16.058 Message portant approbation du protocole de 2014 à la convention no 29 concernant le travail forcé ou obligatoire du 24 août 2016

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation du protocole de 2014 à la convention n o 29 concernant le travail forcé ou obligatoire, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

24 août 2016

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Johann N. Schneider-Ammann Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2016-0430

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Condensé Le protocole concernant le travail forcé, adopté par l'Organisation internationale du travail (OIT) en 2014, modernise la convention n o 29 sur le travail forcé ou obligatoire de 1930, ratifiée par la Suisse, en vue de s'attaquer aux formes contemporaines de travail forcé, dont la traite des êtres humains.

Le protocole marque une étape majeure dans la lutte contre le travail forcé. Il constitue un engagement ferme de la part des gouvernements, des employeurs et des travailleurs pour la suppression effective et durable du travail forcé ou obligatoire.

La convention no 29 de l'OIT, ratifiée par la Suisse en 1940, est considérée comme une norme fondamentale de l'OIT. Le protocole est lié à la convention et il revêt le même caractère fondamental. Dans son message du 21 septembre 1998, le Conseil fédéral avait manifesté sa volonté de ratifier l'ensemble des normes fondamentales de l'OIT.

Tout en reconnaissant le rôle fondamental joué dans la lutte contre le travail forcé par les conventions no 29 sur le travail forcé ou obligatoire et no 105 sur l'abolition du travail forcé, le protocole renforce le cadre juridique international en créant de nouvelles obligations. Il demande aux gouvernements de prendre des mesures pour prévenir le travail forcé, protéger les victimes et leur donner accès à des mécanismes de recours et de réparations. Il souligne le rôle des employeurs et des travailleurs dans la lutte contre le travail forcé.

Le protocole laisse une certaine latitude aux Etats parties sur les mesures concrètes à prendre pour mettre en oeuvre les principes énoncés.

Le projet du présent message a été soumis à la Commission tripartite pour les affaires de l'OIT, commission extraparlementaire consultative qui regroupe les représentants de l'administration fédérale et des partenaires sociaux suisses. La Commission en a pris acte sans opposition le 26 février 2015. L'organe de pilotage du service de coordination contre la traite d'êtres humains et le trafic de migrants (SCOTT) de l'Office fédéral de la police (fedpol) a été consulté le 13 novembre 2015 et a pris acte de la ratification du protocole sans opposition.

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Message 1

Présentation du protocole

1.1

Contexte

La lutte contre le travail forcé et la promotion de l'emploi décent pour toutes les catégories de travailleurs font partie intégrante du mandat constitutionnel de l'Organisation internationale du Travail (OIT). C'est pourquoi celle-ci a adopté, moins de quinze ans après sa création en 1919, la convention n o 29 du 28 juin 1930 concernant le travail forcé ou obligatoire1 (ci-après convention no29) que la Suisse a ratifiée en 1940. La convention no 29 fait partie des huit conventions fondamentales de l'OIT qui représentent les principes et droits fondamentaux au travail. Elles constituent un socle social universellement reconnu qui oblige tous les États membres de l'OIT, même s'ils n'ont pas ratifié certaines conventions fondamentales. Le protocole est lié à la convention no 29 et il revêt également le caractère de norme fondamentale de l'OIT. Dans son message du 21 septembre 1998 relatif à la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 et à la convention (no 138) sur l'âge minimum d'admission à l'emploi, 19732, le Conseil fédéral indique que la ratification des conventions fondamentales de l'OIT s'inscrit dans le suivi du Sommet mondial pour le développement social de Copenhague (6 au 11 mars 1995) et des discussions au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), de l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) et de l'OIT sur la globalisation de l'économie, qui ont mis en évidence la nécessité pour les Etats de ratifier un certain nombre de conventions fondamentales de l'OIT. Cet engagement se justifie aujourd'hui encore et c'est dans ce contexte de cohérence des politiques que s'inscrit la ratification du protocole.

Pourtant, plus de 80 ans après l'adoption de la convention n o 29 et malgré sa ratification quasi-universelle ­ la convention a été ratifiée par 179 des 187 États membres de l'OIT à ce jour ­ le travail forcé perdure, essentiellement sous des formes différentes de celles du début du XXe siècle. Selon l'OIT, près de 21 millions de personnes au moins sont victimes du travail forcé dans le monde. De nombreux pays ont adopté des lois et des mesures pour lutter contre le travail forcé et les pratiques qui y sont associées. La persistance et la fréquence de ces violations démontrent toutefois d'importantes lacunes de mise
en oeuvre de ces mesures au niveau mondial.

Le travail forcé imposé par les autorités demeure une préoccupation dans certains pays; mais aujourd'hui, on constate surtout une croissance du travail forcé imposé par des particuliers et des entreprises qui ne respectent pas l'état de droit.

1 2

RS 0.822.713.9 FF 1999 I 475; convention no 98: RS 0.822.719.9; convention no 138: RS 0.822.723.8

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1.2

Déroulement des négociations

Une réunion organisée par l'OIT début 2013 sous présidence suisse a regroupé 23 experts gouvernementaux, employeurs et travailleurs; elle a proposé d'adopter des mesures supplémentaires pour combler les importantes lacunes restantes dans la mise en oeuvre afin d'éradiquer le travail forcé sous toutes ses formes. Les experts ont considéré que ces lacunes devraient être comblées par une action normative pour renforcer les mesures de prévention, de protection et d'indemnisation des victimes du travail forcé.

1.3

Résultat des négociations

Se basant sur les travaux des experts, la Conférence internationale du Travail (CIT) a donc adopté le 11 juin 2014, lors de sa 103 e session et avec le soutien de la Suisse selon les instructions du Conseil fédéral du 30 avril 2014, le protocole à la convention no 29 sur le travail forcé. En application de l'art. 19, par. 5, let. b, de la constitution de l'OIT, le Conseil fédéral doit soumettre au Parlement les normes adoptées lors des sessions de la CIT dans le délai d'un an en vue de les transformer en loi ou de prendre des mesures d'un autre ordre.

1.4

Aperçu du contenu du protocole

Le protocole modernise la convention no 29 de 1930, en vue de s'attaquer aux formes contemporaines de travail forcé, dont la traite des êtres humains. Constatant que le contexte et les formes du travail forcé ou obligatoire ont changé, il marque une étape majeure dans la lutte contre le travail forcé. Il constitue un engagement ferme de la part des gouvernements, des employeurs et des travailleurs pour la suppression effective et durable du travail forcé ou obligatoire.

Tout en reconnaissant le rôle fondamental joué dans la lutte contre le travail forcé par la convention no 29 et la convention no 105 du 25 juin 1957 concernant l'abolition du travail forcé3, le protocole renforce le cadre juridique international en créant de nouvelles obligations. Il demande aux gouvernements de prendre des mesures pour prévenir le travail forcé, protéger les victimes et leur donner accès à des mécanismes de recours et de réparations. Il souligne le rôle des employeurs et des travailleurs dans la lutte contre le travail forcé.

