Annexe

Evaluation concernant l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation de l'administration fédérale décentralisée Rapport du Contrôle parlementaire de l'administration à l'intention de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 2 février 2015

2015-2806

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L'essentiel en bref La question de l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation de l'administration fédérale décentralisée fait régulièrement l'objet de critiques. Les Commissions de gestion des Chambres fédérales ont donc chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) d'évaluer la façon dont l'indépendance de ces autorités est garantie. La sous-commission DFI/DETEC de la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E), compétente en l'espèce, a précisé le mandat de cette étude à sa séance du 21 août 2013.

Aperçu des résultats Les dispositifs normatifs régissant l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation sont globalement fonctionnels, quoique très différents les uns des autres dans leur conception. Les normes légales sont adéquatement précisées dans les ordonnances, lorsqu'elles le sont, et elles ne créent pas de doublons; mais les lois présentent des lacunes, en particulier en ce qui concerne l'indépendance fonctionnelle et l'indépendance en matière de personnel. Les normes ne sont pas toujours jugées adéquates, s'agissant de leur application, mais aucune difficulté majeure n'a été relevée dans la pratique. Cela est attribué principalement à la sensibilité des personnes concernées par ces aspects au sein des autorités et de la Confédération.

Lacunes ou dispositifs rudimentaires dans les lois Dans le cas des autorités de surveillance et de régulation, l'indépendance s'articule autour de deux axes: d'une part, l'indépendance à l'égard de la politique, soit de l'influence du gouvernement et des organes de l'administration et, d'autre part, l'indépendance à l'égard du marché, notamment des instances directement assujetties à la surveillance. Même si les exigences en matière d'indépendance visent autant l'organe dirigeant que la direction et le personnel, force est de constater que les dispositifs normatifs des autorités examinées ne tiennent pas compte systématiquement de toutes les facettes de l'indépendance. Il manque par exemple, pour certaines autorités, des règles sur le cumul des fonctions et les conflits d'intérêts, mais aussi des profils de compétences pour l'organe dirigeant ou des exigences pour l'échelon opérationnel, ainsi que l'obligation d'appliquer un code de conduite et/ou de prendre des mesures pour garantir l'indépendance, notamment
en cas de conflits d'intérêts.

Pour certaines autorités, la lacune législative réside dans le fait que la loi ne prévoit aucune obligation, pour l'autorité, de se doter d'un dispositif d'autorégulation.

Séparation institutionnelle parfois imparfaite La séparation institutionnelle entre l'autorité et la Confédération est nette dans la plupart des cas, mais certaines autorités sont étroitement liées à l'administration fédérale centrale. Par exemple, elles ne disposent pas toutes de leur propre secrétariat scientifique. L'autorité doit alors s'appuyer sur le personnel d'un office pour la préparation de ses dossiers, ce qui suppose qu'elle dispose d'un pouvoir

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d'instruction à l'égard de l'office. Ce type de structure est une réponse pragmatique et économique qui permet d'exploiter des synergies et d'éviter des doublons.

La proximité entre l'autorité et un office peut cependant restreindre l'indépendance, si l'office reçoit des instructions simultanément de la part de l'autorité et du département. Les membres de l'organe dirigeant de l'autorité doivent alors s'assurer d'avoir une distance critique suffisante par rapport aux travaux préparatoires de l'office. Il arrive aussi que, pour des motifs d'efficacité, des autorités soient rattachées administrativement à un département. D'après les opinions recueillies auprès des personnes concernées, ce type de configuration semble toutefois poser moins de problèmes dans la pratique qu'en théorie. En fin de compte, l'indépendance serait garantie par les personnalités occupant les postes clés et par leur sensibilité à cette problématique.

Faible influence du Conseil fédéral lors de la nomination de l'organe dirigeant La nomination de l'organe dirigeant par le Conseil fédéral devrait se fonder sur un profil de compétences pour chacun des membres. Ces profils n'existent cependant pas pour toutes les autorités. Par contre, la procédure de nomination est globalement la même partout. Dans la plupart des cas, les préparatifs sont effectués par le département, avec le concours ­ à des degrés divers ­ de l'autorité concernée. Mais dans tous les cas, la décision définitive est prise par le Conseil fédéral.

L'implication du département varie beaucoup. Alors que certains départements cherchent eux-mêmes des candidats en plus de ceux proposés par l'autorité, il arrive aussi que le département et le Conseil fédéral n'examinent pratiquement pas les candidatures qui leur sont soumises. Il n'existe d'ailleurs aucun cas connu où les personnes proposées n'auraient pas été élues par le Conseil fédéral. Il semblerait donc que le Conseil fédéral n'exploite pas toujours le potentiel de pilotage dont il dispose à travers la nomination des membres de l'organe dirigeant, ce qui recoupe les conclusions de l'évaluation sur la procédure de nomination des cadres supérieurs par le Conseil fédéral menée par le CPA.

Pertinence d'une «culture» de l'indépendance Ce n'est finalement pas que le dispositif normatif qui garantit l'indépendance d'une
autorité de surveillance et de régulation et qui ancre son indépendance de fait. La sensibilité des personnes concernées, leur manière d'agir au quotidien ainsi que la façon dont elles assument leurs actions à l'égard du public jouent un rôle beaucoup plus important. Ce sont tous ces aspects qui contribuent à la formation d'une «culture» de l'indépendance au sein de l'autorité. Les personnes ou les personnalités qui occupent les postes clés sont donc déterminantes pour l'indépendance effective d'une autorité dans la pratique.

Cela n'enlève rien à la nécessité de disposer d'exigences claires, qui doivent servir de guide. Un code de conduite définissant les compétences en matière de contrôle ainsi qu'un système de comptes rendus renforcent aussi cette culture. Mais quelle que soit la densité normative de ces règles, il n'est pas possible de réglementer tous les aspects de l'indépendance. Il faut cependant créer les conditions pour que, en

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cas de doute, une instance supérieure puisse apprécier dans un cas concret si, et comment, l'indépendance peut être garantie.

Procédure d'évaluation La présente évaluation de l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation de l'administration fédérale décentralisée s'appuie sur une analyse des bases normatives et de leur application. L'analyse des normes régissant les seize autorités externalisées et l'analyse détaillée des normes régissant les cinq autorités sélectionnées par la sous-commission compétente (Swissmedic, IFSN, ASR, ComCom, COMCO) ont été réalisées par des experts externes. Le CPA a examiné l'application des normes dans les cinq autorités sélectionnées en se fondant sur des documents et sur des entretiens menés avec les autorités concernées et avec les départements compétents, ainsi qu'avec des représentants des branches visées par les activités de surveillance et de régulation.

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Table des matières L'essentiel en bref

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1

Introduction 1.1 Objet et problématique de l'évaluation 1.2 Procédure 1.3 Structure du rapport

1566 1566 1568 1569

2

Autorités de surveillance et de régulation 2.1 Définition de la notion d'autorité de surveillance et de régulation 2.2 Définition de la notion d'indépendance 2.3 Champs conceptuels de l'indépendance 2.4 Modèle d'analyse

1569 1570 1572 1572 1575

3

Résultats de l'évaluation 3.1 Catégorisation des seize autorités de surveillance et de régulation 3.2 Analyse des bases juridiques des cinq autorités sélectionnées 3.2.1 Indépendance fonctionnelle 3.2.2 Indépendance institutionnelle 3.2.3 Indépendance en matière de personnel 3.2.4 Indépendance financière 3.3 Analyse de l'application des normes des cinq autorités sélectionnées 1582 3.3.1 Indépendance fonctionnelle dans la pratique 3.3.2 Indépendance institutionnelle dans la pratique 3.3.3 Indépendance en matière de personnel dans la pratique 3.3.4 Indépendance financière dans la pratique

1576 1577 1579 1579 1580 1581 1582

Conclusions 4.1 Peu d'uniformité dans la conception des normes 4.2 Lacunes ou dispositifs rudimentaires dans les lois 4.3 Séparation institutionnelle parfois imparfaite 4.4 Influence parfois minime du Conseil fédéral lors de la nomination des organes 4.5 Pertinence d'une «culture» de l'indépendance

1588 1588 1588 1589

4

1583 1584 1585 1587

1590 1590

Table des abréviations

1592

Bibliographie et documents de référence

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Liste des personnes interviewées

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Appendice Tableaux 2 à 4

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Impressum

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Rapport Ce rapport présente les principaux résultats de l'évaluation. La description détaillée des analyses et des critères sur lesquels se fondent les appréciations figure dans l'annexe au rapport1.

1

Introduction

1.1

Objet et problématique de l'évaluation

Au cours des vingt dernières années, un nombre croissant de fonctions étatiques de surveillance et de régulation ont été confiées à des autorités ne faisant pas partie de l'administration fédérale centrale2. Le but était essentiellement de garantir l'indépendance de ces organes dans le cadre de l'exécution de leurs tâches et leur liberté d'entreprise dans le cadre de l'organisation du travail. Certaines de ces entités sont des établissements de droit public, comme l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA), l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) et l'Institut suisse des produits thérapeutiques (Swissmedic). D'autres ont le statut de commission extraparlementaire, à l'instar de la Commission de la concurrence (COMCO), de la Commission fédérale de la communication (ComCom) et de la Commission fédérale de l'électricité (ElCom). Le Conseil fédéral dispose cependant toujours de certains moyens d'influer sur le pilotage de ces entités. De fait, le système de pilotage est défini dans la loi et les ordonnances régissant chacune de ces entités et le Conseil fédéral est tenu de le mettre en oeuvre.

La délégation de ce type de tâches étatiques s'accompagne de défis et certaines autorités de surveillance et de régulation ont fait parler d'elles dans la presse en raison de liens apparemment problématiques. Ainsi des doutes ont-ils été émis quant à l'indépendance des organes de direction stratégique de la FINMA et de l'IFSN. Le rôle du Conseil fédéral a été remis en question lors de la nomination d'un nouveau membre du conseil d'administration de la FINMA en 20133. Après la catastrophe nucléaire de Fukushima, l'IFSN et le conseil de l'IFSN, l'organe de surveillance interne et stratégique, ont en outre été critiqués par une grande partie de l'opinion 1

2

3

Evaluation zur Sicherstellung der Unabhängigkeit der Aufsichts- und Regulierungsbehörden der dezentralen Bundesverwaltung, Materialien zum Bericht der Parlamentarischen Verwaltungskontrolle zuhanden der Geschäftsprüfungskommission des Ständerates vom 2. Febr. 2015. L'annexe au rapport est publiée en version originale allemande sur Internet sous: www.parlement.ch > Organes et députés > Commissions > Contrôle parlementaire de l'administration > Publications.

Les personnes ou les organisations de droit public ou de droit privé créées par la loi qui fournissent des prestations consistant essentiellement en prestations ayant un caractère monopolistique ou qui exercent des tâches relevant de la surveillance économique ou de la surveillance de la sécurité font partie de l'administration fédérale décentralisée (art. 6, al. 2, de l'ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration [OLOGA]).

Bruno Schletti, Heikle Sonderregel für Finma-Verwaltungsräte, in: Tages-Anzeiger, 15.9.2014; Michael Soukoup, Christian Brönimann, Der Netzwerker wird zum Aufseher, in: Der Bund, 4.7.2013.

