Maintien de la superficie des terres cultivables Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 20 novembre 2015

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Table des matières 1

Introduction

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Constats et recommandations de la CdG-N 2.1 Importance de la perte de terres cultivables en Suisse 2.2 Insuffisance des prescriptions fédérales relatives à la protection des terres cultivables 2.2.1 Prescriptions légales 2.2.2 Plan sectoriel des surfaces d'assolement 2.3 Retenue de la Confédération dans l'exercice de la surveillance sur la mise en oeuvre dans les cantons 2.3.1 Aide à la mise en oeuvre 2.3.2 Approbation des plans directeurs cantonaux 2.3.3 Monitoring et devoir d'information des cantons 2.3.4 Droit de recours des autorités et zones d'affectation de caractère temporaire 2.3.5 Appréciation de la CdG-N 2.4 Faible importance accordée à la protection des terres cultivables dans les projets de la Confédération 2.4.1 Procédure du plan sectoriel 2.4.2 Procédure d'approbation des plans 2.4.3 Appréciation de la CdG-N

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Conclusions

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Liste des abréviations

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Annexe: Maintien de la superficie des terres cultivables Rapport du Contrôle parlementaire de l'administration à l'intention de la Commission de gestion du Conseil national

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Rapport 1

Introduction

La Suisse perd 3400 hectares (ha) de terres cultivables par an, ce qui correspond quasiment à la surface du lac de Zoug, soit, par extrapolation, à 85 000 ha sur les 25 dernières années. Durant cette période, la superficie des terres cultivables a donc été réduite d'une surface équivalant plus ou moins à celle du canton du Jura et ceci en raison de l'urbanisation, des infrastructures de transport et d'autres facteurs.

Au vu de cette perte continue et rapide, le Conseil fédéral a décidé en 1992 de fixer par un plan sectoriel une surface minimale pour les meilleures terres cultivables, soit les terres arables ou les «surfaces d'assolement» (SDA). Ce plan sectoriel SDA1 oblige tous les cantons à faire un inventaire des surfaces d'assolement existantes et à garantir un certain pourcentage de la surface minimale qui y est définie. Des efforts ont également été faits sur le plan cantonal (initiative Kulturland dans le canton de Zurich, par exemple) pour protéger le peu de terres cultivables existantes.

Malgré les nombreuses mesures de protection, les chiffres cités plus haut témoignent d'une pression continue sur les terres cultivables qui subsistent. Une question se pose donc: les prescriptions fédérales existantes conviennent-elles pour les protéger et dans quelle mesure pourrait-on améliorer ces prescriptions de façon à stopper leur disparition progressive? C'est dans ce contexte que les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) d'évaluer les mesures de préservation des terres cultivables en mettant l'accent sur la protection des surfaces d'assolement2. Plus précisément, l'évaluation devait répondre aux questions suivantes: 1.

Quelle est l'importance de la diminution de la superficie des terres cultivables depuis le début des années 1980?

2.

Que penser de l'efficacité du droit fédéral pour limiter l'utilisation des terres cultivables à des fins d'urbanisation?

3.

La surveillance exercée par la Confédération sur la mise en oeuvre, par les cantons, des prescriptions relatives à la protection des terres cultivables, en particulier des SDA, est-elle appropriée?

4.

Que penser des efforts déployés par la Confédération pour ménager les terres cultivables, en particulier les SDA, dans le cadre de ses propres projets?

L'évaluation se limite au rôle de la Confédération dans la protection des terres cultivables, car la gestion de celles-ci par les cantons n'est pas soumise à la surveillance des CdG. Toutefois, la mise en oeuvre des prescriptions fédérales par les services administratifs cantonaux a été prise en compte dans l'enquête, dans la mesure où elle peut donner des indications sur l'activité de surveillance et de mise en oeuvre 1 2

Plan sectoriel des surfaces d'assolement. Surface minimale et répartition entre les cantons, arrêté du Conseil fédéral du 8.4.1992 La question de l'efficacité des mesures relatives à la protection des terres cultivables n'a pas été prise en compte dans l'évaluation du CPA.

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de la Confédération. Dans le cadre de son évaluation, le CPA a aussi consulté, outre les acteurs concernés de l'administration fédérale, les services cantonaux chargés de l'aménagement du territoire et de l'agriculture, et a analysé des documents relatifs à la mise en oeuvre et au respect des prescriptions fédérales dans les cantons. Il a collaboré avec des spécialistes externes (Ecoplan SA et Evaluanda) pour certaines parties.

Le CPA a adopté le 11 juin 2015 les conclusions de son évaluation à l'intention de la sous-commission DFI/DETEC, compétente en la matière, de la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N). Dans le présent rapport, la commission expose les constats qu'elle juge les plus importants ainsi que les conclusions et les recommandations qui en découlent. Pour une description plus détaillée des analyses et des bases de l'évaluation, voir le rapport du CPA en annexe et les documents y relatifs (annexe au rapport)3.

Le CPA a réalisé son évaluation au moment où la loi sur l'aménagement du territoire révisée (LAT4) était introduite, après son acceptation par le peuple le 3 mars 2013 et son entrée en vigueur le 1er mai 2014. La présente enquête se rapporte à la situation après cette «1re étape» de la révision de la loi.

Le rapport du CPA renvoie également aux modifications proposées dans le projet, mis en consultation, de la 2e étape de la révision de la LAT, modifications qui visaient à renforcer nettement la protection des surfaces d'assolement au niveau légal5.

Mais entretemps, selon les indications de l'Office fédéral du développement territorial (ARE), cette 2e révision a été reportée; une mise en oeuvre n'est pas attendue avant 2020 ou 2021. Les thématiques de la protection des terres cultivables et du plan sectoriel SDA ont toutefois été dissociées du projet de révision6. En lieu et place, un groupe d'experts travaillera sur un remaniement et un renforcement de ce plan; les adaptations nécessaires des prescriptions légales seront examinées dans un second temps. Pour ses constats et ses recommandations exposés ci-après, la CdG-N n'a donc considéré les réflexions du CPA sur le projet de 2 e révision mis en consultation que comme des solutions de remplacement possibles et des propositions d'amélioration.

