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FEUILLE FÉDÉRALE 91e année

Berne, le 21 juin 1939

Volume II

Paraît une fois par semaine. Prix: 20 francs par an; 10 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement.

Avis: 50 Centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des hoirs K.-J. Wyss, société anonyme, à Berne.

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Message du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet de loi réglant l'exécution forcée et la communauté des créanciers en matière de dettes de communes et d'autres sujets de droit public cantonal.

(Du 12 juin 1939.)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous fondant sur l'article 64 de la constitution, nous avons l'honneur de vous soumettre un projet de loi réglant l'exécution forcée et la communauté des créanciers en matière ce dettes de communes et d'autres sujets de droit public cantonal.

I. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES Ce projet poursuit un double but. Premièrement, il tend à remplacer par une loi l'article 30 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite; cet article, qui règle l'exécution forcée de corporations de droit public cantonal, s'étant révélé insuffisant, a dû être complété par une disposition de la législation extraordinaire sous la forme d'un article 11 de l'arrêté du Conseil fédéral du 24 novembre 1936 tendant à protéger les droits des créanciers d'emprunts émis par des corporations de droit public.

Le projet vise en second lieu à intégrer à la législation ordinaire les dispositions dudit arrêté sur la communauté des créanciers dans les emprunts émis par des corporations de droit public, dispositions qui se sont révélées efficaces. L'adoption de notre projet permettrait ainsi de faire désormais abstraction, quant à ces emprunts, desarticle 1181 du code des obligations, qui prévoit l'application des dispositions générales sur la communauté des créanciers, ainsi que de la résorve concernant le droit public cantonal.

Feuille fédérale. 91e année. Vol. II.

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1. L'idée d'élaborer une loi spéciale est due au fait que quelques communes, endettées par suite de la crise, n'étaient plus en mesure d'acquitter les intérêts et d'opérer l'amortissement de leurs emprunts par obligations et tentaient de répudier une grande partie de leurs engagements, ce que la législation fédérale, telle qu'elle était alors, n'aurait pas pu empêcher.

D'après l'article 31 de l'ordonnance du 20 février 1918, les règles de droit fédéral qui, actuellement encore, régissent la communauté des créanciers n'étaient, en effet, applicables aux emprunts des cantons, des corporations et institutions de droit public cantonal que dans la mesure où ce droit le prescrivait. Autrement dit, les cantons pouvaient, sans égard au droit fédéral et au droit d'autres cantons, légiférer eux-mêmes en matière de communauté des créanciers dans les emprunts émis par des corporations de droit public cantonal. Lorsque des cantons commencèrent à user de cette compétence en édictant des dispositions qui permettaient de porter des atteintes beaucoup plus graves aux droits des créanciers (1), nous nous vîmes obligés, dans l'intérêt du crédit national et de l'uniformité du droit, d'introduire, par un arrêté du 24 novembre 1936, une réglementation excluant toute prescription contraire du droit cantonal.

Or cette réglementation, fondée sur un simple arrêté du Conseil fédéral, lui-même édicté en vertu de l'article 53 de l'arrêté fédéral du 31 janvier 1936 concernant de nouvelles mesures extraordinaires destinées à rétablir l'équilibre des finances fédérales en 1936 et 1937, cessera de produire effet à fin 1941 ( 2 ). La communauté des créanciers dans les emprunts émis par des corporations de droit public serait donc régie à nouveau par l'article 31 de l'ordonnance de 1918, d'après lequel les cantons peuvent déclarer les règles ordinaires sur la communauté des créanciers applicables aussi à ces emprunts. Au lieu de cela, le Conseil fédéral pourrait aussi, il est vrai, mettre en vigueur l'article 1181 du code des obligations. Mais la situation n'en demeurerait pas moins inchangée, les cantons ayant également le droit, suivant cette disposition, de régler comme bon leur semble la communauté des créanciers de tels emprunts. On se trouverait donc, au seuil de l'année 1942, dans les mêmes conditions que celles qui nous
ont engagés à intervenir par notre arrêté du 24 novembre 1936 pour empêcher que le crédit national ne soit ébranlé. Une telle situation présenterait cependant de très sérieux inconvénients à une époque économiquement aussi peu sûre que la nôtre. De l'avis de milieux compétents, elle serait même dangereuse. Nous pourrions, il est vrai, maintenir le régime actuel en pro(*) L'article 5 de la loi neuchâteloise du 31 mars 1936, par exemple, autorisait le tribunal à prendre de son chef, c'est-à-dire sans qu'aucune décision des créanciers fût nécessaire, les mesures suivantes: modification du plan d'amortissement, suspension des amortissements pendant 10 ans au plus, prorogation de l'échéance d'un emprunt, réduction de l'intérêt pendant 10 ans au plus. Le cas échéant, ces mesures pouvaient être combinées.

(») RO 55, 175.

rogeant à nouveau les mesures extraordinaires. Mais c'est une solution que, pour les motifs suivants, nous ne pouvons pas recommander. Il importe avant tout de remplacer la législation extraordinaire par la législation ordinaire; ce remplacement s'iripose non seulement parce qu'il est peu satisfaisant, du point de vue du législateur, qu'un droit d'exception soit maintenu indéfiniment dans un domaine qui pourrait très bien être réglé par la législation ordinaire, maisi encore et surtout parce qu'on peut ainsi s'armer en vue de crises futures. De plus, une réglementation contenue dans la législation ordinaire rendrait de bons services même en temps normal, bien qu'elle ne réponde pas alors à un besoin aussi impérieux.

La compétence de la Confédération pour légiférer en matière de communauté des créanciers dans les emprunts émis par des corporations de droit public n'est pas douteuse, soit que l'on considère cette matière comme relevant du droit privé, soit qu'on la fasse rentrer dans le droit de poursuite et de faillite; en effet, l'article 64 de la constitution permet à la Confédération de légiférer dans ces deux domaines. Et personne ne voudra soutenir que cette matière ne fait partie ni de l'un ni de l'autre.

2. L'exécution forcée contre des 'communes et autres corporations de droit public cantonal demande aussi à être réglée par une loi fédérale.

Tel était déjà l'avis du législateur fédéral lorsqu'il établit la loisur la poursuite pour dettes et la faillite, et le fait que ladite loi ne traite pas de cette matière ne signifie nullement qu'on ait voulu l'abandonner définitivement à la législation cantonale. Au contraire, on songeait déjà à une loi fédérale spéciale, estimant, avec raison, qu'une loi générale n'est pas l'endroit où cette matière doit être réglée. On se borna donc à régler ces questions provisoirement dans la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, pensant qu'on pourrait les régler bientôt définitivement par une loi spéciale.

De fait, les premiers travaux préparatoires d'une loi spéciale ont été entrepris en même temps que l'élaboration de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite et remontent donc à plus de cinquante ans. L'impulsion initiale leur fut donnée vers 188(1 par la faillite du chemin de fer National, à la suite de laquelle les communes de Baden,
Lenzbourg, Zofingue et Winterthour, qui s'étaient constituées garantes solidaires d'un emprunt émis par ledit chemin de fer, tombèrent dans une situation critique telle qu'elles se trouvèrent elles-mêmes a la veille de la faillite. La législation cantonale sur l'exécution forcée s'étant alors révélée tout à fait insuffisante, on avait demandé une réglementation fédérale. Le département fédéral de justice et police avait ensuite chargé le professeur Meili d'élaborer un projet de loi fédérale sur l'exécution forcée et la faillite de communes.

Ce projet, qui servit de base au projet ci-après dans la mesure où les circonstances actuelles le permirent, fut soumis au département en 1885 avec un exposé des motifs très détaillé. Il resta cependant à l'état de projet car dès que la Confédération eut sauvé la situation en accordant un prêt

assez élevé, l'intérêt qu'on avait pris à cette affaire se porta sur d'autres tâches plus urgentes (1), Ce n'est que ces dernières années, lorsqu'une série de communes furent de nouveau dans une situation critique et que le mal menaça de s'étendre, qu'on s'intéressa derechef à une réglementation fédérale. Mais cette fois-ci la situation était tout autre, car l'insolvabilité de plusieurs communes risquait d'avoir des répercussions dangereuses sur la stabilité de notre monnaie et, partant, sur notre économie nationale. Aussi la Confédération se vit-elle obligée d'intervenir par des ressources importantes et d'édictcr (art. 11 de l'arrêté du Conseil fédéral du 24 novembre 1936) de nouvelles dispositions sur l'exécution forcée. Comme il ne s'agissait cependant que d'une réglementation provisoire, on s'en tint au strict nécessaire : exclusion de la faillite, compétence de l'autorité cantonale de surveillance pour exécuter les poursuites, recours au Tribunal fédéral contre les décisions de cette autorité et compétence du Tribunal fédéral pour déterminer les objets et les créances insaisissables.

L'expiration de l'arrêté du Conseil fédéral du 24 novembre 1936 signifierait donc le retour à l'ancien régime juridique. Or un tel régime ne laisserait pas d'être inquiétant au cas où les conditions économiques ne seraient pas meilleures qu'aujourd'hui. Il serait inquiétant non seulement parce que les cantons pourraient rendre trop difficiles les poursuites contre leurs communes ou même les empêcher tout à fait, mais aussi et surtout parce que les prescriptions existantes ne suffisent pas pour permettre de prendre des mesures propres à assainir une commune endettée. Notons que huit cantons et un demi-canton ne possèdent même pas de prescriptions sur cette matière et que les prescriptions des autres cantons sont, à quelques exceptions près, très défectueuses. Il est vrai que cet état de choses n'a guère suscité de difficultés en temps normal. La raison en est probablement que la question de l'exécution forcée de telles corporations se pose alors rarement et qu'au surplus les circonstances permettent toujours de la résoudre par d'autres moyens (mesures administratives d'un canton, prêts, etc.). Mais il en va tout autrement dans une période de crise comme celle que nous vivons encore aujourd'hui. Les cas d'insolvabilité
sont ici beaucoup plus fréquents et les sommes manquantes généralement considérables (que l'on songe par exemple aux dépenses faites ces dernières années pour combattre le chômage); en outre, les moyens dont les cantons disposent pour secouru- leurs communes sont le plus souvent très restreints.

Il faut considérer aussi qu'en période de crise, le risque d'ébranler le crédit du pays tout entier est considérablement plus grand. Plutôt que de se (') cf. Meili, Recktsgutactiten und Gesetzesvorschlag betreffend die Schuldexckution und den Konkurs gegen Gemeinden, Berne 1885, ainsi que son étude dans Zeitschrift für schweizerische Gesetzgebung und Rechtspflege, vol. IV, p. 115s., et Blumenstein, dans Festgabe für Lotmar, 1920, p. 108 s.

contenter de proroger la législation extraordinaire, il faudrait donc chercher une solution durable qui, tout en étant utile, sinon absolument nécessaire, en temps normal, serait indispensable en périodes de crise économique.

Les mesures extraordinaires actuellement en vigueur ne manqueront d'ailleurs pas de se révéler insuffisantes dans un avenir rapproché, car elles sont trop peu développées et ne permettent guère d'amener une commune endettée à assainir sa situation.