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publique au motif que le conseil de l'IFSN entretiendrait des rapports trop étroits avec l'industrie nucléaire et que, par conséquent, il ferait preuve de laxisme dans l'exercice de sa mission de surveillance4. La presse a qualifié de dépassée la tradition qui veut que des représentants des milieux économiques siègent à la COMCO5.

En 2012, la presse a critiqué la proximité de Swissmedic avec l'industrie pharmaceutique, d'une part, parce que cette dernière finance en partie l'institut et, d'autre part, parce que celui-ci perçoit une participation au chiffre d'affaires réalisé sur la vente de médicaments6. De manière générale, de telles accusations peuvent nuire à la crédibilité des organes visés et contribuer à l'installation d'un climat de défiance.

C'est dans ces circonstances que, le 27 janvier 2013, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) d'évaluer l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation. Dans le cadre de cette étude, le CPA avait pour mission d'examiner ce que le Conseil fédéral entreprend, dans la limite de ses compétences, pour garantir l'indépendance de ces entités à l'égard de la branche concernée, mais aussi de l'administration fédérale.

L'évaluation répond aux questions suivantes: ­

Quelles règles visant à garantir l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation figurent dans la loi et les ordonnances? Comment s'articulent-elles?

­

Que faut-il penser de la façon dont les bases juridiques régissant les autorités de surveillance et de régulation sont concrétisées par le Conseil fédéral?

­

Que faut-il penser de l'application du cadre juridique et de sa pertinence dans une optique pratique?

La surveillance du Conseil fédéral et la haute surveillance parlementaire sur les autorités de surveillance et de régulation devenues autonomes sont limitées en raison de l'indépendance dont ces dernières jouissent en vertu de la législation spéciale 7.

En dehors des compétences spécifiques qui leur sont conférées (comme la vérification de l'établissement régulier des comptes rendus), ces organes de surveillance n'interviennent que lorsque le fonctionnement régulier de l'autorité est menacé. Il est hors de question que les instances de haute surveillance procèdent à un contrôle matériel des décisions des autorités de surveillance et de régulation (sur ce point, cf. Biaggini 2013 et Uhlmann 2013). C'est la raison pour laquelle la présente évaluation ne s'est pas intéressée à la question de l'indépendance de ces autorités dans le 4

5 6

7

Hubert Mooser, Nuklearexperte teilt gegen Uvek aus, in: Tages Anzeiger, online, 5.12.2012; Dominik Balmer, Kein Persilschein für Atombehörden Ensi und Nagra, in: Berner Zeitung, 4.12.2012.

Samuel Rutz, Wünschenswerte Verkleinerung der Weko. Eine schlagkräftigere und unabhängigere Wettbewerbskommission, Avenir Suisse, 18.4.2013 Thomas Cueni, Wer soll zahlen für Swissmedic?, in: Basler Zeitung, 10.9.2012; Victor Weber, Swissmedic abhängig von Pharma, in: SonntagsZeitung, 2.9.2012; Victor Weber, Petra Wessalowski, Swissmedic: Politiker handeln, in: SonntagsZeitung, 9.9.2012. Voir également Interpellation Steiert «Swissmedic. Financer indépendamment du chiffre d'affaires pour éviter les fausses incitations» du 12.9.2012 (12.3698).

S'agissant des fondements de la haute surveillance des organes de l'administration devenus autonomes, voir Lienhard 2008, p. 5 ss.

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cadre de décisions spécifiques (par ex. la réglementation bancaire de la FINMA ou les réexamens de sécurité de l'IFSN). Les investigations ont donc porté sur la conception du cadre normatif censé garantir l'indépendance de ces autorités et sur sa mise en oeuvre.

1.2

Procédure

La question de la garantie de l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation de l'administration fédérale décentralisée a été examinée à la lumière des trois questions posées.

Dans un premier temps, il a fallu, pour répondre à la première question, recenser les normes juridiques ayant pour but de garantir l'indépendance des seize autorités de surveillance et de régulation8. Cet inventaire a été réalisé à partir d'une analyse des dispositions des lois et ordonnances qui régissent ces autorités. La classification de ces dispositions selon les quatre champs conceptuels de l'indépendance (cf. chap. 2.3) a débouché sur une typologie des autorités concernées, dont la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E s'est servie pour sélectionner les cinq autorités qui ont fait l'objet d'un examen plus approfondi, sur la base d'études de cas: ­

Swissmedic, Institut suisse des produits thérapeutiques;

­

Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN);

­

Autorité fédérale de surveillance en matière de révision (ASR);

­

Commission fédérale de la communication (ComCom);

­

Commission de la concurrence (COMCO).

Ces autorités ont été sélectionnées en raison du dispositif normatif régissant leur indépendance, qui est plutôt dense pour les unes et plutôt maigre pour les autres 9.

Dans un deuxième temps, les bases juridiques régissant les cinq autorités choisies ont fait l'objet d'une analyse détaillée. Cet examen a porté sur la réglementation au sens large, qui comprend non seulement les lois et ordonnances applicables à chacune de ces autorités, mais également les directives et autres codes édictés par le département de tutelle, voire par l'autorité elle-même. Cette analyse a débouché sur des conclusions spécifiques pour chaque autorité et sur des conclusions générales.

Par ailleurs, des révisions législatives sont en cours pour trois des cinq autorités étudiées (ASR, COMCO, Swissmedic): le Conseil fédéral a proposé d'établir les relations entre ces autorités et l'exécutif sur de nouvelles bases. La présente évaluation repose sur une analyse des bases légales actuellement en vigueur, tout en évoquant les révisions législatives en cours au sujet desquelles le message du Conseil

8 9

Définition de la notion d'autorité de surveillance et de régulation, voir chap. 2.1.

Processus de sélection des cinq autorités, voir chap. B.4.1.1 de l'Annexe au rapport.

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fédéral a déjà été publié. Elle ne tient cependant pas compte des débats qui ont déjà eu lieu au Parlement10.

Enfin, dans un troisième temps, la mise en oeuvre des bases juridiques des cinq autorités sélectionnées (nomination de l'organe dirigeant, comptes rendus, etc.) a elle aussi été analysée. Les évaluateurs ont examiné l'application des normes et leur pertinence en se fondant sur des entretiens standardisés menés avec 43 personnes.

Une comparaison entre les autorités a mis en évidence les forces et les faiblesses dans l'application des normes. Cette partie de l'enquête s'est basée sur une étude de cas type, fondée sur l'exemple de l'ASR, et sur un guide d'entretien standardisé.

L'analyse des normes (première et deuxième étapes) a été effectuée par Messieurs Urs Bolz et David Wüest-Rudin, du cabinet bolz+partner, en collaboration avec le professeur Andreas Lienhard, du Centre de compétences en gestion publique de l'Université de Berne (Kompetenzzentrum für Public Management, KPM).

L'analyse de la mise en oeuvre des normes a été réalisée par le CPA. L'étude de cas type et le guide d'entretien ont été mis au point par le cabinet bolz+partner, en collaboration avec le CPA.

1.3

Structure du rapport

Le chapitre 2 est consacré à la délimitation de l'objet de l'évaluation, à savoir les autorités de surveillance et de régulation et leur indépendance. Le chapitre 3 se penche sur les résultats de l'évaluation. Il catégorise tout d'abord les autorités de surveillance et de régulation sur la base des quatre champs conceptuels de l'indépendance (chap. 3.1), puis il examine les résultats de l'analyse détaillée des normes ainsi que de l'analyse de l'application des normes sous l'angle de ces quatre champs (chap. 3.2 et 3.3). Pour terminer, le chapitre 4 tire les principales conclusions de cette évaluation.

2

Autorités de surveillance et de régulation

La question de l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation sera abordée en deux temps. Dans un premier temps, il s'agira de définir ce qu'est une autorité de surveillance et de régulation et, dans un deuxième temps, de comprendre en quoi consiste l'indépendance de ces autorités. A partir de là seront définis les quatre champs conceptuels de l'indépendance à la base de la grille d'évaluation.

10

La COMCO fait exception: les Chambres fédérales ont accueilli froidement les dispositions d'organisation proposées dans le projet du Conseil fédéral et ces propositions n'ont pas été mentionnées. Le 17.9.2014, le second conseil a définitivement rejeté la révision de la loi sur les cartels (loi fédérale du 6.10.1995 sur les cartels et autres restrictions à la concurrence, LCart; RS 251).

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2.1

Définition de la notion d'autorité de surveillance et de régulation

Les tâches assumées par l'Etat sont de nature très variée. Elles touchent à des domaines classiques, tels que la politique étrangère ou la défense nationale, mais comprennent également la préparation de projets de loi, des tâches de surveillance ou encore des prestations fournies sur le marché (comme dans le cas de la Poste, des CFF ou de Swisscom). En règle générale, les premières sont directement subordonnées au Conseil fédéral (administration fédérale centrale), tandis que les tâches telles que la fourniture de prestations sur le marché ou la surveillance de ces activités sont souvent externalisées dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler l'administration fédérale décentralisée (cf. art. 6 de l'ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration [OLOGA]11).

D'un point de vue juridique, les autorités de surveillance et de régulation peuvent revêtir deux formes: celle d'un établissement de droit public autonome ou celle d'une commission décisionnelle. Les commissions décisionnelles sont des commissions extraparlementaires qui, comme leur nom l'indique, sont dotées de compétences décisionnelles12. Toutes ces autorités sont énumérées dans l'annexe de l'OLOGA. Il n'existe cependant pas de distinction nette entre les fonctions assumées par ces deux types d'organismes13. Pour des questions de clarté et de cohérence, seul le terme «autorités» est utilisé dans le cadre de la présente évaluation.

Le rapport du Conseil fédéral sur le gouvernement d'entreprise14 aborde, dans l'exposé de plusieurs principes directeurs, des questions qui ont trait à l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation (cf. Lienhard 2009, p. 43 ss).

Dans ce rapport, ces autorités sont assimilées en majorité à la catégorie des entités exécutant des tâches de surveillance de l'économie ou de la sécurité (Conseil fédéral 2006, p. 7824 s.). La surveillance de l'économie s'intéresse au fonctionnement des marchés et intervient en corrigeant les défaillances des marchés et du processus de fixation des prix (par ex. COMCO). La surveillance de la sécurité a surtout une fonction prudentielle et sert en premier lieu à protéger la population ou certains acteurs du marché de dangers très précis, en relation avec la fourniture de prestations spécifiques sur le marché (par ex. IFSN).

Aux fins de l'évaluation
approfondie, le choix s'est porté sur des autorités devenues autonomes dont les compétences en matière de surveillance de l'économie et/ou de la sécurité sont définies dans la législation spéciale. S'agissant des commissions décisionnelles, les commissions de suivi du marché ont été prises en considération pour autant qu'elles disposent de compétences dans le domaine de la surveillance 11 12

13

14

Ordonnance du 25.11.1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA; RS 172.010.1) Les commissions consultatives telles que la Commission fédérale de sécurité nucléaire (CSN) ont pour seule et unique mission de donner des avis et de préparer des projets.

Elles n'ont aucune compétence de surveillance ni de régulation (art. 8a OLOGA).

Les commissions décisionnelles ne sont pas autonomes sur le plan juridique. Les principes directeurs du modèle de gestion peuvent toutefois s'appliquer à elles par analogie (Conseil fédéral 2006, p. 7851).

