Coopérations internationales dans les domaines de l'instruction militaire et de l'armement Rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 6 octobre 2015 Avis du Conseil fédéral du 11 décembre 2015

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 158 de la loi sur le Parlement, nous nous prononçons comme suit sur le rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 6 octobre 2015 concernant les coopérations internationales dans les domaines de l'instruction militaire et de l'armement.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

11 décembre 2015

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

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Contexte

Le 6 octobre 2015, la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) a soumis au Conseil fédéral un rapport sur les coopérations internationales dans les domaines de l'instruction militaire et de l'armement. L'objectif de l'examen était de savoir si suffisamment de bases stratégiques claires ont été fixées pour ces deux domaines, si elles sont respectées dans les faits et si ces activités ne vont pas à l'encontre des intérêts de la politique extérieure de la Suisse. C'est dans cette optique que les traités et accords bilatéraux existants dans les domaines de l'instruction et de l'armement ont été examinés.

La CdG-E a relevé diverses lacunes au niveau de la clarté des bases stratégiques, de même que dans le pilotage et la transparence, notamment dans le domaine de l'armement. Pour combler ces lacunes, la CdG-E a émis cinq recommandations assorties de mesures et demande l'avis du Conseil fédéral.

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Avis du Conseil fédéral

Comme la CdG-E, le Conseil fédéral souhaite que la transparence s'instaure également dans le cadre des coopérations internationales dans les domaines de l'instruction militaire et de l'armement, et que ces activités soient compatibles avec les intérêts de la politique extérieure. Le Conseil fédéral abonde dans le sens général du rapport de la CdG-E et partage la plupart des avis qu'il renferme. Concrètement, le Conseil fédéral prend position sur les diverses recommandations en avançant les arguments ci-après.

Recommandation 1: Augmenter la transparence La CdG-E demande au Conseil fédéral de veiller à accroître la transparence en matière d'accords de coopération conclus avec d'autres Etats dans les domaines de l'instruction militaire et de l'armement. Elle l'invite plus spécifiquement à étudier l'opportunité de publier des accords-cadres signés dans le domaine de l'armement dans le Recueil systématique du droit fédéral (RS) au même titre que le sont déjà les accords-cadres dans le domaine de l'instruction militaire. Le Conseil fédéral devra en outre prendre les dispositions nécessaires pour assurer que la totalité des traités et accords qu'il aura conclus ­ quelle que soit leur portée ­ seront désormais listés dans le rapport annuel qu'il leur consacre.

Vu les bases juridiques relatives aux publications officielles, le Conseil fédéral est partiellement d'accord avec cette recommandation.

Le Conseil fédéral appuie les voeux de la CdG-E qu'une transparence aussi grande que possible soit assurée. La nouvelle législation qui entrera en vigueur le 1er janvier 1312

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2016 (loi du 18 juin 2004 sur les publications officielles1, ordonnance du 17 novembre 2004 sur les publications officielles2) prévoit l'obligation de publier les traités et décisions de droit international qui contiennent des règles de droit ou qui autorisent à en édicter, c'est-à-dire les traités et les décisions qui imposent directement, et de manière générale et abstraite, des obligations, accordent des droits ou fixent des compétences. Par conséquent, les traités de droit international qui ne contiennent pas de règles de droit ne sont en général pas publiés. Il s'agit notamment des accords d'exécution d'accords internationaux au sens de l'art. 48a, al. 1, de la loi du 3 février 1995 sur l'armée (LAAM)3 concernant l'instruction à l'étranger ou avec des troupes étrangères, et des accords internationaux au sens de l'art 109b LAAM qui touchent le domaine de la coopération en matière d'armement.

Le Conseil fédéral est aussi favorable à la demande de lister à l'avenir la totalité des traités et accords-cadres dans le rapport annuel sur les traités internationaux, conformément à l'art. 48a, al. 2, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration4.

Recommandation 2: Clarifier le degré de contrainte ainsi que les procédures d'approbation qui en sont fonction La CdG-E demande au Conseil fédéral de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les organes responsables dans le domaine de l'armement accorderont à l'avenir l'attention voulue à la clarification rigoureuse et circonstanciée du degré de contrainte juridique émanant des conventions et accords conclus. Le Conseil fédéral examinera en outre dans quelle mesure des mesures supplémentaires s'imposent afin d'assurer que tous les traités et accords juridiquement contraignants soient désormais soumis à son approbation.

Le Conseil fédéral est d'accord avec cette recommandation.

Le Conseil fédéral souhaite aussi que le degré de contrainte émanant de l'ensemble des conventions et accords-cadres soit soigneusement examiné et qu'une procédure correcte d'approbation soit garantie. A ce propos, le DDPS a déjà pris des mesures pour approfondir l'examen matériel des conventions et accords-cadres conclus dans le domaine de l'armement. La consultation, à un stade précoce, de l'Office fédéral de la justice et la Direction
du droit international public dans le cadre de cet examen fait partie de ces mesures. Les accords contraignants doivent, en principe, être approuvés par le Conseil fédéral.