3

4 5 6

Maintien de la superficie des terres cultivables, rapport du CPA du 11.6.2015 en annexe (ci-après: évaluation du CPA en annexe) et annexe au rapport du CPA, consultables à l'adresse www.parlament.ch > Organes et députés > Commissions > Commissions de surveillance > Contrôle parlementaire de l'administration CPA > Publications (consulté le 17.9.2015) Loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (loi sur l'aménagement du territoire, LAT), RS 700 Evaluation du CPA en annexe, en particulier annexe 2 Lettre de l'ARE aux services cantonaux de l'aménagement du territoire et aux services cantonaux de l'agriculture du 29.6.2015

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Constats et recommandations de la CdG-N

2.1

Importance de la perte de terres cultivables en Suisse

Comme indiqué en introduction, plus de 85 000 ha de terres cultivables ont disparu depuis 1980, soit 5 % de la surface existante à l'époque. Dans son évaluation, le CPA fait la distinction entre deux types d'évolution responsables de ce recul: d'une part, l'intensification due à l'urbanisation, c'est-à-dire à la multiplication des logements, des bâtiments commerciaux et industriels et des infrastructures de transport; d'autre part, l'extensification, autrement dit la transformation de terres agricoles en forêts et en surfaces improductives, en particulier le retour des alpages à l'état sauvage. Le recul des terres cultivables est imputable pour les deux tiers à l'intensification et pour un tiers à l'extensification7.

Dans son enquête, le CPA estime, à partir des données tirées de la statistique de la superficie de l'Office fédéral de la statistique (OFS), que la construction de bâtiments a été le principal facteur responsable de ce recul. Sur la période observée, elle a sollicité les deux tiers des surfaces agricoles qui se sont transformées en surfaces d'habitat et d'infrastructure. Les aires d'habitation se taillent la part du lion, ce bilan négatif étant principalement le fait des maisons individuelles et à deux logements 8.

Le CPA constate en revanche que la perte de terres cultivables due au développement des infrastructures de transport n'est pas très importante; elle équivaut à un sixième environ de la superficie utilisée par l'intensification de l'exploitation de ces terres. Celle due à l'agriculture elle-même (construction de nouveaux bâtiments agricoles tels que granges) correspond en gros à celle due aux bâtiments industriels et commerciaux mais, proportionnellement, la part de bonnes terres arables utilisée est moindre. La perte au profit de bâtiments publics est insignifiante.

S'agissant du recul des terres cultivables dû à l'extensification, le CPA constate qu'un faible pourcentage seulement concerne les terres arables importantes du point de vue agricole. Sur les quelque 30 000 ha de pertes dues à l'extensification, seuls 500 ha ont été perdus au profit de l'extension des forêts et des surfaces improductives. De même, les données de la statistique de la superficie permettent d'affirmer que les mesures liées à la protection des eaux, pour la revitalisation des cours d'eau par exemple
(qui a récemment fait l'objet de débats publics), ne portent pour l'instant qu'une part minime de responsabilité dans la diminution de ces terres 9.

Globalement, la CdG-N constate, au vu des conclusions de l'évaluation du CPA, que la diminution des terres cultivables importantes pour l'agriculture est due en grande majorité à la construction de logements, et qu'elle varie très fortement d'un canton à l'autre. Si l'on considère le recul par habitant ou par emploi supplémentaire, les cantons urbains utilisent relativement peu de surface agricole tandis que, dans les cantons ruraux, la croissance peut être qualifiée d'intensive en terres cultivables10.

7 8 9 10

Evaluation du CPA en annexe, ch. 3.1 Evaluation du CPA en annexe, ch. 3.2 Evaluation du CPA en annexe, ch. 3.3. Les mesures liées à la protection des eaux devraient à l'avenir entraîner une diminution accrue de la surface des terres cultivables.

Evaluation du CPA en annexe, ch. 3.4

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Insuffisance des prescriptions fédérales relatives à la protection des terres cultivables

2.2.1

Prescriptions légales

La protection des terres cultivables en Suisse résulte de l'intersection de différents domaines politiques, sans pour autant pouvoir se fonder sur une législation complète et spécifique. Ainsi, le droit de l'agriculture ne protège les terres cultivables qu'implicitement, en tant que condition préalable à la production agricole et comme objectif des mesures visant à lutter contre la transformation de terres cultivables en forêts et surfaces improductives (par ex. par l'abandon de l'exploitation). Dans d'autres domaines de la politique fédérale, on observe au contraire des conflits d'objectifs avec la protection des terres cultivables, car le besoin de superficie des objets concernés entre en concurrence avec le besoin de superficie lié à la préservation de ces terres. Citons ici notamment la politique d'infrastructure, la protection de la nature et du paysage, la protection de l'environnement, des eaux et des marais, ainsi que la politique sylvicole.

Le principal instrument pour lutter contre la diminution de la superficie des terres cultivables due à l'urbanisation découle de la législation sur l'aménagement du territoire. La Confédération est soumise sur ce point à l'art. 75 de la Constitution fédérale (Cst.11), qui l'autorise uniquement à fixer les principes; autrement dit, la loi fondamentale attribue aux cantons, en plus de la compétence d'exécution de l'aménagement du territoire qui leur incombe, une compétence législative importante en la matière. La Confédération joue toutefois un rôle de coordination et de promotion dans la mise en oeuvre de la législation et peut, si cela s'avère nécessaire pour l'accomplissement de son mandat constitutionnel, édicter des prescriptions plus poussées pour la planification. Les deux domaines particulièrement pertinents pour la préservation des terres cultivables sont la garantie de l'approvisionnement du pays au sens de l'art. 102 Cst. et l'agriculture au sens de l'art. 104 Cst.

