16.027 Message relatif à la modification de la loi fédérale sur les étrangers (Gestion de l'immigration et amélioration de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes) du 4 mars 2016

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une modification de la loi fédérale sur les étrangers, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer les interventions parlementaires suivantes: 2014

M 14.3307

Prestations complémentaires et échanges de données (N 6.5.15, Pezzatti)

2014

P

Améliorer l'application de l'accord sur la libre circulation des personnes (N 26.9.14, Groupe libéral-radical)

14.3462

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

4 mars 2016

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Johann N. Schneider-Ammann Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2016-0014

2835

Condensé Pour mettre en oeuvre l'art. 121a de la Constitution fédérale (Cst.), la réglementation applicable aux ressortissants d'Etats tiers doit être complétée notamment par des nombres maximaux et des contingents pour le regroupement familial, l'admission des personnes qui n'exercent pas d'activité lucrative et le domaine de l'asile. L'immigration des personnes qui peuvent se prévaloir de l'accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l'UE (ALCP) ou de la convention AELE devra quant à elle être gérée au moyen d'une clause de sauvegarde. A cette fin, le Conseil fédéral aspire à une solution consensuelle avec l'UE. S'il devait ne pas être possible d'y parvenir à temps, le projet de loi prévoit une clause de sauvegarde unilatérale pour les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE.

Indépendamment de la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst., le Conseil fédéral propose plusieurs mesures afin d'améliorer l'exécution de la libre circulation des personnes. Ces mesures visent à garantir à l'échelle suisse une application uniforme de l'ALCP et à clarifier la situation juridique. Il s'agit d'éviter que des étrangers en quête d'emploi en Suisse puissent percevoir des prestations d'aide sociale. En outre, le projet définit les critères selon lesquels un ressortissant d'un Etat membre de l'UE ou de l'AELE perd son droit de séjour en cas de cessation involontaire des rapports de travail (perte de l'emploi). Il prévoit également un échange de données entre les autorités lorsque des étrangers touchent des prestations complémentaires. Ces améliorations ont été reprises dans le projet de mise en oeuvre de l'art. 121a Cst., étant donné qu'elles permettent également de mieux gérer l'immigration.

A. Mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

Contexte Les art. 121a et 197, ch. 11, Cst., qui ont été acceptés par le peuple et les cantons le 9 février 2014, impliquent deux missions: adapter la loi fédérale sur les étrangers (LEtr) et renégocier les traités internationaux qui ne sont pas conformes à ces dispositions.

La procédure de consultation relative à la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst. dans la LEtr s'est déroulée du 11 février au 28 mai 2015. Elle concernait deux avantprojets: une révision de la LEtr relative à la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst. et une adaptation du projet de modification de
la LEtr que le Parlement avait renvoyé au Conseil fédéral (projet de loi relatif à l'intégration des étrangers; 13.030). La Conseil fédéral a adopté un message additionnel à part pour le projet relatif à l'intégration.

Du point de vue du Conseil fédéral, il faut adapter l'ALCP, la convention AELE, de même que l'accord-cadre conclu avec le Liechtenstein, en commençant par l'ALCP.

Le 11 février 2015, le Conseil fédéral a approuvé le mandat de négociations sur l'adaptation de l'ALCP, avec l'objectif de mettre en oeuvre l'art. 121a Cst. et de

2836

poursuivre la voie bilatérale. Le 2 février 2015, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga ont convenu de mener des consultations visant à déterminer s'il existe une voie envisageable pour les deux parties qui permette de mettre en oeuvre le mandat constitutionnel de l'art. 121a Cst. tout en préservant la voie bilatérale.

La présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et le président du Conseil de l'Union européenne Jean Asselborn sont convenu le 21 décembre 2015, à l'occasion d'une réunion de travail, de poursuivre et d'intensifier les consultations relatives à l'ALCP. Les partenaires aspirent à trouver une solution consensuelle sur une interprétation commune de la clause de sauvegarde existante (art. 14 al. 2 ALCP). Cette formule doit parvenir à concilier les exigences de l'ALCP et de la Constitution suisse. Ces consultations sont en cours.

Contenu du projet L'admission de ressortissants d'Etats tiers est régie par la LEtr, laquelle prévoit déjà des nombres maximaux et des contingents pour les séjours en vue de l'exercice d'une activité lucrative. Cette loi doit toutefois être adaptée aux exigences de l'art. 121a Cst., qui requiert des nombres maximaux et des contingents également pour les séjours sans activité lucrative et le domaine de l'asile.

L'admission de ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE est, quant à elle, régie respectivement par l'ALCP et la Convention AELE. Le Conseil fédéral s'efforce de parvenir à une solution consensuelle avec l'UE en vue de concilier les dispositions constitutionnelles et, respectivement, l'ALCP et la convention AELE.

Ainsi, la voie bilatérale serait préservée et la sécurité juridique, qui revêt une importance primordiale pour la place économique suisse, rétablie. Si la Suisse et l'UE ne parviennent pas à trouver une solution consensuelle lors de la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst., une dénonciation de l'ALCP risque de menacer l'existence de l'ensemble des accords bilatéraux I. Toutefois, il est aussi possible que l'UE renonce à dénoncer l'ALCP, mais qu'elle prenne en contrepartie d'autres mesures de compensation (suspension des négociations en cours ou refus de conclure tout nouvel accord; remise
en question d'accords existants, par ex. sur la participation de la Suisse au programme Horizon, etc.). Le Conseil fédéral étant toutefois tenu de respecter le délai imposé par l'art. 121a Cst., le projet de loi comprend une clause de sauvegarde unilatérale qui, en cas d'activation, ne serait plus conforme aux conditions d'admission prévues par l'ALCP. Dans un arrêt du 26 novembre 2015, le Tribunal fédéral s'est exprimé sur le rapport entre l'art. 121a Cst. et l'ALCP. Il considère que, s'il y a effectivement conflit de normes entre les modifications du droit national liées à la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst. et l'ALCP, ce dernier prime dans l'application du droit. Si le Parlement adoptait le projet incluant la clause de sauvegarde unilatérale, celle-ci ne pourrait s'appliquer dans un cas concret que si la Suisse dénonçait l'ALCP. Dans ce cas, la LEtr s'appliquerait aussi aux ressortissants d'Etats membres de l'UE ou de l'AELE et devrait être modifiée. A cause de la clause guillotine, la dénonciation de l'ALCP conduirait à l'extinction des accords bilatéraux I.

2837

Selon les nouvelles dispositions constitutionnelles, la Suisse doit contrôler l'immigration de manière autonome par une limitation temporaire et ciblée des autorisations accordées aux ressortissants d'Etats membres de l'UE ou de l'AELE. Les lignes directrices d'une telle clause de sauvegarde doivent être insérées dans la LEtr. Un seuil d'immigration doit être fixé pour les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE, au-delà duquel des nombres maximaux et éventuellement des contingents seront introduits dès l'année suivante. Le Conseil fédéral précisera alors les types d'autorisation et les buts de séjour auxquels ils s'appliquent. En même temps, il prendra des mesures en vue de promouvoir le potentiel qu'offre la main-d'oeuvre en Suisse ainsi que l'intégration des étrangers. Au besoin, adaptera l'exécution du droit des étrangers. Avant de prendre sa décision, le Conseil fédéral prendra en considération les intérêts économiques du pays et les recommandations émises par une nouvelle commission de l'immigration, dont l'instauration est proposée dans le projet.

Des mesures complémentaires visant à exploiter pleinement le potentiel qu'offrent les travailleurs en Suisse et à lutter contre les abus sur le marché du travail sont prévues dans des projets du Conseil fédéral distincts.

B. Amélioration de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes Contexte Le Conseil fédéral accorde une grande importance à ce que les mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes soient systématiquement appliquées et à ce que les effets négatifs de la libre circulation des personnes soient combattus. Ces dernières années, de nombreuses mesures ont déjà été mises en place. Malgré cela, des disparités et un manque de clarté ont été constatés, notamment au niveau de l'application de l'ALCP en matière d'octroi de l'aide sociale ou d'extinction du droit de séjour suite à la perte de l'emploi. Le Conseil fédéral a donc chargé le Département fédéral de justice et police et le Département fédéral de l'intérieur, le 15 janvier 2014, de rédiger un projet de loi réglant ces points. Une consultation a été menée du 2 juillet au 22 octobre 2014. Les modifications législatives proposées répondent également à deux recommandations formulées par le Contrôle parlementaire de l'administration
fédérale et la Commission de gestion du Conseil national.

Contenu du projet Actuellement, il n'existe au niveau fédéral aucune disposition légale qui règle la question de savoir s'il faut ou non accorder l'aide sociale à des étrangers qui entrent en Suisse pour y chercher un emploi. Il est par conséquent proposé d'unifier la pratique et d'exclure de l'aide sociale les étrangers et les membres de leur famille qui viennent en Suisse dans le seul but d'y chercher un emploi, ce qui est compatible avec l'ALCP.

Le projet de loi met aussi en place une réglementation claire qui définit le moment de la perte du droit de séjour en cas de perte de l'emploi en fixant des limites tempo-

2838

relles précises. Au sein de l'UE, les Etats membres disposent d'une réglementation qui fixe le moment de la perte de la qualité de travailleur en cas de perte d'un emploi durant la première année de séjour. Cette réglementation repose sur une directive qui ne s'applique pas en Suisse. Toutefois, au-delà de la première année de séjour, le droit de l'UE est muet sur le moment exact de cette perte. La jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne pose bien quelques principes, mais elle ne définit pas de manière précise ce moment. Le texte de l'ALCP étant également équivoque, les modifications proposées visent à clarifier la situation juridique et à définir le moment à partir duquel la personne ne peut plus prétendre à l'obtention de l'aide sociale.

Afin de compléter ces mesures un échange de données relatif à la perception de prestations complémentaires et à la révocation des autorisations de séjour est proposé. Il y a aussi lieu d'exclure de manière explicite le versement de prestations complémentaires aux étrangers sans titre de séjour en Suisse.

2839

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Table des matières Condensé

2836

Liste des abréviations

2842

1

2844 2844 2847 2847 2848

2

Présentation du projet 1.1 Contexte de la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

1.2 Dispositif proposé concernant la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

1.2.1 Grandes lignes 1.2.2 Admission de ressortissants d'Etats tiers 1.2.3 Admission des ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE 1.2.4 Détermination du seuil de déclenchement et des nombres maximaux en cas d'activation de la clause de sauvegarde unilatérale 1.2.5 Indicateurs pour déterminer les nombres maximaux, les contingents et le seuil de déclenchement 1.2.6 Commission de l'immigration 1.3 Critères de l'octroi d'autorisations en vertu de l'art. 121a, al. 3, Cst.

1.3.1 Source de revenus suffisante 1.3.2 Capacité d'intégration 1.3.3 Demande d'un employeur 1.4 Mesures d'accompagnement de la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

1.4.1 Mesures d'accompagnement de l'ALCP 1.4.2 Promotion du potentiel qu'offre la main d'oeuvre des travailleurs en Suisse 1.5 Contexte de l'amélioration de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes 1.6 Dispositif proposé concernant l'amélioration de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes 1.6.1 Objectif 1.6.2 Exclusion de l'aide sociale des personnes à la recherche d'un emploi 1.6.3 Echange de données pour le versement des prestations complémentaires 1.6.4 Extinction du droit de séjour en cas de perte de l'emploi 1.6.5 Mise en oeuvre des améliorations de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes 1.7 Classement d'interventions parlementaires Résultats de la procédure de consultation et modifications ultérieures 2.1 Procédure de consultation relative à la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

2840

2851 2853 2855 2857 2858 2858 2858 2859 2859 2859 2861 2862 2864 2864 2864 2865 2866 2867 2868 2870 2870

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2.2

Procédure de consultation relative à l'amélioration de de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes 2.2.1 Résultats de la procédure de consultation 2.2.2 Modifications apportées à la suite de la procédure de consultation

2873 2873 2874

3

Commentaire des dispositions

2875

4

Conséquences 4.1 Conséquences pour la Confédération 4.1.1 Mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

4.1.2 Améliorations de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes 4.2 Conséquences pour les cantons 4.2.1 Mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

4.2.2 Améliorations de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes 4.3 Conséquences économiques 4.3.1 Mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

4.3.2 Amélioration de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes 4.4 Conséquences sur la politique de la Suisse vis-à-vis de l'UE

2893 2893 2893

5

Relation avec le programme de la législature

2898

6

Aspects juridiques 6.1 Constitutionnalité 6.1.1 Mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

6.1.2 Amélioration de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes 6.2 Compatibilité avec les obligations internationales 6.2.1 Mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

6.2.2 Amélioration de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes 6.3 Frein aux dépenses 6.4 Conformité à la législation sur la protection des données

2898 2898 2898

2894 2894 2894 2894 2895 2895 2897 2897

2899 2899 2899 2901 2904 2904

Annexe: Clause de sauvegarde unilatérale applicable aux ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE (cf. ch. 1.2.3 et 1.2.4)

2905

Loi fédérale sur les étrangers (LEtr) (Gestion de l'immigration et amélioration de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes) (Projet)

2907

2841

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Liste des abréviations AELE AI ALCP AOST ASM AVS CdC CDEP CdG-N CEDH CJUE CSIAS Cst.

DAE DDIP DEFR DFAE DFI DFJP LAS LEtr LPC LPGA OASA OFJ OLCP OMC OPC-AVS/AI

2842

Association européenne de libre-échange Assurance-invalidité Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (RS 0.142.112.681) Association des offices suisses du travail Association des services cantonaux de migration Assurance-vieillesse et survivants Conférence des gouvernements cantonaux Conférence des chefs des départements cantonaux de l'économie publique Commission de gestion du Conseil national Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (RS 0.101) Cour de justice de l'Union européenne Conférence suisse des institutions d'action sociale Constitution (RS 101) Direction des affaires européennes Direction du droit international public Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche Département fédéral des affaires étrangères Département fédéral de l'intérieur Département fédéral de justice et police Loi fédérale du 24 juin 1977 en matière d'assistance (RS 851.1) Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (RS 142.20) Loi du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires (RS 831.30) Loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (RS 830.1) Ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (RS 142.201) Office fédéral de la justice Ordonnance du 22 mai 2002 sur l'introduction de la libre circulation des personnes (RS 142.203) Organisation mondiale du commerce Ordonnance du 15 janvier 1971 sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (RS 831.301)

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SECO SEM TF UDC UE

Secrétariat d'Etat à l'économie Secrétariat d'Etat aux migrations Tribunal fédéral Union démocratique du centre Union européenne

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Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte de la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

Les nouveaux art. 121a et 197, ch. 11, de la Constitution fédérale (Cst.)1 ont été acceptés par le peuple et les cantons le 9 février 2014, lors de la votation sur l'initiative populaire fédérale «Contre l'immigration de masse» 2. Ces nouvelles dispositions visent à ce que la Suisse gère et limite l'immigration de manière autonome (art. 121a, al. 1 et 2, Cst.).

Les deux articles en question impliquent deux missions, qui doivent être accomplies en parallèle: 1. Législation a.

La Suisse doit mettre en place un nouveau système d'admission reposant notamment sur des nombres maximaux et des contingents annuels, qui soit applicable à tous les étrangers. Lors de la détermination des nombres maximaux et des contingents pour l'admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative, il s'agira de respecter le principe de la préférence nationale et de tenir compte des frontaliers. Parmi les critères déterminants pour l'octroi d'autorisations de séjour figurent, en particulier, la demande d'un employeur, la capacité d'intégration et une source de revenus suffisante et autonome (art. 121a, al. 1 à 3, Cst.).

b.

Si les lois d'application devaient ne pas être entrées en vigueur le 9 février 2017 (soit trois ans après l'acceptation de l'initiative), le Conseil fédéral devrait édicter provisoirement les dispositions d'application nécessaires par voie d'ordonnance (art. 121a, al. 5, et 197, ch. 11, Cst.).

2. Traités internationaux

1 2

a.

Aucun traité international contraire aux nouvelles dispositions constitutionnelles ne peut être conclu depuis l'acceptation du nouvel article constitutionnel (art. 121a, al. 4, Cst.).

b.

Les traités internationaux contraires aux nouvelles dispositions constitutionnelles doivent être renégociés et adaptés d'ici au 9 février 2017 (art. 197, ch. 11, Cst.). Les accords sur la libre circulation des personnes conclus avec

RS 101 Pour le texte, les délibérations au Parlement, les résultats de la votation, etc., cf.

www.chf.admin.ch > Thèmes > Droits politiques > Initiatives populaires > Répertoire chronologique.

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l'UE3 et avec l'Association européenne de libre-échange (AELE)4 ainsi que l'accord cadre Suisse­Liechtenstein5 sont concernés par cette exigence.

A la suite de l'acceptation, par le souverain, de l'art. 121a Cst., la cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP) a chargé le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) de constituer un groupe d'experts pour accompagner les travaux de mise en oeuvre sur les plans conceptuel et matériel. Ce groupe est présidé par le secrétaire d'Etat Mario Gattiker, directeur du SEM, en collaboration avec le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) et la Direction des affaires européennes (DAE). Le groupe d'experts réunit des représentants des organisations, offices et services suivants: Conférence des gouvernements cantonaux (CdC), Conférence des directeurs cantonaux de l'économie publique (CDEP), Association des offices suisses du travail (AOST), Association des services cantonaux de migration (ASM), Union patronale suisse, Union suisse des arts et métiers, Union suisse des paysans, Travail.Suisse, Union syndicale suisse, Union des villes suisses, Association des communes suisses, Commission fédérale pour les questions de migration, SEM, DAE, SECO, Office fédéral de la justice (OFJ), Direction du droit international public (DDIP), Office fédéral des assurances sociales (OFAS). L'ambassadeur extraordinaire chargé de la collaboration internationale en matière de migrations (DFJP/DFAE) siège également dans ce groupe d'experts.