Dans les législations étrangères, l'exécution forcée de communes et d'autres corporations de droit public est réglée le plus souvent de manière très imparfaite ou ne l'est pas du tout. En France, en Italie et en Angleterre, par exemple, cette matière est abandonnée presque entièrement à la jurisprudence. En Allemagne, exception faite de la poursuite en réalisation de gage, elle relevait jusqu'en 1935 de la législation des Etats particuliers (§ 15, ch. 3, du code de procédure civile; cf. le tableau de cette législation dans Forsthoff et Simons, Die Zwangsvollstreckung gegen Subjekte des öffentlichen Rechts, Berlin 1931, p. 45 s.). Elle est maintenant réglée uniformément par l'article 116 de la loi du 30 janvier 1935 sur les communes, d'après lequel l'exécution forcée, en tant qu'il ne s'agit pas de la poursuite en réalisation de gage, ne peut être requise contre des communes qu'avec l'assentiment de l'autorité de surveillance. La poursuite par voie de faillite n'est pas admise. En Autriche, l'article 15 de la loi du 27 mai 1896 sur la poursuite (loi complétée par une ordonnance du 6 mai 1897) disposait que l'exécution forcée, abstraction faite de la réalisation d'un droit de gage conventionnel, ne peut viser que des biens dont l'aliénation ne porte pas atteinte aux intérêts que la commune ou l'institution de de droit public est tenue de sauvegarder. Toute décision à ce sujet devait être prise par les organes de l'Etat. La Norvège, en revanche, possède une réglementation moderne et très détaillée dans sa loi du 30 juin 1933 concernant les obligations des communes. Cette loi contient des dispositions sur la mise en gage et la saisie de biens appartenant à une commune ; mais ces opérations ne sont admises que dans une mesure très restreinte. La loi vise surtout la gérance et le concordat. Chaque créancier d'une commune peut demander
qu'une gérance soit instituée si sa créance est incontestée ou nettement établie et si elle est échue et n'est pas acquittée dans les six mois qui suivent le commandement de payer. Une commission est alors désignée dans laquelle sont représentés les débiteurs et les créanciers. Elle exerce son influence notamment sur l'établissement du budget et la fixation des impôts. Elle peut aussi exiger la vente des biens qui ne sont pas indispensables. Par décret royal, la commune endettée peut être dispensée de remplir des engagements légaux qui entraînent des dépenses.

La gérance ne peut être révoquée que si le créancier qui l'a demandée y consent ou si sa créance est payée ou éteinte d'une autre façon. Le concordat ne s'applique pas aux créances garanties par gage ni à celles qui sont nées subséquemment. Les emprunts étrangers peuvent aussi

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en être exclus. Il est considéré comme accepté lorsque les créanciers qui y adhèrent représentent les trois cinquièmes des sommes dues et lorsque le département compétent l'a homologué. Mais s'il n'est pas homologué, la gérance doit être instituée. Les poursuites contre une commune ne peuvent en tout cas jamais tendre à la faillite.

La compétence de la Confédération pour régler l'exécution forcée également en ce qui concerne des communes et d'autres corporations de droit public cantonal n'est guère douteuse, car l'article 64 de la constitution fédérale, en attribuant à la Confédération le droit de légiférer en matière de poursuite pour dettes et de faillite, ne prévoit ni exception ni réserve pour ce qui est des débiteurs de droit public cantonal. Si la Confédération est donc compétente pour régler l'exécution forcée de toute créance pécuniaire, elle l'est aussi lorsque l'exécution forcée est dirigée contre des communes et d'autres corporations de droit public cantonal. Cela ressort du reste également de l'article 30 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite aux termes duquel cette loi ne s'applique pas à l'exécution forcée contre les cantons, districts et communes, « pour autant qu'il existe sur la matière des lois fédérales ou cantonales ». Cette réserve expresse en faveur des lois fédérales et cantonales peut signifier uniquement que les prescriptions fédérales, dès qu'il en existe, doivent avoir le pas sur les dispositions cantonales. La Confédération a donc délégué aux cantons, jusqu'à ce qu'elle en fasse elle-même usage, sa compétence pour légiférer sur la matière. Mais du moment qu'on envisageait une loi fédérale, on se borna à déclarer les prescriptions du droit commun subsidiairement applicables, sans même édicter les dispositions d'application les plus nécessaires. Comme cette interprétation est également celle qui domine dans la doctrine, il nous paraît superflu d'insister (cf. dans ce sens Meili dans Zeitschrift für schweizerische Gesetzgebung und Rechtspflege, vol. 4, p. 170; Blumenstein, op.cit., p. 108 et 135; Burckhardt, Kommentar, p. 592).

3. Pour les raisons exposées ci-dessus et avec l'assentiment du département des finances et des douanes, de la banque nationale et des représentants de divers groupements bancaires et de sociétés d'assurances, le département de
justice et police a élaboré un projet de loi fédérale qui traite aussi bien de l'exécution forcée contre des communes et autres corporations de droit public cantonal que de la communauté des créanciers dans les emprunts émis par des corporations de droit public cantonal. Ce projet fut d'abord discuté par une petite, puis par une plus grande commission d'experts dans laquelle étaient représentés: le département de justice et police, par MM. H. Kühn, chef de la division de justice, et E. Beck, adjoint de la division de justice; le département des finances et des douanes, par M. E. Kellenberger, suppléant du directeur de l'administration des finances; le Tribunal fédéral, par M. G. Leuch, juge fédéral, à Lausanne;

la banque nationale, par M. M. Schwab, directeur, à Zurich; la conférence des chefs des départements cantonaux des finances, par MM. P. Guggisberg, conseiller d'Etat, à Berne, .et E. Renaud, conseiller d'Etat, à Neuchâtel; l'union des villes suisses, à Zurich, par MM. K. Nägeli, président de la ville de St-Gall, et G. v. Schulthess, secrétaire de l'union, à Zurich; l'association suisse des banquiers, à Baie, par MM. L. Daguet, directeur, à Fribourg, M. Vischer, à Baie, et A. Jann, à Baie ; l'Association de compagnies d'assurances suisses concessionnaires, par son avocat-conseil, M. H. Muller, à Zurich.

Etait en outre membre de la commission M. R. Secretan, professeur, à Lausanne.

C'est des délibérations de cette commission qu'est sorti le projet de loi ci-annexé. Toutes les autorités représentées à la commission recommandent de l'adopter, car elles sont persuadées qu'une réglementation fédérale est inévitable. La première partie du projet traite de l'exécution forcée, la deuxième de la communauté des créanciers.

IL L'EXÉCUTION FORCÉE CONTRE DES CORPORATIONS DE DROIT PUBLIC CANTONAL I. En général.

La délimitation du champ d'application de la nouvelle loi présentait de grandes difficultés. On admettait, il est vrai, que la réglementation spéciale doit porter sur l'exécution forcée contre les communes, qu'il s'agisse de communes politiques ou de communes bourgeoises. Il était également indiqué de l'appliquer aux divisions de communes ou organismes indépendants tels que les communautés scolaires, les paroisses, les bourses des pauvres, les organisations corporatives', ainsi qu'aux corporations, établissements et fondations de droit public subordonnés aux communes, comme le sont les consortages de forêts, de pâturages, d'allmends et d'alpages.

On convenait en outre qu'il y a lieu d'exclure de cette réglementation la Confédération et les corporations, établissements et fondations de droit public fédéral. En ce qui concerne la Confédération, des prescriptions spéciales sur l'exécution forcée n'entrent guère en ligne de compte (v.

Jaeger, note 4 ad art. 30 et note 8 ad art. 65 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite). De même, de nouvelles prescriptions ne sont pas non plus nécessaires pour les établissements publics de la Confédération qui sont autonomes et possèdent la personnalité
juridique, comme la banque nationale, la caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents et la régie des alcools. Pour ce qui est de la banque nationale, l'article 30 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, combiné avec la loi du

8 mars 1881 sur l'émission et le remboursement des billets de banque, donne une solution satisfaisante. Pour les deux autres établissements cités, les prescriptions de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite peuvent être considérées comme suffisantes. Quant aux établissements de la Confédération qui ne sont pas autonomes, tels que les chemins de fer fédéraux et l'administration des postes, une réglementation de l'exécution forcée, en tant qu'elle se révélerait nécessaire, aurait sa place indiquée dans les lois spéciales qui sont applicables à ces établissements. A l'égard des chemins de fer fédéraux, c'est l'article 2 de la loi du 1er février 1923 concernant leur organisation et leur administration qui fait règle actuellement; il prescrit que leur domicile légal est au siège de la direction générale et qu'ils sont en outre tenus d'élire domicile au chef-lieu de chaque canton, où ils peuvent être actionnés par les habitants du canton. Cette prescription, qui a été reprise à l'article 5 du projet de loi sur les chemins de fer fédéraux, pourrait être, le cas échéant, complétée en ce qui concerne l'exécution forcée (v. à ce sujet Burckhardt, Die Sanierung der schweizerischen Bundesbahnen dans la Revue de la société des juristes bernois 1938, p. 111 s.).

On se demandait, en revanche, s'il fallait aussi régler dans la loi spéciale l'exécution forcée contre un canton et des corporations, fondations et établissements de droit public qui lui sont subordonnés, notamment contré des districts et des cercles. On comblerait ainsi une lacune de la législation en vigueur. En effet, abstraction faite de l'article 11 de l'arrêté du Conseil fédéral du 24 novembre 1936, arrêté qui cessera ses effets à fin 1941, l'article 30 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite est seul applicable à ces organismes, en sorte qu'ils sont régis, à défaut de prescriptions fédérales ou cantonales spéciales, par le droit commun de cette loi, qui ne tient cependant pas compte de la situation particulière où se trouvent les cantons (1). Aussi le premier projet avait-il, dans une variante, réglé également ces questions, ce que les milieux de créanciers avaient vivement approuvé. Mais la commission d'experts a estimé qu'une réglementation de l'exécution forcée contre un canton serait politiquement indésirable ;
elle a par conséquent biffé la variante. Nous nous sommes ralliés à cette solution dans l'idée que l'insuffisance de la réglementation actuelle n'apparaîtrait qu'en cas d'insolvabilité d'un canton et que la Confédération serait alors de toute façon obligée d'intervenir par des mesures législatives spéciales. Notre projet exclut en outre de la réglementation spéciale les banques et caisses d'assurances créées en vertu du droit public cantonal et possédant la personnalité juridique (notamment les banques cantonales), en tant qu'elles sont soumises à la loi fédérale sur les banques.

(1) La loi prussienne du 11 décembre 1934 prévoit que l'exécution forcée contre l'Etat prussien sera réglée cas par cas. Les établissements de crédit et d'assurances de droit public sont, en revanche, soumis au droit commun de poursuite.

9 Nous avons, en revanche, maintenu dans notre projet l'exécution forcée dirigée contre les divisions du canton (districts et cercles) et contre les corporations, fondations et établissements de droit public qui lui sont subordonnés. Ne rentrent évidemment pas dans cette dernière catégorie les établissements d'un canton qui ne jouissent pas de la personnalité juridique et qui sont considérés comme faisant partie de la fortune du canton (statio fisci); c'est le cas, par exemple, de certaines banques cantonales et de certaines caisses cantonales d'assurances (cf. ATF 51, I, 220 s.).

