15.430 Initiative parlementaire Suppression des priorités dans le réseau de transport transfrontalier Rapport de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil des Etats du 1er septembre 2016

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi du 23 mars 2007 sur l'approvisionnement en électricité, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

1er septembre 2016

Pour la commission: Le président, Werner Luginbühl

2016-2436

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Condensé Depuis 2006, l'attribution des capacités au niveau du réseau de transport transfrontalier est soumise à des ventes aux enchères. En sont exclues les livraisons reposant sur des contrats d'achat et de fourniture internationaux conclus avant le 31 octobre 2002 ainsi que la fourniture d'électricité aux consommateurs finaux dans l'approvisionnement de base et la fourniture d'électricité provenant d'énergies renouvelables. La loi consent une priorité à ces livraisons. Etant donné que l'ensemble des livraisons potentiellement prioritaires dépasse les capacités du réseau de transport transfrontalier, la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil des Etats a décidé d'élaborer une initiative parlementaire visant à modifier la réglementation actuelle des priorités. Seules les livraisons reposant sur des contrats d'achat et de fourniture internationaux ainsi que les livraisons provenant de centrales hydrauliques frontalières auront désormais la priorité. La priorité accordée à la fourniture d'électricité aux consommateurs finaux dans l'approvisionnement de base et à la fourniture d'électricité provenant d'énergies renouvelables sera supprimée.

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Rapport 1

Contexte

1.1

Initiative parlementaire

Réunie le 28 avril 2015, la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil des Etats (CEATE-E) a décidé, à l'unanimité moins deux abstentions, de procéder à une modification de la loi fédérale du 23 mars 2007 sur l'approvisionnement en électricité1 (LApEl). Cette modification vise à adapter les règles légales de priorité pour les livraisons d'électricité dans le réseau de transport transfrontalier aux pratiques effectivement appliquées jusqu'ici par la société nationale du réseau de transport et les gestionnaires de réseau de transport des pays limitrophes. A cette fin, la CEATE-E a décidé d'élaborer une initiative parlementaire.

Conformément à l'art. 109, al. 3, de la loi du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale2 (LParl), la décision de la commission a été présentée à son homologue du Conseil national (CEATE-N). Celle-ci l'a examinée lors de sa séance du 22 juin 2015 et a approuvé à l'unanimité moins quatre abstentions la décision de la CEATEE d'élaborer un projet de loi.

Par la suite, la CEATE-E a préparé un projet de loi avec le concours du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC).

La CEATE-E a adopté l'avant-projet à l'unanimité moins une abstention en date du 17 novembre 2015. Elle a lancé la procédure de consultation le 4 décembre 2015. Le 17 mai 2016, ayant pris connaissance des résultats de la consultation, elle a décidé d'examiner en détail les diverses mesures envisageables pour garantir la stabilité du réseau. Enfin, la CEATE-E a adopté le projet d'acte en date du 1er septembre 2016 par 10 voix contre 0 et une abstention.

1.2

Attribution de la capacité transfrontalière

1.2.1

Enchères

Concrètement, la capacité transfrontalière du réseau de transport est physiquement limitée. Lorsque la demande dépasse la capacité disponible, ce qui engendre des congestions, la société nationale du réseau de transport peut attribuer la capacité disponible selon des procédures axées sur les règles du marché, telles que la mise aux enchères (art. 17, al. 1, LApEl). Dans la pratique, elle définit, en accord avec les gestionnaires de réseau de transport des pays limitrophes, comment la capacité physique peut être utilisée aux points de passage frontaliers. La capacité disponible est gérée conjointement par la société nationale du réseau de transport et les gestion1 2

RS 734.7 RS 171.10

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naires de réseau de transport des pays limitrophes. Depuis 2006, la capacité disponible est mise aux enchères, au nom des gestionnaires de réseau de transport, via différents produits (annuels, mensuels, journaliers) proposés sur une plate-forme commune (Joint Allocation Office; JAO.EU).

1.2.2

Livraisons d'électricité avec priorité légale

Conformément à l'art. 17, al. 2, LApEl, les livraisons reposant sur des contrats d'achat et de fourniture internationaux conclus avant le 31 octobre 2002 - contrats dits à long terme ou «long term contracts» (LTC) - sont en premier lieu exclues des enchères. Cette priorité est effective depuis l'introduction des mises aux enchères.

En second lieu et conformément à l'art. 17, al. 2 en lien avec l'art. 13, al. 3, LApEl, une priorité est prévue tant pour la fourniture d'électricité aux consommateurs finaux dans l'approvisionnement de base que pour la fourniture d'électricité provenant d'énergies renouvelables (y compris la force hydraulique). S'agissant de mettre en oeuvre pratiquement la priorité prévue pour l'approvisionnement de base, le Conseil fédéral a concrétisé, à l'art. 20, al. 2, de l'ordonnance du 14 mars 2008 sur l'approvisionnement en électricité3 (OApEl), les conditions auxquelles la priorité peut être conférée aux fournitures dans l'approvisionnement de base. L'importateur doit établir son impossibilité de faire face à son obligation légale de livraison sans importations et l'absence de livraisons notifiées dans la même période à des tiers à l'étranger. En d'autres termes, la preuve doit être apportée que le fournisseur pour l'approvisionnement de base n'est pas en mesure de fournir en tout temps, sans recours aux importations d'électricité, la quantité d'électricité désirée au niveau de qualité requis et à des tarifs équitables (cf. art. 6, al. 1, LApEl). Quant à certaines centrales hydroélectriques transfrontalières, la priorité pour certaines livraisons d'électricité peut en outre se déduire d'accords passés dans le cadre de conventions internationales.

