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RAPPORT du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur la demande d'initiative pour la revision du régime de l'alcool.

(Du 14 avril 1939.)

Monsieur le Président et Messieurs, Le 29 décembre 1937, le comité d'initiative « REVAL », à Steinen (Schwyz) a déposé une demande d'initiative pour la revision du régime de l'alcool. La demande est conçue en termes généraux (art. 7 de la loi du 27 janvier 1892 concernant le mode de procéder pour les demandes d'initiative populaire et les votations relatives à la revision de la constitution fédérale). Elle tend à la revision des articles 31, 32bis et 32quater de la constitution fédérale, dans le sens du « rétablissement de la situation telle qu'elle existait avant le 6 avril 1930 ». Le Conseil fédéral est invité à présenter, après consultation de tous les milieux de la population, des projets d'amélioration d'ordre fiscal et hygiénique. Il s'inspirera à cet effet des considérations suivantes: 1. Assurer aux agriculteurs et producteurs un écoulement équitable des fruits, en prescrivant que le kirsch et l'eau-de-vie de fruits ne soient admis à la vente qu'à l'état naturel pur (interdiction du coupage).

2. Encourager la production des fruits de table et restreindre dans la mesure du possible l'importation de fruits étrangers. Développer la consommation de fruits sèches (réserves de guerre, ravitaillement des troupes).

Cette solution n'empêcherait pas de poursuivre l'étude de la transformation en fourrage des marcs de fruits et de trouver une solution heureuse.

3. Le trois-six (exception faite pour l'alcool à brûler) ne doit être distillé qu'à l'aide de fruits du pays et de leurs déchets, grâce à quoi les achats d'alcool à l'étranger diminueront automatiquement.

La fabrication doit en être confiée aux distilleries existantes, ce qui permettrait de ramener le personnel de la régie à un effectif raisonnable.

4. Envisager que l'importation de spiritueux étrangers tels que le cognac et le rhum se fasse essentiellement en compensation de kirsch et d'eau-de-vie de fruits de fabrication suisse.

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Sur les 132 558 signatures déposées, 129 584 ont été reconnues valables et 2974 déclarées nulles.

Conformément à l'article 5 de la loi du 27 janvier 1892 concernant le mode de procéder pour les demandes d'initiative populaire et les votations relatives à la revision de la constitution fédérale, nous vous avons remis la demande d'initiative avec notre rapport du 22 janvier 1938 (FF 1938, I, 81). Le 25 mars 1938, le Conseil des Etats, et le 31 mars, le Conseil national, ont pris acte de ce rapport et nous ont invités à nous prononcer sur le fond de la demande.

Nous avons l'honneur de vous soumettre ci-dessous notre rapport, ainsi que notre proposition concernant cette initiative: I. OBJET ET BUT DE L'INITIATIVE L'initiative tend surtout à rétablir la situation existant avant le 6 avril 1930, c'est-à-dire avant la votation concernant la revision des articles 31 et 326is de la constitution et l'introduction d'un article ZZquater. Elle cherche ainsi en premier lieu à rétablir le privilège que l'ancien article constitutionnel de 1885 accordait à la distillation des fruits et du vin en l'exceptant de la législation fédérale, privilège qui fut supprimé par l'acceptation du nouvel article 326is lors de la votation populaire du 6 avril 1930.

Le retour à l'ancien régime revient donc à abandonner toute possibilité de légiférer sur la distillation du vin, des fruits et de leurs déchets, des racines de gentiane, des baies de genièvre et autres matières analogues et sur l'imposition des eaux-de-vie qui en proviennent, et à limiter la législation aux autres boissons distillées (provenant de pommes de terre, betteraves, grains, etc.).

Précisons toutefois que l'initiative réclame aussi des améliorations d'ordre hygiénique et fiscal. Ainsi le retour à l'ancien régime doit uniquement servir de base à une nouvelle législation pour l'élaboration de laquelle les chiffres 1 à 4 de l'initiative fixent des principes. Ceux-ci sont tous plus ou moins d'ordre économique et ont trait en partie à des questions réglées dans le régime actuel. L'initiative ne précise pas s'ils peuvent amener aussi les améliorations d'ordre hygiénique et fiscal qu'elle prétend poursuivre. Elle ne fait pas de propositions formelles à ce sujet.

D'après la lettre même de l'initiative, il faudrait modifier non seulement l'article 32ois mais aussi les articles 31 et 32quater de la constitution.

Cela reviendrait à abroger le nouvel article 32quater et la réglementation de la vente des boissons spiritueuses par quantités de 2 à 10 litres qui .avait été surtout appuyée par les aubergistes. De même, l'interdiction du colportage et des autres modes de vente ambulante des boissons spi-

635 ritueuses serait abolie. Comme l'initiative ne soulève pas ces questions, on peut se demander si le retour à l'ancien régime en ce domaine répond bien à l'intention des signataires.

L'initiative a pour but principal de rétablir la distillation libre des fruits, du cidre et des marcs de fruits et la liberté du -commerce des eaux-de-vie de fruits. Les signataires attachent en outre une importance particulière à la limitation des importations de trois-six. Il s'agit pour eux de remplacer le trois-six étranger par les plus grandes quantités possible d'alcool de fruits indigène. Ils demandent en outre de meilleures conditions d'écoulement pour les fruits du pays et les produits qui en dérivent, comme aussi pour le kirsch et l'eau-de-vie de fruits.

Les chapitres qui vont suivre exposeront dans quelle mesure les voeux de l'initiative sont déjà réalisés ou peuvent être réalisés par la législation actuelle. Nous examinerons ensuite si la réalisation des propositions de l'initiative est de nature à produire les effets escomptés et quelle opinion il faut s'en faire du point de vue de la législation sur l'alcool considérée dans son ensemble, du bien-être public, ainsi que des finances fédérales et cantonales.

II. LA LÉGISLATION ACTUELLE SUR L'ALCOOL ET SON APPLICATION CONSIDÉRÉE PAR RAPPORT A LA DEMANDE D'INITIATIVE A. Les principes du régime actuel.

Avant d'aborder l'examen de la demande d'initiative, nous croyons utile de rappeler rapidement les principes de la législation actuelle pour les comparer avec les idées maîtresses de l'initiative.

1. S'il a fallu, en 1930, reviser la législation sur l'alcool, c'est que la situation exceptionnelle dont bénéficiait la distillation des fruits et du vin avait détruit toute l'efficacité du régime de 1885. Après la guerre mondiale, la production d'eau-de-vie de fruits, que rien n'endiguait, monta jusqu'à la moyenne annuelle d'environ 60 000 hl à 100 pour cent; la Suisse consommait ainsi environ 100 000 hl à 100 pour cent d'eau-de-vie par an.

La baisse des prix due à la concurrence des eaux-de-vie exceptées du monopole provoqua une augmentation inquiétante de la consommation. Comme nous l'indiquions dans notre message du 29 janvier 1926 concernant la revision des articles 31 et 32 ois de la constitution, 120 experts représentant tous les milieux de la population
avaient déclaré, au cours d'une séance tenue en automne 1925, que la situation était devenue intenable et qu'une revision du régime de l'alcool s'imposait. Ils reconnaissaient qu'il n'était plus possible de laisser une liberté illimitée à la distillation des fruits et du vin. Lorsqu'on créa en 1885 la législation fédérale sur l'alcool en vue

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de lutter contre les abus de l'eau-de-vie de pommes de terre, qui préoccupaient particulièrement l'opinion publique à ce moment-là, on crut pouvoir négliger la distillation des fruits et du vin. La distillation des fruits n'avait d'ailleurs pas encore l'importance qu'elle acquit plus tard par les circonstances et par l'extension de l'arboriculture et de la cidrerie. Mais, dès le début de ce siècle, on constata qu'elle était en train de se développer considérablement grâce à la limitation du monopole fédéral aux autres boissons distillées. Elle menaçait de devenir le danger que la distillation de pommes de terre constituait autrefois par suite de l'insuffisance des lois cantonales.

Ce n'est qu'en 1930 qu'une revision constitutionnelle permit de comprendre la distillation des fruits et du vin dans la législation sur l'alcool.

Cette lacune comblée, les prix des eaux-de-vie montèrent suffisamment pour enrayer efficacement les abus. Il est prouvé, d'une part, que la consommation d'eau-de-vie a sensiblement diminué depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'alcool; d'autre part, les plaintes concernant les accidents causés par le schnaps et les maladies dues à l'abus de l'eau-de-vie se sont presque complètement tues. Si l'on est arrivé à ce résultat, c'est que la liberté de distiller et de vendre de l'eau-de-vie de fruits a été remplacée par une réglementation appropriée.

Bétablir la situation d'avant 1930, comme le demande l'initiative, reviendrait donc à creuser une brèche dans la digue péniblement élevée contre le danger de l'alcoolisme. Ce ne peut guère être l'intention des auteurs de l'initiative; ce n'est en tout cas pas celle de la majorité du peuple suisse.

Les auteurs de l'article 32 bis de la constitution ne se sont pas contentés de combler la lacune relative à la distillation des fruits et du vin.

Ils ont fixé des règles à la législation future en lui donnant pour buts principaux de diminuer la consommation de l'eau-de-vie et d'encourager l'utilisation des matières premières sans distillation. Le deuxième alinéa de l'article constitutionnel a la teneur suivante: La législation tendra à diminuer la consommation et partant l'importation et la production de l'eau-de-vie. Elle encouragera la production du fruit do table et l'emploi des matières distillables indigènes pour l'alimentation ou l'affourragement. La Confédération réduira le nombre des appareils à distiller par des rachats à l'amiable.

Cette disposition guida le législateur et les autorités dans l'élaboration et l'application de la loi. Nous croyons que les auteurs de l'initiative se placent sur le même terrain et qu'ils ne visent nullement à une augmentation de la consommation. Ils le montrent en demandant de ne pas oublier le côté hygiénique du problème. L'initiative entend surtout limiter l'importation du trois-six et consacrer les produits indigènes à la fabrication de celui-ci (à l'exception de l'alcool à brûler). En revanche, le législateur a mis au premier plan la limitation de la consommation, et cette limitation

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entraîne d'elle-même celle de l'importation. Aux termes du deuxième alinéa cité ci-dessus, la production, elle aussi, doit diminuer. A cet effet, des mesures spéciales de la Confédération sont prévues pour l'utilisation des matières premières sans distillation. Les auteurs de l'initiative montrent cependant qu'ils ne voient pas dans la distillation la seule façon rationnelle d'utiliser les fruits, car ils préconisent aussi le développement de la culture des fruits de table, de l'utilisation des marcs comme fourrage et de la consommation des fruits sèches. Mais ils oublient que l'on ne peut faciliter en même temps la distillation des fruits et leur utilisation sans distillation, ces deux mesures agissant en sens opposés et s'annulant l'une l'autre. Sous le régime actuel, les matières premières doivent avant tout être utilisées autrement que par la distillation. Celle-ci doit être considérée, du moins pour les distilleries professionnelles, comme l'ultime moyen d'utiliser les excédents et les déchets.

L'application de ces principes durant les quelques années du nouveau régime a montré que les producteurs de fruits à pépins ne s'en tirent pas plus mal en utilisant leurs produits sans distillation. De même, en accordant des subsides à cet effet, l'administration peut faire davantage pour l'écoulement des fruits, et avec moins de dépenses, qu'en prenant en charge l'eaude-vie de fruits à pépins. Plus l'arboriculture et l'utilisation des fruits pourront s'orienter vers une production de qualité, plus l'écoulement de toute la récolte de fruits sera faculté.

2. Une innovation importante introduite en 1930 est l'organisation du régime des distilleries. Contrairement à l'ancien ordre, ce régime soumit à une concession toutes les distilleries, exception faite des bouilleurs de cru et des commettants qui distillent ou font distiller exclusivement des matières provenant de leur fonds (produits du cru) ou récoltées à l'état sauvage dans le pays.

Il fut ainsi possible de soumettre les distilleries professionnelles à un régime qui tînt compte des exigences auxquelles la loi devait répondre au point de vue hygiénique, économique et fiscal. Avant l'entrée en vigueur de la loi actuelle, les distilleries professionnelles produisaient et vendaient leur eau-de-vie sans avoir à s'inquiéter de quoi que ce soit; aujourd'hui,
elles sont sous le contrôle serré de la régie. Les concessionnaires doivent tenir une comptabilité sur la provenance des matières premières, les sortes et quantités d'eau-de-vie obtenue et l'emploi de celle-ci.