Diverses questions de principe ainsi que les propositions de mise en oeuvre faites par l'administration et les membres du groupe d'experts ont été discutées puis validées en vue de l'élaboration du plan de mise en oeuvre du Conseil fédéral. Les résultats de ces travaux sont consignés dans un rapport de synthèse commun daté du 13 juin 20146. Le 20 juin 2014, le Conseil fédéral a présenté son plan de mise en oeuvre7 qui repose sur les travaux préliminaires du groupe d'experts. En septembre 2014, le groupe d'experts s'est penché sur une première version du projet de mise en oeuvre et a proposé diverses modifications qui ont été prises en compte autant que possible.

Parallèlement au groupe d'experts, un groupe de travail «Gestion de l'immigration» a été constitué pour examiner les questions relatives à l'exécution des mesures en lien avec
l'organisation et les processus de la mise en oeuvre. Ce groupe est formé de représentants de la CdC, de l'AOST, de l'ASM, du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR), du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et du SEM. Il est également présidé par le secrétaire 3

4

5

6

7

Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681).

Annexe K de la convention du 4 juin 1960 instituant l'Association européenne de libreéchange (AELE), version consolidée selon l'accord de Vaduz du 21 juin 2001 (convention AELE; RS 0.632.31).

Accord-cadre du 3 décembre 2008 entre la Confédération suisse et la Principauté de Liechtenstein sur la collaboration concernant la procédure de visa, l'entrée et le séjour ainsi que la coopération policière dans la zone frontalière (RS 0.360.514.2).

Cf. www.sem.admin.ch > Entrée & Séjour > Libre circulation des personnes Suisse ­ UE/AELE > Mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles sur l'immigration > Infos complémentaires > Documents > Documents complémentaires.

Cf. www.sem.admin.ch > Entrée & Séjour > Libre circulation des personnes Suisse ­ UE/AELE > Mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles sur l'immigration > Infos complémentaires > Documents > Documents complémentaires.

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d'Etat Mario Gattiker. Le 12 janvier 2016, le présent projet de loi a été discuté avec des représentants des cantons (CdC et CDEP).

Le projet de loi se fonde notamment sur le plan de mise en oeuvre du Conseil fédéral du 20 juin 2014, sur un avis de droit de l'OFJ8 concernant la marge de manoeuvre dans la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst., sur un rapport de la DDIP9 consacré à la compatibilité de l'art. 121a Cst. avec les traités internationaux existants ainsi que sur les délibérations et le rapport de synthèse du groupe d'experts chargés d'accompagner la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

La procédure de consultation s'est déroulée du 11 février au 28 mai 2015. Elle concernait deux avant-projets: une révision de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr)10 relative à la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst. et une adaptation du projet de modification de la LEtr que le Parlement a renvoyé au Conseil fédéral (projet de loi relatif à l'intégration des étranger, 13.030). Les adaptations du projet de loi relatif à l'intégration des étrangers font l'objet d'un message additionnel distinct.

En exécution de la seconde mission inhérente aux nouveaux articles constitutionnels, le Conseil fédéral a approuvé le projet de mandat de négociations sur l'adaptation de l'ALCP le 8 octobre 2014. Le mandat définitif a été adopté le 11 février 2015, à l'issue de la procédure de consultation. Les négociations visent deux objectifs: premièrement, adapter l'ALCP afin que la Suisse puisse à l'avenir gérer et limiter l'immigration de manière autonome tout en tenant compte des intérêts globaux de son économie; deuxièmement, préserver la voie bilatérale. Ces objectifs doivent être conciliés. Le 2 février 2015, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga ont convenu de mener des consultations visant à déterminer s'il existe une voie envisageable pour les deux parties qui permette de mettre en oeuvre le mandat constitutionnel de l'art. 121a Cst. tout en préservant la voie bilatérale.

La présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et le président du Conseil de l'Union européenne Jean Asselborn ont convenu le 21 décembre 2015, à l'occasion d'une réunion de travail, de poursuivre et
d'intensifier les consultations relatives à l'ALCP.

Les partenaires aspirent à trouver une solution consensuelle sur une interprétation commune de la clause de sauvegarde existante (art. 14 al. 2 ALCP). Cette formule doit parvenir à concilier les exigences de l'ALCP et de la Constitution suisse. Le Conseil fédéral a décidé, le 4 décembre 2015, que l'immigration des personnes qui entrent dans le champ d'application de l'ALCP serait gérée au moyen d'une clause 8

9

10

Avis de droit du 8 avril 2014: «Angenommene Volksinitiative : Auslegung der Artikel 121a und 197 Ziffer 9 der Bundesverfassung» (actuel ch. 11), cf. www.sem.admin.ch > Entrée & Séjour > Libre circulation des personnes Suisse ­ UE/AELE > Mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles sur l'immigration > Infos complémentaires > Documents > Documents complémentaires.

Rapport du 26 mai 2014 de la Direction du droit international public «Répercussions des nouvelles dispositions constitutionnelles de l'art. 121a et de l'art. 197, ch. 9 (actuel ch. 11), sur les obligations de droit public international de la Suisse», cf.

www.sem.admin.ch/fr/home > Entrée & Séjour > Libre circulation des personnes Suisse ­ UE/AELE > Mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles sur l'immigration > Infos complémentaires > Documents > Documents complémentaires.

RS 142.20

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de sauvegarde. A cet égard, il privilégiera une solution consensuelle avec l'UE, solution qui pourrait ensuite être reprise dans la convention AELE et l'accord-cadre conclu avec le Liechtenstein. Si aucun accord ne peut être conclu à temps avec l'UE, le présent projet de loi propose, à la différence du projet qui a été mis en consultation, une clause de sauvegarde unilatérale qui répond aux exigences de l'art. 121a Cst.

Les consultations avec l'UE se poursuivent afin de parvenir, dans la mesure du possible, à une solution consensuelle conciliant les dispositions constitutionnelles et l'ALCP. Ainsi, la voie bilatérale serait préservée et la sécurité juridique, qui revêt une importance primordiale pour la place économique suisse, rétablie. Une extinction des accords bilatéraux I aurait des répercussions importantes sur l'économie suisse. Deux études scientifiques sur les conséquences économiques de cette extinction révèlent que le produit intérieur brut cumulé jusqu'en 2035 serait de 460 à 630 milliards de francs inférieur à ce qu'il serait en maintenant le statu quo. En d'autres termes, l'annulation des accords bilatéraux I coûterait, en moins de 20 ans, grosso modo l'équivalent d'un «revenu annuel» actuel de l'économie suisse. Il faudrait en outre escompter d'autres effets négatifs du fait de la baisse de l'attrait de la place économique et de l'incertitude entourant les relations de la Suisse avec son principal partenaire commercial11.

Si un terrain d'entente peut être trouvé avec l'UE, il sera éventuellement nécessaire d'adapter le présent projet de loi. Le Conseil fédéral pourrait le faire sous la forme d'une proposition à l'adresse des commissions parlementaires compétentes ou d'un message additionnel.

1.2

Dispositif proposé concernant la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

1.2.1

Grandes lignes

La réglementation proposée en matière d'admission des ressortissants d'Etats tiers s'appuie en principe sur la LEtr, laquelle prévoit déjà des nombres maximaux et des contingents pour les séjours en vue de l'exercice d'une activité lucrative, un examen au cas par cas du respect de la priorité des travailleurs en Suisse ainsi qu'un contrôle au cas par cas des conditions de travail et de salaire. Le nouvel art. 121a Cst. requiert toutefois des adaptations. Désormais, les séjours sans activité lucrative et le domaine de l'asile seront également assujettis aux nombres maximaux et aux contingents. S'agissant de ressortissants d'Etats tiers, le présent projet de loi correspond dans une large mesure à celui qui avait été mis en consultation.

11

Etude BAKBASEL, «Die mittel- und langfristigen Auswirkungen eines Wegfalls der Bilateralen I auf die Schweizerische Volkswirtschaft», Bâle, novembre 2015 (n'existe qu'en allemand), ainsi que l'étude Ecoplan, «Volkswirtschaftliche Auswirkungen eines Wegfalls der Bilateralen I», Berne, 12 novembre 2015 (n'existe qu'en allemand); cf.

www.seco.admin.ch > Actualités > Informations aux médias > Communiqués de presse 2015 > Analyse de l'extinction des Accords bilatéraux I: pertes considérables pour l'économie.

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L'admission de ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE est quant à elle régie respectivement par l'ALCP et la convention AELE. Le Conseil fédéral s'efforce de parvenir, dans la mesure du possible, à une solution consensuelle avec l'UE en vue de concilier les dispositions constitutionnelles et l'ALCP.

Le Conseil fédéral est toutefois tenu de respecter le délai imposé par l'art. 121a Cst., selon lequel la législation d'exécution doit entrer en vigueur au plus tard le 9 février 2017, sans quoi le Conseil fédéral devrait édicter provisoirement les dispositions d'application nécessaires par voie d'ordonnance (art. 197, ch. 11, Cst.). Pour cette raison, le projet de loi comprend une clause de sauvegarde unilatérale qui, en cas d'activation, ne serait plus conforme aux conditions d'admission prévues par l'ALCP (cf. ch. 1.2.3 et 1.2.4).

Le projet de loi prévoit donc un système binaire qui, conformément à l'ALCP et à la convention AELE, privilégie les ressortissants de l'UE ou de l'AELE en ce qui concerne l'admission et la réglementation du séjour. La clause de sauvegarde unilatérale proposée ne serait activée qu'à partir d'un certain niveau d'immigration. La priorité des travailleurs en Suisse serait prise en compte lors de la détermination du seuil de déclenchement et de celle des nombres maximaux et des contingents. De même, en cas d'activation de la clause de sauvegarde unilatérale, il n'est pas prévu d'examiner au cas par cas la qualification professionnelle et le respect des conditions de salaire et de travail.

La solution flexible proposée permettrait au Conseil fédéral de déléguer aux cantons la répartition des nombres maximaux en contingents cantonaux, les cantons étant libres d'y procéder ou non. Cette manière de faire permettrait de prendre en considération au mieux les divers buts de séjour (séjour avec ou sans exercice d'une activité lucrative, regroupement familial, frontaliers, domaine de l'asile, etc.) de même que l'évolution et les expériences futures. Les détails seront définis dans les dispositions d'exécution du Conseil fédéral en fonction de l'évolution des besoins. L'octroi des autorisations relevant du droit des étrangers resterait de la compétence des cantons.

A côté de la législation d'exécution et de la solution négociée sur l'ALCP, le Conseil fédéral propose,
en guise de troisième pilier, un train de mesures d'accompagnement qui doivent permettre de mieux exploiter le potentiel des travailleurs en Suisse, d'atténuer la demande de main-d'oeuvre étrangère et d'améliorer l'intégration des travailleurs étrangers (cf. ch. 1.4.2). Par ailleurs, les abus sur le marché du travail seront mieux combattus grâce à des améliorations des mesures d'accompagnement (cf. ch. 1.4.1).

1.2.2

Admission de ressortissants d'Etats tiers

Extension des nombres maximaux et contingents à tous les buts de séjour Selon le droit en vigueur, le Conseil fédéral ne peut fixer des nombres maximaux et des contingents d'autorisations de courte durée ou de séjour initiales que pour les ressortissants d'Etats tiers qui viennent en Suisse en vue d'y exercer une activité lucrative (art. 20 LEtr). L'art. 121a Cst. prévoit d'étendre ces limitations quantitatives à d'autres buts de séjour (séjour sans exercice d'une activité lucrative, regrou2848

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pement familial et domaine de l'asile; art. 17a p-LEtr). Le projet propose que des nombres maximaux distincts puissent être fixés pour ces différents buts de séjour et que ces nombres puissent être répartis, si nécessaire, en contingents cantonaux. De cette façon, l'on éviterait qu'en cas de forte immigration, par exemple dans le domaine de l'asile, les travailleurs qualifiés provenant d'Etats tiers, spécialistes dont la Suisse a besoin, ne puissent plus être admis que de manière réduite, voire plus du tout.

Les conditions supplémentaires prévues dans la LEtr pour l'octroi d'une autorisation doivent être maintenues (par ex. pour des séjours en vue de l'exercice d'une activité lucrative ou pour le regroupement familial).

Séjour avec exercice d'une activité lucrative Le système actuel d'admission des travailleurs en provenance d'Etats tiers doit en principe être maintenu. Le Conseil fédéral continuerait de déterminer les nombres maximaux annuels d'autorisations de séjour et d'autorisations de courte durée (séjours d'une durée comprise entre quatre mois et une année; autorisation renouvelable jusqu'à une durée totale de deux ans au plus). Ces nombres maximaux seraient répartis en contingents cantonaux selon la clé existante (art. 18a, ainsi que les annexes 1 et 2, de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative, OASA) 12. Ce procédé est conforme à la proposition du groupe d'experts et au projet qui avait été mis en consultation.

Le projet de loi prévoit une réglementation flexible pour la détermination des nombres maximaux et des contingents. Cette formule permettrait d'adopter, en cas de besoin, d'autres solutions concernant la répartition des nombres maximaux en contingents cantonaux (art. 17b p-LEtr), les exigences de l'art. 121a Cst. devant toutefois être toujours respectées.

S'agissant de travailleurs provenant d'Etats tiers, les autorités compétentes continueront d'examiner, au cas par cas, la qualification professionnelle, les conditions d'intégration, la priorité des travailleurs en Suisse ainsi que le respect des conditions de rémunération et de travail usuelles dans la localité et la profession. Ce faisant, elles devront observer les obligations contractuelles de la Suisse (par ex. l'accord sur l'OMC et les accords de
libre-échange). De même, la demande d'autorisation continuera d'être déposée par l'employeur.

Autorisation frontalière La réglementation en vigueur pour les frontaliers ressortissants d'Etats tiers sera en principe maintenue (art. 25 LEtr). Comme c'est le cas actuellement, aucun nombre maximal ou contingent ne sera fixé en règle générale pour les frontaliers vu que, selon le Conseil fédéral, l'art. 121a Cst. ne requiert la prise en compte de ces derniers que lors de la détermination des nombres maximaux et des contingents. Toutefois, si la clause de sauvegarde unilatérale applicable aux ressortissants de l'UE ou de l'AELE devait provisoirement entrer en vigueur, les éventuels nombres maximaux et contingents s'appliqueraient également aux frontaliers ressortissants d'Etats

12

RS 142.201

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tiers. Cette mesure vise à empêcher que les limitations en matière d'admission ne soient contournées (cf. ch. 1.2.4).

Séjour de plus d'une année sans exercice d'une activité lucrative Aucune limitation quantitative n'est prévue pour les séjours d'une année au plus de ressortissants d'Etats tiers qui n'exercent pas d'activité lucrative, étant donné que, selon le Conseil fédéral, les séjours d'une durée inférieure à une année n'entrent pas dans le champ d'application de l'art. 121a Cst. Des nombres maximaux sont par contre prévus pour les séjours plus longs. La plupart de ces séjours étant entrepris à des fins de formation et de perfectionnement, ils ne sont que temporaires. Du point de vue actuel, une répartition des nombres maximaux en contingents cantonaux n'a aucune raison d'être, d'autant plus que les places de formation sont très inégalement réparties entre les cantons. Une répartition en contingents cantonaux resterait néanmoins possible dans le cadre de la réglementation proposée. Vu le caractère temporaire de la plupart de ces séjours, une adaptation flexible des nombres maximaux paraît judicieuse, compte tenu des besoins des établissements de formation et de recherche en Suisse.

Regroupement familial Le regroupement familial est une conséquence de l'immigration primaire réalisée pour un motif de séjour précis (par ex., séjour avec ou sans exercice d'une activité lucrative, octroi de l'asile).

Les conditions actuelles du regroupement familial pour les ressortissants d'Etats tiers seront maintenues (art. 42 à 45 LEtr). Selon le projet de loi en suspens relatif à l'intégration des étrangers, le regroupement familial ne sera accordé qu'à condition que les bénéficiaires soient aptes à communiquer dans une des langues nationales suisses. Le message additionnel concernant l'adaptation du projet de loi relatif à l'intégration des étrangers, que le Parlement a demandé au Conseil fédéral, prévoit encore d'autres changements en matière de regroupement familial.

En application de l'art. 121a Cst., un nombre maximal fédéral doit être créé pour le regroupement familial de ressortissants d'Etats tiers, lorsque le séjour dure plus d'une année et qu'il entre par conséquent dans le champ d'application de l'art. 121a Cst. (cf. ch. 1.2.5). Ce nombre maximal peut être déterminé globalement pour le regroupement
familial des titulaires d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement. Les autorités cantonales n'ayant qu'une faible marge de manoeuvre, il n'est pas nécessaire, selon le point de vue actuel, de répartir le nombre maximal réservé au regroupement familial en contingents cantonaux. S'il devait en résulter des problèmes pratiques, le Conseil fédéral pourrait procéder à des adaptations au niveau des ordonnances d'exécution.