1.2.3

Coopération internationale

L'attribution des capacités transfrontalières doit être coordonnée au plan international; les priorités applicables en vertu du droit national ne peuvent être mises en oeuvre de manière unilatérale. Depuis le 1er janvier 2015, il n'est plus possible de se prévaloir d'une quelconque priorité à la frontière avec l'Allemagne, car les opérateurs de réseau de transport allemands TransnetBW GmbH et Amprion GmbH ont dénoncé l'accord de coopération passé avec la société nationale du réseau de transport, qui prévalait jusque là. L'importance de la coopération internationale se reflète dans deux arrêts du Tribunal administratif fédéral (TAF), du 22 mars 2016 (A-4025/2015 et A-4043/2015), qui font l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral. Le TAF a protégé l'existence légale des priorités octroyées selon le droit suisse, tout en relevant que leur mise en oeuvre pratique dépend du concours du gestionnaire de réseau de transport du pays limitrophe.

3

RS 734.71

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1.3

Historique des priorités légales

Approvisionnement de base: le législateur a introduit la priorité pour la fourniture aux consommateurs finaux dans l'approvisionnement de base (art. 13, al. 3, let. a, LApEl), parce que les petits consommateurs nationaux bénéficient d'une garantie de livraison de la part de leur entreprise d'approvisionnement en électricité en vertu de l'art. 6, al. 1, LApEl. Cette priorité devrait garantir que le mandat d'approvisionnement de base peut être rempli en tout temps. En ce qui concerne le réseau de transport transfrontalier, la priorité a été introduite pour le même motif. En la matière, les commissions chargées à l'époque de l'examen préalable n'ont cependant pas envisagé une priorité générale. Au contraire, il a été signalé que l'attribution d'une priorité doit être aussi restrictive que possible et qu'il ne faut y recourir que si la production d'électricité indigène est insuffisante et que l'importation d'électricité est nécessaire pour couvrir les besoins. Dans cet esprit, l'art. 20, al. 2, OApEl subordonne l'octroi de la priorité à la preuve que le fournisseur n'est pas en mesure de remplir dûment son mandat d'approvisionnement de base en l'absence d'une priorité.

Energies renouvelables: le législateur a aussi accordé une priorité aux énergies renouvelables, car elles sont soutenues par la loi du 26 juin 1998 sur l'énergie 4 (LEne). Les débats ont surtout porté sur les livraisons à l'exportation. L'exemption des mises aux enchères est en particulier importante pour la force hydraulique suisse.

Contrats à long terme (LTC): la priorité accordée aux livraisons d'électricité dans le cadre des contrats d'achat et de fourniture internationaux se justifie pour garantir la sécurité du droit et la protection de la bonne foi. Les parties qui ont conclu des contrats à une époque où personne n'était sensé imaginer que les capacités des réseaux de transport transfrontaliers puissent être un jour mises aux enchères ne doivent pas être trompés dans leur confiance. Le 31 octobre 2002 a été fixé comme date de référence (cf. Message relatif à la modification de la loi sur les installations électriques et à la loi fédérale sur l'approvisionnement en électricité [04.083], FO 2005 1522). Les contrats à long terme privilégiés sont en particulier ceux par lesquels l'économie électrique suisse a assuré des participations
et des droits d'achat à long terme dans des centrales électriques (notamment des centrales nucléaires) françaises.

Centrales hydrauliques frontalières: selon le droit actuellement en vigueur, les livraisons d'électricité provenant de centrales hydrauliques frontalières sont en principe prioritaires, puisqu'il s'agit de fournitures d'énergie d'origine renouvelable.

En effet, dans le cadre du débat parlementaire concernant la loi sur les installations électriques et la loi sur l'approvisionnement en électricité, l'électricité provenant des eaux frontalières a été expressément mentionnée comme relevant de la priorité en faveur des énergies renouvelables. La convention du 18 juin 1949 entre la Suisse et l'Italie au sujet de la concession de forces hydrauliques du Reno di Lei 5 a été évoquée dans ce cadre. Conformément au traité international en vigueur, l'électricité 4 5

RS 730.0 RS 0.721.809.454.2

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provenant de ces centrales doit être traitée comme l'électricité produite en Italie et, à ce titre, elle ne doit être soumise à aucune barrière fiscale ou commerciale.

2

Grandes lignes du projet

2.1

Garantie de la stabilité du réseau

Les besoins annuels de la Suisse en électricité se montent à environ 55 TWh (hors transports publics). Les consommateurs finaux dans l'approvisionnement de base en revendiquent une bonne moitié, soit 27,5 TWh. Si cette énergie pouvait être importée en ruban tout au long de l'année, un accès prioritaire de 3000 MW serait alors nécessaire (27,5 TWh / 8760 h = 3082 MW). Si l'on y ajoute les priorités, pour les contrats à long terme (quelque 2500 MW) et les priorités accordées aux livraisons d'électricité issue d'énergies renouvelables, la capacité disponible aux frontières nord de la Suisse, d'environ 4500 MW, serait dépassée. Dès que les fournisseurs tenus à assurer l'approvisionnement de base commenceront à épuiser leur potentiel de livraisons prioritaires, il faudra prendre des mesures spéciales pour garantir la stabilité du réseau. A défaut de telles mesures, il ne serait pas possible d'exclure des surcharges du réseau telles que la stabilité du système et par conséquent la sécurité d'approvisionnement de la Suisse soient menacées.

Cette problématique, qui s'inscrit dans la réglementation légale des priorités, n'a pas eu d'effets négatifs à ce jour parce que les priorités en faveur de l'approvisionnement de base ou en faveur des livraisons issues des énergies renouvelables n'ont pas été revendiquées ou n'ont été revendiquées que partiellement depuis l'introduction des enchères. La priorité pour l'approvisionnement de base a été revendiquée en 2014 pour la première fois. L'arrêt rendu le 26 mai 2016 par le Tribunal administratif fédéral (A-5836/2015) a temporairement atténué la menace sur la stabilité du réseau. Il confirme que le caractère prioritaire de l'approvisionnement de base ne vaut pas généralement, mais seulement en cas de besoin établi au sens de l'art. 20, al. 2, OApEl. Cependant, comme cet arrêt a été attaqué devant le Tribunal fédéral et que la légalité de la disposition visée de l'ordonnance reste ouverte de ce fait, la menace sur la stabilité du réseau n'est pas écartée pour l'heure. En outre, le volume des livraisons à caractère prioritaires issues des énergies renouvelables est en principe illimité, dans la mesure où les priorités visées reposent sur des garanties d'origine librement négociables (cf. 3.1.2).