Pour la réglementation des distilleries domestiques, le nouveau régime de 1930, contrairement au projet de 1923, se limite au strict nécessaire.

Il laisse aux bouilleurs de cru toute la liberté compatible avec les nécessités d'une réglementation. On a voulu éviter ainsi les difficultés insurmontables qui se seraient présentées lors de l'application de la loi si l'on avait froissé les conceptions paysannes. Tandis qu'à l'étranger, la distillerie domestique tend à disparaître et est soumise, là où elle existe

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encore, à un contrôle sévère, en Suisse, le bouilleur de cru peut distiller sans concession. Il a pour seule obligation d'inscrire la production et l'emploi de son eau-de-vie. Dans aucun autre pays, le bouilleur de cru ne bénéficie d'un pareil privilège et ne peut garder en franchise d'impôt toute l'eau-de-vie nécessaire à son ménage et à son exploitation agricole. Il était donc naturel, du fait même de son étendue, de préciser les limites de ce privilège pour prévenir les abus. Ainsi on décida que seul peut être reconnu comme bouilleur de cru celui qui possédait un alambic au moment de l'acceptation du nouvel article constitutionnel et met en oeuvre exclusivement les produits du domaine agricole exploité par lui-même ou les matières récoltées par ses soins à l'état sauvage dans le pays.

Nous savons que beaucoup de producteurs trouvent la réglementation actuelle trop sévère et réclament encore plus d'indépendance pour la production et l'emploi de leur eau-de-vie. Nombre de gens, dans d'autres milieux, se choquent, en revanche, d'une réglementation à laquelle ils reprochent d'être trop large. Beaucoup considèrent que les dispositions actuelles sur la surveillance et sur la franchise d'impôt illimitée sont dangereuses tant pour les finances de l'Etat que pour l'hygiène publique. On oublie que le problème de la distillerie domestique fut l'un des plus délicats qui se posèrent lors de l'élaboration du nouveau régime. Le législateur et les autorités ont donc dû s'en tenir à un juste milieu. Nous n'avons certes jamais été opposés à une manière de traiter ce problème qui tînt compte des conditions particulières des bouilleurs de cru, mais nous devons aussi veiller à ce que l'on ne paralyse pas la législation sur l'alcool en accordant trop d'avantages à cette catégorie de producteurs.

Pour les distilleries de fruits à pépins, le nouvel article constitutionnel prévoit que la Confédération prendra en charge toute leur production à un prix équitable. On avait songé tout d'abord à soumettre l'eau-de-vie de fruits à pépins à l'impôt et à en laisser la libre disposition au producteur.

Mais les représentants de l'agriculture exigèrent la prise en livraison par la Confédération en compensation de l'abandon de la liberté de distiller.

Ils en firent la condition principale de leur adhésion à la revision. C'est
ainsi que l'obligation de la prise en charge fut insérée au sixième alinéa de l'article constitutionnel et que la loi prévoit un prix minimum de 2 francs par litre à 100 pour cent. Elle exige toutefois qu'il ne gêne pas l'approvisionnement du pays en fruits. Le paiement du prix légal est lié à une condition : les producteurs doivent recevoir pour des fruits sains et bien conditionnés, rendus à la cidrerie ou franco gare de départ, au moins 4 fr. 50 par quintal métrique, s'il s'agit de poires à cidre et 5 francs s'il s'agit de pommes à cidre.

Le Conseil fédéral peut réduire ces prix s'il est prouvé que leur application a pour effet d'augmenter la production du fruit à cidre ou de l'eaude-vie. Lorsque l'on discuta cette réglementation dans les débats sur l'article constitutionnel (1926--1929), des quantités considérables de fruits

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à cidre étaient encore exportées. Mais l'écoulement devint de plus en plus difficile, à mesure que ces exportations diminuaient. Alors qu'elles s'élevaient annuellement à plusieurs milliers de wagons, elles tombèrent à quelques centaines dans les années qui suivirent l'entrée en vigueur de la loi en raison des difficultés du commerce extérieur. La régie se vit ainsi obligée de prendre en charge des quantités importantes d'eau-de-vie, ce qui lui imposa de fortes charges financières.

Le recul de l'exportation ne fut pas la seule cause de l'accroissement illimité de la production d'eau-de-vie de fruits. Le prix d'achat très rémunérateur pour maintes entreprises et l'écoulement assuré du produit de la distillation contribuèrent à l'enfler d'une manière inquiétante. Durant la campagne de distillation de 1935/36, on a vu les cidreries distiller tous leurs stocks de cidre afin de livrer le plus d'eau-de-vie possible à la régie. L'année suivante, elles durent, en revanche, importer 2300 wagons de pommes à cidre. Une intervention s'imposait. Il fallait absolument adapter le prix d'achat de la régie aux nouvelles circonstances. En 1933 déjà, ce prix, qui s'élevait au début à 2 fr. 20 par litre à 100 pour cent, fut ramené au minimum légal de 2 francs. Le Ier programme financier, du 13 octobre 1933, permit de le réduire à 1 fr. 80, puis le IIe programme financier, du 31 janvier 1936, à 1 fr. 60 et pour les grosses livraisons à 1 fr. 50. En même temps, la régie développa fortement les mesures pour encourager l'utilisation des matières premières sans distillation et diminuer les quantités de matières distillables par la transformation et l'amélioration des vergers. La réduction du prix et ces mesures permirent de diminuer fortement la prise en charge durant ces trois dernières années et de dégrever sensiblement les finances de la régie.

Si les promoteurs de l'initiative entendent ne point négliger le côté fiscal du problème de l'alcool, il est impossible qu'ils veuillent placer la régie, comme durant les premières années d'application de la nouvelle loi, devant des charges insupportables résultant de la distillation des fruits à pépins. Or ce retour à l'ancien état de choses se produirait immanquablement, si elle était obligée de prendre en charge, à un prix élevé, des quantités illimitées d'eau-de-vie de
fruits pour les transformer ensuite en troissix fin. La distillation doit demeurer un mode d'utilisation complémentaire pour les fruits et les déchets qui ne peuvent être employés autrement.

Les efforts doivent tendre, avant tout, à obtenir que les matières premières soient utilisées autrement que par la distillation, conformément à l'article 24 de la loi. La prise en charge par la Confédération ne restera supportable qu'à cette condition et que si la distillation est limitée à ce qui se justifie économiquement.

L'article constitutionnel soumet les distilleries de spécialités à un régime spécial; elles n'ont pas à livrer leur production, mais paient un impôt sur celle-ci. Le taux de cet impôt, est-il dit expressément, doit permettre au

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producteur de retirer un prix équitable de ses matières premières de provenance indigène. Depuis l'entrée en vigueur du nouveau régime, le taux de l'impôt sur les spécialités est demeuré à 2 fr. 50 par litre à 100 pour cent ou 1 fr. 25 par litre à 50 pour cent. Des voix se sont élevées pour demander une réduction du taux de l'impôt. Une telle demande était compréhensible lorsque le marché était inondé par les anciennes réserves.

Aujourd'hui, après que l'épuisement de ces réserves a fait monter sensiblement les prix et en raison des conséquences pour le fisc, il ne peut plus être sérieusement question de cette réduction. La commission de spécialistes, prévue par la loi sur l'alcool et à qui cette demande fut soumise en avril 1938, s'est prononcée contre une telle mesure.

Ajoutons que les producteurs clairvoyants attendent d'un retour à l'ancien régime plus d'inconvénients que d'avantages pour la distillation de spécialités. Tel serait bien le cas. Certes, le kirsch, le marc, le pruneau et la gentiane sont soumis à un impôt de 2 fr. 50 par litre à 100 pour cent depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Mais, en contre-partie, la loi protège efficacement les distilleries indigènes contre les effets de l'importation des matières premières (cerises, prunes, etc.) et eaux-de-vie à bon marché.

Les droits s'élèvent actuellement, droit de douane compris, à environ 40 francs par 100 kg de cerises, prunes et pruneaux à distiller, contre 22 francs autrefois. Quant à l'eau-de-vie, le droit perçu à la frontière s'élève à 4 francs par kg brut, droit de douane non compris, tandis qu'il était auparavant de 1 fr. 15 seulement. C'est la raison pour laquelle les importations de cerises et d'autres matières premières ainsi que d'eaux-de-vie du genre fabriqué en Suisse ont pour ainsi dire cessé depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Sans cette protection, notre pays n'aurait pu se défendre contre l'importation des matières premières et des eaux-de-vie bon marché, et cela au grand détriment des producteurs indigènes.

Nous devons, en outre, faire ressortir que, sous le régime actuel, les distilleries de spécialités bénéficient d'une large protection par suite de la limitation de la distillation des fruits à pépins, de l'application du droit de 3 fr. 30 par litre à 100 pour cent d'eau-de-vie de fruits à
pépins et de la fixation du prix de vente de la régie à 4 fr. 90. Sous l'ancien régime, celle-ci avait fortement supplanté l'eau de cerises et le marc.

3. Les autres dispositions de l'article 326Ì5 ont moins d'importance par rapport à l'initiative; il en est de même de celles de l'article 32quater relatives au commerce des boissons spiritueuses. Notons néanmoins qu'elles ont mis de l'ordre dans un domaine où pendant longtemps il n'y en avait pas. La vente de boissons spiritueuses non distillées par quantités de 2 à 10 litres put enfin être réglementée, après avoir provoqué tant d'abus quand il n'y avait pas de dispositions légales. Les aubergistes qui ont signé l'initiative n'ont probablement pas vu qu'un retour à l'ancien régime

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favoriserait de nouveau les débits par deux litres, non soumis à patente, dont leurs collègues avaient demandé la suppression.

Il serait hors de propos d'examiner ici toutes les questions touchant à la législation sur l'alcool ou réglées par elle. En fait, les propositions de l'initiative sont moins dirigées contre des points déterminés du régime actuel que contre la perte de la liberté de fabriquer et de vendre de l'eaude-vie de fruits à pépins et du kirsch. Nous devons cependant rappeler que la grande majorité du peuple suisse et des cantons a reconnu la nécessité des restrictions apportées par le nouveau régime et les a voulues. L'ancienne liberté ayant donné Heu à de graves abus, il était naturel qu'elle fût limitée. Supprimer ces limites, ce serait rouvrir toute grande la porte aux anciens abus résultant de la surproduction et de la vente du schnaps à bon marché.

Nous ne nous cachons pas que la loi actuelle sur l'alcool est susceptible d'améliorations sur divers points. A notre avis, aucune raison valable ne justifie son abolition complète. Le principal reproche qu'on puisse lui faire, c'est de n'avoir pas donné les résultats financiers que l'on en attendait.

En revanche, elle est bien supérieure à l'ancienne loi au point de vue de l'hygiène et de l'économie publiques.

B. L'application de la législation actuelle.

Le Conseil fédéral et les chambres savaient, en élaborant le nouveau régime de l'alcool, que l'exécution de cette oeuvre législative empiétant sur les domaines économiques les plus divers rencontrerait de sérieuses difficultés. Il avait déjà fallu un travail de plusieurs années et les plus grands efforts pour amener les milieux économiques et sociaux, aux intérêts différents et parfois totalement opposés, à s'entendre sur le contenu de la nouvelle législation. On pouvait donc prévoir que l'application de la loi ne serait pas facile.

1. Dès l'acceptation de l'article constitutionnel, il fallut recenser les appareils à distiller, pour savoir quelles étaient les distilleries domestiques existantes, seules reconnues par la nouvelle disposition. Ordonné par l'arrêté fédéral du 26 juin 1930, ce recensement eut lieu entre le 1er et le 6 septembre de la même année. On enregistra 38 347 appareils à distiller, dont 2893 appartenaient à de grandes et 35 454 à de petites exploitations.
En outre, le nombre des commettants et des locataires d'alambics s'élevait à 99 578 (*).