Pour écarter toute équivoque, nous avons mentionné ceci expressément dans le projet (art. 1er, 3e al.). Le champ d'application de notre projet est donc plus étendu que celui du projet Meili (art. 62), qui se bornait à régler l'exécution forcée de communes et de leurs divisions (1).

Dans le même ordre d'idées, mentionnons l'exécution forcée contre des Etats étrangers, des communes et d'autres corporations et établissements du droit public étranger. Cette question n'est réglée nulle part. Elle joue un rôle surtout à l'égard des emprunts de villes ou d'Etats étrangers émis en Suisse ou à l'égard d'autres engagements à la suite desquels la question du séquestre se pose si le débiteur1 possède des biens en Suisse. Considérant toutefois que les chambres ont rejeté, parce que manquant de base juridique, le projet de loi concernant le séquestre et les mesures d'exécution forcée sur des biens appartenant à des Etats étrangers, projet que nous leur avions soumis par message du 29 janvier 1923, nous nous sommes abstenus d'introduire dans le présent projet des dispositions réglant cette question (v. Burckhardt, Droit fédéral, n° 1694; Jaeger, 2e supplément, p. 8 et ouvrages qui y sont cités; Forsthoff et Simons, Die Zwangsvollstreckung gegen Rechtssubjekte des öffentlichen Rechts, Berlin 1931, p. 18 s.).

Quant à la nature des créances qui peuvent donner lieu à l'exécution forcée contre une corporation de droit public, notre premier projet ne visait que les créances de droit privé. Or la commission d'experts ayant estimé qu'il fallait aussi régler l'exécution forcée requise en vertu d'autres créances, le présent projet s'applique maintenant à toutes les créances pécuniaires, qu'elles soient de droit privé ou de droit public,
garanties par gage ou non garanties.

Notre projet ne fait que compléter la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite. En effet, comme la plupart des dispositions de cette loi peuvent aussi s'appliquer de plein droit à l'exécution forcée d'une corporation de droit public, il pouvait se borner à renvoyer à ces dispositions (art. 1er, 2e al.) et à prévoir, pour le surplus, les dérogations et adjonctions nécessaires.

(*) L'article 2 de la loi prussienne règle l'exécution forcée de toutes les personnes morales de droit public qui sont soumises à la surveillance de l'Etat prussien ou sont administrées directement par lui, exception faite des établissements de crédit et d'assurances relevant du droit public. L'article 15 de la loi autrichienne parle des communes et de tous les établissements reconnus d'utilité publique.

10 En ce qui concerne les modes de poursuite, seules pouvaient entrer en considération, de l'avis général, la poursuite par voie de saisie et la poursuite en réalisation de gage. La poursuite par voie de faillite, qui ne tient pas compte de la situation particulière des corporations de droit public, n'a donc pas été retenue (art. 2). Une liquidation générale de la fortune des corporations de droit public est d'ailleurs inconcevable non seulement parce que la corporation, de droit public doit pouvoir continuer à exister pour accomplir ses tâches, mais aussi parce que la partie la plus importante de sa fortune, la capacité contributive, ne peut être réalisée par voie de liquidation forcée (Blumenstein, op. cit., p. 123 s.). Aussi est-il généralement admis que la faillite d'une corporation de droit public est déjà exclue par la législation en vigueur (Blumenstein, p. 124; Jaeger, note 4 ad art. 30) (1). -- Au lieu de la faillite, le projet prévoit la gérance (art. 7 s.).

Outre la faillite, ont encore été exclus, pour des motifs analogues, le concordat par abandon d'actif, la poursuite pour effets de change et le séquestre.

Sont de même inapplicables toutes les dispositions qui, par leur nature, ne sauraient régir les corporations dont il s'agit, par exemple les dispositions particulières sur les loyers et fermages, ainsi que les prescriptions concernant les biens insaisissables (art. 2, 2e al.).

Nous avons innové en prévoyant la suspension de la poursuite (art. 4).

Il se peut, en effet, que le gouvernement cantonal, pour parer aux répercussions particulièrement fâcheuses d'une exécution forcée restée infructueuse, se déclare prêt à faire des sacrifices. Le projet permet donc de suspendre la poursuite s'il est pourvu d'une autre manière à ce que cette mesure n'aggrave pas la situation des créanciers. Tel sera le cas lorsque les créanciers sont assurés d'être désintéressés aussi rapidement que si la poursuite suivait son cours, c'est-à-dire lorsque la gérance est instituée ou lorsque le gouvernement cantonal offre une solution équivalente, par exemple en fournissant des sûretés, en versant des acomptes ou en en garantissant le versement. Et ce n'est pas le gouvernement cantonal luimême qui appréciera si ces conditions sont remplies, ce sera l'autorité (*) Ainsi dans les cantons de Zurich (art. 19
de la loi du 27 mai 1913 concernant l'introduction de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite), de Berne (suivant rapport du 6 octobre 1937), de Lucerne (art. 21, 3e al., de la loi du 30 novembre 1915 concernant l'introduction de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite), d'Uri (art. 64 s. du Landbuch, vol. III) et de Vaud (art. 68, 1er al., de la loi du 16 mai 1891 concernant la mise en vigueur de la loi sur la poursuite pour dettes ot la faillite).

Voir dans ce sens Blumenstein, p. 123 s. En revanche, la loi tossinoiso sur l'introduction de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (art. 49), s'inspirant probablement du projet Meili (art. 6), admet la faillite d'une commune. Interdisent en outre la faillite d'une commune: la loi norvégienne (art. 4), la loi prussienne du 11 décembre 1934 (art. 5), la loi allemande du 30 janvier 1935 sur les communes (art. 116) et probablement aussi le droit français (cf. Barthélémy, Traité de droit administratif, 22° éd., p. 630) et la loi autrichienne du 27 mai 1896 sur l'exécution forcée (art. 15). Antérieurement, elle était admise par exemple en Saxe (art. 4 de la loi du 20 juin 1900; cf. Moili, Zeitschrift für schweizerische Rechtspflege, vol. 4, p. 134s.).

11 cantonale de surveillance. En outre, lorsque les mesures prises paraissent insuffisantes, le créancier qui s'estime lésé par la suspension de la poursuite peut demander la continuation de celle-ci en portant plainte au Tribunal fédéral. Entourée de pareilles précautions, destinées à protéger les créanciers contre les abus, la suspension de la poursuite est de nature à rendre de précieux services et à empêcher toute mesure d'exécution forcée inutile (cf. lois d'introduction de la loi sur la poursuite pour dettes .et la faillite dans les cantons de Zurich (art. 24 s.) et Lucerne (art. 21, dernier alinéa).

En matière de poursuites contre une corporation de droit public, l'exercice des fonctions d'office des poursuites ne saurait être confié au préposé ordinairement compétent. Conformément à l'article 10 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, le préposé devrait, en effet, très souvent se récuser pour cause d'incompatibilité de fonctions (par exemple lorsque des poursuites sont exercées contre une commune dont il est le fonctionnaire). En outre, le gouvernement cantonal doit toujours être renseigné sur les poursuites dirigées contre une corporation de droit public qui lui est subordonnée, de manière qu'il puisse prendre à temps les mesures nécessaires. Il paraîtrait donc indiqué de lui confier les fonctions d'office des poursuites. Si le projet (art. 3) les confie au contraire à une autorité à désigner par le gouvernement, c'est que les commandements de payer qui ne donnent lieu à aucune autre mesure sont aussi assez fréquents dans ce domaine et que leur examen augmenterait inutilement les tâches déjà nombreuses du gouvernement. On pourrait, à la rigueur, déclarer le gouvernement compétent pour agir dans les phases ultérieures de la procédure.

Mais la commission d'experts a estimé qu'il valait mieux attribuer cette compétence également à l'autorité désignée par le gouvernement cantonal et prévoir que les mesures de cette autorité peuvent être l'objet d'une plainte au Tribunal fédéral même lorsqu'elles paraissent simplement inappropriées aux circonstances. (Sont actuellement compétents, dans le canton de Lucerne, le préposé à l'office des faillites, dans le canton d'Argovie, la préfecture (Bezirksamt). L'article 2 du projet Meili déclarait compétent le préposé à l'office des poursuites
de l'arrondissement voisin. Cf. Blumenstein, p. 125s.)

Le projet Meili (art. 3) interdisait à une commune, dès qu'une poursuite est exercée contre elle et jusqu'à ce que le créancier soit complètement désintéressé, d'aliéner ses biens ou de les constituer en gage. Estimant que cette prescription va trop loin, nous ne l'avons pas reprise dans notre projet. Une interdiction de ce genre ne doit intervenir que si la gérance est instituée (art. 11, 2e al.).

2. Biens saisissabies et insaisissables (art. 5 et 6).

En matière d'exécution forcée contre une corporation de droit public, les biens insaisissables jouent un rôle beaucoup plus important que dans

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la poursuite dirigée contre un particulier. Aussi est-il nécessaire, bien que cela ne soit point aisé, de les distinguer nettement des biens saisissables.

Ces derniers sont les biens dits patrimoniaux d'une corporation de droit public; les biens insaisissables sont, au contraire, ses biens dits administratifs. Conformément à l'opinion dominante, le projet fait rentrer dans les biens patrimoniaux « les choses et autres biens et valeurs dont la corporation publique n'a pas absolument besoin pour exercer les fonctions qui lui incombent en vertu du droit public et qu'elle doit remplir en qualité d'organe auxiliaire de l'Etat ou d'administration autonome ou encore de division d'une telle administration » (art. 5). Tous les autres biens qui, même avec l'assentiment de la débitrice, ne peuvent pas être saisis ni être l'objet d'une réalisation forcée tant qu'ils restent affectés à une destination publique constituent les biens administratifs (art. 6, 1er al.).

Cela établi, la question de la distinction entre biens saisissables et biens insaisissables est encore loin d'être résolue. La difficulté consiste moins à définir la notion de biens patrimoniaux et administratifs qu'à déterminer les biens qui pratiquement doivent être considérés comme rentrant dans l'une ou l'autre de ces deux catégories. Cette difficulté est due au fait que les corporations dont il s'agit sont organisées très différemment, en sorte qu'une usine à gaz communale, par exemple, suivant le genre de son exploitation, devra être considérée, dans telle commune, comme faisant partie des biens patrimoniaux, dans telle autre, comme faisant partie des biens administratifs.

Une formule toute générale, comme la contient le projet, présente par conséquent l'inconvénient d'être nécessairement abstraite, de ne fournir que peu d'indications précises et de compter surtout sur l'interprétation de la jurisprudence. D'autre part, une énumération des biens rentrant dans chaque catégorie serait forcément incomplète et risquerait d'être trop rigoureuse ou même inexacte dans certains cas. Aussi les premiers projets avaient-ils essayé de combiner ces deux méthodes en établissant une formule toute générale suivie d'une liste de nombreux exemples, dont nous citerons les plus importants pour mieux illustrer la matière.