Comme actuellement, les autorités seront tenues de respecter le droit à la protection de la vie familiale au sens de l'art. 14 Cst. et de l'art. 8 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales13. De surcroît, il ne serait guère possible de recruter des travailleurs qualifiés issus d'Etats tiers, qui sont également recherchés par la concurrence étrangère, sans 13

RS 0.101

2850

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leur donner la possibilité de faire venir leur famille en Suisse. Ces circonstances doivent être prises en considération lors de la détermination du nombre maximal destiné au regroupement familial.

Domaine de l'asile Aucun nombre maximal et contingent n'est prévu dans le cadre de la procédure d'asile étant donné que les séjours des personnes concernées ont un caractère temporaire et provisoire, et que ces séjours n'entrent de ce fait pas le champ d'application de l'art 121a Cst. Dorénavant, des limitations quantitatives au sens de l'art. 121a, al. 2, Cst. seront toutefois requises pour les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger (art. 83 LEtr et art. 66 de la loi 26 juin 1998 sur l'asile, LAsi14) qui séjournent plus d'un an en Suisse ainsi que pour les réfugiés reconnus qui sont titulaires d'une autorisation de séjour, étant donné que ces séjours entrent dans le champ d'application de l'art. 121a Cst. (cf. ch. 1.2.5). Comme c'est le SEM qui, en l'occurrence, décide en matière d'admission, un nombre maximal fédéral distinct sera créé pour le domaine de l'asile, mais sans prévoir de répartition en contingents cantonaux. Conformément au principe de non-refoulement garanti par la Constitution fédérale et le droit international et eu égard à la tradition humanitaire de la Suisse, ce nombre maximal doit pouvoir être rapidement adapté en fonction de l'évolution de la situation.

Commission de l'immigration La commission de l'immigration qui doit être instaurée (cf. ch. 1.2.6) devra également faire des recommandations concernant les nombres maximaux et les contingents destinés à gérer l'immigration de ressortissants d'Etats tiers. En cas de forte hausse de l'immigration dans les domaines difficiles à gérer (en particulier le regroupement familial et le domaine de l'asile), le Conseil fédéral examinera la possibilité de limiter l'immigration de travailleurs en tenant compte des intérêts économiques de la Suisse.

1.2.3

Admission des ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE

Clause de sauvegarde unilatérale La clause de sauvegarde unilatérale proposée ne figurait pas encore dans le projet mis en consultation. Les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE continuent d'être soumis à l'ALCP et, respectivement, à la convention AELE. Lors de l'octroi d'autorisations, des limitations provisoires et ciblées doivent toutefois être possibles en cas de forte immigration en provenance de ces pays. La clause de sauvegarde unilatérale répond aux exigences de l'art. 121a Cst. et sera réglementée dans la LEtr (art. 17c et 17d p-LEtr). En cas d'activation, elle ne serait toutefois plus conforme aux dispositions d'admission de l'ALCP et de la convention AELE.

Dans un arrêt du 26 novembre 2015, le Tribunal fédéral (TF) s'est exprimé sur le rapport entre l'art. 121a Cst. et l'ALCP. Il considère que, s'il y a effectivement 14

RS 142.31

2851

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conflit de normes entre les modifications du droit national liées à la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst. et l'ALCP, ce dernier prime dans l'application du droit15. Si le Parlement adoptait le projet incluant la clause de sauvegarde unilatérale, celle-ci ne pourrait s'appliquer dans un cas concret que si la Suisse dénonçait l'ALCP. Dans ce cas, la LEtr s'appliquerait aussi aux ressortissants d'Etats membres de l'UE ou de l'AELE et devrait être modifiée. A cause de la clause guillotine, la dénonciation de l'ALCP conduirait à l'extinction des accords bilatéraux I.

Si la Suisse ne dénonce pas l'ALCP, les réactions suivantes à l'application de la clause de sauvegarde unilatérale sont envisageables de la part de l'UE: Elle peut dénoncer l'ALCP, ce qui entraînerait automatiquement l'extinction des accords bilatéraux I ou si elle y renonce, elle peut décider d'autres mesures de compensation (par ex. suspension des négociations en cours ou refus de conclure tout nouvel accord; remise en question d'accords existants, par ex. sur la participation au programme Horizon, etc.). Il n'est pas exclu non plus que l'UE considère que l'entrée en vigueur de la LEtr révisée, qui prévoit une clause de sauvegarde unilatérale, constitue déjà une violation de l'ALCP et qu'elle prenne des mesures de compensation en conséquence. En tout cas, la solution prévoyant une clause de sauvegarde unilatérale entraînerait une incertitude juridique concernant l'ALCP et les autres accords bilatéraux. Cette solution risquerait également de nuire au but que s'est fixé le Conseil fédéral, à savoir consolider et développer la voie bilatérale.

La clause de sauvegarde unilatérale ne doit être activée que lorsque l'immigration de ressortissants d'Etats membres de l'UE ou de l'AELE dépasse un certain seuil de déclenchement fixé par le Conseil fédéral. Dans ce cas, le Conseil fédéral fixe, pour l'année civile suivante, des nombres maximaux et éventuellement des contingents cantonaux, tout en renforçant les mesures, en conformité avec l'ALCP, de promotion du potentiel de la main-d'oeuvre en Suisse et aussi celles relatives à l'intégration des étrangers (cf. ch. 1.4.2). En outre, il adapte en cas de besoin, l'exécution du droit des étrangers afin, par exemple, de mieux combattre les abus liés à l'application de l'ALCP. Il peut prolonger les
nombres maximaux et les contingents d'une année indépendamment du niveau de l'immigration, si cette prolongation s'avère nécessaire pour assurer une gestion à long terme de l'immigration. Par ailleurs, le Conseil fédéral définit les catégories d'autorisations et les buts de séjour soumis aux nombres maximaux et décide si ceux-ci doivent être répartis en contingents cantonaux. Le graphique qui figure en annexe illustre le mécanisme d'application de la clause de sauvegarde.

Même en cas de déclenchement de la clause de sauvegarde unilatérale, le séjour des ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE admis en Suisse continuera d'être régi respectivement par l'ALCP et par la convention AELE, par exemple en ce qui concerne la coordination des assurances sociales, la reconnaissance des diplômes et des qualifications professionnelles, le principe de l'égalité de traitement avec les ressortissants suisses dans de nombreux domaines de vie, le droit de demeurer ou encore les possibilités restreintes de révocation d'une autorisation. Ces domaines ne sont en principe pas concernés par l'art. 121a Cst.

15

Arrêt du TF du 26 novembre 2015, 2C_716/2014, consid. 3.3.

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Autorisation frontalière L'emploi frontalier a enregistré une forte progression ces dernières années. Si la libre circulation des personnes a contribué à une certaine libéralisation dans ce domaine, d'autres facteurs ont aussi joué un rôle. Parmi ces derniers figurent, outre la baisse de frais de déplacement des pendulaires et la situation du marché du travail dans les régions voisines de la Suisse, les salaires élevés offerts en Suisse ­ la vigueur du franc depuis 2010 ayant de surcroît contribué à renforcer le pouvoir d'achat réel de ces salariés à l'étranger ­. La progression de l'emploi frontalier concerne les régions de Suisse dans des proportions diverses16.

L'admission de frontaliers provenant des Etats membres de l'UE ou de l'AELE continuera en principe d'être réglementée par l'ALCP, dans la mesure où le Conseil fédéral estime que ces personnes n'entrent pas dans le champ d'application de l'art. 121a, al. 3, Cst. Les frontaliers doivent être pris en compte uniquement lors de la détermination des nombres maximaux et des contingents. Toutefois, le Conseil fédéral pourra prévoir des nombres maximaux et des contingents pour les autorisations frontalières afin d'éviter que les limitations en matière d'admission ne soient contournées en cas d'activation de la clause de sauvegarde unilatérale (cf. ch. 1.2.4).

1.2.4

Détermination du seuil de déclenchement et des nombres maximaux en cas d'activation de la clause de sauvegarde unilatérale

Le seuil de déclenchement, les nombres maximaux et les contingents ne peuvent pas encore être fixés étant donné que les conditions déterminantes ne sont pas connues.

Le seuil de déclenchement correspond à un niveau préalablement défini de l'immigration de ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE et des membres de leur famille à partir duquel le Conseil fédéral limite l'octroi d'autorisations par des nombres maximaux (art. 17c et 17d p-LEtr). Le Conseil fédéral fixe ce niveau annuellement dans une ordonnance (OASA). Le seuil de déclenchement se rapporte à une période de référence et à une valeur de référence concernant l'immigration.

La période de référence est le laps de temps déterminant pour mesurer l'immigration. Celle-ci étant soumise à des fluctuations saisonnières, les chiffres concernant des mois donnés ne sont pas suffisamment pertinents. C'est pourquoi la période de référence est fixée à une année.

Pour déterminer la valeur de référence du seuil de déclenchement, on peut utiliser soit l'immigration nette (immigration moins émigration), soit le nombre d'autorisations octroyées. En principe, l'immigration nette convient mieux pour apprécier l'évolution effective de la migration. Les séjours de moins d'une année et les autorisations frontalières ne sont pas prises en compte, vu qu'elles ne font pas partie de

16

Cf. 11e rapport de l'Observatoire sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE du 23 juin 2015: Répercussions de la libre circulation des personnes sur le marché suisse du travail, Berne, 2015; cf. www.seco.admin.ch > Documentation > Publications et formulaires > Etudes et rapports > Rapports de l'Observatoire.

2853

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l'immigration selon l'interprétation que fait le Conseil fédéral de l'art. 121a, al. 3, Cst.

Un mécanisme, qui reste à préciser au niveau de l'ordonnance (art. 17c et 17d p-LEtr), pourrait se présenter comme suit: si l'immigration nette des ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE au sein de la population résidante permanente croît en l'espace d'une année de plus de x personnes (variante: plus de x %), la Suisse gère, durant l'année qui suit, l'immigration en provenance de ces Etats au moyen de nombres maximaux et de contingents. La priorité des travailleurs en Suisse est prise en compte lors de la détermination du seuil de déclenchement, des nombres maximaux et des contingents (art. 17e p-LEtr).

Le jour de référence pour déterminer si le seuil de déclenchement est franchi ou non en l'espace d'une année est fixé au 1er juin. Si le seuil est dépassé, les nombres maximaux à déterminer par le Conseil fédéral entrent en vigueur le 1 er janvier de l'année suivante. De cette manière, il resterait sept mois pour que la commission de l'immigration puisse élaborer des recommandations et que les milieux intéressés, commissions parlementaires incluses, puissent être consultés avant que le Conseil fédéral ne se prononce sur l'introduction de nombreux maximaux. L'expérience acquise jusqu'à présent lors de la détermination des nombres maximaux et des contingents portant sur les travailleurs provenant d'Etats tiers montre que ce délai est nécessaire pour rendre une décision fondée et procéder à sa mise en oeuvre sur les plan organisationnel et technique. Par la suite, les nombres maximaux peuvent être prolongés d'une année civile indépendamment de l'importance de l'immigration de l'année civile en cours, si cette mesure est nécessaire pour mieux gérer l'immigration.

Afin de pouvoir empêcher que les limitations quantitatives ne soient contournées ­ comme cela a été le cas lors de l'activation de la clause de sauvegarde prévue par l'ALCP ­ en cas d'introduction de nombres maximaux et de contingents, les autorisations de courte durée et les autorisations frontalières d'une durée de validité supérieure à quatre mois destinées aux ressortissants d'Etats membres de l'UE ou de l'AELE pourront être soumises aux nombres maximaux et aux contingents (pour les frontaliers en provenance d'Etats tiers, cf. de
même ch. 1.2.2).

Il est prévu que le Conseil fédéral détermine, si besoin est, dans le cadre de la clause de sauvegarde unilatérale, un nombre maximal fédéral global pour l'admission de ressortissants d'Etats membres de l'UE ou de l'AELE; ce nombre pourrait être ventilé en fonction du motif de séjour (exercice d'une activité lucrative, regroupement familial ou personnes sans activité lucrative, notamment). Il sera libéré périodiquement durant l'année civile (par ex. tous les deux mois ou trimestriellement).

Bien qu'elle soit envisageable, la répartition de ce nombre en contingents cantonaux (clé de répartition) n'est pas prévue. Une clé de répartition cantonale suppose en effet que les cantons parviennent à trouver un consensus, procédure qui prend beaucoup de temps. Les nombres maximaux valables l'année suivante doivent toutefois être déterminés très rapidement en cas de dépassement du seuil de déclenchement (déterminé au 1er juin), soit en l'espace de quelques mois.

Concernant la sécurité de la planification, les cantons et les entreprises pourraient être handicapés si les nombres maximaux globaux libérés périodiquement étaient 2854

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régulièrement épuisés en peu de temps. Il pourrait en résulter un surcroît de travail administratif pour les autorités d'exécution cantonales (cf. ch. 4.3).

1.2.5

Indicateurs pour déterminer les nombres maximaux, les contingents et le seuil de déclenchement

S'agissant de ressortissants d'Etats tiers, des nombres maximaux doivent être fixés indépendamment du niveau de l'immigration et du motif de séjour (cf. ch. 1.2.2).

S'agissant de ressortissants d'Etats membres de l'UE ou de l'AELE, ils ne doivent être déterminés que si le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde unilatérale est dépassé (cf. ch. 1.2.4).

Selon le texte constitutionnel, les nombres maximaux et les contingents pour les étrangers exerçant une activité lucrative doivent être fixés en fonction des intérêts économiques globaux de la Suisse et en tenant compte du principe de la préférence nationale. Pour atteindre ces deux objectifs, il convient de procéder à l'aide d'indicateurs qui, d'une part, reflètent la demande de main-d'oeuvre étrangère des entreprises suisses et, d'autre part, tiennent compte de leurs difficultés à trouver ces travailleurs en Suisse. Ces mêmes indicateurs peuvent également entrer dans le calcul du seuil de déclenchement, le dépassement de ce dernier entraînant la limitation de l'immigration au moyen des nombres maximaux.

Les cantons doivent être associés à l'évaluation des besoins en main-d'oeuvre étrangère, leurs indications consolidées devant être validées par la commission de l'immigration qui reste à créer. Ensuite, le Conseil fédéral devra rendre sa décision en tenant compte des intérêts économiques globaux de la Suisse, des obligations internationales (par ex., OMC, accords de libre-échange) ainsi que des recommandations de la commission de l'immigration. Les besoins de l'économie et de la recherche seront également pris en considération.

Lors de l'évaluation des besoins, il y a lieu de tenir compte de l'immigration des années précédentes. Ces chiffres reflètent entre autres la structure économique qui se manifeste à travers une demande différenciée de main-d'oeuvre étrangère. Par ailleurs, cette demande de main-d'oeuvre étrangère dépend dans une large mesure de la conjoncture économique et de l'évolution du marché du travail. Aussi les informations et, si possible, les prévisions concernant notamment l'évolution du produit intérieur brut, du marché de l'emploi et du chômage constituent-elles également des indicateurs importants pour évaluer les besoins.

Lors de la détermination des nombres maximaux et des contingents, la préférence nationale
peut être prise en considération à l'aide du taux de chômage et d'indicateurs sur les difficultés à recruter de la main-d'oeuvre. Un taux de chômage relativement élevé couplé à une demande de travailleurs plutôt faible ou à un recrutement aisé de personnel indique l'existence d'un potentiel de main-d'oeuvre en Suisse. Par contre, un taux de chômage très bas couplé à une forte demande de travailleurs difficile à combler indique une pénurie de main-d'oeuvre.

Lors de la détermination des nombres maximaux et des contingents, il faut distinguer le court et le long terme. A court terme, le besoin de main-d'oeuvre étrangère 2855

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dépend en premier lieu de la structure économique, de la situation générale sur le marché du travail (chômage important/faible) et de l'évolution conjoncturelle escomptée. A moyen et long terme, des facteurs tels que l'évolution démographique, les changements structurels dans l'économie ou les fluctuations de la participation de la population indigène au marché du travail jouent également un rôle. De tels processus peuvent être décelés au moyen d'indicateurs comme la croissance de la population en âge de travailler (s'agissant de la démographie), la croissance de l'emploi selon les secteurs (s'agissant des mutations structurelles) ou le taux d'occupation de divers groupes de population (s'agissant de l'utilisation du potentiel de main-d'oeuvre qualifiée). Il s'agit en l'occurrence, typiquement, de valeurs qui ne varient guère d'une année à l'autre mais qui, considérées sur plusieurs années, permettent de dégager des tendances relativement claires. Aussi ce type d'indicateurs convient-il pour fixer des objectifs chiffrés à moyen et long terme, mais guère pour déterminer annuellement les nombres maximaux et les contingents.

Les nombres maximaux pour les personnes qui n'exercent pas d'activité lucrative dépendent notamment des besoins en autorisations aux fins de formation et de perfectionnement. Comme indiqué (cf. ch. 1.2.2), ces quotas doivent être fixés en premier lieu pour les personnes en provenance d'Etats tiers. Sur ce plan, les besoins varient fortement d'un canton à l'autre. Par ailleurs, les titulaires de ces autorisations quittent en règle générale la Suisse au terme de leur formation ou de leur perfectionnement (rotation). L'attribution des contingents pourrait d'abord s'appuyer sur les expériences faites ces dernières années, car elles montrent quelle est la répartition régionale des institutions de formation qui ont un rayonnement international. Il n'existe pas d'indicateurs précis en la matière; il convient cependant de veiller à ce que le motif d'admission ne serve pas à éluder les limitations visant les personnes souhaitant exercer une activité lucrative.

L'immigration de retraités étrangers est très faible (environ 900 autorisations de séjour par an).