(*) Voir le 18e fascicule des Statistiques de la Suisse, publiées par le bureau fédéral de statistique : « Appareils à distiller et production d'eau-de-vie en Suisse, recensement 1930. Berne 1932. »

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2. La nouvelle loi sur l'alcool du 21 juin 1932 fut mise partiellement en vigueur le 21 septembre de la même année, le délai référendaire n'ayant pas été utilisé. Comme il fallait procéder par étapes, nous avons tout d'abord réglementé la production et l'imposition de l'eau-de-vie et déterminé les conditions pour la livraison de l'eau-de-vie de fruits à pépins. A la même date, nous avons fixé les prix de vente de la régie, dans les limites des prescriptions légales et fixé à nouveau les droits de monopole sur les matières premières et eaux-de-vie étrangères. Nous décidâmes en même temps, fondés pour la première fois sur la loi, les mesures encourageant l'utilisation des pommes de terre et des fruits; nous aurons l'occasion d'en reparler. La régie commença, à la même époque, à racheter les appareils à distiller, comme cela est prévu par la loi.

Le 1er janvier 1933, la loi entra complètement en vigueur, de même que le règlement d'exécution qui avait été élaboré entre temps.

3. Un des principaux buts du nouveau régime fut d'organiser et de développer l'utilisation des matières premières sans distillation.

a. En ce qui concerne l'utilisation des pommes de terre, la régie a pu poursuivre et développer les mesures éprouvées déjà avant l'entrée en vigueur de la loi. Elle accorda des subsides pour frais de transport combinés avec la fixation et la garantie de prix de base, soutint l'amélioration de la qualité, organisa l'importation en percevant un droit d'entrée supplémentaire et en la contingentant sur la base des achats faits dans le pays ; on parvint ainsi, même dans les années de forte récolte, à utiliser toutes les pommes de terre sans distillation. Les producteurs y trouvèrent leur avantage puisque les prix se sont maintenus constamment entre 7 et 10 francs les 100 kg. Grâce aux mesures prises en application de la loi sur l'alcool, cette branche de notre agriculture, si importante pour l'alimentation, repose sur des bases saines. Les consommateurs, pour leur part, peuvent se pourvoir à des prix abordables. Une organisation visant à la stabilité des prix, avec surveillance stricte de la commission des intermédiaires, les subsides pour frais de transport et les mesures prises pour adapter les importations aux besoins du pays excluent de fortes variations de prix.

Le nombre des distilleries de
pommes de terre existant lors de l'entrée en vigueur du nouveau régime fût réduit à 21 par l'achat de plusieurs d'entr'elles. Elles touchent une indemnité de chômage en contre-partie de laquelle elles sont obligées de rester constamment en état de reprendre le travail et de maintenir leurs caves prêtes pour les cas où l'encavage d'excédents deviendrait nécessaire.

Pour encourager l'utilisation des pommes de terre sans distillation, la régie a «verse depuis l'entrée en vigueur du nouveau régime, les subsides suivants, qui varient sensiblement suivant les récoltes:

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Dépenses de la régie des alcools en faveur de l'utilisation des pommes de terre depuis l'entrée en vigueur de la loi sur l'alcool du 21 juin 1932.

Exercices

Pommes de terre de table et fourragères

1933/34 (i) 1934/35 1935/36 1936/37 1937/38 1938/39 ( 2 ) Total

Semenceaux

En tout

Fr.

Fr.

Fr.

2 207 755.45 919 160.65 394 519.40 202 292.50 684 203.10 490 000.-- 4897931.10

61 666.75 69 401.95 80 746.50 83 569.80 118 008.85 110 000.-- 523 393.85

2 269 422.20 988 562.60 475 265.90 285 862.30 802 211.95 600 000.-- 5 421 324.95

(*) Un an et denii.

(") Estimation.

A ces prestations s'ajoutent les indemnités de chômage versées aux distilleries de pommes de terre et quelques autres dépenses. Les recettes provenant du droit d'entrée supplémentaire sont destinées à couvrir une partie des frais. Le compte de la régie n'est certes pas entièrement déchargé de ce fait; il présente tout de même, grâce à ces mesures, une économie annuelle d'un à deux millions de francs par rapport à ce que la régie aurait à dépenser si les pommes de terre étaient encore distillées.

Mentionnons aussi que la régie encourage la culture des betteraves sucrières en payant un supplément de prix pour le trois-six de mélasse fabriqué par la sucrerie d'Aarherg, ce qui constitue une prestation annuelle de 30 000 francs environ. Ce supplément de prix, lié aux autres mesures en faveur de la fabrication du sucre de betteraves, soutient non seulement le prix de ces dernières, mais facilite encore indirectement l'écoulement des pommes de terre; la raison en est que la culture des betteraves fait diminuer et remplace même la production de pommes de terre dans les régions à excédents.

b. L'utilisation des fruits se révéla plus difficile que celle des pommes de terre. Les voies n'étaient point encore tracées et il fallait agir au moment même où les exportations de fruits à cidre, si importantes autrefois, avaient presque entièrement cessé. L'offre sur le marché indigène augmenta considérablement, et le malaise s'accrut encore par suite de plusieurs bonnes récoltes. Si les mesures prises par la régie sur la base de la loi n'avaient pas assuré l'utilisation de ces récoltes, les prix seraient tombés si bas qu'il n'aurait même plus valu la peine de ramasser les fruits. Dans les cantons où l'arboriculture fruitière est développée, un grand nombre d'exploitations agricoles et de cidreries auraient été menacées dans leur existence.

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Ce danger put être conjuré grâce à la prise en charge de l'eau-de-vie de fruits à pépins par la régie, à la garantie des prix pour les fruits à cidre et aux mesures d'encouragement de l'utilisation des fruits sans distillation. La garantie des prix pour les fruits à cidre se révéla d'autant plus précieuse pour les producteurs qu'à ce moment-là, les prix de la plupart des autres produits agricoles étaient tombés très bas.

L'aide apportée à l'utilisation des fruits ne fut, à vrai dire, possible que grâce à la mise en oeuvre de grosses quantités de fruits par les distilleries et à la prise en charge de l'eau-de-vie. Pendant les quatre premières années d'application de la nouvelle loi, la régie a pris livraison de 23 468 209 litres d'eau-de-vie de fruits à pépins, à 100 pour cent, soit, en chiffre rond, de 47 millions de litres à 50 pour cent du volume.

Achats d'eau-de-vic de fruits à pépins par la régie des alcools du 21 septembre 1932 au 30 juin 1936.

Exercices

Prix d'achat par litre à 100 pour cent

Quantités d'eau-de-vie en litres à 100 pour cent

Fr.

21 sept, au 31 déc. 32 1933/34 (!)

1934/35 1935/36 Total

2.20 2.20/2.-- 1.80 1.80

Montants payés Pr.

1 078 512 7 654 017 6 544 855 8 190 825

23 468 209

2 372 726.40 16 821 593.-- 11804895.05 14 700 630.55 45 699 845.--

(*) Un an et demi

C'est dans ces charges extraordinaires imposées à la régie en faveur de l'arboriculture fruitière qu'il faut chercher la cause principale des déficits de la régie pendant les exercices 1934/35 et 1935/36. Pour atténuer ces charges excessives, les programmes financiers votés par les chambres supprimèrent provisoirement, comme nous l'avons déjà dit dans le chapitre précédent, les prix minimums fixés dans la loi tant pour l'eau-de-vie que pour les fruits à cidre.

La régie continua, dans le cadre de la nouvelle loi, à appliquer et à développer les mesures prises sous l'ancien régime en faveur de l'utilisation des fruits sans distillation. Elle versa des subsides pour les frais de transport des envois de fruits de table, ainsi que pour les exportations de fruits à cidre et pour les expéditions provenant de régions à excédents. Depuis 1933, les exploitations qui utilisent leurs marcs de fruits sans distillation reçurent une indemnité. Mais le prix d'achat pratiqué durant les premières années pour l'eau-de-vie de fruits à pépins entrava le développement de l'utilisation

645 des fruits sans distillation; trop élevé, il rendait la distillation plus avantageuse que tout autre utilisation, et cela précisément pour les grandes entreprises dont les frais de production sont relativement faibles. Il s'avéra donc nécessaire d'orienter l'utilisation des fruits dans un sens qui permît de faire servir la distillation à sa fonction naturelle comme ultime moyen de liquider les matières premières. On y parvint en automne 1936 en réduisant le prix d'achat de l'eau-de-vie en vertu des programmes financiers et en l'adaptant aux conditions nouvelles. En outre, on n'autorisa dans la suite les distilleries concessionnaires à mettre en oeuvre des fruits à pépins que s'il leur était impossible de les utiliser autrement ou si elles assumaient la vente de l'eau-de-vie produite après avoir acquitté les droits. En même temps, l'indemnité pour les marcs devint un subside destiné à restreindre la distillation et fut portée de 1 fr. 80 à 2 fr. 50 et même 2 fr. 80 par 100 kg.

Autre innovation: en automne 1936, on substitua aux prix minimums des prix de base allant de 3 fr. 50 à 4 fr. 25 par 100 kg de poires ou de pommes saines mais mal conditionnées et de 4 fr. 50 à 5 francs pour les pommes saines et bien conditionnées servant à fabriquer du cidre de consommation. Cette échelle de prix fut également appliquée les années suivantes et permit, mieux que le système rigide des prix minimums, de tenir compte des diverses sortes et qualités, ainsi que des différentes possibilités d'emploi.

Grâce à ces mesures et à la collaboration intelligente des groupements intéressés à l'arboriculture et à l'utilisation des fruits, il devint possible depuis 1936 d'utiliser la majeure partie des récoltes de fruits sans distillation. Tel fut le cas pour 4178 wagons de 101 de marcs de fruits en 1937 et pour environ 2500 l'année suivante. De cette manière, les quantités d'eaude-vie prises en charge furent réduites d'environ 15 000, puis 9000 hl à 100 pour cent. Les sécheries que des cidreries et autres exploitations s'étaient adjointes s'occupèrent de l'utilisation non alcoolique des marcs.

La plus grande partie des marcs sèches servirent de fourrage ou à la préparation de pectine. En automne 1937, plus de 3000 wagons de pommes à cidre ont été transformés en jus concentré, constituant ainsi une bonne réserve pour
les années de faible récolte. L'automne dernier, il s'agissait d'utiliser les excédents de poires ; 1450 wagons ont été employés à la fabrication de concentrés fourragers au lieu d'être distillés. En collaboration avec l'office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail, avec la « FruitUnion Suisse » et des associations d'utilité publique, la régie a pu faire livrer des fruits à bon marché aux indigents de la montagne et des villes. Elle en fit ainsi distribuer environ 50 000 q en 1937 et 9000 l'année dernière, où la récolte a été faible, à des gens qui jusqu'ici n'avaient pu s'en procurer.

La régie s'employa aussi, comme sous l'ancien régime, à encourager les efforts tendant à améliorer la production des fruits de table et à développer la consommation des fruits frais et des produits fruitiers faciles à conserver.

Feuille fédérale. 91e année. Vol. I.

47

646

Au cours des exercices de 1935/36 et 1937/38, ses subsides permirent d'entreprendre en grand des essais de conservation par cirage des fruits. Depuis l'entrée en vigueur de la loi, la régie voua en outre une attention particulière à la conservation des fruits et des produits fruitiers en général (fruits sèches et jus de fruits concentrés) en encourageant la fabrication et en cherchant à relever la qualité. Aujourd'hui, ces efforts prennent une importance particulière en raison des mesures prises pour ravitailler le pays en cas de guerre; cela nous engage à continuer dans cette voie.

Avec la division de l'agriculture du département de l'économie publique, la régie a en outre encouragé l'écoulement des fruits frais et des produits fruitiers en accordant des subsides à la « Fruit-Union Suisse » et à l'office de propagande en faveur des produits de l'arboriculture et de la viticulture suisses. C'est dans le même sens que nous avons pris l'arrêté du 13 septembre 1938 introduisant le contrôle obligatoire de la qualité à l'exportation de fruits à pépins et de leurs dérivés, par la « Fruit-Union Suisse ».

Nous donnons ci-dessous un tableau des sommes versées par la régie en faveur de l'utilisation des fruits sans distillation depuis l'entrée en vigueur du nouveau régime:

647

Dépenses de la régie en faveur de l'utilisation des fruits sans distillation, depuis l'entrée en vigueur de la loi sur l'alcool du 21 juin 1932.