Parmi les biens administratifs étaient
par exemple comptés (y compris les biens mobiliers affectés à une destination publique) : les écoles et autres établissements d'enseignement, les églises, les cimetières, les asiles d'entretien viager, les hôtels de ville, les palais de justice, les prisons, les établissements pénitentiaires et maisons d'éducation, les asiles des pauvres, les orphelinats, les bibliothèques, les installations d'eau potable, les fontaines, les installations d'irrigation, les hydrantes, pompes à feu et autres engins employés pour combattre les incendies, les dépôts de pompes à feu, les salles de gymnastique, les abattoirs, les canalisations, les installations d'enlèvement des ordures ménagères, les lieux d'aisances, les hôpitaux, les sanatoriums, les asiles d'aliénés, les ambulances et tout ce qui est affecté à l'usage public, comme les routes, les chemins, les places publiques, les escaliers, les ponts, les rivières, les ruisseaux, les canaux, les allmends,

13 les allées et les installations destinées à l'éclairage des rues (cf. projet Meili, art. 4).

Etaient par exemple rangés parmi les biens patrimoniaux: 1° Les immeubles, maisons, places à bâtir, titres et autres biens et valeurs utilisés dans un but économique; 2° Les établissements et services qui, sans être des personnes morales indépendantes, sont exploités par la débitrice de la même manière qu'une entreprise ou industrie privée et dans l'intention de faire un bénéfice, tels que les caisses d'épargne, caisses hypothécaires, banques; 3° L'argent liquide et les créances, en tant qu'il ne s'agit pas de créances fiscales de tout genre qui sont nécessaires pour remplir des tâches publiques ; 4° Les objets de luxe et choses qui ont été détournés de leur destination publique ou qui l'ont perdue pour un motif quelconque (cf. projet Meili, art. 4, 2e al., et Zeitschrift für schweizerische Gesetzgebung und Rechtspflege, vol. IV, p. 119 s. ; nous renvoyons en outre à l'étude détaillée de Blumenstein, p. 10S s.).

La commission d'experts a préféré supprimer cette énumération; elle craignait que les autorités ne s'en tiennent trop strictement aux exemples cités, dans l'idée erronée que les biens mentionnés parmi les biens administratifs doivent en toutes circonstances être comptés au nombre de ceux-ci.

Nous nous sommes donc bornés à donner une définition toute générale des deux catégories de biens (1). Nous n'avons maintenu que la disposition précisant que non seulement les biens administratifs sont insaisissables en raison d'engagements d'une corporation de droit public, mais aussi les biens affectés à un but déterminé en faveur de tiers (art. 6, 2e al.). On entend par là toutes les masses de biens qui, sans avoir été érigées en sujets de droit indépendants, ont été confiées à une corporation de droit public pour être affectées à un but déterminé ; tel est parfois le cas, par exemple, des cautionnements d'officiers publics, des caisses de pensions et de certaines « fondations » (cf. l'art. 64 du Landbuch III du canton d'Uri).

Les premiers projets allaient encore plus loin et réglaient aussi la mise en gage des biens appartenant à une corporation de droit public. En l'absence d'une telle réglementation, il peut, en effet, arriver que des biens valablement constitués en gage se révèlent par la suite
insaisissables et ne ( J ) D'après l'article 116 de la loi allemande sur les communes, l'autorité de surveillance doit déterminer les biens qui, dans la mesure où il ne s'agit pas de réaliser des droits de gage, peuvent être l'objet d'une exécution forcée. La loi autrichienne du 6 mai 1897 contient une disposition semblable (art. 4). En France, toute aliénation de biens mobiliers ou immobiliers appartenant à une commune doit être autorisée par décret du président de la République.

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puissent être réalisés par voie d'exécution forcée. A moins qu'on ne préfère alors recourir à la réalisation forcée de biens administratifs, le créancier se trouve lésé dans ses droits (cf. ATF 52, III, 188 s.). C'est pourquoi les premiers projets prescrivaient que les biens qui ne peuvent pas être saisis ne peuvent pas non plus être valablement constitués en gage tant qu'ils restent affectés à une destination publique. Ils prévoyaient en outre que certains biens, considérés comme cas douteux, ne pouvaient être valablement constitués en gage qu'avec l'assentiment du gouvernement cantonal. Etaient rangés parmi ces biens les établissements et services qui, sans être des personnes morales indépendantes, sont exploités de la même manière qu'une entreprise privée et ont un caractère obligatoire ou possèdent un monopole de droit ou de fait, comme par exemple les caisses d'assurance des bâtiments, les usines à gaz, les usines électriques, les tramways, les omnibus, etc. Mais la commission d'experts a supprimé ces deux prescriptions; elle a estimé que la première empiétait par trop sur le droit cantonal et que la seconde était inutile (1).

3. La gérance (art. 7 à 13).

Tandis que le projet Meili (art. 7 s.) prévoyait l'institution d'une curatelle après la déclaration de faillite, le présent projet entend introduire, comme principale innovation, la gérance en lieu et place de la faillite, qui est considérée comme inconciliable avec la véritable nature des corporations de droit public. Il s'agit en somme de développer et d'appliquer dans toute la Suisse une institution que certains cantons connaissent déjà.

Mais on peut dire que jusqu'ici quatre cantons tout au plus ont édicté des prescriptions plus ou moins conformes aux circonstances actuelles ( a ).

(1) Pour ce qui concerne les biens saisissables et les biens qui peuvent être constitués en gage, v. loi zurichoise d'introduction de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (art. 21), lois lucernoises d'introduction de la loi sur la poursuite pour dettes ot la faillite (art. 21) et du code civil (art. 102), constitution glaronaise (art. 73, 1er al.), loi fribourgeoise sur les communes (art. 72 s.), lois soleuroises sur l'introduction du code civil (art. 288) et sur les communes (art. 95), loi d'introduction du code civil dans le canton de Baie-Ville (art. 190, édition du 11 février 1932), arrêté du 12 novembre 1937 du Conseil d'Etat de Baie-Campagne, dans le Schweizerisches Zentralblatt für Staats- und Gemeindeverwaltung 1938, p. 78 s., loi d'introduction du code civil dans le canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures (art. 164), loi argovienne du 24 novembre 1863 sur les forêts (art. 20), loi tessinoise d'introduction de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (art. 46 s.), loi vaudoise d'introduction de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (art. 68, 2e et 3e al.), décret du 13 mai 1881 du Grand conseil vaudois autorisant la saisie pour dettes des immeubles affectés aux établissements d'enseignement (art. 1er), loi fédérale du 11 octobre 1902 concernant la haute surveillance de la Confédération sur la police des forêts (art. 35). Le droit allemand et l'ancienne législation autrichienne autorisent sans autre la réalisation forcée des droits de gage conventionnels.

( a ) Ce sont les cantons de Vaud (loi du 25 novembre 1936 concernant la mise sous régie et la mise sous contrôle des communes), de Schaffhouse (loi sur les communes

15 Aussi la commission d'experts a-t-elle été unanime à reconnaître la nécessité d'introduire dans le projet des dispositions sur la gérance. Nous n'insisterons donc pas sur ce point. La question de l'organisation de la gérance prêtait davantage à controverse. On peut, en effet, se demander si la gérance doit être considérée plutôt comme une mesure d'exécution individuelle ou plutôt comme une mesure générale d'assainissement.

Dans le premier cas, elle devrait être ordonnée à la requête d'un créancier porteur d'un acte de défaut de biens et maintenue jusqu'à ce que ce créancier soit désintéressé ou consente à sa révocation (cf. art. 17 de la loi norvégienne). Les créanciers qui obtiendraient un acte de défaut de biens pendant sa durée pourraient participer à la procédure. Mais la commission d'experts a estimé, avec raison, que la gérance doit avoir une base plus étendue et se présenter comme une mesure générale d'assainissement (1). Le projet prévoit par conséquent que la gérance doit être instituée lorsqu'une corporation de droit public se déclare insolvable ou s'il est plausible, abstraction faite de toute question de faute de la part de ses autorités, qu'elle ne sera pas en mesure pendant longtemps de remplir ses engagements financiers.

A lui seul, un acte de défaut de biens ne suffirait donc pas pour entraîner l'institution de la gérance (art. 7, 1er al.). Mais lorsque les conditions mentionnées sont remplies, la gérance est obligatoire. Il fallait pourtant prévoir du 9 juillet 1892, art. 196 à 208), de Zurich (loi du 27 mai 1913 concernant l'introduction de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, art. 19 à 26) et de Fribourg (loi du 19 mai 1894 sur les communes et paroisses, art. 226 s.). Dans le canton du Tessin, les articles 45 et suivants de la loi d'introduction de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite ne se rapportent, en revanche, qu'à l'administration de la faillite. La gérance est aussi réglée, par exemple, dans les cantons de St-Gall (loi du 9 mai 1867 concernant l'organisation des autorités administratives et des districts, art. 127 et 150), de Genève (loi du 28 mars 1931 sur l'administration des communes),, des Grisons (art. 35 de la constitution), et de Neuchâtel (art. 53 de la constitution).

Dans le canton d'Uri, le Conseil d'Etat doit, en cas de poursuites
contre une commune, proposer au Grand conseil les mesures à prendre. Dans d'autres cantons, la faculté de recouru- à la gérance résulte du droit de l'Etat d'exercer la haute surveillance sur les communes. Cf. par exemple.les constitutions des cantons de Berne (art. 68, 3e al.), d'Argovie (art. 39, lettre /), d'Unterwald-le-Haut (art. 34, lettre g), de Glaris (art. 52, ch. 9), d'Appenzell Rh.-Ext. (art. 52, oh. 6), d'Appenzell Rh.-Int. (art. 10), de Thurgovie (art. 47) et du Valais (art. 82).

(*) L'article 15 de la loi vaudoise prévoit la « mise sous contrôle » d'une commune « qui se trouve ou, de façon certaine, se trouvera dans l'impossibilité durable de faire face, à l'échéance, à ses obligations pécuniaires ». La loi fribourgeoise statue l'administration extraordinaire d'une commune lorsque celle-ci « est en butte à des saisies mobilières ou immobilières, ou que sa situation financière est obérée ». D'après la loi zurichoise (art. 25), le gouvernement peut, lorsqu'il suspend la poursuite contre une commune, charger un tiers d'administrer cette dernière. La loi schaffhousoise (art. 197) permet de placer sous curatelle la commune qui se révèle incapable de gérer ses affaires, elle-même. Dans le canton des Grisons (art. 35 de la constitution), une curatelle pourra être instituée si une commune n'est pas administrée convenablement. D'après l'article 17 de la loi norvégienne, la gérance peut être instituée déjà lorsqu'une commune nepaie pas une dette dans les six mois qui suivent le commandement de payer.