Rapport du Conseil fédéral du 13.9.2006 sur l'externalisation et la gestion des tâches de la Confédération (Rapport sur le gouvernement d'entreprise, FF 2006 7799).

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économique (art. 8m OLOGA). Le tableau 1 énumère ces autorités en les classant par type d'organisation et mission prioritaire.

Autorités de surveillance et de régulation Dénomination

Tableau 1 Mission prioritaire

Entités juridiquement autonomes

Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA)

surveillance

Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI)

administration

Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN)

surveillance

Autorité fédérale de surveillance en matière de révision (ASR)

surveillance

Assurance suisse contre les risques à l'exportation (SERV)15

services

Swissmedic, Institut suisse des produits thérapeutiques

surveillance

Commissions décisionnelles

Commission arbitrale fédérale pour la gestion de droits d'auteur et de droits voisins (CAF)

justice

Commission fédérale des maisons de jeu (CFMJ)

surveillance

Commission pour la technologie et l'innovation (CTI)

services

Commission de la concurrence (COMCO)

surveillance

Commission fédérale de l'électricité (ElCom)

surveillance

Commission fédérale de la communication (ComCom)

surveillance

Commission fédérale de la poste (PostCom)

surveillance

Commission d'arbitrage dans le domaine des chemins de fer (CACF) justice Service d'enquête suisse sur les accidents (SESA)

administration

Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radiotélévision (AIEP)

justice

Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle justice (CHS PP) Source: annexe 1 de l'OLOGA. A noter que cette liste inclut des autorités qui ne figurent pas dans l'annexe 1 de l'OLOGA16.

15 16

La SERV a été exclue de l'analyse des normes en raison de l'absence de lien avec la thématique des autorités de surveillance et de régulation.

Seules ont été analysées des autorités qui font partie de l'administration fédérale décentralisée (autorités dotées de la personnalité juridique ou commissions décisionnelles). Tel n'est pas le cas, par exemple, du Contrôle fédéral des finances (CDF) ou du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT).

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2.2

Définition de la notion d'indépendance

Les autorités de surveillance et de régulation exécutent des tâches qui relèvent de la puissance publique (Conseil fédéral 2006, p. 7851). En les externalisant, il est attendu des gains d'efficacité et une plus grande indépendance dans l'exécution de leurs tâches. Dans son rapport sur le gouvernement d'entreprise, le Conseil fédéral affirme qu'il convient «d'externaliser les tâches de surveillance de l'économie ou de la sécurité, ainsi que de limiter fortement la marge de manoeuvre politique qui outrepasserait la loi» (Conseil fédéral 2006, p. 7829). Il faut cependant que ces autorités accomplissent leurs tâches dans l'intérêt public; c'est au Conseil fédéral qu'il incombe de s'en assurer dans le cadre de la surveillance directe. Il s'ensuit que les autorités de surveillance et de régulation jouissent d'une certaine autonomie, en fonction de leurs tâches, mais qu'elles ne sont pas totalement indépendantes (Pasquier et Fivat 2013, p. 186).

L'indépendance des autorités de surveillance et de régulation comprend deux volets.

Il s'agit premièrement d'une indépendance vis-à-vis du marché, en particulier des acteurs soumis à leur surveillance directe, et deuxièmement, d'une indépendance vis-à-vis de la politique, autrement dit de la sphère d'influence du gouvernement et des organes de l'administration.

L'indépendance s'entend en priorité comme une indépendance fonctionnelle, eu égard à l'accomplissement de la mission confiée. L'autorité et ses membres doivent pouvoir prendre des décisions sans subir de conflits internes dus, par exemple, à des conflits d'intérêts, à leurs relations personnelles ou à d'autres motifs. Des aspects institutionnels (organisation), personnels ou financiers peuvent aussi affecter l'indépendance de l'autorité s'ils ne sont pas conçus de façon pertinente. Cependant, la garantie d'une plus grande indépendance ne crée pas forcément de meilleures conditions pour exécuter les tâches de façon appropriée. Ainsi l'indépendance n'est-elle pas un but en soi. Au contraire, une indépendance adéquate se définit par les tâches et les fonctions de l'autorité concernée.

2.3

Champs conceptuels de l'indépendance

L'analyse des normes régissant l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation s'est fondée sur un modèle comprenant quatre champs conceptuels. Les évaluateurs se sont fondés notamment sur la distinction entre indépendance fonctionnelle, institutionnelle, personnelle et financière, opérée par le Conseil fédéral dans son message de 2002 concernant la révision de la loi sur la Banque nationale et dans celui de 2006 concernant la loi fédérale sur l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Conseil fédéral 2002, p. 5657 s.; Conseil fédéral 2006, p. 2748 s.)17. La figure 1 illustre les quatre champs conceptuels de l'indépendance et montre si ceux-ci affectent l'indépendance à l'égard de la Confédération et/ou du marché. Elle présente aussi les critères, propres à chaque champ conceptuel, qui ont été utilisés dans le cadre de l'évaluation.

17

Voir en particulier: Häner 2012, p. 47 s.; Varone et Ingold 2011, p. 44 ss; Widmer 2012, p. 139.

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Les champs conceptuels de l'indépendance

Figure 1

Champ fonctionnel (indépendance à l'égard de la Confédération et du marché) ­ Statut juridique de l'indépendance en général et vis-à-vis de la branche ­ Pas d'obligation d'appliquer des directives ­ Compétence législative autonome ­ Pouvoirs de décision et d'instruction

Champ institutionnel (indépendance à l'égard de la Confédération) ­ Mode de définition de la stratégie et contrôle de gestion ­ Compétence de nomination de la direction opérationnelle ­ Liberté d'organisation sur le plan interne ­ Propre politique du personnel/d'embauche ­ Nature et forme des comptes rendus

Champ relatif au personnel (indépendance à l'égard de la Confédération et du marché) ­ Procédure de nomination et de destitution de l'organe dirigeant stratégique, y compris profil d'exigences ­ Règles en matière de conflits d'intérêts et de cumul des fonctions ­ Définition des compétences techniques ­ Règles régissant la gestion opérationnelle ­ Règles en matière d'indépendance du personnel

Champ financier (indépendance à l'égard de la Confédération et du marché) ­ Pouvoir normatif en matière de nature et de montant du propre financement ­ Sources de financement (taxes, émoluments, contre-prestations, subventions, budget) indépendantes de participants importants (stakeholders) ­ Souveraineté budgétaire

Source: bolz+partner/KPM, voir également le volume B.6.4 de l'Annexe au rapport

Indépendance fonctionnelle L'indépendance fonctionnelle est considérée comme le fondement ou le pilier de l'indépendance. Cela implique que l'indépendance dans l'exécution des tâches est primordiale. L'indépendance n'est pas d'abord un critère d'organisation juridique mais un critère axé sur l'activité déployée. Selon cette conception, l'autorité peut accomplir sa mission sans directives et libre de toute influence, de quelque nature qu'elle soit (politique, administrative, commerciale).

Si l'indépendance fonctionnelle est garantie, mais que l'autorité n'est pas dotée de compétences fonctionnelles suffisantes, cela ne lui est guère utile. En effet, l'autorité ne peut assumer son indépendance que si elle dispose aussi de compétences en matière de surveillance et de régulation (compétence réglementaire et pouvoirs de décision et d'instruction).

Indépendance institutionnelle L'indépendance institutionnelle reflète l'autonomie de l'organisation. En principe, plusieurs formes juridiques permettent de garantir cette indépendance. Les questions relatives au pouvoir d'organisation conféré à l'autorité (objectifs stratégiques, organisation structurelle, processus, politique du personnel, nomination de la direction 1573

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opérationnelle), ainsi qu'à la manière dont elle doit rendre compte de ses activités à la Confédération (forme et contenu des rapports) sont centrales. Il est notamment important qu'une organisation bénéficie de la personnalité juridique (par exemple un établissement de droit public) car, en cas de conflit, elle peut ainsi se défendre avec des moyens juridiques vis-à-vis de la Confédération.

Indépendance en matière de personnel L'indépendance en matière de personnel concerne le personnel de l'autorité et sa capacité à prendre ses décisions dans le cadre prévu par la loi, sans être contraint par des intérêts personnels, sans conflits d'intérêts et sans subir aucune influence de quelque façon que ce soit. Dans ce contexte, on parle aussi de regulatory capture, soit le risque que l'autorité soit dépendante des instances assujetties à la surveillance et ne défende plus l'intérêt général mais des intérêts particuliers.

L'indépendance en matière de personnel doit être garantie à deux niveaux: par l'absence d'intérêts personnels en lien avec la politique et l'administration et par une séparation claire avec les instances assujetties.

La garantie de l'indépendance en matière de personnel se traduit en premier lieu dans les dispositions sur la nomination de l'organe dirigeant. L'indépendance peut par exemple être relativisée lorsqu'il est prévu que des représentants de groupes d'intérêts puissent siéger au sein de l'organe dirigeant. Mais, elle peut être restaurée en prévoyant que, pour certaines affaires, ces représentants se récusent. La condition nécessaire est toutefois la transparence des intérêts personnels, ces derniers devant être dévoilés avant l'entrée en fonction, puis régulièrement durant le mandat.

Des exigences trop rigides en matière d'indépendance concernant le personnel peuvent cependant constituer un obstacle à ce que des personnes compétentes puissent exercer certains types de mandats, par exemple du fait de leur appartenance à des instances professionnelles. Il est donc important de trouver un équilibre entre la garantie de l'indépendance en matière de personnel et les compétences techniques recherchées.

Indépendance financière Les questions financières peuvent aussi avoir une influence sur l'indépendance d'une autorité. Plusieurs modes de financement sont possibles: émoluments
fondés sur des prestations à charge des instances assujetties, taxes de surveillance, indemnités discrétionnaires, indemnités convenues avec les pouvoirs publics dans un mandat de prestations, subventions des pouvoirs publics et financement direct par le budget de la Confédération. Suivant la source de financement et le cadre juridique, l'autorité peut piloter elle-même le montant de ces financements. Par ailleurs, le processus budgétaire influe aussi sur l'indépendance de l'autorité. Ici se pose notamment la question de savoir qui établit le budget, s'il doit être approuvé et, si oui, par qui.

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2.4

Modèle d'analyse

Les compétences conférées au Conseil fédéral afin qu'il puisse garantir l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation affectent plusieurs des critères mentionnés au chapitre 2.3 (champs conceptuels de l'indépendance). Dans le cadre de l'évaluation, ces compétences sont évaluées dans l'optique des bases juridiques et de la mise en oeuvre de ces dernières.

1.

Bases juridiques: les bases juridiques sont la pierre angulaire de l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation. Elles comprennent, d'une part, des exigences inscrites dans les lois par le législateur et, d'autre part, les règles définies dans les ordonnances et les règlements édictés par le Conseil fédéral et les départements. Il peut s'agir d'exigences de forme ou de fond, qui sont concrétisées sous la forme de critères (par ex. règles pour la nomination de l'organe dirigeant, cadre structurel, interdictions et obligations).

2.

Mise en oeuvre des bases juridiques: les bases juridiques sont mises en oeuvre par le Conseil fédéral (par ex. nomination de l'organe dirigeant, organisation des activités de compte rendu). Dans ce cadre, des déficits d'exécution peuvent apparaître, comme la mise en oeuvre d'exigences destinées à garantir l'indépendance d'une façon différente de celle prévue par le législateur. Par ailleurs, des critères informels qui ne sont pas définis dans les bases juridiques ou n'ont pas pu y être définis, peuvent aussi affecter l'indépendance. Ces observations tendent à montrer que les bases juridiques n'ont pas été conçues de façon tout à fait pertinente.