Subsides

1933/34 (')

1934/35

1935/36

1936/37

1937/38

1 938/39(2)

Fr.

Fr.

Fr.

Fr.

Fr.

Fr.

1. Subsides pour frais de transport des fruits de table . . . 396 160.85 2. Subsides pour frais de transport des fruits à cidre . . . . 127457.10

370 516.85 90 542.55 (Exportation)

(Exportation)

291 123.-- 284 970.35

39 462.90 (Exportation)

3. Subsides pour l'utilisation des marcs et des poires à cidre sans distillation

59161.11

4. Subsides pour le séchage des fruits à cidre .

5. Subsides pour la fabrication des concentrés . .

6. Ravitaillement des indigents en fruits frais . .

7. Autres subsides

--

' --

66 353.10

157 045.10 212 955.-- 320 192.80 1 281 920.90 650 000.--

sous 3

sous 3

sous 7

--

--

--

--

--

sous 7

349 433.70 206 707.25 115767.20

36 652.05

40.000.--

1 248 443.75 650 000.--

223 400.10

60 000.--

354 683.25

70 000.--

Total 649 132.16 1 168 118.65 795 175.15 435 960.-- 3 184 562.95 1 460 000.-- ( x ) Un an et demi.

( 2 ) Estimations.

Les mesures prises par la régie furent en général approuvées par les intéressés. Les producteurs de fruits et les cidreries, en particulier, se sont largement tournés vers les modes d'utilisation autres que la distillation; leur collaboration facilita le travail de la régie. Il reste cependant encore beaucoup à faire jusqu'à ce qu'on ait trouvé une solution satisfaisante au point de vue économique et social. Nous devons toutefois relever que, grâce aux mesures prises jusqu'ici, il a été possible, malgré les difficultés croissantes que rencontre l'exportation des fruits, d'assurer même l'écoulement de grosses récoltes.

648

c. Les efforts des autorités fédérales tendant à développer l'utilisation des fruits seraient vains, si elles ne vouaient pas aussi toute leur attention à la transformation et à l'amélioration de la culture des fruits de table et des fruits à cidre. Les résultats obtenus par l'utilisation des matières premières sans distillation sont immédiatement visibles dans la diminution de la production d'eau-de-vie ; en revanche, l'encouragement de la culture des fruits de table est une oeuvre de longue haleine. Il s'attaque à la racine du mal, à la cause de l'abondance des matières à distiller, et tend à supprimer les arbres mal soignés et portant des fruits de qualité inférieure. En application des principes contenus dans les articles SZbis de la constitution et 24 de la loi, un programme d'action pour la transformation de l'arboriculture a été élaboré pour la première fois en 1933 et approuvé par nous.

Ce programme a été revu chaque année et sensiblement amélioré depuis 1936. Il a permis de prendre les mesures suivantes: Création de stations cantonales d'arboriculture dans les cantons où il n'en existait pas encore et de la centrale d'arboriculture de la « FruitUnion Suisse»; Encouragement des soins à donner aux arbres et de l'assainissement des vergers par rélimination des arbres parasités ou en ruine et de ceux qui produisent des fruits à distiller; un subside de 20 francs au maximum par arbre est accordé pour l'abattage de poiriers à cidre sains et en plein rendement effectué en corrélation avec les mesures d'assainissement ; Actions de surgreffage au moyen de subsides s'élevant jusqu'au 50 pour cent des frais; depuis le printemps 1935, le programme de la transformation des vergers prévoit l'étude des possibilités de développer les variétés de poires à cuire et à sécher; Création de vergers modèles dans les régions où l'arboriculture a été négligée; à cet effet, un subside allant jusqu'au 30 pour cent des frais est accordé; Conférences et cours en vue de préparer les travaux de transformation; les frais de ces conférences et cours sont entièrement remboursés; Contrôle des pépinières et de l'importation d'arbres fruitiers par la centrale suisse d'arboriculture à Oeschberg avec le concours des stations cantonales d'arboriculture et de la fédération suisse des pépiniéristes; Sélection et limitation du
nombre des variétés par la centrale suisse, d'entente avec les stations cantonales, en corrélation avec les travaux de surgreffage et le contrôle des pépinières et avec l'aide des constatations faites lors du contrôle des expéditions de fruits.

Dans toutes les questions relatives à la transformation des vergers, la régie travaille d'entente avec la division de l'agriculture. L'application des mesures d'amélioration et de transformation est confiée aux stations cantonales. La centrale suisse d'arboriculture, à Oeschberg, est chargée

649 de surveiller l'organisation et la direction technique des travaux dans les cantons afin d'obtenir l'uniformité nécessaire.

Dans le tableau suivant, nous indiquons les crédits accordés depuis l'entrée en vigueur du nouveau régime pour la transformation et l'amélioration des vergers et les résultats obtenus: Dépenses faites par la Confédération en faveur de la transformation de la culture fruitière depuis l'entrée en vigueur de la loi du 21 juin 1932.

Travaux exécutés Exercices

Crédits accordés

Soins donnés aux Assainissement des arbres: Nombre vergers: Nombre de poiriers à cidre d'arbres taillés d'après les méthodes abattus grâce aux nouvelles subsides.

Surgreffage : Nombre d'arbres surgreffés

Fr.

1933 (*) 1933/34 1934/35 1935/36 1936/37 1937/38 1938/39

100 000.-- 110000.-- 100 000.-- 87 000.-- 330 000.-- 300 000.-- 330 000.--

Total

1 357 000.--

-- -- -- .-- 400 000 600 000 Les opérations sont de 1938/39 et

15000 -- 26000 -- 1 500 20000 20000 1700 25700 10000 10000 40000 exécutées pendant l'hiver le printemps de 1939.

1 000 000

23200

146 700

(*) Printeinps.

Jusqu'à l'exercice de 1935/36, les dépenses en vue de la transformation de la culture fruitière ont été supportées par la régie; à partir de l'hiver 1936, la division de l'agriculture en a pris une partie à sa charge (entre un cinquième et un tiers).

En récapitulant les dépenses de la régie depuis Ventrée en vigueur de la loi pour l'utilisation des pommes de terre et des fruits et pour encourager la culture des fruits de table, nous obtenons le tableau suivant :

650 Dépenses faites par la Confédération pour l'utilisation des pommes de terre et des fruits et pour la transformation de l'arboriculture, en vertu de la loi sur l'alcool du 21 juin 1933.

Exercices

Utilisation des pommes de terre

Utilisation des fruits

Transformation de l'arborlculture

Prise en charge de l'eau-de-vle de fruits a pépins

En tout

Fr.

Fr.

Fr.

Fr.

Fr.

1933/34 (!) 2 269 422.20 649 132.16 68 487.70 19194319.40(2) 22 181 361.46 1934/35 988 562.60 1 168 118.65 86 691.74 11804895.05 14 048 268.04 1935/36 475 265.90 795 175.15 84 949.90 14 700 630.55 16 056 021.50 1936/37 285 862.30 435 960.-- 227 073.25 1 137717.15 2 086 612.70 802 211.95 3 184 562.95 308 241.70 1 594 101.85 1937/38 5 889 118.45 1938/39 (3) 600 000.-- 1 460 000.-- 330 000.-- 1 600 000.-- 3 990 000.-- Total

5 421 324.95 7 692 948.91 1 105 444.2950 031 664.--

64 251 382.15

(1) Un an et demi.

( 2 ) Du 21 septembre 1932 au 30 juin 1934.

( 3 ) Estimations.

II ressort des considérations et des tableaux ci-dessus qu'en peu d'années, en vertu du nouveau régime de l'alcool, la régie a fait d'importantes dépenses pour encourager l'utilisation des pommes de terre et des fruits, ainsi que la culture des arbres fruitiers. Impossibles sans la nouvelle loi, ces mesures ont apporté aux agriculteurs une aide précieuse en ces temps de crise.

L'adoption de modes d'utilisation excluant la distillation a permis d'obtenir la diminution de la production d'eau-de-vie voulue par la constitution et la loi. La transformation des vergers aide à constituer les fondements naturels d'une telle diminution. Il ne sera possible de continuer ce travail utile à l'agriculture et aussi à la santé et l'économie publiques que si les dispositions légales demeurent en vigueur non seulement pour encourager l'utilisation des pommes de terre et des fruits, ainsi que la transformation des vergers, mais aussi pour empêcher une production effrénée d'eau-de-vie.

III. EXAMEN DE L'INITIATIVE A. Le retour à l'ancien régime.

L'initiative tend principalement à rétablir la situation qui existait avant le 6 avril 1930, c'est-à-dire avant l'acceptation des nouveaux articles 326»s et 32quater de la constitution.

Représentons-nous ce que cela signifie.

L'ancienne législation ne réglait que la production, la vente et l'imposition du trois-six. Seul le trois-six vendu par la régie était soumis à l'impôt,

651

cependant que les eaux-de-vie et les matières premières étrangères étaient assujetties à des droits de monopole. La régie exerçait son monopole en faisant fabriquer de l'alcool à brûler et de l'alcool industriel secondaire dans quelques rares entreprises employant les résidus de la fabrication de cellulose, de sucre et de levure pressée et en achetant le reste de l'alcool à l'étranger. Sans, doute, la loi l'obligeait-elle à demander à la production indigène le quart de la quantité d'alcool nécessaire aux besoins du pays, mais il ne pouvait s'agir en aucun cas de plus de 30 000 hectolitres. Cependant, la régie ne renouvela pas les concessions des distilleries de pommes de terre venues à échéance en 1914, elle versa aux distilleries des indemnités de chômage et pourvut à ce que les récoltes de pommes de terre servissent à la consommation et à l'affouragement. Elle ne donna pas non plus de concession pour la fabrication d'alcool de fruits à pépins qui, d'après un arrêt rendu en 1925 par la cour pénale fédérale, n'était pas comprise dans l'exception prévue par l'ancien article constitutionnel pour la distillation des fruits et du vin.

Quant à l'utilisation des fruits, la régie n'avait pas eu à s'en occuper sous l'ancien régime. Seule la loi de l'offre et de la demande présidait à la formation des prix tant sur le marché des fruits que sur celui des eauxde-vie. Aussi, dans les années de forte récolte, les prix des fruits à pépins tombèrent-ils jusqu'au-dessous de deux francs par 100 kilos; une partie de la marchandise était même invendable. Les prix de l'eau-de-vie de fruits à pépins descendaient, eux aussi, si bas que, d'après une enquête faite par la régie en 1928 et 1929, on pouvait en obtenir pour 80 centimes à un franc le litre dans les magasins des quartiers industriels de nos villes.

Les grandes distilleries faisaient aux petites et moyennes entreprises une concurrence souvent fort sérieuse, parce qu'elles pouvaient travailler à bon marché et jeter sur le marché des quantités importantes d'eau-de-vie.

La vente libre de l'eau-de-vie de fruits à pépins faisait sans doute une concurrence sensible aux ventes de trois-six de la régie. Comme l'eau-de-vie ne pouvait toutefois remplacer le trois-six dans la fabrication des liqueurs, des produits pharmaceutiques et de la parfumerie, la régie était
toujours assurée d'un certain écoulement de sa marchandise, et ces ventes lui permettaient -- puisque l'utilisation des fruits ne lui coûtait rien -- de faire, bon an mal an, un bénéfice d'environ six à sept millions de francs.