S'agissant des réfugiés reconnus et des personnes admises à titre provisoire, les nombres maximaux dépendent des expériences passées
et des prévisions auxquelles le SEM doit se livrer pour planifier ses activités. A cet égard, il faut veiller à n'enfreindre ni la Constitution suisse ni le droit international impératif (principe de non-refoulement) en cas de dépassement des nombres maximaux 17. Aussi le Conseil fédéral devra-t-il prendre les mesures nécessaires pour rehausser les nombres maximaux notamment en cas de crise humanitaire aiguë.

Le nombre maximal pour le regroupement familial découle de la moyenne de l'immigration des dernières années à cette fin. En l'occurrence, il n'existe guère de marge de manoeuvre pour la limiter (cf. ch. 1.2.2). Du reste, le droit en vigueur prévoit déjà des restrictions qualitatives et des exigences en matière de regroupement familial (art. 42 à 52 LEtr; annexe I, art. 3, ALCP).

Ces dernières années, la part du regroupement familial dans l'immigration globale a continuellement baissé alors que la part des personnes exerçant une activité lucrative a quant à elle augmenté. Le regroupement concerne également les membres de la 17

Cf. ch. 1.3.2 du message relatif à l'initiative populaire «Contre l'immigration de masse», FF 2013 279, ici 288; cf. de même ch. 1.1 supra.

2856

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famille de citoyens suisses ou d'étrangers qui séjournent depuis très longtemps en Suisse ou qui y sont nés (deuxième ou troisième génération).

La Constitution suisse (art. 13, al. 1, Cst.) et les obligations internationales de la Suisse doivent être respectées dans le cadre de la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst., en premier lieu lors de la détermination des nombres maximaux et des contingents.

Si les nombres maximaux et les contingents fixés devaient ne pas suffire, le Conseil fédéral serait appelé à les rehausser et à prendre les autres mesures qui s'imposent (cf. ch. 6.1.1 et 6.2.1).

1.2.6

Commission de l'immigration

La limitation de l'immigration des ressortissants d'Etats membres de l'UE ou de l'AELE par un seuil de déclenchement et, si celui-ci est franchi, par des nombres maximaux et des contingents, et la limitation de l'immigration des ressortissants d'Etats tiers par des nombres maximaux et des contingents annuels revêtent une importance primordiale lors de la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst. A cet égard, il faut non seulement tenir compte des intérêts économiques globaux du pays, de la préférence nationale et d'autres objectifs supérieurs, tels que le respect des obligations internationales de la Suisse, l'utilisation du potentiel des travailleurs en Suisse, l'encouragement de l'intégration, la tradition humanitaire de la Suisse ainsi que le respect des conditions de rémunération et de travail. Ces objectifs, qui peuvent être en contradiction les uns avec les autres, doivent être concrétisés dans le cadre de la gestion de l'immigration.

Pour remplir cette tâche, il est proposé de créer une commission de l'immigration (art. 17f p-LEtr). Sur la base des résultats de la procédure de consultation, le projet de loi prévoit dorénavant que non seulement les autorités compétentes des cantons et de la Confédération, mais aussi les partenaires sociaux doivent faire partie de cette commission. Cependant, lors des décisions de la commission, seules les autorités fédérales et cantonales compétentes en matière de migration et de marché du travail statuent sur les recommandations destinées au Conseil fédéral concernant le seuil de déclenchement, les nombres maximaux et les contingents, ce, pour tenir compte de leurs prérogatives relevant de la puissance publique. Les partenaires sociaux font valoir leur savoir-faire spécifique lors de la préparation de ces recommandations. Le Conseil fédéral fixe les modalités de décision au sein de la commission au niveau de l'ordonnance. Suivant les tâches confiées à la commission, d'autres milieux encore seront appelés à y participer (par ex., des associations communales, des institutions scientifiques et des organisations non gouvernementales).

La commission doit, entre autres missions, produire des expertises sur les besoins quantitatifs et qualitatifs en travailleurs étrangers. A cette fin, il est judicieux de prévoir aussi un suivi scientifique du domaine migratoire. Dans
son travail, la commission s'appuiera sur les indicateurs décrits au ch. 1.2.5. En se fondant sur les résultats de ces expertises et de ce suivi, elle soumettra des recommandations au Conseil fédéral concernant la détermination du seuil de déclenchement et les nombres maximaux et contingents nécessaires.

2857

FF 2016

1.3

Critères de l'octroi d'autorisations en vertu de l'art. 121a, al. 3, Cst.

1.3.1

Source de revenus suffisante

L'art. 121a, al. 3, Cst. prévoit, entre autres critères pour l'octroi d'une autorisation de séjour, que l'étranger ait une source de revenus suffisante et autonome. Cette condition est déjà vérifiée pour les ressortissants d'Etats tiers lors de l'octroi d'une autorisation (par ex., art. 22, 27, 29 et 43 à 45 LEtr). En outre, la dépendance de l'aide sociale peut conduire à la révocation de l'autorisation de séjour ou de l'autorisation d'établissement (art. 62, let. e, et 63, al. 1, let. c, LEtr).

Par contre, la clause de sauvegarde unilatérale prévue pour les ressortissants d'Etats membre de l'UE ou de l'AELE ne donne lieu à aucun contrôle au cas par cas des conditions de rémunération et de travail. Cependant, les mesures d'accompagnement permettent des contrôles concernant le respect des conditions minimales de rémunération et de travail ou des conditions usuelles du lieu et de la branche. Ces mesures servent, d'une part, à protéger les travailleurs contre des sous-enchères répétées et abusives des conditions de salaire et de travail usuelles du lieu et de la branche et, d'autre part, à imposer le respect des salaires usuels minimaux contraignants. Une amélioration des mesures d'accompagnement sera proposée dans un message à part (cf. ch. 1.4.1).

La proposition d'amélioration de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes prévoit que le droit de séjour des ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE s'éteint à certaines conditions en cas de perte de l'emploi (cf. ch. 1.6.4), si la personne concernée ne dispose pas d'une source de revenus suffisante. En outre, l'admission en Suisse sans exercice d'une activité lucrative suppose que l'intéressé dispose des moyens financiers nécessaires. De cette manière, l'exigence de la source de revenus suffisante sera également respectée par les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE.

1.3.2

Capacité d'intégration

L'art. 121a, al. 3, Cst. prévoit, comme critère d'octroi d'une autorisation de séjour, que l'étranger soit capable de s'intégrer. L'art. 23, al. 2, LEtr prévoit qu'une autorisation de séjour avec activité lucrative ne peut être octroyée à un ressortissant d'un Etat tiers que si sa qualification professionnelle, sa capacité d'adaptation professionnelle et sociale, ses connaissances linguistiques ainsi que son âge laissent supposer qu'il s'intégrera durablement dans son environnement professionnel et social.

L'ALCP prévoit également que le droit de séjour des ressortissants des Etats membres de l'UE s'éteint dans certaines circonstances en cas de mauvaise intégration (atteinte grave à la sécurité et à l'ordre publics, cessation volontaire de l'activité lucrative sans disposer de moyens de subsistance suffisants ou prétention à des prestations de soutien en se prévalant abusivement de l'ALCP, notamment). Les améliorations de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes

2858

FF 2016

qui sont proposées dans le présent projet servent également, en fin de compte, à contrôler ultérieurement l'intégration (cf. ch. 1.5).

Cependant, le projet de loi ne prévoit pas de contrôle systématique supplémentaire de la capacité d'intégration pour les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE. Compte tenu des expériences faites à ce jour, on peut partir du principe que ces personnes s'intègrent bien en Suisse. Dans le cadre de la procédure de consultation sur la révision des dispositions de la LEtr relatives à l'intégration (13.030), les cantons ont du reste clairement signalé qu'un contrôle systématique des critères d'intégration en vue de l'octroi ou de la prolongation des autorisations de séjour dépasserait largement leurs capacités (par ex., la réalisation des épreuves de langue).

Qui plus est, diverses mesures déployées par la Confédération, les cantons et les communes promeuvent l'intégration des étrangers indépendamment de leur nationalité. De cette manière, l'exigence de la capacité de s'intégrer est également respectée par les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE.

Même en cas d'examen approfondi de la capacité d'intégration avant l'entrée en Suisse, il n'est pas possible de prédire comment l'immigré va effectivement s'intégrer.

1.3.3

Demande d'un employeur

Selon l'art. 121a, al. 3, Cst., le troisième critère déterminant pour l'octroi d'une autorisation en cas de séjour avec activité lucrative est la demande d'un employeur.

Cette exigence correspond à la réglementation en vigueur pour les ressortissants d'Etats tiers (art. 18, let. b, LEtr).

Pour obtenir une autorisation, les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE qui souhaitent exercer une activité lucrative salariée doivent présenter une déclaration d'engagement de l'employeur ou une attestation de travail (annexe I, art. 6, sous-par. 3, ALCP), documents qui remplissent en fait la même fonction qu'une demande d'autorisation formelle de l'employeur. Cette obligation apporte aussi la garantie qu'une autorisation n'est délivrée en vue de l'exercice d'une activité lucrative salariée que si la personne dispose effectivement d'un emploi. Cette situation est conforme au sens et au but de la réglementation prévue à l'art. 121a, al. 3, Cst. De cette manière, l'exigence de la demande d'un employeur est également respectée par les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE

1.4

Mesures d'accompagnement de la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

1.4.1

Mesures d'accompagnement de l'ALCP

Une gestion efficace de la migration comprend également des mesures de lutte contre les abus. L'efficacité des mesures d'accompagnement a été améliorée à plusieurs reprises au niveau de la loi et des ordonnances depuis leur entrée en vigueur, le 1er juin 2004. Dans la perspective de l'extension de l'ALCP aux dix Etats 2859

FF 2016

qui ont adhéré à l'UE en 2004, les mesures d'accompagnement ont été adaptées une première fois le 1er avril 2006. Le 1er janvier 2010, l'application des mesures d'accompagnement a été améliorée à la suite de l'extension de l'ALCP à la Roumanie et à la Bulgarie. En janvier 2013, d'autres lacunes juridiques ont été comblées et les modalités de mise en oeuvre améliorées. Pour lutter contre l'indépendance fictive, les prestataires de services étrangers ont été soumis à une obligation de documenter leur activité et de nouvelles possibilités de sanctionner les entreprises fautives ont été mises en place.

Depuis le 1er mai 2013, les entreprises qui détachent des travailleurs en Suisse sont tenues d'indiquer, dans le cadre de la procédure d'annonce, le salaire qu'elles leur versent. Le 15 juillet 2013 est entrée en vigueur la responsabilité solidaire renforcée dans les secteurs de la construction, du génie civil et du second oeuvre.

Depuis le 1er novembre 2014, les prestataires étrangers fournissant des services dans le domaine de l'aménagement ou de l'entretien paysager sont soumis à une obligation d'annonce et d'autorisation dès le premier jour d'activité.

Le 1er juillet 2015, le Conseil fédéral a transmis au Parlement le message concernant la modification de la loi sur les travailleurs détachés 18. Il propose d'augmenter le plafond des sanctions prévu par la loi sur les travailleurs détachés, qui passerait de 5000 francs à 30 000 francs dans le cas d'infractions relatives aux conditions minimales de salaire et de travail. Ce projet est actuellement traité au Parlement.

Outre les modifications de loi et d'ordonnances mentionnées, l'exécution des mesures d'accompagnement a été continuellement améliorée, par exemple au moyen de directives et de recommandations adressées aux organes d'exécution par le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) ou par des audits. Les journées de formation organisées dans le cadre du projet mené par le SECO, les commissions paritaires, les organes de contrôle et les cantons en vue d'optimiser les méthodes de travail des commissions paritaires et la collaboration avec les cantons, ont également contribué à cette amélioration. Depuis le 26 mars 2014, à la demande des organes de contrôle, le nombre des contrôles susceptibles de bénéficier d'un cofinancement de la Confédération
a été augmenté pour une durée limitée dans les branches ou régions particulièrement touchées. Plusieurs organes de contrôle ont fait usage de cette possibilité.

Le 18 décembre 2015, le Conseil fédéral a décidé, dans le cadre de la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst., de renforcer la lutte contre les abus sur le marché du travail.

Travail au noir: le Conseil fédéral a approuvé le message relatif à la modification de la loi fédérale contre le travail au noir19, qui garantit un meilleur échange d'informations entre les autorités compétentes en matière de lutte contre ce phénomène. Cette amélioration permettra de mieux lutter contre les abus même en dehors du travail au noir, puisqu'elle contribuera à déceler davantage d'infractions à la loi sur les travailleurs détachés et aux conventions collectives de travail. La protection des conditions de salaire et de travail, qui est au coeur des mesures d'accompagnement, sera ainsi renforcée. De plus, les organes de contrôle seront désormais habilités à infliger eux-mêmes des amendes en cas d'infractions mineures.

18 19

FF 2015 5359 FF 2016 141

2860

FF 2016

Mesures d'accompagnement: le groupe de travail «libre circulation des personnes et mesures du marché du travail», composé de représentants des partenaires sociaux et des cantons, et dirigé par le chef de la Direction du travail du SECO, a été réactivé en vue d'élaborer des mesures communes de lutte contre les abus sur le marché du travail et d'améliorer l'application des mesures d'accompagnement. Le Conseil fédéral a pris connaissance du rapport du groupe de travail le 24 février 2016 et a décidé, sur la base des résultats de ces travaux, de lutter contre les abus sur le marché du travail au moyen de diverses mesures. Le Conseil fédéral a chargé le DEFR d'élaborer un message sur la définition des conditions de la prolongation d'un contrat-type de travail au sens de l'art. 360a du code des obligations20 (CO). Un des moyens découlant du plan d'action du groupe de travail réside dans l'amélioration de la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement. En outre, l'introduction d'un domicile de notification en Suisse pour les entreprises étrangères détachant des travailleurs doit être examinée en détail. Le DEFR est chargé de présenter au Conseil fédéral une proposition dans ce sens jusqu'au 30 avril 2016.

1.4.2

Promotion du potentiel qu'offre la main d'oeuvre des travailleurs en Suisse

En plus de l'adaptation de la LEtr et de l'ALCP en vue de la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst., il est également prévu de promouvoir, de manière générale, le potentiel qu'offre la main d'oeuvre des travailleurs en Suisse en vue de diminuer les besoins en travailleurs étrangers. Cette exigence revêt une importance particulière en cas d'activation de la clause de sauvegarde unilatérale. Parallèlement à l'introduction de nombres maximaux pour les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE, il y a donc lieu de prendre des mesures d'encouragement du potentiel des travailleurs en Suisse (art. 17c, al. 1, p-LEtr). C'est à cette fin que servent par exemple les améliorations proposées dans le message additionnel concernant le projet de loi relatif à l'intégration des étrangers pour améliorer l'accès au marché du travail des personnes relevant du domaine de l'asile.

Le 18 décembre 2015, le Conseil fédéral a décidé de renforcer encore une fois l'initiative visant à combattre la pénurie de personnel qualifié. A cette fin, il est prévu d'intensifier la collaboration avec les cantons et les organisations du monde du travail. Des groupes de travail communs examinent s'il existe des lacunes en matière de formation, de perfectionnement et de reconversion professionnelle et, le cas échéant, comment elles peuvent être comblées. L'accent est mis sur les branches où la pénurie de personnel qualifié est particulièrement forte (santé, domaine technique, construction, hôtellerie et restauration). L'engagement des cantons, des partenaires sociaux et des associations économiques et professionnelles est primordial à cet égard. En outre, il y a lieu d'établir comment il serait possible d'embaucher davantage de travailleurs en Suisse dans des branches proches de l'Etat grâce à des formations, des perfectionnements et des reconversions professionnelles et s'il existe un besoin d'amélioration dans ce domaine. Les résultats seront présentés en septembre 2016 lors d'un sommet consacré à la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, qui 20

RS 220

2861

FF 2016

sera également l'occasion de décider la suite des opérations communes en la matière. D'ici là, le DEFR clarifiera dans le détail le financement du perfectionnement des travailleurs âgés, afin de maintenir ou d'augmenter leur employabilité.

Afin de mieux exploiter le potentiel de travailleurs en Suisse, le Conseil fédéral a par ailleurs décidé, le 18 décembre 2015, de lancer un programme pilote quadriennal d'apprentissage destiné aux réfugiés, qui mise sur le principe éprouvé de l'apprentissage professionnel suisse. Le but de ce programme est d'accélérer l'entrée des réfugiés reconnus et des personnes admises à titre provisoire dans le monde du travail. En lançant ce programme pilote de préapprentissages pour réfugiés, aussi appelés préapprentissages d'intégration, le Conseil fédéral réagit à la hausse du nombre de réfugiés reconnus et des personnes admises à titre provisoire qui demeurent longtemps en Suisse. Il entend ainsi mieux exploiter le potentiel de ces travailleurs et réduire leur dépendance de l'aide sociale. De cette manière, le programme pilote contribue également à atténuer la pénurie de spécialistes et, plus généralement, de travailleurs. Outre le préapprentissage d'intégration ouvert aux réfugiés, le programme pilote mise également sur un encouragement linguistique précoce en faveur des requérants d'asile ayant de fortes chances de demeurer durablement en Suisse.

1.5

Contexte de l'amélioration de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes

Le présent projet de loi comprend également des mesures visant à améliorer l'application des accords sur la libre circulation des personnes (ALCP et convention AELE). Ces mesures ont déjà donné lieu à une consultation distincte et non liée à la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst, et qui s'est déroulée du 2 juillet au 22 octobre 2014.