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Ce modèle peut être représenté de la manière suivante, pour chacune des questions posées: Figure 2

Modèle d'analyse

Résultat

Bases légales

Concrétisation dans les ordonnances

Mise en oeuvre

Phase d'application

Conception politique

Questions

Facteurs informels

­ Quelles règles visant à garantir l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation figurent dans la loi et les ordonnances? Comment s'articulent-elles?

­ Que faut-il penser de la façon dont les bases juridiques régissant les autorités de surveillance et de régulation sont concrétisées par le Conseil fédéral?

­ Que faut-il penser de la mise en oeuvre du cadre juridique et de sa pertinence dans une optique pratique?

Indépendance de fait

Le résultat, soit l'indépendance de fait des autorités, n'a pas été examiné dans le cadre de la présente évaluation (cf. chap. 1.1).

3

Résultats de l'évaluation

Les résultats de l'évaluation correspondent aux trois volets de l'étude. Le chapitre 3.1 présente les normes inscrites dans les lois et les ordonnances qui visent à garantir l'indépendance des seize autorités de surveillance et de régulation, puis il procède à leur catégorisation. Dans le cadre d'une analyse détaillée des normes, le chapitre 3.2 se penche sur la façon dont le Conseil fédéral a concrétisé les bases juridiques pour les cinq autorités sélectionnées. Enfin, le chapitre 3.3 examine l'application des prescriptions concernant ces cinq autorités et présente leur pertinence dans l'optique de leur mise en pratique.

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3.1

Catégorisation des seize autorités de surveillance et de régulation

Résumé: l'aperçu des seize autorités et leur catégorisation dénotent une diversité normative tant au niveau des lois que des ordonnances, mais aussi des différences dans la portée de ces normes qui ne semblent pas toujours justifiables, ni d'un point de vue fonctionnel ni d'une autre manière. On ne constate ainsi aucune uniformité ou cohérence conceptuelle en ce qui concerne les dispositifs normatifs relatifs à l'indépendance.

Les autorités examinées peuvent toutes être qualifiées d'autorités de surveillance et de régulation, mais elles se distinguent considérablement les unes des autres par leurs tâches et leurs fonctions (cf. tabl. 1). L'indépendance peut se concevoir de différentes manières, en fonction du type d'autorité. Lorsque les tâches sont de nature judiciaire, l'indépendance de l'autorité doit être comparable à celle de la justice. Mais s'il s'agit d'une autorité qui a des tâches d'exécution, les exigences en matière d'indépendance à l'égard du Conseil fédéral et de l'administration peuvent être moins strictes.

Les dispositifs normatifs des différentes autorités sont principalement influencés par la conception juridique qui ressort des lois spéciales, notamment des normes applicables en matière d'organisation et d'indépendance. S'y ajoutent, dans la mesure où la législation spéciale s'y réfère, les dispositions générales du droit fédéral. Des dispositions d'ordre général de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)18 et de l'OLOGA s'appliquent par exemple aux commissions décisionnelles. Les règles de l'OLOGA concernent essentiellement l'obligation de signaler les intérêts et ne couvrent donc de loin pas le contenu des codes de conduite des différentes autorités.

La catégorisation des seize autorités de surveillance et de régulation en fonction des quatre champs fonctionnels de l'indépendance (cf. chap. 2.3), fondée sur l'analyse des normes, montre que les tâches et les fonctions d'une autorité influencent considérablement la conception normative de son indépendance. Ainsi, la réglementation des autorités exécutant des tâches de surveillance de l'économie ou de la sécurité 19 (par ex. FINMA, ASR, IFSN, PostCom) met plus l'accent sur l'indépendance fonctionnelle, institutionnelle et personnelle que la réglementation des autorités exerçant des tâches judiciaires
(par ex. CACF, CAF, AIEP). Les premières disposent de compétences réglementaires que les secondes n'ont pas. L'on peut même constater une gradation dans l'indépendance, celle des deux autorités exécutant des tâches administratives (IPI, SESA) étant plus marquée que celle des autorités exerçant des tâches judiciaires ou ayant pour métier de fournir des services (CTI). Par exemple, l'organe dirigeant de l'IPI et celui du SESA peuvent nommer eux-mêmes leur direction opérationnelle, alors que pour la CTI, cette tâche incombe au Conseil fédéral.

Sur le fond, l'influence de la fonction d'une autorité sur le dispositif normatif régissant son indépendance est compréhensible, même si ­ ou peut-être justement parce 18 19

Loi du 21.3.1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010) Voir le tableau 1 pour le domaine d'activité des autorités.

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que ­ l'on observe une relativement grande variabilité entre les réglementations. Par exemple, les autorités exerçant principalement des tâches administratives ont une moins grande indépendance fonctionnelle que celles ayant surtout des tâches judiciaires. Elles n'ont aucun pouvoir de décision ou d'instruction, tandis que ces instruments sont essentiels pour les autorités qui assument des tâches judiciaires. En revanche, les premières jouissent d'une plus grande indépendance institutionnelle et financière que les secondes.

On constate aussi de fortes divergences parmi les autorités exécutant des tâches de surveillance de l'économie ou de la sécurité, alors que les fonctions, l'importance et les objectifs sont analogues. C'est en particulier le cas de la COMCO, ainsi que ­ d'un point de vue conceptuel ­ de Swissmedic et de l'ElCom. La figure 3 présente les seize autorités en fonction de leur degré d'indépendance institutionnelle et personnelle. Cette catégorisation se fonde sur les bases légales en vigueur20.

Figure 3 Degré d'indépendance institutionnelle et personnelle

Légende: plus la valeur est élevée, plus l'indépendance est réglementée dans la loi et les ordonnances. Les valeurs de chacune des autorités sont rapportées dans le tableau 2 de l'appendice. Voir également le chapitre B.6.5 de l'Annexe au rapport. Ce graphique ne représente pas l'indépendance de fait.

Source: volume B.3.3.3 de l'Annexe au rapport, bolz+partner/KPM

20

Les révisions de loi pour lesquelles le Conseil fédéral a adopté un message seront évoquées au chapitre 3.2.

1578

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La figure 3 montre que, lors de la conception des bases légales de la FINMA et de l'ASR, on a particulièrement veillé à l'indépendance en matière de personnel, tout en prévoyant une grande autonomie institutionnelle dans la loi. S'agissant de l'IFSN et partiellement du SESA, l'accent a été mis très fortement sur l'autonomie institutionnelle et un peu moins sur l'indépendance des personnes. La situation de la COMCO est intéressante: ses valeurs sont plutôt faibles, tant en ce qui concerne l'indépendance de son personnel (organe dirigeant compris) que son autonomie institutionnelle, ce qui la place non loin de la CTI, la «lanterne rouge», alors que la COMCO a des tâches tout à fait comparables à celles de la FINMA, de l'ASR, voire de l'IFSN. Swissmedic se place dans une situation semblable car on pourrait attendre un dispositif normatif relatif à l'indépendance plus développé, en ce qui concerne le statut juridique et le type d'activité. L'analyse présentée au chapitre 3.2 fournit plus d'explications à ce sujet.

3.2

Analyse des bases juridiques des cinq autorités sélectionnées

Résumé: si, dans le dispositif normatif des cinq autorités examinées dans le détail, les précisions paraissent appropriées ­ pour autant qu'il y en ait ­ et si aucune contradiction n'a été mise en évidence, certaines lacunes ont pu être constatées, en particulier dans les domaines de l'indépendance fonctionnelle et personnelle.

Pour quelques autorités, les lois et les ordonnances n'énoncent pas le principe de l'indépendance du personnel par rapport au marché. Dans plusieurs cas, les normes sur l'indépendance en matière de personnel font presque totalement défaut (Swissmedic, COMCO). Des déficits normatifs et des divergences par rapport au rapport du Conseil fédéral sur le gouvernement d'entreprise ont été mis en évidence pour Swissmedic, la ComCom et la COMCO, les bases légales de cette dernière en matière de gouvernement d'entreprise n'ayant pas fait l'objet d'une refonte depuis un certain temps. Plusieurs révisions partielles de la législation sont en cours (Swissmedic, ASR, COMCO)21 et proposent de nouvelles règles en matière d'indépendance.

L'évaluation des normes par autorité, en fonction des champs conceptuels de l'indépendance, est rapportée dans le tableau 3 de l'appendice.

3.2.1

Indépendance fonctionnelle

L'indépendance des autorités de surveillance et de régulation par rapport à la Confédération et au marché est réglée de diverses façons pour les cinq autorités étudiées.

La loi ne contient pas toujours une norme générale relative à l'indépendance de 21

Voir également la note de bas de page 10. Le Parlement a rejeté la révision de la loi sur les cartels le 17.9.2014. En revanche, les Chambres fédérales ont adopté, le 20 juin 2014, une révision partielle de la loi sur la surveillance de la révision (Concentration de la surveillance des entreprises de révision et des sociétés d'audit, RO 2014 4073). La révision est entrée en vigueur le 1er janvier 2015.

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l'autorité: pour Swissmedic, il n'y en a pas du tout22, tandis que pour la ComCom et la COMCO, seule l'indépendance à l'égard de la Confédération est mentionnée.

La compétence réglementaire et le pouvoir de décision et d'instruction sont réglés de diverses manières, selon le domaine de surveillance et de régulation. Il faut notamment relever que la direction opérationnelle de l'IFSN a la compétence d'édicter des décisions (art. 7, al. 2, let. a, de la loi sur l'IFSN)23 quand bien même elle n'est pas nommée par le Conseil fédéral. D'une manière générale, la compétence de décision est entre les mains de l'organe dirigeant. S'agissant de la ComCom, il faut aussi mentionner le pouvoir d'instruction de cette commission à l'égard de l'office fédéral (art. 57, al. 2, de la loi sur les télécommunications)24, ce qui est un cas unique parmi les seize autorités de surveillance et de régulation.

3.2.2

Indépendance institutionnelle

S'agissant de l'indépendance institutionnelle, on observe que, dans les projets de révision législative en cours (par ex. projet de révision de la loi sur la surveillance de la révision)25, le Conseil fédéral veut jouer, dans certains cas, un rôle plus actif dans le contrôle de la réalisation des objectifs et dans l'accomplissement des tâches des autorités de surveillance et de régulation. Toutefois, l'obligation de ratifier la nomination du directeur ou les objectifs stratégiques du conseil d'administration (en dérogation au principe n°17 du rapport du Conseil fédéral sur le gouvernement d'entreprise), ou l'obligation de rendre compte régulièrement de la réalisation des objectifs et de l'accomplissement des tâches au Conseil fédéral (par ex. ASR), ne vont pas exactement dans le sens d'une autonomie dans l'exécution des tâches, mais plutôt d'une plus grande interaction entre le Conseil fédéral et les autorités spécialisées qu'il met en place.

D'un point de vue juridique, il peut paraître judicieux de rechercher régulièrement un nouvel équilibre entre le besoin d'indépendance matérielle d'une autorité et la prise d'influence du Conseil fédéral dans la définition des objectifs stratégiques et dans l'exécution des tâches. Il est cependant essentiel que l'indépendance soit garantie pour les aspects matériels et opérationnels. C'est donc finalement au législateur qu'il revient de définir les limites de l'indépendance vis-à-vis du Conseil fédéral de manière adéquate.