Le protocole laisse une certaine latitude aux Etats parties sur les mesures concrètes à prendre pour mettre en oeuvre les principes énoncés.

Le protocole est un traité de droit international soumis à ratification. Seuls les Etats ayant ratifié la convention no 29, à l'instar de la Suisse, peuvent ratifier le protocole.

Tout Etat membre de l'OIT qui ratifie le protocole complétant une convention s'engage à le respecter et à le mettre en oeuvre conformément aux obligations ainsi acceptées. Le protocole contient douze articles au total, dont cinq constituent des 3

RS 0.822.720.5

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dispositions finales usuelles (art. 8 à 12). Selon son art. 8, par. 2, il entre en vigueur douze mois après que les ratifications de deux membres ont été enregistrées par le Directeur général de l'OIT. Ratifié par sept Etats membres de l'OIT (Niger, le 14 mai 2015; Norvège, le 9 novembre 2015; Royaume-Uni, le 22 janvier 2016; Mauritanie, le 9 février 2016; Mali le 12 avril 2016; France, le 7 juin 2016; République Tchèque, le 9 juin 2016), le protocole entrera en vigueur le 9 novembre 2016 et, pour la Suisse, douze mois après le dépôt de son instrument de ratification.

Pour examiner le contenu du protocole, il faut se référer d'abord aux obligations internationales adoptées par la Suisse.

Le préambule du protocole précise que parmi les instruments de l'OIT, les conventions suivantes sont particulièrement pertinentes: la convention no 87 du 9 juillet 1948 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical 4, la convention no 98 du 1er juillet 1949 concernant le droit d'organisation et de négociation collective5, la convention no 100 du 29 juin 1951 concernant l'égalité de rémunération entre la main-d'oeuvre masculine et la main-d'oeuvre féminine pour un travail de valeur égale6, la convention no 111 du 25 juin 1985 concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession7, la convention no 138 du 26 juin 1973 concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi8, la convention no 182 du 17 juin 1999 concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination9, la convention no 97 sur les travailleurs migrants (révisée), la convention no 143 sur les travailleurs migrants, la convention no 189 du 16 juin 2011 concernant le travail décent des travailleuses et travailleurs domestiques10, la convention no 181 sur les agences d'emploi privées, la convention n o 81 du 11 juillet 1947 sur l'inspection du travail dans l'industrie et le commerce 11 et la convention no 129 sur l'inspection du travail dans l'agriculture. Parmi d'autres instruments de l'OIT, non soumis à ratification, le préambule relève également la pertinence de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail (1998) et de la Déclaration de l'OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable (2008), adoptées par la CIT pour
édicter une déclaration formelle faisant autorité et pour réaffirmer l'importance que les constituants attachent à certains principes et valeurs. Parmi les conventions de l'OIT mentionnées, la Suisse a ratifié les huit conventions fondamentales (no 29, no 87, no 98, no 100, no 105, no 111, no 138, no 182) et les conventions no 81 et no 189. Les deux déclarations ont été présentées aux Chambres fédérales12.

D'autres instruments internationaux pertinents sont identifiés dans le préambule, en particulier la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques 13, qui maintient 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13

RS 0.822.719.7 RS 0.822.719.9 RS 0.822.720.0 RS 0.822.721.1 RS 0.822.723.8 RS 0.822.728.2 RS 0.822.728.9 RS 0.822.719.1 FF 2000 292 357, 2012 3921 3967 RS 0.103.2

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l'interdiction du travail forcé comme garantie absolue des droits de l'homme, le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels14, la Convention du 25 septembre 1926 relative à l'esclavage 15, la Convention complémentaire du 7 septembre 1956 relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage 16, la Convention du 15 novembre 2000 des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée17 et le Protocole additionnel du 15 novembre 2000 visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants 18 (ci-après protocole de Palerme) et le Protocole du 15 novembre 2000 contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer19, la Convention internationale du 18 décembre 1990 sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants20, la Convention du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes21 et la Convention du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées22.

La Suisse a adhéré à tous ces instruments internationaux, à l'exception de la convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990). La Suisse a également adhéré à la Convention du 16 mai 2005 du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains 23.

Il faut ensuite examiner le protocole à la lumière des textes législatifs et réglementaires suisses pertinents, notamment: le code pénal (CP)24, le code civil (CC)25, le code des obligations (CO)26; le code de procédure pénale (CPP)27, la loi fédérale du du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr) 28, la loi du 23 mars 2007 sur l'aide aux victimes (LAVI)29, la loi du 13 mars 1964 sur le travail (LTr)30 et ses ordonnances; la loi du 23 décembre 2011 sur la protection extraprocédurale des témoins (Ltém) 31, la loi du 8 octobre 1999 sur les travailleurs détachés (LDét) 32, la loi fédérale du 11 avril 1989 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) 33, l'ordonnance du 23 octobre 2013 contre la traite des êtres humains34; l'ordonnance du 20 octobre 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34

RS 0.103.1 RS 0.311.37 RS 0.311.371 RS 0.311.54 RS 0.311.542 RS 0.311.541 RS 0.105 RS 0.108 RS 0.109 RS 0.311.543 RS 311.0 RS 210 RS 220 RS 312.0 RS 142.20 RS 312.5 RS 822.11 RS 312.2 RS 823.20 RS 281.1 RS 311.039.3

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2010 sur le contrat-type de travail pour les travailleurs de l'économie domestique (CTT économie domestique)35; les contrats types cantonaux; l'ordonnance du 6 juin 2011 sur les domestiques privés(ODPr)36; la loi fédérale du 6 octobre 1989 sur le service de l'emploi et la location de services (LSE)37; la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics (LMP)38; la loi du 21 juin 1996 sur l'imposition des huiles minérales (Limpmin)39 et l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA) 40.

En outre, la recommandation no 203 sur des mesures complémentaires en vue de la suppression effective du travail forcé complète le protocole et la convention n o 29.

Elle a été adoptée par la CIT avec le soutien de la Suisse, en même temps que le protocole.

Cette recommandation est un instrument non contraignant qui n'est pas soumis à ratification, mais qui sert à guider l'action politique en vue de la mise en oeuvre de la convention no 29 et du protocole. Elle contient des orientations concrètes pour la conception et la mise en oeuvre de mesures efficaces visant à prévenir le travail forcé, à protéger les victimes et à leur donner accès à des mécanismes de réparations.

Le texte de la recommandation est présenté à l'Assemblée fédérale pour information.

