ad 12.470 Initiative parlementaire Meilleur soutien pour les enfants gravement malades ou lourdement handicapés qui sont soignés à la maison Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 7 juillet 2016 Avis du Conseil fédéral du 19 octobre 2016

Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 112, al. 3, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement, nous nous prononçons comme suit sur le rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 7 juillet 2016 relatif à l'initiative parlementaire 12.470 «Meilleur soutien pour les enfants gravement malades ou lourdement handicapés qui sont soignés à la maison1».

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

19 octobre 2016

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Johann N. Schneider-Ammann Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Avis 1

Contexte

Prodiguer à domicile des soins aux enfants qui les nécessitent représente une lourde tâche pour les parents et les personnes investies de l'autorité parentale: ils doivent relever d'importants défis personnels et financiers, résoudre d'épineuses questions d'organisation et prendre quotidiennement des décisions difficiles. Souvent aussi, les possibilités qui existent pour les soutenir ne sont pas suffisantes dans le cas particulier par rapport aux multiples charges qui leur incombent.

Le souhait des familles concernées d'être déchargées a donné lieu à diverses interventions parlementaires (notamment les motions Joder 11.4006 et Streiff 11.3959).

Le 27 septembre 2012, le conseiller national Rudolf Joder (UDC, BE) a déposé au Conseil national l'initiative parlementaire 12.470 «Meilleur soutien pour les enfants gravement malades ou lourdement handicapés qui sont soignés à la maison». Celleci vise une adaptation des bases légales de manière à ce que les familles (parents et personnes investies de l'autorité parentale) qui soignent à la maison des enfants gravement malades ou lourdement handicapés soient mieux et plus efficacement soutenues et déchargées.

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a examiné cette initiative à sa séance du 15 août 2013 et a décidé, par 23 voix contre 0 et 1 abstention, de lui donner suite. Son homologue du Conseil des États (CSSS-E) s'est ralliée à cette décision à sa séance du 10 janvier 2014, par 8 voix contre 1. Le 11 avril 2014, la CSSS-N a chargé sa sous-commission «Politique familiale» d'élaborer un projet de mise en oeuvre de l'initiative. La souscommission a procédé, le 26 août et le 5 novembre 2014, à une longue série d'auditions d'experts du domaine. Lors de ses séances du 18 février et du 21 août 2015, elle a discuté de l'opportunité de modifier la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l'assurance-invalidité (LAI)2 et s'est attelée à l'élaboration d'un projet d'acte. La sous-commission a fait appel, en vertu de l'art. 112 de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement3, à des experts de l'Office fédéral des assurances sociales afin qu'ils la secondent dans ses travaux. Le 21 août 2015, elle a approuvé, par 6 voix contre 0 et 4 abstentions, un avant-projet à l'intention de la commission et a chargé le secrétariat de
rédiger un rapport explicatif en collaboration avec l'administration. Le 13 novembre 2015, la commission a approuvé à l'unanimité au vote sur l'ensemble l'avant-projet de sa sous-commission, après y avoir apporté quelques modifications.

Elle a en outre décidé d'organiser une procédure de consultation, laquelle s'est achevée à la fin du mois de mars 2016.

Le projet a été salué par la grande majorité des 54 participants à la consultation, qui ont considéré qu'il améliore la situation et la qualité de vie des enfants gravement malades ou handicapés et celles de leurs parents. Tous les participants trouvent l'objectif poursuivi par le projet louable et reconnaissent que des mesures s'impo2 3

RS 831.20 RS 171.10

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sent dans ce domaine. L'amélioration apportée au supplément pour soins intenses (SSI) est particulièrement appréciée, car celui-ci est à la libre disposition des parents. Plusieurs participants ont également apprécié le fait que la modification proposée ne bouleverse pas le système et qu'elle est facile à mettre en oeuvre.

Les raisons qui ont amené certains participants à rejeter le projet sont d'ordre financier. Ils ont souligné que l'assainissement de l'AI n'est de loin pas garanti et que le développement continu de l'AI comporte aussi des coûts supplémentaires. Les participants opposés au projet trouvent ainsi irresponsable d'étendre les prestations.