La LAT prévoit à l'art. 3, al. 2, let. a, un principe applicable à l'aménagement, qui consiste à réserver à l'agriculture suffisamment de bonnes terres cultivables. Depuis la 1re étape de la révision de la LAT, la loi cite en plus explicitement la garantie des surfaces d'assolement. Les art. 26 à 30 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire (OAT12) précisent les modalités de
la protection de ces surfaces. Ainsi, l'art. 29 OAT charge la Confédération de définir, dans le plan sectoriel des surfaces d'assolement, la surface totale minimale d'assolement et sa répartition entre les cantons. Ceux-ci fixent les surfaces d'assolement par commune et les reportent sur des cartes (art. 28 OAT); ils veillent à ce qu'elles soient classées en zones agricoles et s'assurent que leur part de la surface totale minimale d'assolement soit garantie de façon durable (art. 30 OAT).

Malgré cette inscription explicite, dans la loi, de la protection des SDA lors de la 1re étape de la révision de la LAT et en dépit des précisions apportées au niveau de l'ordonnance, la CdG-N constate, au vu des conclusions de l'évaluation faite par le 11 12

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18.4.1999, RS 101 Ordonnance du 28.6.2000 sur l'aménagement du territoire, RS 700.1

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CPA, que les terres cultivables ne sont que faiblement protégées au niveau du droit fédéral13. L'une des raisons en est que le droit de l'aménagement du territoire est une législation qui cherche à coordonner des intérêts divers, parfois antagonistes, afin d'assurer une utilisation mesurée du sol. Conformément à ses objectifs, la LAT protège donc aussi bien les terres cultivables que le développement de l'urbanisation et de l'économie. Dans sa forme actuelle, elle laisse aux cantons, dans leurs activités d'aménagement du territoire, une grande latitude pour la pesée de ces divers intérêts.

Une autre raison mise en évidence par l'évaluation du CPA est que la loi a tendance à formuler les objectifs plus concrètement dans les domaines politiques cités plus haut et que ces objectifs sont parfois en conflit avec la protection des terres cultivables, ce qui affaiblit la position de celle-ci.

La faiblesse des compétences et des instruments prévus pour la protection des terres cultivables dans le droit fédéral est rendue particulièrement évidente, d'après la CdG-N, par la comparaison avec la forêt, qui fait l'objet d'une législation spéciale et dont la superficie est garantie depuis le 19e siècle. Grâce à l'interdiction générale des défrichements, associée à l'obligation de compenser ceux qui sont accordés par dérogation, la superficie de la forêt jouit aujourd'hui d'une protection quasi absolue.

Les prescriptions légales fédérales relatives à la protection des terres cultivables ne comportent pas une telle obligation générale de compensation14, qui était toutefois prévue dans le projet mis en consultation en vue de la 2 e étape de la révision de la LAT15. Cette importance moindre accordée dans la loi à la protection des terres cultivables par rapport à celle de la forêt a des conséquences majeures, car la compensation d'un défrichement accordé à titre exceptionnel est en règle générale effectuée au détriment de ces terres16.

La CdG-N salue les précisions apportées au niveau de l'ordonnance dans le cadre de la 1re étape de la révision de la LAT, notamment l'obligation explicite de garantir une surface minimale d'assolement dans les cantons et les exigences accrues pour la pesée des intérêts lors du classement de surfaces d'assolement en zone à bâtir (art. 30, al. 1bis, OAT).

La CdG-N estime toutefois
qu'une question se pose: l'inscription actuelle de la protection des terres cultivables dans le droit fédéral tient-elle compte comme il se devrait de l'importance de ces terres? Elle se demande en particulier s'il ne serait pas plus approprié de relever au niveau de la loi les principales prescriptions qui figurent pour le moment dans l'OAT ­ comme le prévoyait le projet mis en consultation en vue de la 2e étape de la révision de la LAT. La commission considère en outre qu'il faudrait envisager d'introduire une obligation légale de compensation pour la sollicitation de surfaces d'assolement, telle qu'elle était déjà prévue dans le 13 14 15 16

Evaluation du CPA en annexe, ch. 4.1 Alors que l'obligation de compensation est souvent inscrite au niveau cantonal; voir ch. 2.3.2 ci-après.

Evaluation du CPA en annexe, en particulier annexe 2 Le conflit d'objectifs entre la protection de la forêt et celle des terres cultivables a été quelque peu atténué par une révision de la loi sur les forêts datant de 2013: il est possible de ne pas fournir de compensation en nature aux défrichements, en particulier si cela permet d'épargner des terres agricoles. De plus, les limites des forêts peuvent être constatées afin qu'il n'y ait pas d'interdiction de défrichement lorsque la surface forestière augmente. Voir annexe au rapport du CPA, p. 33

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projet mis en consultation. Cependant, elle se demande aussi si une obligation générale de compensation n'aurait pas pour conséquence que des terres cultivables de moindre qualité soient déclarées surfaces d'assolement, sans pour autant que la valeur de celles-ci soit améliorée17. Il faudrait donc qu'une telle obligation soit accompagnée de critères clairs concernant la qualité des SDA.

Etant donné que les dispositions légales relatives à la préservation des terres cultivables divergent de celles relatives à la protection, parfois concurrente, d'autres domaines (la forêt notamment), la commission estime nécessaire de redéfinir les priorités, ce qui, selon le résultat, pourrait entraîner des modifications dans d'autres domaines politiques.

Recommandation 1: inscription dans la loi de la protection des terres cultivables La CdG-N invite le Conseil fédéral à envisager un renforcement des dispositions de la législation fédérale relatives à la protection des terres cultivables et à présenter un rapport à ce sujet. Ce faisant, il mettra en évidence les avantages et les inconvénients qu'amènerait l'introduction dans le droit fédéral d'une obligation de compensation en cas de sollicitation de surfaces d'assolement et il indiquera s'il juge cette obligation appropriée.