Bien que le Conseil fédéral ait conclu, dans son rapport du 4 juillet 2012 sur la libre circulation des personnes et l'immigration en Suisse21, que l'immigration de ces dernières années a eu des répercussions majoritairement positives sur le développement économique de la Suisse, il considère aussi que l'immigration a renforcé la nécessité de procéder à des réformes dans divers domaines. L'introduction (progressive) de la libre circulation des personnes a notamment été assortie de mesures d'accompagnement qui sont appliquées efficacement et permettent ainsi d'éviter les dérives potentielles de la libre circulation des personnes. En guise de complément, le Conseil fédéral a adopté, en 2010, un catalogue de mesures destiné à améliorer l'application de l'ALCP22. Ces mesures visent, d'une part, à lutter contre l'obtention indue ou abusive de prestations sociales et en matière de droit de séjour et, d'autre part, à protéger les travailleurs contre le dumping salarial et social. Le Conseil fédéral a présenté au mois de septembre 2015 un rapport en réponse au postulat 21 22

Rapport disponible sur www.sem.admin.ch > Actualité > News > News 2012 > Rapport sur les conséquences de la libre circulation des personnes et de l'immigration.

Voir le catalogue de mesures du Conseil fédéral du 24 février 2010, disponible sur www.sem.admin.ch > Accueil > Entrée & Séjour > Libre circulation des personnes Suisse ­ UE/AELE > Informations complémentaires.

2862

FF 2016

13.359723 dans lequel il dresse un état des lieux de la mise en oeuvre du catalogue de mesures du 24 février 2010.

Malgré ces mesures, un manque de clarté s'est toutefois fait jour concernant l'octroi de l'aide sociale et du droit de séjour, en ce qui concerne les personnes entrant en Suisse dans le but d'y chercher un emploi ou celles qui cessent leur activité lucrative durant leur séjour en Suisse. L'application de l'ALCP a démontré qu'il existe des pratiques différentes dans ces domaines. De plus, il s'avère nécessaire de créer les bases légales permettant d'instaurer le principe de l'échange d'informations entre les autorités responsables des prestations complémentaires et les autorités migratoires compétentes au sujet du versement de ces prestations et du changement de statut des ressortissants étrangers.

Le Conseil fédéral a donc chargé le DFJP et le DFI, le 15 janvier 2014, de mettre en consultation une modification de la LEtr et de la loi sur les prestations complémentaires (LPC)24.

Ces modifications vont aussi dans le sens souhaité par la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) dans son rapport du 4 avril 2014 sur le séjour des étrangers dans le cadre de l'accord sur la libre circulation des personnes25 qui y fait d'ailleurs explicitement référence en prélude aux deuxième, cinquième et huitième recommandations. En outre, dans son rapport du 6 novembre 201426, elle se dit satisfaite des mesures prévues par le présent projet et se félicite que le Conseil fédéral ait initié le processus d'élaboration des bases légales nécessaires pour instituer un échange de renseignements entre les autorités compétentes en matière de migration et les organes chargés des prestations complémentaires. La CdG-N estime que les mesures du présent projet visant à clarifier le contexte juridique entourant la possibilité de retirer leur droit de séjour aux ressortissants d'Etats membres de l'UE ou de l'AELE pour cause de chômage sont adéquates (recommandations 2 et 8).

En revanche, la CdG-N a transformé en postulat27 trois recommandations demandant au Conseil fédéral de déterminer avec les cantons les raisons des disparités cantonales constatées dans la mise en oeuvre de l'ALCP. Le rapport du Conseil fédéral en réponse au postulat doit identifier les causes des disparités relevées entre les cantons dans
l'application de l'ALCP et les possibilités d'une gestion plus uniforme de l'immigration, au moyen d'un retrait des autorisations de séjour ou de la limitation de leur durée. Ce rapport sera publié au printemps 2016 et pourra contenir d'autres mesures pour optimiser l'application de l'ALCP et améliorer la lutte contre les abus .

23 24 25 26

27

Po. Cesla Amarelle «Libre circulation des personnes. Suivi et évaluation des mesures relatives à l'application de l'ALCP en matière de prestations sociales et droit au séjour».

RS 831.30 FF 2014 7985 Rapport «Séjour des étrangers dans le cadre de l'accord sur la libre circulation des personnes. Rapport de la Commission de gestion du Conseil national relatif à l'avis du Conseil fédéral du 13 août 2014», FF 2015 761.

Postulat de la CdG-CN (14.4005) «Clarification des raisons des différences dans la mise en oeuvre de l'accord sur la libre circulation des personnes par les cantons».

2863

FF 2016

1.6

Dispositif proposé concernant l'amélioration de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes

1.6.1

Objectif

Le projet de loi vise à garantir une pratique uniforme des accords sur la libre circulation des personnes à l'échelle suisse, à clarifier la situation juridique qui entoure l'interprétation de certaines dispositions et à répondre à certaines préoccupations formulées par le Contrôle parlementaire de l'administration fédérale (CPA) et la CdG-N dans leurs rapports respectifs sur le séjour des ressortissants de l'UE et de l'AELE28.

1.6.2

Exclusion de l'aide sociale des personnes à la recherche d'un emploi

Actuellement, il n'existe, au niveau fédéral, aucune disposition légale qui règle la question de savoir s'il faut ou non accorder l'aide sociale à des étrangers en quête d'emploi. Les éventuelles réglementations se trouvent dans le droit cantonal. La Conférence suisse des institutions d'action sociale (CSIAS)29 précise que, lorsque le droit cantonal ne prévoit pas d'exclusion de l'aide sociale, il importe de distinguer si les étrangers en recherche d'emploi titulaires d'une autorisation de courte durée ont pris ou non un domicile d'assistance en Suisse. Selon la CSIAS, les étrangers chercheurs d'emploi ne séjournent que de manière provisoire en Suisse. Ils n'ont donc pas quitté leur domicile à l'étranger et n'ont pas de domicile d'assistance en Suisse.

Conformément à l'art. 21 de la loi fédérale du 24 juin 1977 en matière d'assistance (LAS)30, lorsqu'un étranger séjournant en Suisse sans y être domicilié a besoin d'une aide immédiate, il importe de la lui accorder (par ex. soutien à l'organisation du voyage de retour, éventuellement le financement des frais de voyage et le soutien minimal jusqu'à ce que le voyage de retour soit possible).

La CSIAS estime cependant que la personne concernée, bien que titulaire d'une autorisation de séjour en vue de la recherche d'un emploi, doit prouver qu'elle a un domicile d'assistance en Suisse. Parmi les indices de l'existence d'un domicile en Suisse, la CSIAS relève notamment la prise en location d'un logement pour l'usage personnel de l'intéressé pour une durée illimitée ou la dissolution définitive de son ménage à l'étranger. Si la personne concernée élit domicile en Suisse, son séjour est légal jusqu'à l'échéance de l'autorisation de courte durée. Conformément aux 28

29

30

Rapport «Evaluation du séjour des étrangers dans le cadre de l'accord sur la libre circulation des personnes» du Contrôle parlementaire de l'administration à l'intention de la CdG-CN FF 2014 8005 et rapport de la CdG-CN du 6 novembre 2014, FF 2015 761.

Cf. CSIAS, Aide sociale et accord sur la libre circulation des personnes (ALCP), Liste des autorisations pour citoyens UE/AELE, Explication à la liste des autorisations pour citoyens UE/AELE, commission questions juridiques. 27 septembre 2011/ 22 août 2013, disponible sur: www.csias.ch > Aide sociale et pratique > Juridique > Libre circulation et aide sociale > Liste des autorisations avec des explications pour citoyens UE/AELE (sans permis C et autorisation de stagiaire).

RS 851.1

2864

FF 2016

normes CSIAS, elle peut alors se prévaloir du même droit à l'aide sociale que les Suisses.

Les législations et pratiques en matière d'octroi de l'aide sociale à des étrangers recherchant du travail étant différentes d'un canton à l'autre, il y a lieu de les uniformiser et d'exclure au niveau fédéral du régime de l'aide sociale, les étrangers qui viennent en Suisse dans le seul but d'y chercher un emploi, cette exclusion étant valable également pour les membres de leur famille (art. 29a p-LEtr). Selon l'ALCP, ceux-ci peuvent être exclus de l'aide sociale pendant la durée de leur séjour (annexe I, art. 2, par. 1, ALCP).

Au surplus, il y a lieu de préciser que même en cas d'exclusion de ces personnes des prestations d'aide sociale, le droit à l'aide d'urgence demeure réservé car selon le TF, le droit constitutionnel à des conditions minimales d'existence est conféré à toute personne indépendamment du statut de son séjour en Suisse (art. 12 Cst.)31.

1.6.3

Echange de données pour le versement des prestations complémentaires

Selon le droit en vigueur, les autorités de police, les autorités judiciaires, les autorités d'instruction pénale, les autorités de l'état civil, les autorités de protection de l'enfant et les autorités de protection de l'adulte sont tenues de communiquer d'office aux autorités migratoires l'ouverture d'enquêtes pénales, les jugements de droit civil ou pénal, les changements d'état civil ainsi que les refus de célébrer le mariage. Une obligation de communiquer existe également pour les autorités chargées de verser les prestations de l'aide sociale et des indemnités de chômage (art. 97, al. 3, let. d et e, LEtr en relation avec l'art. 82 OASA). En revanche, il n'existe aucune obligation de communiquer l'octroi de prestations complémentaires.

L'ALCP prévoit qu'une personne qui séjourne dans un pays sans y exercer d'activité lucrative n'a pas le droit de solliciter des prestations de soutien de l'Etat et qu'elle doit disposer d'une assurance-maladie suffisante (annexe I, art. 24, par. 1, ALCP), faute de quoi son droit au séjour s'éteint. Il en va de même si elle perçoit des prestations complémentaires.

Selon la jurisprudence du TF, une rente d'invalidité ne constitue pas une aide sociale au sens de l'annexe I, art. 24, al. 1, ALCP32. Les rentes et les prestations d'autres assurances sociales sont ainsi prises en compte pour le calcul des moyens financiers suffisants33. Il en va en revanche différemment des prestations complémentaires au sens de la LPC pour lesquelles le TF a retenu que l'étranger qui en bénéficie ne dispose pas de moyens financiers suffisants au sens de l'annexe I, art. 24, al. 2, ALCP34.

31 32 33

34

ATF 121 I 367 Arrêts du TF 2C_222/2010 du 29 juillet 2010, consid. 6.2.2, et 2C_625/2007 du 2 avril 2008, consid. 6.

Cf. Laurent Merz, Le droit de séjour selon l'ALCP et la jurisprudence du TF, in Revue de droit administratif et de droit fiscal 65/2009, p. 277, cité dans l'arrêt du TF 2C_989/2011 du 2 avril 2012, consid. 3.3.3.

ATF 135 II 265, consid. 3.7, p. 272 s.

2865

FF 2016

Cependant, il arrive régulièrement que les autorités compétentes en matière de migration ne disposent pas des informations nécessaires pour révoquer l'autorisation de séjour en cas de perceptions de prestations complémentaires. L'échange de données proposé entre les organes chargés d'octroyer les prestations complémentaires et les autorités cantonales compétentes en matière de migration permet d'améliorer le flux d'information dans le sens voulu (art. 97 p-LEtr).

En vertu des principes régissant les échanges de données, l'obligation de communiquer les données concernées doit figurer dans la loi fédérale correspondante (LEtr) et l'autorisation de fournir de tels renseignements dans la législation sur les assurances sociales. L'échange de données proposé permettra d'améliorer le flux d'information. Une modification de la LPC doit permettre de créer les bases légales idoines.

La réglementation proposée concerne en principe tous les étrangers qui séjournent en Suisse sans y exercer d'activité lucrative. La communication des données se limiterait aux prestations complémentaires régies par le droit fédéral. Pour les ressortissants d'Etats-tiers, les autorisations peuvent être assorties de conditions (art. 32, al. 2 et 33, al. 2, LEtr). Dans ces cas, si la condition pour laquelle l'autorisation a été accordée vient à disparaître, cette dernière peut être révoquée lorsqu'il s'agit d'une autorisation pour laquelle le droit fédéral ne donne pas de droit à son obtention. Cela vaut aussi lorsque la condition pour octroyer une autorisation portait sur des moyens financiers personnels suffisants et que la personne demande ultérieurement des prestations d'aide sociale ou des prestations complémentaires.

En outre, il ne devrait plus être possible de percevoir des prestations complémentaires une fois qu'une autorisation de séjour ou de courte durée aura été révoquée.

Une modification de la LPC allant dans ce sens est également proposée.

1.6.4

Extinction du droit de séjour en cas de perte de l'emploi

A l'heure actuelle, il n'existe pas de réglementation claire dans l'ALCP au sujet de la fin du droit de séjour des personnes qui se retrouvent involontairement sans emploi.

En 2010, le Conseil fédéral a édicté un catalogue de mesures (directives) qui contient notamment une réglementation de la perte du droit de séjour pour les ressortissants de l'UE et de l'AELE titulaires d'une autorisation de courte durée ou de séjour lorsque ces derniers cessent leur activité lucrative durant la première année de séjour35. Toutefois, la perte du droit de séjour en cas de cessation de l'activité lucrative après la fin de la première année de séjour n'est pas réglée. Le projet vise donc à interpréter l'ALCP afin de définir des limites temporelles claires à la perte de la qualité de travailleur ainsi qu'au droit de séjour et s'inspire de la réglementation mise en place auparavant par le Conseil fédéral. En principe, le droit de séjour des titulaires d'une autorisation de séjour et de courte durée UE/AELE s'éteint soit six mois après la fin de leur activité lucrative, à la fin du versement des indemnités 35

Cf. ch. 1.5 supra

2866

FF 2016

de chômage ou six mois après la fin du versement des indemnités de chômage. Les titulaires d'une autorisation de séjour UE/AELE qui cessent leur activité après la première année de séjour reçoivent de l'aide sociale durant ces délais (cf. art. 61a pLEtr). Selon le Conseil fédéral, cette pratique correspond dans son résultat à la jurisprudence du TF et de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE; cf.

également ch. 6.2.2), selon laquelle le droit de séjour s'éteint si l'intéressé n'a plus de réelles possibilités de trouver un emploi. Le projet exploite la marge de manoeuvre et définit plus clairement le moment de l'échéance du droit de séjour en Suisse.

A la fin des délais prévus par l'art. 61a p-LEtr, les autorités compétentes ont toujours la possibilité, en vertu du droit existant, de délivrer une autorisation de séjour si la personne concernée peut se prévaloir d'un autre droit de séjour en vertu de l'ALCP ou de la jurisprudence de la CJUE (séjour en tant qu'inactif, regroupement familial, droit de demeurer, en vue de la recherche d'un emploi, etc.).

1.6.5

Mise en oeuvre des améliorations de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes

Les dispositions concernant l'échange de données sur le versement de prestations complémentaires (cf. ch. 1.6.3) nécessitent des adaptations d'ordonnances. Les adaptations correspondantes doivent être effectuées dans l'ordonnance du 15 janvier 1971 sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (OPC-AVS/AI)36 et dans l'OASA.

L'OPC-AVS/AI devra indiquer que les organes chargés de fixer et de verser les prestations complémentaires communiquent spontanément aux autorités migratoires cantonales le nom, le prénom, la date de naissance, la nationalité et l'adresse de l'étranger auquel les prestations complémentaires sont versées.

Dans ce cadre, il y aura lieu d'examiner en détail s'il est judicieux de renoncer à communiquer les données lorsque la personne concernée possède une autorisation d'établissement. Cette dernière ne peut être révoquée que si son titulaire dépend durablement et dans une large mesure de l'aide sociale (art. 63, al. 1, let. c, LEtr).

Une réglementation analogue a été introduite le 1er janvier 2014 en matière de communication de données dans le domaine des indemnités de chômage (cf. art. 82, al. 7, OASA).

Dans ce cadre, il importe aussi de réfléchir à instaurer une restriction temporelle au niveau de l'ordonnance. Ainsi, la communication de données pourrait par exemple être abandonnée lorsque l'étranger séjourne en Suisse légalement et sans interruption depuis plus de dix ans. Dans ce type de cas, l'étranger vit en effet depuis longtemps en Suisse et les abus en matière de perception de prestations sont généralement exclus.

Lors de la procédure de consultation, certains cantons ont accueilli favorablement la proposition d'exclure de la communication des données les titulaires d'une autori36

RS 831.301

2867

FF 2016

sation d'établissement ou de définir une limite temporelle de dix ans de séjour ininterrompu.

Il y a également lieu d'évaluer si la communication de données doit être restreinte aux seuls ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE. En effet, ces personnes n'ont pas à respecter de délai de carence pour percevoir des prestations complémentaires tandis que les ressortissants d'Etats tiers doivent généralement satisfaire un délai de carence de 10 ans (dans certains cas d'exception: 5 ans) pour pouvoir accéder aux prestations complémentaires. Une fois passé ce délai, les abus peuvent généralement être exclus.

Une partie des participants à la consultation rejettent le fait que l'annonce se limite seulement aux ressortissants de l'UE ou de l'AELE car ils considèrent que ces informations pourraient aussi être utiles pour les ressortissants d'Etats-tiers.

La concrétisation de la communication de données proposée à l'art. 97, al. 3 et 4, p-LEtr doit également prendre forme à l'art. 82 OASA. La disposition doit être formulée conformément à la réglementation prévue dans l'OPC-AVS/AI. Il faudra également examiner la question d'intégrer dans l'OASA une réglementation prévoyant de transférer, en cas de changement de canton, l'obligation de communiquer des données à l'autorité migratoire du nouveau canton de domicile.

