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FEUILLE FÉDÉRALE 108e année

Berne, le 13 septembre 1956

Volume II

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: SO franca par an; 16 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis : 50 centimes la ligne ou sou espace ; doivent être adressés franco à l'imprimerie des Hoirs C.-J.Wyss, société anonyme, à Berne

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à un projet d'arrêté fédéral concernant la participation de la Confédération à la reconstitution des forêts protectrices atteintes par le chancre de l'écorce du châtaignier (Du 7 septembre 1956) Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre un projet d'arrêté fédéral concernant la participation de la Confédération à la reconstitution des forêts protectrices atteintes par le chancre de l'écorce du châtaignier.

Le 3 avril 1953, le Conseil d'Etat du canton du Tessin a exposé, dans une requête adressée au département fédéral de l'intérieur, à l'intention du Conseil fédéral, les raisons qui l'engagent à faire appel à l'aide efficace de la Confédération pour reconstituer les forêts protectrices détruites par le chancre de l'écorce du châtaignier.

Avant d'entrer dans le détail de cette requête, nous voudrions attirer l'attention sur l'importance de l'aire de distribution du châtaignier dans notre pays.

Selon une enquête faite en 1917 par l'inspection fédérale des forêts, la superficie des châtaigneraies de la Suisse se chiffrait à environ 17 600 ha.

Depuis lors, elle n'a guère changé; elle est aujourd'hui de 17000 ha en chiffre rond et se répartit comme suit entre les différents cantons: Tessin 15 500 ha, Grisons (vallées au sud des Alpes) 900 ha, Valais 300 ha, Vaud 250 ha et divers autres cantons, en particulier Zoug, Lucerne et Saint-Gall, environ 50 ha.

Ainsi, plus de 90 pour cent de ces forêts se trouvent dans les vallées de la Suisse méridionale et y représentent une part importante de l'aire Feuille fédérale. 108e année. Vol. II.

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forestière. Au Tessili, cette part constitue à peu près 1/5 de la superficie forestière, si l'on considère l'ensemble du canton, et les z/s, si l'on ne tient compte que de sa parti einférieure (vallée inférieure du Tessin et Sottoceneri).

L'aire de distribution du châtaignier (Castanea saliva) dépend des exigences de la plante en ce qui concerne la station : température moyenne relativement élevée et précipitations dépassant la moyenne, longue période de végétation et sous-sol de roches primitives. Dans ces conditions, que l'on trouve dans nos vallées méridionales et dans quelques régions de la Suisse septentrionale soumises au foehn, il se développe en arbres magnifiques de 20 à 30 m de hauteur. Pour la fructification, il exige beaucoup de lumière; on a par conséquent avantage à le cultiver en peuplements clairs (écartement de 15 à 20 m entre les arbres). Sous cette forme, il constitue les fameux bocages de châtaigniers qui donnent au paysage cette typique note méridionale. Ces arbres de futaie couvrent une surface d'environ 10 000 ha.

Mais il s'y ajoute les rejets de souche (taillis simples) dont la superficie atteint à peu près 7000 ha.

Nous exposerons surtout l'importance du châtaignier pour le Tessin, où les conditions de propriété sont particulièrement intéressantes. Les châtaigneraies appartenant à des propriétaires privés sont pour la plupart fortement morcelées; une gestion rationnelle de ces petits fonds n'est guère possible.

En revanche, les bourgeoisies ('patriziati) disposent souvent de vastes châtaigneraies d'un seul tenant ; selon une vieille tradition, il n'est cependant pas rare que des particuliers soient les propriétaires des arbres qui les forment.

De ce fait, il est aussi très difiicile de donner aux peuplements les soins voulus; la distinction usuelle entre propriété publique et propriété privée est en outre impossible.

La production de bois dans les taillis simples ( Le bois de châtaignier contient en quantités industrielles du tanin, ce qui est très important pour l'industrie des cuirs, surtout lorsque les relations commerciales avec l'étranger sont entravées. Il existe actuellement dans notre pays une fabrique (Mareggia) où l'on extrait cette matière tannante du bois de châtaignier. Malheureusement, le prix du bois à tanin est très bas, même pour les forêts situées favorablement en ce qui concerne les transports. Les rendements nets par ha pour ce genre de bois sont ainsi modestes.