22 23 24 25

Selon le projet de révision partielle du Conseil fédéral, Swissmedic devrait être qualifiée d'«autorité indépendante» (art. 81a P-LPTh).

Loi du 22.6.2007 sur l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (LIFSN; RS 732.2) Loi du 30.4.1997 sur les télécommunications (LTC; RS 784.10) Projet de révision de la loi fédérale sur l'agrément et la surveillance des réviseurs (loi sur la surveillance de la révision ­ Concentration de la surveillance des entreprises de révision et des sociétés d'audit), FF 2013 6197 (cf. note de bas de page 21)

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3.2.3

Indépendance en matière de personnel

En ce qui concerne l'indépendance en matière de personnel, des lacunes ont été relevées dans les dispositifs normatifs des cinq autorités examinées. Dans certains cas, le dispositif est inexistant ou très rudimentaire (en particulier pour Swissmedic et pour la COMCO). Ces lacunes concernent les domaines suivants: a.

dispositions sur l'indépendance de l'organe dirigeant, que ce soit en général ou en matière de cumul des fonctions ou de conflit d'intérêts;

b.

dispositions sur le processus de nomination et sur le profil d'exigences des membres de l'organe dirigeant;

c.

prescriptions concernant l'échelon opérationnel, à savoir la direction et le reste du personnel;

d.

obligation d'appliquer un code de conduite et/ou de prendre des mesures propres à garantir l'indépendance et à résoudre les conflits d'intérêts. La mention de ce type d'autorégulation, notamment un mandat en ce sens, fait souvent défaut dans la législation spéciale, et tout particulièrement dans la LOGA et dans l'OLOGA.

Il n'y a donc pas de standard, ni de «bonnes pratiques». L'on notera encore que la réglementation au niveau des ordonnances présente une très grande diversité: alors que dans certains cas l'ordonnance règle déjà cette question de façon extensive (par ex. IFSN) dans d'autres cas elle se contente simplement de donner mandat à l'autorité de garantir l'indépendance en matière de personnel (par ex. ASR). Pour ce qui est des commissions décisionnelles, l'OLOGA ne règle que l'obligation de signaler les intérêts et n'a donc de loin pas la même portée que les codes de conduite des autres établissements (par ex. en matière de détention de titres).

Les prescriptions en matière d'indépendance édictées par les autorités elles-mêmes revêtent une grande importance. Cet aspect peut être pris en compte dans le règlement interne de l'autorité ou ­ c'est souvent le cas ­ dans un code de conduite. Ces codes se différencient d'ailleurs en fonction des tâches de l'autorité et présentent une densité normative très variable.

L'indépendance en matière de personnel s'oppose bien souvent au besoin de disposer de personnes expérimentées et possédant des compétences spécifiques. Les autorités de surveillance et de régulation ne peuvent donc jamais se composer uniquement de personnes totalement «neutres». L'important est cependant que les régulateurs aient conscience des différents champs conceptuels de l'indépendance et que, confrontés à un cas concret, ils adoptent des solutions appropriées qui ne satisfassent pas uniquement aux critères d'indépendance objectifs, mais qui tiennent compte également de la perception subjective de l'opinion publique (sentiment d'indépendance/indépendance apparente). Dans ce contexte, les procédures de nomination et les cahiers des charges des membres de l'organe dirigeant ainsi que de la direction jouent un rôle central.

Les normes légales ne devraient donc pas simplement donner un cadre objectif propre à garantir l'indépendance. Elles devraient aussi créer les conditions pour que,

1581

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en cas de doute dans un cas concret, une instance supérieure puisse apprécier subjectivement si, et comment, l'indépendance a été garantie ou pourrait l'être.

3.2.4

Indépendance financière

L'analyse des normes a montré que l'indépendance financière est réglée de façon exhaustive et suffisamment précise. Différents modes de financement ont été choisis pour les cinq autorités examinées. Dans la plupart des cas, elles sont financées au moyen d'émoluments et de taxes de surveillance. Certaines reçoivent une indemnité pour la fourniture de prestations d'intérêt public, d'autres une subvention de la Confédération. Il convient de relever que, sur le principe, la COMCO est financièrement indépendante. Mais étant donné que la Confédération inscrit ses charges de personnel et ses charges de biens et services au budget, et que celle-ci dépend donc du budget du département, cette autorité présente des déficits potentiels en termes d'indépendance.

3.3

Analyse de l'application des normes des cinq autorités sélectionnées

Résumé: les acteurs concernés ­ au sein des autorités, de la Confédération et des branches visées ­ jugent que les normes sont globalement pertinentes dans l'optique de leur application. Plusieurs des lacunes relevées dans les lois et les ordonnances par l'analyse des normes, ont été comblées dans les règlements édictés par les autorités. Mais une application adéquate des normes présuppose aussi une sensibilité de la part des personnes concernées. Cette sensibilité semble actuellement présente, mais les lacunes normatives constatées pour certaines autorités pourraient être une source de problèmes.

Considérées sous l'angle des divers champs conceptuels de l'indépendance, les normes se révèlent globalement pertinentes quant à leur application pratique. Des déficits sont constatés en ce qui concerne l'indépendance en matière de personnel, principalement du fait de l'absence, dans certains cas, de profils d'exigences et de codes de conduite. S'agissant du financement, quelques autorités affichent une certaine dépendance à l'égard du département, tandis que pour le volet institutionnel, une trop grande proximité de l'administration fédérale est rare. Compte tenu de la sensibilité générale quant au rôle de ces autorités, et en particulier à leur indépendance, l'application des normes est jugée adéquate.

De manière générale, les facteurs informels semblent jouer un rôle secondaire et relèvent ainsi des échanges usuels, en Suisse, entre les autorités et les branches concernées.

Parmi les cinq autorités examinées, celles qui présentent les plus grandes lacunes au niveau de l'analyse des normes ne sont pas celles qui rencontrent le plus de difficultés dans la pratique. Cela tient en partie à la concrétisation des principes dans des règlements internes, mais aussi à la sensibilité des personnes concernées (dont il a déjà été question plus haut). Ainsi, les personnes impliquées considèrent presque 1582

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toutes que les normes concernant Swissmedic, l'ASR et l'IFSN sont pertinentes et que leur application est adéquate. Les commissions décisionnelles rencontrent plus de difficultés, notamment la ComCom, en raison de sa proximité avec l'Office fédéral de la communication (OFCOM), et la COMCO, à cause des représentants de l'économie qui y siègent, comme le prévoient les normes.

3.3.1

Indépendance fonctionnelle dans la pratique

L'étude a confirmé, pour les cinq autorités examinées, que celles-ci peuvent globalement exécuter leurs tâches sans devoir se plier à des instructions, que ce soit de la part de la Confédération, des milieux politiques ou des milieux économiques. A noter toutefois que, dans le cas de Swissmedic, il a été signalé que le département avait une fois clairement fait connaître son point de vue lors de l'élaboration du règlement de l'autorité. Son intention était de renforcer la transparence vis-à-vis de l'extérieur. L'organe dirigeant de l'autorité s'était alors senti dans l'obligation de reprendre ces contenus, puisqu'il est nommé par le Conseil fédéral. Il apparaît donc que, par le biais de la nomination de l'organe dirigeant, le Conseil fédéral dispose d'un levier qui lui permet d'exercer une influence indirecte sur l'autorité à l'échelon stratégique.

La ComCom est la seule autorité qui dispose d'un pouvoir d'instruction à l'égard de l'office, ce qui s'explique par l'absence d'un propre secrétariat scientifique (cf.

détails au chap. 3.3.2).

Les autorités disposent d'un pouvoir réglementaire variable. Toutes estiment que, d'un point de vue pratique, les compétences qui leur sont déléguées sont pertinentes dans l'optique de l'exercice de leurs tâches en toute indépendance. En outre, leur application est jugée adéquate, même si quelques critiques sont émises de la part des instances assujetties au sujet de la procédure de consultation.

Du point de vue pratique, le degré de normalisation des pouvoirs de décision et d'instruction est jugé pertinent et l'application des normes en question, globalement adéquate. Quelques représentants de l'économie ont émis des critiques, jugeant que les autorités régulent trop. A l'IFSN, les décisions sont parfois discutées préalablement avec les instances assujetties26, ce qui permet aux parties en présence d'élaborer conjointement des solutions alternatives. De fait, une autorité ne peut pas statuer sans maintenir des liens avec la pratique. Cela peut toutefois conduire à conférer trop de pouvoir aux instances assujetties (cf. regulatory capture au chap. 2.3). Cette situation est emblématique du dilemme originel des autorités de surveillance et de régulation, qui est de savoir quelle distance ou quelle proximité elles doivent avoir avec la branche concernée et avec la politique. Cette remarque est d'ailleurs valable pour tous les champs conceptuels de l'indépendance.

26

De la même manière, des procès-verbaux intégraux de l'IFSN ont été remis à des collaborateurs de la NAGRA dans le cadre d'une pré-consultation, afin d'en éliminer d'éventuelles erreurs de fond. Compte tenu des critiques formulées (cf. Rieder et al.

2012), cette procédure a été supprimée.

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3.3.2

Indépendance institutionnelle dans la pratique

Dans la pratique, malgré les différents modèles mis en place, le Conseil fédéral n'exerce que peu d'influence sur le plan de l'indépendance institutionnelle.

L'application des normes offre, dans la plupart des cas, une liberté d'organisation aux autorités examinées. Dans le détail, on peut observer des tensions entre les besoins d'efficacité et d'indépendance. Ainsi l'organisation de la ComCom pose-telle problème dans l'optique de l'indépendance à l'égard de la Confédération: étant donné qu'elle ne dispose pas de son propre secrétariat scientifique, elle dépend du savoir-faire de l'OFCOM pour la préparation de ses dossiers27. Le problème est que, dans le même temps, l'OFCOM peut recevoir des instructions et de la ComCom et du secrétariat général du département compétent, de sorte que les collaborateurs de l'office, selon le dossier sur lequel ils travaillent, peuvent être amenés à travailler un jour pour le département et le lendemain pour l'autorité externalisée. Il semble élémentaire que les membres de la commission soient capables d'examiner précisément le travail préparatoire. Pourtant, tel n'est pas l'avis de toutes les personnes interrogées. Un autre problème réside dans la dépendance de la ComCom à l'égard du secrétariat général compétent, qui assure son soutien administratif et logistique (cf. chap. 3.2.4). Les aspects organisationnels ne posent cependant pas de problème grâce à la sensibilité dont font preuve toutes les parties prenantes et ils n'ont aucune influence sur l'indépendance des autorités.

Par le biais de leurs rapports annuels, les autorités rendent des comptes au Conseil fédéral et aux instances politiques et, plus généralement, informent le public. Cette activité fonde leur légitimé démocratique28. L'approbation de ces rapports, lorsqu'elle est prévue, est cependant abordée de diverses manières et incombe la plupart du temps au Conseil fédéral. Sous l'angle de l'application des normes, les procédures mises en place sont jugées pertinentes et les rapports, appropriés. Selon les propos recueillis auprès de certaines autorités, le Conseil fédéral montrerait toutefois un intérêt plutôt limité pour ces rapports et les autorités ne recevraient généralement aucun commentaire.

