinéma ressortit entièrement au domaine de l'économie privée. Cette différence n'en oblige pas moins à faire, sur le plan juridique, une démarcation entre le cinéma d'une part et la radiodiffusion et la télévision d'autre part. Elle appelle également une certaine coordination des deux domaines. Ce que nous venons de dire vaut particulièrement pour le cinéma et la télévision, puisque la technique cinématographique trouve son application dans la télévision et qu'il s'agit dans les deux cas de produire
un effet optique sur l'usager.

La question de la législation sur la presse a aussi été évoquée à propos du problème de la radiodiffusion. La presse et la radio s'occupent toutes deux de l'information du public et leur activité commune est évidente dans le service des nouvelles. Abstraction faite du caractère commercial des entreprises de la branche dé la presse, la différence réside surtout dans la liberté reconnue à la presse. La libre expression des opinions peut être

1563

garantie de façon beaucoup plus étendue à la presse qu'à la radiodiffusion et à la télévision, qui, dans l'intérêt du pays et des auditeurs, sont tenues d'observer une stricte impartialité. La «liberté de la radiodiffusion et de la télévision» consiste dans le fait que le service des programmes est indépendant de l'Etat. Si elle est comparable à la liberté de la presse, elle n'est point de même nature.

Les rapports de la presse avec la radiodiffusion et la télévision sont aussi touchés par la question de l'admission des émissions publicitaires.

Cette question doit encore être élucidée avec grand soin sur la base d'une vaste enquête. Mais l'article constitutionnel peut en faire abstraction aussi bien que d'autres problèmes importants, car la constitution ne doit d'aucune manière anticiper sur la loi.

LE CONTENU D'UNE LÉGISLATION SUR LA RADIODIFFUSION ET LA TÉLÉVISION II n'est pas possible de vous soumettre aujourd'hui déjà un projet de loi sur la radiodiffusion et la télévision. Les problèmes ardus qui se poseront dans l'un et l'autre domaines exigeront, pour être résolus, des recherches et des pourparlers qui prendront un temps considérable. Nous ne pouvons que donner une idée générale de ce qui devra être réglé par la loi. La loi et l'article constitutionnel sont deux choses toutes différentes et il ne serait pas raisonnable de subordonner l'acceptation de l'article constitutionnel au contenu de la loi. Le seul but de l'article constitutionnel est de conférer à la Confédération le pouvoir de légiférer.

Les dispositions de la concession accordée à la société suisse de radiodiffusion ont été établies sur la base des expériences faites depuis l'existence d'une radiodiffusion suisse. Elles représentent un régime qui a donné satisfaction et contiennent une bonne partie de la législation à venir. Etablir les dispositions sous la forme d'une concession était le moyen tout indiqué de tenir compte de l'évolution qui se manifesterait dans le domaine de la radiodiffusion. Mais l'accroissement constant du nombre des auditeurs, comme aussi le développement et le perfectionnement du service des programmes (avec leur incidence sur d'autres domaines du droit) nécessitent aujourd'hui un fondement juridique plus large que celui d'une concession reposant uniquement sur la loi relative à la correspondance télégraphique et téléphonique.

La future loi devra régler d'abord la construction des postes émetteurs avec tout ce qu'elle comporte: achat et installation des appareils, montage des émetteurs, désignation des autorités compétentes, financement, participation de la Suisse à la distribution internationale des ondes

1564 radioélectriques, etc. Mais elle devra aussi organiser le service des programmes, conférer les droits d'usage nécessaires, définir le rôle des autorités ainsi que les droits et obligations des auditeurs et des spectateurs. Les problèmes de la liberté d'émission, du droit d'auteur et de la protection contre la perturbation des émissions formeront autant de chapitres de la loi. Quelques-uns d'entre eux ne seront pas aisés à régler.

La législation devra poser le principe que la diffusion et la transmission des programmes de la radiodiffusion et de la télévision sont des services publics et impliquent, à ce titre, des tâches que l'Etat doit assumer à l'effet de mettre la collectivité au bénéfice d'une «production» utile.

Pour se servir des installations émettrices en vue de la diffusion des programmes, il faudra par conséquent obtenir une autorisation expresse, dont le contenu devra être défini. Nous retrouvons là l'autorisation accordée dans l'actuelle concession pour diffuser et transmettre des programmes.

Une définition appropriée permettra à la radiodiffusion et à la télévision de tirer parti des innombrables possibilités de développement technique qui se sont ouvertes jusqu'à nos jours. Il y aura lieu en outre de régler les rapports juridiques entre ce domaine et les moyens de transmission électrique, notamment les rapports avec la loi sur les télégraphes et les téléphones, les conventions internationales et le droit d'auteur.

