Délai référendaire: 26 janvier 2017

Loi fédérale sur les mesures de coercition à des fins d'assistance et les placements extrafamiliaux antérieurs à 1981 (LMCFA) du 30 septembre 2016

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les art. 122, al. 1, 124 et 173, al. 2, de la Constitution1, vu le message du Conseil fédéral du 4 décembre 20152, arrête:

Section 1

Dispositions générales

Art. 1

But, champ d'application et objet

La présente loi vise à reconnaître et à réparer l'injustice faite aux victimes des mesures de coercition à des fins d'assistance et des placements extrafamiliaux antérieurs à 1981 en Suisse.

1

Elle s'applique également aux personnes touchées par des mesures qui, bien qu'ordonnées avant 1981, n'ont été exécutées qu'ultérieurement.

2

3

1 2

Elle règle: a.

la contribution de solidarité en faveur des victimes;

b.

l'archivage et la consultation des dossiers;

c.

le conseil et le soutien aux personnes concernées;

d.

l'étude scientifique et l'information du public;

e.

les autres mesures prises dans l'intérêt des personnes concernées.

RS 101 FF 2016 87

2016-2609

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Mesures de coercition à des fins d'assistance et placements extrafamiliaux antérieurs à 1981. LF

Art. 2

FF 2016

Définitions

On entend par: a.

mesures de coercition à des fins d'assistance: les mesures ordonnées et exécutées par des autorités, en Suisse, avant 1981, dans le but de protéger ou d'éduquer des enfants, des adolescents ou des adultes et celles exécutées sur leur mandat et sous leur surveillance;

b.

placements extrafamiliaux: les placements d'enfants et d'adolescents en dehors de leurs familles, en Suisse, avant 1981, ordonnés par des autorités ou effectués par des particuliers, dans des foyers ou des établissements, des familles nourricières, ou des exploitations artisanales ou agricoles;

c.

personnes concernées: les personnes concernées par des mesures de coercition à des fins d'assistance ou des placements extrafamiliaux;

d.

victimes: les personnes concernées qui ont subi une atteinte directe et grave à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle ou au développement mental, notamment parce qu'elles ont été soumises: 1. à des violences physiques ou psychiques, 2. à des abus sexuels, 3. au retrait de leur enfant sous contrainte et à la mise à disposition de celui-ci pour l'adoption, 4. à une médication ou des essais médicamenteux sous contrainte ou sans qu'elles en aient connaissance, 5. à une stérilisation ou un avortement sous contrainte ou sans qu'elles en aient connaissance, 6. à une exploitation économique par la mise à contribution excessive de leur force de travail ou l'absence de rémunération appropriée, 7. à des entraves ciblées au développement et à l'épanouissement personnel, 8. à la stigmatisation sociale;

e.

proches: le conjoint, le partenaire enregistré, les enfants et les père et mère de la personne concernée ainsi que les autres personnes unies à elle par des liens analogues.

Art. 3

Reconnaissance de l'injustice

La Confédération reconnaît que les victimes ont subi une injustice qui a eu des conséquences sur toute leur vie.

Section 2

Contribution de solidarité

Art. 4

Principes

Les victimes ont droit à une contribution de solidarité au titre de la reconnaissance et de la réparation de l'injustice qui leur a été faite.

1

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Elles ne peuvent faire valoir d'autres prétentions à indemnisation ou réparation du tort moral.

2

3

La contribution de solidarité est versée sur demande.

Toutes les victimes obtiennent le même montant. Les contributions versées sur une base volontaire à titre d'aide immédiate aux victimes se trouvant dans une situation financière précaire ne sont pas déduites de la contribution de solidarité.

4

Le droit à la contribution de solidarité est individuel; il ne peut être ni légué ni cédé. Lorsqu'une victime meurt après avoir déposé sa demande, le montant tombe dans la masse successorale.

