16.028 Message concernant l'extension de l'accord sur la libre circulation des personnes à la Croatie du 4 mars 2016

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par la présente, nous vous soumettons le message concernant l'extension de l'accord sur la libre circulation des personnes à la Croatie. Nous vous proposons simultanément d'adopter l'arrêté fédéral ci-joint.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

4 mars 2016

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Johann N. Schneider-Ammann Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2013-3066

2059

Condensé Par le présent message, le Conseil fédéral demande au Parlement d'approuver le protocole relatif à l'extension de l'accord sur la libre circulation des personnes à la Croatie. Cet accord fait partie intégrante des accords bilatéraux I et constitue un pilier important pour l'économie suisse. L'extension de la libre circulation des personnes à la Croatie est une condition de la poursuite de la voie bilatérale.

Contexte Les sept accords sectoriels conclus entre la Suisse et l'Union européenne (UE) le 21 juin 1999 (Bilatérales I) sont entrés en vigueur le 1 er juin 2002. Ces accords, et notamment celui sur la libre circulation des personnes (ALCP), revêtent une grande importance pour l'économie suisse.

Contrairement aux autres accords sectoriels avec l'UE, l'ALCP ne s'étend pas automatiquement aux nouveaux Etats membres de l'UE. Son extension à de nouveaux Etats membres nécessite la conclusion d'un protocole supplémentaire dont l'approbation est, en Suisse, sujette au référendum. L'extension de l'ALCP aux Etats entrés dans l'UE en 2004 et en 2007 a été réalisée au moyen des protocoles I et II à l'ALCP.

L'adhésion de la Croatie à l'UE, le 1er juillet 2013, a été le sixième élargissement de l'UE. Le 9 octobre 2012, la Commission européenne a demandé officiellement à la Suisse de mener des négociations en vue de l'extension de l'ALCP à la Croatie. Une première session de négociation en vue de cette extension s'est déroulée à Bruxelles le 25 avril 2013. A la suite de la cinquième session de négociation, le protocole III à l'ALCP a pu être paraphé le 15 juillet 2013. Le 28 août 2013, le Conseil fédéral a approuvé ce protocole, qui a été signé le 4 mars 2016. Les réglementations prévues dans le protocole III correspondent dans une large mesure à celles qui avaient été convenues dans les protocoles I et II. Le mandat de négociation du Conseil fédéral a pu être accompli dans le cadre des négociations sur l'extension de l'ALCP à la Croatie et les objectifs de négociation ont été entièrement atteints. En particulier, le mécanisme de la clause de sauvegarde a pu être nettement amélioré: une solution a notamment été trouvée pour neutraliser l'effet de contournement par les autorisations de séjour L lorsque les conditions préalables à l'invocation de la clause de sauvegarde sont satisfaites uniquement
pour les autorisations de séjour B.

Contenu du projet En même temps que le protocole III, le Conseil fédéral soumet au Parlement, pour approbation, les adaptations requises dans onze lois fédérales. Comme la norme à adapter est identique dans toutes les lois d'assurances sociales, il a été décidé de modifier en même temps l'ensemble de ces lois, pour éviter d'échelonner l'actualisation de cette norme dans le temps, en fonction des révisions des différentes lois concernées.

2060

S'agissant de la mise en oeuvre de l'art. 121a de la Constitution (Cst.), il importe de pouvoir gérer, au moyen d'une clause de sauvegarde, l'immigration des personnes auxquelles s'appliquent l'ALCP ou la convention instituant l'AELE. A cette fin, le Conseil fédéral aspire à une solution consensuelle avec l'UE qui mette en conformité les prescriptions de l'ALCP avec celles de l'ordre juridique suisse. Ainsi, le protocole III devrait pouvoir être ratifié rapidement.

Le Conseil fédéral soumet aux Chambres fédérales, parallèlement au présent message, un message sur la modification de la loi sur les étrangers (Gestion de l'immigration et amélioration de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes).

2061

FF 2016

Table des matières Condensé

2060

1

Contexte 1.1 Rétrospective 1.2 Extension de l'ALCP à la Croatie

2064 2064 2065

2

Négociations 2.1 Mandat de négociation 2.2 Déroulement des négociations 2.3 Résultats des négociations 2.4 Votation populaire du 9 février 2014

2066 2066 2066 2067 2068

3

Résultats de la consultation

2070

4

Teneur du protocole 4.1 La libre circulation des personnes au sens strict 4.1.1 Passage graduel à la libre circulation des personnes 4.1.2 Autorisations de courte durée non contingentées (durée inférieure à quatre mois) 4.1.3 Travailleurs indépendants 4.1.4 Prestataires de services 4.2 Acquisition de terrains agricoles 4.3 Coordination des systèmes de sécurité sociale 4.3.1 Contexte 4.3.2 Objectif et déroulement des négociations 4.3.3 Résultats des négociations 4.4 Reconnaissance des qualifications professionnelles 4.4.1 Introduction 4.4.2 Extension de l'ALCP en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles 4.4.3 Résultats des négociations

2070 2070 2070

5

2072 2072 2073 2073 2074 2074 2075 2075 2077 2077 2078 2078

Importance pour la Suisse de l'extension de la libre circulation à la Croatie du point de vue de l'économie et de la politique européenne

2078

6

Adaptation du droit suisse 6.1 La libre circulation des personnes au sens strict 6.2 Acquisition de terrains agricoles 6.3 Sécurité sociale 6.3.1 Droit fédéral 6.3.2 Droit cantonal 6.4 Reconnaissance des qualifications professionnelles

2081 2081 2082 2082 2082 2084 2084

7

Conséquences 7.1 Conséquences financières

2085 2085

2062

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7.1.1 La libre circulation des personnes au sens strict 7.1.2 Sécurité sociale 7.1.3 Reconnaissance des qualifications professionnelles Conséquences pour le personnel 7.2.1 La libre circulation des personnes au sens strict 7.2.2 Sécurité sociale 7.2.3 Reconnaissance des qualifications professionnelles

2085 2085 2087 2087 2087 2088 2088

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

2088

Aspects juridiques 9.1 Arrêté d'approbation et constitutionnalité 9.2 Mesures juridiques de mise en oeuvre

2089 2089 2089

7.2

8 9

10 Rapport sur les effets de la reconduction des accords bilatéraux

2090

Arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre du protocole relatif à l'accord sur la libre circulation des personnes entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, concernant l'extension à la République de Croatie (Projet)

2093

Protocole à l'accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, concernant la participation, en tant que partie contractante de la République de la Croatie, à la suite de son adhésion à l'Union européenne

2111

2063

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Message 1

Contexte

1.1

Rétrospective

L'accord sur la libre circulation des personnes (ALCP)1 signé le 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses 15 Etats membres de l'époque (UE-15)2, d'autre part, est entré en vigueur le 1er juin 2002 dans le cadre des Bilatérales I3. L'ALCP facilite l'accès mutuel au marché du travail et l'établissement des ressortissants de l'UE en Suisse et des citoyens suisses dans les pays membres de l'UE. Le droit en matière de libre circulation est complété par des dispositions sur la prestation de services fournie pour une durée limitée et liée à des personnes, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et sur la reconnaissance réciproque des diplômes professionnels.

Après une période transitoire de cinq ans, les ressortissants de l'UE-15, ainsi que ceux de Chypre et de Malte, bénéficient de la libre circulation complète des personnes depuis le 1er juin 2007.

S'agissant d'un accord conclu non seulement avec l'UE mais aussi avec ses Etats membres («accord mixte»), l'ALCP ne s'étend pas automatiquement à de nouveaux Etats membres. Cette extension nécessite la conclusion d'un protocole, dont l'approbation est, en Suisse, sujette au référendum.

Suite à l'élargissement aux dix nouveaux membres de l'UE (UE-10)4 en 2004, les accords bilatéraux existants entre la Suisse et l'UE ont été automatiquement étendus à ces derniers. Seul l'ALCP constitue une exception en raison de sa nature «mixte», puisqu'il a été conclu à la fois avec la Communauté européenne de l'époque et avec ses Etats membres. Conformément aux dispositions du droit communautaire pertinentes, il a fallu négocier un protocole supplémentaire pour modifier la validité territoriale de l'accord et, partant, ses parties contractantes. Lors du référendum du 25 septembre 2005, le peuple suisse a accepté le protocole I à l'ALCP, qui est entré

1

2

3

4

Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (RO 2002 1529; RS 0.142.112.681).

Font partie de l'UE-15 l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, la Grande-Bretagne, la Grèce, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède.

Il s'agit des accords suivants: accord sur le transport aérien, accord sur le transport de marchandises et de voyageurs par rail et par route, accord relatif aux échanges de produits agricoles, accord sur la reconnaissance mutuelle d'évaluations de la conformité, accord sur certains aspects relatifs aux marchés publics et accord sur la coopération scientifique et technologique.

Font partie de l'UE-10 Chypre, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la Slovaquie, la Slovénie et la République tchèque.

2064

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en vigueur le 1er avril 20065. S'agissant de l'accès au marché du travail, les ressortissants des Etats de l'UE-8 (à savoir les huit pays ayant adhéré à l'UE en 2004, moins Chypre et Malte) ont été soumis aux délais transitoires jusqu'au 30 avril 2011.

L'extension de l'ALCP à la Roumanie et à la Bulgarie (UE-2), qui ont adhéré à l'UE le 1er janvier 2007, a été réalisée au moyen du protocole II à l'ALCP6. Celui-ci est entré en vigueur le 1er juin 2009, après avoir été accepté par le peuple suisse. Ce protocole prévoit également des dispositions transitoires, qui ont été prolongées jusqu'au 31 mai 2016. En vertu de ces dispositions transitoires, la Suisse peut activer la clause de sauvegarde à l'égard de l'UE-2 pendant trois années supplémentaires si les conditions quantitatives sont remplies. Elle dispose de cette possibilité jusqu'au 31 mai 2019.

1.2

Extension de l'ALCP à la Croatie

La Croatie a adhéré à l'UE le 1er juillet 2013.

A l'exception de l'ALCP, les accords bilatéraux ont été étendus automatiquement à la Croatie. De même, la contribution de la Suisse à l'atténuation des disparités économiques et sociales dans l'Union européenne élargie (contribution à l'élargissement de l'UE) a été ouverte à la Croatie pour respecter le principe de l'égalité de traitement des Etats ayant adhéré à l'UE depuis 20047.