Le principal rendement des bocages de châtaigniers n'est pas constitué par le bois, mais par les fruits savoureux et recherchés, qui aujourd'hui encore jouent un rôle important dans la nourriture de mainte famille de paysans montagnards. Un arbre de 70 à 140 ans, bien développé et isolé,

191 produit, sur une station lui convenant, 100 à 200 kg de fruits par an, de quoi nourrir une personne pendant six mois.

Le rendement brut des châtaigneraies au Tessin est estimé à 2,5 millions de francs ; mais fort importante est l'utilité indirecte du châtaignier, qu'il est difficile d'exprimer en chiffres exacts. En effet, cette essence peut, comme nulle autre dans ces régions, croître sur des versants abrupts et exposés, mais aussi sur des sols peu profonds, recouverts de grossiers éboulis.

Elle protège ces sols d'une part contre le dessèchement et l'appauvrissement, et d'autre part contre l'érosion et le ravinement. Cela est d'autant plus important qu'il s'agit de régions particulièrement menacées par l'érosion du fait que les précipitations y sont abondantes (en partie plus de 2000 mm par an). Dans tous les cantons, les bocages de châtaigniers sont compris dans la zone des forêts protectrices et sont par conséquent soumis aux dispositions correspondantes de la loi forestière fédérale du 11 octobre 1902 (voir aussi l'art. 3, 5e al., de l'ordonnance d'exécution du 13 mars 1903). Vu le rôle protecteur particulier des bocages de châtaigniers, la Confédération a déjà octroyé des subventions pour couvrir les frais occasionnés par la création de nouveaux peuplements.

La protection qu'offrent les bocages de châtaigniers permet en même temps à l'agriculture d'utiliser des versants de montagne généralement raides (pâturages) et assure ainsi à mainte famille de paysans montagnards une existence modeste.

Toutefois, le châtaignier n'est pas seulement un arbre utile et protecteur; il embellit aussi le paysage de nos vallées et régions méridionales.

M. Merz, inspecteur des forêts, écrivait ce qui suit dans l'enquête mentionnée au début de ce message : « Que l'on s'imagine une fois que le châtaignier manque totalement dans les vallées méridionales de la Suisse ; quelle tristesse et quelle désolation! C'est alors seulement que l'on se rendrait compte de la beauté incomparable des châtaigniers, qui, par leur fraîche verdure, leurs bouquets de fleurs blanches et parfumées, leurs formes bizarres et pittoresques, contribuent à embellir notre pays.» Sans châtaigniers, la Suisse méridionale serait ainsi privée d'un attribut caractéristique. La disparition du châtaignier aurait des conséquences désastreuses
pour l'hôtellerie, qui joue un grand rôle dans cette région. A cet égard, la beauté du châtaignier n'a donc pas seulement une valeur sentimentale; elle a aussi et surtout une importance économique.

Malheureusement, les variétés de châtaigniers croissant dans la Suisse méridionale sont aujourd'hui gravement menacées par un cryptogame. Il s'agit du chancre de l'écorce du châtaignier (Endothia paralitica [Murr.]

And.). Cette maladie, la plus dangereuse de toutes celles que l'on connaisse jusqu'ici, vient probablement d'Asie orientale, d'où elle a été propagée aux Etats-Unis d'Amérique et finalement en Europe. Depuis le début de notre siècle, le chancre de l'écorce du châtaignier a presque entièrement détruit les châtaigniers américains, qui couvraient, dans les forêts feuillues

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mélangées de l'est, en plus ou moins fortes proportions, une surface de 480000 km2 (12 fois la superficie de la Suisse). Aujourd'hui, on trouve encore cette essence, qui comptait jadis dans cette région parmi les plus précieuses, tout au plus sous forme de rejets de souche dépérissants (voir aussi le message du Conseil fédéral du 14 mars 1955 relatif à un projet de loi qui modifie la loi concernant la haute surveillance de la Confédération sur la police des forêts).

La présence de ce champignon a été constatée pour la première fois en Europe, plus exactement en Italie, après 1930. Au début, on le trouva surtout dans la région de Gênes et de Naples, où il provoqua un dépérissement massif du châtaignier européen. Dans beaucoup de provinces d'Italie, le châtaignier n'existe plus aujourd'hui que sous forme de rejets de souche ayant peine à se développer. En 1947, cette maladie apparut également au Tessin, où elle fit de gros ravages à proximité du Monte Ceneri. Au cours des neuf années qui se sont écoulées depuis lors, ce dangereux parasite ee propagea, malgré les mesures prises, dans une grande partie des châtaigneraies du Tessin et du Mesocco. Dans différentes vallées, les châtaigniers sont en train de périr par centaines, voire par milliers, sur des hectares entiers.