La question du financement fait aussi partie des réserves émises par des partisans du projet. Certains d'entre eux ont relevé qu'il manque des informations sur les effets que ces coûts supplémentaires auront sur le désendettement de l'AI et ont donc demandé de suspendre le traitement de l'initiative parlementaire et de l'intégrer dans la révision en cours afin d'avoir une vision globale.

Le 7 juillet 2016, la CSSS-N a pris acte des résultats de la consultation et a approuvé le projet de loi par 21 voix contre 0 et 1 abstention. Le projet de modification de la LAI élaboré par la commission a pour but de soutenir et de décharger plus efficacement les familles qui ne souhaitent pas confier leur enfant gravement malade ou lourdement handicapé à une institution mais lui prodiguer soins et assistance à la maison. Il prévoit ainsi d'augmenter les montants du supplément pour soins intenses (modification de l'art. 42ter, al. 3, LAI) et de supprimer la déduction du supplément pour soins intenses du montant de la contribution d'assistance (modification de l'art. 42sexies, al. 1, let. a, LAI).

Le présent avis se réfère à ce projet.

2

Avis du Conseil fédéral

2.1

Contexte politique

Grâce à une étude4, on sait qu'un mineur au bénéfice d'une allocation pour impotent (API) obtient en moyenne (valeur médiane) une aide de trois heures par jour pour des actes ordinaires de la vie5 ou pour des soins6 lorsqu'il ne séjourne pas dans une institution. Parmi les mineurs au bénéfice d'un SSI, ce besoin d'aide et de soins est nettement plus important: pour eux, la moyenne est de cinq heures par jour7.

4

5 6 7

Le Bureau d'études de politique du travail et de politique sociale (BASS SA) a reçu de l'OFAS le mandat d'étudier la situation des bénéficiaires d'une allocation pour impotent de l'AI sous l'angle du logement et de la prise en charge. Les auteurs de l'étude se sont adressés en tout à 2000 mineurs (ou aux parents ou représentants légaux qui s'en occupent) qui perçoivent une allocation pour impotent et qui vivent à la maison. La moitié des mineurs en question ont également droit à un supplément pour soins intenses. Cette étude a été publiée par l'OFAS en 2013 (rapport de recherche no 2/13). Elle peut être consultée à l'adresse suivante: www.ofas.admin.ch > Pratique > Recherche > Rapports de recherche (entrer «2/13» dans le champ «Recherche»).

Par ex. se vêtir et se dévêtir, manger, faire sa toilette, se déplacer à l'intérieur de la maison.

Soins de base et soins médicaux, par ex. désinfecter, mettre de la pommade, donner des inhalations ou des perfusions.

Cf. étude BASS, p. 79, notamment fig. 120.

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Un peu plus de la moitié des personnes s'occupant en priorité d'enfants au bénéfice d'une API se sentent toujours, ou fréquemment, épuisées en raison de leur situation.

Sur dix personnes s'occupant de ces enfants, trois ressentent toujours, ou fréquemment, une lourde charge. Ils sont presque la moitié dans cette situation lorsque l'enfant est au bénéfice d'un SSI8.

Soutien aux proches aidants Le rapport du Conseil fédéral du 5 décembre 2014 sur le soutien aux proches aidants avait déjà constaté que les personnes qui soignent à domicile des proches souffrent de lourdes charges personnelles et familiales. Si cette charge perdure, elle peut constituer un véritable fardeau pour les proches et les confronter à des difficultés diverses. Ils finissent parfois par être dépassés psychiquement ou physiquement ou par ne plus arriver à concilier les impératifs familiaux et professionnels. Le Conseil fédéral avait donc reconnu la nécessité d'adopter des mesures et avait lancé un Plan d'action de soutien et de décharge en faveur des proches aidants.

Le projet de la commission s'inscrit dans cette démarche, mais à l'extérieur de ce plan d'action.