Du point de vue purement administratif, le retour à l'ancien régime représenterait un important allégement des tâches de la régie. Mais le pays n'en retirerait aucun avantage, car on reviendrait aux conditions d'insécurité et de désordre que présentaient auparavant la culture et l'utilisation des fruits, ainsi que la distillation des fruits et du vin. L'arboriculteur serait de nouveau dans la crainte au sujet de l'écoulement de ses fruits et devrait s'inquiéter lui-même de l'utilisation de ses produits et de leurs déchets. Les prix des fruits n'étant maintenus ni par des mini-

652

mums légaux, ni par des prix de base, leur fixation serait au pouvoir des distilleries et cidreries professionnelles. Ces entreprises feraient en outre concurrence à l'agriculteur en vendant du cidre et des eaux-de-vie à des prix minimes. Enfin, comme on ne peut plus exporter des fruits à cidre -- ces exportations avaient sensiblement facilité les choses avant l'entrée en vigueur de la loi sur l'alcool --, les conditions seraient encore plus mauvaises qu'elles ne l'étaient à ce moment-là et les prix tomberaient encore plus bas. Nombre d'arboriculteurs le savent et ont reconnu les avantages du nouveau régime; ils ont su s'adapter à ces circonstances favorables et sont opposés à un retour à l'ancien régime en matière d'utilisation des fruits et de distillation. Aucun d'eux ne saurait se passer maintenant des mesures de la régie tendant à soutenir les prix des fruits et à assurer l'écoulement des fruits et de leurs produits. Même les signataires de l'initiative ne le veulent pas. C'est pourquoi ils demandent que la Confédération couvre ses besoins de trois-six uniquement au moyen d'alcool de fruits à pépins du pays et encourage la production de fruits de table, la consommation de fruits sèches et l'emploi des marcs de fruits comme fourrage. Cela ne constituerait pas un retour à la situation d'avant le 6 avril 1930 ; ce serait l'instauration d'un régime obligeant la Confédération à soutenir l'utilisation des fruits sans qu'elle puisse la rendre plus rationnelle par une réglementation de la distillation. Dans de telles conditions, les mesures prises pour l'utilisation des fruits seraient inefficaces. Pour la régie, ce serait le retour à une situation financière intenable et à une nouvelle période de déficits. Les cantons en subiraient surtout le contre-coup en perdant de nouveau une source de recettes qui fut toujours d'une certaine importance pour leurs finances et sur laquelle ils comptent. Rappelons à ce sujet que les cantons avaient déjà l'obligation sous l'ancien régime et l'ont encore aujourd'hui de consacrer au moins dix pour cent de leur part des recettes de la régie à la lutte contre l'alcoolisme dans ses causes et dans ses effets. S'ils ne reçoivent plus rien, ils ne peuvent donc plus soutenir suffisamment les nombreuses institutions d'utilité publique qui bénéficient de la dîme de l'alcool,
ce qui, en fin .de compte, est encore un dommage pour la communauté. De même, l'assurance-vieillesse et survivants et les secours aux vieillards seraient touchés par un retour à l'ancien régime, car la Confédération ne disposerait plus des ressources que les articles 32ois et î&quater de la constitution lui réservent à cet effet. Certes les mauvais résultats de la loi sur l'alcool en matière financière ont empêché jusqu'ici de faire au fonds des assurances des versements tirés des bénéfices de l'alcool.

Mais l'acceptation de l'initiative l'empêcherait pour un temps indéterminé.

Enfin, le retour à l'ancien régime ferait naître un grave danger, celui de voir l'abus du schnaps reprendre les mêmes formes et même de plus criantes que celles d'avant 1930, alors que la distillation des fruits à pépins se développait sans frein et que l'eau-de-vie se vendait sans impôt et, par conséquent, trop bon marché.

653

A cette époque, comme dans les années qui précédèrent l'élaboration de la première loi sur l'alcool, l'insuffisance de l'intervention de l'Etat causait de graves dommages à la santé et à l'économie publiques. Nous en voulons notamment pour preuve l'augmentation du nombre des accidents, des maladies et des aliénations mentales dus à l'abus du schnaps, ce qui amenait une recrudescence de la misère et un accroissement des dépenses de l'assistance publique. Ces effets inquiétants d'une trop grande liberté dans le domaine de l'alcool se sont fortement atténués sous l'influence du nouveau régime et de la forte hausse des prix de l'eau-de-vie qu'il a causée. Au moment oit le peuple suisse a toutes les raisons de bander ses énergies, il serait doublement inopportun de rompre la digue élevée contre les abus de l'alcool. S'il considère que sa liberté et son indépendance sont ses biens les plus précieux et s'il veut les garder intactes, il lui faut défendre sa santé contre une liberté mal comprise.

B. Les divers points du programme de l'initiative.

1. L'interdiction du coupage des eaux-de-vie.

L'initiative demande qu'on interdise le coupage des eaux-de-vie de fruits à pépins et de cerises. Les signataires comptent que, de ce fait, les conditions de vente de ces eaux-de-vie s'amélioreront sensiblement. Ils réclament ainsi l'interdiction du coupage pour des raisons économiques.

Précisons tout d'abord que la question du coupage relève non pas de la législation sur l'alcool, mais de la législation sur le commerce des denrées alimentaires; il s'agit non pas de la production ou de l'imposition des boissons distillées, mais de la protection des acheteurs contre les tromperies. L'article 54 de la loi sur le commerce des denrées alimentaires prescrit que le Conseil fédéral édicté les dispositions propres à sauvegarder la santé publique et à prévenir toute fraude. Il doit en particulier rendre obligatoire la déclaration des additions, à l'exception de celles qui sont nécessaires ou usuelles et qui seront déterminées pour chaque denrée. Il doit en outre exiger, pour la vente de succédanés ou de mélanges, des indications claires qui préviennent toute confusion avec les produits naturels.

Enfin, lorsque le mélange d'un succédané avec un produit est de nature à tromper l'acheteur, le Conseil fédéral pourra en interdire
la fabrication et la vente, à défaut d'autre moyen d'empêcher la fraude.

L'ordonnance actuelle sur le commerce des denrées alimentaires et de divers objets usuels protège les eaux-de-vie naturelles contre les coupages, tout d'abord en obligeant à déclarer les seconds, ensuite en mettant des conditions à ceux-ci.

Ces conditions ont été sensiblement aggravées au cours des dernières années. L'ordonnance du 8 mai 1914 prescrivait que le coupage, à l'excep-

654

tion du kirsch, devait contenir au moins un quart d'alcool provenant de l'eau-de-vie naturelle. Mais déjà celle du 23 février 1926 exigeait que la moitié au moins de l'alcool provînt de l'eau-de-vie qui donne son nom au produit (art. 297, 4e al.); l'ordonnance actuelle, du 26 mai 1936, reproduit cette disposition (art. 394, 4e al.). Si l'eau-de-vie ne répond pas à ces exigences, elle ne peut pas même porter le nom de coupage mais doit être désignée comme « eau-de-vie ordinaire ». Les désignations d'origine et de qualité sont en outre formellement interdites pour les coupages. Enfin, et ce n'est pas une protection à négliger, il est aussi interdit d'ajouter des huiles éthérées et des essences aux eaux-de-vie (art. 399, 3e al.).

Toutes ces dispositions servent à prévenir autant que possible les fraudes lors de la vente de l'eau-de-vie. L'article 56 de la loi du 18 décembre 1905 charge les cantons d'exécuter les dispositions sur la matière. Mais les dispositions que nous venons de citer furent dès l'abord, pour diverses raisons, d'une application très difficile. Il a déjà été question de faire interdire le coupage des eaux-de-vie naturelles avec du trois-six ou d'autres sortes d'eau-de-vie. Rappelons, par exemple, le postulat Wulliamoz, du 18 février 1926, auquel nous avions refusé de donner suite. Nous faisions valoir qu'au point de vue de la santé publique, les coupages ne sont pas plus dangereux que les eaux-de-vie naturelles, qu'au contraire ils contiennent moins de produits secondaires nocifs tels que l'alcool méthylique, le fusel, les aldéhydes, etc.

En répondant au postulat Wulliamoz, nous avions aussi indiqué les difficultés auxquelles se heurterait l'application de la défense de couper les eaux-de-vie; malgré l'amélioration des méthodes d'analyse, ces difficultés existent encore.

Déjà, depuis plusieurs années, on avait dû punir des contraventions dans ce domaine. A fin 1938, des enquêtes ouvertes par les autorités judiciaires zurichoises et par celles d'autres cantons révélèrent qu'un certain nombre de marchands avaient vendu des coupages comme eau-de-vie naturelle. Ces cas, qui n'ont pas encore été jugés, ont amené certains intéressés à demander avec plus d'insistance l'interdiction des coupages.

Ainsi l'union suisse des paysans, dans un mémoire du 5 janvier 1939 adressé au département
de l'intérieur, a demandé cette interdiction pour les kirschs, eaux-de-vie de vin et de marc de raisins, etc., à côté d'autres mesures pour renforcer le contrôle des denrées alimentaires.

Il est clair qu'on doit examiner avec soin les possibilités de lutter plus vigoureusement et plus efficacement contre les manoeuvres illicites. C'est pourquoi le département fédéral de l'intérieur a adressé une circulaire aux autorités cantonales pour les prier de se prêter mutuellement assistance dans la recherche des contraventions du genre précité et dans l'exécution des jugements; il a en outre déclaré qu'il était nécessaire de procéder à un examen général de la situation dans le commerce des spiritueux.

655

Cet examen se rapportera tout d'abord à l'enquête en cours; mais on devra aussi voir si, avec l'aide de nouveaux procédés d'analyse, il est possible d'éliminer les abus en appliquant rigoureusement les dispositions en vigueur aujourd'hui. Les conclusions dépendront fortement des résultats des enquêtes en cours, qui donneront des indications intéressantes sur les mesures à prendre. Il s'agira en même temps de déterminer quelles sont les conditions administratives et techniques qui doivent être réunies pour qu'une interdiction des coupages puisse être efficace. Cette question nous paraît particulièrement importante car les événements de ces derniers temps,ont montré péremptoirement que, pour empêcher les tromperies, il ne suffit pas d'avoir des prescriptions, mais qu'il faut être à même de les appliquer. N'oublions pas non plus qu'une interdiction des coupages touche à d'importants intérêts matériels et a une grande portée hygiénique. Les autorités devront donc envisager le problème dans son ensemble avant de pouvoir décider une mesure aussi importante. Nous ne manquerons pas de suivre attentivement cette question difficile d'entente avec les cantons. Nous comptons sur la collaboration des producteurs et des commerçants qui doivent également user de leurs propres moyens pour créer de meilleures conditions dans le commerce des boissons distillées. On pourra alors s'attendre à une amélioration sensible du marché des eaux-de-vie naturelles, comme le désire l'initiative. Cela ne peut toutefois être uniquement l'effet de l'intervention des autorités; les efforts des producteurs et des commerçants doivent y contribuer tout autant.

2. Encouragement de la production de fruits de table ; restriction des importations de fruits étrangers ; encouragement de la consommation de fruits sèches ; transformation des marcs de fruits en fourrage.

a. L'encouragement de la production de fruits de table constitue, comme nous l'avons dit, une des tâches imposées à la Confédération par les articles 32 ois de la constitution et 24 de la loi sur l'alcool. Ces dispositions ont permis d'agir largement et méthodiquement, avec la collaboration des stations cantonales d'arboriculture, pour encourager les soins à donner aux arbres, l'assainissement des vergers et le surgreffage; nous en avons déjà parlé.

De l'avis des spécialistes,
ces efforts ont donné de bons résultats. Suivant les rapports des stations cantonales, environ un million d'arbres ont été taillés jusqu'ici selon des méthodes modernes et 146 000 ont pu être surgreffés grâce aux subsides de la régie. En outre, un grand nombre d'arbres de peu de valeur ont été abattus. Cela prouve que l'on travaille méthodiquement et sur une large échelle à la transformation de la culture fruitière. Il serait donc peu naturel que l'abolition de la loi interrompe ces travaux et oblige

656

de les reprendre sur d'autres bases. Les promoteurs de l'initiative montrent eux-mêmes par leur demande que, sur ce point, ils ne réclament pas le retour à l'ancien régime. Une chose semble toutefois leur avoir échappé, c'est que la loi actuelle a déjà réalisé ce qu'ils demandent.

b. Quant à la limitation de l'importation des fruits, il convient de noter que nous avons pris, depuis plusieurs années déjà, des mesures de protection contre de trop grandes importations. En application de l'arrêté fédéral du 23 décembre 1931 concernant la limitation des importations, nous avons contingenté ces importations par arrêtés des 24 mai et 3 juin 1932 pour les marchandises suivantes: N0" 23a1 et a2 du tarif douanier, fruits frais et sèches, n° 236 fruits frais ouverts ou en sacs, n° 24a, pommes, poires, abricots frais autrement emballés. Pour le calcul du contingent soumis aux droits de douane ordinaires, on se fonde sur les importations de 1931 et sur les traités de commerce. De nouveaux contingents ne sont accordés qu'aux maisons qui appartiennent visiblement à la branche.