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qu'elle peut être évitée lorsqu'il est pourvu autrement à ce que les créanciers soient désintéressés en temps opportun. Nous songeons notamment à une intervention du gouvernement cantonal, intervention analogue à celle qui peut provoquer la suspension de la poursuite. En outre, la gérance peut être instituée si la saisie est insuffisante ou si la réalisation de gage ne paraît pas indiquée et si la gérance répond également à l'intérêt du créancier (art. 7, 2e al.) ou si l'on peut s'attendre que les créanciers d'emprunts par obligations consentiront à une diminution de leurs droits. D'autre part, la gérance doit subsister « jusqu'à ce que le rétablissement de l'équilibre financier soit assuré »; c'est là l'effet principal de son caractère général (art. 13). Il ne suffit donc pas, pour qu'elle soit révoquée, que les créanciers poursuivants soient désintéressés. Mais il n'est pas nécessaire non plu« que les dettes soient toutes payées ou garanties. Il suffit que toutes les dettes échues ou à échoir dans un avenir rapproché soient payées ou garanties ou que leur paiement soit au moins réglé de telle sorte que le créancier puisse se déclarer satisfait (cf. art. 9, 1er'al.; art. 9, 14, 21 et 27 de la loi vaudoise; art. 11 du projet Meili).

La gérance peut aussi être limitée à une partie des fonctions de la débitrice (art. 7, 3e al.); elle peut être instituée, par exemple, en vue d'augmenter ou de faire rentrer des impôts. Elle est instituée par le gouvernement cantonal, qui nomme un ou plusieurs commissaires, fait une publication et prend les décisions et mesures nécessaires (art. 8). En ce qui concerne la responsabilité des commissaires, les articles 5 et suivants de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite sont applicables. Le projet prévoit (art. 24, 2e al.) qu'une ordonnance du Tribunal fédéral édictera les dispositions de détail. Ces dispositions concerneront, par exemple, l'éligibilité des commissaires, leur entrée en fonctions, notamment leur devoir de dresser un bilan (en procédant au besoin à une sommation publique) et un plan de rétablissement de l'équilibre financier, leurs rapports avec les organes de l'administration régulière et la reddition finale des comptes.

Cette gérance en matière de poursuite, qui est instituée par l'autorité cantonale de surveillance en vertu du droit
fédéral, doit être distinguée nettement de celle qui est fondée sur le droit administratif cantonal. Le projet n'entend nullement empêcher qu'un canton, se fondant sur son propre droit, ne soumette à une gérance ou ne place sous curatelle ou tutelle une corporation de droit public qui serait mal administrée, aurait diminué sa fortune ou refusé à plusieurs reprises d'observer les lois ; de telles mesures pourraient être prises même s'il n'était pas encore question d'insolvabilité (la loi vaudoise prévoit la mise sous régie des communes dont les autorités se sont écartées de leur devoir et la mise sous contrôle des communes qui, par suite de la faute de leurs autorités ou sans la faute de celles-ci, se trouvent aux prises avec des difficultes financières). Un canton ne saurait en revanche aggraver les conditions à l'existence desquelles la gérance

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de droit fédéral est subordonnée. Il se peut aussi qu'une telle gérance soit superflue si le canton a déjà institué une curatelle.

Le but de la gérance est de désintéresser le plus tôt possible les titulaires de créances échues. Il faut ranger parmi ces créances non seulement celles qui ont fait l'objet d'une poursuite, mais aussi toutes celles qui sont échues au moment où la gérance est instituée ou qui viennent à échéance pendant sa durée. Toutes ces créances doivent être payées aussi rapidement que possible et traitées de la même manière (art. 9, 1er al.), c'est-à-dire qu'il faut veiller à ce que les créanciers qui se sont annoncés en premier lieu ne soient pas favorisés par rapport aux autres. En outre, la gérance doit mettre en ordre les finances; elle doit donc pourvoir non seulement au paiement des créances échues, mais aussi au rétablissement de l'équilibre financier (art. 9, 2e al.).

La gérance ne peut atteindre son but qu'en diminuant les dépenses, dans la mesure où cela est possible sans préjudice des attributions publiques de la débitrice, et en augmentant autant que possible les recettes (cf. art. 9 et 21 de la loi vaudoise). Si l'équilibre financier ne peut être rétabli de cette manière, les seules mesures qui entrent en considération sont le concordat (art. 14 s.) ou une décision de la communauté des créanciers (art. 16 s.).

Pour mettre en ordre les finances, la gérance exerce toutes les attributions financières des organes ordinaires (cf. art. 5 et 20 de la loi vaudoise). S'il s'agit donc, par exemple, d'une commune, toutes les attributions financières conférées aux municipaux pris séparément, au syndic, à la municipalité comme telle et au conseil communal passent aux commissaires (cf. art. 7 du projet Meili), à moins que l'autorité cantonale de surveillance n'en décide autrement. Même un referendum communal ne saurait restreindre les attributions des commissaires (art. 11, 1er al.). Sans l'assentiment de la gérance, les organes ordinaires ne peuvent en aucun cas prendre des décisions et mesures se rapportant aux dépenses et aux recettes ou tendant à aliéner des biens ou à les grever de gages ou encore à souscrire de nouveaux engagements (art. 11, 2e al.)..Une exception est prévue cependant pour le cas où il s'agit de couvrir des dépenses courantes au moyen des recettes existantes
(p. ex. prélèvement des traitements des maîtres d'école sur le produit des impôts). L'autorité cantonale de surveillance peut laisser aux organes ordinaires la compétence pour prendre les décisions et mesures nécessaires dans ce dernier cas. Les organes ordinaires ne doivent donc pas nécessairement être suspendus de leurs fonctions (1). En outre, si des biens de la débitrice sont aliénés ou constitués en gage sans l'assentiment de la gérance, l'acquéreur ou le créancier gagiste, à condition qu'il soit de bonne foi, doit être protégé dans ses droits. Pour ( a ) Solution analogue: Zurich (art. 25, 2e al.), Vaud (art. 3 et 21). La loi schaffhousoise prévoit en revanche dans tous les cas la suspension de la municipalité. Voir aussi lois genevoise (art. 11 et 51) et saint-galloise (art. 127).

Feuille fédérale. 91e année. Vol. II.

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rendre ces prescriptions plus efficaces, le projet prévoit que ceux qui les enfreignent sont personnellement responsables (art. 11, 3e al.). Nous avons, en revanche, renoncé à dresser une liste de créances privilégiées (p. ex. : salaires, pensions, recettes fiscales revenant à l'Etat, etc. ; cf. art. 30 de la loi norvégienne).

Le pouvoir le plus important qui soit conféré à la gérance, sans lequel celle-ci ne pourrait souvent pas atteindre son but, est celui qui lui permet de lever des impôts (art. 10) sans qu'une décision des autorités ordinairement compétentes soit nécessaire à cet effet (cf. art. 25, 4e al., de la loi zurichoise). L'expérience enseigne que souvent les difficultés financières d'une commune sont dues uniquement au fait que les autorités communales, pour une raison quelconque, refusent d'augmenter les impôts et autres contributions ou d'en introduire de nouveaux, et cela alors même que les charges fiscales seraient encore loin d'être aussi lourdes que dans d'autres communes (cf. ATF 42,1, 193 s. au sujet de Schaffhouse). Le redressement financier pourrait aussi fréquemment s'effectuer sans autre si l'on exigeait une indemnité équitable pour les prestations que des services publics ou la commune fournissaient jusqu'ici gratuitement (p. ex. répartition entre les bourgeois ou les habitants d'une commune de bois provenant des forêts communales) ou si l'on augmentait dans une mesure équitable les indemnités perçues (p. ex. pour le gaz, l'électricité, les transports par tramways, etc.). Il fallait donc autoriser la gérance à agir également dans ce sens (cf. art. 10 du projet Meili) et à ne pas tenir compte des règlements ou ordonnances de la débitrice qui prévoient la gratuité ou fixent la rétribution desdites prestations (*). Nous nous sommes aussi demandé s'il fallait permettre à la gérance de déroger, au besoin, au droit cantonal.

La commission d'experts hésitait à répondre affirmativement à cette question. Considérant toutefois qu'une prescription de droit cantonal, dont la modification exigerait beaucoup de temps, pourrait rendre tout assainissement impossible, nous avons prévu dans le projet que la gérance peut, avec l'assentiment du gouvernement cantonal, déroger au droit cantonal.

Ainsi restreint, ce pouvoir de la gérance paraît admissible.

Le projet subordonne d'ailleurs
toute augmentation d'impôts et d'autres contributions à certaines conditions. C'est ainsi qu'une telle mesure ne doit être prise que si elle est nécessaire et si les circonstances s'y prêtent (art. 10). Il faut donc' chercher à améliorer la situation d'abord par d'autres moyens (p. ex. en faisant des économies). Mais si cela se révèle également impossible, les impôts ne peuvent pas non plus être augmentés s'il est, par exemple, à prévoir qu'ils ne rapporteraient quand même pas davantage (') Concernant la légalité d'un tel pouvoir, cf. Blumenstein, op. cit., p. 122 s.

et 133 s. En France, le conseil de préfecture peut, au besoin, obliger la commune à percevoir des « centimes extraordinaires ». En Norvège, l'impôt sur le revenu peut atteindre 18 pour cent la première année, 17, 16 et 15 pour cent les années suivantes (art. 27).

19 ou si une augmentation paraît intolérable. De plus, la gérance doit préalablement prendre contact avec le gouvernement cantonal afin qu'il puisse défendre les intérêts de la débitrice (la loi vaudoise exige une enquête administrative préalable). Enfin, ceux qui s'estiment lésés par les mesures prises peuvent porter plainte au gouvernement cantonal et'déférer son prononcé au Tribunal fédéral (art. 10, 3e al.). Ajoutons que la voie de la plainte doit aussi être ouverte contre le refus injustifié d'augmenter les recettes.

Pour assurer toute son efficacité à la gérance, il faut attribuer à ce régime un effet dilatoire en prescrivant que pendant sa durée aucune poursuite ne peut être exercée et que les délais de prescription ou de péremption, qui peuvent être interrompus par un acte de poursuite, sont suspendus (art. 12). Il ne serait, en revanche, guère indiqué que l'institution de la gérance, comme la faillite, rende toutes les créances exigibles.

4. Le concordat (art. 14 s.).

Abstraction faite des décisions de la communauté des créanciers dans les emprunts par obligations, dont nous parlerons plus loin, le concordat est le seul moyen qui, d'après le projet (art. 14), permette de porter atteinte aux droits des créanciers, et encore faut-il qu'il ne s'agisse pas d'un concordat par abandon d'actif (art. 2, 2e al.). Ce dernier a été exclu parce qu'il impliquerait une liquidation générale semblable à la faillite (la jurisprudence bernoise, par exemple, s'est prononcée dans ce sens; v. Blumenstein, p. 124 s.

et 129s.).

Tandis que la loi zurichoise (art. 36) interdit expressément le concordat ordinaire, les autres lois cantonales n'en font même pas mention, en sorte qu'il doit être considéré comme admissible d'après l'article 30 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite. On ne saurait d'ailleurs repousser cette institution en déclarant qu'une corporation de droit public devrait dans tous les cas faire honneur à ses engagements. En effet, les circonstances sont parfois plus fortes que la bonne volonté. Il se peut que dans certaines circonstances le recours au concordat paraisse un moindre mal même du point de vue des créanciers et du crédit en général. Il serait aussi inéquitable d'exiger que seuls les créanciers d'emprunts par obligations soient appelés à consentir certains sacrifices. Souvent la majorité requise pour une décision de la communauté des créanciers ne pourra du reste être obtenue qu'à la condition que les autres créanciers fassent des sacrifices correspondants. Or si le concordat était interdit, il suffirait d'un seul créancier récalcitrant pour empêcher tout assainissement. Aussi avonsnous préféré l'admettre, comme le fait le droit en vigueur, tout en l'entourant de garanties destinées à empêcher les abus.