2.2

Nouvelle réglementation proposée

Pour ces raisons, l'initiative parlementaire porte sur la suppression des priorités applicables à l'attribution des capacités du réseau de transport transfrontalier pour la fourniture d'électricité aux consommateurs finaux dans l'approvisionnement de base et la fourniture d'électricité provenant d'énergies renouvelables. La priorité est maintenue pour les livraisons reposant sur des contrats d'achat et de fourniture internationaux conclus avant le 31 octobre 2002. Par ailleurs, la fourniture d'électricité provenant de centrales hydrauliques frontalières doit être prioritaire, dans la mesure 8086

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où cela est nécessaire pour concrétiser les parts de souveraineté qui reviennent à la Suisse et au pays limitrophe concerné. Aucune nouvelle priorité n'est ainsi créée. Le droit en vigueur prévoit déjà une priorité pour les 23 centrales hydrauliques frontalières situées à la frontière suisse. Par le passé, cette priorité a été parfois accordée dans certains cas aux frontières avec l'Allemagne, la France et l'Italie (cf. ch. 1.3).

Elle figurerait désormais plus explicitement dans la loi.

2.3

Résultat de la consultation

Sur 70 participants à la consultation, 33 ont approuvé le projet sans réserve. 18 participants à la consultation se sont montrés en principe favorables à l'objectif de la réglementation tout en proposant des adaptations ponctuelles. 11 participants ont rejeté le projet, tandis que sept participants renonçaient à prendre position. Globalement, tant le maintien de la priorité accordée aux contrats à long terme que la suppression des priorités visant la fourniture aux consommateurs finaux dans l'approvisionnement de base et la fourniture d'électricité issue d'énergies renouvelables ont été accueilli favorablement.

S'agissant de la priorité accordée aux livraisons provenant des centrales hydrauliques frontalières, certains participants à la consultation (dont la Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie (CDEn), huit cantons, l'Association des entreprises électriques suisses (AES) et deux grands groupes de la branche électrique) ont soumis trois propositions, largement identiques quant à leur contenu, aux fins de préciser le libellé de la loi. Ces propositions ont en commun de limiter explicitement l'application de la priorité aux cas où où elle est nécessaire à la réalisation des quotes-parts nationales convenues entre les Etats concernés. En outre, les exploitants des centrales hydrauliques frontalières doivent pouvoir faire usage explicitement en tout temps de la priorité qui leur échoit dès lors qu'il n'est pas possible, sans recourir au réseau de transport transfrontalier, de mettre à la disposition des Etats riverains les parts d'électricité qui leur reviennent.

La Société nationale du réseau propose que la priorité bénéfiant aux centrales hydrauliques frontalières soit expressément subordonnée dans la loi à la condition que le gestionnaire de réseau de transport de l'Etat voisin soit disposé à coopérer («und der jeweilige Nachbarstaat entsprechendes Gegenrecht gewährt»). Comme sa participation est nécessaire à la mise en oeuvre pratique, la validité juridique de la priorité doit aussi en dépendre. Trois autres participants à la consultation soutiennent cette demande.

D'une manière générale, le projet a été rejeté surtout par les associations de protection de l'environnement. Ces intervenants font valoir que la stabilité du réseau ne doit pas être garantie au détriment de l'approvisionnement
de base et des énergies renouvelables, mais qu'il faut bien au contraire y pourvoir en supprimant la priorité dont bénéficient les contrats à long terme. Le parti socialiste suisse (PSS) a exprimé un avis semblable. L'Union des villes suisses (UVS), quant à elle, pense qu'il serait très bien possible de maintenir la réglementation des priorités en vigueur, sans menacer la stabilité du réseau ou remettre en question le mécanisme de mise aux enchères, en recourant à une compensation financière ou à une «priorité financière».

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Dans cet esprit, deux autres participants à la consultation ont demandé l'institution d'une priorité financière, limitée toutefois à l'approvisionnement de base. Trois participants à la consultation ont demandé la suppression de toutes les priorités, y compris la priorité bénéficiant aux contrats à long terme. En outre, certains intervenants ont proposé de traiter la nouvelle réglementation des priorités non pas dans le cadre d'une initiative parlementaire, mais de l'intégrer dans la révision en cours de la LApEl.

3

Analyse et évaluation

3.1

Options de modification de la réglementation des priorités

3.1.1

Suppression de la priorité visant l'approvisionnement de base

Jusqu'alors, la priorité visant les livraisons d'électricité aux consommateurs finaux dans l'approvisionnement de base n'a pas revêtu d'importance pratique. Comme nous l'avons vu (cf. ch. 1.3), le législateur n'a pas voulu ménager une priorité générale aux acteurs chargés de l'approvisionnement de base. Il a prévu que ces acteurs puissent bénéficier d'une priorité dans les cas où ils ne seraient pas en mesure, sans cette priorité, de remplir convenablement leur obligation d'approvisionnement de base, à savoir la fourniture d'électricité à des prix adéquats (cf. art. 6, al. 1 ou art. 7, al. 1, LApEl).

La priorité potentielle visant les livraisons aux consommateurs finaux dans l'approvisionnement de base serait surtout intéressante économiquement lorsque les capacités d'importation sont à leurs limites. Les entreprises actives dans le commerce de gros anticipent les pénuries tant de production que dans les importations et les exportations en gérant leur portefeuille. Comme ces entreprises devraient tabler sur des capacités d'importation potentiellement moindres si la priorité était accordée aux livraisons destinées aux consommateurs finaux de l'approvisionnement de base, ce risque serait systématiquement intégré dans les prix du commerce de gros en Suisse.