Le champignon se propage par des spores qui peuvent être transportées par le vent ou par des hommes et des animaux (oiseaux, insectes, mammifères). Du point de pénétration, le cryptogame s'attaque aux tissus environnants; 1 à 2 mois après l'infection, l'écorce se modifie; il y apparaît des taches foncées. Si l'on a affaire à des branches assez âgées, à écorce épaisse, la maladie ne peut être décelée que plus tard (formation de fentes dans l'écorce). Au début, le cours de la maladie est plutôt lent; ensuite, la branche ou l'arbre se flétrit en général rapidement. Suivant le genre de point de pénétration, la maladie se propage surtout dans la cime ou dans le tronc de l'arbre. Elle prend habituellement fin avec le dépérissement de l'arbre infecté.

Le champignon attaque avec plus ou moins de virulence les différentes variétés de châtaigniers. Toutefois, un fait important est que -- comme l'ont montré des essais d'infection -- le cryptogame peut entre autres aussi infecter le chêne et le hêtre; les principales essences feuillues du nord
des Alpes sont ainsi également menacées.

Le cours suivi jusqu'ici par la maladie confirme les prévisions de plusieurs spécialistes sur sa virulence et son extension ; en effet, ils ont exprimé la crainte que les peuplements de châtaignier de la Suisse méridionale ne soient fortement décimés dans les 20 à 30 prochaines années. Aujourd'hui, environ 7500 ha déjà sont infectés par le chancre.

Mesures prises jusqu'ici pour lutter contre cette maladie et la prévenir Le champignon ayant une biologie particulière, il ne sera sans doute jamais possible de mener contre lui une lutte directe efficace qui soit écono-

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inique. Comme le tissu cryptogamique se propage sous l'écorce, les produits chimiques appliqués à l'extérieur agissent très difficilement.

Le cours de la maladie dans les premières années de l'attaque au Tessin permettait de croire qu'on pourrait éviter la catastrophe en abattant et en façonnant rapidement les arbres touchés. Aussi le Grand conseil du canton du Tessin publia-t-il le 1er février 1951 le Decreto legislativo concernente la lotta contro il cancro della corteccia del castagno ed il mal dell'inchiostro. Ensuite, la lutte contre le chancre de l'écorce du châtaignier fut déclarée obligatoire sur tout le territoire du canton du Tessin et l'inspection cantonale des forêts fut autorisée à ordonner l'abattage des arbres attaqués et à verser aux propriétaires une indemnité pour coupe prématurée. Sur la base de ce décret, on abattit 2314 arbres dans 45 communes. Les propriétaires frappés reçurent une indemnité totale de 9857 francs pour la période allant du 15 mars 1951 au 31 mars 1953. Mais il fallut bientôt se rendre à l'évidence que ce genre de lutte n'était pas de nature à atténuer l'extension de la maladie.

Il restait à empêcher que l'infection ne fût introduite au nord des Alpes. Les prescriptions correspondantes ne pouvaient plus être édictées par le canton du Tessin mais devaient l'être par la Confédération si l'on voulait que les mesures fussent efficaces. Comme la loi forestière ne contenait aucune disposition permettant à la Confédération d'intervenir dans de tels cas (l'article 32 bis sur la protection des forêts n'a été incorporé à la loi qu'à la suite de la revision partielle adoptée le 23 septembre 1955 par les chambres fédérales), les prescriptions se fondèrent sur les dispositions, encore valables, de la loi fédérale du 22 décembre 1893 sur l'amélioration de l'agriculture par la Confédération. Cette manière de procéder se justifiait dans ce cas particulier du fait que le châtaignier est à la fois arbre forestier et arbre fruitier. L'arrêté du Conseil fédéral du 26 septembre 1952 sur la lutte contre le chancre de l'écorce du châtaignier réglemente l'importation et le trafic en Suisse de plants de châtaignier, de parties vivantes de plants de châtaignier et de bois de châtaignier. Ainsi que l'expérience le montre, le but visé a pu être atteint jusqu'ici, puisque les châtaigniers,
les hêtres et les chênes au nord des Alpes ont été protégés de l'infection. Vu le rôle que les deux dernières essences citées jouent dans la composition de la forêt suisse, une telle épidémie serait une catastrophe nationale.