Les directives données pour le service des programmes représentent l'essentiel de l'autorisation. Les principes inscrits dans la concession actuelle montrent ce que seront ces directives. L'élaboration de la loi donnera l'occasion de tenir compte des voeux émis par les nombreux milieux, institutions et autorités intéressés. C'est en cela que réside le principal intérêt de la législation. La loi contiendra également des dispositions sur la diffusion des programmes par les émetteurs nationaux, les émetteurs à ondes courtes, les émetteurs de télévision, les ondes ultra-courtes et la télédiffusion (diffusion par fil). Elle réglera enfin les questions relatives à la livraison des programmes aux autres entreprises concessionnaires ainsi qu'à la publication des programmes par la presse.

La question du choix de ou des institutions concessionnaires touche de près à celle
du service des programmes. Il importe d'examiner tout d'abord si la concession doit être octroyée à une ou plusieurs institutions.

La concession actuelle est accordée de façon expresse aussi bien à la société suisse de radiodiffusion qu'à ses sociétés membres. Conformément à ses origines et à ses principes fédéralistes, la société suisse de radiodiffusion a une structure régionaliste. Ce système ayant donné satisfaction, il n'y a pas lieu de passer à la centralisation. On peut se demander si, étant donné le caractère public que leur confèrent les tâches assumées, ces sociétés privées doivent subsister sous leur forme actuelle ou être transformées en corporations de droit public. La situation est telle qu'on peut laisser la question ouverte dans la loi. Pour plusieurs raisons, il serait d'ailleurs trop tôt pour adopter définitivement une autre solution.

1565 II importe en revanche de régler dans la loi les questions d'organisation telles que la garantie de collaboration à donner aux divers milieux représentatifs de la culture et de l'esprit suisse ainsi qu'aux différents milieux d'auditeurs et de spectateurs, la représentation des diverses régions dans les organismes de radiodiffusion et de télévision et enfin le droit pour les auditeurs et les spectateurs d'exprimer leurs opinions et leurs voeux sur les programmes. Nous aurons affaire à des institutions dites ouvertes, qui accepteront comme collaborateurs ou membres les auditeurs et spectateurs qui le désireront. Il s'agit là de conditions bien particulières à la radiodiffusion et à la télévision suisses, auxquelles l'article 56 de la constitution relatif à la liberté d'association n'est pas applicable.

Il faut aussi désigner les autorités de surveillance qui garantiront l'application des dispositions établies et créer la base légale qui donnera aux autorités la compétence de trancher certaines questions concernant les programmes qui touchent par exemple aux rapports de la Suisse avec l'étranger ou à l'ordre public. Le Conseil fédéral a été désigné dans la concession comme autorité de surveillance. A l'avenir, cette fonction lui restera, mais il aura la possibilité de déléguer ses pouvoirs à un département. De toutes façons, la loi devra dire clairement que l'autorité de surveillance ne doit jamais se muer en organe étatique de direction, ni chercher simplement à influencer les programmes.

L'autonomie des institutions chargées du service des émissions est également un principe que la loi devra poser. La concession d'usage qui leur est accordée signifie qu'elles peuvent établir les programmes à leur guise, dans les seules limites des directives données par l'autorité concédante au sujet du service des émissions. Laeradiodiffusion et la télévision, par leur caractère de service public et la place qu'elles se sont faite dans le domaine politique et économique, sont cependant en mesure de jouer un rôle de premier plan dans la vie publique du pays. C'est pourquoi il y aura lieu de réserver à l'autorité de surveillance un certain droit d'intervention, contenu dans des limites très étroites. La Confédération n'aura pas la possibilité de s'ingérer dans le domaine de la politique culturelle. Elle ne
pourra intervenir que lorsque seront en jeu la sécurité intérieure ou extérieure, les relations internationales ou la tranquillité et l'ordre publics.

L'autorité de surveillance devra aussi veiller à l'objectivité des émissions et à leur neutralité confessionnelle et politique. La radiodiffusion et la télévision sont en effet considérées comme les moyens d'expression de l'opinion publique, qui peut, elle-même, passer pour refléter -- surtout à l'étranger -- la manière de voir des autorités. On ne saurait donc se contenter d'une définition toute générale des attributions de l'autorité de surveillance; il faudra préciser ces attributions en s'inspirant des conditions particulières de notre pays.

La question de l'influence des programmes de télévision sur la jeunesse mérite une attention spéciale. La collaboration des commissions des pro-

1566 grammes avec les directeurs de studios revêt une importance particulière dans ce domaine. Des prescriptions devront régler le concours avec les autorités et institutions cantonales.