Les coûts supplémentaires qui en résulteraient seraient aussi à la charge des consommateurs finaux dans l'approvisionnement de base. La priorité visant l'approvisionnement de base comporte donc aussi une composante économiquement négative pour les consommateurs finaux qui en bénéficient.

Un autre argument pour supprimer la priorité visant l'approvisionnement de base aux fins de garantir la stabilité du réseau est que la disposition légale prévoyant une telle priorité est unique en Europe, que ladite priorité est étrangère au système du point de vue de la technique des réseaux et que sa mise en oeuvre pratique n'est prévue dans aucun des accords de coopération conclus entre la Société nationale du réseau de transport et les gestionnaires des réseaux de transport des pays voisins.

Comme aucune priorité n'a été accordée à ce jour pour la livraison d'électricité aux consommateurs finaux dans l'approvisionnement de base, supprimer cette priorité ne changerait rien à la situation d'approvisionnement actuelle. Même sans privilégier les importations, la sécurité d'approvisionnement de la Suisse n'est pas menacée et 8088

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les gestionnaires de réseau sont capables de remplir en tout temps leur obligation de fourniture. En Suisse, le marché de gros est fondamentalement liquide et les fournisseurs n'ont eu aucun problème jusqu'ici pour assurer les livraisons à leurs consommateurs finaux dans l'approvisionnement de base à des tarifs adéquats.

3.1.2

Suppression de la priorité visant les énergies renouvelables

A ce stade, il n'a pas été question de priorité générale pour l'ensemble des livraisons issues des énergies renouvelables. Une telle priorité ne serait même guère réalisable pour des raisons techniques, car l'électricité constitue, sous l'angle de ses propriétés physiques, un produit uniforme qui ne permet pas de déceler d'où il vient ni de quelle source d'énergie il provient. Cependant, pour pouvoir commercialiser la plusvalue écologique de l'électricité produite à partir des énergies renouvelables, des garanties d'origine sont établies au moment de la production électrique. Ces garanties, librement négociables sur le plan international indépendamment du commerce de l'électricité proprement dit, entrent dans le marquage de l'électricité du fournisseur lors de la livraison aux consommateurs finaux. Prendre en compte les garanties d'origine en amont au niveau de l'attribution des capacités exigerait, en admettant que ce soit réalisable, un système coûteux. En outre, les garanties d'origine sont actuellement disponibles à très bas prix. Les négociants pourraient donc, à moindre coût financier, déclarer la totalité de leurs livraisons comme provenant de sources renouvelables (éco-blanchissement ou «greenwashing»). Le volume total des priorités échapperait dès lors au contrôle. C'est pourquoi, en pratique, la priorité visant les énergies renouvelables n'a concerné à ce jour qu'une partie des livraisons, de quantités limitées, issues des centrales hydrauliques frontalières. Comme la priorité visant les énergies renouvelables (hormis une partie de la force hydraulique frontalière) n'a jamais été accordée à ce stade et qu'elle ne saurait l'être en sa forme générale à l'avenir également, en raison des difficultés opérationnelles que comporterait son exécution, sa suppression ne devrait entraîner aucun effet (négatif).

Nonobstant les difficultés opérationnelles, il apparaît en outre douteux que la branche indigène de la production électrique renouvelable puisse bénéficier économiquement de sa priorité. En effet, elle aurait à pâtir, en contrepartie, des possibilités d'importation bon marché ouvertes par l'exemption de mise aux enchères et serait de ce fait plus exposée encore à la concurrence étrangère. Or, même si la priorité est supprimée, la plus-value écologique des énergies renouvelables pourra en
tout cas continuer d'être négociée, grâce aux garanties d'origine, en dehors des bourses de l'électricité et des procédures prévues en cas de congestion. Ainsi, il sera possible de continuer à encourager les énergies renouvelables même en l'absence de priorité sur le réseau de transport transfrontalier.

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3.1.3

Suppression de la priorité visant les contrats à long terme

La priorité visant les livraisons régies par des contrats d'achat et de fourniture internationaux conclus avant le 31 octobre 2002 concerne principalement les échanges à la frontière française. Les livraisons à caractère prioritaire totalisent 2490 MW, un peu plus de la moitié des capacités disponibles à la frontière nord de la Suisse qui sont actuellement soumises au système des priorités. Les procédures nécessaires à l'exécution de la priorité sont coordonnées depuis l'introduction des enchères entre la Société nationale du réseau de transport et le gestionnaire français du Réseau de Transport d'Electricité, S.A. (RTE). Trois parties à des contrats d'achat et de fourniture conclus avec des entreprises italiennes d'approvisionnement en énergie bénéficient également de la priorité jusqu'à la fin de 2016.

En cas de suppression de cette priorité, les contrats à long terme perdraient de la valeur à concurrence de la différence de prix entre la France et la Suisse. La durée des contrats à long terme est pour une part liée à la durée d'exploitation des centrales. La valeur attachée à la priorité dépend donc de l'évolution du marché et de la disponibilité, respectivement de la durée d'exploitation des centrales concernées.

Les principaux arguments contre une suppression de la priorité sont la protection des investissements et la confiance légitime. Les entreprises d'approvisionnement suisses qui ont investi dans des centrales électriques sises sur le territoire des pays étrangers voisins ne devraient donc pas être affectées négativement par l'introduction des enchères. C'est pourquoi, du point de vue de la technique commerciale, les livraisons concernées en provenance de France sont traitées comme si l'électricité fournie était produite en Suisse. Un autre argument contre une suppression réside en outre dans la perspective des négociations visant un accord sur l'électricité entre la Suisse et l'UE (cf. ch. 3.3.2).

