Rapport 2015 du Conseil fédéral sur les activités de la politique migratoire extérieure de la Suisse du 3 juin 2016

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons le présent rapport 2015 sur les activités de la politique migratoire extérieure de la Suisse en vous priant d'en prendre acte.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

3 juin 2016

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Johann N. Schneider-Ammann Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Message 1

Introduction

Différents événements qui ont marqué l'actualité internationale en 2015 ont eu des répercussions sur la politique migratoire extérieure de la Suisse. L'intensification du conflit en Syrie ainsi qu'en Irak et le manque de perspectives pour les réfugiés se trouvant dans les pays voisins ont fortement contribué à l'augmentation des demandes d'asile en Europe en 2015. Cette évolution a également marqué la Suisse, raison pour laquelle le rapport d'activités de la politique migratoire extérieure de la Suisse pour 2015 se concentre sur la question de la migration autour de la Méditerranée.

La Suisse s'est beaucoup investie pour contribuer à surmonter cette crise. Elle combine une large palette de mesures de politique migratoire extérieure et de politique extérieure. Elle fournit une aide humanitaire afin d'atténuer l'urgence sur le terrain et dans les Etats de transit. Elle s'engage en faveur de la protection des migrants dans les pays de premier accueil et aide en parallèle les Etats concernés et les populations à relever les défis considérables auxquels ils doivent faire face. Elle contribue également à ce que les réfugiés, dans leurs régions de provenance, puissent s'assurer une existence (écoles, formation, travail) qui ne dépende pas de l'aide d'urgence.

L'engagement de la Suisse s'attaque aux causes socio-économiques et politiques de la migration et contribue à améliorer les perspectives et à assurer un développement plus durable. La Suisse recourt également aux instruments qu'offre la politique en matière de droits de l'homme et de protection de la paix pour mener des activités de prévention des crises et de gestion des conflits, et oeuvre en faveur d'une solution politique à la crise en Syrie et dans d'autres régions. Enfin, la Suisse intervient dans le cadre européen, dans différents dialogues régionaux et au niveau mondial pour trouver des approches coopératives en matière de questions migratoires.

D'importants défis sont également à relever dans d'autres régions du monde: ainsi, de nombreux migrants sont décédés dans la Baie du Bengale et la Mer d'Andaman en Asie du Sud-Est et des dizaines de milliers d'enfants, souvent non accompagnés, ont transité par différents pays d'Amérique centrale pour rejoindre les Etats-Unis. Il s'avère aussi que sur le plan mondial cette année, comme d'ailleurs
toutes ces dernières années, la grande majorité des réfugiés se trouvent dans des pays en développement. Sur le continent africain, l'Ethiopie, par exemple, accueille plus de 821 000 réfugiés du Soudan du Sud, de l'Erythrée et de la Somalie.

Au-delà de ce fort engagement pour la prévention de la migration forcée, la Suisse a continué en 2015 à assurer une politique migratoire extérieure cohérente via une approche interdépartementale qui permette la défense des intérêts de politique migratoire intérieure et des solutions constructive notamment dans le domaine du retour. Le message concernant la coopération internationale 2017­2020 vise à renforcer encore la cohérence et l'efficacité de l'engagement de la Suisse en appliquant pour la première fois dans un cadre stratégique commun les instruments de la coopération au développement, de l'aide humanitaire et de la promotion de la paix et de la sécurité.

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Au niveau multilatéral, un succès majeur de 2015 est l'adoption de l'Agenda 2030 pour le développement durable, qui comprend également de nombreuses références à la migration. Cet Agenda 2030 codifie le changement de paradigme de ces dernières années, à savoir que la migration n'est plus considérée comme un signe d'échec de la coopération au développement mais comme un facteur clé pour un développement durable global.

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Acteurs, instruments et lignes d'action prioritaires en 2015

2.1

Acteurs et instruments

Afin de garantir une mise en oeuvre cohérente de l'engagement de la Suisse en matière de politique migratoire extérieure, les activités présentées dans le rapport du Conseil fédéral de février 2011 sur la coopération internationale en matière de migrations1 sont coordonnées dans le cadre de onze groupes de travail géographiques et thématiques de la structure de l'approche interdépartementale en matière de migration internationale (IMZ). Les activités des différents groupes de travail liés à la migration dans l'espace méditerranéen, tout comme les informations pertinentes relatives à la coopération avec l'Union européenne (UE) sont regroupées au sein du groupe de travail stratégique «Méditerranée» (SAM). Participent à la mise en oeuvre de la politique migratoire extérieure le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM), la Direction du développement et de la coopération (DDC), la Direction des Affaires européennes (DAE), la Division Sécurité humaine (DSH) et les Divisions géographiques de la Direction politique du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO), l'Office fédéral de la police (fedpol), le Corps des gardes-frontière (Cgfr) et l'Office fédéral de la santé publique (OFSP).

En fonction du mandat des services fédéraux et des défis migratoires qui se posent, la politique migratoire extérieure de la Suisse recourt à divers instruments bilatéraux et multilatéraux. Au niveau multilatéral, le dialogue international en matière de migration contribue de manière déterminante à mettre en place et à promouvoir une vision commune de la migration en tant que chance et défi. Le dialogue migratoire international permet également d'amorcer des changements de politiques au niveau national ainsi que de constituer les réseaux nécessaires pour développer des projets concrets entre acteurs gouvernementaux, organisations internationales ou représentants de la société civile. Au niveau bilatéral, les instruments de la politique migratoire extérieure vont du dialogue migratoire à l'instrument complet du partenariat migratoire en passant par les accords bilatéraux dans le domaine migratoire, notamment les accords d'exemption de l'obligation de visa, les accords de réadmission ou encore les accords sur les stagiaires.