La Commission européenne a adressé une demande à la Suisse, le 9 octobre 2012, sollicitant l'ouverture de négociations en vue de l'extension de l'ALCP à la Croatie.

Le 7 décembre 2012, le Conseil fédéral a décidé d'engager des négociations et adopté le mandat de négociation requis à cet effet à l'issue des consultations.

5

6 7

Protocole du 26 octobre 2004 à l'accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, concernant la participation, en tant que parties contractantes, de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, à la suite de leur adhésion à l'Union européenne (RO 2006 995).

FF 2008 2009 Message du 28 mai 2014 sur la contribution de la Suisse en faveur de la Croatie au titre de la réduction des disparités économiques et sociales dans l'Union européenne élargie (FF 2014 4035). Le Parlement a approuvé le crédit-cadre de 45 millions de francs le 11 décembre 2014. Le 30 juin 2015, la Suisse et la Croatie ont signé l'accord-cadre bilatéral qui régit la mise en oeuvre du programme de coopération. D'ici au 31 mai 2017, tous les fonds seront attribués de manière définitive aux projets choisis.

2065

FF 2016

2

Négociations

2.1

Mandat de négociation

Le Conseil des ministres de l'UE a adopté le mandat de négociation de l'UE le 24 septembre 2012; le Conseil fédéral a définitivement adopté le mandat de négociation de la Suisse le 8 mars 2013 après consultation de la Conférence des gouvernements cantonaux, des Commissions de politique extérieure des deux Chambres et des partenaires sociaux. Les négociations ont débuté le 25 avril 2013 et se sont terminées officiellement par le paraphe du protocole le 15 juillet 2013.

Les négociations se sont concentrées, d'une part, sur le début et la durée du régime transitoire (maintien des restrictions actuelles en matière de marché du travail) et, d'autre part, sur la durée de validité de la clause de sauvegarde spécifique, qui permet de réintroduire des contingents après expiration du délai transitoire.

Selon les protocoles I et II, la période transitoire durant laquelle la Suisse peut limiter l'accès des ressortissants croates au marché du travail suisse, à certaines conditions, durera au total dix ans. La révision du mécanisme de la clause de sauvegarde dans le protocole III a toutefois permis de structurer cette période transitoire de manière plus pertinente. Conformément au régime transitoire qui, en vertu des protocoles I et II à l'ALCP, a été ou est appliqué aux Etats de l'UE-8 et à ceux de l'UE-2, l'accès des ressortissants croates au marché du travail suisse doit également intervenir par étapes.

2.2

Déroulement des négociations

Les négociations ont été formellement ouvertes le 25 avril 2013 à Bruxelles. Cinq sessions de négociation ont abouti au paraphe du protocole III à l'ALCP, le 15 juillet 2013.

Comme dans le cas des protocoles I et II, les négociations avec l'UE visaient à définir des dispositions transitoires propres à introduire la libre circulation des personnes avec la Croatie de façon progressive et contrôlée.

Initialement, l'UE exigeait que le début de la période transitoire soit fixé rétroactivement à la date de l'adhésion de la Croatie à l'UE, c'est-à-dire au 1er juillet 2013.

De plus, contrairement aux négociations menées pour des extensions précédentes, l'UE ne voulait pas entrer en matière sur une clause de sauvegarde spécifique. Pour sa part, la Suisse exigeait de fixer le début de la période transitoire à la date de l'entrée en vigueur du protocole III et demandait une clause de sauvegarde spécifique d'une durée plus longue dont le contenu serait amélioré.

Au cours de la quatrième session de négociation, qui s'est déroulée à Berne le 3 juillet 2013, une avancée importante a été réalisée, si bien qu'un compromis a été trouvé lors des deux dernières sessions de négociation: l'option retenue prévoit l'application d'une période transitoire de sept ans (solution 2+3+2) à compter de l'entrée en vigueur du protocole III. Dans une première phase, soit pendant les deux années qui suivront l'entrée en vigueur du protocole III, la Suisse pourra appliquer des restrictions nationales relatives au marché du travail à l'égard des ressortissants 2066

FF 2016

de la Croatie. Avant le terme de cette première phase, elle notifiera au Comité mixte institué par l'ALCP si elle souhaite maintenir ces restrictions pendant une deuxième phase de trois années supplémentaires. Si des perturbations graves du marché du travail sont constatées ou menacent de se produire, les prescriptions nationales pourront par la suite être maintenues pendant deux années supplémentaires, à condition que le Comité mixte Suisse-UE ait approuvé la prolongation. Au terme de la période transitoire, la Suisse aura encore la possibilité d'appliquer une clause de sauvegarde spécifique si les conditions quantitatives à satisfaire pour l'activation de cette clause sont réunies. En cas de hausse excessive de l'immigration, elle pourra ainsi réintroduire des contingents de manière unilatérale. Cette clause de sauvegarde pourra être appliquée pendant trois ans, si la période transitoire a duré sept ans (2+3+2), pendant cinq ans, dans le cas d'une période transitoire de cinq ans (2+3) ou pendant huit ans si la Suisse a renoncé, après deux ans, à prolonger le régime transitoire. Ainsi, la durée totale de la période transitoire pourra atteindre dix ans à compter de l'entrée en vigueur du protocole III. En outre, le mécanisme de la clause de sauvegarde a été amélioré : les nouvelles dispositions neutraliseront l'effet de contournement que cette clause aurait risqué d'entraîner, tel qu'une augmentation des autorisations L si la clause de sauvegarde n'est invoquée que pour les autorisations B. Le protocole III prévoit en effet que si les conditions quantitatives concernant une catégorie d'autorisations sont remplies, la clause de sauvegarde peut aussi s'appliquer à l'autre catégorie d'autorisations. Ainsi, si la clause de sauvegarde est invoquée, le contingentement correspondra à 105 % de la moyenne de l'année en cours et des deux années précédentes pour les autorisations de séjour B, et à 110 % de cette moyenne pour les autorisations de séjour de courte durée L.

2.3

Résultats des négociations

Le mandat du Conseil fédéral a été exécuté dans le cadre des négociations sur l'extension de l'ALCP à la Croatie et tous les objectifs de négociation ont été pleinement atteints. En particulier, le mécanisme de la clause de sauvegarde a été nettement amélioré: une solution a notamment été trouvée pour neutraliser l'effet de contournement par les autorisations de séjour L, lorsque les conditions préalables à l'invocation de la clause de sauvegarde sont satisfaites uniquement pour les autorisations de séjour B, par exemple. Le résultat des négociations est consigné dans le protocole III à l'ALCP, paraphé le 15 juillet 2013, qui fera partie intégrante de l'ALCP.

Le protocole III présente une structure largement comparable à celle des protocoles I et II. La partie principale réglemente la période transitoire relative au maintien provisoire des restrictions nationales applicables au marché du travail (contingents, priorité des travailleurs indigènes et contrôle des conditions de salaire et d'emploi).

L'annexe I du protocole III porte sur les mesures transitoires régissant l'acquisition de terrains agricoles, tandis que l'annexe II traite de la coordination des systèmes de sécurité sociale, et l'annexe III de la reconnaissance des diplômes.

Une fois le protocole III à l'ALCP en vigueur, la Croatie deviendra partie contractante à l'accord. En conséquence, ce protocole conduit à l'extension de la 2067

FF 2016

validité territoriale de l'ALCP à la Croatie. Toutes les dispositions de l'ALCP seront donc également applicables à ce pays, sous réserve des dispositions spécifiques prévues dans le protocole III.

Le protocole III entre en vigueur le premier jour du premier mois suivant la date de la dernière notification de ratification ou d'approbation (art. 7) et fait partie intégrante de l'accord (art. 5, par. 2). Il est applicable pendant la même durée et selon les mêmes modalités que l'accord (art. 8).

Par une déclaration unilatérale figurant dans le protocole III, la Suisse s'est déclarée disposée, durant la période comprise entre la date de la signature du protocole et son entrée en vigueur, à fixer les contingents annuels autonomes suivants à l'égard du nouvel Etat membre qu'est la Croatie: a.

autorisations de séjours à l'année (B): 50

b.

autorisations de séjour de courte durée (L): 450

Ces contingents ont été inscrits dans l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA) 8. Par ailleurs, en vertu de la déclaration unilatérale il conviendra d'admettre, sur la base de la pratique actuelle, 1000 titulaires d'une autorisation de séjour de courte durée (séjour ne dépassant pas quatre mois) par année sans les imputer sur les contingents. Les conditions d'admission et de séjour pour les ressortissants croates continuent de relever du droit des étrangers (loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers [LEtr]9/OASA) jusqu'à l'entrée en vigueur du protocole III. Cependant, la Suisse est libre d'adopter d'autres mesures de libéralisation en matière de droit des étrangers.

Les contingents annuels susmentionnés ont été mis en vigueur au 1 er juillet 2014 pour permettre de relancer des négociations qui avaient été suspendues après le 9 février 2014. Ils continueront de s'appliquer après la signature du protocole III, et ce, jusqu'à l'entrée en vigueur de cet acte.

2.4

Votation populaire du 9 février 2014

Le 9 février 2014, le peuple suisse a accepté l'initiative «Contre l'immigration de masse». L'art. 197, ch. 11, Cst., également accepté le 9 février 2014, exige de renégocier l'ALCP. Le Conseil fédéral a adopté le mandat de négociation sur l'adaptation de l'ALCP le 11 février 2015. A ce jour, l'UE refuse de renégocier l'ALCP. Toutefois, le 2 février 2015, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et la présidente de la Confédération d'alors, Simonetta Sommaruga, ont convenu de mener des consultations visant à déterminer s'il existe une voie, acceptable pour les deux parties, qui permette de mettre en oeuvre le mandat constitutionnel de l'art. 121a Cst. tout en préservant la voie bilatérale. A l'occasion d'une réunion de travail, le 21 décembre 2015, la présidente de la Confédération d'alors, Simonetta Sommaruga, le président de la Commission européenne, JeanClaude Juncker, et le président du Conseil «Affaires générales» de l'Union euro8 9

RS 142.201 RS 142.20

2068

FF 2016

péenne, Jean Asselborn, ont convenu de poursuivre et d'intensifier les consultations relatives à l'ALCP. L'objectif des deux parties est de trouver une solution consensuelle qui respecte à la fois la Constitution suisse et l'ALCP. La solution visée devra s'appuyer sur une interprétation de l'actuel ALCP (art. 14, par. 2, ALCP) qui permette d'étendre cet accord à la Croatie tout en répondant aux exigences de la Constitution suisse. Les consultations se poursuivent.