Postulat: rapport entre la préservation des terres cultivables et les autres exigences en matière de protection La commission invite le Conseil fédéral à examiner de façon approfondie la pertinence de la manière dont les priorités ont été définies pour les exigences en matière de protection en vue de l'utilisation des sols, eu égard à l'importance moindre, constatée dans le rapport de la CdG-N, accordée dans la loi à la protection des terres cultivables, et à présenter un rapport à ce sujet.

Il devra notamment examiner le rapport entre la protection des terres cultivables et la protection des forêts. En outre, il devra démontrer dans quelle mesure la coordination et l'harmonisation des différentes exigences en matière de protection avec l'utilisation des sols (protection des terres cultivables, de la forêt, de l'environnement, des eaux, des sites marécageux, de la nature, du paysage, etc.)

peuvent être améliorées sur le plan législatif.

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Arcoplan / ARE (2003): Dix ans de plan sectoriel des surfaces d'assolement. Expériences des cantons, attentes envers la Confédération, p. 47

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2.2.2

Plan sectoriel des surfaces d'assolement

Comme indiqué plus haut, le Conseil fédéral a utilisé l'instrument de planification mis à sa disposition par l'art. 13 LAT ­ le plan sectoriel ­ pour définir la surface minimale des SDA applicable à l'ensemble du territoire. Il s'agissait, pour simplifier, de calculer la superficie des SDA permettant à la Suisse d'assurer un degré suffisant d'approvisionnement par sa propre production agricole. Cette surface minimale a été fixée à 438 560 ha18. Tous les cantons sont tenus de garantir la part de la surface totale qui leur est attribuée.

Le relevé des surfaces d'assolement a été fait (et continue à l'être) par les cantons eux-mêmes. Comme le montre l'évaluation du CPA, l'importante marge de manoeuvre dont ils disposent pour ce faire a entraîné de grandes disparités dans la méthode et dans la précision du relevé des surfaces. Par conséquent, il n'est pas possible de procéder à une comparaison directe des inventaires des SDA dressés par les différents cantons19.

Ce problème avait déjà été déploré à l'occasion d'une évaluation du plan sectoriel SDA réalisée en 200320. Les critiques formulées dans ce cadre portaient sur le fait que le plan sectoriel se focalisait trop sur le maintien quantitatif des SDA mais n'accordait pas assez d'importance au maintien qualitatif des sols. A la suite de cela, la Confédération a décidé en 2006 d'édicter une aide à la mise en oeuvre du plan sectoriel SDA, dans le cadre de laquelle les critères de qualité auxquels doivent satisfaire les SDA ont été mis à jour et simplifiés pour favoriser leur mise en oeuvre homogène dans les cantons. Comme le CPA le démontre toutefois dans son évaluation, les critères de qualité qui ont été mis à jour ne concernent que le traitement de cas particuliers et d'éventuelles nouvelles suppressions de SDA; autrement dit, les cantons n'ont pas actualisé leurs inventaires SDA conformément à ces critères remaniés. De plus, certains n'ont toujours pas établi de cartographie pédologique complète sur la qualité des sols.

Mais même avec une cartographie pédologique complète, il serait difficile de faire des comparaisons intercantonales, car les sols suisses sont de qualité très variable.

Certains cantons du Plateau possèdent des terres arables de très grande qualité, alors que l'on peut se demander si les cantons de montagne disposent véritablement
de terres cultivables répondant aux critères de qualité des SDA: pour y parvenir, nombre d'entre eux ont dû classer parmi ces dernières des sols de deuxième qualité ou relevant d'une catégorie climatique non appropriée21.

18

19 20 21

Selon les estimations de l'ARE, la Suisse compte encore 444 000 ha de surfaces d'assolement; autrement dit, une superficie supérieure de 1 % à la surface minimale à garantir. Seul le canton de Vaud en compte actuellement moins que la surface minimale.

Voir feuille d'information sur la protection des terres agricoles, ARE, 5.12.2014, consultable à l'adresse www.are.admin.ch > Développement et aménagement du territoire > Droit de l'aménagement du territoire > Révision de la LAT > LAT 2: fin de la consultation > Protection des terres agricoles (consulté le 17.9.2015) Evaluation du CPA en annexe, ch. 5.1 et 7.2 Arcoplan / ARE (2003): Dix ans de plan sectoriel des surfaces d'assolement. Expériences des cantons, attentes envers la Confédération Evaluation du CPA en annexe, ch. 5.1; Arcoplan / ARE (2003): Dix ans de plan sectoriel des surfaces d'assolement. Expériences des cantons, attentes envers la Confédération, p. 47

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Au vu des conclusions de l'évaluation du CPA, la CdG-N pose la question suivante: le plan sectoriel SDA, qui repose sur des relevés datant des années 80, constitue-t-il aujourd'hui encore un outil approprié pour garantir les meilleurs sols à l'agriculture?

Au vu de ses bases problématiques ­ méthode de relevé non homogène, absence de cartographie couvrant toutes les surfaces, non-actualisation des inventaires d'après les critères de qualité, mis à jour et simplifiés, de 2006 ­, la commission estime nécessaire de revoir en profondeur le plan sectoriel. Cette révision devrait avoir deux objectifs principaux: analyser l'adéquation et la faisabilité d'un nouveau relevé des inventaires SDA, et adapter la répartition des surfaces minimales entre les cantons en tenant compte de l'existence réelle de sols de grande qualité. En effet, comme le montre l'évaluation du CPA, la Confédération ne dispose pas d'une base de données fiable pour estimer l'état des surfaces d'assolement et déterminer ainsi si celles-ci contribuent encore effectivement à la sécurité alimentaire ainsi qu'à la résolution des questions posées par l'aménagement du territoire. La CdG-N salue donc la déclaration d'intention de l'ARE, qui a institué un groupe d'experts chargé de remanier et de renforcer le plan sectoriel SDA22.