Il faut en outre songer au fait que des actions en indemnisation pourraient être engagées en cas de suppression de la priorité. De telles revendications pourraient éventuellement être formées au motif de l'expropriation matérielle. Un tel grief suppose qu'une intervention affecte une position juridique protégée par la garantie de la propriété dans une mesure telle que cette intervention
puisse être assimilée à une expropriation formelle. Une telle hypothèse n'est pas simple à faire valoir. Le principe prévaut plutôt que les personnes privées ne peuvent pas se fier sans autres au maintien d'une loi actuellement en vigueur. Il n'est pas possible en l'occurrence de traiter ici complètement des éventuelles indemnités. La décision y relative incombe aux instances compétentes pour appliquer le droit.

3.1.4

Suppression de la priorité visant les centrales hydrauliques frontalières

Les exploitants de centrales hydrauliques frontalières disposent en principe de trois bases juridiques distinctes pour faire valoir une priorité en faveur de leurs livraisons d'électricité. Premièrement, en droit national, ils peuvent se fonder sur la priorité accordée aux énergies renouvelables (art. 17, al. 2, en relation avec art. 13, al. 3, 8090

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let. c, LApEl). Deuxièmement, ils pourraient recourir à la priorité visant les contrats d'achat et de fourniture internationaux (art. 17, al. 2, LApEl), mais cette option n'est pas absolument claire, d'autant que les instances compétentes n'ont pas eu à statuer sur ce point jusqu'à ce jour. Sous réserve du respect de la date de référence, le libellé de la loi le permettrait en soi. Mais la genèse de la norme parle plutôt à l'encontre d'une telle interprétation (cf. Bulletin officiel du Conseil des Etats 2006, p. 848). S'y ajoute le fait que l'utilisation de la force hydraulique repose sur des conventions internationales. Troisièmement, si ces conventions internationales prévoient que les parts de souveraineté revenant aux Etats riverains leur sont attribuables exemptes de taxes et d'autres redevances, les exploitants de centrales hydrauliques peuvent également se référer à ces sources du droit international. Si le législateur supprimait délibérément des dispositions de la LApEl la priorité bénéficiant aux centrales hydrauliques frontalières, il est probable, eu égard à la jurisprudence Schubert, que les exploitants de centrales hydrauliques ne pourraient également plus se référer aux réglementations prévues par les traités internationaux. Il faudrait donc les adapter en conséquence.

Les effets d'une suppression de la priorité visant les centrales hydrauliques frontalières sont plus ou moins marqués selon les sociétés d'exploitation. Pour les centrales frontalières dont la situation de raccordement au réseau ne permet que des fournitures d'énergie transfrontalières par le réseau de transport exposé aux congestions, les livraisons seraient plus coûteuses. Pour les centrales frontalières raccordées aux réseaux de distribution des deux Etats riverains, la suppression de la priorité n'empêcherait que des opportunités commerciales qui découleraient éventuellement, grâce à la priorité accordée dans le réseau de transport congestionné, de l'issue des procédures judiciaires pendantes auprès du Tribunal fédéral (recours contre les arrêts rendus par le Tribunal administratif fédéral le 22 mars 2016, cf. ch. 3.3.4).

3.1.5

Suppression de toutes les priorités

Si toutes les priorités étaient supprimées, toutes les capacités du réseau de transport transfrontalier seraient attribuées, en cas de congestion du réseau, selon des procédures axées sur les règles du marché. Du point de vue macroéconomique, cette situation générerait une efficacité d'allocation maximale des capacités transfrontalières utilisées. L'attribution des capacités axée sur les règles du marché, exempte de discrimination, correspond au standard du droit européen. Dans la perspective d'une optimisation ultérieure de la procédure, une telle attribution serait avantageuse, notamment pour le couplage du marché («market coupling»). Le prix de l'électricité en Suisse devrait se rapprocher des niveaux de prix inférieurs également au semestre d'hiver grâce aux capacités significativement plus importantes mises aux enchères sur le libre marché aux frontières nord avec la France, l'Allemagne et l'Autriche.

Ces prix inférieurs de l'énergie tendraient à alléger les charges qui pèsent sur la place industrielle suisse. Les opportunités commerciales des centrales hydrauliques suisses, qui sont flexibles, en seraient augmentées, car les capacités disponibles seraient alors plus importantes pour exporter vers les pays voisins en cas de pénurie ou pour importer de l'énergie de pompage. Cependant, comme nous l'avons indiqué ci-dessus, supprimer la priorité visant les contrats à long terme avant la conclusion 8091

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d'un accord sur l'électricité entraînerait aussi des inconvénients spécifiques (cf.

ch. 3.1.3 et 3.3.2).

3.2

Autres mesures pour garantir la stabilité du réseau

Au cas où la réglementation actuelle des priorités sur le réseau de transport transfrontalier était maintenue et si devait survenir un jour le scénario où les priorités attribuables selon le droit dépassaient les capacités du réseau de transport transfrontalier, il faudrait prendre des mesures de compensation pour assurer la stabilité du réseau.

3.2.1

Enchères séquentielles

Si les priorités à accorder excédaient les capacités disponibles, il serait pensable de procéder à une mise aux enchères anticipée des capacités pour les livraisons à caractère prioritaire. Mais il en résulterait une procédure compliquée et des mises aux enchères séquentielles. Sur le plan opérationnel, les capacités disponibles doivent être déterminées en coordination avec les gestionnaires de réseau de transport étrangers et l'accès à ces capacités doit être ouvert au marché dans le cadre d'une procédure acceptée par l'une et l'autre partie. Il apparaît douteux que des laps de temps suffisants se présentent pour une telle solution et même que les gestionnaires de réseau de transport étrangers soient disposés à développer et à recourir à une solution spéciale pour la frontière suisse.

3.2.2

Réduction proportionnelle des priorités

Une autre solution envisageable consisterait, le cas échéant, à réduire proportionnellement les priorités actuelles visant l'approvisionnement de base et les énergies renouvelables, à l'instar de ce qui prévaut aujourd'hui déjà dans certains cas pour les contrats à long terme. S'agissant de cette alternative également, il y a lieu de penser que les gestionnaires de réseau de transport des Etats voisins ne seraient pas disposés à mettre en oeuvre une telle solution spéciale avec la Suisse. En outre, la réduction proportionnelle potentielle des capacités d'importation à caractère prioritaire compromettrait la sécurité de planification du fournisseur concerné.