Après la votation du 9 février 2014, il n'était pas possible de signer le protocole III concernant l'extension de l'ALCP à la Croatie car l'art. 121a Cst. prévoit qu'aucun nouveau traité international contraire à cette disposition ne peut être conclu. Comme le Conseil fédéral n'était pas en mesure de signer ce protocole, l'UE a suspendu les négociations et les discussions entre la Suisse et l'UE dans différents dossiers. Le 30 avril 2014, en vue de relancer les négociations et les discussions, le Conseil fédéral a décidé l'admission contingentée de ressortissants croates sur le marché du travail suisse (par année, 50 autorisations de séjour B et 450 autorisations de courte durée L). La Suisse avait déjà garanti, dans une déclaration unilatérale jointe au protocole III, ces contingents autonomes pour la période comprise entre la signature du protocole et son entrée en vigueur. L'ordonnance qui s'y rapporte est entrée en vigueur le 1er juillet 2014. Par ailleurs, les diplômes croates relevant de la compétence du Conseil fédéral (notamment les diplômes de certains secteurs de la santé, des soins, de la formation, de l'agriculture, du sport et de la construction) sont reconnus depuis le 1er juillet 2014. Ces contingents autonomes et cette reconnaissance de diplômes, deux éléments auxquels tant la Croatie que l'UE étaient favorables, ont permis de reprendre plusieurs négociations qui avaient été interrompues après le 9 février 2014. Ainsi, depuis le 1er juillet 2014, la Croatie n'est pas pénalisée par rapport à la situation qui prévaudrait si le protocole III avait été signé.

Comme indiqué plus haut, il n'était pas possible de signer le protocole III après la votation du 9 février 2014 étant donné que l'art. 121a Cst. interdit la conclusion d'un traité international contraire à cet article. Grâce aux consultations qu'il a menées avec l'UE,
le Conseil fédéral a créé un nouveau contexte au cours du dernier semestre. En effet, la Suisse et l'UE s'accordent à viser une solution consensuelle quant à une interprétation commune de la clause de sauvegarde existante (art. 14.2 ALCP). Cette solution doit permettre de mettre en conformité les exigences de l'ALCP avec la Constitution suisse. Dans ce nouveau contexte, le Conseil fédéral estime qu'il est judicieux de soumettre le protocole III au Parlement pour approbation. Ce protocole sera ensuite ratifié lorsqu'une solution compatible avec l'ALCP aura été trouvée. La signature de ce protocole est une première étape en vue de la poursuite de la collaboration avec l'UE dans le domaine de la recherche à partir de 2017 (paquet Horizon 2020). A cet égard, la ratification du protocole d'ici au 9 février 2017 (éventuel référendum compris) est la condition principale mais aussi la plus difficile à remplir vu le peu de temps restant (cf. art. 13 de l'accord).

2069

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3

Résultats de la consultation

La procédure de consultation relative à l'extension de l'ALCP à la Croatie s'est déroulée du 28 août au 28 novembre 2013, c'est-à-dire avant que l'art. 121a Cst.

n'ait été accepté. Y ont pris part la Conférence des gouvernements cantonaux (dont les prises de position sont soutenues par tous les cantons), certains gouvernements cantonaux, l'Union des villes suisses, des partis politiques, des associations faîtières, des partenaires sociaux, des associations d'autorités cantonales et d'autres organisations intéressées par le protocole III.

Les résultats de la procédure de consultation figurent dans le rapport publié à ce sujet10.

4

Teneur du protocole

4.1

La libre circulation des personnes au sens strict

4.1.1

Passage graduel à la libre circulation des personnes

Durant sept ans au plus à compter de l'entrée en vigueur du protocole III, la Suisse peut maintenir des restrictions sur le marché du travail pour les séjours durables et les séjours de courte durée des ressortissants de la Croatie (cf. ch. 2.1.2 du présent message). Ces restrictions portent sur la priorité des travailleurs indigènes, le respect des conditions de salaire et de travail ainsi que sur des contingents annuels progressifs.

Les délais transitoires sont fixés à l'art. 2 du protocole III. Au cours d'une première phase, à savoir durant les deux premières années suivant l'entrée en vigueur du protocole, la Suisse pourra maintenir toutes ses restrictions en matière de marché du travail à l'égard des ressortissants croates. Avant le terme de cette première phase, elle présentera un rapport au Comité mixte sur l'ALCP11 et lui indiquera si elle souhaite ou non continuer d'appliquer ces restrictions pendant une deuxième phase, de trois ans. De l'entrée en vigueur du protocole III jusqu'au terme de la deuxième phase transitoire (soit durant les cinq premières années suivant l'entrée en vigueur du protocole III), la Suisse établira en faveur des travailleurs croates des contingents annuels progressifs d'autorisations de courte durée et d'autorisations de séjour. Leur nombre sera calculé sur la base des contingents du protocole II, adaptés proportionnellement à la population de la Croatie. De la cinquième à la septième année, les contingents seront légèrement augmentés, par rapport aux précédents calculs au prorata, en raison de l'amélioration apportée à la clause de sauvegarde, qui permet de neutraliser l'effet de contournement par le biais des autorisations L.

10 11

www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2013 > DFJP.

Le Comité mixte facilite l'échange d'informations et les consultations entre les parties contractantes et en vue de résoudre des litiges. De par son activité, il est tenu de formuler des recommandations et de prendre des décisions dans les cas prévus par l'accord. Il est composé de représentants des parties contractantes et se prononce d'un commun accord.

2070

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Les contingents fixés sont les suivants: Autorisations de séjour B UE/AELE

1re année 2e

Autorisations de courte durée L UE/AELE

54

543

année

78

748

3e année

103

953

4e

année

133

1158

5e année

250

2000

Si, dans les cinq ans suivant l'entrée en vigueur du protocole III, des perturbations graves du marché du travail suisse sont constatées ou menacent de se produire, les restrictions relatives au marché du travail peuvent être maintenues pendant deux années supplémentaires. Le Comité mixte doit approuver d'un commun accord le maintien de ces restrictions pour la sixième et la septième année. Le cas échéant, les contingents disponibles pour les autorisations de séjour et les autorisations de courte durée seraient les suivants: Autorisations de séjour B UE/AELE

Autorisations de courte durée L UE/AELE

6e année

260

2100

7e année

300

2300

De plus, sur la base de la clause de sauvegarde spécifique, la Suisse a la possibilité, en présence d'une hausse massive de l'immigration, de réintroduire unilatéralement des contingents pendant dix ans à compter de l'entrée en vigueur du protocole III.

Ainsi, si le Comité mixte ne donne pas son accord à la prolongation de la période transitoire pour la sixième et la septième année, la Suisse peut activer la clause de sauvegarde pour cinq années supplémentaires après la période transitoire de cinq ans (2+3). Au cas où la Suisse renoncerait à prolonger le régime transitoire au-delà des deux premières années, elle pourrait invoquer la clause de sauvegarde pendant huit ans. Les sixième et septième années, seule l'année précédente serait prise en considération pour le calcul du seuil justifiant le recours à la clause de sauvegarde; à partir de la huitième année, c'est la moyenne des trois années précédentes qui serait déterminante. Si la période transitoire est appliquée intégralement pendant sept ans, il ne sera plus possible, par la suite, d'activer la clause de sauvegarde que pour trois ans. Le régime transitoire porte donc sur une durée totale de dix ans (sept ans de période transitoire et trois ans de clause de sauvegarde, ou cinq ans de période transitoire et cinq ans de clause de sauvegarde, ou encore deux ans de période transitoire et huit ans de clause de sauvegarde). Cette durée totale correspond aux régimes prévus dans les protocoles I et II.

La révision du mécanisme de la clause de sauvegarde a permis de structurer le régime transitoire de dix ans inscrit dans le protocole III de manière plus pertinente que celui prévu dans les protocoles I et II.

2071

FF 2016

Les dispositions de ce protocole neutralisent l'effet de contournement qui peut être induit par la clause de sauvegarde, à savoir le recours à des autorisations L lorsque la clause n'est invoquée que pour les autorisations B ou inversement. Dans le cas de la Croatie, la règle est la suivante: si les conditions quantitatives concernant une catégorie d'autorisations sont remplies, la clause de sauvegarde s'applique aussi à l'autre catégorie d'autorisations. Ainsi, si la clause de sauvegarde était invoquée, les autorisations de séjour B représenteraient, l'année suivante, 105 % de la moyenne de l'année en cours et des deux années précédentes, et les autorisations de séjour de courte durée L 110 % de cette moyenne. La prise en compte de l'année en cours dans le calcul des nouveaux contingents a mis fin à la différence de calcul qui existait depuis longtemps avec la Commission européenne.

En vertu de l'art. 2, let. b, ch. 5c, du protocole III, les dispositions transitoires du protocole III, en particulier la priorité des travailleurs indigènes et le contrôle des conditions de rémunération et de travail, ne sont pas applicables aux travailleurs salariés ou indépendants qui, à l'entrée en vigueur du protocole III, sont déjà autorisés à exercer une activité lucrative sur le territoire des parties contractantes. En vertu de l'ALCP, ces travailleurs jouissent notamment de la mobilité géographique et professionnelle et ont droit au regroupement familial prévu par les dispositions de l'ALCP. Les titulaires d'une autorisation de séjour de moins d'un an ont droit au renouvellement de cette autorisation: l'épuisement des contingents ne peut pas être invoqué à leur encontre. De même, les titulaires d'une autorisation à l'année ou d'une autorisation de séjour de plus d'une année ont droit à la prolongation de leur autorisation. Ces salariés ou indépendants peuvent ainsi se prévaloir des droits inscrits dans les dispositions de l'ALCP, notamment à l'art. 7, concernant la libre circulation des personnes dès l'entrée en vigueur du protocole III.