Recommandation 2: remaniement et renforcement du plan sectoriel des surfaces d'assolement et amélioration des bases de données La CdG-N invite le Conseil fédéral à envisager un remaniement et un renforcement du plan sectoriel des surfaces d'assolement et à présenter un rapport à ce sujet. Il présentera en particulier quels sont les avantages et les inconvénients d'un nouveau relevé complet au moyen de méthodes permettant l'établissement de comparaisons. La commission invite également le Conseil fédéral à examiner l'éventualité d'adapter la répartition de la surface minimale des surfaces d'assolement en fonction de la qualité réelle des sols. La commission invite en outre le Conseil fédéral à améliorer la comparabilité des bases de données fournies par les cantons.

2.3

Retenue de la Confédération dans l'exercice de la surveillance sur la mise en oeuvre dans les cantons

Outre la législation fédérale limitée aux principes, le CPA a examiné l'exercice par la Confédération de sa fonction de surveillance dans le domaine des terres cultivables. La Confédération exerce cette fonction par différents moyens: aide à la mise en oeuvre, approbation des plans directeurs cantonaux, monitoring, devoir d'information des cantons et examen des projets importants23. Elle a de plus la possibilité de recourir contre des projets cantonaux ayant des effets sur l'organisation du territoire et de délimiter des zones d'affectation de caractère temporaire. Les conclusions

22 23

Lettre de l'ARE aux services cantonaux de l'aménagement du territoire et aux services cantonaux de l'agriculture du 29.6.2015 Evaluation du CPA en annexe, ch. 2.3

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du CPA sur l'usage de ces divers instruments de mise en oeuvre sont présentées brièvement ci-dessous.

2.3.1

Aide à la mise en oeuvre

L'ARE soutient et conseille les cantons dans leurs tâches de mise en oeuvre en matière de protection des terres cultivables, en particulier au moyen de l'Aide à la mise en oeuvre du plan sectoriel SDA de 2006, qui définit les critères de qualité pour la suppression de zones SDA et la conduite face à des cas particuliers; de plus, elle conseille les cantons sur des questions spécifiques. L'enquête réalisée par le CPA auprès des services cantonaux de l'agriculture et de l'aménagement du territoire montre que le soutien à la mise en oeuvre par la Confédération est largement accepté par les cantons, qui en règle générale le jugent utile24.

Comme exposé dans le chapitre précédent, l'Aide à la mise en oeuvre de 2006 n'a pas été appliquée rétroactivement et n'a donc pas entraîné de réévaluation des inventaires SDA existants. Par conséquent, les enquêtes auprès des cantons ont fait ressortir la nécessité de réactualiser les instruments de la mise en oeuvre actuels. Le CPA a en outre constaté que l'ARE n'apporte pas de réponse générale et pérenne aux questions récurrentes des cantons relatives à la mise en oeuvre; ceci se manifeste dans le fait que les nombreuses questions similaires qui lui sont adressées ne font pas l'objet d'une communication à l'extérieur25.

La CdG-N soutient donc, comme indiqué plus haut, les efforts de l'ARE en faveur d'un remaniement et d'un renforcement du plan sectoriel SDA, ainsi que le réexamen annoncé de l'Aide à la mise en oeuvre de 2006. La commission estime qu'il est nécessaire de régulièrement adapter et compléter les aides à la mise en oeuvre de l'ARE afin de clarifier les questions d'exécution qui se posent actuellement.

2.3.2

Approbation des plans directeurs cantonaux

Un autre instrument de la surveillance de la Confédération dans le domaine de la protection des terres cultivables est l'examen des plans directeurs cantonaux26 dans le cadre de la procédure d'approbation conformément à l'art. 11 LAT. Mais les exigences liées à cette protection ne constituent qu'un aspect parmi d'autres dans l'examen des plans directeurs. Les cantons sont donc tenus d'indiquer dans ces derniers les mesures qu'ils prennent pour garantir les surfaces minimales (art. 30, al. 1, OAT).

Les études de cas effectuées dans le cadre de l'évaluation du CPA montrent que la Confédération s'est principalement attachée à savoir si les SDA étaient prises en 24 25 26

Annexe au rapport du CPA, p. 146 Evaluation du CPA en annexe, ch. 5.1, et annexe au rapport du CPA, p. 152 Les cantons définissent dans leurs plans directeurs les grandes lignes de leurs activités ayant des effets sur l'organisation du territoire dans la perspective du développement qu'ils envisagent. Ils y font ressortir en particulier la manière dont ils comptent coordonner ces activités entre elles. Voir annexe au rapport du CPA, p. 41.

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considération dans la pesée des intérêts et si des mécanismes de compensation étaient définis dans le plan directeur en cas de sollicitation de SDA alors que la surface minimale d'assolement n'est plus atteinte. Elle n'a toutefois fixé aucun critère pour cette pesée des intérêts. Dans les cas étudiés, les cantons ont généralement tenu compte des objections de la Confédération concernant la protection des terres cultivables. Dans un cas cependant, le canton n'a pas respecté l'exigence de la Confédération de prendre en compte explicitement les SDA dans la pesée des intérêts; or le Conseil fédéral a malgré tout approuvé sans réserve son plan directeur, en se contentant de lui demander de corriger ce manquement lors de la prochaine adaptation du plan.

De manière générale, la CdG-N constate, au vu de l'évaluation du CPA, qu'une marge de manoeuvre considérable est laissée aux cantons pour la prise en compte de la protection des terres cultivables lors de la modification de leurs plans directeurs, dès lors que ceux-ci respectent la surface minimale d'assolement définie dans le plan sectoriel. Les lacunes et les différences dans les bases de données, déjà mentionnées plus haut, compliquent la surveillance de l'ARE dans le cadre de l'approbation des plans directeurs. De plus, comme ceux-ci ne sont pas tous révisés au même rythme et que leur stade de traitement et leur mise au point sont très variables, une surveillance homogène s'avère difficile27.