Le projet prévoit qu'un concordat ne peut être conclu que « lorsque la gérance se révèle manifestement impropre à assurer le remboursement

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de toutes les créances dans un avenir rapproché ». Un concordat ne peut; donc être conclu qu'après qu'une gérance a été instituée, et encore faut-il qu'il soit démontré que l'équilibre financier ne pourrait être rétabli avant longtemps même si les dépenses étaient réduites et les recettes (notamment les impôts et autres contributions) augmentées dans une mesure supportable d'après les circonstances. Si l'impossibilité de rétablir l'équilibre financier ressort déjà du bilan que la gérance dresse à son entrée en fonctions, les démarches nécessaires en vue de conclure un concordat doivent être entreprises immédiatement, avant que des paiements ne soient effectués aux créanciers.

Vu la matière spéciale qu'il est appelé à régler, le projet déroge sui: plusieurs points aux règles en matière de concordat prévues par la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite. La dérogation la plus importante concerne la majorité nécessaire pour l'acceptation. L'article 305 de la loi précitée, d'après lequel le concordat est réputé accepté lorsque ceux qui y ont adhéré forment les deux tiers des créanciers et représentent les deux tiers du montant total des créances, serait, en effet, difficilement applicable. Il serait même pratiquement impossible, dans certains cas (p. ex.

lorsqu'il s'agit de grandes villes), d'organiser une assemblée des créanciers.

A vrai dire, on pourrait y remédier en organisant une votation par correspondance, votation qui pourrait être prévue pour tous les cas ou seulement pour certains cas spéciaux. Au lieu de cela, on pourrait aussi se borner à conférer aux créanciers un simple droit d'opposition, en sorte qu'un concordat serait considéré comme rejeté si ceux qui y ont fait opposition en temps utile formaient, par exemple, le tiers au moins des créanciers et réunissaient au moins le tiers du montant total des créances. Mais le projet fait un pas de plus, conformément à une suggestion émanant de milieux bancaires, et renonce même (comme le fait la loi sur les banques, art. 36 s.) à donner aux créanciers le droit de se prononcer sur le concordat.

Nous avons, en effet, estimé que, dans des circonstances compliquées où des créances de nature et de montant très différents se trouvent en présence, il serait extrêmement difficile de fixer un quorum applicable dans tous les cas. En outre,
nous avons voulu éviter qu'une minorité de créanciers ne puisse empêcher un assainissement qui non seulement serait dans l'intérêt bien compris des créanciers eux-mêmes mais serait aussi nécessaire du point de vue de l'intérêt public de la débitrice.

Cette solution ne doit cependant pas être un moyen d'empiéter sur les droits acquis des créanciers. La loi entend, au contraire, les protéger.

C'est pourquoi le projet (art. 15) prescrit qu'un concordat ne doit être déclaré obligatoire qu'à condition qu'il soit nécessaire et propre au rétablissement de la situation de la débitrice et si les intérêts des créanciers sont suffisamment sauvegardés. Pour empêcher que cette dernière condition ne demeure lettre morte, le projet permet à chaque créancier d'attaquer le concordat devant le Tribunal fédéral. Celui-ci peut alors rejeter

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ou modifier le concordat s'il estime qu'une des conditions ci-dessus n'est pas remplie. Mais si le concordat a été déclaré obligatoire sans qu'il ait subi de changement depuis sa publication, le droit de l'attaquer n'est reconnu qu'aux créanciers qui ont fait opposition. En outre, le projet de concordat doit être dressé d'entente avec le gouvernement cantonal.

Toutes ces garanties doivent suffire, semble-t-il, pour empêcher la conclusion de concordats qui exigent des créanciers plus de sacrifices qu'on ne saurait raisonnablement leur demander.

La solution adoptée permet aussi de simplifier la procédure. Les commissaires de la gérance élaborent le projet de concordat et le publient d'entente avec le gouvernement cantonal, afin que les créanciers puissent s'y opposer (art. 14). L'autorité supérieure de concordat demande ensuite à la débitrice et au gouvernement cantonal de donner leur avis et décide si le concordat doit être homologué, avec ou sans changement, ou s'il doit être rejeté. La débitrice et les créanciers peuvent déférer cette décision, qui doit être publiée, au Tribunal fédéral, lequel décide définitivement si le concordat doit être rejeté ou s'il doit être accepté avec ou sans changement. S'il est rejeté, il y aura lieu de chercher une autre solution, puisque la faillite n'est pas admise. Il faudra donc soit aggraver les mesures prises par la gérance soit élaborer un nouveau projet de concordat.

III. LA COMMUNAUTÉ DES CRÉANCIERS DANS LES EMPRUNTS PAR OBLIGATIONS Pour les raisons exposées au début du présent message, le projet vise aussi à incorporer à la législation ordinaire les règles sur la communauté des créanciers contenues dans l'arrêté du Conseil fédéral du 24 novembre 1936 tendant à protéger les droits des créanciers d'emprunts émis par des corporations de droit public. Cette réglementation s'est, en effet, révélée aussi efficace que nécessaire. Considérée du point de vue économique, elle prévoit une espèce de concordat spécial s'appliquant uniquement à un emprunt par obligations déterminé que le débiteur n'est pas en mesure de rembourser entièrement (cf. Beck, Die Gläubigergemeinschaft bei Anleihensobligationen, Berne 1918). Etant donné que les emprunts d'une corporation de droit public constituent souvent ses dettes de beaucoup les plus importantes, à côté desquelles les
autres dettes ne jouent parfois qu'un rôle minime, il suffit généralement d'une ou plusieurs décisions de la communauté, des créanciers pour assainir la situation financière et rendre par conséquent toute autre mesure superflue et notamment pour éviter le recours au concordat général. En réglant cette institution sur le plan fédéral, on donne à toutes les corporations de droit public intéressées la possibilité d'en bénéficier dans une mesure égale et l'on empêche, d'autre part, que des cantons ne permettent de porter des atteintes encore beaucoup plus graves aux droits des créanciers et n'ébranlent ainsi tout le crédit national.

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En tant qu'elle reprend, en les modifiant quelque peu, des dispositions du droit en vigueur, la deuxième partie du projet n'appelle pas de longs commentaires.

Il s'agit de savoir en premier lieu à quelles corporations de droit public cette réglementation spéciale doit s'appliquer. Tandis que l'arrêté du Conseil fédéral précité s'applique aux emprunts de « cantons, de communes et d'autres corporations de droit public », l'article 1181 du code des obligations prévoit que les règles générales de la communauté des créanciers sont applicables, en tant que le droit public ne s'y oppose pas, aux « emprunts de la Confédération, des cantons et des communes, ainsi que d'autres corporations de droit public ou d'établissements de droit public ». La différence essentielle réside donc en ce que la réglementation prévue par le code des obligations s'applique aussi aux emprunts de la Confédération. Nous avons préféré adopter la solution de l'arrêté du Conseil fédéral, tout en précisant et complétant quelque peu le texte légal.

La nouvelle réglementation doit donc s'appliquer aux emprunts par obligations de « cantons, districts, cercles, communes et autres corporations, établissements et fondations du droit public cantonal ».

Si le projet ne s'applique pas aux emprunts de la Confédération ni, partant, aux emprunts des établissements de la Confédération qui ne sont pas autonomes (notamment des chemins de fer fédéraux), c'est que la Confédération n'a aucune raison de prévoir, pour ses emprunts et ceux desdits établissements, une réglementation qu'elle pourrait elle-même modifier en tout temps et qu'elle serait sans doute obligée de modifier si elle ne pouvait plus faire face à ses engagements. Aussi proposons-nous d'abroger l'article 1181 du code des obligations afin que les règles ordinaires sur la communauté des créanciers ne soient pas non plus applicables à la Confédération. Si. vous estimiez cependant que les emprunts de la Confédération devraient aussi faire l'objet d'une réglementation, nous préférerions leur appliquer les prescriptions du présent projet, qui protègent mieux les droits des créanciers.

Le projet déroge aux règles ordinaires du code des obligations, par exemple, en réduisant le nombre des atteintes qui peuvent être portées aux droits des créanciers. Il ne prévoit en règle générale (art. 18)
que des prorogations d'échéances, d'ailleurs restreintes de la manière suivante: prorogation de cinq ans au plus du délai prévu pour l'amortissement, sursis de cinq ans au plus au remboursement d'emprunts ou de parts d'emprunts échus ou venant à échéance dans le délai d'une année, enfin, sursis de cinq ans au plus au paiement d'une partie des intérêts échus ou venant à échéance dans les cinq années suivantes. Ce n'est qu'exceptionnellement, lorsque des circonstances spéciales le justifient, qu'on peut porter des atteintes plus graves aux droits des créanciers en différant de cinq ans au plus le paiement non seulement d'une partie mais aussi du montant total des intérêts échus ou venant à échéance dans les cinq années

23 suivantes ou en réduisant, pour une durée de cinq ans au plus, le taux de l'intérêt jusqu'à concurrence de la moitié. Cette dernière mesure est la seule qui implique pour le créancier l'extinction d'une partie de sa créance.

Comme elle n'est prévue qu'à titre exceptionnel, elle ne paraît pas exorbitante. Des mesures plus graves ne peuvent pas être prises contre la volonté d'un créancier. De même, les mesures prises ne peuvent pas être renouvelées; un sursis de cinq ans, par exemple, ne saurait être prorogé pour une nouvelle période de cinq ans. Il serait, en revanche, permis de les compléter, par exemple en prorogeant de deux ans un sursis qui aurait d'abord été prévu pour trois ans. Le projet prévoit enfin que l'autorité supérieure de concordat peut engager la débitrice à recourir à la gérance ou au concordat général.

Par rapport à la réglementation du code des obligations et à celle qui s'appliquait jusqu'ici aux emprunts émis par des corporations de droit public, le projet prévoit une innovation d'importance fondamentale en instituant une procédure d'opposition en lieu et place des décisions de l'assemblée des créanciers (art. 20). Suivant cette procédure, les atteintes aux droits des créanciers ne seraient plus décidées par une majorité d'obligataires puis, s'il y a lieu, approuvées par le juge; celui-ci devrait au contraire, sur requête de la débitrice, proposer lui-même les atteintes qu'il estimerait nécessaire et justifié de porter aux droits des créanciers et, à moins qu'une minorité qualifiée d'obligataires ne s'y oppose en temps utile, les déclarer obligatoires pour tous les créanciers. Ladite minorité doit donc pouvoir, comme c'est déjà le cas actuellement, empêcher toute atteinte aux droits des créanciers. Les rôles seront simplement renversés en ce sens qu'une déclaration expresse devra être faite non plus par les obligataires qui désirent accepter les mesures proposées mais bien par les obligataires qui entendent les refuser.