4.1.2

Autorisations de courte durée non contingentées (durée inférieure à quatre mois)

En vertu de l'art. 2, let. b, ch. 2c, du protocole III, la Suisse maintiendra la réglementation en vigueur concernant l'admission de travailleurs dans le cadre d'un séjour d'une durée maximale de quatre mois. Conformément à l'art. 19, al. 4, let. a, OASA, les activités limitées à quatre mois au maximum resteront non contingentées et les exigences liées aux qualifications professionnelles seront maintenues. Les travailleurs peu qualifiés bénéficieront d'un accès de courte durée au marché de l'emploi, à condition que les unités correspondantes du contingent d'autorisations de courte durée soient encore disponibles.

4.1.3

Travailleurs indépendants

Au sein de l'UE, les travailleurs indépendants qui sont des ressortissants des nouveaux Etats membres jouissent de la liberté d'établissement sans restriction dès l'entrée en vigueur de l'acte d'adhésion correspondant. Par conséquent, aux termes du protocole III, les travailleurs indépendants venant de Croatie bénéficieront en Suisse d'un traitement dans une large mesure équivalent à celui appliqué aux travail2072

FF 2016

leurs indépendants des autres Etats membres de l'UE. Les conditions en vigueur sur le marché du travail (priorité aux travailleurs indigènes et contrôle des conditions de rémunération) ne leur seront donc pas opposables. En revanche, ils seront soumis aux contingents fixés par le protocole III pendant les deux premières années de la période transitoire (art. 2, let. b, ch. 1c, du protocole III).

4.1.4

Prestataires de services

Le protocole III prévoit, comme l'ALCP, une libéralisation partielle de la prestation de services (art. 2, let. b, ch. 2c, protocole III). Dans les secteurs dans lesquels un accord spécifique relatif à la prestation de services a été conclu entre la Suisse et l'UE, les dispositions du protocole III ne doivent pas faire obstacle à la prestation de services. Ce principe vaut, notamment, pour l'accord relatif aux marchés publics et l'accord sur le trafic aérien ou sur le trafic terrestre. Le protocole III garantit aux personnes qui fournissent un service sur la base d'un tel accord le droit d'entrée et de séjour pendant toute la durée de leur activité (prestation de services). De plus, il octroie aux prestataires de services (travailleurs salariés ou indépendants) le droit de se rendre dans un Etat hôte pour y fournir un service pendant une durée limitée (90 jours de travail par année civile). Le contrôle des conditions de rémunération et de travail ainsi que les contingents restent applicables au plus tard jusqu'à la fin de la période transitoire dans les branches suivantes (solution par branche discutée avec les partenaires sociaux, qui l'ont approuvée): ­

construction, génie civil et second oeuvre;

­

horticulture;

­

nettoyage industriel;

­

surveillance et sécurité.

En parallèle, ces branches peuvent être soumises aux exigences en matière de qualification figurant à l'art. 23 LEtr pendant toute la période transitoire.

4.2

Acquisition de terrains agricoles

Dans le cadre des négociations d'adhésion entre l'UE et la Croatie, des mesures transitoires ont été consenties à cette dernière pour l'acquisition de terrains agricoles. Pendant une période donnée, la Croatie peut maintenir une interdiction ou des restrictions de telles acquisitions par des étrangers qui ne résident pas sur son territoire. Ces mesures transitoires concernant les terrains agricoles ont été reprises à l'annexe I du protocole III et sont applicables pendant les sept années qui suivent l'entrée en vigueur du protocole. La troisième année après l'entrée en vigueur, ces mesures transitoires feront l'objet d'un examen général et le Comité mixte pourra décider d'en raccourcir la durée ou d'y mettre fin. Si, au terme de la période transitoire de sept ans, la Croatie constate des perturbations graves du marché du terrain agricole ou craint que de telles perturbations ne se produisent, elle peut notifier cette situation au Comité mixte et continuer d'appliquer les mesures transitoires, qui 2073

FF 2016

seront éventuellement limitées aux régions particulièrement touchées, pendant dix ans au plus à compter de l'entrée en vigueur du protocole III. Si l'acquisition de terres agricoles par des personnes à l'étranger n'est plus assujettie aux restrictions de la loi du 16 décembre 1983 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (LFAIE)12, dite «Lex Koller», la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural (LDFR)13 limite, elle, l'acquisition de terrains agricoles par application très généralisée du principe de «l'exploitant à titre personnel»; autrement dit indépendamment de la nationalité et du domicile. Dans la pratique, toute acquisition par des ressortissants croates sera pour ainsi dire impossible, étant donné que la Croatie n'est pas voisine de la Suisse.

S'agissant de la réglementation transitoire applicable à l'acquisition de terrains agricoles, une solution distincte est déjà prévue dans les protocoles I et II. Le protocole III s'inscrit dans le cadre déjà en vigueur et n'énonce aucune nouvelle disposition particulière en la matière.

4.3

Coordination des systèmes de sécurité sociale

4.3.1

Contexte

En vertu de l'ALCP, depuis juin 2002, les relations entre la Suisse et l'UE dans le domaine de la sécurité sociale sont régies par les normes de coordination édictées par l'UE en la matière. Celles-ci sont contenues dans les règlements (CE) 883/200414 (dispositions de droit matériel) et 987/200915 (dispositions d'application) et concernent toutes les branches classiques des assurances sociales. Le terme de «coordination» implique que les Etats contractants doivent respecter, dans l'application de leurs lois sur les assurances sociales, certains principes communs concernant les travailleurs transfrontaliers (par ex., interdiction de toute discrimination liée à la nationalité, versement de prestations à l'étranger, prise en compte des périodes d'assurance à l'étranger pour répondre à l'exigence de la durée minimale d'assurance, remboursement des coûts dans l'assurance-maladie et l'assuranceaccidents); pour le reste, cependant, les Etats sont libres d'organiser leur droit national selon leurs propres besoins. Les règles de coordination et les particularités structurelles de l'ALCP sont décrites dans le message du 23 juin 1999 relatif à l'approbation des accords sectoriels entre la Suisse et la CE16.

12 13 14

15

16

RS 211.412.41 RS 211.412.11 Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, dans la version qui lie la Suisse en vertu de l'annexe II de l'accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (RO 2002 1529); RS 0.831.109.268.1.

Règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, dans la version qui lie la Suisse en vertu de l'annexe II de l'accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (RO 2002 1529); RS 0.831.109.268.11.

FF 1999 5440; ch. 147.3, 273.2 et 274.4.

2074

FF 2016

4.3.2

Objectif et déroulement des négociations

Les négociations ont porté sur l'intégration de la Croatie dans le dispositif de coordination des systèmes d'assurances sociales qui existe déjà entre la Suisse et l'UE.

Cette coordination doit suivre les mêmes règles que celles déjà convenues avec les 27 Etats de l'UE, et les adaptations doivent se limiter aux domaines pour lesquels des réglementations spéciales étaient déjà prévues dans l'ALCP.

4.3.3

Résultats des négociations

Généralités Par le protocole III, la Croatie devient partie contractante de l'ALCP. En conséquence, l'annexe II de l'ALCP, qui porte sur la sécurité sociale, est également applicable à la Croatie. Elle est modifiée en ce sens que le règlement (CE) n° 517/201317 portant adaptation des règlements (CE) 883/2004 et 987/2009 en raison de l'adhésion de la Croatie à l'UE y est intégré. La convention bilatérale de sécurité sociale 18 déjà conclue avec la Croatie est en principe suspendue (art. 20 ALCP). Elle est remplacée par les règles de coordination de l'ALCP sur tous les points régis par celui-ci. La convention bilatérale reste ainsi applicable aux cas qui ne sont pas couverts par l'ALCP. Les règles de coordination de la sécurité sociale de l'ALCP seront applicables sans restriction à compter de l'entrée en vigueur du protocole III, sans période transitoire, à l'exception des dispositions transitoires de l'assurancechômage.

Les règles de coordination et leurs effets sur les assurances sociales suisses Les principes de coordination définis par l'UE et leurs effets sur les assurances sociales suisses sont commentés en détail dans le message relatif à l'approbation des accords sectoriels entre la Suisse et la CE19. Depuis, l'annexe II de l'ALCP a été modifiée par quatre décisions du Comité mixte. Sont seules mentionnées, ci-après, les dispositions de l'ALCP concernées par la présente extension.

17

18 19

Règlement (UE) n° 517/2013 du Conseil du 13 mai 2013 portant adaptation de certains règlements et décisions adoptés dans les domaines de la libre circulation des marchandises, de la libre circulation des personnes, du droit des sociétés, de la politique de la concurrence, de l'agriculture, de la sécurité sanitaire des aliments, de la politique vétérinaire et phytosanitaire, de la politique des transports, de l'énergie, de la fiscalité, des statistiques, des réseaux transeuropéens, du pouvoir judiciaire et des droits fondamentaux, de la justice, de la liberté et de la sécurité, de l'environnement, de l'union douanière, des relations extérieures, de la politique étrangère, de sécurité et de défense et des institutions, du fait de l'adhésion de la République de Croatie, JO L 158 du 10.6.2013, p. 1.

Convention de sécurité sociale du 9 avril 1996 entre la Confédération suisse et la République de Croatie; RS 0.831.109.291.1 FF 1999 5440, ch. 273.22 et 273.23

2075

FF 2016

Assurance-maladie La Croatie n'a pas souhaité recourir aux règles particulières convenues avec certains autres Etats de l'UE; en conséquence, les règles de coordination usuelles sont applicables.

Assurance-vieillesse et survivants L'ALCP oblige la Suisse à autoriser les ressortissants des Etats membres de l'UE à s'affilier à l'AVS/AI facultative, en vertu du principe de l'égalité de traitement. Lors de la révision de l'assurance facultative20, le Parlement a décidé de supprimer la possibilité de s'affilier à cette assurance pour les personnes résidant dans l'espace communautaire. Les dispositions finales de la modification du 23 juin 200021 de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS)22 s'appliqueront donc aussi à la Croatie à compter de l'entrée en vigueur du protocole III à l'ALCP. Pour les personnes croates déjà assurées, une réglementation transitoire analogue à celle appliquée depuis l'entrée en vigueur de l'ALCP est prévue.