Les importateurs reçoivent sans autre 50 pour cent du contingent. L'octroi du reste est lié à la condition qu'ils participent équitablement à l'écoulement de la production indigène.

L'application de ces mesures de protection est extrêmement difficile et complexe. Afin de tenir compte des besoins et des possibilités, on en est venu à demander aux producteurs et commerçants de collaborer à la recherche de solutions aussi satisfaisantes que possible. On a créé un office fiduciaire central, qui s'occupe tant des intérêts des producteurs que de ceux des commerçants et des consommateurs. Cet office est chargé de donner son préavis à la section des importations. Des offices créés dans les centres importants déterminent, pour leur rayon, les conditions d'écoulement des récoltes et les besoins de la population ; les producteurs, les commerçants et les consommateurs y sont représentés.

Cette organisation doit être maintenue et adaptée aux circonstances.

Nous veillerons, comme auparavant, à ce que les importations de fruits se maintiennent dans les limites compatibles avec l'utilisation des récoltes indigènes. Il est évident qu'elles ne doivent pas gêner les mesures prises pour développer la culture du fruit de table et améliorer la qualité de
la production et la conservation des fruits frais. C'est pourquoi une collaboration étroite entre les producteurs, les offices fiduciaires locaux pour l'importation des fruits, les commerçants et les consommateurs est de toute importance. Mais ce serait une erreur économique et politique que de vouloir fixer dans la constitution et dans la loi des règles strictes pour la limitation des importations. Cette question est inséparable des problèmes généraux du commerce extérieur de notre pays et de son économie. La Suisse, qui ne peut se passer de ses exportations, ne pourrait plus les pratiquer si elle n'achetait pas à son tour à l'étranger. C'est la raison pour laquelle il n'est

657

pas possible de se laisser guider exclusivement par des considérations relatives au marché intérieur; nous devons aussi tenir compte des rapports avec l'étranger. Certains pays pour qui l'exportation des fruits a une grande importance sont en même temps, dans une mesure appréciable, des acheteurs' de nos produits agricoles (fromage, bétail, etc.), sans parler du rôle qu'ils jouent pour notre exportation industrielle. D'ailleurs, nous importons principalement à une époque -- cela est surtout vrai pour les primeurs -- où la production indigène n'est pas à même, dans les conditions actuelles, de suffire aux besoins. On ne peut empêcher l'importation d'une certaine quantité de fruits étrangers si l'on veut assurer l'approvisionnement de nos stations touristiques et répondre aux exigences légitimes de nos populations. Il s'agit d'apprécier exactement les différents intérêts en jeu pour en tenir compte équitablement.

c. Un autre point touché par le chiffre 2 de l'initiative, l'encouragement de la consommation des fruits sèches, occupe également les autorités depuis plusieurs années déjà. Le rapport sur la gestion de la régie indique que, grâce aux subsides, 12 500 q de poires ont été sèches, au lieu d'être distillés, pendant l'exercice 1935/36. Pour l'exercice suivant, vu la faible récolte, il ne fut pas nécessaire de recourir au séchage, qui demeure un moyen complémentaire. Pour la forte récolte de 1937, de même que pour celle de l'automne dernier, le séchage a repris toute sa valeur. La régie a versé jusqu'ici les subsides suivants pour le séchage des poires à cidre: 1934/35 30910 fr. -- 1935/36 22366 » 25 1936/37 1141 » 60 1937/38 : ....

36 652 » 05 1938/39 (estimation) 40000 » -- En allouant des subsides pour des cours ou des essais, la régie soutient en outre les efforts faits en vue d'améliorer la qualité des poires à sécher.

Mentionnons enfin les mesures prises par les autorités fédérales pour lutter contre l'importation illimitée de fruits sèches.

Les subsides de la régie et la limitation des importations de fruits sèches ont empêché la disparition des sécheries, déjà malheureusement trop rares dans notre pays. Les sécheries industrielles ou domestiques ont vu augmenter leur importance depuis que l'on se préoccupe de l'approvisionnement du pays en cas de guerre; les mesures prises présentent
donc le plus grand intérêt.

L'administration militaire a reconnu, depuis plusieurs années déjà, les services importants que rendent les fruits sèches pour la constitution de réserves de guerre et le ravitaillement des troupes. Depuis 1929, le commissariat central des guerres achète et emploie de grandes quantités de quartiers

658

de pommes sèches. Les autorités militaires ont recommandé avec succès la consommation de pommes séchées aux troupes qui restent libres de choisir leur nourriture. Aussi la quantité consommée dans l'armée n'est pas négligeable. Si les troupes ne commandent pas de fruits sèches indigènes, les commandes de fruits de provenance étrangère sont réduites et des pommes séchées leur sont livrées en compensation. Les magasins de l'armée possèdent depuis plusieurs années des réserves importantes de fruits sèches indigènes, mais il ne faut pas oublier que la durée de conservation de ces produits est limitée, surtout pour les poires. Depuis 1936, on a aussi de plus en plus fourni aux troupes de la purée et du thé de pommes. Nous ne méconnaissons pas tout ce qui peut encore être fait et sommes prêts à vouer comme auparavant toute notre attention à la question de la consommation de nos produits fruitiers par l'armée.

d. L'initiative demande sous chiffre 2 l'étude de la transformation des marcs de fruits en fourrage et touche ainsi à une question dont la régie s'occupe depuis plus de dix ans déjà. Reconnaissant les dangers qu'une trop grande extension de la distillation des marcs présente pour l'économie et la santé publiques, elle a, bien avant l'entrée en vigueur du nouveau régime, examiné avec l'aide des intéressés les possibilités de la restreindre.

C'est ainsi que nous avons autorisé la régie, en 1924, à ouvrir un concours pour l'étude des possibilités d'utiliser les marcs de fruits et de raisins sans distillation. Dans la suite, les essais entrepris avec son aide, notamment dans les écoles d'agriculture, dans les stations d'essais et à l'institut de l'école polytechnique fédérale pour l'alimentation du bétail, permirent de continuer les recherches sur l'utilisation des marcs pour l'affouragement des ruminants et des porcs. Le nouveau régime donna des bases juridiques à l'encouragement de l'utilisation des matières distillables indigènes pour l'affouragement et l'alimentation. On ne se fit pas faute de s'en servir pour développer ce genre d'utilisation par des mesures appropriées. La régie versa des subsides pour la première fois en automne 1931. Depuis lors, l'utilisation des marcs sans distillation s'est de plus en plus développée.

Le tableau suivant donne une idée de ce développement depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi : c,0rrir0e txercicBS

Marcs frais utilisés sans d|st|uat|on

a

1932/33 1933/34 1934/35 1935/36 1936/37 1937/38 1938/39

.

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Subsides de la règle par q distillés

de marcs fra|s non

fr.

5100 1.-- 33000 1.80 92200 ' 1.80 101700 1.80 110500 2.20/2.80 417800 2.50/2.80 250 000 (estimation) 2.50/2.80 .

659

Si l'on tient compte des variations de récoltes, ces chiffres montrent que l'utilisation des marcs s'est développée rapidement. Il est toutefois important de préciser que cette évolution n'est pas seulement due à l'augmentation du subside versé par la régie. Le régime de restrictions en vigueur actuellement pour les distilleries professionnelles et l'adaptation du prix d'achat de l'eau-de-vie aux conditions nouvelles y ont aussi largement contribué. De cette façon, la distillation conserve la place que la constitution et la loi lui ont assignée dans le cadre de l'utilisation des déchets.

Les marcs de fruits peuvent servir à l'affouragement sous différentes formes. Dans les exploitations agricoles, on les donne à l'état frais au jeune bétail et à celui de boucherie. Maintes exploitations, surtout les porcheries, achètent des marcs sèches. D'après les constatations de la régie, trois à quatre mille exploitations agricoles ont, ces dernières années, utilisé des marcs pour l'affouragement du bétail.

Les marcs frais, qui ne sont pas de nature à se conserver longtemps, ne peuvent être un article de commerce. Là où l'on ne peut les utiliser dans l'exploitation agricole, c'est-à-dire dans les cidreries industrielles, il faut les transformer en un produit qui puisse se conserver. Le procédé de conservation le plus répandu est le séchage. Dès 1933, il a été entrepris sur une grande échelle et n'a cessé de se développer. En automne 1938, les sécheries se répartissaient comme il suit: -_,,»,,,,_ cantons

Zurich Berne .

Lucerne Schwyz Baie-Campagne St-Gall Argovie Thurgovie Total

Nombre de sécheries

9 6 3 2 2 2 4 7 35

Capacité de travail, par 24 heures, en q de mares frais

1700 .

2500 1000 100 100 300 900 3200 9800

La plus grande partie des marcs de pommes sèches purent être vendus à l'étranger à des prix avantageux; ils servent à fabriquer de la pectine.

En revanche, les marcs de poires ne peuvent être utilisés qu'en Suisse, comme fourrage.

En automne 1938, les sécheries ont mis en oeuvre environ 1100 wagons de 10 tonnes de marcs frais et obtenu 350 wagons de marcs sèches pour l'affouragement. Une extension du séchage des marcs est techniquement possible, car les installations actuelles n'ont pas encore donné leur plein.

660

Toutefois, le développement de cette manière d'utiliser les déchets de fruits dépend surtout des possibilités d'écoulement qu'on trouvera.

i * i* * Les auteurs de l'initiative demandent sous chiffre 2 de leurs propositions qu'on poursuive l'étude de la transformation des marcs en fourrage et trouve une solution heureuse. Or, comme nous l'avons exposé ci-dessus, cette question a été amplement étudiée durant ces dix dernières années.

La loi actuelle a permis de lui donner un développement intéressant. La demande des auteurs de l'initiative paraît donc incompréhensible.

3. La fabrication de trois-six (alcool à brûler excepté) avec des fruits indigènes et leurs déchets et la réduction des achats d'alcool étranger ; la réduction du personnel de la régie.

L'initiative a repris la proposition, déjà émise de divers côtés, de couvrir nos besoins d'alcool en fabriquant celui-ci avec des fruits indigènes et leurs déchets, de manière à diminuer fortement les importations. Cette fabrication devrait être confiée aux distilleries existantes, ce qui permettrait de ramener le personnel de la régie à un effectif raisonnable.

a. La première partie de cette proposition est étroitement liée à la question de l'utilisation rationnelle des fruits et de leurs déchets. Elle a trait aussi, directement, à l'approvisionnement du pays en alcool. Il est dans l'intérêt de l'économie que les matières nutritives contenues dans les fruits et leurs déchets servent avant tout à l'alimentation et à l'affouragement; c'est ce que nous nous sommes efforcés de faire ces derniers temps.

Nous avons pu voir, ces deux dernières années, qu'il était possible d'employer les excédents de pommes et, dans une certaine mesure, ceux de poires sans distillation. Pour les déchets et résidus de fruits (marcs), on a aussi trouvé des modes d'utilisation qui écartent dans une large mesure la distillation; nous en avons déjà parlé dans le chapitre précédent.

Cependant, nous savons que, même si la première place est donnée aux modes d'utilisation des fruits autres que la distillation, une certaine quantité d'eau-de-vie de fruits à pépins sera toujours produite et livrée à la régie. Cette quantité dépend avant tout de l'importance des récoltes; elle varie aussi suivant les possibilités d'exporter les excédents de fruits à cidre et de vendre les denrées
produites en lieu et place de l'eau-de-vie (jus de fruits, concentrés, marcs sèches, etc.).

La question des rapports entre l'utilisation des fruits et de leurs déchets d'une part, et l'importation et la fabrication indigène d'alcool d'autre part, se pose comme suit: Dans quelle mesure est-il techniquement possible et économiquement utile de fabriquer de l'alcool fin avec ce qui se produit

661

encore d'eau-de-vie sous un régime tendant principalement à assurer l'utilisation des fruits et de leurs déchets sans distillation ? Que deviennent, dans ces conditions, l'importation de l'alcool indispensable pour assurer l'approvisionnement du pays et la fabrication indigène avec des matières premières autres que les fruits ? On ne peut, en revanche, considérer a priori qu'il faille distiller fruits et déchets pour restreindre les importations.