Nous devons mentionner encore le principe selon lequel personne n'a le droit de revendiquer l'usage de la radiodiffusion ou de la télévision pour des fins personnelles. Il est en effet évident que les postes émetteurs ne peuvent pas être mis à la disposition des particuliers. Il faudra cependant tenir compte dans une juste mesure de la liberté d'expression des opinions, de la liberté des émissions et du besoin d'information. · II nous reste à parler des problèmes du droit d'auteur. La loi ne les a pas encore résolus suffisamment. Il en est même qui attendent leur solution. La situation demeure particulièrement confuse dans le domaine de la télévision, où certains problèmes ne sont apparus qu'au moment de la découverte de nouvelles possibilités d'émission, de réception et de transmission. Il s'agit là d'une part de protéger les auteurs contre la diffusion incontrôlée de leurs oeuvres artistiques, littéraires ou musicales et d'autre part de favoriser, dans l'intérêt du public et de l'auteur lui-même, une certaine diffusion de ces oeuvres. La révision actuelle de la loi fédérale concernant le droit d'auteur sur les oeuvres 'ittéraires et artistiques et les ordonnances qui seront édictées pour assurer son application devront tenir compte des conditions particulières existant en matière de radiodiffusion et de télévision. La protection des programmes contre leur reproduction illicite ne ressortit pas au domaine du droit d'auteur, mais elle lui est tangente.

Les frais élevés des programmes de la radiodiffusion et de la télévision justifient cette protection. Il n'est pas difficile par exemple d'enregistrer une émission radiophonique sftr bandes sonores, de photographier ou de filmer des programmes de télévision. La loi devra permettre d'éviter les abus dans ce domaine et régler les conditions de diffusion et de réception des programmes. Il s'agira d'établir que le service des programmes aura le droit d'autoriser la transmission intégrale ou partielle des programmes, notamment leur enregistrement mécanique à des fins commerciales et leur production en public au moyen d'un appareil à écran lumineux. Mais cette matière
réclame encore un examen approfondi.

Le domaine de la protection contre les perturbations radiophoniques doit aussi être l'objet d'une réglementation particulière. Les mesures prévues dans la loi fédérale du 24 juin 1902 sur les installations électriques à courant fort et à courant faible ne pouvaient évidemment pas prévoir, il y a cinquante ans, les besoins de protection actuels et futurs de la retransmission par radiodiffusion et télévision. Aussi ne suffisent-elles plus aujourd'hui pour lutter efficacement contre les causes actuelles de perturbation.

Nous devons finalement inclure dans la loi des dispositions s'appliquant aux questions administratives. Celles-ci portent sur les objets suivants: situation du personnel des studios et des postes émetteurs, désignation

1567 de l'autorité compétente pour fixer les taxes de réception, répartition du produit entre les services des programmes et l'administration des postes, télégraphes et téléphones, limites de l'exonération fiscale des institutions chargées des programmes. Il faudra déterminer ensuite la participation financière de l'Etat. Cependant les frais des programmes et de l'exploitation technique de la télévision aussi devront être couverts dans la mesure du possible par la perception de taxes. Un contrôle du service des finances et de la comptabilité découle de la surveillance fédérale. Il devra aussi être réglé par la loi.

D'une façon générale, la loi devra établir également les principes généraux concernant le statut juridique des institutions chargées des programmes et les rapports de ces institutions avec les autorités.

Nous fondant sur ce qui précède, nous avons l'honneur de vous proposer de recommander l'adoption du projet ci-joint.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 3 juillet 1956.

in59

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le 'président de la Confédération, Feldmann · Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

1568 (Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL introduisant

dans la constitution un article 36 bis sur la radiodiffusion et la télévision

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 85, chiffre 14, 118 et 121, 1er alinéa, de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 3 juillet 1956, arrête: I

La disposition suivante sera insérée dans la constitution : Art. <36bis La législation sur la radiodiffusion et la télévision est du domaine fédéral.

La construction et l'exploitation technique des postes émetteurs incombent à la Confédération.

La Confédération charge du service des programmes une ou plusieurs institutions de droit public ou privé. Elle veille à ce que les besoins spirituels et culturels des cantons, comme aussi ceux des différentes parties du pays, des divers milieux de la population, ainsi que des diverses régions linguistiques, soient pris équitablement en considération.

II

Le présent arrêté sera soumis au vote du peuple et des cantons.

Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution.

11159

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'insertion dans la constitution d'un article 36 bis sur la radiodiffusion et la télévision (Du 3 juillet 1956)

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19.07.1956

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