5

6

Au surplus, sont applicables les règles suivantes: a.

en droit fiscal, la contribution de solidarité est assimilée aux versements à titre de réparation du tort moral au sens de l'art. 24, let. g, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct3 et de l'art. 7, al. 4, let. i, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes4;

b.

en droit de la poursuite, elle est assimilée aux indemnités versées à titre de réparation morale au sens de l'art. 92, al. 1, ch. 9, de la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite5;

c.

elle n'entraîne aucune réduction des prestations de l'aide sociale ni des prestations au sens de la loi du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires (LPC)6; l'art. 11, al. 1, let. b et c, LPC est réservé.

Art. 5

Demandes

Les demandes d'octroi d'une contribution de solidarité doivent être déposées auprès de l'autorité compétente au plus tard douze mois après l'entrée en vigueur de la présente loi. Les demandes déposées hors délai ne sont pas prises en considération.

1

Le demandeur doit rendre vraisemblable qu'il est une victime au sens de la présente loi. Il joint à sa demande les dossiers et autres documents de nature à démontrer sa qualité de victime.

2

Art. 6

Examen des demandes et décision

L'autorité compétente examine les demandes et décide de l'octroi de la contribution de solidarité.

1

Elle peut traiter des données sensibles au sens de l'art. 3, let. c, de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données7 si cela est nécessaire à l'exécution de ses tâches.

2

3 4 5 6 7

RS 642.11 RS 642.14 RS 281.1 RS 831.30 RS 235.1

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Elle demande l'avis de la commission consultative (art. 18, al. 2) avant de prendre sa décision.

3

Elle clôt le traitement des demandes au plus tard quatre ans après l'entrée en vigueur de la présente loi.

4

Art. 7

Montant, fixation des tranches et versement

Le montant de la contribution de solidarité est de 25 000 francs au plus par victime. Il est versé aux victimes dont la demande est approuvée. Le versement peut être effectué en deux tranches.

1

Si le versement est effectué en deux tranches, le montant du plafond des dépenses et le nombre de demandes déposées sont pris en compte pour la fixation de la première tranche.

2

Le solde du plafond des dépenses et le nombre de demandes approuvées sont pris en compte pour la fixation de la seconde tranche.

3

Art. 8

Voies de droit

Les personnes dont la demande a été rejetée peuvent faire opposition auprès de l'autorité compétente dans les 30 jours.

1

2

Au surplus, les dispositions générales de la procédure fédérale sont applicables.

Art. 9 1

Financement et plafond des dépenses

Les contributions de solidarité sont financées par: a.

la contribution de la Confédération;

b.

des contributions volontaires des cantons;

c.

des contributions volontaires provenant d'autres sources.

L'Assemblée fédérale approuve un plafond des dépenses pour les contributions de solidarité.

2

3

8

Les apports au sens de l'al. 1, let. b et c, sont réglés comme suit: a.

ils sont inscrits comme revenus dans la comptabilité de la Confédération;

b.

ils sont affectés obligatoirement à la réalisation de la tâche définie conformément à l'art. 53 de la loi du 7 octobre 2005 sur les finances8.

RS 611.0

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Section 3

Archivage et consultation des dossiers

Art. 10

Archivage

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Les autorités fédérales, cantonales et communales veillent à la conservation des dossiers afférant aux mesures de coercition à des fins d'assistance et aux placements extrafamiliaux antérieurs à 1981. Le Conseil fédéral règle les détails de la conservation administrative, notamment sa durée et ses modalités.

1

Les autorités fédérales, cantonales et communales ne peuvent pas utiliser les dossiers pour prendre des décisions défavorables aux personnes concernées.

2

Les autorités fédérales et cantonales fixent des délais de protection pour les dossiers contenant des données personnelles qui tiennent compte des intérêts légitimes des personnes concernées, de leurs proches et de la recherche.