Les fruits et leurs déchets ne sont pas une source d'alcool dont il faille se servir à tout prix; leur distillation n'entre en considération que lorsqu'il n'existe aucune autre possibilité de les utiliser.

Comme nous venons de le dire, les mesures envisagées par l'initiative touchent aussi, directement, à l'approvisionnement du pays en alcool.

Ce produit est nécessaire à diverses industries importantes et indispensable à l'économie en cas de guerre; on ne peut donc prendre de mesure touchant à l'approvisionnement du pays aussi bien en temps normal qu'en période troublée sans avoir tout d'abord étudié tous les aspects de la question.

Les ventes de boissons distillées effectuées par la régie s'élèvent actuellement à environ 100 000 hl à 100 pour cent par année. Le tableau ci-dessous indique les sortes d'alcool vendues, ainsi que les prix de vente: Ventes de la régie et prix.

Sortes d'alcool

Moyenne annuelle ' des ventes en hl à 100 pour cent

Prix de vente par hl à 100 pour cent

Fr.

Trois-six fin (y compris l'extra-fin): pour la consommation de bouche .

pour la fabrication de produits pharmaceutiques et de parfumerie (trois-six à prix réduit) . . . .

pour usages industriels Venté totale de trois-six fin . . . .

Alcool secondaire pour l'industrie . .

Alcool à brûler Total des ventes

10000

489.--

7000 35000 52000 5000 43000

295.-- 44.- O 43-- (i) 48.50 f 1 )

100 000

l

( ) Prix moyens.

La régie vend en outre environ 1000 hl d'eau-de-vie de fruits à pépins au prix de 489 francs l'hl à 100 pour cent et 2000 hl d'alcool absolu pour l'industrie au prix de 49 francs l'hl.

Feuille fédérale. 91e année. Vol. I.

48

662

Pour toutes les sortes vendues par la régie, la qualité est déterminée.

Pour le trois-six de bouche, les conditions sont fixées par l'ordonnance et le manuel des denrées alimentaires. A l'encontre de l'opinion trop répandue qui veut que l'alcool fédéral soit un mélange indéfini d'alcools de provenances diverses, nous tenons à affirmer que l'alcool de bouche livré par la régie est un produit de première qualité, franc de toute impureté nuisible.

Le trois-six employé pour les préparations pharmaceutiques est conforme aux conditions requises par la pharmacopée ; pour le trois-six servant à fabriquer la parfumerie, ainsi que pour l'alcool industriel, ce sont les clients qui fixent les exigences. Comme plusieurs d'entre eux sont des industries d'exportation, il va de soi que la qualité et le prix jouent un rôle qui n'est pas sans importance pour le placement de leurs produits sur,le marché mondial.

Plus du 50 pour cent des ventes de la régie concerne donc du trois-six de qualité supérieure, en particulier du trois-six fin. La régie ne peut livrer une qualité inférieure que pour des buts limités dans l'industrie et pour l'alcool à brûler; encore la vente d'alcool à brûler est-elle en régression constante.

Sous l'ancienne loi, la régie achetait à l'étranger tout l'alcool dont elle avait besoin, exception faite des quantités produites de 1886 à 1914 dans les distilleries de pommes de terre concessionnaires. La moyenne des quantités importées durant les années 1921 à 1932 s'élève à 70 000 hl à 100 pour cent.

Avec la mise en vigueur de la nouvelle législation, la prise en charge de l'eau-de-vie de fruits obligea la régie à s'occuper de son utilisation.

On s'était imaginé que l'eau-de-vie qui ne serait pas vendue telle quelle trouverait son emploi comme alcool à brûler ou comme alcool secondaire.

Mais les quantités livrées à la régie grossirent à ce point les réserves d'alcool à brûler, dont l'écoulement diminuait plutôt, que l'on fut débordé. On se vit obligé de chercher un autre emploi. On pensa ainsi utiliser l'alcool de fruits désydraté comme carburant. Mais ce projet se heurta à de grandes difficultés, et n'a pas été exécuté. Au lieu de les mélanger à la benzine, on commença à transformer les réserves d'eau-de-vie et d'alcool de fruits en trois-six fin. Cette transformation fut confiée à des
entreprises privées, ainsi qu'à l'établissement de rectification de la régie à Delémont. Le tableau ci-après indique les quantités d'eau-de-vie et d'alcool de fruits à pépins transformées en trois-six fin pendant la période d'essai et dans la suite:

663

Transformation de Peau-de-vie et de l'alcool de fruits en trois-six fin.

Quantités d'eau-de-vle et d'alcool de fruits transformées Exploitations

Exercice 1935/36

Exercice 1936/37

Exercice 1937/38

Exercice 1938/39 (·)

Hectolitres à 100 pour cent

Etablissement de rectification de la régie Entreprise privée A . . . .

Entreprise privée B . . . .

Entreprise privée C . . . .

Total

13743

10583

12019 3437 4336

15000 5000 5000.

Concession pour 20 000 ni à 100 pour cent par an; l'entreprise en est encore à des essais

13743

10583

19792

25000

(*) Estimations.

Toutes les entreprises privées sont situées en Suisse centrale. L'entreprise C, par suite de difficultés techniques, ne travaille pas encore régulièrement.

Nous avons l'intention de continuer à faire transformer en trois-six fin, par des entreprises installées à cet effet, les quantités d'eau-de-vie de fruits à pépins qui s'y prêtent et ne trouvent de débouchés ni telles quelles ni comme alcool à brûler.

Nous estimons qu'il est nécessaire d'étudier aussi le côté économique de la fabrication de trois-six fin. D'après le tableau de la page 661, la régie vend la plus grande quantité de trois-six fin, c'est-à-dire 35 000 hl, à un prix qui ne comprend aucune charge fiscale. Adapté aux besoins de notre industrie d'exportation, ce prix correspond, suivant l'article 38 de la loi, au prix de revient des différentes qualités importées par la régie pour être vendues comme alcool industriel. Sont, en revanche, grevés de charges fiscales le trois-six de bouche et le trois-six dit « à prix réduit » pour la fabrication de produits pharmaceutiques, de parfumerie et de cosmétiques, impropres à servir de boissons. Pour la fabrication du trois-six fin avec de l'eau-devie de fruits à pépins, la matière première coûte 150 à 160 francs l'hl à 100 pour cent. Si l'on y ajoute les frais de rectification estimés à environ 7 à 8 francs par hl, les frais de transport et autres débours, le prix de revient de l'hl de trois-six fin s'élève à 170 francs, alors qu'importé, il revient à 35 à 40 francs, rendu au dépôt et dédouané. .Le prix de vente de l'alcool industriel étant de 44 francs par hl, la transformation de l'eau-de-vie en trois-six fin constitue une charge considérable pour les finances de la régie,

664

d'autant plus que le. rendement des eaux-de-vie de marcs de fruits est inférieur à celui des autres matières premières. C'est pourquoi nous devons faire en sorte que la production d'eau-de-vie de fruits à pépins et la transformation de celle-ci en trois-six restent dans certaines limites et ne deviennent pas une charge insupportable pour la régie. C'est précisément ce que nous cherchons en encourageant l'utilisation des fruits sans distillation et la transformation de la culture fruitière.

Si l'on veut couvrir les besoins du pays tout en limitant les importations d'alcool, on ne saurait aller jusqu'à mettre au bénéfice d'un monopole la fabrication d'alcool avec la matière première la plus chère. Or c'est ce que semble demander l'initiative. Il faut au contraire garder la possibilité d'utiliser d'autres matières premières indigènes qu'il convient de placer sur le même pied. Nous considérons, par exemple, qu'il ne serait pas légitime de supprimer la fabrication de trois-six avec des déchets provenant de la fabrication du sucre de betteraves ; c'est pourtant ce qui arriverait si les propositions de l'initiative devaient se réaliser. Dès 1921, la sucrerie d'Aarberg tirait de l'alcool secondane d'une partie de ses mélasses. Il y a deux ans, la régie l'a amenée à fabriquer du trois-six fin. Le prix de ce trois-six est fixé sur la base du prix de l'alcool étranger, majoré des droits d'entrée; pour l'alcool fabriqué avec la mélasse provenant de betteraves indigènes, on tient en outre compte du prix de celles-ci. Le prix de cet alcool s'est ainsi élevé, ces dernières années, entre 35 et 40 francs par hl à 100 pour cent. Il serait donc injustifié de supprimer une production avantageuse tant pour le prix que pour la qualité du produit et qui tend, comme le désirent les auteurs de l'initiative, à diminuer les importations.

La création d'un monopole pour la fabrication de trois-six fin avec des fruits fermerait aussi la porte à de nouveaux modes de fabrication, techniquement et économiquement possibles.

Si la Confédération doit assurer l'utilisation des fruits et l'approvisionnement du pays en alcool, il faut lui laisser le droit d'y pourvoir en tenant compte des intérêts de l'ensemble du pays et des charges financières que les mesures prévues peuvent lui imposer.

b. Les promoteurs de l'initiative demandent,
en seconde ligne, que la fabrication du trois-six fin avec des fruits à pépins soit confiée à des entreprises privées afin que le personnel de la régie (l'armée de fonctionnaires, dit le texte allemand) puisse être ramené à un effectif raisonnable.

Il est peu de sujets concernant la régie qui, autant que l'effectif de son personnel, aient donné lieu à des remarques fantaisistes. La régie occupait à la fin de l'exercice 1937/38, personnel des dépôts compris, 119 fonctionnaires et employés. L'application de la nouvelle législation, qui obligeait à contrôler, pour la première fois, environ 35 000 distilleries et 100 000 commettants, n'était, cela va de soi, pas possible sans une certaine augmentation de personnel. Cette augmentation a été de 70 à 119 unités, ce qui

665 est très modéré étant donné l'accroissement du travail. Notons aussi qu'outre les affaires ordinaires, la régie a reçu d'importantes tâches dans le domaine de l'économie de guerre (approvisionnement en alcool, pommes de terre et fruits). Pour le contrôle et la surveillance, nous avons, il est vrai, aussi créé des offices locaux; mais les préposés à ces offices ne sont pas fonctionnaires et accomplissent leur tâche à côté de leur profession ordinaire. Si l'on a créé ces offices, c'est principalement pour empêcher que le nombre des inspecteurs fédéraux n'augmente trop fortement. Aujourd'hui, la Suisse est divisée en onze arrondissements de contrôle à la tête de chacun desquels est placé un inspecteur. Deux inspecteurs surnuméraires portent aide à leurs collègues lorsque cela est nécessaire. Le nombre de ces inspecteurs paraît très faible si l'on considère qu'ils doivent surveiller non seulement les distilleries et les commettants mais aussi les liquoristes, les commerçants en boissons distillées, les fabricants de produits pharmaceutiques et de parfumerie, les cliniques, les médecins, les pharmaciens, les droguistes et les coiffeurs, ainsi que les personnes utilisant de l'alcool industriel. Si l'on veut faire diminuer, comme le demande l'initiative, les importations de trois-six en développant la production indigène, la suite ne sera pas une réduction du personnel, mais une augmentation de cette « armée » de fonctionnaires. L'importation exige peu de personnel de contrôle; en revanche, la fabrication de trois-six fin dans des entreprises privées demande un contrôle et un travail administratif beaucoup plus intenses.

Si les auteurs de l'initiative ont lié la question de l'effectif du personnel avec celle de la fabrication de trois-six fin avec de l'eau-de-vie de fruits, c'est probablement parce qu'ils estiment que cette fabrication doit être confiée non pas à une entreprise d'Etat, mais à des entreprises privées.

Or ce voeu est réalisé depuis longtemps puisque ce sont des entreprises privées qui, dans la mesure du possible, en sont déjà chargées. L'administration doit toutefois avoir à disposition sa propre installation afin de pouvoir contrôler les particuliers par comparaison et intervenir en cas de nécessité.

4. La compensation des importations de spiritueux, tels que le cognac et le rhum,
avec des exportations de kirsch et d'eau-de-vie de fruits de fabrication suisse.

L'initiative demande que la Suisse n'autorise des importations d'eauxde-vie telles que le cognac et le rhum qu'en compensation avec des exportations d'eau de cerises et d'eau-de-vie de fruits à pépins.