Le comité pour la coopération en matière de migration
internationale (Comité IMZ) fixe les priorités annuelles de la politique migratoire extérieure sous forme d'objectifs annuels. Au cours de l'année sous revue, ces objectifs étaient d'abord 1

www.eda.admin.ch-fr

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axés sur l'actualité dans le domaine migratoire et les activités le long des principales routes migratoires. Ainsi, les objectifs formulés en 2015 portaient notamment sur la poursuite de la coopération bilatérale dans le cadre des cinq partenariats migratoires existants, sur la mise en oeuvre des programmes de protection dans la région et de projets en Syrie et dans les pays voisins ainsi que dans la Corne de l'Afrique, sur la migration et la protection en Afrique du Nord, sur la coopération avec l'UE et le soutien des Etats membres aux frontières extérieures de Schengen et sur l'engagement dans le cadre du dialogue international sur la migration. Ci-après figure un résumé des étapes franchies dans le domaine de la coopération interdépartementale en matière de migration aux niveaux multilatéral et bilatéral en 2015.

2.2

Lignes d'action prioritaires en 2015 aux niveaux multilatéral et bilatéral

Au niveau multilatéral, l'adoption de l'Agenda 2030 pour le développement durable par les Etats membres de l'ONU a constitué une étape importante en 2015. La Suisse a contribué de manière active et substantielle au processus de préparation, aux négociations interétatiques et à la rédaction du document final, y compris dans le domaine de la migration. L'Agenda 2030 codifie en quelque sorte le changement de paradigme de ces dernières années. En effet, la migration n'est plus perçue comme un signe d'échec de la coopération au développement mais comme un facteur intégrant du développement durable mondial. Le document final reconnaît par ailleurs la vulnérabilité des migrants et fixe des objectifs clairs pour protéger leurs droits humains et leurs droits du travail. Il souligne par ailleurs leur contribution à une croissance économique socialement supportable. Afin d'appuyer ces déclarations, des mesures doivent être mises en oeuvre pour améliorer l'inclusion financière, renforcer les compétences des migrants, réduire les coûts des transferts d'argent et simplifier la reconnaissance des diplômes et des certificats d'aptitude. L'Agenda 2030 vise par ailleurs à mettre un terme à la traite des êtres humains. De manière générale, l'Agenda 2030 offre une vision à long terme, qui doit contribuer à prévenir le déplacement forcé et les tragédies humaines telles que celles que l'on a pu voir en Méditerranée en 2015: créer les conditions structurelles pour que la migration se fasse dans un environnement sûr et régulier, respecter et faire respecter les droits de l'homme de tous les migrants, mais aussi encourager l'avènement de sociétés pacifiques et ouvertes. A moyen terme, la Suisse doit transposer les prescriptions globales dans le contexte national et les intégrer dans ses stratégies sectorielles.

La Suisse a également continué à offrir un soutien actif au Forum mondial sur la migration et le développement (FMMD), qui était présidé par la Turquie au cours de l'année sous revue. Le sommet d'Istanbul lui a permis de présenter à un large public international ses propres expériences positives en matière de prise en compte de la migration dans les politiques sectorielles. En guise d'exemple concret, l'OFSP a exposé le programme national Migration et santé. La Suisse a proposé un mécanisme prévoyant de recourir
davantage au secteur privé dans le cadre de la gouvernance globale de la migration. Cette proposition a recueilli une large adhésion auprès des délégations présentes et a pu être adoptée avec succès. Par ailleurs, le FMMD a permis d'aborder pour la première fois dans une perspective plus large le 4680

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phénomène de la migration forcée ainsi que les défis que pose la protection des personnes touchées par ce phénomène. Sur ce sujet, la Suisse a rappelé le programme de protection de l'Initiative Nansen, qui a été approuvé et adopté quelques jours auparavant par 109 Etats à Genève et constitue selon elle une approche innovante. A cet égard, il convient notamment de souligner le caractère inclusif du processus de consultation, qui a duré trois ans et a permis aux représentants des gouvernements et de la société civile de plus d'une centaine de pays ainsi qu'aux experts des domaines concernés de s'exprimer. Ces consultations ont révélé des différences régionales significatives face au phénomène de la migration liée à des catastrophes naturelles et aux mesures existantes en la matière. Ces différences soulignent l'importance que revêtent des solutions régionales. La diversité des pratiques qui ressort de ces consultations a également mis au jour un certain potentiel d'action, notamment dans le domaine des mesures préventives dans les pays de provenance des personnes déplacées, par exemple pour renforcer la résilience des intéressés.