S'agissant des entités externalisées (IFSN, ASR), l'autonomie quant à la définition des objectifs
stratégiques paraît pertinente dans l'optique de l'application des normes et la mise en oeuvre est jugée adéquate. Les lois spéciales n'exigent pas, de la part des commissions décisionnelles (ComCom, COMCO), qu'elles définissent des objectifs stratégiques. Néanmoins, dans le cadre de ses compétences, la COMCO fixe des priorités et des axes principaux, qui ne sont pas tous publiés. Par contre, la ComCom ne fixe aucun objectif. Pourtant, la fixation d'objectifs transparents, en qualité d'instrument de gestion de l'autorité, ainsi qu'une base légale en la matière seraient profitables.

La situation de Swissmedic est également particulière, dans la mesure où le Conseil fédéral a la possibilité de lui fixer des objectifs tous les quatre ans, au moyen d'un 27

28

Cette situation est due à la décision prise par le Parlement, lors de l'adoption de la LTC, de ne pas doter la ComCom d'un secrétariat scientifique afin d'éviter des doublons entre cette commission et l'office.

Voir également Conseil fédéral 2002, p. 5742 ss.

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mandat de prestations29. Les échanges qui ont lieu entre le département et l'autorité dans le cadre de l'élaboration du mandat de prestations et de la convention sur les prestations représentent une solution pragmatique, dans l'optique de l'application, pour autant que ces deux documents soient élaborés selon un processus itératif.

Le mode de désignation des membres de la direction opérationnelle varie sensiblement d'une autorité à l'autre et va de la nomination par le Conseil fédéral à la nomination en pleine autonomie par l'organe dirigeant, en passant par une nomination autonome avec obligation de ratification par le Conseil fédéral. Dans la mesure où les dernières nominations au sein de la direction des autorités examinées remontent, pour la plupart, à de nombreuses années, l'application des normes n'a pas pu être étudiée. Cependant, d'une manière générale, la nomination voire la ratification de la nomination des membres de la direction opérationnelle par le Conseil fédéral sont critiquées du point de vue de l'indépendance, car la surveillance des activités opérationnelles incombe à l'organe dirigeant.

3.3.3

Indépendance en matière de personnel dans la pratique

Dans la pratique, force est de constater que l'indépendance en matière de personnel est le plus souvent le résultat d'un exercice d'équilibre entre proximité et distance par rapport à la Confédération, mais aussi aux instances assujetties voire à l'ensemble de la branche régulée. Dans la plupart des cas, une distance absolue entre l'autorité et la branche empêche la recherche de solutions adéquates, tandis qu'une trop grande proximité engendre le risque pour l'autorité de ne pas pouvoir prendre de décisions en toute indépendance.

La nomination de l'organe dirigeant par le Conseil fédéral devrait se fonder sur un profil de compétences pour chacun des membres. Dans la plupart des cas examinés, des profils existent et sont utilisés. Il n'y a cependant pas de profil de compétences pour les membres de la ComCom. Le fait que les préparatifs en vue de la nomination des membres de la ComCom sont effectués par l'OFCOM semble aussi problématique, puisque, parallèlement, cet office reçoit aussi des instructions de la part de la ComCom (cf. chap. 3.3.1).

La procédure de nomination en soi est semblable pour toutes les autorités étudiées.

Dans la plupart des cas, les préparatifs sont effectués par le département, avec le concours ­ à des degrés divers ­ de l'autorité concernée. Dans tous les cas, la décision définitive est prise par le Conseil fédéral. L'implication du département varie beaucoup d'une autorité à l'autre. Alors que certains départements cherchent parfois eux-mêmes des candidats en plus de ceux proposés par l'autorité, il y a des cas dans lesquels l'autorité prépare une proposition que le département soumet au Conseil fédéral pratiquement sans examen préalable. Il n'existe toutefois aucun cas connu où 29

Le mandat de prestations ne se concentre pas uniquement sur les prestations financées par la Confédération mais sur l'ensemble des tâches incombant à l'autorité. La révision en cours de la LPTh prévoit que, à l'avenir, le conseil de l'institut de Swissmedic élabore des objectifs stratégiques et les soumette au Conseil fédéral pour approbation.

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la personne proposée30 n'a pas été élue par le Conseil fédéral. L'on peut donc en conclure que, s'agissant de la nomination des membres des organes dirigeants, le Conseil fédéral ne fait pas toujours usage des possibilités de pilotage que lui confère la loi31. De plus, le déroulement du processus de nomination n'est pas transparent dans tous les cas.

L'obligation de signaler des intérêts et les règles visant à éviter le cumul des fonctions sont généralement stipulées dans un code de conduite. La plupart du temps, le champ d'application de ces codes s'étend à l'organe dirigeant ainsi qu'à l'ensemble du personnel, mais les domaines couverts varient d'une autorité à l'autre 32. En dépit de l'absence de dispositions dans la loi et dans l'ordonnance, Swissmedic a édicté des règlements comportant des normes claires visant à garantir l'indépendance de ses collaborateurs. Trois autres autorités, parmi celles qui ont été étudiées, ont un code dont la mise en application renforce l'indépendance en matière de personnel dans la pratique. Ces codes couvrent en particulier les aspects suivants: règles de récusation, signalisation des intérêts personnels, directives en cas de changement de collaborateurs, activités accessoires.

Au-delà des codes de conduite, il est judicieux de mettre en place une véritable «culture» de l'indépendance et de la consolider. L'IFSN, l'ASR et Swissmedic ont chacune désigné explicitement un responsable du code de conduite qui a pour mission de sensibiliser les collaborateurs à la problématique de l'indépendance et de répondre à leurs questions en la matière. Dans la pratique, la condition énoncée au chapitre 3.2.3, à savoir que, en cas de doute, une instance appropriée devrait pouvoir être contactée (organe dirigeant, département), est généralement perçue positivement. La plupart des codes de conduite s'appliquent également aux tiers qui exercent une activité pour le compte de l'autorité concernée. Swissmedic a même édicté un code spécifique pour ces personnes. Par contre, la ComCom n'a pas de code de conduite, si bien que ses exigences en matière d'indépendance ne sont pas claires33.

La présence de représentants d'associations au sein de l'organe dirigeant crée une situation particulière ­ en termes d'indépendance des membres de cet organe ­ que l'on retrouve, parmi les autorités
étudiées, uniquement à la COMCO. Cette présence, voulue pour des raisons politiques, a pour but d'asseoir les connaissances matérielles de l'autorité. Les opinions des personnes interrogées ­ branche, COMCO, Confédération ­ divergent d'ailleurs quant à l'influence effective des représentants des associations sur l'indépendance de l'organe dirigeant. Si les règles de récusation sont appliquées correctement, les connaissances acquises dans le cadre des activités de la COMCO ne constituent pas un problème d'indépendance. En revanche, elles peuvent potentiellement entraîner des distorsions de la concurrence.

30 31 32 33

En règle générale, lorsqu'un poste doit être repourvu au sein de l'organe dirigeant d'une autorité, une seule personne est proposée au Conseil fédéral.

Des conclusions semblables étaient ressorties de l'évaluation de la procédure de nomination des cadres supérieurs par le Conseil fédéral (CPA 2013).

Swissmedic a plusieurs codes qui ont été établis chacun pour des fonctions spécifiques.

La ComCom ne disposant pas de son propre secrétariat scientifique, mais uniquement d'un petit secrétariat administratif, l'absence de code régissant l'indépendance du personnel ne pose pas vraiment de problèmes.

1586

FF 2016

Les exigences en matière d'indépendance peuvent avoir des répercussions sur les compétences techniques d'une autorité si elles sont trop strictes, car elles peuvent se traduire par l'impossibilité de recruter suffisamment de personnel qualifié. Selon les déclarations des personnes concernées, la recherche de candidats appropriés est certes difficile pour la majorité des autorités étudiées, en raison de l'étroitesse du marché suisse, mais les exigences en vigueur en matière d'indépendance ne créent pas d'obstacles inappropriés au recrutement de personnel suffisamment qualifié. Ils admettent que les marchés sur lesquels se recrutent le personnel et les membres des organes dirigeants sont étroits, mais estiment que les postes peuvent être pourvus de façon satisfaisante. Il s'agit de trouver un juste équilibre, dans la réglementation propre à chaque secteur, entre indépendance et compétences techniques. Enfin, outre la garantie de l'indépendance dans l'exercice de leurs fonctions dirigeantes, il faut aussi s'assurer que les membres des organes dirigeants restent soumis à une obligation de sauvegarde du secret après avoir quitté leur fonction (délai de viduité ou période de cooling-off), afin de garantir l'indépendance de l'autorité. Ce délai de viduité devrait être pondéré en fonction du degré d'indépendance de l'autorité ou des exigences en matière d'indépendance auxquelles sont soumis les membres de l'organe.

3.3.4

Indépendance financière dans la pratique

Les ressources des cinq autorités examinées sont adaptées aux exigences requises pour qu'elles puissent exécuter leurs tâches de manière indépendante. La question de savoir si le financement repose sur un règlement des émoluments édicté en toute autonomie, ou si celui-ci doit être approuvé par le Conseil fédéral, n'est pas pertinente. Peu importe également si, en pratique, l'autorité peut disposer directement des ressources ou si celles-ci sont mises à sa disposition par le département de tutelle.

La critique selon laquelle certaines autorités ne seraient pas indépendantes du fait qu'elles sont financées par les instances assujetties (cf. notamment chap. 1.1) doit être abordée de façon différenciée: dans les deux cas de figure, il existe une dépendance financière. Si toutes les instances assujetties paient une taxe, le risque de dépendance à l'égard de certains acteurs de la branche est très faible et, par conséquent, le danger d'une prise d'influence sur certaines procédures reste marginal.

Comme l'ont confirmé la plupart des acteurs interrogés, si le financement est assuré exclusivement par la Confédération, le plus grand danger, pour l'autorité, est de devoir subir d'éventuelles mesures d'économie et, partant, d'être éventuellement soumis à un pilotage politique. Finalement, le financement par les instances assujetties repose sur le principe de causalité et c'est la solution qui présente le plus faible cumul de risques.

Les mesures d'économie voulues par l'Etat ne se ressentent pratiquement pas dans les cas où la compétence budgétaire est réglée uniquement dans une ordonnance (ComCom) ou lorsqu'elle incombe entièrement au département (COMCO). Mais il existe un risque de dépendance théorique, en ce sens que le département pourrait

1587

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alors piloter l'autorité, ce qui serait diamétralement opposé à la conception d'une autorité de surveillance et de régulation libre de toute directive.

4

Conclusions

Les dispositifs normatifs régissant l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation de l'administration fédérale décentralisée sont, dans leur conception, très différents les uns des autres. Les lois sont adéquatement concrétisées dans les ordonnances et ne créent pas de doublons, mais elles présentent quelques lacunes matérielles, en particulier en ce qui concerne les aspects fonctionnels et personnels de l'indépendance. Les normes ne sont pas toujours jugées adéquates, s'agissant de leur application. Cependant, aucune difficulté majeure n'a été relevée dans la pratique. Cela est dû principalement à la sensibilité des personnes chargées de la surveillance.