Prévoyance professionnelle En vertu de l'ALCP, le versement en espèces de la prestation de sortie du régime obligatoire au moment où la personne assurée quitte la Suisse n'est plus possible, depuis l'échéance du délai transitoire de cinq ans, c'est-à-dire depuis le 1er juin 2007, si l'assuré est obligatoirement affilié à une assurance-pensions dans un Etat de l'UE. La Croatie sera concernée par cette règle à compter de l'entrée en vigueur du protocole III, sans nouvelle période transitoire.

Assurance-chômage Dans le domaine de l'assurance-chômage, les dispositions que la Suisse applique actuellement aux ressortissants de l'UE-27 s'appliqueront également aux ressortissants croates. Une période transitoire de sept ans, similaire à celle en vigueur avec l'UE-15, l'UE-10 et l'UE-2, a été négociée. Pendant cette période, en cas de chômage, les ressortissants croates titulaires d'un titre de séjour de courte durée (livret L UE/AELE) n'auront pas le droit de totaliser les périodes de cotisations écoulées dans un autre pays de l'UE pour prétendre à des prestations de chômage en Suisse. En revanche, leurs cotisations d'assurance-chômage versées en Suisse seront transférées vers leur pays d'origine.

En résumé, la coordination établie entre les systèmes suisse et croate de sécurité sociale améliore la protection sociale des citoyens suisses en Croatie et celle des ressortissants croates en Suisse.

20 21 22

RO 2000 2677; FF 1999 4601 RO 2000 2677 RS 831.10

2076

FF 2016

4.4

Reconnaissance des qualifications professionnelles

4.4.1

Introduction

Depuis son adhésion, la Croatie participe pleinement au système européen de reconnaissance des qualifications professionnelles. Elle applique donc en premier lieu la directive 2005/36/CE23 sur la reconnaissance des qualifications professionnelles, mais aussi les directives relatives aux avocats 24 et aux produits toxiques25. Les règlements en la matière ont été repris dans l'annexe III de l'ALCP. Le traité d'adhésion de la Croatie a modifié la directive 2005/36/CE26 sur deux points: l'un concerne les professions de la santé et l'autre les modifications introduites dans l'UE par la directive 2013/25/UE27. Cette dernière précise en particulier quels diplômes croates doivent être automatiquement reconnus dans certains domaines (professions sectorielles, c'est-à-dire médecins, dentistes, pharmaciens, vétérinaires, infirmiers, sages-femmes et architectes, ainsi que les avocats aux conditions fixées par les directives pertinentes). Il y a donc lieu de procéder à une révision de l'annexe III de l'ALCP afin de tenir compte de l'adhésion de la Croatie et des modifications législatives y relatives intervenues dans l'UE.

23

24

25

26

27

Directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, dans la version qui lie la Suisse en vertu de l'annexe III de l'accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681) et en vertu de l'annexe K, appendice 3, de la version révisée de la Convention du 4 janvier 1960 instituant l'Association Européenne de Libre-Echange (convention instituant l'AELE; RS 0.632.31).

Directive 77/249/CEE du Conseil du 22 mars 1977 tendant à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats et directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification a été acquise, dans la version qui lie la Suisse en vertu de l'annexe III de l'ALCP et de l'annexe K, appendice 3, de la convention instituant l'AELE.

Directive 74/556/CEE du Conseil, du 4 juin 1974, relative aux modalités des mesures transitoires dans le domaine des activités relevant du commerce et de la distribution des produits toxiques et des activités comportant l'utilisation professionnelle de ces produits, y compris les activités d'intermédiaires, et directive 74/557/CEE du Conseil, du 4 juin 1974, concernant la réalisation de la liberté d'établissement et la libre prestation des services pour les activités non salariées et les activités d'intermédiaires relevant du commerce et de la distribution des produits toxiques, dans la version qui lie la Suisse en vertu de l'annexe III de l'ALCP et de l'annexe K, appendice 3, de la convention instituant l'AELE.

Art. 23, par. 5 [nouveau] (droits acquis des professions de la santé) et 43b [nouveau] (exclusion de certaines catégories de sages-femmes du système de reconnaissance automatique), JO L 158 du 10.6.2013, p. 368.

Directive 2013/25/UE du Conseil du 13 mai 2013 portant adaptation de certaines directives dans le domaine du droit d'établissement et de la libre prestation de services, du fait de l'adhésion de la République de Croatie.

2077

FF 2016

4.4.2

Extension de l'ALCP en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles

Les négociations se sont concentrées sur les diplômes croates concernant les professions de la santé que la Suisse devra reconnaître automatiquement sur la base de la directive 2005/36/CE. Les formations croates ayant été rendues eurocompatibles dans le cadre de l'adhésion de la Croatie à l'UE, les exigences de la Suisse en la matière sont remplies. A l'exception de certains diplômes de sages-femmes, non reconnus en raison d'un niveau de formation trop bas28, toutes les formations croates de la santé atteignent un seuil qualitatif suffisant.

Pour la plupart des autres professions, le système général de reconnaissance laisse à la Suisse la possibilité de comparer les diplômes croates avec ses propres exigences et d'exiger des mesures de compensation en présence de différences substantielles dans les formations, rendant inutile toute disposition particulière à l'annexe III du protocole III.

4.4.3

Résultats des négociations

Comme précisé ci-dessus, les négociations se sont concentrées sur les professions de la santé. Vu les adaptations que l'UE a exigées dans le processus d'adhésion, aucune mesure particulière n'a été demandée dans le cadre des négociations du protocole III.

Matériellement, la Suisse ne prend d'engagement que pour les professions sectorielles, qu'elle devra reconnaître automatiquement, et dont elle a pu s'assurer du niveau de formation. Pour les autres professions, la possibilité de soumettre la reconnaissance des qualifications professionnelles et l'exercice d'une profession réglementée à des mesures de compensation rend inutile toute disposition particulière en la matière.

5

Importance pour la Suisse de l'extension de la libre circulation à la Croatie du point de vue de l'économie et de la politique européenne

L'extension de l'ALCP à un nouvel Etat membre ne se produit certes pas de manière automatique. Cependant, l'UE attend des parties contractantes à l'ALCP qu'elles étendent l'accord à ses nouveaux membres afin d'éviter des inégalités de traitement.

La ratification du protocole III permet de garantir le maintien de l'ALCP et des accords qui y sont liés. Elle constitue donc un élément important en vue de la consolidation et du développement de la voie bilatérale à laquelle le Conseil fédéral aspire.

28

Voir le nouvel art. 43b ajouté à la directive 2005/36/CE par l'acte d'adhésion de la Croatie. La Suisse n'aura pas non plus à reconnaître de tels diplômes.

2078

FF 2016

La conclusion des Bilatérales I entre la Suisse et l'UE a permis à notre pays d'accéder plus facilement au marché intérieur européen et d'être inclus dans l'espace européen de la recherche et de l'innovation. L'économie suisse bénéficie ainsi quasiment des mêmes avantages, dans certains secteurs, que les acteurs économiques oeuvrant dans les Etats membres de l'UE.

Il est relativement difficile d'établir des prévisions sur l'immigration de ressortissants croates et sur les répercussions à en attendre sur le marché du travail. La phase transitoire, y compris les restrictions relatives au marché du travail et la clause de sauvegarde négociée, revêt donc une importance particulière. De plus, l'extension des sept accords des Bilatérales I à la Croatie permet à la Suisse d'avoir accès au marché intérieur de l'UE élargie, ce qui est favorable pour la croissance économique : la Suisse bénéficiera ainsi d'un accès privilégié à de nouveaux consommateurs potentiels. Grâce au protocole III, les entreprises suisses seront soumises aux mêmes règles que leurs concurrentes au sein de l'UE.

Dans un premier temps, il importe de pouvoir maintenir les contrôles en vigueur en matière de marché du travail (contingents, priorité aux travailleurs indigènes, conditions de travail et de salaire) pour une durée maximale de sept ans à compter de l'entrée en force du protocole III. Les contingents négociés visent à éviter une hausse subite de l'immigration et, partant, à maintenir un équilibre sur le marché du travail. C'est pourquoi les chiffres augmenteront progressivement au cours de la période transitoire. De plus, la Suisse a la possibilité, sur la base de la clause de sauvegarde prévue à l'art. 2, let. b, ch. 4d, du protocole III, de réintroduire des contingents jusqu'à dix ans après l'entrée en vigueur du protocole. L'utilisation effective de ces contingents dépendra étroitement de l'évolution conjoncturelle.

Pendant la période transitoire, la priorité des travailleurs indigènes et le contrôle préalable des conditions de travail et de salaire jouent un rôle déterminant pour le marché du travail. Ces mesures permettent, dans une première étape, d'éviter qu'une pression salariale ne soit exercée à l'égard des travailleurs indigènes. De surcroît, les mesures d'accompagnement de l'ALCP (ci-après «mesures d'accompagnement»)
entrées en vigueur le 1er juin 2004 offrent une protection contre des conditions de travail et de salaire abusives.

L'efficacité des mesures d'accompagnement a été améliorée à plusieurs reprises au niveau de la loi et des ordonnances depuis leur entrée en vigueur. En raison de l'extension de l'ALCP aux dix Etats qui ont adhéré à l'UE en 2004, les mesures d'accompagnement ont été renforcées une première fois le 1 er avril 2006. Le 1er janvier 2010, l'application des mesures d'accompagnement a été améliorée à la suite de l'extension de l'ALCP à la Roumanie et à la Bulgarie. En janvier 2013, d'autres lacunes dans la législation sur les mesures d'accompagnement ont été comblées et les modalités de mise en oeuvre améliorées 29. Pour lutter contre l'indépendance fictive, les prestataires de services étrangers ont été soumis à une obligation de documenter leur activité et de nouvelles sanctions ont été mises en place. Depuis le 1er mai 2013, les entreprises qui détachent des travailleurs en Suisse sont tenues d'indiquer, dans le cadre de la procédure d'annonce, le salaire qu'elles leur versent. La responsabilité solidaire renforcée dans les secteurs de la construc29

RO 2012 6703

2079

FF 2016

tion, du génie civil et du second oeuvre est entrée en vigueur le 15 juillet 2013.