Développement continu de l'AI Une nouvelle révision de l'AI est en préparation. Elle prévoit d'intervenir notamment dans le domaine des mesures médicales qui ont aussi une influence sur la détermination du supplément pour soins intenses. Il est aussi prévu de traiter dans ce cadre une autre mesure qui avait été évoquée lors des débats dans la souscommission Politique familiale visant à améliorer la situation des parents qui soignent à domicile des enfants gravement malades ou handicapés, à savoir la surveillance infirmière. La sous-commission avait chargé le Conseil fédéral d'examiner cette question dans le cadre de cette révision.

2.2

Appréciation du projet de la commission

Les mesures proposées visent les familles les plus lourdement touchées, à savoir les parents et les personnes investies de l'autorité parentale qui prennent soin d'enfants gravement atteints et qui bénéficient d'une API et d'un SSI de l'AI. Ces mesures doivent atteindre le plus grand nombre possible d'enfants nécessitant des soins, quelle que soit la cause de l'atteinte à leur santé.

Le projet prévoit un relèvement échelonné des montants du supplément pour soins intenses. Les augmentations prévues sont de 20 % du montant maximum de la rente de vieillesse pour un SSI 4, de 30 % pour un SSI 6 et de 40 % de la rente maximale pour un SSI 8. Les nouveaux montants du supplément pour soins intenses atteignent donc respectivement 40 %, 70 % et 100 % de la rente maximale, comme illustré dans le tableau suivant:

8

Ibidem, pp. 85 à 88.

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Proposition de la CSSS-N

SSI 4

SSI 6

SSI 8

Montants mensuels actuels (en pourcentage de la rente maximale)

470 (20 %)

940 (40 %) 1410 (60 %)

Montants mensuels prévus (en pourcentage de la rente maximale)

940 (40 %)

1645 (70 %) 2350 (100 %)

Pour ne pas désavantager les familles qui bénéficient de la contribution d'assistance (pour lesquelles l'augmentation du montant du supplément pour soins intenses se réduirait à un simple transfert de coûts), la commission propose une exception à la règle de l'art. 42sexies LAI, qui déduit du temps nécessaire aux prestations d'aide dans le cadre de la contribution d'assistance celui reconnu dans le cadre de l'allocation pour impotent et du supplément pour soins intenses. Le SSI ne serait ainsi plus déduit de la contribution d'assistance.

Le Conseil fédéral partage l'avis de la commission que les familles ou les personnes qui soignent à domicile des enfants malades ou lourdement handicapés font face à une lourde charge de travail et doivent supporter des coûts supplémentaires. Cela est particulièrement vrai pour les parents d'enfants qui bénéficient d'un SSI9. Il reconnaît que des mesures s'imposent dans ce domaine et loue par conséquent l'objectif que poursuit le projet. Il émet néanmoins les remarques et réserves suivantes.

­

Le Conseil fédéral s'inquiète de l'exception à la règle de l'art. 42 sexies, al. 1, let. a, LAI proposée par la commission. En effet, renoncer à la déduction du SSI du montant de la contribution d'assistance revient à tenir compte à double du même besoin d'aide (une fois dans le SSI et une fois dans la contribution d'assistance).

­

Le Plan d'action de soutien et de décharge en faveur des proches aidants, adopté par le Conseil fédéral le 5 décembre 2014, apporte également une réponse au postulat 13.3366 de la CSSS- N «Prévoir des allocations d'assistance et des possibilités de décharge pour les personnes qui prennent soin d'un proche» et au postulat Seydoux 09.4199 «Congé rémunéré d'une durée suffisante pour les parents d'enfants gravement atteints dans leur santé». Les mesures prises dans ce cadre peuvent se recouper avec le projet soumis par la commission et requérir une coordination.

Le Conseil fédéral soutient la proposition de modification de l'art. 42 ter, al. 3, mais rejette la modification de l'art. 42sexies, al. 1, let. a, LAI. En effet, il est d'avis qu'il faut éviter une double indemnisation des prestations d'aide (une fois dans le cadre du SSI et une fois dans le cadre de la contribution d'assistance). Il souligne en outre la nécessité de coordonner le projet de la commission avec le Plan d'action pour les proches aidants.

9

Ibidem, p. 87.