D'entente avec le canton du Tessin, l'institut fédéral de recherches forestières s'occupe en outre depuis 1950 d'élever des races résistantes.

Le canton supporte la moitié des frais, estimés à 45 000 francs (jusqu'en automne 1955: 17 610 fr.). Les essais, qui sont effectués sur deux placettes mises à disposition par le canton près des châteaux de Monte Bello et de Sasso Corbaro; au-dessus de BeUinzone, ont deux buts principaux : On veut d'une part choisir parmi les races de châtaigniers indigènes des types résistant à la maladie et d'autre part on examine diverses variétés et races de châtaigniers d'Asie orientale -- qui ont en général une capacité de rosis-

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tance naturelle plus élevée contre les maladies cryptogamiques -- pour voir si les conditions de croissance (climat, sol) de nos vallées méridionales leur conviennent.

La requête du Conseil d'Etat du canton du Tessin, da 3 avril 1953 Lorsqu'il ne fut plus permis de douter que les mesures prises pour arrêter la propagation du chancre de l'écorce du châtaignier au Tessin ne donnaient pas les résultats attendus, en raison de la virulence particulière de la maladie, le Conseil d'Etat tessinois demanda l'appui du Conseil fédéral.

Sa requête attirait l'attention sur le cours suivi jusqu'ici par la maladie, sur les mesures prises, de même que sur les travaux de l'institut fédéral de recherches forestières. Le canton du Tessin, en collaboration avec les milieux scientifiques, a fait tout ce qui lui était possible et tout ce que l'on pouvait attendre de lui, dit la requête, pour éviter cette catastrophe. Malgré les mesures appliquées, la destruction des forêts a pris toutefois de telles proportions que la participation de la Confédération à la reconstitution des châtaigneraies touchées est nécessaire. L'aide financière de la Confédération devrait, selon la proposition du Conseil d'Etat, se monter jusqu'à 75 pour cent des frais occasionnés par les projets de reconstitution. II est prévu d'exécuter les premiers projets en même temps à titre d'essai, afin de recueillir des indications sur la manière la plus rationnelle de reconstituer les forêts détruites.

Les travaux de reconstitution envisagés Les mesures prévues ont pour but d'assainir à fond les régions déjà infectées ou fortement menacées. Ces travaux doivent être entrepris sans retard et sur une grande échelle, c'est-à-dire avant que de nouveaux dégâts, presque irréparables ceux-là, ne se produisent (en particulier érosion, ravinement, etc.). Ce n'est qu'en intervenant rapidement aux endroits menacés que l'on pourra maintenir ou, si possible, améliorer les bases d'existence d'une population modeste, laborieuse et attachée au sol natal.

Avant d'entreprendre les travaux de reconstitution devenus nécessaires, il faudra examiner à fond et mettre en harmonie les conditions d'utilisation du sol, en général, et le régime de la propriété, en particulier. Certaines parties de l'aire occupée aujourd'hui par le châtaignier seront affectées à l'agriculture;
une autre partie sera réservée à une nouvelle forme de bocage ; la troisième enfin sera transformée en forêts productives ou fera l'objet de nouveaux boisements. L'assainissement de l'aire du châtaignier exige par conséquent une étude détaillée des possibilités de production des stations. Il entre de ce fait dans le plan d'aménagement national. Bien conçu, il peut transformer la catastrophe imminente en source de bien-être pour cette population montagnarde menacée. Il faudra tenir compte en l'occurrence du principe selon lequel l'aire forestière de la Suisse ne doit pas être

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diminuée (art. 31 de la loi forestière fédérale). Les travaux de reconstitution seront nécessaires aussi bien dans les bocages de châtaigniers que dans les taillis simples; en effet, ces derniers n'ont pas non plus été épargnés par la maladie.