1.5

Appréciation

Le travail forcé est une violation des droits de l'homme et de la dignité de millions d'hommes et de femmes, de filles et de garçons. Il contribue à perpétuer la pauvreté, il est contraire à une concurrence loyale entre les employeurs et il fait obstacle à la réalisation du travail décent dans le monde entier. Actuellement, le nombre des victimes du travail forcé dans le monde est évalué à 21 millions et l'OIT estime que les formes modernes d'esclavage génèrent 150 milliards de dollars de profits illégaux chaque année dans l'économie privée.

Le protocole réaffirme la définition du travail forcé ou obligatoire de la convention no 29: «[...] le terme travail forcé ou obligatoire désignera tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré». En réaffirmant cette définition, la CIT a voulu préciser que les mesures visées par le protocole doivent inclure une action spécifique contre le travail forcé ou obligatoire résultant de la traite des personnes.

La conférence a sciemment renoncé à parler de «traite des personnes à des fins d'exploitation du travail» car, dans le contexte de l'OIT, des conditions d'exploitation (bas salaires, heures de travail excessives, etc.) ne sont pas néces35 36 37 38 39 40

RS 221.215.329.4 RS 192.126 RS 823.11 RS 172.056.1 RS 641.61 RS 142.201

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sairement constitutives de travail forcé, ce dernier impliquant nécessairement la coercition.

Le protocole de Palerme, ratifié par la Suisse, précise que «l'expression désigne le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d'autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre aux fins d'exploitation. L'exploitation comprend, au minimum, l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le prélèvement d'organes».

Les définitions du travail forcé et de la traite des êtres humains se recoupent dans une grande mesure. Il existe cependant des formes de travail forcé qui ne résultent pas de la traite (par ex. le travail obligatoire dans les prisons et certains cas de servitude pour dettes) et des formes de traite des personnes qui n'entrent pas dans la définition du travail forcé (par ex. traite des personnes à des fins de prélèvement d'organes et certains cas de mariage forcé ou d'adoption forcée).

Compte tenu des définitions ci-dessus, le Conseil fédéral analyse les dispositions du protocole en partant du principe que les situations de travail forcé dans l'économie privée sont couvertes par la définition de traite des êtres humains. Les mesures prises au titre de la lutte contre la traite des êtres humains couvrent également la lutte contre le travail forcé telle que visée par le protocole. L'analyse ci-après se réfère ainsi directement aux mesures pertinentes prises en Suisse dans le contexte de la lutte contre la traite des êtres humains.

Vu que le protocole constitue un traité du droit international qui contient des dispositions importantes fixant des règles de droit, il est sujet au référendum (cf. ch. 5.2).

La question d'une éventuelle procédure de consultation s'est posée dans les termes suivants.

Les traités internationaux de l'OIT revêtent un caractère spécial à cause de la structure tripartite de l'organisation, en vertu de laquelle il
n'est pas nécessaire de lancer une consultation conformément à l'art. 3, al. 1, let. c, de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation (LCo)41. En effet, les partenaires sociaux ont participé directement à l'élaboration du protocole et ont voté son adoption. Aucune information nouvelle n'est donc à attendre puisque les positions des milieux intéressés sont déjà connues (art. 3a, al. 1, let. b, LCo). Les traités de l'OIT sont adoptés dans le cadre d'une procédure de «double discussion» pendant deux sessions successives de la CIT. La ratification n'a lieu qu'après que l'Assemblée fédérale a donné son approbation. Ces principes sont issus de la constitution de l'OIT, ratifiée par la Suisse, et restent donc applicables. En outre, le projet du présent message a été soumis à la Commission fédérale tripartite pour les affaires de l'OIT, commission extraparlementaire consultative qui regroupe des représentants de l'administration fédérale et des partenaires sociaux suisses. La commission en a pris acte sans opposition le 26 février 2015.

41

RS 172.061

6800

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L'organe de pilotage du service de coordination contre la traite d'êtres humains et le trafic de migrants (SCOTT) du fedpol a été consulté le 13 novembre 2015 et a pris acte de la ratification du protocole sans opposition.

1.6

Versions linguistiques du protocole

Les versions authentiques du protocole sont établies en anglais et en français. Les versions allemande et italienne sont la traduction officielle rédigée par l'OIT en accord avec les pays concernés.

2

Commentaire des dispositions

Art. 1 L'art. 1 définit les objectifs du protocole, à savoir l'adoption par les Etats parties de mesures efficaces pour prévenir et éliminer le recours au travail forcé ou obligatoire, assurer aux victimes une protection et un accès à des mécanismes de recours et de réparation appropriés tels que l'indemnisation, et réprimer les auteurs de travail forcé ou obligatoire.

Pour atteindre ces objectifs, tout Etat partie doit élaborer ­ en consultation avec les organisations d'employeurs et de travailleurs ­ une politique nationale et un plan d'action national visant la suppression effective et durable du travail forcé ou obligatoire. Le cas échéant, les autorités étatiques compétentes se coordonnent avec les organisations d'employeurs et de travailleurs ainsi qu'avec d'autres groupes intéressés.

Enfin, l'art. 1 réaffirme la définition du travail forcé ou obligatoire qui figure dans la convention no 29 (cf. ch. 1.5) et précise que les mesures visées dans le protocole doivent inclure une action spécifique contre la traite des personnes à des fins de travail forcé.

La lutte contre la traite des êtres humains en Suisse repose sur la définition internationale contenue dans l'art. 3 du protocole de Palerme à la Convention des Nations Unies du 15. novembre 2000 contre la criminalité transnationale organisée. La Suisse a ratifié le protocole de Palerme en octobre 2006 et a simultanément adapté à cette définition les dispositions du CP réprimant la traite des êtres humains. En Suisse, la traite d'êtres humains est punie par l'art. 182 CP, qui sanctionne toutes les formes de traite d'êtres humains conformément à la définition internationale susmentionnée. Un acte unique à l'encontre d'une seule personne constitue déjà une infraction. La peine privative de liberté prévue peut aller jusqu'à 20 ans. Si la victime est mineure ou si l'auteur fait métier de la traite d'êtres humains, la sanction est une peine privative de liberté d'un an au moins. En matière de traite d'êtres humains, le consentement éventuel de la victime à l'exploitation envisagée n'est pas déterminant lorsque la situation économique précaire de la victime a été utilisée pour obtenir son consentement. La traite d'êtres humains à des fins d'exploitation effectuée à titre professionnel est punie par l'art. 182 CP et l'encouragement à la prostitu6801

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tion est interdit par l'art. 195 CP, ce qui permet de sanctionner des rapports de travail qui ont pour objet de forcer une personne à la prostitution malgré son opposition ou de la maintenir dans la prostitution.