4.1

Peu d'uniformité dans la conception des normes

La concrétisation des normes légales par le Conseil fédéral, lorsqu'il l'a faite, paraît adéquate. Toutefois, la comparaison transversale de ces normes dans les cinq autorités de surveillance et de régulation examinées met en évidence un manque d'uniformité des lois et ordonnances (cf. fig. 3), qui pourraient donc être optimisées.

Par exemple, le principe d'indépendance n'est pas précisé explicitement dans la loi pour toutes les autorités. De plus, les lois et ordonnances ne prévoient pas pour toutes les autorités qu'il faut concrétiser les exigences en matière d'indépendance applicables à l'organe dirigeant et/ou au personnel. Plus généralement, l'on peut observer plusieurs dérogations aux principes énoncés dans le rapport du Conseil fédéral sur le gouvernement d'entreprise (en particulier au principe n o 17, obligation d'approuver la nomination du directeur et les objectifs stratégiques du conseil d'administration).

Mais au-delà du rapport sur le gouvernement d'entreprise, qui ne traite des autorités de surveillance et de régulation que de façon marginale, il n'existe aucune conception générale, aucune norme standard d'indépendance pour ce type d'autorité.

Il manque une approche conceptuelle uniforme pour que les autorités soient organisées de façon claire et comparable, et que les dérogations à la norme soient justifiables, et ce tant au niveau du dispositif normatif en général que de sa concrétisation.

4.2

Lacunes ou dispositifs rudimentaires dans les lois

Dans le cas des autorités de surveillance et de régulation, l'indépendance s'articule autour de deux axes: l'indépendance à l'égard de la Confédération et l'indépendance à l'égard de la branche assujettie à la surveillance. Les exigences en matière d'indépendance visent autant l'organe dirigeant que la direction et le personnel.

1588

FF 2016

Toutefois, force est de constater que les dispositifs normatifs des autorités examinées ne tiennent pas compte systématiquement de tous les champs conceptuels de l'indépendance. Des lacunes législatives existent et le Conseil fédéral en a identifié un certain nombre, comme cela ressort des projets de révision en cours.

Certaines lacunes en matière d'indépendance fonctionnelle et personnelle peuvent être constatées dans les lois. L'obligation de se doter d'une autorégulation ou la mention d'une autorégulation, en particulier, fait souvent défaut dans les lois spéciales, et notamment dans la LOGA et l'OLOGA.

Les normes légales ne sont concrétisées que de manière ponctuelle dans les ordonnances du Conseil fédéral. Mais, comme cela a été exposé au chapitre 4.1, cela reflète dans de nombreux cas des exigences légales minimales. Globalement, il importe que le dispositif normatif régissant l'indépendance ­ de la loi aux simples ordonnances administratives, en passant par les ordonnances législatives de portée générale ­ soit systématique et complet. Il est bien entendu préférable que le législateur, lorsqu'il adopte les lois, mais surtout que le Conseil fédéral, lorsqu'il édicte les ordonnances, définissent le cadre normatif de l'indépendance en formulant soit des exigences soit un mandat de concrétisation; par exemple, l'obligation d'adopter des règles d'autorégulation sous la forme d'un code de conduite.

De manière générale, une conception de base ou une standardisation du dispositif régissant l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation serait bénéfique (par ex. un complément au rapport du Conseil fédéral sur le gouvernement d'entreprise). Même s'il existe actuellement plusieurs lacunes législatives, cela ne signifie pas forcément que l'indépendance des autorités n'est pas définie dans des règlements et qu'elle n'est pas mise en pratique.

4.3

Séparation institutionnelle parfois imparfaite

La séparation institutionnelle entre l'autorité et la Confédération est nette dans la plupart des cas, mais certaines autorités sont étroitement liées à l'administration fédérale centrale. Par exemple, elles ne disposent pas toutes d'un secrétariat scientifique. L'autorité doit alors s'appuyer sur le personnel d'un office pour la préparation de ses dossiers, ce qui suppose qu'elle ait un pouvoir d'instruction à l'égard de ce dernier. Il arrive aussi que, pour des motifs d'efficacité, des autorités soient rattachées administrativement à un département.

D'après les différentes opinions recueillies, ce type de structure est une solution pragmatique et économique qui permet d'exploiter des synergies et d'éviter des doublons. La proximité entre l'autorité et l'office peut cependant restreindre l'indépendance: en effet, dans cette configuration, l'office reçoit simultanément des instructions de l'autorité et du département qui est censé préparer l'élection des membres de l'organe dirigeant de l'autorité. Par conséquent, les membres élus de cet organe doivent veiller à conserver une distance critique suffisante par rapport aux travaux préparatoires de l'office fédéral.

Selon les personnes concernées, cette configuration semble toutefois poser moins de problèmes en pratique qu'en théorie. En fin de compte, l'indépendance serait garan1589

FF 2016

tie par les personnalités occupant les postes clés et par leur sensibilité à cette problématique.

4.4

Influence parfois minime du Conseil fédéral lors de la nomination des organes

La nomination de l'organe dirigeant par le Conseil fédéral devrait se fonder sur un profil de compétences pour chacun des membres. Ces profils n'existent pas partout mais, lorsqu'ils ont été définis, ils sont utilisés. Par contre, la procédure de nomination est globalement la même pour toutes les autorités. Dans la plupart des cas, les préparatifs sont effectués par le département, avec le concours ­ à des degrés divers ­ de l'autorité concernée. Dans tous les cas, la décision définitive est prise par le Conseil fédéral.

L'implication du département varie également beaucoup. Alors que certains départements cherchent parfois eux-mêmes des candidats en plus de ceux proposés par l'autorité, il y a des cas dans lesquels l'autorité prépare une proposition que le département soumet au Conseil fédéral pratiquement sans l'avoir examinée préalablement. Il n'existe toutefois aucun cas connu où la personne proposée n'a pas été élue par le Conseil fédéral. Pour certaines autorités, il semble que le Conseil fédéral ne fasse pas usage des possibilités de pilotage que lui a conférées le législateur en matière de nomination des membres de l'organe dirigeant. De plus, le déroulement du processus de nomination n'est pas transparent pour toutes les autorités.

Il est important que le Conseil fédéral montre à l'organe dirigeant qu'il exerce la surveillance. En nommant les membres de cet organe, il dispose en outre d'un instrument qui lui permet de faire valoir ses intérêts.

4.5

Pertinence d'une «culture» de l'indépendance

L'indépendance de fait d'une autorité de surveillance et de régulation ne recouvre pas complètement le dispositif normatif en la matière. La sensibilité des personnes concernées, leur manière d'agir au quotidien ainsi que la façon dont elles assument leurs actions jouent un rôle beaucoup plus déterminant. Ce sont tous ces aspects qui contribuent à la formation d'une «culture» de l'indépendance au sein de l'autorité.

Ce constat débouche sur une autre conclusion centrale: l'indépendance en matière de personnel, l'identification à la fonction ainsi que la sensibilité à la problématique de l'indépendance qu'ont les personnes concernées sont le véritable fondement de l'indépendance. Les personnes ou les personnalités qui occupent les postes clés sont donc déterminantes.

Cela n'enlève rien à la nécessité de disposer d'exigences claires, qui doivent servir de guide. Ainsi, comme nous l'avons vu au chapitre 4.2, il manque pour certaines autorités des règles en matière de cumul des fonctions et de conflits d'intérêts, des profils de compétences pour l'organe dirigeant, des exigences concernant l'échelon

1590

FF 2016

opérationnel, ainsi que l'obligation d'appliquer un code de conduite et/ou de prendre des mesures propres à garantir l'indépendance et à résoudre les conflits d'intérêts.

Le dispositif normatif constitue le fondement d'une «culture» de l'indépendance au sein d'une autorité et contribue à sa consolidation. Un code de conduite définissant des compétences claires en matière de contrôle ainsi qu'un système de comptes rendus renforcent aussi cette culture. Cependant, quelle que soit la densité normative des règles, il n'est pas possible de réglementer tous les aspects de l'indépendance. Il conviendrait toutefois de créer les conditions pour que, en cas de doute, une instance appropriée (organe dirigeant, département) puisse apprécier dans un cas concret si, et comment, l'indépendance peut être garantie.

1591

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Table des abréviations AIEP al.

art.

ASR CACF CAF CDF CdG CdG-E cf.

CFMJ CHS PP COMCO ComCom CPA CSN CTI DEFR DETEC DFI DFJP ElCom FF fig.

FINMA IFSN IPI let.

LIFSN LOGA LPTh LTC 1592

Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radiotélévision Alinéa Article Autorité fédérale de surveillance en matière de révision Commission d'arbitrage dans le domaine des chemins de fer Commission arbitrale fédérale pour la gestion de droits d'auteur et de droits voisins Contrôle fédéral des finances Commissions de gestion des Chambres fédérales Commission de gestion du Conseil des Etats Confer Commission fédérale des maisons de jeu Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle Commission de la concurrence Commission fédérale de la communication Contrôle parlementaire de l'administration Commission fédérale de sécurité nucléaire Commission pour la technologie et l'innovation Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (jusqu'à fin 2012: Département fédéral de l'économie, DFE) Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication Département fédéral de l'intérieur Département fédéral de justice et police Commission fédérale de l'électricité Feuille fédérale Figure Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers Inspection fédérale de la sécurité nucléaire Institut fédéral de la propriété intellectuelle Lettre Loi du 22.6.2007 sur l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire, RS 732.2 Loi du 21.3.1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration, RS 172.010 Loi fédérale du 15.12.2000 sur les médicaments et les dispositifs médicaux (Loi sur les produits thérapeutiques), RS 812.21 Loi du 30.4.1997 sur les télécommunications, RS 784.10

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OFCOM OLOGA PFPDT PostCom PRS SERV SESA SG tabl.

Office fédéral de la communication Ordonnance du 25.11.1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration, RS 172.010.1 Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence Commission fédérale de la poste Projet d'acte législatif Recueil systématique du droit fédéral Assurance suisse contre les risques à l'exportation Service d'enquête suisse sur les accidents Secrétariat général tableau

1593

FF 2016

Bibliographie et documents de référence Bibliographie Biaggini, Giovanni (2013): Avis de droit sur les possibilités et limites de la haute surveillance du Parlement dans le domaine de l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN), www.parlament.ch/f/organe-mitglieder/kommissionen/aufsichtskommissionen/geschaeftspruefungskommissionen/Documents/rechtsgutachten-ensi2013-08-26-f.pdf (19.12.2014).

CPA (2013): Evaluation de la procédure de nomination des cadres supérieurs par le Conseil fédéral, rapport du CPA à l'intention de la CdG-N du 20.6.2013 (FF 2014 2709).

Häner, Isabelle (2012): Die Ausgestaltung der Unabhängigkeit der Datenschutzaufsichtsbehörden in Bund und Kantonen. In: Epiney, Astrid / Hänni, Julia / Brülisauer, Flavia (Hg.): L'indépendance des autorités de surveillance et autres questions actuelles en droit de la protection des données, Zurich, Schulthess Verlag, pp. 45­57.

Lienhard, Andreas (2008): Steuerung und Kontrolle ausgelagerter Verwaltungsträger durch das Parlament. In: Bulletin d'information de la Société suisse pour les questions parlementaires, 2008/3, pp. 5­12.

Lienhard, Andreas (2009): Grundlagen der Public Corporate Governance. In: Association suisse du droit public de l'organisation ASDPO (éd.): Droit public de l'organisation ­ responsabilité des collectivités publiques ­ fonction publique, Annuaire 2008, Berne, 2009, p. 43 ss.