3

Les institutions qui ont été chargées de l'exécution de mesures de coercition à des fins d'assistance ou de placements extrafamiliaux et qui ne sont pas soumises aux lois cantonales sur l'information, la protection des données et l'archivage sont assujetties aux dispositions sur l'information, la protection des données et l'archivage du canton où elles ont leur siège. Ces institutions veillent à ce que leurs dossiers soient pris en charge, évalués, mis en valeur et conservés de manière appropriée.

4

Art. 11

Consultation des dossiers

Toute personne concernée peut accéder aisément et gratuitement à son dossier. Ses proches sont également habilités à y accéder après son décès.

1

D'autres personnes peuvent avoir accès aux dossiers pour autant que des fins scientifiques le justifient.

2

Pendant le délai de protection, l'accès au dossier est autorisé seulement dans les cas suivants: 3

a.

la personne concernée demande à pouvoir accéder à ses données personnelles;

b.

la personne concernée approuve la divulgation de son dossier;

c.

le dossier n'est pas utilisé à des fins se rapportant à des personnes, mais notamment à des fins scientifiques ou statistiques;

d.

une autorité a besoin du dossier pour remplir ses obligations légales;

e.

il existe d'autres intérêts particulièrement dignes de protection.

Une personne concernée peut demander à inclure dans son dossier une note de contestation des contenus litigieux ou inexacts et sa propre version des faits. Il n'existe pas de droit à la remise, à la rectification ni à la destruction des dossiers.

4

Art. 12

Soutien par les archives cantonales

Les archives cantonales et d'autres archives publiques soutiennent les personnes concernées, leurs proches et les points de contact cantonaux dans la recherche des dossiers.

1

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Les archives cantonales soutiennent aussi les autres archives publiques et les institutions au sens de l'art. 10, al. 4, dans l'accomplissement de leurs obligations.

2

Art. 13

Epargne des personnes concernées

Les archives cantonales, d'autres archives publiques et les institutions au sens de l'art. 10, al. 4, vérifient, lorsqu'une personne concernée le demande, si elles détiennent des informations sur son épargne. Elles la conseillent et la soutiennent dans ses recherches, de même que ses proches après son décès.

1

Si les dossiers indiquent qu'une épargne était placée auprès d'une banque pendant la durée des mesures de coercition à des fins d'assistance ou des placements extrafamiliaux, la banque concernée ou son successeur procède gratuitement aux vérifications nécessaires si la personne concernée, ou ses proches après son décès, en font la demande.

2

Section 4

Conseil et soutien des points de contact cantonaux

Art. 14 Les cantons gèrent des points de contact pour les personnes concernées. Les points de contact conseillent les personnes concernées et leurs proches; ils fournissent une aide immédiate et une aide à plus long terme au sens de l'art. 2, let. a et b, de la loi du 23 mars 2007 sur l'aide aux victimes (LAVI) 9 aux personnes reconnues comme victimes par l'autorité compétente.

1

Les points de contact soutiennent les personnes concernées dans la préparation et le dépôt de leur demande d'octroi de la contribution de solidarité.

2

Les personnes concernées et leurs proches peuvent s'adresser au point de contact de leur choix.

3

Lorsqu'un canton fournit des prestations en faveur de personnes domiciliées dans un autre canton, il est indemnisé par ce dernier. L'art. 18, al. 2, LAVI est applicable.

4

Section 5

Etude scientifique et information du public

Art. 15

Etude scientifique

Le Conseil fédéral veille à ce que les mesures de coercition à des fins d'assistance et les placements extrafamiliaux antérieurs à 1981 fassent l'objet d'une étude scientifique complète.

1

9

RS 312.5

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Une commission indépendante mène une étude scientifique sur les placements administratifs; elle tient compte ce faisant des autres mesures de coercition à des fins d'assistance et des autres placements extrafamiliaux.

2

Les résultats de l'étude scientifique sont publiés. Les données personnelles sont rendues anonymes.