3.2.3

Dissociation des capacités

On pourrait éventuellement convenir par contrat avec les Etats voisins que les capacités disponibles du réseau de transport transfrontalier soit divisée par deux. Telle est d'ores et déjà pour une part la pratique à la frontière avec l'Italie. Si les capacités devaient aussi être dissociées à la frontière nord, il en résulterait une raréfaction accrue de l'offre, qui entraînerait probablement des prix plus élevés pour les capa-

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cités du réseau de transport et, partant, un niveau de prix de l'électricité supérieur sur le marché de gros de la Suisse.

3.2.4

Rémunération financière des priorités

Théoriquement, il serait possible d'octroyer les priorités non pas physiquement, mais sous une forme purement financière. En pareil cas, les capacités requises pour les livraisons prioritaires devraient aussi être mises aux enchères régulièrement. La priorité serait ensuite accordée économiquement en ce que le fournisseur concerné recevrait après coup le remboursement de sa mise (à tout le moins partiellement).

Une telle solution présenterait l'avantage qu'il ne faudrait pas résoudre en temps réel les problèmes posés par la détermination et l'allocation concrète des capacités, ce qui réduirait la complexité. Comme les produits des enchères sont en principe répartis entre les gestionnaires de réseau de transport impliqués, cette rémunération financière supposerait que l'on définisse et applique aussi une réglementation correspondante avec les gestionnaires de réseau de transport concernés, de manière à maintenir un régime d'enchères uniforme.

S'agissant des priorités accordées aux livraisons destinées à l'approvisionnement de base ou provenant d'une production renouvelable, il faut en outre considérer qu'une rémunération financière ne saurait résoudre le problème de base: les capacités visées par une priorité dépassent de loin les capacités mises aux enchères. Un autre inconvénient serait qu'une pratique de remboursement aussi étendue réduirait considérablement les recettes d'enchères mises à la disposition de la Société nationale du réseau de transport et que l'ensemble des consommateurs finaux devraient, au bout du compte, compenser ce montant par le biais de la rémunération pour l'utilisation du réseau.

3.3

Autres facteurs d'influence

3.3.1

Ouverture complète du marché

Selon la situation du marché au moment où l'ouverture complète du marché sera introduite, on peut imaginer qu'un nombre progressivement plus important de consommateurs finaux passent de l'approvisionnement de base au marché libre. Cette évolution réduirait le volume global des livraisons d'électricité potentiellement bénéficiaires de priorités, ce qui contribuerait à amenuiser la problématique à l'origine de l'initiative parlementaire en question. Mais si les prix de gros dans les pays voisins au nord de la Suisse demeurent aussi attractifs qu'actuellement, l'ouverture complète du marché contribuerait d'une certaine manière à aggraver la problématique, car les capacités disponibles se raréfieraient encore par rapport à la demande. En tout état de cause, le problème de base resterait irrésolu, car les consommateurs finaux auraient en outre fondamentalement la possibilité de continuer à se fournir dans le cadre de l'approvisionnement de base, voire de renouer avec ce mode d'approvisionnement. Ces remarques valent également, sous réserve de modi-

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fication du libellé de la loi, parce que les fournisseurs peuvent aussi se référer à la priorité générale bénéficiant aux énergies renouvelables.

Le Conseil fédéral s'est prononcé en faveur d'un ajournement de la deuxième étape d'ouverture du marché. Cette deuxième étape doit être exécutée accessoirement à l'accord sur l'électricité. Il est actuellement difficile d'estimer si et quand cet accord sera conclu. Le statu quo et la menace pour la stabilité du réseau, qui lui est inhérente, continuent donc de prévaloir jusqu'à nouvel avis.

3.3.2

Relation à l'accord sur l'électricité

L'attribution prioritaire de capacités frontalières contredit le principe de l'attribution conforme au marché des capacités limitées, telle que la prévoit en particulier l'art. 16 du Règlement (CE) no 714/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 sur les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité et abrogeant le règlement (CE) no 1228/2003. Comme il s'agit en l'occurrence d'une directive essentielle pour le marché intérieur européen de l'électricité, les priorités visées par la LApEl font l'objet des négociations. Un modèle adéquat a déjà été trouvé dans ce cadre pour une solution de remplacement, conforme au droit européen et en phase avec le marché, de la priorité (physique) accordée aux contrats à long terme. Selon ce modèle, les parties prenantes aux contrats à long terme doivent, pendant une certaine période transitoire, recevoir une compensation financière à la gestion des congestions en lieu et place de la priorité qui leur échoit. Outre les inconvénients déjà mentionnés (ch. 3.1.3), les négociations déjà menées à ce stade vont de ce fait également à l'encontre d'une suppression prématurée de cette priorité. Si la Suisse supprimait unilatéralement les priorités avant la signature de l'accord sur l'électricité, la solution négociée serait caduque.

3.3.3

Influence de la Stratégie énergétique 2050

La sortie progressive de l'énergie nucléaire doit être compensée par des mesures d'économie d'énergie, d'une part, et par des mesures visant à améliorer l'efficacité énergétique, d'autre part. Par ailleurs, la production issue des énergies renouvelables doit être accrue grâce à des mesures d'encouragement correspondantes. Si la priorité en faveur des énergies renouvelables était supprimée, on pourrait y déceler une contradiction d'appréciation par rapport à la Stratégie énergétique 2050. Cependant, la contradiction ne serait que superficielle: si le législateur a décidé à l'époque d'instituer une priorité pour encourager les énergies renouvelables, cette priorité ne peut s'appliquer de manière générale, mais seulement pour la force hydraulique frontalière, en raison des motifs indiqués (cf. ch. 3.1.2). Tant que les exploitants des centrales hydrauliques frontalières bénéficient de la priorité qui leur est accordée, la réalité juridique n'est en rien modifiée. De plus, il se pourrait bien qu'une mise en oeuvre généralisée de cette priorité ne soit pas du tout dans l'esprit des objectifs de la Stratégie énergétique 2050: elle ferait pâtir la branche indigène de la production électrique renouvelable des possibilités d'importation à bas prix (cf. ch. 3.1.2) et elle

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constituerait en définitive une incitation à réaliser les investissements dans les énergies renouvelables à l'étranger.