Le montant à partir duquel les organes chargés de fixer et de verser les prestations complémentaires doivent annoncer les cas lorsque la personne perçoit uniquement le remboursement de ses frais de maladie et d'invalidité (art. 3, al. 1, let. b, et 14, al. 6, LPC), pourra être fixée dans l'OPC-AVS/AI.

Lors de la concrétisation des dispositions concernant l'échange de données, il y aura lieu de prendre en considération la mise en oeuvre de l'initiative parlementaire 08.428 déposée le 28 mai 2008 par le Conseiller national Philipp Müller37, qui fait l'objet du message complémentaire du Conseil fédéral concernant le projet de loi relatif à l'intégration des étrangers et vise également à introduire un échange de données en matière de prestations complémentaires.

En ce qui concerne les autres dispositions du projet de modification de loi, une concrétisation au niveau d'une ordonnance ne semble pas nécessaire.

1.7

Classement d'interventions parlementaires

Le Conseil fédéral propose le classement de la motion 14.3307 déposée le 6 mai 2014 par le conseiller national Bruno Pezzatti38, qui demande au Conseil fédéral d'introduire un échange de données entre les autorités migratoires et les organes d'exécution de la législation sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI afin qu'elles puissent communiquer l'identité des ressortissants étrangers qui perçoivent des prestations complémentaires aux autorités migratoires. L'objectif poursuit par la motion est atteint par le présent projet de modification car il vise à instaurer 37 38

Initiative parlementaire Philipp Müller «Pas de regroupement familial en cas de versement de prestations complémentaires» (08.428).

Motion Bruno Pezzatti «Prestations complémentaires et échanges de données» (14.3307).

2868

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un échange de données entre ces deux organes (cf. ch. 3 sur la modification des art. 97, al. 3, let. f, LEtr et 26a LPC).

Il est également proposé de classer le postulat 14.3462, déposé par le Groupe libéralradical39, qui charge le Conseil fédéral de s'assurer et de rendre compte s'il y a lieu de prendre des mesures rapides afin d'améliorer l'application de l'ALCP en vérifiant notamment les éventuelles lacunes de mise en oeuvre quant à l'octroi, le renouvellement et la révocation des autorisations, leur conversion en autorisations d'établissement et l'exclusion de l'aide sociale aux nouveaux arrivants ressortissants de l'UE ou de l'AELE.

Le Conseil fédéral estime que le présent projet de loi répond à certaines préoccupations du postulat, notamment les dispositions visant à exclure de l'aide sociale les personnes qui viennent en Suisse afin de rechercher un emploi (art. 29a p-LEtr) et celles qui définissent le moment de la perte du droit de séjour et de l'octroi ou non de l'aide sociale en cas de cessation involontaire des rapports de travail (art. 61a p-LEtr).

Au-delà des mesures prévues par le présent projet, d'autres mesures déjà mises en place et apportent une réponse aux préoccupations exprimées dans le postulat. En effet, le nouvel art. 18, al. 2, de l'ordonnance du 22 mai 2002 sur l'introduction de la libre circulation des personnes (OLCP)40, qui est entré en vigueur le 1er avril 2015, prévoit notamment que les ressortissants de l'UE ou de l'AELE qui souhaitent obtenir une autorisation de séjour de courte durée en vue de rechercher un emploi doivent disposer des moyens financiers nécessaires à leur entretien. Dans son rapport du 21 juin 2015 en réponse au postulat Amarelle 13.359741, le Conseil fédéral se prononce par ailleurs sur les conditions d'octroi d'une autorisation d'établissement après cinq ans. Les directives du SEM sensibilisent entre autres les organes d'exécution sur le fait que le type d'autorisation remis aux ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE dépend de la durée du contrat de travail. Si celle-ci est inférieure à une année, on délivrera une autorisation de courte durée. Ce principe s'applique également aux contrats de mission, vu que le contrat passé avec le bailleur de services n'est pas déterminant, et ce, même s'il est de durée indéterminée.

Enfin,
l'échange de données dans le domaine des prestations sociales permet aux cantons de renforcer les contrôles pouvant conduire au refus d'accorder une autorisation ou à la révocation d'une autorisation.

39 40 41

Postulat Groupe libéral-radical du 18 juin 2014 «Améliorer l'application de l'accord sur la libre circulation des personnes» (14.3462).

RS 142.203 Postulat Amarelle «Libre circulation des personnes. Suivi et évaluation des mesures relatives à l'application de l'ALCP en matière de prestations sociales et droit au séjour» (13.3597).

2869

FF 2016

2

Résultats de la procédure de consultation et modifications ultérieures

2.1

Procédure de consultation relative à la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

Remarques générales La procédure de consultation s'est déroulée du 11 février au 28 mai 2015. Le rapport sur les résultats contient une analyse exhaustive des avis exprimés 42.

La clause de sauvegarde unilatérale (cf. ch. 1.2.3) ne figurait pas encore dans le projet qui avait été mis en consultation. Celui-ci prévoyait en effet que les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE soient également soumis, de manière générale, aux nombres maximaux et aux contingents et qu'ils fassent l'objet d'un contrôle, au cas par cas, du respect de la priorité des travailleurs en Suisse et du respect des conditions de rémunération et de travail en usage dans la localité et dans la branche. Cette proposition initiale avait été formulée sous réserve qu'une adaptation de l'ALCP en ce sens puisse être convenue avec l'UE.

De nombreux participants à la procédure de consultation ne se prononcent pas clairement en faveur ou en défaveur du projet mais souhaitent que l'on y apporte de substantielles modifications. Quelques partis politiques et partenaires sociaux rejettent fondamentalement le projet qui leur a été soumis. Les prises de position relèvent fréquemment que le plan de mise en oeuvre devra peut-être être sérieusement remodelé suivant le résultat des négociations avec l'UE. Plusieurs participants demandent des mesures concrètes en vue de mieux exploiter le potentiel des travailleurs en Suisse.

A de nombreuses reprises, les prises de position soulignent qu'il existe, depuis la votation du 9 février 2014, une insécurité juridique considérable au sujet de la future réglementation de l'immigration et que cette insécurité affaiblit la place économique suisse.

Liens avec l'ALCP De nombreux participants à la procédure de consultation constatent, comme le Conseil fédéral, que la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst. ne pourra être appréciée de manière globale que lorsque les résultats des pourparlers avec l'UE concernant la compatibilité avec l'ALCP seront connus. Ils soulignent, de manière générale, que les motifs qui ont conduit à l'acceptation de l'art. 121a Cst. doivent être pris au sérieux (notamment la forte augmentation de la population résidante de nationalité étrangère au cours des dernières années ainsi que les craintes que la situation sur le marché du travail ne se détériore). Une très grande majorité
se prononce en faveur du maintien de l'ALCP et, partant, de la voie bilatérale, laquelle a du reste été plébiscitée à plusieurs reprises dans les urnes. Pour atteindre cet objectif, les participants demandent très souvent que l'art. 121a Cst. soit mis en oeuvre de manière compatible avec l'ALCP tout en tenant compte des intérêts de l'économie suisse.

42

Cf. www.sem.admin.ch > Actualité > News > News 2015 > Gestion de l'immigration: le Conseil fédéral opte pour une clause de sauvegarde.

2870

FF 2016

Certains proposent de substituer une clause de sauvegarde aux nombres maximaux et à la priorité des travailleurs en Suisse; différents modèles sont alors avancés.

Nombre de participants à la procédure de consultation craignent que la réglementation proposée dans l'avant-projet n'entraîne un travail administratif considérable auprès des autorités d'exécution et des employeurs.

La grande majorité des participants se félicitent du maintien du système binaire d'admission (régimes différents pour les Etats membres de l'UE ou de l'AELE, d'une part, et les Etats tiers, d'autre part). Quelques participants déplorent le maintien de la primauté de l'ALCP sur la LEtr (art. 2, al. 2, LEtr; principe de subsidiarité): de par ce maintien, l'art. 121a Cst. ne s'appliquerait pas aux principaux pays de provenance des immigrants. En l'occurrence, il faudrait également prévoir, selon ces participants, une réglementation dans la LEtr, au moins jusqu'à ce que l'ALCP soit modifié en ce sens. Si l'ALCP n'est pas ajusté à l'art. 121a Cst., l'UDC envisage de lancer une initiative populaire dans le but de dénoncer l'accord en question; elle estime en effet qu'en acceptant l'art. 121a Cst., les citoyens se sont également prononcés contre le maintien de la libre circulation des personnes.

Plusieurs participants proposent que les autorisations de courte durée valables pendant un an au plus ainsi que les autorisations frontalières délivrées aux ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE ne soient pas soumises aux nombres maximaux, compte tenu des intérêts économiques de la Suisse. Une telle solution entraînerait moins de problèmes en lien avec l'ALCP et serait de surcroît compatible avec l'art. 121a Cst. Quelques participants demandent que les cantons soient davantage associés à la détermination des nombres maximaux et des contingents; en particulier, les cantons frontaliers devraient pouvoir fixer eux-mêmes leurs contingents d'autorisations frontalières.

Position du Conseil fédéral: les discussions avec l'UE concernant la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst. dans le cadre de l'ALCP doivent se poursuivre. Au cas où elles ne pourraient pas aboutir à temps, le projet de loi prévoit, à la différence du projet mis en consultation, une clause de sauvegarde à l'égard des ressortissants des Etats membres de l'UE ou de
l'AELE qu'il serait possible d'appliquer relativement simplement (cf. ch. 1.2.3 et 1.2.4). Cette clause correspond aux exigences de l'art. 121a Cst et en substance à la volonté d'une majorité des participants à la procédure de consultation. Ce procédé risque cependant de nuire à la consolidation et au développement de la voie bilatérale, deux objectifs qui sont également soutenus par une majorité des participants.

Contrôle du respect de la priorité des travailleurs en Suisse et des conditions de salaire et de travail pour les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE S'agissant de l'admission des ressortissants d'Etats membres de l'UE ou de l'AELE, la grande majorité des partis politiques et des milieux intéressés sont opposés à un examen au cas par cas du respect de la priorité des travailleurs en Suisse. Selon eux, cet examen devrait avoir lieu globalement lors de la détermination des nombres maximaux et des contingents. L'examen au cas par cas est également jugé superflu en ce qui concerne les conditions de rémunération et de travail usuelles du lieu, de la profession et de la branche, un contrôle sommaire pouvant suffire. Seule une minori-

2871

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té des participants à la procédure de consultation, dont la CdC, se prononcent donc en faveur d'un examen au cas par cas dans ces domaines.

Position du Conseil fédéral: la clause de sauvegarde unilatérale proposée ne prévoit pas d'examen au cas par cas pour l'admission de ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE. Par conséquent, elle répond aux attentes de la majorité des participants à la procédure de consultation (cf. 1.2.3 et 1.2.4 ainsi que le ch. 1.3.1 concernant les sources de revenus). La priorité des travailleurs en Suisse est prise en compte lors de la détermination du seuil de déclenchement et des nombres maximaux. Les mesures d'accompagnement permettent en outre des contrôles concernant le respect des conditions minimales de rémunération et de travail ou des conditions usuelles du lieu, de la profession et de la branche. Ces mesures servent ainsi à protéger les travailleurs. La clause de sauvegarde unilatérale doit pouvoir être activée relativement simplement, sans engendrer un travail administratif considérable, en cas de dépassement du seuil de déclenchement puis levée en temps opportun.

Composition de la commission de l'immigration Dans leur grande majorité et contrairement à ce que prévoyait le projet mis en consultation, les participants à la consultation, notamment parmi les partis, les partenaires sociaux et les autres milieux intéressés, sont favorables à une représentation des partenaires sociaux au sein de la nouvelle commission de l'immigration. Une minorité des participants, mais une forte majorité des cantons ainsi que la CdC y sont opposés. Selon ces participants, la commission ne devrait être formée que par des représentants des autorités d'exécution fédérales et cantonales, les partenaires sociaux pouvant être consultés si besoin est.

Position du Conseil fédéral: Sur la base des résultats de la procédure de consultation, le projet de loi prévoit dorénavant que non seulement les autorités compétentes des cantons et de la Confédération, mais aussi les partenaires sociaux doivent faire partie de cette commission. Cependant, lors des décisions de la commission, les tâches qui relèvent de la souveraineté des autorités cantonales ou fédérales migratoires ou du marché du travail doivent être prises en considération (cf. 1.2.6).

Admission de ressortissants d'Etats
tiers S'agissant de l'admission de travailleurs en provenance d'Etats tiers, une grande majorité des participants à la procédure de consultation souhaitent que la réglementation actuelle soit maintenue dans la LEtr (nombres maximaux et contingents cantonaux; examen du respect de la priorité des travailleurs en Suisse et respect des conditions de salaire et de travail au cas par cas). L'introduction de nombres maximaux pour le domaine de l'asile et le regroupement familial est rejetée par une partie des participants qui estiment que des limitations quantitatives sont inutiles étant donné que la Suisse est en l'occurrence liée par la Constitution et le droit international. Quelques participants à la procédure de consultation souhaitent quant à eux des conditions plus strictes concernant le regroupement familial.

Selon certains participants, des nombres maximaux dans le domaine de la formation et du perfectionnement pourraient avoir des répercussions négatives sur la réputation des établissements de formation et de recherche suisses. Comme les séjours en

2872

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question sont en règle générale temporaires, il n'y a pas lieu d'imposer une solution restrictive.

Position du Conseil fédéral: le projet de loi prévoit, pour l'admission de travailleurs provenant d'Etats tiers, de maintenir en principe la réglementation actuelle, comme le souhaite la très grande majorité des participants à la procédure de consultation (cf.

ch. 1.2.2). L'art. 121a Cst. exige des nombres maximaux dans les domaines du regroupement familial et de l'asile, mais ces nombres doivent être fixés en tenant compte des exigences de la Constitution suisse ainsi que des obligations internationales et de la tradition humanitaire de la Suisse. Des dispositions plus sévères sont proposées pour le regroupement familial de ressortissants d'Etats tiers dans le cadre du projet de loi relatif à l'intégration des étrangers, actuellement débattu au Parlement. L'admission provisoire aux fins de formation et de perfectionnement devra tenir compte des besoins spécifiques des institutions de formation et de recherche en Suisse.

2.2

Procédure de consultation relative à l'amélioration de de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes

2.2.1

Résultats de la procédure de consultation

La procédure de consultation s'est déroulée du 2 juillet au 22 octobre 2014. Le rapport contient une analyse détaillée des résultats43.

La grande majorité des participants accueillent favorablement l'objectif visant à lutter contre les abus tant en matière de perception d'aide sociale que dans l'application de l'ALCP. Ils approuvent également l'idée d'harmoniser les pratiques cantonales en matière d'aide sociale et de vouloir clarifier la situation en matière de cessation involontaire des rapports de travail.

Une grande majorité des entités consultées, principalement les cantons, émettent de sérieuses réserves quant à la proposition de modification de la LEtr concernant la cessation involontaire des rapports de travail (art. 61a p-LEtr) qui a été mise en consultation. Nombreux sont ceux qui considèrent que la modification projetée apporte peu de clarification en pratique. Les propositions d'amélioration reçues ont été multiples et parfois contradictoires, de telle sorte qu'il est difficile de dégager une ligne commune. Toutefois, de manière générale, les cantons se sont prononcés pour une limitation du droit de séjour dans ce domaine, raison pour laquelle le projet a subi des modifications (cf. ch. 2.2.2).

Une partie des participants ont proposé de supprimer l'art. 61a p-LEtr soit parce qu'ils considèrent que cet article n'apporte aucune valeur ajoutée soit parce que la réglementation proposée est moins restrictive que l'ALCP actuel ou qu'elle n'éclaircit pas la situation. D'autres se sont montrés réservés quant à la portée de la 43

Rapport sur les résultats de la consultation disponible sur www.sem.admin.ch > Actualité > Projets de législation en cours > Révision partielle de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr): Mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

2873

FF 2016

modification car ils trouvent le projet peu clair, et proposent de nombreuses modifications.

En revanche, les modifications proposées dans le cadre de l'échange de données concernant les prestations complémentaires ont été bien accueillies par les participants. Deux propositions de complément se sont clairement dégagées. Il s'agit, d'une part, de l'ajout d'une obligation d'annonce du remboursement des frais de maladie et d'invalidité en plus de l'annonce de la perception de prestations complémentaires annuelles que prévoyait le projet mis en consultation et, d'autre part, de la modification de l'art. 5, al. 1, LPC permettant d'exclure de manière explicite le versement de prestations complémentaires aux étrangers sans titre de séjour en Suisse.

Le fait d'exclure de l'aide sociale les personnes qui entrent en Suisse en vue d'y chercher un emploi est approuvé.

2.2.2

Modifications apportées à la suite de la procédure de consultation

Compte tenu des avis exprimés par les participants à la procédure de consultation, la partie du projet relative à l'extinction du droit de séjour en cas de perte de l'emploi (art. 61a p-LEtr) a été remaniée afin de définir des limites temporelles à l'extinction du droit de séjour et de mettre en oeuvre de manière conséquente l'ALCP et la jurisprudence de la CJUE et du TF pertinente en la matière.

Le projet envoyé en consultation prévoyait des présomptions quant au moment où le droit de séjour devait s'éteindre pour les titulaires d'une autorisation de courte durée UE/AELE ou de séjour UE/AELE. Toutefois, ces présomptions pouvaient être renversées par une réglementation qui permettait la poursuite du droit de séjour des titulaires d'une autorisation de séjour UE/AELE tant que la personne apportait la preuve d'être activement à la recherche d'un emploi et qu'elle avait de réelles chances d'en obtenir un.