Il n'est pas possible d'estimer aujourd'hui déjà la place qu'occupera le châtaignier dans la constitution de la future forêt. Pour les raisons indiquées plus haut, il serait très désirable que l'on puisse conserver son habitat actuel à cet arbre, qui est intimement lié non seulement au paysage et à l'économie de nos vallées méridionales mais aussi à la tradition et à l'âme de leur population. Jusqu'à quel point sera-ce possible ? Cela dépendra du résultat des recherches faites en vue d'obtenir des variétés de châtaigniers résistant à la maladie et suffisamment productives dans les conditions de station de la Suisse méridionale. Pour l'instant, on fera appel à plusieurs autres essences telles que l'érable, le bouleau, le tilleul, le cerisier, l'acacia, l'orme, l'alisier, le sorbier des oiseleurs, le mélèze, le pin sylvestre, l'épicéa, etc., pour reconstituer les forêts détruites, En outre, il sera nécessaire de créer un nouveau type de forêt en tenant compte des facteurs particuliers de croissance dans nos régions méridionales, ce qui pose encore d'autres problèmes qui n'ont jusqu'ici guère été élucidés.

Les forêts qui pourraient servir d'exemple n'existent que sous forme de peuplements sporadiques. On manque pour l'instant de données suffisantes ou d'expériences confirmées par la pratique sur le choix des essences, sur la manière de procéder lors de l'afforestation (technique de reboisement) et surtout sur les mesures à prendre contre les incendies de forêts qui sévissent toujours. Les reboisements effectués jusqu'à présent en Suisse, aussi dans la partie méridionale du pays, se fondaient pour une large part sur d'autres conditions ambiantes. Afin de garantir la continuité et l'application juste et rationnelle des résultats obtenus dans les premiers projets, la collaboration de l'institut fédéral de recherches forestières est absolument indispensable.

Les travaux à exécuter peuvent, chronologiquement, être résumés comme suit: a. Séparation des régions revenant à la forêt et des terrains exploités par l'agriculture.

6. Réglementation des conditions de
propriété dans les régions ainsi cantonnées.

c. Reconstitution ou reboisement des zones attribuées à la forêt, à l'aide d'essences appropriées à la station et compte tenu en particulier de races de châtaignier résistantes.

d. Protection des cultures par des clôtures et d'autres mesures.

e. Construction de chemins à traîne et de sentiers.

/. Etablissement de dispositifs de protection contre les incendies de forêt.

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Les mesures indiquées BOUS les lettres a et ö devront être considérées comme des travaux préparatoires devant précéder la reconstitution ou le reboisement des zones attribuées à la forêt.

L'aide de la Confédération

A, Questions de principe Tous ces travaux de longue haleine -- et coûteux, comme nous le montrerons -- à exécuter dans la zone des forêts protectrices dépassent largement le cadre habituel, tant par la manière dont se pose le problème que du point de vue de leur importance économique. Lors des délibérations relatives à la loi fédérale du 11 octobre 1902 concernant la haute surveillance de la Confédération sur la police des forêts, le législateur n'avait aucun motif de compter avec la possibilité de la destruction d'une seule essence. En tout cas, l'obligation qu'ont les cantons de veiller à ce que les coupes, ainsi que les vides occasionnés dans les forêts par le vent, l'ouragan, l'avalanche, etc., soient complètement reboisés dans un délai maximum de trois ans (art, 32 de la loi forestière fédérale), ne correspond pas à la situation présente; l'aide de la Confédération prévue dans ce cas est d'ailleurs fondée sur d'autres conditions et insuffisante. La catastrophe, c'est-à-dire la destruction des châtaigneraies et des bocages, touche une population montagnarde économiquement faible, qui, en sus de la perte de valeurs sentimentales et de biens matériels, doit supporter maintenant des charges financières découlant de la reconstitution des forêts et bocages ravagés.

Ces travaux dépassent largement le cadre des afforestations normales.

Il s'agit d'un assainissement général dans la zone des forêts protectrices, qui n'a pas son pareil dans toute notre histoire forestière, en ce qui concerne l'envergure de l'oeuvre, les conditions dans lesquelles elle doit être réalisée et son urgence. La comparaison n'est possible qu'avec les mesures qui ont été prises pour éviter des dégâts d'avalanches. Le reboisement des versants qui ont été privés de leur protection naturelle par les attaques du chancre de l'écorce du châtaignier sera tout aussi difficile et coûteux. Compte tenu du danger latent d'érosion dont nous avons déjà parlé, les dispositions envisagées revêtent une importance analogue à celle des mesures qui ont été prises dans les régions menacées par les avalanches.

B. Le projet d'arrêté fédéral La reconstitution des forêts et bocages atteints par le chancre de l'écorce du châtaignier, de même que les mesures s'y rapportant, sortent ainsi du cadre de la loi forestière fédérale de 1902. Si l'on voulait
incorporer à cette loi l'aide fédérale prévue, on devrait en modifier et compléter quelques articles. Il serait toutefois peu judicieux, de modifier et de compléter, à titre temporaire, des bases légales de portée générale, pour un cas unique et particulier tel que la reconstitution des châtaigneraies et des bocages.