3.3.4

Importance des arrêts rendus par le Tribunal administratif fédéral

Le Tribunal administratif fédéral a confirmé, par son arrêt du 26 mai 2016, que la priorité visant l'approvisionnement de base ne doit pas être accordée de manière générale, mais seulement dans le respect des conditions prévues à l'art. 20, al. 2, OApEl. Cependant, comme cet arrêt a été attaqué devant le Tribunal fédéral, la menace pour la stabilité du réseau que comporte la réglementation de la priorité en vigueur n'est pas encore écartée, même si elle est atténuée.

Par ses arrêts du 22 mars 2016, qui font également l'objet de recours, le Tribunal administratif fédéral a confirmé que les livraisons provenant des centrales hydrauliques frontalières peuvent en principe bénéficier de la priorité accordée aux énergies renouvelables (art. 17, al. 2, en relation avec art. 13, al. 3, let. c, LApEl), mais que cette priorité ne saurait être revendiquée pour chaque opportunité de gestion quelle qu'elle soit. Cette jurisprudence est elle aussi susceptible d'être corrigée par le Tribunal fédéral. Nonobstant cette situation, l'arrêt montre que l'application pratique des priorités dépend de l'existence d'un accord de coopération idoine avec le gestionnaire du réseau de transport voisin.

3.3.5

Effets d'une forte augmentation des importations d'électricité

Si la quantité d'électricité produite en Suisse ne suffisait pas, il faudrait importer l'énergie manquante. Les congestions de réseau s'aggraveraient encore et les capacités du réseau de transport transfrontalier en seraient d'autant plus précieuses.

Simultanément, les distorsions de marché provoquées par les priorités s'amplifieraient encore.

3.3.6

Société nationale du réseau de transport

Les produits des procédures d'enchères sont à la disposition, pour moitié chacun, de la Société nationale du réseau de transport et du gestionnaire de réseau de transport voisin. En vertu de l'art. 17, al. 5, LApEl, les produits doivent couvrir les dépenses nécessaires au maintien ou à l'extension du réseau de transport, les autres coûts imputables ou les coûts de la fourniture transfrontalière d'électricité. Les produits d'enchères revenant à la Société nationale du réseau de transport sont d'autant plus faibles que les priorités qu'elle doit accorder sont importantes. Toutefois, les produits d'enchères ne sont pas un but en soi. Ils doivent valoriser les capacités de transport existantes. La Société nationale du réseau de transport peut compenser une baisse des produits d'enchères en relevant les tarifs d'utilisation du réseau. Finan8095

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cièrement, sa position est assurée dans tous les cas. Mais les consommateurs finaux devraient assumer la hausse des coûts d'utilisation du réseau.

Afin d'assurer un réseau sûr, performant et efficace, la Société nationale du réseau de transport est intéressée à des procédures d'enchères simples et coordonnées au niveau international. La suppression visée des priorités a pour effet d'éviter une complication supplémentaire de la coordination avec les gestionnaires de réseau de transport des Etats voisins, qui est d'ores et déjà exigeante en l'état.

3.4

Appréciation globale

La réglementation actuelle des priorités sur le réseau de transport transfrontalier recèle une menace potentielle pour la stabilité du réseau et, de ce fait, pour la sécurité de l'approvisionnement. La modification proposée de cette réglementation apparaît constituer le moyen adéquat de garantir la stabilité du réseau. Toutes les autres mesures qui s'imposeraient au cas où la réglementation des priorités serait maintenue impliquent d'importants inconvénients. C'est aussi pourquoi, lors de la consultation, l'objectif de l'initiative a été approuvé par une large majorité de participants. Le projet se limite à la suppression des priorités visant l'approvisionnement de base et les énergies renouvelables. A ce stade, ces deux priorités n'ont pas été appliquées. Elles sont toutes les deux uniques en leur genre en Europe et sont considérées comme étrangères au système. De ce fait, il n'est guère possible de les intégrer dans les accords de coopération qui, indispensables à l'exécution de la réglementation des priorités, doivent être conclus avec les gestionnaires de réseau de transport des Etats voisins. En revanche, bien qu'elle ne soit pas incontestée politiquement à en juger par le résultat de la consultation, la priorité en faveur des contrats à long terme est maintenue jusqu'à nouvel avis. Cette priorité sera transposée le moment venu, en vertu de l'accord sur l'électricité, dans un système de rémunération de durée déterminée et conforme au droit européen. Afin de donner une sécurité juridique suffisante aux exploitants des centrales hydrauliques frontalières, une priorité spécifique est prévue pour leur permettre de transférer les droits de souveraineté respectifs conformément aux traités internationaux applicables.

Malgré la suppression des privilèges attachés à deux priorités, le statu quo n'est guère modifié par la réglementation proposée. Toutes les autres mesures qui se présenteraient ou qu'il faudrait prendre d'urgence pour garantir la stabilité du réseau entraîneraient des conséquences bien plus substantielles pour l'économie électrique.

Deux arguments supplémentaires parlent en faveur du projet: il est compatible avec la Stratégie énergétique 2050 et ne compromet pas les négociations visant un accord sur l'électricité. De surcroît, il est aussi positif du point de vue de la Société nationale
du réseau.

L'institution explicite d'une priorité en faveur des centrales hydrauliques frontalières contribue à double titre à clarifier la situation juridique. Premièrement, les exploitants desdites centrales disposent ainsi d'une base claire établissant leurs droits.