Dans le domaine des instruments bilatéraux, la remise d'une évaluation externe des partenariats migratoires2 en réponse au postulat Amarelle (12.3858; «Suivi et évaluation des accords de partenariats dans le domaine migratoire»), réalisée par la Maastricht Graduate School of Governance, a constitué un point fort de la coopération interdépartementale dans le domaine de la politique migratoire extérieure en 2015. Dans l'ensemble, l'évaluation externe dresse un bilan positif de l'efficacité et de la valeur ajoutée des partenariats migratoires. Les résultats de l'évaluation externe confirment que le partenariat migratoire est l'instrument adéquat pour intensifier la collaboration avec les pays d'origine et de transit à travers une prise en compte équilibrée des intérêts de toutes les parties concernées. Le rapport arrive à la conclusion que les partenariats migratoires reposent sur un rapport de force relativement équilibré entre la Suisse et les pays partenaires. Les évaluateurs estiment qu'un des acquis les plus importants est l'amélioration de la collaboration entre les différents services fédéraux et, partant, une plus grande cohérence de la politique migratoire. L'évaluation
externe a également montré qu'un partenariat migratoire offre un cadre adéquat pour mettre en oeuvre de manière efficace les intérêts de la Suisse dans le domaine de la migration. Dans ce contexte, la Suisse entend poursuivre les partenariats migratoires existants et continuer à accorder un poids important aux réunions d'experts bilatérales organisées dans ce cadre. Par ailleurs, il convient d'examiner régulièrement la possibilité et l'opportunité de conclure des partenariats migratoires supplémentaires. Lors du choix d'Etats partenaires potentiels, les chances et les défis actuels dans le domaine migratoire joueront un rôle important.

De manière générale, la structure IMZ a été mise en place en 2011 pour assurer une politique migratoire extérieure cohérente, à savoir une politique qui tient compte de différents aspects tels que la protection, le retour, la contribution des migrants au développement, la gouvernance de la migration ou la lutte contre la migration irrégulière. Ainsi, la Suisse cherche, lorsque cela est pertinent et possible, à établir des liens entre son engagement en matière de coopération internationale et les intérêts de 2

Suivi et évaluation des accords de partenariat dans le domaine migratoire. Rapport du Conseil fédéral en réponse au postulat 12.3858, juin 2015 (www.sem.admin.ch-fr).

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politique migratoire intérieure (retour, prévention de la migration irrégulière). Cette approche qui se reflète le mieux dans l'instrument des partenariats migratoires, a déjà porté ses fruits. En 2015, la Suisse a poursuivi son fort engagement pour la bonne mise en oeuvre des cinq partenariats migratoires en cours (Tunisie, Nigéria, Serbie, Bosnie et Herzégovine et Kosovo), L'exemple de la Tunisie a démontré qu'une palette de projets répondant aux priorités du gouvernement tunisien (par ex.

projet de la DDC de formation professionnelle contribuant à lutter contre le chômage) permet de renforcer la collaboration dans le domaine du retour et de la réadmission. Cette approche cohérente sera poursuivie et renforcée dans le cadre du Message sur la Coopération internationale 2017­2020 qui combine les instruments de l'aide au développement, de l'aide humanitaire et de la promotion de la paix et de la sécurité humaine.

Qui plus est, le Conseil fédéral a chargé en 2012 le Département fédéral de justice et police d'établir une liste des pays prioritaires dans le domaine du retour avec lesquels la collaboration est au point mort. Cette liste doit permettre d'évaluer les possibilités de lier, en plus de l'engagement de la Suisse en matière de politique migratoire extérieure, d'autres domaines de la coopération bilatérale (notamment les dossiers de politique extérieure et de politique migratoire extérieure) aux progrès réalisés dans le domaine du retour. Cet examen se déroule dans le cadre de la structure interdépartementale IMZ. En 2015, l'Algérie, l'Ethiopie, l'Iran, le Maroc et la Mongolie figuraient sur cette liste. A noter que des progrès ont été réalisés dans le cadre de la collaboration en matière de retours avec la Mongolie et l'Algérie. En revanche, les renvois forcés vers l'Iran et l'Ethiopie restent bloqués. S'agissant du Maroc, des cas particuliers ont pu être réglés mais la collaboration reste difficile et prend beaucoup de temps. L'état d'avancement de la mise en oeuvre de cette décision du Conseil fédéral fait actuellement l'objet d'un examen approfondi au sein de la structure IMZ. Les résultats dans ce domaine seront présentés en détail dans le rapport d'activités 2016 en matière de politique migratoire extérieure de la Suisse.

Outre les instruments susmentionnés, la politique migratoire
extérieure de la Suisse dispose d'un large ensemble de programmes et projets dans les domaines suivants: protection des migrants vulnérables et promotion de leurs droits humains, synergies entre migration et développement, aide au retour, aide à la réintégration, aide structurelle, prévention de la migration irrégulière et mesures visant à renforcer les capacités des autorités nationales ou des acteurs de la société civile. Ces activités sont financées par les services fédéraux concernés en fonction de leur mandat et des ressources disponibles.

2.3

Financement

Différents crédits du DFAE contribuent au financement de la politique migratoire extérieure de la Suisse: aide humanitaire, coopération globale, coopération régionale, coopération avec l'Europe de l'Est, promotion de la paix et de la sécurité humaine. A titre d'exemple, la DDC a dépensé environ 85 millions de francs pour des projets dans le domaine de la migration en 2015. A cela s'ajoutent des contributions aux organisations internationales s'engageant pour les réfugiés, les migrants 4682

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vulnérables ou les personnes déplacées internes comme le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) ou le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Cet engagement est confirmé et même renforcé dans le Message sur la Coopération internationale 2017­2020.