Pour comprendre la raison de ce renversement des rôles, il surfit déjà de considérer que les obligataires sont parfois si nombreux qu'il serait difficile, comme c'est le cas dans la procédure de concordat général, d'organiser une assemblée des créanciers. En outre, il serait souvent presque impossible, en raison des distances qui séparent les obligataires,
de réunir dans une assemblée la majorité nécessaire de créanciers, et cela quand bien même la décision à prendre serait indiscutablement dans l'intérêt de ces derniers. C'est ainsi qu'il arrive déjà sous le régime actuel qu'en matière d'emprunts de corporations de droit public, le nombre des créanciers acceptants doive être parfait au moyen d'adhésions écrites; dans certains cas, on doit même se contenter d'obtenir la majorité absolue.

On ne saurait prétendre que la nouvelle réglementation réserve à la minorité opposante la même difficulté d'obtenir le quorum nécessaire que celle que les créanciers acceptants rencontrent actuellement. Il est, en effet, plus facile de réunir une assemblée du tiers des créanciers qu'une assemblée des deux tiers. Mais le projet n'exige même pas que les obligataires se

24

réunissent en assemblée. Il suffit, au contraire, qu'ils fassent opposition par écrit, ce qui est beaucoup plus simple et moins coûteux.

Mais quelle minorité les créanciers opposants doivent-ils au moins former pour pouvoir empêcher que les mesures envisagées ne soient exécutées ? Actuellement, la minorité des créanciers doit représenter, pour les emprunts privés, le quart au moins du capital en circulation (une décision ne pouvant être prise valablement que par des créanciers représentant au moins les trois quarts de ce capital), pour les emprunts de corporations de droit public, le tiers (une décision n'étant valable que si elle est prise par des créanciers représentant les deux tiers du capital) et exceptionnellement, lorsque les mesures envisagées sont indispensables à l'assainissement de la situation de la débitrice, la moitié (art. 3, 3e al., de l'arrêté du Conseil fédéral du 24 novembre 1936)." Vu les expériences faites, le projet prescrit que la minorité des obligataires doit représenter le tiers au moins du capital en circulation; il ne prévoit pas d'exception pour des cas d'urgence, étant donné qu'il permet toujours de recourir au concordat général qui ne dépend pas nécessairement du consentement ou de l'opposition des créanciers. Nous n'avons aucune raison d'aller plus loin et de refuser aux créanciers, comme nous l'avons fait en matière de concordat, le droit de se prononcer sur les mesures envisagées. Il faut, en effet, considérer qu'ici seuls les obligataires sont invités à faire des sacrifices et non pas tous les créanciers comme en matière de concordat. Aussi ne saurait-on exiger des obligataires qu'ils fassent des sacrifices spéciaux sans que la majorité d'entre eux y consentent.

La solution ci-dessus peut être adoptée avec d'autant moins d'hésitations que le projet prévoit les garanties nécessaires pour empêcher que des mesures ne soient prises au mépris des intérêts des obligataires et qu'il permet de recourir finalement au Tribunal fédéral. C'est ainsi que d'après l'article 19, des atteintes ne peuvent être portées aux droits des créanciers « que si elles sont nécessaires et propres au rétablissement de la situation de la débitrice et si celle-ci a déjà accompli à cet effet tout ce qui peut être équitablement exigé d'elle ». Les mesures prises doivent en outre être conformes
au principe de l'égalité de traitement de tous les créanciers qui se trouvent dans les mêmes conditions. De plus, tout sursis doit être subordonné à la condition que pendant sa durée l'administration financière de la débitrice soit surveillée par une gérance. Tout sursis peut enfin être révoqué, comme sous le régime actuel, si les circonstances qui l'avaient rendu nécessaire ont cessé d'exister ou si la débitrice contrevient aux conditions du sursis ou encore si, pendant la durée du sursis, la situation financière du débiteur s'est sensiblement aggravée au point de mettre sérieusement en danger les droits des créanciers (art. 22).

Cette nouvelle réglementation simplifierait beaucoup la procédure et en diminuerait considérablement les frais puisqu'elle supprimerait complètement l'appareil lourd et compliqué de l'assemblée des créanciers.

25

L'institution dont nous parlons ressemble ainsi davantage à un concordat partiel qu'à une communauté des créanciers telle qu'elle est réglée pour les emprunts 'privés. Cela s'explique cependant par la situation spéciale que la débitrice occupe comme personne morale de droit public et se justifie en outre par le fait qu'il appartient finalement au Tribunal fédéral de veiller à ce que les sacrifices exigés des créanciers soient rationnels et équitables. C'est aussi pour les mêmes raisons que nous avons réglé cette matière en même temps que le concordat; sa place est ici et non pas auprès des règles sur la communauté des créanciers dans les emprunts privés.

IV. DISPOSITIONS FINALES · Le projet prévoit, comme seule disposition transitoire, que les droits de gage valablement constitués sur des biens administratifs avant son entrée en vigueur seront reconnus (art. 24). Si la demande en est faite, ces droits de gage devront donc être réalisés. Les gouvernements cantonaux devront toutefois chercher à obtenir des communes, soit qu'elles désintéressent les créanciers gagistes sans avoir recours aux gages ou les garantissent d'une ,,autre manière, soit qu'elles convertissent les gages en biens patrimoniaux sans porter atteinte à leur destination publique. Mais même dans ces cas les biens administratifs ne peuvent pas être détournés de leur destination publique du fait de l'exécution forcée (cf. art. 5, 2e al., du projet Meili).

En outre, le projet laisse au Tribunal fédéral le soin d'établir des dispositions transitoires et les dispositions d'exécution.

La loi projetée abrogera toutes les prescriptions fédérales et cantonales qui lui sont contraires. Seront notamment abrogés, en droit fédéral, l'arrêté du Conseil fédéral du 24 novembre 1936 et l'article 1181 du code des obligations; en droit cantonal, toutes les prescriptions contraires du droit de poursuite et de faillite et du droit relatif à la communauté des créanciers. En tant qu'elles ne sont pas contraires au droit fédéral, les dispositions cantonales concernant la gérance en matière administrative et la saisissabilité de biens appartenant à une corporation de droit public seront, en revanche, maintenues. Les cantons seraient cependant bien inspirés en modifiant leur législation sur certains points, de manière à l'adapter au nouveau droit.

En vous recommandant d'adopter le projet de loi ci-annexé, nous saisissons l'occasion de vous renouveler, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 12 juin 1939.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confederatimi, ETTER.

Le chancelier de la Confédération, G. BOVET.

26

(Projet.)

Loi fédérale réglant

l'exécution forcée et la communauté des créanciers en matière de dettes de communes et d'autres sujets de droit public cantonal.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu l'article 64 de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 12 juin 1939, arrête : Article premier.

i. Exécution forcée eo général.

1 L'exécution forcée contre des districts, cercles, communes et ^ au res corporations, établissements et fondations de droit public cantonal s'opère par la voie de la poursuite pour dettes. Sont exceptés les cantons eux-mêmes et, pourvu qu'elles soient érigées par le droit public cantonal en personnes morales indépendantes, les caisses d'assurances et les banques et caisses d'épargne soumises à la loi du 8 novembre 1934 sur les banques et les caisses d'épargne.

2

Les dispositions de la loi du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite s'appliquent sous réserve des restrictions ciaprès.

3 Pour les engagements grevant des biens qui sont affectés à un but déterminé, mais ne possèdent pas la personnalité juridique (fonds analogues aux fondations), et sont administrés par une des personnes morales mentionnées au 1er alinéa, la poursuite est dirigée contre la corporation publique chargée de l'administration.

27

Ali. 2.

La poursuite pour dettes ne peut tendre qu'à la saisie ou à B. Poursuite, I. Procédure.

la réalisation de gage. L'article 7 demeure réservé.

I. Modes de 2 poursuite.

Sont exclus la poursuite par voie de faillite, y compris la poursuite pour effets de change, ainsi que le séquestre et le concordat par abandon d'actif. Sont de même inapplicables les dispositions qui, par leur nature, ne sauraient régir les corporations susmentionnées.

Art. 3.

1 Le gouvernement cantonal désigne, en tenant compte de l'ar- 2. Compétence.

ticle 10 de la loi sur la poursuite, l'autorité chargée d'exercer les fonctions d'office des poursuites.

2 Les mesures de cette autorité peuvent être l'objet d'une plainte directe au Tribunal fédéral, même lorsqu'elles paraissent simplement inappropriées aux circonstances.

1

Art. 4.

L'autorité cantonale de surveillance peut suspendre la poursuite par voie de saisie ou en réalisation de gage si elle institue une gérance ou si le gouvernement cantonal pourvoit à ce que la situation des créanciers ne soit pas aggravée par la suspension.

2 Lorsque les mesures prises par le gouvernement cantonal sont insuffisantes, le créancier peut, par voie de plainte au Tribunal fédéral, requérir la continuation de la poursuite.

1

Art. 5.

Peuvent être saisis, sous réserve des droits réels existants, tous les biens patrimoniaux d'une des personnes morales mentionnées à l'article premier, 1er alinéa.

2 Rentrent dans les biens patrimoniaux les choses et autres biens et valeurs dont la corporation publique n'a pas absolument besoin pour exercer les fonctions qui lui incombent en vertu du droit public et qu'elle doit remplir en qualité d'organe auxiliaire de l'Etat ou d'administration autonome ou encore de division d'une telle administration.

Art. 6.

1 Constituent les biens administratifs d'une corporation publique les choses et autres biens et valeurs qui ne rentrent pas dans les biens patrimoniaux. Les biens administratifs ne peuvent être saisis ni être l'objet d'une réalisation forcée, même avec l'assentiment de la débitrice, tant qu'ils restent affectés à une destination publique.

1

3. Suspension de la poursuite.

II. Biens saisissablés et insaisissables.

1. Biens saisissablés.

2. Biens insaisissables.

28 2

C. Gérance.

I. Commencement.

I. Conditions.

2. Nominalion de commis-

saires.

H. Obligations.

1. En général.

2. En mature d'impôts.

Les biens affectés à un but déterminé en faveur de tiers (fonds analogues aux fondations, cautionnements d'officiers publics, caisses de pensions, etc.) ne peuvent être saisis qu'en raison d'engagements résultant de cette affectation.

Art. 7.

1 Lorsqu'une des personnes morales mentionnées à l'article premier, 1er alinéa, se déclare insolvable ou s'il est plausible qu'elle ne sera pas en mesure pendant longtemps de remplir ses engagements financiers, l'autorité cantonale de surveillance institue, conformément aux prescriptions ci-après, une gérance au sens du droit sur la poursuite, à moins que les mesures prévues aux articles 18 et suivants ne suffisent ou qu'il ne soit pourvu autrement à ce que les créanciers soient désintéressés en temps opportun.

2 Elle peut aussi instituer la gérance si le résultat de la saisie est insuffisant ou si la réalisation de gage ne paraît pas indiquée et si la gérance peut répondre également à l'intérêt du créancier, ou encore si les obligataires sont appelés à faire des sacrifices, conformément à l'article 18.