3

L'autorité compétente, en collaboration avec la commission indépendante et les autres organismes responsables de l'étude scientifique, veille à la diffusion et à l'utilisation des résultats de l'étude.

4

5

Elle peut en particulier encourager les mesures suivantes: a.

les productions médiatiques, les expositions et les exposés;

b.

la présentation des résultats dans les manuels utilisés à l'école obligatoire et dans les écoles du degré secondaire II;

c.

la sensibilisation du public, des autorités, des institutions et des particuliers qui, selon le droit en vigueur, sont chargés de la question des mesures de coercition à des fins d'assistance et des placements extrafamiliaux.

Art. 16

Symboles commémoratifs

La Confédération s'engage en faveur de la mise en place de symboles commémoratifs par les cantons.

Section 6

Autres mesures

Art. 17 L'autorité compétente peut prendre d'autres mesures dans l'intérêt des personnes concernées. Elle peut en particulier: a.

soutenir la mise en place d'une plateforme pour les services de recherche;

b.

promouvoir les projets d'entraide des organisations de victimes et de personnes concernées.

Section 7

Exécution

Art. 18

Autorité compétente et commission consultative

1

Le Conseil fédéral désigne l'autorité compétente au sens de la présente loi.

Il institue la commission consultative (art. 6, al. 3). Les victimes et autres personnes concernées y sont représentées.

2

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Art. 19

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Dispositions d'exécution

Le Conseil fédéral arrête les dispositions d'exécution. Il y règle en particulier les modalités: a.

de la procédure de demande d'une contribution de solidarité (art. 5);

b.

de la fixation du montant de la contribution de solidarité et des éventuelles tranches au sens de l'art. 7;

c.

du financement et de la mise en oeuvre d'autres mesures au sens de l'art. 17.

Section 8

Dispositions finales

Art. 20

Extinction de créances

Les créances envers une victime ou ses proches dont le motif juridique réside directement dans une mesure de coercition à des fins d'assistance ou dans un placement extrafamilial s'éteignent à l'entrée en vigueur de la présente loi.

Art. 21

Abrogation et modification d'autres actes

La loi fédérale du 21 mars 2014 sur la réhabilitation des personnes placées par décision administrative10 est abrogée.

1

2

La loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral 11 est modifiée comme suit:

Art. 83, let. x Le recours est irrecevable contre: x.

Art. 22 1

les décisions en matière d'octroi de contributions de solidarité au sens de la loi fédérale du 30 septembre 2016 sur les mesures de coercition à des fins d'assistance et les placements extrafamiliaux antérieurs à 198112, sauf si la contestation soulève une question juridique de principe ou qu'il s'agit d'un cas particulièrement important pour d'autres motifs.

Référendum et entrée en vigueur

La présente loi est sujette au référendum.

Elle est publiée dans la Feuille fédérale dès que l'initiative populaire «Réparation de l'injustice faite aux enfants placés de force et aux victimes de mesures de coercition prises à des fins d'assistance (initiative sur la réparation)» 13 est retirée ou rejetée.

2

10 11 12 13

RO 2014 2293 RS 173.110 RS ...; FF 2016 7677 FF 2016 7710

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FF 2016

S'il est établi dans les dix jours qui suivent l'échéance du délai référendaire qu'aucun référendum n'a abouti, elle entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant l'échéance du délai référendaire.

3

S'il n'est établi qu'ultérieurement qu'aucun référendum n'a abouti, le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur.

4

Si le référendum aboutit et que la loi est acceptée en votation populaire, elle entre en vigueur le jour suivant la validation des résultats de la votation.

5

Conseil national, 30 septembre 2016

Conseil des Etats, 30 septembre 2016

La présidente: Christa Markwalder Le secrétaire: Pierre-Hervé Freléchoz

Le président: Raphaël Comte La secrétaire: Martina Buol

Date de publication: 18 octobre 201614 Délai référendaire: 26 janvier 2017

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