1 2 3 4

RS 170.512, RO 2015 3977 RS 170.512.1, RO 2015 3989 RS 510.10 RS 172.010

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Recommandation 3: Concrétiser les bases stratégiques et améliorer la vérification de leur respect La CdG-E demande au Conseil fédéral de veiller à ce que l'utilité des coopérations mises en place dans la perspective des missions confiées à l'armée par le législateur soit vérifiée plus rigoureusement à l'avenir. Il prendra les mesures nécessaires pour assurer que a.

les bases stratégiques et les objectifs des coopérations internationales dans les domaines de l'instruction militaire et de l'armement seront concrétisés et que

b.

les activités de coopération seront autorisées à l'avenir uniquement s'il est assuré que ces bases stratégiques sont bien respectées (voir aussi la recommandation 4).

Le Conseil fédéral n'est pas d'accord avec cette recommandation.

Le Conseil fédéral ne partage pas l'avis de la CdG-E selon lequel les bases établies pour l'instruction militaire et l'armement sont insuffisantes et doivent donc être concrétisées. Le Conseil fédéral pense qu'avec les tâches et mandats légaux, les documents de référence de la politique de sécurité (tels le rapport sur la politique de sécurité et le rapport sur l'armée) ainsi que d'autres bases politiques et juridiques d'ordre supérieur, principalement en lien avec le concept de neutralité, constituent des lignes directrices suffisantes pour mener à bien les activités de coopération; ces bases ne nécessitent pas de concrétisation supplémentaire. De l'avis du Conseil fédéral, il s'agit plutôt, en tenant compte de ces valeurs de référence et autres lignes directrices, de tirer profit des possibilités de coopération afin d'accroître l'efficacité et l'efficience dans l'accomplissement des tâches prévues par la loi. En l'occurrence, il faut savoir que ces coopérations sont la concrétisation d'aspirations et de besoins, c'est-à-dire qu'elles partent «du bas vers le haut» et non «du haut vers le bas». Le Conseil fédéral considère qu'il est décisif d'évaluer, au cas par cas, les impératifs des coopérations à l'aune de leur utilité effective et dans le respect des conditions générales déterminantes sur les plans de la politique et du droit. C'est là une tâche qui incombe au Conseil fédéral, lequel considère cette approche comme plus efficiente que la formulation de conditions détaillées et abstraites sur la base desquelles telle ou telle coopération devrait être favorisée. Le Conseil fédéral entend conserver sa liberté de décision et de manoeuvre dans les cas concrets et ne pas la déléguer à des organes inférieurs en l'assortissant de conditions.

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Recommandation 4: Améliorer le pilotage dans le domaine de l'armement La CdG-E invite le Conseil fédéral à veiller à une amélioration du pilotage des coopérations dans le domaine de l'armement. Il prendra les mesures nécessaires pour assurer qu'armasuisse a.

fasse en sorte que les bases stratégiques dans le domaine de l'armement soient précisées,

b.

désigne un service ayant une vue d'ensemble sur les coopérations et activités et

c.

définisse des procédures d'autorisation claires pour l'organisation d'activités de coopération (voir aussi la recommandation 3).

Le Conseil fédéral est d'accord avec cette recommandation.

A ce propos, le DDPS s'est déjà rendu compte de la nécessité d'agir dans le domaine de l'armement et, en ce qui concerne armasuisse, s'est lancé dans l'élaboration de bases internes pour la coopération en matière d'armement ainsi que dans la réglementation des processus et responsabilités touchant la coopération internationale dans ce domaine.

Recommandation 5: Accorder plus d'attention aux conséquences des coopérations sur la politique extérieure et collaborer plus étroitement avec le DFAE dans le domaine de l'armement La CdG-E demande au Conseil fédéral de faire en sorte que les organes compétents d'armasuisse a.

tiennent mieux compte, lorsqu'ils concluent un accord ou mettent en place des activités avec un Etat étranger, de leur opportunité dans la perspective de la politique extérieure et qu'ils

b.

consultent le DFAE sous une forme adéquate.

Le Conseil fédéral est d'accord avec cette recommandation.

Aux yeux du Conseil fédéral, il va sans dire que des considérations relevant de la politique extérieure doivent, en principe, toujours être prises en compte dans le cadre des coopérations internationales. Cette règle s'applique aussi aux domaines de l'instruction militaire et de l'armement. Le Conseil fédéral souligne que les processus de coordination et de consultation ont toujours bien fonctionné entre le DDPS et le DFAE, notamment en ce qui concerne la collaboration dans le domaine de l'instruction militaire. Au niveau de l'armement, le DDPS examine systématiquement, en étroite collaboration avec le DFAE, l'opportunité au regard de la politique extérieure, de même que la question de la compatibilité des accords avec la neutralité.

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