Le nouveau projet supprime maintenant la possibilité de prolonger, sans limite de temps, le séjour des titulaires d'une autorisation de courte durée UE/AELE ou de séjour UE/AELE.

Désormais, seul un délai de séjour supplémentaire de six mois s'applique en cas de perte de l'emploi durant la première année de séjour ou après, sous réserve du délai pendant lequel des indemnités de chômage sont versées. Passé ce délai de six mois, une réglementation du séjour en vertu d'autres dispositions de l'ALCP ou de l'OLCP est toujours possible, y compris la possibilité d'obtenir une autorisation de séjour pour cas de rigueur si les conditions sont remplies.

Les délais au cours desquels le droit de séjour demeure après la perte de l'emploi durant les douze premiers mois pour les titulaires d'une autorisation de courte durée UE/AELE ont été raccourcis par rapport au projet envoyé en consultation. Désormais, le droit de séjour desdits titulaires peut s'éteindre avant l'échéance de la durée de validité de l'autorisation. A l'instar des titulaires d'une autorisation de séjour UE/AELE, ils bénéficient d'un délai de six mois après la cessation des rapports de 2874

FF 2016

travail. Le Conseil fédéral est d'avis que cette solution est compatible avec l'ALCP, la jurisprudence de la CJUE et celle du TF (cf. ch. 6.2.2).

Dans la perspective du résultat de la procédure de consultation relative à l'échange de données en cas d'octroi de prestations complémentaires, le projet prévoit désormais aussi un devoir d'annonce des cas d'une certaine importance en cas de remboursement des frais de maladie et d'invalidité (prestations en nature) en plus du devoir d'annonce en cas de perception de prestations complémentaires annuelles (prestations en espèce) initialement prévu. Il est également proposé de modifier la LPC afin d'exclure de manière explicite le versement de prestations complémentaires aux étrangers sans titre de séjour en Suisse.

3

Commentaire des dispositions

Loi fédérale sur les étrangers Art. 2, al. 2 et 3 Selon ces dispositions, les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE ainsi que les membres de leur famille ne sont soumis à la LEtr qu'à titre subsidiaire.

L'ALCP et la convention AELE priment à moins qu'ils n'en disposent autrement ou que la LEtr prévoie des dispositions plus favorables. Le Conseil fédéral a décidé, le 4 décembre 2015, de mettre en oeuvre l'art. 121a Cst. à l'égard des ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE au moyen d'une clause de sauvegarde unilatérale si aucune solution consensuelle ne peut être trouvée à temps avec l'UE dans le cadre de l'ALCP. Afin que cette clause puisse être activée en cas de besoin, il faut prévoir une réserve en ce sens aux al. 2 et 3 (art. 17c et 17d p-LEtr). Cette réserve découle de l'art. 121a Cst., qui exige une gestion autonome de l'immigration et une limitation de l'immigration par des nombres maximaux et des contingents indépendamment de la nationalité des étrangers concernés.

L'admission de ressortissants d'Etats tiers est quant à elle réglementée par la LEtr, qui doit cependant être adaptée aux exigences de l'art. 121a Cst. De cette façon, le système d'admission binaire est maintenu.

L'al. 2 requiert en outre une adaptation formelle, l'expression «Etats membres de la Communauté européenne (CE)» devant être remplacée par l'expression en usage «Etats membres de l'Union européenne (UE)».

Titre précédant l'art. 17a Dans le cadre de la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst, la règlementation des nombres maximaux et des contingents requiert la création d'une nouvelle section dans la loi.

Art. 17a

Nombres maximaux

L'admission de ressortissants d'Etats tiers reste soumise à des nombres maximaux (cf. ch. 1.2.2), lesquels peuvent être répartis en contingents cantonaux (art. 17b, al. 1, p-LEtr). Les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE ne sont 2875

FF 2016

soumis aux nombres maximaux et aux contingents que si le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde unilatérale est franchi (art. 17c et 17d p-LEtr; cf. ch. 1.2.3 et 1.2.4).

Des nombres maximaux et des contingents ne peuvent être fixés pour les autorisations frontalières qu'en cas d'activation de la clause de sauvegarde unilatérale (art. 17d, al. 4, et 25, al. 1, let. c, p-LEtr).

Ad al. 2, let. a La prise en considération des autorisations de courte durée pour un séjour de plus de quatre mois reprend la règlementation en vigueur. Selon l'interprétation que fait le Conseil fédéral de l'art. 121a Cst., une dérogation générale aux mesures de limitation pour les séjours d'une durée pouvant aller jusqu'à un an serait certes possible, mais elle ouvrirait la porte aux abus.

Ad al. 2, let. c Les autorisations d'établissement ne doivent être soumises aux nombres maximaux que si elles sont octroyées à titre exceptionnel dès l'admission en Suisse (enfants de moins de 12 ans d'un ressortissant suisse ou d'un titulaire d'une autorisation d'établissement, notamment; art. 42, al. 4, et 43, al. 3, LEtr). Il n'est par contre pas nécessaire de soumettre aux nombres maximaux la transformation ultérieure des autorisations de séjour en autorisations d'établissement (al. 4, let. b, LEtr).

Ad al. 3 Les admissions provisoires ne doivent être soumises aux nombres maximaux que pour les séjours de plus d'une année. Elles ne sont du reste guère octroyées pour des séjours plus courts. A ce jour, aucune protection provisoire n'a encore été octroyée au titre de la LAsi. Il y a tout lieu de penser qu'une telle mesure ne serait ordonnée que pour des séjours de plus d'une année. De manière générale, selon l'avis du Conseil fédéral, les séjours d'une durée n'excédant pas un an peuvent être exclus des mesures de limitation, étant donné qu'ils ne sont pas pris en compte dans l'immigration et qu'ils n'entrent donc pas dans le champ d'application de l'art. 121a, Cst.

Ad al. 4, let. a Les prolongations d'autorisations de séjour ne sont en principe pas soumises aux nombres maximaux ni aux contingents. Une exception à cette règle est toutefois nécessaire lorsqu'un type d'autorisation précis ou un but de séjour précis n'est soumis à ces limitations qu'à partir d'une certaine durée de séjour.

C'est le cas pour la prolongation
d'une autorisation de courte durée au-delà de quatre mois pour un séjour avec activité lucrative et au-delà d'un an pour un séjour sans activité lucrative. La durée de validité d'une autorisation de courte durée peut être prolongée jusqu'à une durée maximale de deux ans (art. 32 LEtr).

Ad al. 4, let. b et c Une autorisation de séjour étant soumise aux nombres maximaux lors de son octroi, la transformation de cette autorisation en une autorisation d'établissement n'y est pas soumise. Cette règle s'applique également lorsqu'une admission provisoire, 2876

FF 2016

également soumise aux nombres maximaux, est transformée plus tard en autorisation de séjour.

Ad al. 5 Il est prévu que le Conseil fédéral puisse fixer les nombres maximaux visés aux al. 2 à 4 pour certains buts de séjour (par ex., exercice d'une activité lucrative, regroupement familial, octroi de l'asile et admission provisoire; cf. ch. 1.2.2. à 1.2.4).

Art. 17b

Répartition des nombres maximaux en contingents cantonaux

Le Conseil fédéral peut prévoir la répartition des nombres maximaux en contingents cantonaux, ce qui est déjà le cas aujourd'hui pour les travailleurs en provenance d'Etats tiers (art. 18a et annexes 1 et 2, OASA).

Désormais, le Conseil fédéral doit pouvoir confier aux cantons la répartition des nombres maximaux en contingents cantonaux. Si les cantons ne parviennent pas à s'entendre, il appartiendrait au Conseil fédéral de procéder à la répartition. Ce procédé s'applique déjà lors de la répartition des requérants d'asile entre les cantons (art. 27 LAsi). Une telle solution serait également possible dans les autres domaines dans lesquels des nombres maximaux doivent être introduits en vertu de l'art. 121a Cst. (cf. ch. 1.2.5; notamment pour le regroupement familial et l'admission de personnes qui n'exercent pas d'activité lucrative).

Il ressort de la procédure de consultation que les participants sont favorables au maintien, jusqu'à nouvel avis, de l'actuelle clé de répartition applicable aux contingents cantonaux.

Art. 17c

Seuil de déclenchement en matière de gestion de l'immigration des ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE

Cet article réglemente la clause de sauvegarde unilatérale visant les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE (cf. ch. 1.2.3).

Ad al. 1 à 3 Le Conseil fédéral détermine le seuil de déclenchement (al. 2 et art. 17e p-LEtr); il est judicieux que ce seuil soit déterminé chaque année (cf. ch. 1.2.4). Lorsque le seuil de déclenchement est dépassé, le Conseil fédéral fixe des nombres maximaux pour l'octroi d'autorisations. En même temps, il renforce le potentiel des travailleurs en Suisse afin de réduire les besoins en travailleurs étrangers (cf. ch. 1.4.2). Ce but doit aussi être atteint par l'encouragement de l'intégration des étrangers. En outre, il adaptera en cas de besoin l'exécution du droit des étrangers afin de mieux combattre les abus liés à l'application de l'ALCP. Avant de définir les mesures de limitation, le Conseil fédéral entend les commissions parlementaires compétentes (al. 3), à savoir les commissions de l'économie et des redevances et les commissions des institutions politiques).

Ad al. 4 Tant que le seuil de déclenchement n'est pas atteint, l'admission est régie par les accords sur la libre circulation des personnes. Les personnes qui exercent une acti2877

FF 2016

vité lucrative sont présumées remplir les conditions d'admission qualitatives au sens de l'art. 121a, al. 3, Cst. (cf. ch. 1.3).

En cas d'abus manifeste de l'ALCP, par exemple si une personne n'exerce qu'une activité lucrative très restreinte afin de pouvoir toucher des prestations sociales en Suisse, le séjour doit lui être refusé. Cette mesure correspond à la pratique actuelle.

Art. 17d

Nombres maximaux et contingents en cas de dépassement du seuil de déclenchement

Ad Al 1 Il appartient au Conseil fédéral de fixer le seuil de déclenchement et, lorsque celui-ci est dépassé, les nombres maximaux. Il peut répartir les nombres maximaux en contingents cantonaux; l'art. 17b p-LEtr s'applique par analogie (al. 5). Il n'est toutefois pas prévu de procéder d'emblée à cette répartition en cas d'activation de la clause de sauvegarde; au lieu de cela, on privilégiera une solution simple comparable à la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde prévue à l'art. 10 ALCP (cf.

ch. 1.2.3 et 1.2.4).

Ad al. 2 Le Conseil fédéral peut prolonger les nombres maximaux et les contingents d'une année civile s'il juge que cette mesure est nécessaire pour mieux gérer l'immigration.

Ad al. 3 Comme dans le cadre de la réglementation applicable aux ressortissants d'Etats tiers (art. 17a, al. 5, p-LEtr), le Conseil fédéral peut déterminer pour les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE des nombres maximaux distincts pour différents buts de séjour (exercice d'une activité lucrative, regroupement familial, etc.).

Afin d'éviter que ces mesures soient contournées, les autorisations de courte durée valables plus de quatre mois seront également soumises aux nombres maximaux (par analogie avec l'art. 17a, al. 2, let. a, p-LEtr applicable aux ressortissants d'Etats tiers).

Ad al. 4 En cas d'activation de la clause de sauvegarde en réponse à une forte immigration, des nombres maximaux et des contingents peuvent être prévus également pour les autorisations frontalières d'une durée de validité supérieure à quatre mois afin d'éviter que les autres limitations soient contournées. Ces nombres et contingents s'appliquent également aux ressortissants d'Etats tiers qui travaillent en Suisse comme frontaliers (art. 25, al. 1, let. c, p-LEtr).

Ad al. 5 L'application par analogie des art. 17a et 17b p-LEtr ainsi que la prise en compte des recommandations de la nouvelle commission de l'immigration (art. 17f p-LEtr) garantissent que la clause de sauvegarde unilatérale soit régie selon les mêmes principes que ceux applicables aux ressortissants d'Etats tiers, soit la possibilité d'adapter à tout moment les nombres maximaux en cas de besoin (art. 17a, al. 1, 2878

FF 2016

p-LEtr), le champ d'application des nombres maximaux (art. 17a, al. 2 à 4, p-LEtr), ainsi que les modalités de l'éventuelle répartition des nombres maximaux en contingents cantonaux (art. 17b p-LEtr). En outre, la détermination des nombres maximaux et des contingents est soumises aux mêmes critères (art. 17e p-LEtr).

Art. 17e

Critères de détermination des nombres maximaux et des contingents ainsi que du seuil de déclenchement

Cette disposition dresse la liste des principaux indicateurs et autres valeurs de référence qui doivent être pris en compte pour déterminer le seuil de déclenchement, les nombres maximaux et les contingents pour les ressortissants d'Etats tiers et les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE (cf. ch. 1.2.5).

Les principes généraux de l'admission prévus par la LEtr (art. 3 LEtr) doivent être pris en considération. Il s'agit notamment des intérêts de l'économie suisse, des possibilités d'intégration, de l'évolution sociodémographique ainsi que des obligations internationales de la Suisse.

Art. 17f

Commission de l'immigration

Il est prévu que le Conseil fédéral crée une commission extraparlementaire (commission administrative) qui soit notamment chargée d'élaborer des recommandations (cf. 1.2.6) concernant le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde unilatérale et la détermination des nombres maximaux et des contingents (cf.

ch. 1.2.4 et 1.2.5).

Les règlementations applicables aux commissions administratives (concernant notamment la durée du mandat, l'éligibilité, l'indemnité journalière, la teneur de l'acte d'institution, les publications) se trouvent aux art. 57a à 57f de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration44 et aux art. 8a à 8iter de l'ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration45. La commission se compose de représentants des autorités d'exécution compétentes; des partenaires sociaux sont associés aux délibérations de la commission, par exemple au sein de groupes de travail permanents. Les dispositions d'exécution seront précisées par voie d'ordonnance.

Art. 18, let. c et d Une adaptation de nature technique est nécessaire car la détermination des nombres maximaux et des contingents est désormais régie par les art. 17a et 17b.

Art. 19, let. c à e Ad let. c S'agissant d'un étranger exerçant une activité lucrative indépendante, il y a également lieu d'examiner, en vertu de l'art. 121a, al. 3, Cst., si l'intéressé dispose d'une 44 45

RS 172.010 RS 172.010.1

2879

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source de revenus autonome. Cette exigence doit désormais être expressément mentionnée ici même. En pratique, elle est déjà requise pour les ressortissants d'Etats tiers. L'admission de travailleurs indépendants ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE est régie par l'ALCP.

Ad let. d et e Une adaptation de nature technique est nécessaire, car la détermination des nombres maximaux et des contingents est désormais régie par les art. 17a et 17b.

Art. 20 Cet article doit être abrogé vu qu'il ne prévoit des limitations quantitatives que pour les ressortissants d'Etats tiers qui exercent une activité lucrative. Désormais, des nombres maximaux et des contingents devront être fixés, conformément à l'art. 121a Cst., pour tous les types d'autorisations et tous les buts de séjour (y c.

pour le regroupement familial, les séjours sans activité lucrative et le domaine de l'asile). Les mesures de limitation sont réglementées dans la nouvelle section 1a de la LEtr (art. 17a et 17b). Les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE sont soumis à la clause de sauvegarde unilatérale (art. 17c et 17d).

Art. 21, al. 2, let. d et e Les personnes admises à titre provisoire et les personnes à protéger doivent désormais être considérées comme travailleurs en Suisse. Ces groupes de personnes font partie du marché du travail suisse et, partant, du potentiel offert par la main-d'oeuvre en Suisse, lequel doit être encouragé lors de la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

Art. 25

Admission de frontaliers

La règlementation, dans la LEtr, de l'octroi des autorisations frontalières ne s'applique qu'aux ressortissants d'Etats tiers. A l'exception de la limitation quantitative prévue dans le cadre de la clause de sauvegarde unilatérale (art. 17d, al. 4, p-LEtr), cette réglementation correspond au droit en vigueur. L'admission de frontaliers en provenance des Etats membres de l'UE ou de l'AELE est régie par l'ALCP.

Ad al. 1 En vertu du nouvel al. 1, let. c, les autorisations frontalières seront désormais soumises aux nombres maximaux et aux contingents en cas d'application de la clause de sauvegarde unilatérale (art. 17c et 17d p-LEtr). Les autres adaptations relèvent de la légistique.

Ad al. 2 Une adaptation de nature légistique est nécessaire (suppression du renvoi à l'art. 20 LEtr), étant donné que le respect des nombres maximaux et des contingents dans le cadre de la clause de sauvegarde unilatérale est désormais régi par l'al. 1, let. c.

2880

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Art. 26

Admission de prestataires de services transfrontaliers

Des adaptations de nature légistique sont nécessaires car le respect des nombres maximaux et des contingents est désormais régi par les art. 17a et 17b.

Art. 27, al. 1bis; art. 28, al. 2; art. 29, al. 2 Les dispositions concernant l'admission en vue d'un séjour sans exercice d'une activité lucrative (formation et perfectionnement; rentiers; traitement médical) sont complétées par une condition supplémentaire, selon laquelle les nombres maximaux et les contingents doivent être respectés conformément aux exigences de l'art. 121a Cst. (art. 17a et 17b). L'admission de ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE qui n'exercent pas d'activité lucrative est régie par l'ALCP.