Depuis le 1er novembre 2014, les prestataires fournissant des services dans le domaine de l'aménagement et de l'entretien paysager sont soumis à une obligation d'annonce et d'autorisation dès le premier jour d'activité.

Le 1er juillet 2015, le Conseil fédéral a transmis au Parlement le message concernant la modification de la loi du 8 octobre 1999 sur les travailleurs détachés (LDét) 30. Il propose d'augmenter le plafond des sanctions prévu par la LDét, qui passerait de 5000 francs à 30 000 francs dans le cas d'infractions relatives aux conditions minimales de salaire et de travail. Ce projet est actuellement traité au Parlement. De plus, le 4 décembre 2015, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche de lui soumettre, simultanément au message relatif à la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst., le message sur la loi fédérale sur l'optimisation des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes.

Outre les modifications de loi et d'ordonnances mentionnées, l'exécution des mesures d'accompagnement a continuellement été améliorée, par exemple au moyen de directives et de recommandations adressées aux organes d'exécution par le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) et de journées de formation organisées dans le cadre du projet mené par le SECO et par les commissions paritaires. Les activités des associations impliquées dans la réalisation des contrôles et des cantons en vue d'optimiser les méthodes de travail des commissions paritaires et la collaboration avec les cantons, ainsi que la réalisation d'audits ont également contribué à cette amélioration. Depuis le 26 mars 2014, à la demande des organes de contrôle, le nombre des contrôles susceptibles de bénéficier d'un cofinancement de la Confédération a été augmenté dans les branches ou les régions particulièrement touchées. Plusieurs organes de contrôle ont fait usage de cette possibilité. Les différentes règles applicables durant la phase transitoire et les mesures d'accompagnement à l'ALCP offrent une protection efficace contre une hausse de l'immigration hors de contrôle et ses éventuelles répercussions négatives sur les conditions du travail en Suisse.

Un échec à instaurer la libre circulation
des personnes entre la Suisse et la Croatie entraînerait un déséquilibre dans les relations contractuelles entre notre pays et les 28 Etats membres de l'UE. Cette dernière représente un marché intérieur commun pour tous ses Etats membres et ne pourrait accepter, hormis certaines dispositions transitoires de durée limitée convenues entre les parties contractantes, que les ressortissants de certains Etats soient traités différemment des autres citoyens de l'UE en matière de libre circulation des personnes. Deux réactions possibles de l'UE sont en principe imaginables : elle pourrait soit dénoncer l'ALCP, ce qui entraînerait automatiquement, conformément à la clause guillotine prévue à l'art. 25, par. 4, ALCP, l'extinction des autres accords conclus en 1999 et des accords concernés par la clause guillotine (Bilatérales I), soit renoncer à dénoncer l'ALCP mais édicter d'autres mesures compensatoires (non-conclusion de nouveaux accords, etc.).

Même si l'UE n'adopte aucune mesure de compensation, l'insécurité juridique qui découlerait de la non-extension de l'ALCP à la Croatie pourrait nuire à l'attractivité et à la compétitivité de la place économique suisse.

30

RS 823.20

2080

FF 2016

Une extinction des Bilatérales I aurait de graves répercussions pour l'économie suisse. Le SECO a chargé deux instituts de recherche indépendants (BAKBASEL et Ecoplan) d'en évaluer les conséquences économiques. D'après leurs études publiées le 4 décembre 2015, en cas d'extinction des Bilatérales I, le produit intérieur brut cumulé jusqu'en 2035 serait de 460 à 630 milliards de francs inférieur à ce qu'il serait en maintenant le statu quo. En d'autres termes, l'abandon des Bilatérales I coûterait, en moins de 20 ans, grosso modo l'équivalent d'un «revenu annuel» actuel de l'économie suisse. Il faudrait en outre escompter d'autres effets négatifs du fait que notre place économique perdrait de son attrait et en raison de l'incertitude entourant les relations de la Suisse avec son principal partenaire commercial. La sécurité juridique constitue par ailleurs un facteur déterminant dans les décisions de planification et d'investissement des entreprises.

Le Conseil fédéral entend poursuivre et développer la voie bilatérale. Le rapport élaboré en exécution du postulat 13.4022 Keller-Sutter révèle que la conclusion d'un accord de libre-échange de large portée entre la Suisse et l'UE ne permettrait pas de remplacer les accords bilatéraux pour ce qui est de l'accès au marché. Selon ce rapport, les accords bilatéraux ont généré, dans plusieurs domaines, des conditions assimilables à celles régnant sur le marché intérieur pour des prestataires suisses exportateurs vers l'UE, avec toute la sécurité du droit qui en découle. De plus, la coopération entre la Suisse et l'UE s'est étendue à des domaines politiques importants qu'un accord de libre-échange ne saurait couvrir. Ainsi, un tel accord ne permettrait guère, dans les faits, d'acquérir une plus grande autonomie. Les accords bilatéraux répondent donc nettement mieux aux intérêts de la Suisse que ne pourrait le faire un accord de libre-échange de large portée.

6

Adaptation du droit suisse

6.1

La libre circulation des personnes au sens strict

La libre circulation des personnes a été remise en question par l'adoption de l'art. 121a Cst. La mise en oeuvre de cet article, qui concernera la Croatie au même titre que les autres Etats membres de l'UE, fait l'objet d'un message séparé qui est présenté simultanément au Parlement.

A la suite de l'acceptation de l'initiative populaire «Contre l'immigration de masse», le 9 février 2014, il y a lieu de procéder à une révision de la LEtr. Il s'agit de contrôler, au moyen d'une clause de sauvegarde, l'immigration des personnes qui relèvent de l'ALCP. A cet égard, le Conseil fédéral privilégie une solution à l'amiable avec l'UE. Son projet prévoit une clause de sauvegarde unilatérale étant donné qu'aucun accord à l'amiable concernant une clause de sauvegarde n'a pu, à ce jour, être conclu avec l'UE. Afin de mettre en oeuvre l'art. 121a Cst. pour les ressortissants d'Etats tiers, il faudra définir, en complément à la réglementation en vigueur, des nombres maximaux et des contingents pour le regroupement familial, pour les personnes sans activité lucrative et pour les personnes relevant du domaine de l'asile.

2081

FF 2016

En marge de la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst., le Conseil fédéral a décidé, le 15 janvier 2014, plusieurs mesures en vue d'améliorer l'application de l'ALCP. Les modifications légales proposées visent à permettre une application plus uniforme de l'ALCP dans les cantons et à clarifier les questions juridiques dans l'interprétation des diverses dispositions de cet accord. Il s'agit d'exclure que des étrangers ne perçoivent l'aide sociale lorsqu'ils entrent en Suisse dans le but d'y chercher un emploi. De plus, le projet définit les critères régissant la perte du droit au séjour pour les chômeurs et prévoit l'échange de données entre les autorités de migration pour les personnes qui demandent des prestations complémentaires. Ces adaptations légales ont été reprises dans le projet relatif à la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst., ce qui permet de simplifier la procédure législative. Par ailleurs, il convient de relever qu'une exécution améliorée de l'ALCP peut également servir à mieux gérer l'immigration.

Les ressortissants des pays membres de l'UE/AELE restent en principe soumis à l'ALCP. En cas de forte immigration en provenance de ces pays, il doit être possible d'appliquer des restrictions provisoires et ciblées en matière d'octroi d'autorisations.

La clause unilatérale proposée respecte les prescriptions de l'art. 121a Cst. Elle doit être réglée dans la LEtr et n'être mise en oeuvre que si l'immigration fondée sur l'ALCP dépasse le seuil fixé par le Conseil fédéral.

En principe, la LEtr s'applique aux ressortissants de l'UE uniquement lorsque l'ALCP et ses protocoles n'en disposent pas autrement ou lorsque la LEtr prévoit des dispositions plus favorables. Ainsi, la LEtr ne s'applique que subsidiairement à cette catégorie de personnes. L'art. 2, al. 2, LEtr garantit que leur statut juridique ne puisse pas être moins bon que celui d'autres étrangers (principe de la nation la plus favorisée). Cette règle est aussi fixée à l'art. 12 ALCP, selon lequel des dispositions plus favorables du droit national restent applicables.

6.2

Acquisition de terrains agricoles

Il n'est pas nécessaire de modifier la LFAIE («Lex Koller»).

6.3

Sécurité sociale

6.3.1

Droit fédéral

Transposition générale Pour que les règles de coordination contenues dans l'ALCP puissent être mises en oeuvre en corrélation avec la législation interne et que, lorsque cette dernière est contraire à la législation conventionnelle, les règles de l'ALCP priment, il a été précisé dans chaque loi sur les assurances sociales que cet accord ainsi que les actes législatifs qui y sont mentionnés sont applicables31. Ces dispositions relevant de la technique du renvoi doivent être complétées dans chacune des lois concernées pour 31

Cf. message sur l'ALCP, ch. 275.211 (FF 1999 5440)

2082

FF 2016

mentionner que les mêmes règles s'appliqueront également à l'égard de la Croatie et de ses ressortissants.

De plus, les dispositions relevant de la technique du renvoi déjà en vigueur doivent être actualisées et complétées par les nouveaux règlements mentionnés dans l'accord.

Depuis l'entrée en vigueur de l'ALCP, son annexe II a été modifiée par quatre décisions du Comité mixte: décision n° 2/2003 du 15 juillet 200332, décision n° 1/2006 du 6 juillet 200633, décision n° 1/2012 du 31 mars 201234 et décision n° 1/2014 du 28 novembre 201435.

Le Conseil fédéral a approuvé de sa propre autorité les mises à jour de l'annexe II de l'ALCP, qui consistent à préciser les principes de coordination ainsi que leur exécution technique et qui ne nécessitent pas d'adaptations matérielles sur le plan légal.

Par contre, il n'a pas pu introduire la référence à l'annexe II de l'ALCP et aux règlements UE qui y sont mentionnés dans les lois sur les assurances sociales, une telle démarche relevant de la compétence de l'Assemblée fédérale.

Il en va de même pour l'appendice 2 de l'annexe K de la convention instituant l'AELE, actualisé à trois reprises jusqu'ici. Voilà pourquoi la disposition relevant de la technique du renvoi a été reformulée dans les lois sur les assurances sociales. Le droit applicable est désigné avec davantage de précision aux al. 1, par référence au champ d'application personnel, aux règlements de l'UE en vigueur et à la version de l'annexe II de l'ALCP déterminante pour la Suisse. Les extensions à de nouveaux Etats membres comme la Croatie sont incluses dans ce nouvel énoncé.