Une autre partie des activités de la politique migratoire extérieure de la Suisse est couverte par le crédit d'engagement Coopération internationale en matière de migration et retours, géré par le SEM et doté de 110 millions de francs pour la période 2012­2018. 20 millions de francs étaient disponibles pour l'année 2015; la majorité de cette somme a été consacrée à des projets et programmes en lien avec la migration dans l'espace méditerranéen. A noter en particulier les deux programmes menés par la Suisse afin de renforcer la protection des réfugiés et des migrants dans leurs régions de provenance («Protection in the Region») en Syrie et dans les pays voisins ainsi que dans la Corne de l'Afrique, les activités réalisées dans le cadre de partenariats migratoires avec les pays des Balkans occidentaux, le Nigéria et la Tunisie ainsi que, d'une manière générale, l'engagement dans le domaine de la politique migratoire extérieure en Afrique du Nord.

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Priorité de la politique migratoire extérieure 2015: la migration dans l'espace méditerranéen

3.1

Défis le long des routes migratoires

Compte tenu de la persistance des conflits armés, des persécutions politiques, des graves violations des droits de l'homme, de l'absence de perspectives et de la détérioration des conditions humanitaires au Proche-Orient et au Moyen-Orient, dans la Corne de l'Afrique, en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne, la situation sur le plan des réfugiés et de la migration dans l'espace méditerranéen s'est retrouvée au coeur des débats relatifs à la migration internationale. Même si, en comparaison internationale, seule une part relativement faible des plus de 60 millions de personnes déplacées à travers le monde prend le chemin de l'Europe, la communauté internationale concentre de plus en plus son attention et ses attentes sur le continent européen. L'arrivée d'un nombre très élevé de migrants et la pression politique croissante de ce fait sur les pays de provenance, de transit et de destination ont conduit l'Europe à prendre des mesures de grande ampleur afin d'encourager la coopération avec les Etats de provenance et de transit, de renforcer la présence en haute mer, de lutter contre les réseaux de passeurs, de réduire les flux migratoires irréguliers et de renforcer la solidarité au sein de l'Europe comme à l'échelle mondiale. Dans ce contexte, la Commission européenne a publié le 13 mai 2015 un «agenda européen en matière de migration» qui servira de nouveau document de référence.

Alors que la route migratoire passant par la Méditerranée centrale depuis l'Afrique du Nord (essentiellement la Libye) vers l'Italie constituait la principale route vers l'Europe en 2014, les flux migratoires se sont déplacés vers la route orientale (Turquie-Grèce-Etats des Balkans) au cours de l'année 2015. A la fin de l'année, on relevait plus d'un million de personnes ayant fui en Europe. L'Allemagne et la 4683

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Suède sont de loin leurs principales destinations. Au vu de l'absence de solutions politiques aux conflits armés et aux situations de crise, qui ont de graves répercussions sur les populations civiles concernées, aucun changement fondamental n'est attendu pour 2016. A court comme à moyen terme, le nombre élevé de personnes en quête de protection place les pays de transit et d'accueil devant des défis humanitaires, logistiques et sociopolitiques. Ces Etats doivent immédiatement garantir une protection et un soutien humanitaire aux personnes concernées, créer des structures d'hébergement supplémentaires adéquates, respecter de manière conséquente les obligations internationales qui découlent du droit des réfugiés et des droits de l'homme, et mener des procédures d'asile efficaces et équitables. A moyen terme, ce sont les aspects liés à l'encouragement de la tolérance, à la paix sociale dans les pays d'accueil, à l'intégration sociale durable des réfugiés reconnus et à leur insertion sur le marché du travail qui demandent une attention particulière. Le renvoi effectif des requérants d'asile déboutés qui ne peuvent bénéficier d'une protection internationale au sens de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés 3 constitue également un élément important d'une politique migratoire cohérente.

La prise de conscience que les défis liés à la migration internationale ne pourront être relevés que grâce à une approche coordonnée et globale s'est accrue. Pour autant, les discussions relatives aux engagements de certains Etats à offrir des prestations de soutien concrètes et davantage de solidarité n'ont que péniblement avancé au cours de l'année sous revue. La complexité des tâches de politique intérieure et extérieure a mis à l'épreuve la coopération européenne dans le cadre du système Dublin et multiplié les appels à réformer ses mécanismes. Des questions fondamentales ont été soulevées quant à l'équité de la répartition et à la responsabilité globale.

Parmi les mesures concrètes proposées à l'échelle de l'UE en 2015, on relève notamment la proposition de répartir les requérants d'asile au sein de l'UE (programme de relocalisation) et la proposition d'un nouveau programme volontaire de réinstallation. Sur la base de ces propositions, les Etats membres de l'UE se sont accordés sur la
réinstallation de 32 256 personnes et la relocalisation de 160 000 personnes particulièrement vulnérables. De par son association à Schengen/Dublin, la Suisse était étroitement impliquée dans les discussions menées à l'échelle européenne afin de gérer la situation sur le plan migratoire et s'est prononcée en principe en faveur d'une participation volontaire à ces programmes. Qui plus est, il a été décidé de mettre en place des centres d'accueil communs («hotspots») dans les pays les plus touchés (surtout la Grèce et l'Italie) aux frontières extérieures de l'UE. Par ailleurs, à la suite d'un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU, l'UE a élargi l'opération «Sophia» destinée à combattre les réseaux de passeurs en Méditerranée. La Suisse n'a cependant pas participé à sa mise en oeuvre. Enfin, la Commission européenne a proposé une réforme de l'agence de gestion des frontières de l'UE (Frontex) et sa transformation en une agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes.