Mais la CdG-N fait aussi un constat positif: les dispositions inscrites explicitement dans le cadre de la 1re étape de la révision de la LAT semblent avoir abouti à une meilleure prise en compte de la protection des terres cultivables dans les plans directeurs cantonaux. D'une part, comme les exigences énoncées dans l'OAT pour la pesée des intérêts et l'obligation de respecter la surface minimale ont été nettement accrues, la légitimité de la Confédération à exiger que la protection des SDA figure dans les plans directeurs cantonaux et à demander la mise en oeuvre de la réglementation en question s'en trouve renforcée. D'autre part, tous les cantons sont tenus de remanier leurs plans directeurs d'ici à 2019 et d'adapter les zones à bâtir aux nouvelles dispositions. La commission invite le Conseil fédéral et les services compétents à utiliser la procédure d'approbation nécessaire à cet effet et à accorder aux questions de protection des terres cultivables un poids particulier dans les plans directeurs cantonaux.

2.3.3

Monitoring et devoir d'information des cantons

L'OAT oblige les cantons à renseigner au moins tous les quatre ans l'ARE sur les modifications qui affectent l'emplacement, l'étendue et la qualité des surfaces d'assolement (art. 30, al. 4, OAT). Elle leur demande également de communiquer à l'ARE et à l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) les modifications des plans d'affectation28 quand elles entraînent une diminution de plus de 3 ha de surfaces d'assolement (art. 46 OAT). Ces dispositions doivent entre autres permettre à la Confédération d'effectuer un monitoring de l'évolution des SDA. De plus, les rap27 28

Evaluation du CPA en annexe, ch. 5.2 Les plans d'affectation règlent le mode d'utilisation du sol; ils délimitent les zones à bâtir, les zones agricoles et les zones à protéger. Voir annexe au rapport du CPA, p. 42.

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ports des cantons constituent une base essentielle pour l'exercice du droit de recours de l'administration fédérale (voir plus bas).

Se fondant sur les déclarations concordantes des personnes entendues dans le cadre des entretiens et sur les résultats du questionnaire soumis aux services cantonaux de l'agriculture et de l'aménagement du territoire, le CPA conclut que les cantons ne satisfont que de manière lacunaire à leur devoir d'information et que les modifications ne sont pas signalées sous une forme standardisée. Seule la moitié d'entre eux signale à la Confédération les diminutions des SDA supérieures à 3 ha; un quart informe la Confédération à intervalles irréguliers ou uniquement à titre exceptionnel, un quart ne l'informe pas du tout. L'enquête révèle que les cantons transmettent plus régulièrement leur compte rendu quadriennal, mais que ce dernier n'est pas toujours complet. En règle générale, ils le joignent à leurs rapports sur les plans directeurs ou l'envoient lorsqu'ils révisent ces derniers. Dans son évaluation, le CPA indique que, comme seule une partie des cantons signale intégralement les diminutions de SDA de plus de 3 ha, les services fédéraux risquent de n'exercer effectivement leur surveillance que sur ceux qui satisfont consciencieusement à leur devoir d'information29.

La CdG-N considère que le respect très variable par les cantons de leur obligation de faire rapport et de leur devoir d'information est très problématique. Elle estime qu'il faudrait obliger les autorités compétentes à informer systématiquement l'ARE lorsque les plans d'affectation qu'ils doivent approuver affichent une réduction des surfaces d'assolement supérieure à 3 ha. De ce fait, la commission salue le fait que cet office ait récemment demandé aux cantons, en pareil cas, d'expliquer en détail comment ils ont tenu compte de la pesée des intérêts au sens de l'art. 30, al. 1bis, OAT30.

2.3.4

Droit de recours des autorités et zones d'affectation de caractère temporaire

Si l'ARE en vient à estimer que la protection des terres cultivables et notamment des SDA n'a pas été suffisamment prise en compte dans des projets ayant des effets sur l'organisation du territoire, il a, depuis 2007, la possibilité de recourir (art. 48, al. 4, OAT). Cette possibilité a également été octroyée à l'OFAG le 1er janvier 2014 (art. 34, al. 3, LAT). Pour la période comprise entre 2007 et 2014, il n'existe aucune statistique sur le nombre de fois où l'ARE a fait usage de cette possibilité; le CPA l'estime à cinq à dix au maximum. Depuis mai 2014, une douzaine de recours ont été déposés, mais ils ne concernaient pas tous la protection des terres cultivables.

Enfin, le Conseil fédéral peut intervenir en dernier recours en délimitant des zones d'affectation de caractère temporaire pour garantir les territoires particulièrement favorables à l'exploitation agricole (art. 37 LAT). Cet instrument n'a encore jamais été utilisé.

29 30

Evaluation du CPA en annexe, ch. 7.3 Lettre de l'ARE aux services cantonaux de l'aménagement du territoire et aux services cantonaux de l'agriculture du 29.6.2015, p. 6

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Pour que l'ARE et l'OFAG puissent faire usage de leur droit de recours, ils doivent être en possession d'informations complètes sur la sollicitation des SDA. Mais, comme indiqué plus haut, le devoir d'informer n'est pas toujours respecté, en particulier quand il concerne les projets qui sollicitent plus de 3 ha de SDA.

Ce problème devrait cependant perdre de son acuité à la suite de la dernière révision de la LAT. Depuis l'entrée en vigueur de la loi révisée, le 1 er mai 2014, l'ARE doit être informé de toutes les décisions concernant la délimitation de zones à bâtir d'ici à ce que les plans directeurs cantonaux aient été approuvés (art. 46, al. 1, let. a, OAT). De même, les cantons doivent notifier à l'ARE les décisions relatives à l'approbation des plans d'affectation au sens de l'art. 26 LAT et les décisions sur recours rendues par les instances inférieures lorsqu'elles concernent des modifications de ces plans entraînant une diminution des SDA de plus de 3 ha. L'ARE et l'OFAG devraient ainsi disposer de meilleures bases pour faire usage de leur droit de recours.