Seront désormais mentionnés les règlements (CE) n° 883/200436 et 987/200937, dans lesquels les principes de coordination des règlements (CEE) n° 1408/7138 et 574/7239 ont été mis à jour et qui sont déterminants pour la Suisse depuis la troisième actualisation de l'annexe II de l'ALCP. Dans la mesure où il y est fait référence dans les règlements (CE) n° 883/2004 ou (CE) n° 987/2009 ou que des cas antérieurs sont concernés, l'annexe II de l'ALCP continue de se référer aux règlements (CEE) n° 1408/71 et 574/72.

A cette occasion, l'énoncé des al. 2 se référant à l'appendice 2 de l'annexe K de la convention instituant l'AELE est reformulé de façon analogue.

Chacun des nouveaux al. 3 vise à donner compétence au Conseil fédéral
d'adapter lui-même les règlements mentionnés aux al. 1 et 2 de la disposition relevant de la technique du renvoi dans les lois sur les assurances sociales, dès que l'annexe II de l'ALCP ou l'appendice 2 de l'annexe K de la convention instituant l'AELE auront

32 33 34 35 36 37 38 39

RO 2004 1277 RO 2006 5851 RO 2012 2345 RO 2015 333 RS 0.831.109.268.1 RS 0.831.109.268.11 RO 2012 2627 RO 2012 3051

2083

FF 2016

été modifiés. Il s'agit, en effet, d'une adaptation d'ordre rédactionnel non soumise à la procédure parlementaire ordinaire.

Les al. 4 précisent que toutes les expressions utilisées pour désigner les Etats membres de l'UE dans les lois sur les assurances sociales désignent les Etats contractants dans lesquels l'ALCP est applicable.

Les modifications citées précédemment concernent les dispositions légales mentionnées au chap. 9.2.

Les dispositions transitoires de la LAVS sont précisées ci-dessous. Les autres lois sur les assurances sociales ne nécessitent pas de dispositions transitoires analogues.

Loi sur l'AVS Assurance facultative: lors de la révision de l'AVS/AI facultative, le Parlement a décidé de supprimer la possibilité de s'affilier à cette assurance sur le territoire de l'UE. Dès l'entrée en vigueur du protocole sur l'extension de l'ALCP à la Croatie, cette assurance facultative sera également supprimée dans ce pays. Comme lors de la dernière extension de l'ALCP aux nouveaux Etats membres de l'UE, une nouvelle disposition transitoire doit être intégrée dans la LAVS pour les bénéficiaires de l'assurance facultative vivant aujourd'hui en Croatie40. Conformément à l'al. 1 de cette disposition transitoire, resteront assurées six années consécutives au maximum les personnes qui, à compter de l'entrée en vigueur du protocole, étaient soumises à l'assurance facultative en Croatie. Celles qui, au moment de la révision de la loi, ont 50 ans révolus, peuvent rester assurées jusqu'à l'âge légal de la retraite.

L'al. 2 réglemente les allocations de secours destinées aux ressortissants suisses. Les prestations acquises avant l'entrée en vigueur du protocole continuent à être versées tant que les conditions de revenus restent remplies. Mais leurs montants ne seront plus augmentés.

6.3.2

Droit cantonal

Concernant la mise en oeuvre des règles de coordination dans le droit cantonal, il y a lieu de se référer aux explications figurant dans le message relatif à l'approbation des Bilatérales I41.

6.4

Reconnaissance des qualifications professionnelles

L'annexe de la loi du 23 juin 2000 sur les avocats42 doit être adaptée pour y faire figurer les titres d'avocat croates qui pourront bénéficier des dispositions des directives 77/249/CEE et 98/5/CE.

40 41 42

Cf. message du 1er octobre 2004 portant approbation du protocole à l'accord entre la Suisse et la CE sur la libre circulation des personnes, ch. 5.2.1.2 (FF 2004 5523) FF 1999 5440 ch. 275.22 RS 935.61

2084

FF 2016

A la suite de l'approbation du protocole sur l'extension de l'ALCP à la Croatie, les dispositions spéciales sur la reconnaissance des qualifications professionnelles croates figurant à l'art. 69c de l'ordonnance du 19 novembre 2003 sur la formation professionnelle43 et à l'art. 7 de l'ordonnance du 12 novembre 2014 relative à la loi sur l'encouragement et la coordination des hautes écoles44 deviennent obsolètes.

Elles seront abrogées.

7

Conséquences

7.1

Conséquences financières

7.1.1

La libre circulation des personnes au sens strict

Le protocole III n'entraînera aucune conséquence financière dans le domaine de la libre circulation au sens strict.

7.1.2

Sécurité sociale

Généralités Avec 4,3 millions d'habitants, la population de la Croatie est relativement modeste.

Fin 2011, quelque 33 000 ressortissants croates résidaient en Suisse; 54 600 citoyens croates (dont 38 400 sont âgés entre 15 et 65 ans) sont inscrits dans le registre des assurés de la Centrale de compensation à Genève.

En raison de l'ouverture progressive du marché du travail jusqu'à la complète liberté de circulation une fois le délai de transition écoulé, ces chiffres risquent d'augmenter. A l'heure actuelle, il est donc difficile d'estimer les conséquences de la libre circulation sur les relations avec la Croatie et l'évolution des coûts dans le domaine des assurances sociales; elles dépendent de multiples facteurs. Les chiffres ci-après visent à présenter brièvement les éventuelles conséquences financières. De manière très générale, il convient de préciser qu'elles resteront modérées en comparaison des dépenses annuelles de l'ensemble des assurances sociales suisses. De même, par rapport aux coûts engendrés aujourd'hui par l'application de l'ALCP, les conséquences financières de cette extension seront peu importantes. Il faut encore souligner que l'arrivée de main-d'oeuvre étrangère sur le marché suisse du travail a des conséquences positives sur les branches des assurances sociales financées selon un système de répartition. Néanmoins, comme les cotisations et primes donnent droit tôt ou tard à des prestations, il faut s'attendre à ce que la coordination de notre système d'assurances sociales avec ceux des nouveaux Etats membres provoque dans l'ensemble une légère augmentation des dépenses de ces assurances. Par ailleurs, les conséquences financières sur le système suisse de sécurité sociale ne doivent pas être considérées isolément, mais être placées dans le contexte global des avantages que le marché du travail et l'économie tirent de l'ALCP.

43 44

RS 412.101 RS 414.201

2085

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Assurance-maladie Les intérêts perçus sur les avances de prestations accordées dans le cadre des coûts restitués par l'Institution commune LAMal sont à la charge de la Confédération. Les coûts supplémentaires annuels en la matière sont difficiles à estimer, étant donné qu'ils sont liés au volume des avances. Si l'on se réfère aux expériences faites jusqu'ici avec l'ALCP, les coûts supplémentaires devraient cependant rester modérés.

L'Institution commune LAMal revendique auprès de l'assurance-maladie croate le remboursement intégral des avances de prestations versées dans le cadre de l'entraide en matière de prestations. Quant aux réductions de primes en faveur des personnes assurées vivant en Croatie, elles ne devraient entraîner que d'insignifiants coûts supplémentaires pour la Confédération et les cantons.

Assurance vieillesse et survivants, assurance-invalidité Comme mentionné précédemment, l'arrivée de travailleurs étrangers rendue possible par l'extension de l'ALCP aura, dans un premier temps, des effets positifs sur les assurances sociales qui, à l'instar de l'AVS/AI, sont financées par un système de répartition. Les coûts supplémentaires qui interviendront plus tard sont en principe liés au versement des rentes AVS/AI à l'étranger. Dans le cas de la Croatie, le versement des rentes à l'étranger est déjà prévu dans l'accord bilatéral sur les assurances sociales en vigueur, sauf pour ce qui concerne le versement des quarts de rentes d'invalidité. Il n'y a donc pas lieu de s'attendre à des coûts supplémentaires en la matière.

Jusqu'ici, l'expérience montre que les coûts supplémentaires dus à l'exportation de quarts de rentes sont négligeables. Les allocations pour impotent de l'AVS doivent désormais être versées également aux ayants droit résidant en Suisse qui touchent une rente croate. Le nombre de ces cas devrait rester limité et donc représenter des coûts relativement insignifiants. La suppression du délai de carence pour les prestations complémentaires devrait se traduire, dans l'ensemble, par des coûts supplémentaires minimes, étant donné que les bénéficiaires de rentes étrangères ne peuvent venir en Suisse que s'ils disposent de moyens suffisants pour subvenir à leurs besoins.

Assurance-accidents Dans le domaine de l'assurance-accidents, les intérêts perçus sur les avances de
prestations accordées en Croatie dans le cadre de la restitution des coûts sont à la charge de la Confédération. Cependant, dans le cas de la Croatie, les coûts supplémentaires devraient rester négligeables. Il n'est pas possible d'estimer les éventuels surcoûts liés aux indemnités versées en cas de maladie professionnelle. Les expériences faites jusqu'ici dans le cadre de l'ALCP fournissent trop peu de points de repère pour chiffrer ces coûts.

Assurance-chômage Les expériences faites jusqu'ici avec l'UE-15, l'UE-10 et l'UE-2 ont montré que les coûts auxquels on s'attendait pour l'assurance-chômage ne se sont pas concrétisés. Il 2086

FF 2016

n'y a donc pas lieu de craindre que l'extension de l'ALCP à la Croatie n'entraîne une hausse notable des coûts de l'assurance-chômage. Si l'on se base sur les contingents en vigueur durant la première année d'application du protocole additionnel III (54 autorisations de séjour durable et 543 autorisations de séjour de courte durée), les coûts supplémentaires nets (dépenses supplémentaires moins cotisations supplémentaires encaissées) devraient atteindre au maximum 2 millions de francs suisses en cas d'utilisation intégrale des contingents. A la fin de la période transitoire, lorsque les contingents auront été portés à 300 unités pour les autorisations de séjour durables et à 2300 unités pour les autorisations de séjour de courte durée, les coûts supplémentaires nets pourraient s'élever à 4 millions de francs au maximum si les contingents sont intégralement utilisés. Ces chiffres incluent le remboursement à la Croatie des cotisations versées à l'assurance-chômage par les travailleurs titulaires d'un contrat de travail d'une durée inférieure à un an (soit environ 1 million de francs suisses au début de la période transitoire, et 2 millions de francs à la fin de ladite période).