La lutte contre la traite des êtres humains ne réside pas uniquement dans la poursuite des auteurs, mais constitue un défi multidisciplinaire qui accorde une place centrale au soutien des victimes. C'est pourquoi la Suisse s'est doté d'une stratégie et d'un plan d'action national. La stratégie de lutte contre la traite des êtres humains repose sur quatre piliers: prévention, poursuite pénale des auteurs, protection des victimes et partenariats. Les compétences en la matière relèvent tantôt de la Confédération, tantôt des cantons. Le SCOTT, dont le bureau de direction permanent est rattaché à fedpol, garantit, au niveau suisse, une action coordonnée de lutte contre la traite des êtres humains en élaborant des instruments et des stratégies, en mettant les acteurs de cette lutte en réseau, en analysant la situation et en transmettant des informations.

Le plan d'action national permet à la Suisse de se conformer à la tendance observée au niveau international. Cette dernière consiste à présenter les mesures à prendre au niveau national dans des plans d'action pour informer le public de manière détaillée sur les objectifs stratégiques et les efforts entrepris contre la traite des êtres humains.

Pour ce qui touche la servitude pour dette, notre législation assure en général la protection de la personnalité aux art. 27 et 28 CC et, plus spécifiquement, celle du travailleur à l'art. 328 CO. Alors que le paiement d'un salaire est garanti à l'art. 320, al. 2, CO pour tout travail qui, selon les circonstances, ne doit être fourni que contre rémunération, la retenue sur le salaire et la compensation du salaire avec des créances de l'employeur sont restreintes (art. 323a, al. 2, et 323b, al. 2, CO). La LTr règle les conditions de travail et les mesures d'hygiène et de santé qui doivent être prises et respectées par l'employeur dans les entreprises soumises à la loi. Du point de vue du CP, l'art. 157, qui punit l'usure et l'art. 181, qui interdit la contrainte, pourraient s'appliquer. En droit civil, l'art. 21 CO (lésion) permet d'invalider un contrat en cas de disproportion évidente des prestations
fondée sur l'exploitation de la gêne, de la légèreté ou de l'inexpérience. De même, les art. 29 et 30 CO permettent d'invalider un contrat conclu en raison d'une menace pesant sur la personne ou les biens d'une partie. Enfin, en matière de poursuite pour dette et faillite, certains biens restent insaisissables (art. 92 LP): la saisie ne doit pas priver le débiteur et sa famille des moyens d'existence indispensables. La LP déclare certains biens insaisissables et l'office des poursuites édicte des normes d'insaisissabilité qui donnent des indications pour le calcul du minimum vital. En revanche, les biens relativement saisissables (comme le salaire) peuvent être saisis, déduction faite de «ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille» (art. 93 LP), ce qui est considéré comme le minimum vital. Enfin, en Suisse, il n'est pas possible de naître endetté et en situation de servitude pour des dettes contractées par ses ascendants.

En conséquence, la servitude pour dettes n'est pas possible en Suisse. En plus, la LP garantit que l'exercice de la contrainte soit le fait des seuls organes étatiques.

Les autres aspects relatifs à la LDét et la LSE sont exposés en relation avec l'art. 2 du protocole.

Pour ce qui touche le travail dans les prisons, les art. 81à 83 CP réglementent les conditions de travail des détenus dans les prisons suisses. Le détenu est astreint au travail et ce travail doit correspondre, autant que possible, à ses aptitudes, à sa for6802

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mation et à ses intérêts. Le détenu reçoit pour son travail une rémunération en rapport avec ses prestations et adaptée aux circonstances. Pendant l'exécution de la peine, le détenu peut disposer librement d'une partie de sa rémunération. Une part du pécule (1/6 à 1/3) demeure sur un compte bloqué jusqu'à la libération du détenu, la même proportion est retenue sur un compte pour des dépenses liées à la libération et le reste est à la libre disposition du détenu. S'il y consent et si son statut ou le mode d'exécution de la peine le permet, le détenu condamné peut être occupé auprès d'un employeur privé, sur la base d'un contrat de travail ordinaire. Ainsi, le travail fait partie intégrante du traitement du détenu condamné et vise en priorité sa réintégration et de sa réinsertion sociale en l'occupant, en le formant, en lui donnant le goût d'une activité régulière. Il se peut également que les détenus travaillent en prison pour le compte d'une entreprise privée. Les conditions de travail dans l'atelier d'un établissement de détention sont soumises au contrôle des services sanitaires et pénitentiaires, sous responsabilité de l'organe cantonal responsable de l'exécution des peines.

Les travailleurs domestiques sont considérés comme particulièrement vulnérables au travail forcé. En Suisse, les conditions de travail des domestiques du personnel diplomatique sont réglementées par l'ODPr. Les autres travailleurs domestiques occupés dans notre pays sont soumis aux dispositions du CO et aux divers CTT en vigueur aux plans fédéral et cantonal. Enfin, la Suisse a ratifié le 12 novembre 2014 la convention no 189 de l'OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques.

Les milieux intéressés et les associations faitières sont consultés dans le cadre des procédures d'élaboration législative en matière de lutte contre la traite des êtres humains. Enfin, pour mettre en oeuvre les consultations avec les associations des partenaires sociaux telles demandées par la convention, le Secrétariat d'état à l'économie (SECO) assurera la coordination nécessaire avec la commission tripartite pour les affaires de l'OIT placée sous ses auspices. L'organe de pilotage du SCOTT assure la coordination des aspects multidisciplinaires.

Art. 2 L'art. 2 aborde les mesures qui doivent être prises au titre de la prévention du travail
forcé ou obligatoire.

En Suisse, les mesures de prévention prises dans le contexte de la lutte contre la traite des êtres humains sont avant tout pertinentes pour l'économie privée.

L'interdiction du travail forcé exercé par les autorités n'appelle pas de mesures particulières en matière de prévention.

D'une manière générale, la Confédération s'engage pour que le travail de prévention et de sensibilisation soit effectué en permanence et sur le long terme pour lutter contre la traite des êtres humains.

Avec l'ordonnance du 23 octobre 2013 contre la traite des êtres humains, la Suisse s'est dotée d'une base juridique globale qui permet à la Confédération de prendre des mesures de prévention elle-même, ou de soutenir des mesures mises en oeuvre par des organisations de la société civile. Depuis 2015, 400 000 francs sont mis à disposition chaque année à cette fin. Sur cette somme, 300 000 francs sont destinés aux organisations de la société civile qui s'engagent contre la traite des êtres hu6803

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mains. Les 100 000 francs restants sont affectés à des mesures individuelles liées à un projet déterminé.

La plate-forme d'information du bureau du SCOTT permet également de mettre de la documentation utile à disposition des services stratégiques et opérationnels, et une attention particulière est portée à l'exploitation du travail, domaine dans lequel un outil en cours d'élaboration clarifiera la notion d'exploitation du travail et présentera les mesures de lutte appliquées en Suisse contre ce phénomène. Ce document constituera un instrument de travail destiné à l'utilisation pratique et sert à reconnaître les cas d'exploitation du travail.