Pasquier, Martial / Fivat, Etienne (2013): Organisations publiques autonomes ou agences. In: Ladner, Andreas / Chappelet, Jean-Loup / Emery, Yves / Knoepfel, Peter / Mader, Luzius / Soguel, Nils / Varone, Frédéric (éd.): Manuel d'administration publique suisse, Lausanne, Presse polytechniques et universitaires romandes, pp. 177­192.

Rieder, Stefan / Schwenkel, Christof / Iselin, Milena (2012): Verhältnis ENSINAGRA, Untersuchung im Auftrag des ENSI-Rates, Interface, Lucerne, 2012.

Uhlmann Felix (2013): Avis de droit à l'intention des Commissions de gestion (CdG) du Conseil des Etats et du Conseil national concernant la haute surveillance sur l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA), www.parlament.ch/f/organe-mitglieder/kommissionen/aufsichtskommissionen/ geschaeftspruefungskommissionen/Documents/ rechtsgutachten-finma-2013-08-28-f.pdf (19.12.2014).

Varone, Frédéric / Ingold Karin (2011): L'indépendance des
agences nationales de régulation. In: Bellanger, François / Tanquerel Thierry (éd.): Les autorités administratives indépendantes. Zürich, Schulthess, pp. 37­62.

Widmer, Thomas (2012): Unabhängigkeit in der Evaluation, LeGes 2012/2, pp. 129­150.

1594

FF 2016

Documents de référence Commission des finances du Conseil national (2010): Initiative parlementaire, Instrument parlementaire concernant les buts stratégiques des unités indépendantes, rapport explicatif de la CdF-N du 29.3.2010 (FF 2010 3057).

Conseil fédéral suisse (2002): Message du 26.6.2002 concernant la révision de la loi sur la Banque nationale, (FF 2002 5645).

Conseil fédéral suisse (2006): Message du 1.2.2006 concernant la loi fédérale sur l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (LAUFIN) (FF 2006 2741).

Conseil fédéral suisse (2010): Rapport du Conseil fédéral du 13.9.2006 sur l'externalisation et la gestion des tâches de la Confédération (Rapport sur le gouvernement d'entreprise, FF 2006 7799).

D'autres sources bibliographiques et documentaires ainsi que les sources des données en ligne figurent dans l'Annexe au rapport: Evaluation concernant la garantie de l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation de l'administration fédérale décentralisée, Annexe au rapport du CPA à l'intention de la CdG-E du 2 février 2015.

1595

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Liste des personnes interviewées Swissmedic Balsiger Betts, Andreas Beerli, Christine Bessons, Jacques Bruhin, Lukas Cueni, Thomas B.

Dörr, Petra Hölzle, Walter P.

Printzen, Gert Stadler, Fabian Züst, Barbara

Chef du Secteur juridique, Swissmedic Présidente du conseil de l'institut, Swissmedic Conseiller spécialiste, SG DFI Secrétaire général, SG DFI Secrétaire général, Interpharma Directrice adjointe, Swissmedic Président, Association des entreprises pharmaceutiques en Suisse (VIPS) Président, Pharmasuisse Secrétaire général, Conférence suisse des directrices et directeurs de la santé publique (CDS) Présidente, Organisation suisse des patients (OSP) Président, Association des pharmaciens cantonaux (APC) Membre du comité central, FMH Secrétaire général, FASMED Directrice adjointe, OSP

IFSN Altdorfer, Felix Burri, Jürg Eckhardt, Anne Ernst, Thomas Heep, Walter Plaschy, Michaël Veyre, Jean-Claude Weber, Urs Zuidema, Piet

Membre de la direction, IFSN Directeur, Fondation suisse de l'énergie (SES) Présidente, IFSN Chef de la direction, NAGRA Directeur, Zwilag Président du conseil, swissnuclear Membre de la direction, IFSN Conseiller spécialiste, SG DETEC Chef de la division Technologie et sciences, NAGRA

Jordan, Dominique Jordi, Michael Kessler, Margrit Luterbacher, Stephan

ASR Dubach, Hans Jörg Jordi, André Klauser, Marius Lanfranchi, Orlando Nussberger, Natascia Ramsauer, Matthias

1596

Associé, Gfeller + Partner Bern Associé, Gfeller + Partner Bern Directeur, CHAMBRE FIDUCIAIRE ­ Chambre suisse des experts comptables et fiscaux Associé, KPMG SA Conseillère spécialiste, SG DFJP Secrétaire général, SG DFJP

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Rufer, Thomas Schneider, Frank ComCom Baer, Peter Buchs, Olivier Dönni Kuoni, René Furrer, Marc Grütter, Peter COMCO Ducrey, Patrick Lampart, Daniel Martenet, Vincent Meier, Urs Moser, Peter Pletscher, Thomas Wüthrich, Daniel

Président, ASR Directeur, ASR Secrétaire, ComCom Chef du secteur Régulation, Sunrise Sous-directeur / Co-responsable de la division Services de télécommunication, OFCOM Président, ComCom Président, Association suisse des télécommunications (asut) Directeur adjoint, COMCO Economiste en chef, Union syndicale suisse (USS) Président, COMCO Responsable division Politique économique, Swissmem Conseiller en politique économique, SG DEFR Responsable Concurrence et réglementation, economiesuisse Chef des Ressources humaines, SG DEFR

1597

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Appendice Tableau 2 Classification des autorités selon les quatre champs conceptuels de l'indépendance Champ Autorité

Fonctionnel

Institutionnel

Personnel

Financier

(échelle de ­1 à 6)

(échelle de ­4 à 5)

(échelle de ­2 à 10)

(échelle de ­1 à 9)

Total

Autorités chargées principalement de tâches de surveillance (économie/sécurité) ASR

5

5

10

7

27

IFSN

5

7

5

9

26

FINMA

6

3

10

7

26

PostCom

6

1

4

5

16

CHS PP

4

2

2

7

15

CFMJ

4

0

3

6

13

ComCom

5

0

3

5

13

Swissmedic

4

0

0

8

12

ElCom

5

0

3

2

10

COMCO

2

­3

­2

2

­1

Autorités chargées principalement de tâches administratives SESA

3

4

5

0

12

IPI

­1

5

1

7

12

Autorités chargées principalement de tâches de nature judiciaire CAF

3

2

­1

1

5

CACF

4

0

3

­1

6

AIEP

5

0

1

­1

5

Autorités chargées principalement de tâches dans le domaine des services CTI

2

­4

­2

0

­4

Légende: évaluation des lois et ordonnances, sans les règlements; pour le classement voir également le volume B.6.4 de l'Annexe au rapport; pas indicatif de l'indépendance de fait Source: volume B3.3.3 de l'Annexe au rapport, bolz+partner/KPM

1598

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Tableau 3 Appréciation globale du dispositif normatif par autorité et champ conceptuel de l'indépendance Autorité

Swissmedic

IFSN

ASR

ComCom

COMCO

Indépendance fonctionnelle

Appréciation

Appréciation

Appréciation

Appréciation

Appréciation

Absence de disposition générale sur l'indépendance (hormis art. 1, al. 3a)

Autonome et indépendante, pas liée par des instructions

Indépendance professionnelle

Absence de disposition générale sur l'indépendance (à l'égard du marché)

Absence de disposition générale sur l'indépendance (à l'égard du marché)

Indépendance institutionnelle

Appréciation

Appréciation

Appréciation

Appréciation

Appréciation

Examiner nomination de la direction par Swissmedic elle-même (comme prévu par la révision de la LPTh)

Prévoir éventuellement compte rendu sur les objectifs stratégiques

Examiner réserve d'approbation pour la nomination de la direction et pour les objectifs stratégiques

Examiner forte interdépendance avec l'OFCOM, plus grande autonomie du secrétariat; pas d'objectifs stratégiques dans les normes

Examiner nomination de la direction par la COMCO elle-même; pas d'objectifs stratégiques dans les normes

Indépendance en matière de personnel

Appréciation

Appréciation

Appréciation

Appréciation

Appréciation

Absence de disposition dans la loi et l'ordonnance (mais bonne réglementation dans le code de conduite)

Réglementation lacunaire en ce qui concerne la direction et le personnel

Mandat légal explicite, complété avec réserve

Dispositif rudimentaire qui n'est pas concrétisé dans le code de conduite

Représentants de l'économie dans une autorité indépendante: le code de conduite devrait contenir un dispositif normatif plus strict

Indépendance financière

Appréciation

Appréciation

Appréciation

Appréciation

Appréciation

Adéquate

Adéquate

Adéquate

La commission établit son budget elle-même.

Le DEFR inscrit les charges de personnel/de biens et services au budget.

Champ

Légende: gris foncé = graves déficits normatifs gris clair = quelques déficits normatifs blanc = aucun déficit ou rares déficits normatifs Source: volume B4.7.2 de l'Annexe au rapport, bolz+partner/KPM

1599

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Tableau 4

Indépendance financière

Indépendance personnelle

Indépendance institutionnelle

Indépendance fonctionnelle

Application et pertinence des normes dans la pratique Swissmedic IFSN

ASR

ComCom

COMCO

Application adéquate

Globalement adéquate

Globalement adéquate

Adéquate

Adéquate

Adéquate

Normes pertinentes

Pertinentes

Pertinentes

Pertinentes

Globalement pertinentes

Pertinentes

Application adéquate

Adéquate

Adéquate

Adéquate

Adéquate

Adéquate

Normes pertinentes

Pertinentes

Pertinentes

Pertinentes

Partiellement pertinentes

Globalement pertinentes

Application adéquate

Adéquate

Adéquate

Partiellement adéquate

Plutôt inadéquate

Adéquate

Normes pertinentes

Globalement pertinentes

Globalement pertinentes

Pertinentes

Plutôt pas pertinentes

Partiellement pertinentes

Application adéquate

Adéquate

Adéquate

Adéquate

Adéquate

Adéquate

Normes pertinentes

Pertinentes

Pertinentes

Pertinentes

Partiellement pertinentes

Partiellement pertinentes

Source: volume C2 de l'Annexe au rapport

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Impressum Réalisation de l'étude Dr. Felix Strebel, CPA (chef de projet) Dr. Lea Meyer, CPA (collaboratrice scientifique) Debora Scherrer, CPA (collaboratrice scientifique) Expertise externe: analyse des normes Dr. Urs Bolz, bolz+partner GmbH (direction de projet) Prof. Andreas Lienhard, Centre de compétences en gestion publique de l'Université de Berne (suivi du projet) David Wüest-Rudin, bolz+partner GmbH (collaborateur scientifique)

Remerciements Le CPA remercie l'ensemble des interlocuteurs pour leur disponibilité dans le cadre des entretiens. Il adresse également ses remerciements aux secrétariats généraux des départements pour avoir mis à sa disposition des documents pertinents pour son étude. Il exprime aussi sa gratitude aux experts externes pour leur précieuse collaboration.

Contact Contrôle parlementaire de l'administration Services du Parlement CH-3003 Berne Tél.: +41 58 322 97 99 fax: +41 58 322 96 63 Courriel: pvk.cpa@parl.admin.ch www.parlement.ch > Organes et députés > Commissions > Contrôle parlementaire de l'administration

Langue originale du rapport: allemand 1601

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