3 La gérance peut être limitée à une partie des fonctions de la débitrice. Elle fait dans tous les cas l'objet d'une publication.

Art. 8.

La gérance peut être confiée à un ou plusieurs commissaires / -, , .

, nommés par le gouvernement cantonal.

2 Le gouvernement cantonal fixe la rétribution des commissaires.

3 La responsabilité des commissaires est réglée par les articles 5 et suivants de la loi sur la poursuite.

1

Art. 9.

Sans préjudice des attributions publiques de la débitrice, la gérance pourvoit à ce que les dettes échues soient payées aussi rapidement que possible et traitées de la même manière quant à l'ordre des échéances. A cet effet, elle peut, sous réserve des droits de gage, procéder elle-même à des réalisations.

2 Elle met en ordre les finances et, dans la mesure du possible, diminue les dépenses et augmente les recettes.

1

Art. 10.

S'il est nécessaire et si les circonstances s'y prêtent, la gérance, après avoir pris contact avec le gouvernement cantonal, augmente les impôts et autres contributions ou en introduit de nouveaux sans 1

29

être liée par la législation des communes, des districts ou des cercles ; quant aux prestations de services publics ou provenant de biens publics, elle fixe des indemnités équitables ou augmente convenablement celles qui existent. Sous réserve des droits de tiers, elle peut aussi suspendre, modifier ou révoquer des décisions. Elle peut même, avec l'assentiment du gouvernement cantonal, déroger au droit cantonal.

2 Les mesures prévues au 1er alinéa peuvent être prises sans l'assentiment de l'autorité ordinairement compétente de la commune,'du district ou du cercle.

3 Si la gérance décide d'augmenter les impôts ou autres contributions ou d'en percevoir de nouveaux, les membres et les organes de la débitrice peuvent porter plainte au gouvernement cantonal, dont le prononcé peut être déféré au Tribunal fédéral. La voie de la plainte est de même ouverte contre le refus injustifié d'augmenter les recettes.

Art. il.

1 Pendant la durée de la gérance et sauf décision contraire de l'autorité cantonale de surveillance, tous les pouvoirs des organes ordinaires en matière de finances sont exercés par la gérance.

2 Les organes ordinaires ne peuvent prendre, sans l'assentiment de la gérance, aucune décision ou mesure se rapportant aux dépenses et aux recettes, sauf s'il s'agit de couvrir des dépenses courantes au moyen des recettes existantes, ou tendant à aliéner des biens ou à les grever de gages ou encore à souscrire de nouveaux engagements.

Demeurent réservés les droits de l'acquéreur de bonne foi. Les mesures prises par la gérance ne sont pas soumises au referendum communal.

3 En cas de violation des présentes prescriptions, les auteurs sont personnellement responsables.

Art. 12.

Pendant la durée de la gérance, aucune poursuite ne peut être exercée contre la débitrice.

2 La prescription ou la péremption qui pourraient être interrompues par un acte de poursuite restent suspendues tant que dure la gérance.

Art. 13.

1 L'autorité cantonale de surveillance, sur demande ou d'office, met fin à la gérance dès que le rétablissement de l'équilibre financier est assuré.

2 En cas de concordat, la gérance prend fin de plein droit, à moins que le concordat n'en dispose autrement.

1

ni. Pouvoirs,

iv. Effets,

v. Fin.

30

D, Concordat.

I. En général.

II. Homologation.

B. Communauté des créanciers dans les emprunts par obligations.

I. Emprunts émis par des districts, cercles, communes, etc.

I. Requête.

2. Examen de la situation.

Art. 14.

Lorsque la gérance se révèle manifestement impropre à assurer le remboursement de toutes les créances dans un avenir rapproché, il peut être conclu un concordat.

2 A cet effet, les commissaires élaborent un projet et, d'entente avec le gouvernement cantonal, le mettent pendant trente jours à la disposition des créanciers ; ceux-ci sont informés par avis public qu'ils peuvent s'y opposer en faisant parvenir, pendant un délai à déterminer, une déclaration écrite à l'autorité cantonale supérieure de concordat.

Art. 15.

1 A l'expiration du délai, l'autorité cantonale supérieure de concordat, après avoir requis l'avis de la débitrice et du gouvernement cantonal, décide si le projet doit être accepté, avec ou sans modification, ou s'il doit être rejeté.

2 Un concordat ne doit être déclaré obligatoire que s'il est nécessaire et propre au rétablissement de la situation de la débitrice et si les intérêts des créanciers sont suffisamment sauvegardés.

3 La décision de l'autorité de concordat doit être publiée. Elle peut être déférée dans les trente jours au Tribunal fédéral, lequel confirme le concordat, le révoque ou le modifie. Ont qualité pour recourir la débitrice et chaque créancier; toutefois, en tant que le concordat est conforme avec celui qui a été déposé publiquement, seuls les créanciers qui s'y sont opposés ont qualité pour recourir (art. 14, £e al.).

4 Le concordat passé en force doit être publié.

1

Art. 16.

Lorsque le service d'un emprunt émis par une des personnes morales mentionnées à l'article premier, 1er alinéa, est compromis, la débitrice peut demander des mesures de protection à l'autorité cantonale supérieure de concordat.

2 La requête est transmise à l'autorité de concordat par le gouvernement cantonal, qui y joint son avis.

3 Elle doit contenir un exposé exact de la situation financière de la débitrice et être accompagnée des comptes et rapports annuels des cinq dernières années, ainsi que du budget de l'année précédente.

L'autorité de concordat peut demander des renseignements complémentaires.

Art. 17.

1 L'autorité supérieure de concordat prend immédiatement des mesures pour établir la situation financière exacte de la requérante.

1

31

A cet effet et d'entente avec la banque nationale, elle désigne, si besoin est, une commission d'experts de trois membres au plus.

2 Elle soumet pour avis le ra,pport de cette commission au gouvernement cantonal. Si la débitrice est administrée par une gérance instituée en vertu du droit cantonal ou de la présente loi, l'autorité supérieure de concordat peut s'en tenir aux constatations de la gérance.

3 Elle peut, au besoin, ordonner qu'il soit sursis provisoirement au paiement des créances des obligataires.

Art. 18.

S'il appert que la débitrice n'est pas en mesure de remplir ses engagements à l'égard des obligataires, l'autorité supérieure de concordat peut, à moins qu'une gérance ou un concordat général ne lui paraissent préférables, proposer que les atteintes suivantes soient portées aux droits des créanciers: a. Prorogation de cinq ans au plus du délai prévu pour l'amortissement d'un emprunt, soit par réduction du montant de chaque annuité et augmentation du nombre des annuités, soit par suspension complète de l'amortissement; b. Sursis de cinq ans au plus au remboursement d'emprunts ou de parts d'emprunts échus ou venant à échéance dans le délai d'une année; c. Sursis de cinq ans au plus au paiement d'une partie, ou exceptionnellement du montant total des intérêts échus ou venant à échéance dans les cinq années suivantes; d. Exceptionnellement, réduction pour une durée de cinq ans au plus du taux de l'intérêt jusqu'à concurrence de la moitié.

Art. 19.

Les atteintes aux droits des créanciers ne peuvent être décidées que si elles sont nécessaires et propres au rétablissement de la situation de la débitrice et si celle-ci a déjà accompli à cet effet tout ce qui peut être équitablement exigé d'elle.

2 Elles ne peuvent être renouvelées que si les limites prévues à l'article 18, lettres a à, d, demeurent respectées. Elles doivent être appliquées de manière égale à tous les obligataires qui sont dans la même situation, à moins que certains d'entre eux ne consentent expressément à être traités moins favorablement.

3 Tout sursis doit être subordonné à la condition que pendant sa durée l'administration financière de la débitrice soit surveillée par une gérance.

1

3. Atteintes qui peuvent être portées aux droits des créanciers, a. En général.

b. Modalités.

32 4

4. Opposition des obligataires.

5. Décision.

6. Révocation du sursis.

II. Emprunts cantonaux.

L'autorité cantonale supérieure de concordat communique sa décision à la débitrice, qui peut la déférer dans les trente jours au Tribunal fédéral.

Art. 20.

1 L'autorité cantonale supérieure de concordat publie d'une manière appropriée les mesures que le Tribunal fédéral ou, en l'absence de recours, elle-même proposent de prendre et elle impartit aux obligataires qui s'y opposent un délai pour la remise d'une déclaration légalisée.

2 Si les obligataires qui ont fait opposition en temps utile représentent le tiers au moins du capital en circulation, les mesures proposées sont considérées comme rejetées; dans le cas contraire, elles sont acceptées.

Art. 21.

1 A l'expiration du délai, l'autorité cantonale supérieure de concordat constate si les mesures proposées sont acceptées ou rejetées.

2 Sa décision est communiquée à la débitrice, qui peut la déférer dans les trente jours au Tribunal fédéral.

3 Les mesures acceptées sont publiées d'une manière appropriée.

Art. 22.

L'autorité cantonale supérieure de concordat doit, à la demande d'un obligataire ou de la gérance, révoquer le sursis dans les cas suivants : a. Si les circonstances qui l'avaient rendu nécessaire ont cessé d'exister ; b. Si la débitrice contrevient aux conditions du sursis; c. Si, pendant la durée du sursis, la situation financière de la débitrice s'est sensiblement aggravée, au point de mettre sérieusement en danger les droits des créanciers.

2 La débitrice peut, dans les trente jours, déférer au Tribunal fédéral la décision de révoquer le sursis.

1

Art. 23.

Lorsque le service d'un emprunt d'un canton est compromis, le gouvernement cantonal peut demander des mesures de protection au Tribunal fédéral.

2 Les articles 16 à 22 s'appliquent par analogie, l'autorité cantonale supérieure de concordat étant toutefois remplacée par le Tribunal fédéral.

1

33

Art. 24.

Les droits de gage valablement constitués sur des biens adminis- F- Dispositions fitratifs avant l'entrée en vigueur de la présente loi sont reconnus. I. Règlements d'exécution et Les gouvernements cantonaux sont toutefois tenus de chercher régime transitoire.

à obtenir des communes en cause soit qu'elles désintéressent les créanciers gagistes sans avoir recours à ces gages ou les garantissent d'une autre manière, soit qu'elles convertissent les gages en biens patrimoniaux sans porter atteinte à leur destination publique. Les biens administratifs ne peuvent pas être détournés de leur destination publique du fait de l'exécution forcée.

2 Le Tribunal fédéral établit les dispositions d'exécution et les dispositions transitoires qui pourraient être nécessaires.

1

Art, 25.

Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.

2 Celle-ci abroge toutes les prescriptions fédérales et cantonales qui lui sont contraires.

3 Sont notamment abrogés l'article 1181 du code des obligations et l'arrêté du Conseil fédéral du 24 novembre 1936 tendant à protéger les droits des créanciers d'emprunts émis par des corporations de droit public.

1

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feuille fédérale. 91e année. Vol. II.

II. Entrée en vigueur et clause abrogatoire.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet de loi réglant l'exécution forcée et la communauté des créanciers en matière de dettes de communes et d'autres sujets de droit public cantonal. (Du 12 juin 1939.)

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