La hausse significative du nombre de personnes à protéger et l'augmentation du nombre de demandes d'asile qui en découle en Europe ont eu des répercussions relativement faibles sur la Suisse. En effet, les 39 523 demandes d'asile qui y ont été déposées en 2015 représentent seulement 3 % de toutes les demandes soumises en 3

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Europe (Suisse: + 66 % par rapport à 2014; Europe: + 81 %). Les principaux pays de provenance étaient l'Erythrée, l'Afghanistan, la Syrie, l'Irak et le Sri Lanka.

3.2

Engagement de la Suisse en rapport avec la situation migratoire dans l'espace méditerranéen

Une approche suprarégionale et multithématique est nécessaire pour mettre en place des solutions à moyen et à long terme concernant la migration internationale. Cette approche doit miser sur le début de la chaîne migratoire et cibler la promotion de la paix et des droits de l'homme, le respect des principes démocratiques et d'une bonne gouvernance, l'atténuation des tensions politiques et sociales, et un développement à la fois durable, économique, social et respectueux de l'environnement dans les pays de provenance. Il importe également de continuer à encourager la reconnaissance du potentiel des migrants et leur contribution au développement des pays de provenance et de destination. L'action menée par la Suisse dans le cadre de sa politique étrangère comprend, entre autres, le soutien et l'amélioration de la protection des migrants dans les régions de provenance et le respect des droits de l'homme, la prévention et le règlement pacifique des conflits, la prévention et la gestion des catastrophes, l'amélioration à long terme des conditions de vie et des contributions en faveur de politiques migratoires nationales durables. La mise en oeuvre d'activités concrètes se fonde sur des approches humanitaires, de politique de développement, de politique des droits de l'homme et de politique de promotion de la paix ainsi que sur les instruments de politique migratoire extérieure décrits sous ch. 2.

L'objectif immédiat de l'action menée par la Suisse dans les régions touchées par les conflits en Syrie et en Irak est non seulement de contribuer à la recherche de solutions politiques et de promouvoir le développement du droit humanitaire mais également d'offrir une protection effective et un soutien humanitaire à la population civile, notamment aux déplacés internes, aux réfugiés et aux migrants à protéger.

Les capacités d'accueil des pays voisins ont depuis longtemps atteint leurs limites et sollicitent des systèmes d'approvisionnement de base qui sont parfois déjà défaillants (notamment eau, soins de santé, scolarité). Les rapports tendus entre les différents groupes de population dans la région constituent également une source potentielle de conflit.

Il y a par ailleurs dans des pays comme le Liban ou la Jordanie également de nombreux travailleurs migrants en partie en provenance d'Asie du Sud et
d'Afrique et travaillant souvent dans des conditions précaires. Le soutien de la Suisse tient également compte de cette réalité et soutient le dialogue politique afin d'améliorer ces conditions, et contribue à un renforcement des capacités de la société civile. En réponse aux immenses défis que présente cette région, la Suisse a développé en 2015 une stratégie de coopération qui est pour la première fois dans cette région une stratégie de tout le gouvernement (whole-of-government approach). Cette stratégie de coopération définit son engagement dans les pays suivants: Irak, Jordanie, Liban, Syrie et dans une moindre mesure en Turquie. La stratégie est orienté à travers trois domaines (Basic Needs and Services, Protection et Eau). La Suisse oeuvre à travers quatre lignes d'action: contributions financières à des organisations humanitaires 4685

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(ONU, CICR, ONG internationales et nationales) qui assistent la population civile en Syrie et dans les pays voisins; la mise en oeuvre de ses propres projets; le détachement d'experts du Corps suisse d'aide humanitaire (CSA) auprès des agences onusiennes; et finalement les dialogues humanitaires qui visent à améliorer l'accès des acteurs humanitaires en Syrie ainsi que la coordination de la réponse humanitaire à l'échelle internationale. 203 millions de francs ont été alloués depuis 2011 à l'atténuation des conséquences humanitaires du conflit en Syrie et 25 millions ont été alloués pour l'Irak depuis 2014. Courant 2015, le Conseil fédéral a rehaussé de 70 millions de francs l'aide sur place au Proche-Orient et dans la Corne de l'Afrique.

Sur cette somme, 30 millions avaient été alloués à la Syrie et à l'Irak, et 19 millions à la Corne de l'Afrique à la fin de l'année 2015.

De nombreuses personnes à la recherche d'une protection et de perspectives de vie à long terme se voient contraintes de poursuivre leur chemin; un voyage qui n'est pas sans danger. Compte tenu du fait que le conflit armé en Syrie dure déjà depuis cinq ans, les mesures qui vont au-delà de l'action humanitaire gagnent en importance. La Suisse s'engage de manière renforcée en faveur d'une solution politique dans la région, avec le soutien financier et humain des négociations dirigées par l'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie. Elle s'engage également en faveur de la mise en oeuvre d'approches pertinentes sur le plan du développement et de la politique de paix, ce à quoi la mise en application de l'Agenda 2030 pour le développement durable au niveau mondial devrait également contribuer.