En ce qui concerne l'information des victimes potentielles, les efforts de la Suisse ne se limitent pas au territoire national. La Suisse est un pays de destination et de transit pour la traite des êtres humains, et des mesures préventives spécifiques sont prises également à l'étranger. Des projets et des programmes à cette fin sont soutenus par la Suisse, et ils sont mis en oeuvre dans les pays d'origine par des services partenaires (organisations internationales et ONG) en étroite collaboration avec les autorités locales concernées. Par exemple, des projets sont financés dans les Etats de l'UE par la contribution à l'élargissement. Ils visent à renforcer des services de l'Etat ou la société civile dans la lutte contre la traite d'êtres humains. Ces projets concernent prioritairement la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie. Dans les pays d'origine, l'accent est mis sur des projets qui visent à protéger les victimes potentielles de manière préventive afin d'éviter qu'elles ne tombent dans l'engrenage de la traite d'êtres humains, contribuant ainsi à une diminution du nombre de victimes dans les pays de destination comme la Suisse.

Pour ce qui touche la mise en oeuvre de l'ODPr, les employeurs qui bénéficient de privilèges et d'immunités et leurs employés sont clairement informés sur les conditions en vigueur dans notre pays. Ils sont tenus de signer un contrat de travail écrit, sur le modèle établi par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Les domestiques privés sont reçus personnellement à la représentation suisse dans le cadre de la procédure d'octroi du visa puis soit à la Mission de Genève soit au service du protocole du DFAE à Berne dès
leur arrivée sur territoire helvétique. Ces services s'assurent que les domestiques privés ont compris le contenu de leur contrat ainsi que les droits et devoirs y afférents, et ils leur indiquent à qui s'adresser en cas de difficultés ou de questions.

En ce qui concerne le champ d'application de la législation pertinente en matière de prévention du travail forcé ou obligatoire, il y a en Suisse un socle de protection relativement étendu pour tous les rapports de travail, indépendamment du secteur.

En effet, les règles du CO relatives au contrat de travail s'appliquent quel que soit le secteur concerné. Bien que certaines catégories de travailleurs et d'entreprises soient exclues du champ d'application de la législation de droit public en matière de protection des travailleurs, celle-ci couvre de très larges secteurs de notre économie.

Les conventions collectives de travail (CCT), librement négociées par les organisations de travailleurs et par les employeurs, ne couvrent que certaines branches. Le contrat-type de travail (CTT) est édicté pour les secteurs dépourvus de CCT et dans lesquels on observe une sous-enchère abusive et répétée par rapport aux salaires usuels.

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En ce qui concerne la prévention des situations de travail forcé qui résultent de pratiques frauduleuses au cours du recrutement et du placement, les activités de placement sont réglementées par la LSE et ses ordonnances. Les activités de placement sont soumises à autorisation. Les montants de la taxe d'inscription et de la commission de placement à charge du demandeur d'emploi sont limités par la loi.

En outre, les indemnités pour prestations de services spéciales, par exemple les frais de transport, doivent être facturées au coût effectif. Des sanctions sont prévues en cas d'infractions. Le placement direct de l'étranger en Suisse est illicite. Il est donc punissable pénalement, tant pour le placeur étranger que pour son client en Suisse.

Ainsi, un placeur étranger est tenu de collaborer avec un placeur autorisé sis en Suisse, s'il recrute des travailleurs pour un employeur en Suisse. Le partenaire autorisé en Suisse doit alors garantir un service de placement satisfaisant aux règles de la profession. Par la responsabilisation du client final et du placeur partenaire autorisé, la législation suisse sur le placement tend aussi à protéger efficacement les demandeurs d'emploi recrutés à l'étranger.

La LDét a pour but de prévenir que l'exécution de mandats par des travailleurs détachés n'entraîne une sous-enchère salariale ou sociale au détriment des travailleurs en Suisse. Dans ce but, elle établit les conditions minimales de travail et de salaire qui doivent être garanties aux travailleurs détachés de l'UE et des Etats tiers en leur déclarant applicable un certain nombre de normes en vigueur en Suisse. Le catalogue des normes à respecter et des domaines concernés correspond à celui de la directive 96/71/CE42, à savoir: durée du travail et du repos, durée minimale des vacances, rémunération minimale, sécurité, santé et hygiène au travail, protection des femmes enceintes ou accouchées, des enfants et des jeunes et égalité de traitement entre hommes et femmes.

La suppression du statut d'artiste de cabaret est effective depuis le 1 er janvier 2016 (révision du 22 octobre 201443 de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA)44). Le délai transitoire d'un peu plus d'un an permet aux établissements et agences de placement concernés
de se préparer au changement. La suppression du statut s'accompagne de différentes mesures visant à protéger les femmes. Le personnel des représentations suisses à l'étranger sera sensibilisé à cette question et le travail d'information sur place sera intensifié. En Suisse, le soutien apporté au travail de prévention des organisations de protection des femmes a été renforcé par l'adoption de l'ordonnance du 18 novembre 2015 sur les mesures de prévention des infractions liées à la prostitution45, en vigueur depuis le 1er janvier 2016. Une révision de la LEtr est en préparation. Les personnes qui, dans le cadre de leur activité lucrative, sont victimes d'infractions au sens de la LAVI auront la possibilité de solliciter l'aide au retour ou une réglementation de leur séjour.

42

43 44 45

Directive 96/71/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services, JO L 18 du 21.1.1997, p. 1 RO 2014 3541 RS 142.201 RS 311.039.4

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En ce qui concerne l'appui à la diligence raisonnable pour prévenir les risques de travail forcé, il y a lieu de distinguer entre l'appui apporté aux secteurs public et celui apporté au secteur privé. Pour le secteur public, la Confédération fixe des exigences minimales en matière de conditions de travail et de protection des travailleurs dans le contexte de ses achats publics (art. 8, al. 2 LMP et 7 de l'ordonnance du 11 décembre 1995 sur les marchés publics46), dans le cadre de la promotion des biocarburants (art. 12b Limpmin), ainsi que dans le cadre le la loi du 16 décembre 2005 sur l'Assurance suisse contre les risques à l'exportation47. La Confédération sensibilise le secteur privé dans le cadre d'un dialogue régulier avec les entreprises sur les questions de responsabilité sociale, et elle soutient les solutions privées qu'offrent les labels et autres codes de conduite pour permettre aux entreprises exemplaires de communiquer leur engagement.

Enfin, la Suisse est également active contre les causes profondes et les facteurs qui accroissent le risque de travail forcé. Elle s'engage en particulier pour améliorer le niveau global d'éducation et pour combattre la pauvreté, notamment par le biais de projet de coopération, mais aussi en participant activement à la recherche de solutions sur le plan multilatéral.