197 C'est ce qui nous incite à vous soumettre un projet d'arrêté fédéral de portée générale concernant la participation de la Confédération à la reconstitution des forêts protectrices atteintes par le chancre de l'écorce du châtaignier.

Le projet contient à l'article 1er le principe selon lequel la Confédération encourage la reconstitution des forêts protectrices atteintes par le chancre de l'écorce du châtaignier.

Ij'artide 2, 7er alinéa, indique le taux des différentes subventions fédérales.

Les châtaigneraies détruites pourront être reconstituées à bref délai à la condition seulement que l'aide à apporter par la Confédération soit efficace et qu'elle se traduise rapidement par des actes. Tout retard entraînerait inévitablement des dépenses plus élevées. En outre, il faut tenir compte du fait que ces travaux se concentrent sur un canton de montagne -- le Tessin -- qui a été, il y a peu d'années encore, éprouvé par des avalanches et des inondations.

Toutes ces raisons justifient un taux de subvention fédérale allant jusqu'à 70 pour cent des frais pour les travaux suivants (chiffre 1) : a. Cultures et essais s'y rapportant.

Par «cultures» on entend aussi l'acquisition de semences et de boutures, la production des plants nécessaires et l'achat éventuel de plants appropriés.

Nous avons déjà signalé que les essais faits par l'institut fédéral de recherches forestières devront se poursuivre dans le cadre des premiers projets. Le canton du Tessin, au territoire duquel ces essais se limitent pour l'instant, est prêt, comme par le passé, à prendre à sa charge une partie des frais d'expériences dans la mesure de ses disponibilités pour les projets forestiers.

6. Clôtures et autres mesures pour protéger durablement les cultures contre le parcours du bétail.

A côté des clôtures habituelles (en fil de fer, en murs de maçonnerie sèche), entrent en ligne de compte comme «autres mesures» l'interdiction ou la réglementation du parcours du bétail, la garde constante du bétail, etc. La suppression du parcours et la garde occasionnent des frais au maître de l'oeuvre; ces frais doivent aussi pouvoir faire l'objet de la subvention.

c. Construction de chemins à traîne et de sentiers.

Les chemins à traîne auront une largeur d'environ 2 m 50 mais seront dépourvus de hérisson; ils devront néanmoins pouvoir être empruntés par des véhicules à moteur tous-terrains (jeep, unimog). On ne pourra en principe inclure dans les projets de reconstitution que les chemins qui sont nécessaires à l'inspection des travaux et à l'entretien des reboisements.

198 d. Dispositifs de protection contre les incendies de forêts.

Ils comprennent en particulier les captages et les conduites d'eau dans les périmètres menacés, de même que l'établissement de réservoirs. Les chemins à traîne et les sentiers servent en même temps à combattre les feux de terre (strade parafuoco).

Chiffre 2. Pour obtenir une amélioration -- en maint endroit urgente -- du régime de la propriété et une délimitation rationnelle des territoires voués à la forêt, les cantons, communes ou autres corporations de droit public se verront dans l'obligation d'acquérir les terrains, soit par achat, soit par expropriation Comme ces terrains ne rapporteront rien ou presque rien pendant des dizaines d'années, il est prévu (en accord avec l'art. 42, 1er alinéa, lettre a, de la loi forestière fédérale) que la Confédération peut prendre à sa charge jusqu'à 50 pour cent des frais d'acquisition.

Le même taux est envisagé pour l'établissement des projets, la surveillance des travaux et le bien-être des ouvriers (c'est-à-dire pour la construction de refuges).

Le 2e alinéa reproduit également les dispositions de la loi forestière fédérale valables jusqu'ici (art. 42, 1er alinéa, lettre a) et n'a été inséré que pour mémoire.

3e alinéa. II n'est pas possible de calculer d'avance le crédit total qui sera nécessaire pour participer à l'exécution des travaux prévus. Comme cette aide s'étendra sur des dizaines d'années, il est indiqué de porter chaque fois les crédits dont on aura besoin dans les budgets annuels (voir C. Ampleur probable des travaux projetés et de leur coût).