Deuxièmement, la description spécifique renseigne aussi sur la portée de ces droits (cf. ch. 4). Ainsi, les préoccupations correspondantes exprimées par les participants à la consultation sont largement prises en compte. Le souhait que cette priorité 8096

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puisse être revendiquée en tout temps n'a pas été retenu. Une telle condition ne serait pas compatible avec les laps de temps brefs ménagés par les procédures de mise aux enchères. De même, la proposition soumise par la Société nationale du réseau de ne concéder la priorité aux centrales hydrauliques frontalières que si l'Etat voisin concerné accorde un droit correspondant en contrepartie n'a pas été retenue.

Certes, l'application des priorités nationales dépend effectivement de la participation du gestionnaire de réseau étranger concerné, mais il serait inadéquat de confier à un décisionnaire étranger, fût-ce de iure, l'existence juridique d'un droit accordé en vertu de l'ordre juridique national.

4 Art. 17, al. 2

Commentaires par article Accès au réseau en cas de congestion au niveau du réseau de transport transfrontalier

La référence aux règles d'attribution de capacités du réseau suisse conformément à l'art. 13, al. 3, LApEl est supprimée et remplacée par une priorité explicite à certaines livraisons provenant de centrales hydrauliques frontalières. Les livraisons reposant sur des contrats d'achat et de fourniture internationaux conclus avant le 31 octobre 2002 restent prioritaires. Aucune nouvelle priorité n'est ainsi créée par rapport au droit en vigueur.

La priorité visant la fourniture d'électricité issue de centrales hydrauliques frontalières est uniquement valable dans le cas où elle est nécessaire au transfert des parts d'électricité qui reviennent aux Etats riverains pour la centrale concernée. Cette part est déterminée par les dispositions du traité ou des concessions régissant la centrale frontalière. La plupart du temps, ces dispositions règlent aussi les modalités de livraison d'électricité aux Etats impliqués et elles précisent à maintes reprises que l'électricité doit être transportée dans l'Etat limitrophe sans taxes ou autres restrictions de droit public, de manière à pouvoir y être utilisée comme si elle y avait été produite. Une livraison prioritaire par le réseau de transport transfrontalier peut s'avérer nécessaire lorsque, par exemple, la centrale frontalière ne peut pas livrer directement son électricité dans les deux Etats riverains par des raccordements à leurs réseaux de distribution ou par des lignes qui lui appartiennent.

Etant donné que les priorités devraient être aussi restrictives que possible pour assurer une utilisation du réseau efficace et non discriminatoire, la priorité à la fourniture d'électricité provenant de centrales hydrauliques frontalières dépend donc, d'une part, des dispositions (prévues par les traités) réglementant la garantie des parts de souveraineté. D'autre part, il est nécessaire de tenir compte de l'intégration technique dans l'infrastructure de réseau. Aucune priorité ne doit être accordée à des fins de pure gestion économique.

Pour des raisons de technique d'exécution, l'attribution prioritaire de capacités du réseau de transport transfrontalier est en outre conditionnée à la volonté de coopération du gestionnaire de réseau de transport du pays limitrophe. Cette réalité est observable à la frontière avec l'Allemagne depuis que les gestionnaires de réseau de transport allemands ont dénoncé l'accord de coopération et que, depuis le début de 8097

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2015, les livraisons provenant de centrales hydrauliques frontalières ne peuvent plus de ce fait être exclues des enchères. En revanche, il a été possible à ce stade l'application de la priorité aux contrats à long terme, car le gestionnaire de réseau de transport en France a également accordé cette priorité.

Art. 33b

Disposition transitoire relative à la modification du ...

Les demandes de priorité qui sont en instance au moment de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation sont examinées sur la base de l'ancien droit (al. 1). Les éventuels recours contre une décision correspondante (al. 2) et les recours qui sont déjà en instance au moment de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation sont également examinés sur la base de l'ancien droit.

Par respect du principe de proportionnalité, les priorités affectées par la modification de la loi ne doivent pas devenir caduques dès l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Aussi bien les priorités accordées sur la base de la réglementation transitoire (al. 1 et 2) que celles octroyées au préalable restent valables une année au plus (à partir de l'entrée en vigueur de la modification, al. 3). Les priorités qui expirent avant cette date prennent fin à la date prévue et ne sont pas prolongées. La caducité se réfère uniquement aux priorités supprimées par l'entrée en vigueur du nouveau droit. Les priorités qui restent licites sous le nouveau droit ne tombent pas sous le coup de la disposition transitoire et de l'al. 3.

5

Conséquences

Le projet n'a pas de conséquences financières pour la Confédération ni d'effets sur l'état du personnel. Il n'a pas non plus de conséquences notables pour les cantons et les communes, l'économie, la société et l'environnement. En ce qui concerne les conséquences pour le secteur de l'électricité et les consommateurs finaux dans l'approvisionnement de base, se référer aux ch. 3.1.1 et 3.1.2.

6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

Selon l'art. 91, al. 1, de la Constitution (Cst.)6, la Confédération légifère sur le transport et la livraison de l'électricité. La suppression prévue des priorités ­ de même que leur octroi jadis ­ relève donc de la compétence de la Confédération.

6.2

Relation avec le droit européen

La suppression prévue des priorités tient compte des principes du droit européen.

Les priorités vont à l'encontre du principe de l'attribution non discriminatoire et 6

RS 101

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basée sur le marché des capacités limitées, ancré notamment à l'art. 16 du règlement (CE) no 714/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 sur les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité et abrogeant le règlement (CE) no 1228/2003. Il devrait être tenu compte de ce règlement en cas deconclusion d'un accord sur l'électricité entre la Suisse et l'UE.

6.3

Forme de l'acte

La suppression des priorités inscrites dans la loi doit se faire par une modification de la loi fédérale (art. 163, al. 1, en relation avec l'art. 164, al. 1, Cst.).

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