Art. 3 L'art. 3 aborde les aspects relatifs à la protection des victimes. Il prévoit que tout Etat partie au protocole doit prendre des mesures efficaces pour identifier, libérer et protéger toutes les victimes de travail forcé ou obligatoire et pour permettre leur rétablissement et leur réadaptation, ainsi que pour leur prêter assistance et soutien sous d'autres formes. Il contient essentiellement des objectifs sans détailler les mesures à prendre.

Les mesures de protection des victimes ont pour but d'identifier les personnes exploitées, de les aider à sortir de leur situation d'exploitation et à faire valoir leurs droits, de leur accorder l'aide aux victimes, de régler leur situation de séjour, de les protéger des auteurs des infractions et, enfin, de les réintégrer dans la société et de veiller à ce qu'elles ne retombent pas dans la spirale de la traite d'êtres humains. Les victimes ont en outre droit à des dommages-intérêts et à une réparation pour le tort subi. Les victimes de la
traite des êtres humains, notamment celles exploitées sexuellement de manière durable, se retrouvent en état de précarité une fois libérées de leur situation de contrainte. Elles ont des besoins spécifiques qui requièrent une assistance spécialisée, compte tenu des circonstances et vulnérabilités particulières à la traite des êtres humains.

La notion de «victime de travail forcé» n'est pas définie plus avant, ni dans le protocole ni dans la convention no 29. Les études élaborées par les organes de contrôle de l'OIT en matière de travail forcé n'apportent pas non plus d'indication à cet égard.

Compte tenu de la définition du travail forcé retenue par l'OIT, telle que rappelée en début du présent message (le terme travail forcé ou obligatoire désignera tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel 46 47

RS 172.056.11 RS 946.10

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ledit individu ne s'est pas offert de plein gré), on peut partir de l'idée que toute personne qui est en situation de travail forcé ou obligatoire est présumée victime.

En Suisse, les bases légales réglant la protection des victimes sont réparties dans différentes lois fédérales et législations cantonales. Les dispositions essentielles se trouvent dans la LAVI et dans la LEtr. Des dispositions relatives à la protection des victimes et des témoins se trouvent en outre dans le CPP et dans la Ltém.

Au sens de la LAVI, toute personne qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle (victime) a droit au soutien prévu par la loi (aide aux victimes). Bien que la LAVI contienne une définition de la victime un peu plus exigeante, elle présuppose une infraction (par ex. la contrainte au sens de l'art. 181 CP ou la traite des êtres humains au sens de l'art. 182 CP).

Alors les victimes de travail forcé en Suisse peuvent tomber, dans les faits, sous le coup de la définition de victime au sens de la LAVI. Le travail forcé est une restriction de liberté passible de sanctions pénales (art. 180 à 184 CP). Quant à l'atteinte à l'intégrité, les conditions inhérentes au travail forcé (absence de consentement, menace, coercition) impliquent, dans les faits, une atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle.

L'aide, à laquelle ont également accès les proches de la victime, comprend les principales prestations suivantes: des conseils, une aide immédiate et une aide à plus long terme ­ par exemple d'ordre médical, psychologique ou juridique ­ et des prestations financières. Les personnes victimes d'une infraction à l'étranger peuvent également bénéficier de l'aide mais à des conditions plus restrictives.

Un cas ­ improbable ­ dans lequel la LAVI ne s'appliquerait pas serait celui où le seul préjudice subi par la personne soumise au travail forcé est la confiscation du fruit de son travail (préjudice économique exclusivement). Dans ce cas, ce sont les dispositions pertinentes du CP et du CO, voire du CC, qui trouvent application.

On ne peut exclure que des personnes en provenance de l'espace EU/AELE et séjournant légalement en Suisse soient ou deviennent victimes de la traite des êtres humains. Toutefois, les victimes de traite des êtres humains et
de travail forcé séjournent dans la majorité des cas illégalement en Suisse. A cet égard, la LEtr prévoit des dérogations aux conditions d'admission usuelles, notamment dans le but de régler le séjour des victimes ou des témoins de la traite d'êtres humains et des personnes qui coopèrent avec les autorités de poursuite pénale dans le cadre d'un programme de protection des témoins mis en place en Suisse, dans un Etat étranger ou par une cour pénale internationale. La LEtr permet également un examen au cas par cas afin de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs. L'OASA prévoit également la possibilité d'exercer une activité lucrative pour les victimes et les témoins de traite des êtres humains qui coopèrent avec les autorités de poursuite pénale.

La LEtr règle également des programmes d'aide au retour et à la réintégration. Les victimes ou témoins de traite des êtres humains, ainsi que les artistes de cabaret qui ont été exploités en Suisse peuvent accéder à ces programmes.

Entrée en vigueur le 1er janvier 2013, la Ltém instaure les bases légales et les structures permettant de mettre en place des programmes de protection de témoins en faveur des personnes menacées dans le cadre de procédures pénales de la Confédéra6807

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tion et des cantons. Cette tâche est confiée au Service de protection des témoins, rattaché à fedpol. Ce service veille à ce que les personnes menacées collaborant dans le cadre d'une procédure pénale menée au niveau fédéral ou cantonal puissent aussi bénéficier d'une protection en dehors des actes de procédure à proprement parler et même après la clôture d'une procédure. Ces mesures de protection sont cruciales dans l'optique d'une condamnation des auteurs, pour laquelle le témoignage des victimes est souvent déterminant.

Enfin, en ce qui concerne l'identification et la libération des victimes, il s'agit de souligner diverses mesures prises au cours des dernières années. Un groupe de travail a été constitué au niveau des polices cantonales, permettant d'améliorer la coordination de la lutte contre cette forme de criminalité au niveau national. Des formations spécialisées de lutte contre la traite des êtres humains ont été mises sur pied, destinées notamment aux collaborateurs des autorités de migrations, des ministères publics et des corps de police. Ces formations sont des éléments importants de la stratégie de lutte contre la traite des êtres humains et elles seront poursuivies, notamment dans le but d'assurer les interconnections avec les autres acteurs de la lutte contre la traite des êtres humains et la prise en compte des besoins spécifiques des victimes mineures. Si une victime mineure n'est pas accompagnée d'une personne détenant l'autorité parentale, elle est considérée comme une personne mineure non accompagnée. Dans les cas où un mineur est victime de la traite d'êtres humains, la protection de l'enfance et la protection des victimes se recoupent. Des recommandations facilitent les décisions concernant le bien-être et l'avenir de l'enfant. Enfin, le SCOTT veille au développement et à la mise en oeuvre de mesures stratégiques contre la traite des êtres humains à l'échelle suisse. La lutte opérationnelle nécessite la mise en place de tables rondes interdisciplinaires au niveau cantonal et l'adoption de conventions de coopération par lesquelles les autorités et services compétents consignent leurs tâches, leurs interfaces et les mesures de mise en oeuvre dans des conventions de coopération. Plus de la moitié des cantons suisses possèdent à l'heure actuelle une table ronde et la nécessité
de créer des tables rondes dans tous les cantons est poursuivie.