La Corne de l'Afrique est une région marquée par la migration depuis des décennies.

Les flux migratoires qui y sont relevés sont des flux mixtes qui englobent des migrants irréguliers, des réfugiés et des requérants d'asile, des victimes de la traite des êtres humains, des mineurs non accompagnés et d'autres personnes vulnérables qui, souvent, se sont mises en route pour plusieurs raisons à la fois et prennent de grands risques. Ces personnes empruntent fréquemment les mêmes routes et font appel aux mêmes passeurs. Toutefois, du fait de la diversité et la multiplicité de leurs motifs de migration, elles présentent des vulnérabilités et des
besoins de protection divergents.

Qu'ils soient internes ou qu'ils dépassent les frontières, ces déplacements constituent souvent des phénomènes de longue durée. En effet, pour de nombreux intéressés, un retour reste une option inadéquate pendant des années voire des décennies. La Suisse soutient diverses activités qui visent à lutter contre la traite des êtres humains et le trafic de migrants depuis la Corne de l'Afrique vers l'Europe, à accroître la protection des personnes déplacées et des migrants vulnérables, à promouvoir leurs droits humains et à renforcer le dialogue entre les pays de provenance, de transit et de destination.

Depuis plusieurs années, la Suisse accorde sa protection tout particulièrement aux ressortissants érythréens. Conscient que sa main d'oeuvre jeune quitte le pays à une vitesse vertigineuse et qu'il n'arrive pas à faire progresser son pays sur le chemin du développement, le gouvernement érythréen semble montrer un certain intérêt envers la communauté internationale, auprès de laquelle il cherche un soutien financier et politique. Pour autant, cet intérêt ne s'accompagne pas de progrès en matière de droits de l'homme, d'Etat de droit ou de réformes économiques, dans un pays autocrate. L'Erythrée continue de refuser d'accueillir la rapporteuse spéciale pour les droits de l'homme de l'ONU et nie au CICR l'accès aux lieux de détention. La 4686

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Suisse, en collaboration avec d'autres pays européens, va explorer des modalités de dialogue politique avec le gouvernement érythréen. Depuis fin 2015, la Suisse finance un projet de formation destiné aux jeunes en Erythrée. Elle s'engage également au niveau multilatéral en faveur d'une amélioration de la situation sur le plan des droits de l'homme dans ce pays.

A la fois pays de provenance, de destination et de transit, le Yémen a constamment été lié aux routes migratoires à la Corne de l'Afrique ces dernières décennies. Contrairement aux prévisions, le déclenchement des hostilités armées début 2015 n'a pas entraîné d'importants mouvements migratoires et les personnes qui ont choisi de prendre le départ sont pour le moment restées dans la région proche. La Suisse a adapté son engagement au Yémen au cours en l'année sous revue en l'axant davantage sur la couverture des besoins humanitaires de base.

La coopération avec les Etats d'Afrique du Nord a pris un nouveau tournant. La Suisse a notamment pu renforcer sa coopération avec la Tunisie sur la base de son programme pour l'Afrique du Nord et du partenariat migratoire conclu avec les autorités tunisiennes. Au cours de la période sous revue, l'engagement de la Suisse visait tout particulièrement à améliorer la gouvernance des autorités tunisiennes en matière de migration sur le terrain et à accroître la protection des migrants vulnérables. A titre d'exemple, un projet visant à intégrer la migration dans la planification du développement a permis de lancer un comité de coordination interministériel sur la migration (comparable avec la structure suisse IMZ). La contribution que la Suisse fournit au travers de son programme pour l'Afrique du Nord (Egypte, Tunisie, Maroc, Libye) combine les trois priorités que sont la transition démocratique, le développement économique et la migration sous la forme d'un large train de mesures et sert de réponse aux bouleversements politiques dans la région. Ainsi, la Suisse a contribué à améliorer la protection et à renforcer les droits humains des personnes vulnérables, a soutenu les réfugiés, les requérants d'asile et les migrants en situation de précarité en leur fournissant une aide concrète et s'est engagée dans un dialogue politique en faveur de l'amélioration des structures institutionnelles. Par ailleurs,
elle a soutenu l'engagement de la diaspora dans le pays d'origine et l'élaboration de politiques étatiques durables en matière migratoire.

Les tensions politiques et sociales dans la région persistent, notamment en Libye.

Malgré les efforts intenses menés en faveur d'un dialogue politique entre les différents acteurs libyens afin qu'ils forment un gouvernement d'unité nationale, il ne faut guère s'attendre à la mise en place de structures politiques fonctionnelles dans un proche avenir. La situation sécuritaire instable sans monopole de la puissance publique a continué à favoriser les affaires des réseaux de passeurs au cours des derniers mois. Les migrants qui entrent en Libye soit pour y transiter avant de rejoindre l'Europe soit pour y chercher un emploi sont souvent sans défense face à la criminalité organisée. L'engagement réduit en Libye se concentre essentiellement sur des partenaires internationaux et multilatéraux fiables. A titre d'exemple, la Suisse soutient l'OIM dans son travail d'aide aux migrants particulièrement vulnérables qui sont bloqués en Libye et souhaitent retourner dans leur pays d'origine. La Suisse examine régulièrement les possibilités d'offrir son soutien, non seulement au niveau bilatéral mais également en association avec d'autres Etats dans le cadre de la collaboration européenne et de l'ONU.