Allocations familiales En ce qui concerne le droit fédéral, les allocations de ménage versées aux travailleurs du secteur agricole dont la famille réside en Croatie doivent également être exportées. Les conséquences financières resteront cependant très modérées: d'une part parce que le nombre d'exploitations dans ce secteur diminue et, d'autre part, parce que, dans la plupart des cas, l'engagement de travailleurs venant de Croatie devrait se faire au détriment de ressortissants d'autres Etats membres de l'UE.

En l'absence de données en la matière, il n'est pas possible d'estimer les éventuels coûts supplémentaires générés dans le domaine des allocations familiales cantonales.

7.1.3

Reconnaissance des qualifications professionnelles

L'extension de l'ALCP à la Croatie n'entraînera aucune conséquence financière dans le domaine de la reconnaissance des qualifications professionnelles.

7.2

Conséquences pour le personnel

Les tâches supplémentaires liées à la mise en oeuvre du protocole III seront en principe gérées par le personnel actuellement en place dans les départements concernés, si bien qu'elles n'auront aucune incidence en matière de personnel.

7.2.1

La libre circulation des personnes au sens strict

Le protocole III n'entraînera aucune conséquence en matière de personnel dans le domaine de la libre circulation des personnes.

2087

FF 2016

7.2.2

Sécurité sociale

Dans le domaine des assurances sociales, le protocole III n'étend les relations de la Suisse avec la Croatie que dans une faible mesure. Un surcroît de travail administratif n'est donc à prévoir ni pour les institutions d'assurance, ni pour la Confédération.

La Caisse suisse de compensation et l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, deux des institutions chargées de la mise en oeuvre des conventions internationales de sécurité sociale, qui simultanément font office d'organe de liaison avec les assurances étrangères, n'ont pas besoin de créer de nouveaux postes. Pour l'application des réductions de prime en faveur de bénéficiaires de rentes et des membres de leur famille, l'Institution commune LAMal45, à titre d'instance compétente, n'identifie aucun besoin de postes supplémentaires, pas plus que pour les autres tâches qui lui sont attribuées en vertu de l'art. 18, al. 2bis à 2quater, LAMal (décisions sur les demandes de dérogation à l'obligation de s'assurer, affiliation d'office à un assureur, soutien apporté aux cantons dans l'exécution de la réduction des primes).

7.2.3

Reconnaissance des qualifications professionnelles

L'extension de l'ALCP à la Croatie engendrera une augmentation des tâches administratives, ce dès l'entrée en vigueur du protocole. En effet, les ressortissants croates pourront alors demander une reconnaissance de leurs qualifications professionnelles même s'ils ne disposent pas d'une unité de contingent. Une évaluation précise des ressources supplémentaires nécessaires sera faite ultérieurement.

8

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

Le projet n'a pas été directement annoncé dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201946. Il y est toutefois fait explicitement référence à l'importance de trouver une solution concernant l'ALCP et son extension à la Croatie pour garantir le maintien des Bilatérales I47.

45 46 47

RS 832.10 FF 2016 981 FF 2016 1043

2088

FF 2016

9

Aspects juridiques

9.1

Arrêté d'approbation et constitutionnalité

La constitutionnalité du projet d'arrêté portant approbation du protocole III à l'ALCP se fonde sur l'art. 54, al. 1, Cst., qui confère à la Confédération une compétence étendue dans le domaine des affaires étrangères. L'art. 184, al. 2, Cst.

autorise le Conseil fédéral à signer les traités internationaux et à les ratifier. Pour sa part, la compétence de l'Assemblée fédérale d'approuver cet arrêté fédéral est donnée par l'art. 166, al. 2, Cst.

Selon l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 1 à 3, Cst., les traités internationaux sont sujets au référendum lorsqu'ils sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables, prévoient l'adhésion à une organisation internationale ou contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales.

Le protocole III prévoit l'extension à la Croatie de l'accord conclu en 1999 entre, d'une part, la Suisse et, d'autre part, l'UE et ses 15 Etats membres d'alors sur la libre circulation des personnes. Cet accord peut être dénoncé et ne prévoit pas d'adhésion à une organisation internationale. Cependant, la mise en oeuvre du protocole III exige de modifier plusieurs lois fédérales.

Par ailleurs, l'art. 2 de l'arrêté fédéral du 8 octobre 199948 sur l'approbation des Bilatérales I prescrit que l'Assemblée fédérale doit adopter un arrêté fédéral sujet au référendum pour étendre l'Accord sur la libre circulation des personnes à des Etats qui n'étaient pas membres de la Communauté européenne lors de l'approbation de cet accord.

9.2

Mesures juridiques de mise en oeuvre

La mise en oeuvre du protocole III requiert l'adaptation d'onze lois fédérales:

48

49 50 51

1.

art. 153a de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS);

2.

art. 80a de la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l'assurance-invalidité (LAI)49;

3.

art. 32 de la loi du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires (LPC)50;

4.

art. 89a de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP)51;

Arrêté fédéral du 8 octobre 1999 portant approbation des accords sectoriels entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, la Communauté européenne ainsi que, le cas échéant, ses Etats membres ou la Communauté européenne de l'énergie atomique; RO 2002 1527 RS 831.20 RS 831.30 RS 831.40

2089

FF 2016

5.

art. 25b de la loi du 17 décembre 1993 sur le libre passage (LFLP)52;

6.

art. 95a de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal);

7.

art. 115a de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'assurance-accidents (LAA)53;

8.

art. 28a de la loi du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain (LAPG)54;

9.

art. 23a de la loi fédérale du 20 juin 1952 sur les allocations familiales dans l'agriculture (LFA)55;

10. art. 121 de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur l'assurance-chômage (LACI)56; 11. loi du 23 juin 2000 sur les avocats (LLCA)57, ajout à la liste des titres professionnels dans les Etats membres de l'UE et de l'AELE selon les directives 77/249/CEE et 98/5/CE.

Les modifications des lois fédérales susmentionnées se fondent sur les art. 95, 104, 110, 111, 112, 113, 114, 117, 121 et 196, ch. 11, Cst.

10

Rapport sur les effets de la reconduction des accords bilatéraux

En vertu de l'art. 4 de l'arrêté fédéral du 2 octobre 2008 portant approbation de la reconduction de l'accord entre la Suisse et la Communauté européenne et ses Etats membres sur la libre circulation des personnes, ainsi qu'approbation et mise en oeuvre du protocole visant à étendre l'accord sur la libre circulation à la Bulgarie et à la Roumanie58, le Conseil fédéral est chargé de soumettre à l'Assemblée fédérale, au plus tard avant le prochain élargissement de l'UE, un rapport sur les effets de la reconduction des accords bilatéraux (notamment de la libre circulation des personnes), ainsi que sur les effets des mesures d'accompagnement, et des propositions visant à apporter des améliorations aux accords ou aux mesures d'accompagnement, pour autant que ces propositions servent l'intérêt de la Suisse.

Dans l'intervalle, le Conseil fédéral a rédigé plusieurs rapports sur cette thématique.

Son rapport du 17 septembre 2010 sur l'évaluation de la politique européenne de la Suisse (en exécution du postulat Markwalder [09.3560] «Politique européenne.

Evaluation, priorités, mesures immédiates et prochaines étapes d'intégration») 59 a présenté plusieurs scénarios et instruments concernant la voie sur laquelle s'est engagée la Suisse en matière de politique européenne. Il ressort de ce rapport que la 52 53 54 55 56 57 58 59

RS 831.42 RS 832.20 RS 834.1 RS 836.1 RS 873.0 RS 935.61 FF 2008 4827 FF 2010 6615

2090

FF 2016

Suisse doit, pour préserver ses intérêts, continuer à baser ses relations avec l'UE sur des accords sectoriels bilatéraux.

Dans son rapport du 4 juillet 2012 sur la libre circulation des personnes et l'immigration en Suisse (en réponse aux postulats 09.4301 Girod et 09.4311 Bischof ainsi qu'à la motion 10.3721 Brändli)60, le Conseil fédéral a recensé les conséquences de la libre circulation des personnes et de l'immigration en Suisse en procédant à une analyse de ses répercussions sur les divers domaines que sont le marché du travail, le marché de l'immobilier, les assurances sociales et la formation ainsi qu'en mettant en évidence les moyens de régulation relevant de la politique migratoire. Se fondant sur cette analyse, il est parvenu à la conclusion que le système binaire d'admission a fait ses preuves et que l'immigration intervenue ces dernières années a eu des répercussions majoritairement positives sur le développement économique de la Suisse.

En parallèle, il a confié plusieurs mandats pour examiner les mesures concrètes dans les domaines politiques mentionnés.

Outre ces deux rapports exhaustifs sur la politique européenne et sur l'immigration, un rapport sur les répercussions de la libre circulation des personnes sur le marché suisse du travail est établi chaque année (rapports de l'Observatoire sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE, rédigés par le SECO, le SEM, l'OFS et l'OFAS). Ces rapports présentent, entre autres, une analyse de l'évolution de l'immigration, du chômage, du niveau des salaires et de la formation, ainsi que des répercussions sur les assurances sociales.

S'agissant plus spécifiquement des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, un rapport intitulé «Mise en oeuvre des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes Suisse-Union européenne» est publié chaque année. Il porte sur les développements concernant les mesures d'accompagnement, les activités de contrôle des organes d'exécution et les infractions constatées. Ces rapports remplissent les exigences posées concernant le rapport requis par l'arrêté fédéral du 2 octobre 2008 sur les effets de la reconduction des accords bilatéraux et, notamment, de la libre circulation des personnes, ainsi que des mesures d'accompagnement. En conséquence, un rapport distinct est superflu.

60

Rapport du Conseil fédéral du 4 juillet 2012 sur la libre circulation des personnes et l'immigration en Suisse, cf.: www.sem.admin.ch/dam/data/sem/aktuell/news/2012/2012-07-040/ber-br-f.pdf

2091

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