Il s'agit toutefois de garder à l'esprit que la libération des victimes dans le contexte de la traite est particulière, car elle ne peut se faire sans leur coopération. Celle-ci peut parfois être difficile à obtenir, en raison des menaces qui pèsent sur les victimes et leur famille, et de la méfiance des autorités due à leur possible statut de séjour illégal et de leur méconnaissance des institutions locales.

Art. 4 L'art. 4 aborde les mécanismes de recours et de réparation. Aux termes de cette disposition, tout Etat partie au protocole doit veiller à ce que toutes les victimes de travail forcé ou obligatoire, indépendamment de leur présence ou de leur statut juridique sur le territoire national (par ex. en situation de séjour illégal), aient effectivement accès à des mécanismes de recours et de réparation appropriés et efficaces, tels que l'indemnisation. De plus, tout Etat partie au protocole doit, conformément aux principes fondamentaux de son système juridique, prendre les mesures nécessaires pour que les autorités compétentes ne soient pas tenues d'engager des poursuites ou d'imposer des sanctions à l'encontre de victimes de travail forcé ou obli6808

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gatoire pour avoir pris part à des activités illicites qu'elles auraient été contraintes de réaliser et qui seraient une conséquence directe de leur soumission au travail forcé ou obligatoire.

Aux termes de la LAVI, les personnes qui ont subi, en Suisse, du fait d'une infraction, une atteinte directe à leur intégrité corporelle, sexuelle ou psychique, bénéficient d'un soutien et d'une aide, et ce indépendamment de leur nationalité et de leur statut de séjour. Les victimes de la traite d'êtres humains peuvent demander de l'aide auprès de centres de consultation publics ou privés. Ces derniers offrent un service de conseil et une aide médicale, psychologique, sociale, matérielle et juridique. Conformément au CPP, les victimes d'infractions témoignant au cours de la procédure pénale disposent également d'une série de droits procéduraux liés à la protection des témoins et des victimes. Depuis le 1 er janvier 2013, la Ltém et son ordonnance du 7 novembre 201248 ainsi que le Service de protection des témoins permettent de protéger si nécessaire les témoins intervenant dans les procédures pénales de la Confédération et des cantons, également en dehors des actes de procédure à proprement parler et après la clôture de la procédure. De plus, les dispositions pertinentes du CP et du CC (protection de la personnalité) permettent à la victime de demander qu'une indemnité et une réparation morale lui soit accordée.

Un aspect important de l'aide aux victimes est la régularisation du séjour. Cette dernière se fonde depuis 2008 sur les dispositions du droit des étrangers. Une fois que la victime n'est plus exploitée, elle peut se voir accorder un délai de réflexion de 30 jours pendant lequel elle peut reprendre des forces et réfléchir à l'éventualité de coopérer avec les autorités de poursuite pénale. Une fois ce délai écoulé et si elle est disposée à coopérer avec les autorités, la victime peut recevoir une autorisation de séjour pour la durée de l'enquête et de la procédure judiciaire. Ce séjour peut être prolongé dans des cas individuels d'extrême gravité (art. 36, al. 6, OASA). Si la victime ne souhaite pas faire de déclaration mais que sa situation personnelle s'oppose toutefois à son retour dans son pays d'origine, une telle autorisation peut lui être octroyée (cas d'une extrême gravité). La victime peut
également être admise provisoirement si l'exécution de son renvoi ou son expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (art. 36, al. 6, OASA et 83 LEtr).

Si l'infraction a été commise à l'étranger, les prestations des centres de consultation sont accordées sous certaines conditions; la victime a droit à une aide si elle était domiciliée en Suisse au moment des faits et au moment où elle a introduit sa demande; l'aide peut également être apportée aux proches, s'ils étaient, de même que la victime, domiciliés en Suisse au moment des faits et au moment où ils ont introduit leur demande. En principe, aucune indemnité ni réparation morale n'est accordée. L'aide est seulement accordée lorsque l'Etat sur le territoire duquel l'infraction a été commise ne verse aucune prestation ou verse des prestations insuffisantes.

En matière d'indemnisation, la victime de la traite des êtres humains peut intervenir dans la procédure pénale en faisant valoir ses prétentions civiles, devenant ainsi partie plaignante. Dans l'hypothèse d'un jugement, le tribunal pénal doit aussi se prononcer sur les prétentions civiles. Dans le cas où le jugement complet des préten48

RS 312.21

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tions civiles exigerait un travail disproportionné, le tribunal pénal peut se limiter à adjuger l'action civile dans son principe et renvoyer la victime devant les tribunaux civils pour le reste. Dans la pratique, un dédommagement intégral de la victime de la traite des êtres humains par l'auteur de l'infraction a rarement lieu. Une indemnisation des victimes par l'Etat est garantie, grâce à la réglementation applicable aux personnes ayant droit à une indemnisation et au rattachement d'ordre géographique prévu dans la LAVI.

Pour ce qui touche aux mesures que tout Etat partie au protocole doit prendre pour que les autorités ne soient pas tenues d'engager des poursuites ou d'imposer des sanctions à l'encontre des victimes de travail forcé pour les activités illicites auxquelles elles ont été contraintes de prendre part, il sied de se référer au message du du 17 novembre 2010 concernant l'approbation et la mise en oeuvre de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et la et la loi sur la protection extraprocédurale des témoins49. Une disposition similaire à l'art. 26 de cette convention a été adoptée par la Suisse. L'art. 26 dispose que les Etats prévoient la possibilité de ne pas imposer de sanctions aux victimes pour avoir participé à des activités illicites lorsqu'elles y ont été contraintes. Le droit pénal suisse est en principe fondé sur la faute; il est de ce fait caractérisé par le principe selon lequel, malgré l'accomplissement d'un acte délictueux, la personne qui agit de façon coupable est seule punissable (art. 19 CP). Les art. 52 à 55 CP établissent de plus les conditions dans lesquelles l'exemption de peine peut être prononcée ou une procédure pénale suspendue. Si une victime de la traite d'êtres humains commet un acte punissable pour se préserver elle-même ou autrui d'un préjudice direct, il convient dans tous les cas d'examiner les conditions en matière de légitime défense et de nécessité licite selon les art. 15 à 18 CP, et notamment de vérifier l'existence d'un état de nécessité.