La CdG-N constate avec satisfaction que les dernières modifications de la LAT améliorent les conditions nécessaires à l'usage du droit de recours des autorités. La commission salue également l'annonce de l'ARE concernant sa volonté de faire plus souvent usage de son droit de recours afin de clarifier des questions de mise en oeuvre31.

2.3.5

Appréciation de la CdG-N

La CdG-N estime globalement que le Conseil fédéral et les services cantonaux compétents font preuve d'une certaine retenue dans la manière dont ils conçoivent leur rôle de surveillance en matière de protection des terres cultivables. Comme l'indique le CPA dans son rapport, l'ARE, principal responsable de cette protection, ne dispose que de 1,2 à 1,8 équivalent temps plein et donc d'insuffisamment de personnel pour assumer ce rôle32. Selon ses propres indications, il n'est donc pas à même d'examiner systématiquement tous les projets touchant les SDA pour juger de la nécessité d'un recours33. La commission se demande par conséquent si la dotation en ressources des services fédéraux compétents est à la hauteur de l'importance que revêt la fonction de surveillance incombant à la Confédération, en particulier au vu du renforcement de cette fonction depuis la 1re étape de la révision de la LAT.

De l'avis de la commission, l'évaluation du CPA montre que les informations dont disposent les services fédéraux compétents conditionnent l'efficacité de la surveillance par la Confédération. La commission juge par conséquent essentiel qu'ils demandent systématiquement aux cantons de leur faire rapport, sous une forme qui soit appropriée et permette des comparaisons, au sujet de leurs inventaires SDA et de leurs projets ayant une incidence sur celles-ci. Il n'est pas admissible que certains cantons qui respectent consciencieusement cette obligation se retrouvent désavanta-

31 32 33

Evaluation du CPA en annexe, ch. 5.4 Evaluation du CPA en annexe, ch. 5.1 Annexe au rapport du CPA, p. 168

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gés par rapport à ceux qui se soustraient à la surveillance de la Confédération en ne lui transmettant pas régulièrement leurs rapports34.

Recommandation 3: surveillance de la Confédération sur la mise en oeuvre dans les cantons La CdG-N invite le Conseil fédéral à exercer activement et pleinement sa fonction de surveillance en matière de protection des terres cultivables, ainsi qu'à exploiter systématiquement la marge de manoeuvre dont il dispose. Pour cela, il veillera notamment: a)

à renforcer et à revoir ses aides à la mise en oeuvre du plan sectoriel SDA, de façon qu'elles permettent une mise en oeuvre homogène dans les cantons et clarifient les questions récurrentes sur la mise en oeuvre, d'une manière générale et pérenne;

b)

à vérifier, dans le cadre de l'approbation, que les principales mesures relatives à la protection des terres cultivables figurent bien dans les plans directeurs des cantons;

c)

à s'assurer que les cantons présentent régulièrement un rapport à la Confédération sur les changements de situation, de superficie et de qualité des surfaces d'assolement et qu'ils déclarent systématiquement les diminutions de SDA de plus de 3 ha, dans le délai et sous la forme qui conviennent;

d)

à garantir aux services fédéraux compétents l'accès aux informations leur permettant de faire usage efficacement de leur droit de recours.

2.4

Faible importance accordée à la protection des terres cultivables dans les projets de la Confédération

La Confédération n'influe pas sur la préservation des terres cultivables en Suisse uniquement en tant que législateur et instance de surveillance; elle doit aussi, dans ses propres activités ayant des effets sur l'organisation du territoire, veiller à protéger ces terres ­ en particulier les surfaces d'assolement ­, notamment lorsqu'il s'agit de développer les infrastructures de transport et le transport de l'énergie35. Une pesée des intérêts avec les objectifs de la protection des terres cultivables doit se faire, d'une part, au niveau supérieur, dans le cadre de la procédure de plan sectoriel au sens de l'art. 13 LAT et, d'autre part, dans le cadre de la planification de projets concrets lors de l'approbation des plans.

34 35

Annexe au rapport du CPA, p. 168 Art. 3 du plan sectoriel SDA

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2.4.1

Procédure du plan sectoriel

Dans ses plans sectoriels, la Confédération définit ses tâches ayant des effets sur l'organisation du territoire (notamment transport aérien, routier et ferroviaire), en précisant l'échelonnement dans le temps et les conditions spatiales, et donne ses instructions aux autorités fédérales compétentes. Pour ce qui est de la protection des terres cultivables, on constate que ces plans ne contiennent souvent que des recommandations générales appelant à éviter les atteintes aux SDA ou à ménager ces dernières. Comme le montre le CPA dans son évaluation, de telles recommandations ne sont pas très constructives36. Il serait plus judicieux de procéder à une minutieuse pesée des intérêts et d'en attester pour les projets qui ont une incidence sur les plans sectoriels.

Le plan sectoriel des transports est particulièrement important pour la protection des terres cultivables, car le développement des routes et des voies ferrées est le principal facteur responsable de l'utilisation de ces terres par la Confédération. Le CPA souligne à ce sujet que ce plan ne contenait jusqu'ici aucune mention explicite des SDA ou des terres cultivables; mais il n'est pas encore achevé37.

L'évaluation du CPA met en évidence un autre point: bien que l'ARE soit très impliqué dans la procédure du plan sectoriel, les décisions clés sont souvent prises en amont, dans les planifications des offices et des départements ou par le Parlement, de sorte qu'il ne reste plus beaucoup de latitude pour prendre en compte les exigences relatives à la protection des terres cultivables dans la procédure.

2.4.2

Procédure d'approbation des plans

Dans une procédure d'approbation des plans, les projets de la Confédération sont définis parcelle par parcelle, avec force obligatoire pour les propriétaires fonciers.