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Au vu de l'importance croissante de la route migratoire passant par la Turquie, la Grèce et les Etats des Balkans occidentaux, la Suisse a continué à renforcer son engagement en matière de politique migratoire dans cette région au cours de l'année sous revue. Au cours de la même période, elle a également élaboré la nouvelle stratégie «Partenariats migratoires Suisse ­ Balkans occidentaux 2016­2019». Grâce à ses relations privilégiées avec la Serbie, la Bosnie et Herzégovine et le Kosovo dans le cadre des partenariats migratoires, la Suisse a rapidement été en mesure d'aider efficacement les Etats concernés à surmonter les nouveaux défis. Concrètement, ce soutien s'est par exemple traduit par une aide à la mise en place des structures d'hébergement en Serbie et par la création d'un réseau pour l'échange d'informations le long de la route migratoire allant de la Grèce à la Hongrie et la Croatie. Depuis septembre 2015, un expert suisse aide le HCR et les autorités à améliorer la situation sanitaire et l'accès à l'eau potable sur les principales îles grecques de débarquement. A la demande des gouvernements de la Slovénie et de la Croatie, des experts suisses ont pu, en novembre dernier, analyser avec les autorités compétentes de ces pays la situation aux points de passage frontaliers vers l'Autriche et la Serbie, et mettre en oeuvre des mesures d'aide dans certains centres de transit.

En 2013, la Turquie a adopté sa première loi sur les étrangers et l'asile dans la perspective des négociations d'adhésion avec l'UE. Cette loi d'envergure prévoit notamment la création d'une autorité migratoire. Cette nouvelle autorité, qui répond au nom de «Directorate General of Migration Management», a entamé ses activités en avril 2014. Depuis, la Suisse assiste la Turquie dans le cadre de la mise en place de cette autorité et de l'élaboration d'une politique migratoire cohérente et propice au développement. L'engagement de la Suisse vise également à aider les autorités turques à relever les défis liés à la crise en Syrie au moyen de projets divers, notamment dans le domaine de la protection et de l'intégration des nombreux réfugiés syriens qui vivent en dehors des camps de réfugiés.

Enfin, la collaboration avec l'UE et ses Etats membres a fortement gagné en importance au cours de l'année sous revue. La Suisse a
décidé de participer de manière volontaire au premier programme de l'UE de relocalisation de 40 000 personnes à protéger déjà enregistrées en Italie et en Grèce, et d'accueillir jusqu'à 1500 personnes. La Suisse s'est également déclarée, en principe, prête à prendre part à un second programme de relocalisation portant sur 120 000 personnes à protéger. Qui plus est, elle a annoncé sa volonté de participer au programme de réinstallation de l'UE et d'admettre au moins 519 personnes dans ce cadre. La participation au programme de réinstallation et au premier programme de relocalisation de l'UE s'inscrit dans le cadre de la décision du Conseil fédéral du 6 mars 2015 d'accueillir en Suisse 3000 victimes du conflit en Syrie ayant besoin de protection. Par ailleurs, la Suisse a soutenu en 2015 les Etats situés aux frontières extérieures de l'UE, notamment l'Italie et la Grèce, dans le domaine du premier accueil des migrants et a participé ­ pour l'instant encore de manière informelle ­ aux activités menées par le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) afin de venir en aide aux Etats membres de l'UE soumis à une pression migratoire particulièrement forte.

La migration dans l'espace méditerranéen était également un sujet de discussion central de nombreux processus régionaux auxquels la Suisse participe en tant 4688

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qu'Etat membre ou observateur. Le processus de Khartoum lancé en 2014 encourage par exemple le dialogue entre les pays de provenance de la Corne de l'Afrique, les pays de transit et de destination dans les domaines de la protection des migrants, de la lutte contre la traite des êtres humains et le trafic de migrants, et de la coopération au développement. Le processus comprend deux volets: le dialogue politique et la mise en oeuvre du projet. La Suisse bénéficie d'un statut d'observateur dans le cadre du dialogue politique et participe activement au niveau du projet en apportant son expertise. Le programme régional de développement et de protection (RDPP) mis en place par l'UE pour la Corne de l'Afrique a été officiellement lancé en juin 2015. Ce programme, d'une durée provisoirement limitée à trois ans, entend mettre en place des projets dont le but est de mieux protéger les migrants, d'améliorer leurs conditions de vie et celles de leurs communes d'accueil, et de renforcer les autorités locales et centrales. La Suisse s'engage financièrement et siège au sein du comité de pilotage. En outre, la Suisse participe au processus de Rabat lancé en 2006. Ce processus régional réunit les gouvernements de 55 pays d'Europe, d'Afrique du Nord, d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale, ainsi que la Commission européenne et la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et est consacré aux thèmes de la migration irrégulière, de la migration régulière et du développement ainsi que de la protection internationale dans le cadre des relations migratoires entre l'Afrique et l'Europe. Enfin, la Suisse soutient également depuis plusieurs années le MIDWA (Migration Dialogue for West Africa) mené par la CEDEAO. Comme Etat observateur dans ce dialogue, elle a joué un rôle clé pour que le MIDWA devienne un processus régulier contribuant à des actions concrètes en matière de migration dans la région. La conférence ministérielle d'octobre 2015 sur le thème de la migration irrégulière a par exemple permis à la CEDEAO ainsi qu'aux Etats d'Afrique de l'Ouest et à la Mauritanie de consolider une position commune pour le Sommet de La Valette.