Art. 5 L'art. 5 met en évidence la composante transnationale de certaines formes de travail forcé. Il impose aux Etats parties au protocole de coopérer entre eux pour assurer la prévention et l'élimination de toutes les formes de travail forcé ou obligatoire.
La coopération entre les pays de destination, de transit et les pays d'origine des victimes de la traite d'êtres humains revêt toujours plus d'importance. Dans ce contexte, la coopération stratégique occupe un rôle central, car il s'agit de favoriser le traitement des cas le plus efficacement possible par-delà les frontières en assurant une collaboration optimale des services opérationnels dans la poursuite pénale et au niveau de la protection des victimes.

La coopération entre les autorités et services opérationnels ne se fait pas d'ellemême. Dans ce contexte, il est important d'encourager un contact direct entre les autorités ou services compétents et le pays concerné. Ce contact peut être entretenu dans le cadre du dialogue politique conduit par les ambassades suisses et les bureaux de coopération suisses à l'étranger, ou, pour certains pays, par le biais de groupes de travail spécifiques. Des rencontres régulières ou des tables rondes internationales sur 49

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la traite d'êtres humains renforcent le travail en réseau au niveau international. La Suisse s'appuie notamment sur l'instrument des partenariats migratoires, qui permettent de combler les lacunes là où les structures de collaboration dans la lutte contre la traite d'êtres humains sont inexistantes ou insuffisantes. Les effets positifs de la collaboration stratégique se manifestent par des procédures pénales mieux coordonnées et plus équilibrées, ainsi que par un retour facilité et une réintégration réussie des victimes.

Art. 6 L'art. 6 prévoit que les mesures prises pour appliquer le protocole et implicitement la convention no 29 sont déterminées par la législation nationale ou par les autorités compétentes, après consultation des organisations d'employeurs et de travailleurs intéressées.

On a vu plus haut que les mesures prises en Suisse reposent sur une base légale formelle, sur laquelle se fonde l'action des autorités compétentes, qu'elles soient judiciaires ou administratives.

Pour ce qui concerne la consultation des associations de partenaires sociaux, il est renvoyé au commentaire relatif à l'art. 1.

Art. 7 L'art. 7 clarifie le statut des dispositions transitoires de la convention n o 29 (art. 1, par. 2 et 3, et 3 à 24) en les abrogeant.

Comme la Suisse n'avait pas fait valoir ces dispositions transitoires lors de la ratification de la convention no 29, leur abrogation n'implique aucun changement dans la mise en oeuvre par la Suisse de ladite convention.

Conclusion Vu ce qui précède, le Conseil fédéral estime que les conditions sont réunies pour que la Suisse ratifie le protocole à la convention no 29 de l'OIT sur le travail forcé.

Cet engagement contre le travail forcé est un acte de solidarité internationale qui vient confirmer l'engagement de longue date de la Suisse en faveur de la ratification des normes fondamentales de l'OIT. Bien que le travail forcé soit universellement condamné, il reste une réalité pour près de 21 millions de victimes dans le monde, dont 18,7 millions dans le secteur privé. Les 2,2 millions de personnes restantes sont astreintes à un travail par l'Etat ou par des groupes militaires rebelles. L'esclavage traditionnel perdure dans certaines régions, tout comme le travail forcé sous la forme de systèmes de recrutement coercitifs ou encore de la servitude pour
dette. Enfin, le travail forcé reste un moyen de punir les personnes qui ont osé exprimer leurs opinions politiques.

Compte tenu du fait que la convention no 29 est une convention fondamentale et face à une telle situation, la Suisse ne peut pas fermer les yeux car l'élimination du travail forcé reste l'un des grands défis du XXIe siècle. Le travail forcé est non seulement une violation grave d'un droit de l'homme fondamental, mais il est aussi l'une des 6811

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principales causes de la pauvreté et il compromet le développement économique.

Les normes de l'OIT sur le travail forcé, associées à une assistance technique bien ciblée, constituent les principaux outils internationaux pour lutter contre ce fléau.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

3.1.1

Conséquences financières

Comme cela a été précisé en relation avec l'art. 1 du protocole (cf. ch. 2) fedpol et le SECO assureront, par le biais de leurs organes consultatifs respectifs, la coordination nécessaire pour assurer la mise en oeuvre du protocole. La ratification du protocole n'aura pas de répercussions sur le plan financier.

3.1.2

Conséquences sur l'état du personnel

La ratification du protocole n'aura aucun effet sur le personnel de la Confédération.

3.2

Conséquences pour les cantons et communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

La ratification du protocole n'engendre pas de conséquences pour les cantons et les communes, ni pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne.

3.3

Conséquences économiques

La ratification du protocole n'engendre pas de conséquences économiques. Elle n'aura aucun effet sur la croissance, l'emploi, le niveau de prix et de salaire en Suisse. Elle peut améliorer la mise en oeuvre de la loi et la pratique concernant les conditions de travail des employés exploités.

4

Relation avec le programme de la législature

Le projet n'a pas été annoncé dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201950, ni dans l'arrêté fédéral sur le programme de la législature 2015 à 201951, car les décisions de la CIT concernant les adoptions de 50 51

FF 2016 981 FF 2016 4999

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conventions et protocoles ne sont pas prévisibles. Le droit positif suisse étant conforme au texte du protocole, la Suisse doit s'engager au plus vite au niveau mondial de manière plus cohérente et plus solidaire sur le front de la lutte contre le travail forcé. Selon la constitution de l'OIT, le Conseil fédéral doit soumettre le protocole à l'Assemblé fédérale dans le délai d'un an (cf. ch. 1.3)

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

Le projet se fonde sur l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)52, qui dispose que les affaires extérieures relèvent de la compétence de la Confédération. D'autre part, l'art. 184, al. 2, Cst. confère au Conseil fédéral la compétence de signer des traités internationaux et de les ratifier. Enfin, l'art. 166, al. 2, Cst. confère à l'Assemblée fédérale la compétence de les approuver, sauf si leur conclusion relève de la seule compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité international (voir aussi les art. 24, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement53, et 7a, al. 1, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration54).

5.2

Forme de l'acte à adopter

L'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst., dispose qu'un traité international est sujet au référendum lorsqu'il contient des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales. D'autre part, l'art. 22, al. 4, de la loi sur le Parlement dispose que sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Enfin, on entend par dispositions importantes celles qui, en vertu de l'art. 164, al. 1, Cst., devraient en droit interne être édictées sous la forme d'une loi fédérale..Le protocole n'exige pas l'adoption de nouvelles loi, ni le changement de pratiques existantes. Mais il prévoit des dispositions importantes fixant des règles de droit au sens de l'art. 164, al. 1, Cst. dans son préambule (cf. ch. 1.4) et notamment dans ses art. 1 à 5 (cf. ch. 2).

Larrêté fédéral portant approbation du protocole est par conséquent sujet au référendum conformément à l'art. 141, al 1, let. d, ch. 3, Cst.

52 53 54

RS 101 RS 171.10 RS 172.010

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