La Suisse a importé les quantités suivantes de cognac, rhum et autres spiritueux du même genre en provenance de leurs pays d'origine, la France et les Antilles:

666

Importation de cognacs, armagnacs et autres eaux-de-vie naturelles de vin, d'eaux-de-vie naturelles de fruits, de rhums et de tafias (n° 126 a du tarif des douanes): imnnrf.iinn ri., e.»»...

Importation de Franco hl

1932 1933 1934 1935 1936 1937

....

....

....

....

....

....

4601 317 487 651 950 1104

Importation de la Jamaïque, de la Martinique, etc.

U

2864 128 100 184 294 415

A ces importations, nous ne pouvons opposer aucune exportation notable de nos propres spiritueux. Aucun des pays précités n'en a besoin. La France, il est vrai, accorde à la Suisse un petit contingent de 500 hl de liqueurs, de kirsch et de gentiane par an; celui-ci n'est jamais utilisé complètement, car ce pays produit lui-même ces spiritueux en suffisance et n'a aucun intérêt à en importer. Ajoutons que la France perçoit, outre les droits d'entrée, un droit de consommation de 2900 francs français par hl d'alcool pur, ce qui contribue aussi à restreindre les possibilités de vente de nos produits. Les Antilles n'ont aucun besoin d'eaux-de-vie suisses.

Pour la France, comme aussi pour l'Angleterre, l'exportation du cognac et du rhum en Suisse est, au surplus, insignifiante par rapport à leur production totale et à leurs possibilités d'exportation dans les autres pays.

Elles n'ont donc aucune raison de se lier à notre égard pour maintenir des exportations de si faible importance. On ne peut non plus négliger les nécessités de la balance des échanges commerciaux. Dans le trafic1 avec les autres pays producteurs, comme par exemple l'Allemagne, la compensation demandée par l'initiative ne saurait non plus entrer en ligne de compte, car ce pays n'a pas besoin de nos spiritueux. On ne doit pas oublier qu'une grande partie des spécialités étrangères telles que le rhum, le cognac, le whisky, le genièvre, etc. est importée pour les étrangers séjournant dans nos hôtels. Nous rendrions un mauvais service à l'industrie hôtelière si nous faisions dépendre son approvisionnement en rhum, cognac et autres spécialités de la vente de quantités égales de kirsch et d'eau-de-vie de fruits à pépins à l'étranger.

On pourrait plus facilement instituer un système de compensation pour les importations de trois-six fin, mais les auteurs de l'initiative entendent précisément les supprimer. Comme les fournisseurs en sont les pays de l'est, qui produisent eux-mêmes suffisamment d'eau-de-vie pour leurs besoins, ce serait tout au plus des produits manufacturés qui entreraient en ligne de compte pour ces compensations.

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Ainsi le système de compensation proposé par l'initiative n'est pas applicable, les conditions -nécessaires faisant défaut. Sans assurer aucun avantage, il entraverait inutilement notre politique commerciale. Si nous estimons impossible d'encourager l'exportation de nos spiritueux de la manière proposée, cela ne veut pas dire que nous ne soyons décidés à vouer toute notre attention à cette question, notamment en ce qui concerne l'exportation de kirsch. Quant à l'eau-de-vie de fruits à pépins, on n'a guère la perspective de l'exporter, car il sera bien difficile aux producteurs suisses de trouver acheteur à l'étranger. C'est cependant aux maisons intéressées qu'il appartient en première ligne de chercher des débouchés. L'office suisse d'expansion commerciale pourra aussi s'occuper de cette question. Il va sans dire que les possibilités d'exportation dépendent non seulement de notre politique commerciale, mais aussi de la qualité et du prix de nos eaux-de-vie. Nous rappelons ici qu'au moment de l'exportation la régie rembourse les charges fiscales dont les produits étaient grevés à l'intérieur.

IV. CONCLUSIONS SUR L'INITIATIVE L'exposé qui précède nous conduit aux conclusions suivantes sur les diverses propositions de l'initiative: 1° Le retour au régime en vigueur avant le 6 avril 1930 signifierait le rétablissement de la lacune qui avait peu à peu annulé l'influence tout d'abord excellente de la législation de 1885 et avait conduit à l'opposé de ce que l'on voulait. Il ramènerait la concurrence entre distilleries soumises au monopole et distilleries libres, concurrence0qui livra le pays au danger de l'alcoolisme et n'eut pas d'heureux effets au point de vue économique. Le retour à l'ancien régime ne représenterait ainsi aucune amélioration, ni hygiénique, ni économique, ni fiscale; on y perdrait au change.

2° Ce que l'initiative demande touchant à l'encouragement de la culture des fruits de table et de la consommation des fruits sèches, ainsi qu'à l'utilisation des marcs de fruits sèches comme fourrage, est déjà réalisé ou le sera si le besoin s'en fait sentir. Quant à la question de l'interdiction des coupages d'eau-de-vie, qui relève de la législation sur les denrées alimentaires et non de celle sur l'alcool, elle sera examinée à fond concurremment avec le problème de l'amélioration du contrôle
des denrées alimentaires. L'interdiction de fabriquer le trois-six autrement qu'avec des fruits du pays, telle qu'elle est envisagée par l'initiative, ne saurait atteindre les résultats escomptés au point de vue économique et fiscal; de plus, elle ne tient pas suffisamment compte de l'intérêt général du pays.

En revanche, nous sommes prêts à vouer comme par le passé toute notre attention à la question d'un plus large emploi de la production indigène pour les approvisionnements en trois-six ; la régie continuera en outre à

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employer autant que possible à la fabrication de trois-six les excédents d'eau-de-vie de fruits à pépins qui pourront se produire dans les années de forte récolte de poires malgré toutes les mesures en faveur de l'utilisation des fruits sans distillation. Elle confiera en premier lieu cette fabrication à des entreprises qui possèdent les aptitudes requises et peuvent travailler rationnellement.

La limitation des importations de fruits et le trafic de compensation d'eaux-de-vie suisses avec des spiritueux étrangers se heurtent à de grandes difficultés; on ne peut résoudre ces questions sans en référer à l'étranger.

Dans la mesure où le régime des échanges commerciaux le permettra, nous nous efforcerons de tenir compte de la production indigène de fruits; nous ne devrons cependant jamais perdre de vue l'ensemble de la situation.

Il nous paraît, en revanche, impossible d'introduire un trafic de compensation pour les spiritueux, la contre-partie n'existant pas.

3° L'initiative se contredit quand elle demande, d'une part, qu'on enlève à la Confédération le droit de régler la distillation des fruits en revenant au régime d'avant le 6 avril 1930 et exige, d'autre part, que la Confédération encourage l'utilisation des fruits, limite leur importation et oblige la régie à couvrir tous ses besoins de trois-six en employant les fruits indigènes et leurs déchets. Ou bien la Confédération doit encourager l'utilisation des fruits, comme elle le fait actuellement, et alors elle doit avoir le droit de réglementer la distillation et de la limiter conformément aux besoins du pays, ou bien l'on abandonne à l'initiative privée le domaine de la distillation et, avec lui, celui de toute l'utilisation des fruits, et c'est le retour au régime d'avant le 6 avril 1930.

S'il s'agit de choisir entre l'ancienne ou la nouvelle législation, toute personne qui voit clair doit se dire que l'on ne peut laisser à elles-mêmes la distillation et l'utilisation des fruits, mais qu'il faut les réglementer en vue de la santé et des intérêts économiques du peuple pris dans son ensemble.

4° L'initiative tient compte des intérêts d'une partie seulement de la population et néglige visiblement ceux des autres parties. C'est pourquoi d'importantes associations économiques ont refusé de la soutenir et ont déclaré être opposées à l'abolition
du régime actuel. De plus, ceux qui considèrent que toute facilité accordée à la production ou à la consommation d'eau-de-vie est un danger pour la santé publique s'opposeront à l'initiative.

5° Nous reconnaissons que quelques-unes des demandes contenues dans l'initiative sont justifiées et que d'autres méritent un examen plus approfondi. Mais une revision constitutionnelle n'est pas nécessaire pour cela.

Là où ces desiderata ne sont pas déjà réalisés ou en voie de l'être, on peut leur donner suite sur la base de la législation actuelle. C'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrions de présenter un contre-projet si nous n'étions pas déjà privés de cette faculté par l'article. 121 de la constitution,

669 qui prévoit uniquement une telle possibilité lorsque l'initiative est présentée sous la forme d'un projet de toutes pièces. Or ce n'est pas le cas ici, puisque l'initiative est conçue en termes généraux.

Nous estimons que l'on ne doit pas abolir un régime péniblement établi, qui présente de gros avantages pour la santé et l'économie publiques, au profit d'une situation que le peuple suisse dans sagrando majorité a entendu condamner, il y a quelque dix ans. Par une application souple de la loi et par les améliorations qu'il faudra lui apporter, nous continuerons, au contraire, à adapter le régime aux besoins de la communauté afin d'assurer, pour le bien du pays, les progrès déjà accomplis.

Notre conclusion est que nous ne pouvons recommander l'acceptation de la demande d'initiative tendant à la revision des articles 31, 326*5 et 32grwa£er de la constitution, dans le sens du rétablissement de la situation telle qu'elle était avant le 6 avril 1930, et que nous y voyons, au contraire, une proposition dangereuse.

Nous vous proposons donc d'approuver le projet d'arrêté soumettant la demande d'initiative à la votation du peuple et lui recommandant de la rejeter.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 14 avril 1939.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, ETTEK.

Le chancelier de la Confédération, G. BOVET.

670 .(Projet.)

Arrêté fédéral sur

la demande d'initiative pour la revision des articles 31, 32bis et 32quater de la constitution fédérale.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu la demande d'initiative pour la revision des articles 31, 326*5 et 32quater de la constitution fédérale, dans le sens d'un retour à la situation d'avant le 6 avril 1930, et le rapport du Conseil fédéral du 14 avril 1939 ; vu les articles 121 et suivants de la constitution et l'article 8 de la loi fédérale du 27 janvier 1892 concernant le mode de procéder pour les demandes d'initiative populaire et les votations relatives à la revision de la constitution, arrête :

Article premier.

Sera soumise à la votation du peuple la demande d'initiative pour la revision de la législation sur l'alcool, conçue en termes généraux conformément à l'article 7 de la loi concernant le mode de procéder pour les demandes d'initiative populaire et les votations relatives à la revision de la constitution. Cette demande a le teneur suivante: Les soussignés demandent la revision des articles 31, 32bis et 32quater de la constitution fédérale, au sens du rétablissement de la situation telle qu'elle existait avant le 6 avril 1930.

Le Conseil fédéral est invité à présenter, après consultation de tous les milieux de la population, des projets d'amélioration d'ordre fiscal et hygiénique. Il s'inspirera à cet effet des considérations suivantes: 1. Assurer aux agriculteurs et producteurs un écoulement équitable des fruits, en prescrivant que le kirsch et l'eau-de-vie de fruits ne soient admis à la vente qu'à l'état naturel pur (interdiction du coupage).

671 2. Encourager la production des fruits de table et restreindre dans la mesure du possible l'importation de fruits étrangers. Développer la consommation de fruits sèches (réserves de guerre, ravitaillement des troupes).

Cette solution n'empêcherait pas de poursuivre l'étude de la transformation en fourrage des marcs de fruits et de trouver une solution heureuse.

3. Le trois-six (exception faite pour l'alcool à brûler) ne doit être distillé qu'à l'aide de fruits du pays et de leurs déchets, grâce à quoi les achats d'alcool à l'étranger diminueront automatiquement.

La fabrication doit en être confiée aux distilleries existantes, ce qui permettrait de ramener le personnel de la régie à un effectif raisonnable.

4. Envisager que l'importation de spiritueux étrangers tels que le cognac et le rhum.se fasse essentiellement en compensation de kirsch et d'eau-de-vie de fruits de fabrication suisse.

Art. 2.

L'Assemblée fédérale recommande au peuple le rejet de la demande d'initiative.

Art. 3.

Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution du présent arrêté.

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RAPPORT du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur la demande d'initiative pour la revision du régime de l'alcool. (Du 14 avril 1939.)

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