Art. 3, Du fait que les travaux de reconstitution bénéficieront d'une aide substantielle de la part de la Confédération, l'article 3 exprime l'idée qu'on attend des cantons qu'ils fixent le montant de leur subvention de manière que les travaux puissent être effectués à bref délai.

Art, 4, Avant de commencer les travaux, il faudra que le service forestier et les offices des améliorations foncières de la Confédération et des cantons délimitent les surfaces affectées à la forêt et les terrains exploités par l'agriculture. Ils tendront à une délimitation rationnelle des deux zones.

La forêt et les terrains agricoles devront, autant que faire se peut, constituer un tout, offrant les meilleurs avantages possibles du point de vue d'une
exploitation rationelle.

Article 5. Cet article règle surtout les rapports entre le projet et la loi forestière en vigueur.

Le premier alinéa énumère les dispositions qui ne sont pas applicables dans le cas présent car elles ont trait aux subventions en faveur des autres forêts.

199 Le deuxième, alinéa dispose que tous les autres articles de la loi forestière fédérale sont applicables, l'article 26 étant toutefois complété en ce sens que des parcelles agricoles voisines, de même que des parcelles agricoles ou forestières ayant déjà fait une fois l'objet d'un remaniement parcellaire, peuvent également être englobées dans l'opération de remaniement parcellaire forestier réglée ici. Sinon, il serait impossible d'améliorer radicalement le régime de la propriété là où les forêts sont non seulement morcelées mais encore insuffisamment arrondies.

Le troisième alinéa concerne aussi le remaniement parcellaire et déclare expressément que les forêts privées atteintes par le chancre de l'écorce du châtaignier dans des situations particulièrement exposées sont considérées comme forêts protectrices au sens de l'article 28 de la loi forestière fédérale ; cet article prévoit que le gouvernement cantonal ou le Conseil fédéral peut, dans de tels cas, ordonner la réunion parcellaire dans le sens de la loi forestière fédérale, en vue de leur aménagement et de leur exploitation en commun (art. 2Gbis de la loi forestière).

Comme les articles 3, 4 et 5 instituent en partie un droit nouveau, le 4e alinéa prévoit que les cantons devront édicter les dispositions nécessaires pour y adapter leur législation.

Article 6. Cet article limite l'oeuvre de reconstitution à 30 ans; on peut toutefois admettre que ce laps de temps, bien que relativement long, ne suffira pas pour achever les travaux. La durée dépend du cours futur de la maladie, mais aussi de la main-d'oeuvre et des plants dont on pourra disposer.

Le délai de 30 ans passé, on verra s'il sera nécessaire de le prolonger (et de quelle durée). Nous tenons à ce que ce soit alors l'Assemblée fédérale elle-même qui prenne la décision.

Article 7. Cet article fait de l'arrêté un arrêté fédéral de portée générale, placé sur le même pied que la loi forestière fédérale, ce qui s'impose déjà du fait que son article 5, 2e et 3e alinéas, complète cette loi dans la mesure où il s'agit de châtaigneraies atteintes.

Le présent projet ne touche en rien l'arrêté du Conseil fédéral sur la lutte contre le chancre de l'écorce du châtaignier (du 26 septembre 1952), lequel conserve toute sa validité.

En ce qui concerne la constitutionnalité de l'arrêté fédéral
proposé, nous croyons pouvoir nous borner à mentionner que la Confédération a le devoir, en vertu de l'article 24 de la constitution, de veiller au maintien des forêts existantes.

C. Ampkur des travaux projetés et de leur coût Comme on ne peut pas encore se prononcer sur l'ampleur définitive de la destruction, il semble indiqué de s'abstenir de toute évaluation et de

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fonder le calcul des dépenses sur les travaux de reconstitution qu'il est pratiquement possible d'exécuter annuellement.

Vu le nombre de plants et la main-d'oeuvre dont on pourra disposer dans un proche avenir, il ne sera guère possible, au début, de reboiser plus de 100 ha par an, dont 2/3 de forêt et 1/s de bocage. Pour cette seule surface, il faudra déjà tenir à disposition chaque année 1,2 million de plants d'essences diverses.

Les travaux de reconstitution doivent être estimés à 4000 francs par ha pour les bocages et à 7000 francs pour la forêt; il en résulte des dépenses annuelles d'environ 600 000 francs et par conséquent une subvention fédérale d'à peu près 400 000 francs.