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2.3

Conséquences du projet de la commission

2.3.1

Conséquences financières pour l'AI

Le projet proposé par la commission occasionnerait des coûts annuels supplémentaires pour l'AI d'environ 27 millions de francs : 20 millions pour le supplément pour soins intenses et 6,5 millions pour la contribution d'assistance. Mais d'après les prévisions actuelles, ces surcoûts n'empêcheront pas d'achever le désendettement de l'AI en 2030.

Ces coûts se justifient du fait qu'ils bénéficient à un groupe cible clairement défini pour lequel une amélioration de la prise en charge est indiquée. La mesure est en effet destinée uniquement aux parents d'enfants ayant droit à un SSI, et ce groupe d'enfants est nettement plus restreint que celui des enfants bénéficiant d'une API.

En 2014, 2700 enfants percevaient un SSI. Ces enfants présentent un très grand besoin d'assistance. L'amélioration de la prise en charge est en outre échelonnée et calculée en fonction des coûts effectifs de l'assistance.

2.3.2

Conséquences sociales

L'assistance dont ces enfants ont besoin représente aussi pour les parents une charge physique et psychique qui peut s'avérer très grande, notamment lorsque l'assistance apportée à un enfant lourdement handicapé doit être combinée avec une activité professionnelle.

Comme les parents peuvent disposer à leur guise du supplément pour soins intenses, ils pourront trouver l'équilibre optimal entre travail et famille en fonction de leurs besoins et ceux de leurs employeurs. L'amélioration de la prise en charge proposée par la commission va donc aussi bien dans l'intérêt des enfants concernés (meilleure assistance) que dans l'intérêt des parents (possibilités de décharge).

2.3.3

Conséquences administratives

La proposition de la commission améliore une prestation existante. Elle n'entraîne aucune démarche administrative supplémentaire ni pour les parents ni pour l'économie.

2.4

Autres options examinées

La solution retenue est préférable aux autres options examinées. Elle est compatible avec le système actuel, adaptée aux besoins, simple, efficace et adéquate.

Diverses options, en particulier une extension de la contribution d'assistance, ont été discutées en détail, mais rejetées pour diverses raisons.

La contribution d'assistance a été introduite le 1er janvier 2012 et son évaluation finale n'interviendra que fin 2017. Trois évaluations intermédiaires sont actuelle7950

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ment disponibles10. Ne serait-ce que pour des raisons systémiques, il ne paraît ni raisonnable ni judicieux d'inclure de nouvelles prestations ou des prestations plus généreuses (par ex. une augmentation ciblée de la contribution d'assistance pour les enfants) dans la contribution d'assistance.

Une autre option non retenue est l'engagement des proches comme assistants («les parents comme assistants»). La rémunération des tâches au sein de la famille est une question de société qui dépasse le cadre de l'AI. Elle aurait aussi pour conséquence l'engagement de proches dans toutes les situations où une assistance est requise, et non uniquement dans les cas où des soins sont prodigués à domicile à des enfants gravement malades. Or l'objectif est précisément d'éviter d'imposer une telle charge supplémentaire aux familles.

L'option «les parents comme employeurs» entraînerait quant à elle un surcroît de travail considérable lors du contrôle des factures.

Le compte d'exploitation de l'AI fait apparaître pour le premier semestre 2016 une faible croissance des dépenses en lien avec l'allocation pour impotent, mais une hausse considérable des dépenses en lien avec la contribution d'assistance par rapport à la même période de l'année précédente. Une extension de la contribution d'assistance risquerait d'accentuer cette évolution. Le caractère ciblé de cette prestation et le modèle retenu par le législateur, à savoir le modèle dit de l'employeur, impliquent un lourd travail administratif. La conception de l'allocation pour impotent, avec son caractère schématique et forfaitaire, s'avère préférable de ce point de vue.

3

Proposition du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral soutient la modification de l'art. 42 ter, al. 3, mais rejette la modification de l'art. 42sexies, al. 1, let. a, LAI.

10

Cf. Guggisberg, Jürg; Bischof, Severin (2016): Evaluation Assistenzbeitrag. Zwischenbericht 3 (publication en ligne, en allemand avec résumé en français). Accessible à l'adresse: www.ofas.admin.ch > Documentation > Publications > Études, expertises... > Assurance-invalidité.

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