En novembre 2015, la Commission européenne a invité les Etats membres et les Etats observateurs des processus de Khartoum et de Rabat ainsi que les Etats membres
de l'Union africaine au sommet de La Valette dans le but d'établir une approche commune pour améliorer la situation migratoire dans l'espace méditerranéen. Les participants ont notamment décidé de mettre en place un fonds destiné à lutter contre les causes de la migration dans la région du Sahel et du lac Tchad, dans la Corne de l'Afrique et en Afrique du Nord au moyen de mesures et de projets concrets. La Suisse a activement participé aux préparatifs du sommet et annoncé qu'elle pourrait participer au fonds à hauteur de 5 millions de francs.

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Conclusion et perspectives 2016

Les activités déployées par la Suisse en matière de politique migratoire extérieure mettent l'accent sur le soutien des pays de provenance et de transit et sur la protection des migrants vulnérables, et contribuent de manière constructive à faire face aux défis de la migration. Quant aux causes structurelles de la fuite et de la migration, elles ne peuvent être combattues que sur le long terme avec une approche combinant aide au développement, promotion de la paix et politique économique. Grâce à la collaboration institutionnalisée entre les différents départements dans le domaine de 4689

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la politique migratoire extérieure, la Suisse a mis en place les conditions-cadres nécessaires pour relever de manière constructive les défis dans le domaine migratoire. Cette collaboration a en effet permis de mettre en oeuvre de façon efficace et cohérente d'importantes mesures au cours de l'année sous revue, par exemple pour soutenir les pays de premier accueil et de transit qui doivent faire face à des routes migratoires et à des réalités en perpétuel changement. Néanmoins, l'octroi d'une protection et d'une sécurité adéquates aux personnes concernées, le maintien et le renforcement de la volonté de coopération en Europe et avec les pays de premier accueil et de transit ainsi que la gestion durable d'une migration accrue resteront des défis considérables en 2016. La recherche de solutions politiques aux conflits, notamment en Syrie et en Libye, et la création de perspectives de vie respectueuses de la dignité humaine dans les régions de provenance constitueront des conditions de base importantes pour atténuer la situation actuelle sur le plan des réfugiés et de la migration.

Pour 2016, le Comité IMZ a redéfini les thèmes et les objectifs qui seront traités de manière prioritaire dans le cadre des activités de la politique migratoire extérieure de la Suisse. Cette année encore, l'accent sera mis sur le soutien des pays de premier accueil et de transit de la Corne de l'Afrique et du Proche-Orient ainsi que sur la mise en place d'une gouvernance de la migration dans les Etats d'Afrique du Nord et d'Afrique occidentale. La mise en place d'une deuxième phase du programme suisse pour l'Afrique du Nord pourra se fonder sur l'engagement déjà accompli par la Suisse dans cette région qui reste prioritaire. Compte tenu de la situation toujours précaire en Syrie, dans les pays voisins et dans la Corne de l'Afrique, la poursuite des programmes de protection dans la région est essentielle. Les activités menées en matière de politique migratoire extérieure en Turquie joueront un rôle encore plus important en 2016. Dans le contexte européen, la Suisse continuera à soutenir les Etats situés aux frontières extérieures de Schengen et les Etats de l'Europe du Sud.

Elle oeuvrera par ailleurs en faveur d'une approche européenne coordonnée et maintiendra son engagement pour une répartition solidaire, sur le territoire
européen, des personnes à protéger. Au niveau multilatéral, la priorité reste à l'amélioration des conditions de protection des personnes déplacées à l'extérieur des frontières à la suite de catastrophes naturelles (poursuite de l'initiative Nansen) et à la mise en oeuvre de l'Agenda 2030 pour le développement durable dans le domaine de la migration. Par ailleurs, la Suisse soutiendra de manière proactive la feuille de route annoncée en novembre dernier par le secrétaire général de l'ONU. Cette feuille de route comprend des initiatives et des manifestations complémentaires organisées dans le cadre de l'ONU sur les thèmes de la migration et des déplacements de population. La Suisse soutient également les activités de l'OMS Europe sur la santé des migrants, et en particulier le développement d'une stratégie ­ basée sur le cadre d'action conjointe adopté lors la réunion de haut niveau de Rome de novembre 2015 sur la santé des réfugiés et des migrants ­ qui sera adoptée en septembre 2016 pour renforcer les systèmes de santé en y intégrant la santé des migrants. Autre temps fort de 2016: la mise en oeuvre des recommandations de l'évaluation des partenariats migratoires. Dans ce contexte, il importe notamment d'examiner la possibilité de conclure de nouveaux partenariats migratoires. Parallèlement, les partenariats migratoires conclus avec les pays des Balkans occidentaux conservent une grande importance au vu du rôle croissant joué par la route méditerranéenne de l'est. Enfin, la 4690

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coopération interdépartementale en matière de migration continuera à mettre un accent particulier sur les liens entre la politique migratoire extérieure et d'autres dossiers de politique extérieure afin d'améliorer la collaboration dans le domaine des retours.

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