La procédure en question consiste à vérifier si un projet de construction particulier (infrastructure ferroviaire, ligne électrique ou ouvrage militaire, par ex.) satisfait aux exigences légales. Elle n'est pas réglée dans la LAT, mais dépend de lois spéciales et diffère donc à chaque fois. La prise en compte des exigences de la protection des terres cultivables par une pesée soigneuse des intérêts y est nécessaire aussi.

Il ressort des entretiens que le CPA a menés pour son évaluation que l'ARE n'est impliqué dans les procédures d'approbation des plans qu'au moment de la consultation des offices. Or, à ce stade, des décisions fondamentales concernant les choix de variantes ont d'ores et déjà été prises et les effets sur les terres cultivables sont pour l'essentiel déterminés38.

36 37 38

Evaluation du CPA en annexe, ch. 6.1 Voir les stades de traitement de l'établissement des plans sectoriels dans l'évaluation du CPA en annexe, annexe 1.

Evaluation du CPA en annexe, ch. 6.2

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2.4.3

Appréciation de la CdG-N

Les entretiens montrent que, depuis quelques années, les principaux offices responsables de la protection des terres cultivables ­ à savoir surtout l'ARE mais aussi l'OFAG ­ sont davantage impliqués tant dans les procédures du plan sectoriel que dans celles d'approbation des plans, une nette amélioration; ces deux offices sont de plus en plus souvent associés à l'élaboration de variantes. De manière générale, la nécessité d'une coordination entre les différents offices pour le repérage et la résolution des conflits d'affectation est mieux reconnue.

La CdG-N salue cette évolution vers une implication plus précoce et plus forte des offices compétents en matière de protection des terres cultivables dans la planification des projets de la Confédération ayant une incidence sur les SDA. La commission se demande toutefois si cette plus grande participation des offices ne va pas encore accentuer le problème, indiqué plus haut, de la dotation en personnel dans la section compétente de l'ARE39. Elle estime en outre que la Confédération doit tenir compte de la protection des SDA lorsqu'elle élabore des plans sectoriels, notamment dans le cadre du plan sectoriel des transports.

Même si l'on constate que la part occupée par les projets de la Confédération dans l'utilisation totale des terres cultivables en Suisse est faible40, la CdG-N estime que la Confédération doit jouer un rôle exemplaire dans ses activités ayant une incidence sur la protection de ces terres.

Recommandation 4: prise en compte de la protection des terres cultivables dans les projets de la Confédération La CdG-N invite le Conseil fédéral à proposer des mesures permettant de renforcer la protection des terres cultivables dans les projets de la Confédération.

Ce faisant, il examinera en particulier s'il y a lieu de modifier la procédure de planification afin que les offices compétents soient impliqués suffisamment tôt.

Il garantit en outre que la Confédération tient compte de la protection des SDA lorsqu'elle élabore des plans sectoriels, notamment dans le cadre du plan sectoriel des transports.

3

Conclusions

Les terres cultivables utiles à l'agriculture en Suisse constituent une ressource rare et non renouvelable, qui joue de nombreux rôles importants, économiques comme écologiques. Au vu de l'importance de ces terres, il résulte de leur utilisation continue au profit de l'urbanisation, principalement pour la construction de logements, une nécessité urgente d'intervenir.

39 40

Voir ch. 2.3.5 L'utilisation de surfaces pour les projets d'infrastructures de transport de la Confédération s'est élevée, durant la période étudiée par le CPA, à 1253 ha, soit 2,3 % de la diminution des terres cultivables due à l'urbanisation.

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Pour la CdG-N, il ressort de l'évaluation du CPA que la législation fédérale actuelle ne protège pas suffisamment les terres cultivables, et que la Confédération et l'administration fédérale ont longtemps fait preuve d'une trop grande retenue dans l'exercice de leur fonction de surveillance. En outre, la commission est d'avis que le rapport entre l'importance que la loi accorde à la préservation des terres cultivables et à la protection des surfaces dans d'autres secteurs doit être examiné de manière approfondie au sens du postulat de la CdG-N. La commission voit toutefois deux éléments positifs: d'une part, les dispositions légales en matière de protection des surfaces d'assolement ont été renforcées lors de la 1re étape de la révision de la LAT et, d'autre part, des mesures ont été prises ou annoncées pour accroître la protection des terres cultivables. Elle invite le Conseil fédéral à tenir compte des constatations et des recommandations formulées dans le présent rapport dans le cadre du remaniement annoncé du plan sectoriel SDA, effectué par un groupe d'experts41.

La commission demande au Conseil fédéral de bien vouloir prendre position, d'ici au 15 avril 2016 au plus tard, sur les constatations et les recommandations formulées dans le présent rapport ainsi que dans l'évaluation du CPA. Elle l'invite en outre à indiquer au moyen de quelles mesures et dans quels délais il envisage de mettre en oeuvre les recommandations de la commission.

20 novembre 2015

Au nom de la Commission de gestion du Conseil national: le président, Rudolf Joder la secrétaire, Beatrice Meli Andres le président de la sous-commission DFI/DETEC, Max Binder le secrétaire de la sous-commission DFI/DETEC: David Furger

41

Lettre de l'ARE aux services cantonaux de l'aménagement du territoire et aux services cantonaux de l'agriculture du 29.6.2015

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Liste des abréviations al.

ARE art.

CdG CdG-N cf.

CPA Cst.

DETEC ha LAT let.

OAT OFAE OFAG OFS p.

RS SDA

Alinéa Office fédéral du développement territorial Article Commissions de gestion des Chambres fédérales Commission de gestion du Conseil national Voir Contrôle parlementaire de l'administration Constitution (RS 101) Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication Hectare Loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (loi sur l'aménagement du territoire; RS 700) Lettre Ordonnance du 28 juin 2000 sur l'aménagement du territoire (RS 700.1) Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays Office fédéral de l'agriculture Office fédéral de la statistique Page Recueil systématique du droit fédéral Surface d'assolement

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