La durée de cette aide dépendra du cours de la maladie. Ainsi que nous l'avons déjà signalé, il est actuellement impossible de faire un pronostic sûr; en tout cas, l'aide extraordinaire de la Confédération prendra fin avec la disparition éventuelle de la maladie et avec la reconstitution des surfaces forestières atteintes. C'est la raison pour laquelle la validité de l'arrêté est pour l'instant limitée à 30 ans.

Vu ce qui précède, nous avons l'honneur de vous recommander d'adopter le projet d'arrêté fédéral ci-annexé et saisissons l'occasion pour vous assurer, Monsieur le Président et Messieurs, de notre haute considération.

Berne, le 7 septembre 1956.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le, -président de la Confédération, Feldmann 11222

Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

201 (Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL concernant la participation de la Confédération à la reconstitution des forêts protectrices atteintes par le chancre de l'écorce du châtaignier

L'Assemblé» fédérale de la Confédération suisse vu l'article 24 de la constitution ; vu le message du Conseil fédéral du 7 septembre 1956, arrête: Article premier La Confédération accorde son appui pour la reconstitution des forêts protectrices atteintes par le chancre de l'écorce du châtaignier en allouant aux cantons des subventions sur la base des dispositions qui suivent.

Art. 2 1

Les subventions suivantes peuvent être allouées aux cantons pour les travaux de reconstitution : 1. Jusqu'à 70 pour cent des frais: a. Pour les cultures et pour les essais s'y rapportant; b. Pour les clôtures et autres mesures nécessaires, destinées à protéger durablement les cultures contre le parcours du bétail; c. Pour la construction de chemins à traîne et de sentiers; d. Pour les dispositifs de protection contre les incendies de forêts.

2. Jusqu'à 00 pour cent des frais: a. Pour l'acquisition, aussi par expropriation, de terrains par les cantons, les communes ou autres corporations de droit public; b. Pour l'établissement des projets, la surveillance des travaux et le bien-être des ouvriers.

2

Si des parcelles utilisées jusqu'ici par l'agriculture sont reboisées, la Confédération paie, de plus, en espèces au propriétaire du sol une indemnité de 3 à 10 fois la valeur du rendement annuel net du terrain en question, rendement calculé sur la moyenne des vingt dernières années.

202 s

Les crédits nécessaires devront figurer chaque année au budget de la Confédération.

Art. 3 L'allocation des subventions fédérales est subordonnée à la condition que les cantons accordent également les subventions que l'on peut, selon leur situation financière, attendre d'eux.

Art. 4 Avant que les travaux de reconstitution ne commencent, les forêts et les terrains exploités par l'agriculture devront être cantonnés rationnellement.

Art. 5 Les articles 37, 37bis, 42, 1er alinéa, lettres a à c, et 2e alinéa, 426is, ter et quater de la loi fédérale du 11 octobre 1902/19 décembre 1951/23 septembre 1955 concernant la haute surveillance de la Confédération sur la police des forêts ne sont pas applicables à la reconstitution des forêts protectrices atteintes par le chancre de l'écorce du châtaignier.

1

2 Les autres dispositions de la loi forestière fédérale sont applicables, l'article 26 étant toutefois complété en ce sens que dans les régions à propriétés morcelées le remaniement parcellaire peut, le cas échéant, s'étendre aux parcelles voisines exploitées par l'agriculture et aux parcelles de terrains ruraux et de forêts qui ont déjà fait l'objet d'une réunion parcellaire agricole.

3

Les forêts privées atteintes par le chancre de l'écorce du châtaignier dans des situations particulièrement exposées sont considérées comme forêts protectrices, au sens de l'article 28 de la loi fédérale, forêts pour lesquelles le gouvernement cantonal ou le Conseil fédéral peut exiger une réunion parcellaire, en vue de leur aménagement et de leur exploitation en commun.

4

Les cantons devront adapter leur législation aux articles 3, 4 et 5 du présent arrêté.

Art. 6 Le présent arrêté est valable jusqu'au 31 décembre 1986. L'Assemblée fédérale pourra, le cas échéant, prolonger chaque fois sa validité pour un temps déterminé.

Art. 7 1 Le présent arrêté sera publié conformément à l'article 3 de la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux.

2

Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur.

3

II est chargé de l'exécution.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à un projet d'arrêté fédéral concernant la participation de la Confédération à la reconstitution des forêts protectrices atteintes par le chancre de l'écorce du châtaignier (Du 7 septembre 195...

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