Art. 29a

Recherche d'un emploi

Les personnes à la recherche d'un emploi qui bénéficient de la libre circulation des personnes sont exclues de l'aide sociale pendant la durée de leur séjour, ainsi que le prévoit expressément l'ALCP (annexe I, art. 2, par. 1, sous-par. 2, ALCP).

L'art. 29a se rapporte aux chercheurs d'emploi et aux membres de leur famille qui entrent initialement en Suisse en vue d'y rechercher un emploi et non pas aux chercheurs d'emploi qui, après avoir perdu leur emploi en Suisse, y séjournent afin d'y rechercher un nouvel emploi. En ce qui concerne les membres de la famille, sont réservés les autres cas pour lesquels ces derniers bénéficient d'un droit au versement de prestations de l'aide sociale.

Les législations et pratiques en matière d'octroi de l'aide sociale à des étrangers en recherche d'emploi étant différentes d'un canton à l'autre (cf. ch. 1.6.2), la réglementation proposée vise à les uniformiser.

En l'absence d'une loi-cadre au niveau fédéral, l'exclusion de l'aide sociale des demandeurs d'emploi doit être inscrite sur le plan systématique dans une loi fédérale (art. 164, al. 1, let. f, Cst.). Il est ainsi proposé d'insérer cette disposition dans la LEtr. La constitutionnalité de la disposition proposée découle directement de l'art. 121a, al. 1, Cst. (cf. ch. 6.1.2). D'un point de vue systématique, il est judicieux de régler l'exclusion des demandeurs d'emploi étrangers de l'aide sociale au niveau de la section 2 (Admission sans activité lucrative) du chapitre 5 (Conditions d'admission) de la LEtr, car les étrangers concernés entrent en Suisse pour y chercher un emploi et n'exercent donc pas d'activité lucrative dans un premier temps.

Art. 30, al. 1, phrase introductive et let. l Ad al. 1, phrase introductive L'art. 30 permet, dans les cas particuliers mentionnés, de déroger aux conditions générales d'admission. Or, en vertu de l'art. 121a Cst., il n'existe plus d'exceptions à la limitation par les nombres maximaux et les contingents, étant donné que ceux-ci sont valables pour tous les types d'autorisations et tous les buts de séjour. La phrase introductive doit donc être adaptée (pas de dérogation aux art. 17a et 17b). Des

2881

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exceptions à la préférence nationale demeurent par contre possibles46. Des exceptions aux conditions générales d'admission restent également pertinentes, par exemple si l'on est en présence d'un cas de rigueur grave et qu'un retour dans le pays de provenance n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigé.

Ad al. 1, let. l Il s'agit ici d'une adaptation de nature légistique du renvoi à la LAsi (dont la première mention figure désormais à l'art. 17a).

Art. 42, al. 2bis, 43, al. 1bis, 44, al. 2, et 45, al. 2 En vertu de l'art. 121a, al. 2, Cst., le regroupement familial est également soumis aux nombres maximaux et aux contingents. Les séjours d'une durée n'excédant pas douze mois peuvent toutefois en être exemptés. Par conséquent, le regroupement familial n'est compté que si l'autorisation de courte durée des bénéficiaires est prolongée au-delà d'une année. Dans ce cas, les obligations internationales de la Suisse sont réservées (art. 3, al. 2, LEtr, art. 17e, al. 1, let. a, p-LEtr). Le regroupement familial de ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE est régi par l'ALCP.

Le message additionnel concernant l'adaptation du projet de loi relatif à l'intégration des étrangers prévoit également l'introduction, à l'art. 43, d'un nouvel al. 1bis et à l'art. 44, d'un nouvel al. 2. Une disposition de coordination sera vraisemblablement nécessaire à cet égard.

Art. 48, al. 1bis En vertu de l'art. 121a, al. 2, Cst., l'octroi d'une autorisation à un enfant placé qui séjourne plus d'une année en Suisse est également soumis aux nombres maximaux et aux contingents. Cette disposition doit par conséquent être adaptée. Dans ce cas, les obligations internationales de la Suisse sont réservées (art. 3, al. 2, LEtr, art. 17e, al. 1, let. a, p-LEtr).

Art. 61a

Extinction du droit de séjour des ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE

Cet article traite d'une part, de l'exclusion de l'aide sociale pour les titulaires d'autorisations de courte durée UE/AELE et de séjour UE/AELE et, d'autre part, de la limitation de leur droit de séjour dans le cadre de l'ALCP. Cette disposition doit nécessairement revêtir la forme d'une base légale formelle car elle fixe des règles de droit relatives aux obligations des cantons lors de la mise en oeuvre et de l'exécution du droit fédéral, en l'occurrence l'ALCP (art. 164, al. 1, let. f, Cst). Il est ainsi proposé d'insérer cette disposition dans la LEtr.

46

Cf. Message relatif à l'initiative populaire «Contre l'immigration de masse», ch. 3.2; FF 2013 279, ici 302.

2882

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Cette disposition vise en outre à clarifier la situation juridique en matière de perte du droit de séjour des ressortissants de l'UE/AELE, comme l'a demandé la CdG-N dans son rapport du 4 avril 2014 (cf. ch. 1.5).

L'art. 61a s'applique uniquement aux ressortissants UE/AELE qui ont obtenu une autorisation initiale de séjour ou une autorisation initiale de courte durée dans le but d'exercer une activité lucrative dépendante en Suisse. Ceux qui ont obtenu une autorisation de séjour pour un autre but, par exemple en vue de faire des études ou lors d'un regroupement familial, n'entrent pas dans son champ d'application.

Le projet de loi se réfère à la cessation involontaire des rapports de travail, à savoir lorsque la personne se trouve privée de son emploi en raison d'un licenciement. Il ne traite pas de la cessation de l'activité lucrative en raison d'une incapacité temporaire de travail en cas de maladie, d'accident ou d'invalidité. Conformément à la jurisprudence du TF, la qualité de travailleur se perd immédiatement en cas de chômage volontaire47.

Il se rapporte à l'extinction du droit de séjour des travailleurs lorsque l'activité lucrative de la personne concernée cesse respectivement durant les douze premiers mois de son séjour (al. 1 et 2) et après les douze premiers mois de son séjour (al. 4).

Sont réservés les cas dans lesquels la personne concernée peut se prévaloir d'un autre droit de séjour en vertu de l'ALCP (séjour en tant qu'inactif, regroupement familial, droit de demeurer, etc.).

Le TF48 a admis qu'une autorisation de séjour UE/AELE pouvait être révoquée durant les cinq premières années de sa durée de validité lorsque son titulaire perdait sa qualité de travailleur. Il s'est prononcé sur la perte de la qualité de travailleur d'une ressortissante de l'UE dont l'activité lucrative a cessé après les douze premiers mois de son séjour en Suisse (in casu situation décrite par l'art. 61a, al. 4, p-LEtr). Le TF a justifié la perte de la qualité de travailleur en raison de l'épuisement du droit aux indemnités de chômage (18 mois d'inactivité), de la dépendance subséquente à l'aide sociale et en raison du peu de chance de retrouver un emploi stable (longue période d'inactivité, très nombreux arrêts maladie et manque de qualification professionnelle).

Dans un cas antérieur, il avait déjà
jugé que le détenteur d'une autorisation de séjour UE/AELE au chômage involontaire pendant 18 mois (période durant laquelle la personne est restée inactive et a bénéficié des indemnités de chômage puis des prestations d'aide sociale) perdait le statut de travailleur49.

Dans un arrêt postérieur50, il a jugé qu'un étranger pouvait perdre son statut de travailleur et se voir refuser le renouvellement de son autorisation de séjour UE/AELE ou se la faire révoquer (art. 23 OLCP):

47 48 49 50

a.

s'il se trouve dans une situation de chômage volontaire;

b.

si l'on peut déduire de son comportement qu'il ne subsiste plus de réelles perspectives de travail; et

Arrêt 2C_412/2014 du 27 mars 2014, consid. 3.2.

Arrêt 2C_390/2013 du 10 avril 2014.

Arrêt 2C_967/2010 du 17 juin 2011.

Arrêt 2C_412/2014 du 27 mai 2014.

2883

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c.

en cas d'abus, soit lorsque la personne se déplace dans un autre Etat contractant afin d'y poursuivre une activité fictive ou de durée extrêmement limitée avec pour seul but de bénéficier d'aides déterminées, comme par ex. des prestations d'assistance meilleures que celles perçues dans l'Etat d'origine51.

Le TF a confirmé cette dernière interprétation dans le cadre d'un arrêt rendu à cinq juges52 concernant un ressortissant allemand qui, arrivé en Suisse en 2006 avec un contrat de durée indéterminée, a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour d'une durée de validité de cinq ans.

La CJUE a eu l'occasion de se prononcer récemment sur la perte du droit de séjour des chercheurs d'emploi ressortissants d'un Etat membre de l'UE et de leur accès aux prestations d'aide sociale53. Dans ce contexte, elle a eu l'occasion de constater qu'il existe deux possibilités pour conférer un droit de séjour à un ressortissant de l'UE dans un autre Etat membre: ­

Si un citoyen de l'UE qui a profité d'un droit de séjour en tant que travailleur se trouve en chômage involontaire après avoir travaillé pendant une période de moins d'un an et s'il s'est fait enregistrer en qualité de demandeur d'emploi auprès du service de l'emploi compétent, il conserve le statut de travailleur et le droit de séjour pendant au moins six mois. Tout au long de cette période, il peut se prévaloir du principe d'égalité de traitement et a droit à des prestations d'assistance sociale.

­

Lorsqu'un citoyen de l'UE n'a pas encore travaillé dans l'Etat membre d'accueil ou lorsque la période de six mois est expirée, un demandeur d'emploi ne peut pas être éloigné de cet Etat membre tant qu'il est en mesure de faire la preuve qu'il continue à chercher un emploi et qu'il a des chances réelles d'être engagé. Dans ce cas, l'Etat membre d'accueil peut cependant refuser toute prestation d'assistance sociale.

Cette jurisprudence se fonde sur la directive sur la citoyenneté54 qui n'est pas applicable en Suisse. Elle présente néanmoins l'état actuel du droit au sein de l'UE.

Ad al. 1 et 2 Ces alinéas s'appliquent aux cas de cessation involontaire de l'activité lucrative durant les douze premiers mois du séjour. Ils se réfèrent non seulement aux cas où le titulaire d'une autorisation de courte durée UE/AELE cesse involontairement son activité lucrative à l'échéance de la durée de validité de son autorisation mais aussi à ceux où le titulaire d'une autorisation de courte durée UE/AELE ou de séjour 51 52 53 54

ATF 131 II 339 consid. 3.4, p. 347; arrêt 2C_390/2013 du 10 avril 2014, consid. 3.2 et 4.3).

Arrêt 2C_195/2014 du 12 janvier 2015.

Cf arrêt de la CJUE du 15 septembre 2015 dans l'affaire Jobcenter Berlin Neukölln contre Nazifa, Sonita, Valentina et Valentino Alimanovic, (C-67/14).

Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, JO L 158 du 30.4.2004, p. 77.

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UE/AELE cesse involontairement son activité lucrative avant l'échéance de son autorisation initiale, à savoir avant la fin des douze premiers mois de séjour en Suisse.

L'annexe I, art. 2, par. 1, sous-par. 2, ALCP permet aux ressortissants des parties contractantes de se rendre dans une autre partie contractante ou d'y rester après la fin d'un emploi d'une durée inférieure à un an pour y chercher un emploi et y séjourner pendant un délai raisonnable qui peut être de six mois. Durant ce laps de temps, ils peuvent être exclus de l'aide sociale. Pour le Conseil fédéral, ce paragraphe s'adresse tant aux titulaires d'une autorisation de séjour de courte durée UE/AELE qu'aux titulaires d'une autorisation de séjour UE/AELE qui perdent leur emploi involontairement durant les douze premiers mois de leur séjour en Suisse car il mentionne «après la fin d'un emploi d'une durée inférieure à un an». Par conséquent, c'est la durée effective de l'occupation de l'emploi qui fait foi et non la durée de validité du contrat de travail ou de l'autorisation.

Suivant le Conseil fédéral, l'annexe I, art. 6, par. 1 et 6, ALCP, se rapportent uniquement à la situation d'une cessation d'activité lucrative après les douze premiers mois de séjour en Suisse. Ce constat est étayé par le fait que l'annexe I, art. 2, par. 1, sous-par. 2, ALCP prévoit une réglementation spécifique du droit de séjour «après la fin d'un emploi d'une durée inférieure à un an». On peut donc en déduire que l'ALCP a voulu régler de manière exhaustive la situation juridique de la cessation de l'activité lucrative durant la première année de séjour en Suisse par l'annexe I, art. 2, par. 1, sous-par. 2, ALCP.

L'al. 1 de l'article proposé se base donc sur le délai prévu à l'annexe I, art. 2, par. 1, sous-par. 2, ALCP en mentionnant que le droit de séjour des titulaires d'une autorisation de courte durée UE/AELE ou de séjour UE/AELE prend fin six mois après la cessation de leur activité lucrative. En outre, la durée admise pour la recherche d'un emploi en qualité de chercheur d'emploi est de six mois en général et peut être prolongée jusqu'à douze mois conformément à l'OLCP (art. 18, al. 2 et 3, OLCP).

En cas d'octroi successif d'autorisations de courte durée UE/AELE, l'al. 1 prévoit que le délai de six mois s'applique à chaque nouvelle autorisation de
courte durée.

Comme mentionné, le Conseil fédéral est d'avis que l'annexe I, art. 2, par. 1, souspar. 2, ALCP se rapporte à la durée effective des rapports de travail et non la durée de validité du contrat de travail ou de l'autorisation. En revanche pour les titulaires d'une autorisation de séjour UE/AELE, l'al. 1 réglemente le droit de séjour en cas de cessation des rapports de travail durant la première année de séjour par opposition à l'al. 4 qui règle quant à lui, le droit de séjour en cas de cessation des rapports de travail après la première année de séjour en Suisse.

L'al. 2 dispose encore qu'en cas de versement d'indemnités de chômage au-delà du délai prévu à l'al. 1, le droit de séjour des titulaires d'une autorisation de courte durée ou de séjour perdure jusqu'à l'échéance du versement de ces dernières; toutefois, les personnes concernées ne peuvent pas prétendre à des prestations d'aide sociale (al. 3).

De l'avis du Conseil fédéral, cette réglementation est compatible avec l'annexe I, art. 24, par. 3, ALCP, qui mentionne que les personnes qui ont occupé un emploi d'une durée inférieure à un an sur le territoire d'une partie contractante, peuvent y 2885

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séjourner, pourvu qu'ils répondent aux conditions d'admission prévues pour les ressortissants UE/AELE sans activité lucrative. Ils doivent donc disposer pour euxmêmes et les membres de leur famille de moyens financiers suffisants pour ne pas devoir faire appel à l'aide sociale pendant leur séjour et d'une assurance-maladie couvrant l'ensemble des risques. Les allocations de chômage auxquelles ils ont droit conformément aux dispositions de la législation nationale, doivent être considérées comme des moyens financiers suffisants.

Ad al. 3 Cet alinéa règle le droit à l'aide sociale en cas de cessation de l'activité lucrative durant les douze premiers mois de séjour en Suisse. Durant le délai de six mois (al. 1) ou au-delà de ce délai en cas de versement d'indemnités de chômage (al. 2), les titulaires d'une autorisation de courte durée UE/AELE et de séjour UE/AELE ne peuvent pas percevoir de l'aide sociale. Cet alinéa reprend la règle fixée à l'annexe I, art. 2, par. 1, sous-par. 2, ALCP, qui permet d'exclure de l'aide sociale les chercheurs d'emploi restés en Suisse à la fin d'un emploi d'une durée inférieure à un an. Pour le Conseil fédéral, cette solution correspond aussi, dans son résultat, à la jurisprudence du TF qui, dans un arrêt de principe récent55, a estimé que le travailleur qui perd son emploi avant l'expiration de la durée prévue par le contrat de travail à la suite d'une période de détention peut rester six mois en Suisse pour y chercher un emploi mais n'a pas droit à l'aide sociale (annexe I, art. 2, par. 1, souspar. 2, ALCP). Lorsque ces derniers touchent des indemnités de chômage (en cas de totalisation des périodes d'assurance), le même principe s'applique.

S'agissant des titulaires d'une autorisation de séjour UE/AELE qui cessent leur activité lucrative durant les douze premiers mois de leur séjour en Suisse (al. 1), il les exclut aussi des prestations d'aide sociale en application de l'annexe I, art. 2, par. 1, sous-par. 2, ALCP durant le délai de six mois fixé à l'al. 1. voire au-delà s'ils touchent des indemnités de chômage en application de l'annexe I, art. 24, par. 3, ALCP.

Cette réglementation se distingue de celle qui a cours au sein des Etats membre de l'UE. Le droit de l'UE56 prévoit un délai de six mois en qualité de travailleur, lorsque le chercheur d'emploi se trouve
en situation de chômage dûment constatée à la fin d'un contrat de travail de durée déterminée inférieure à un an ou après avoir été involontairement au chômage pendant les douze premiers mois et s'est fait enregistré en qualité de demandeur d'emploi auprès du service de l'emploi compétent.

Durant ces six mois, les personnes concernées peuvent toucher des prestations de l'aide sociale. A la fin de ce délai, il prévoit que les citoyens concernés peuvent séjourner sur le territoire de l'Etat membre d'accueil pour y rechercher un emploi 57 sans toutefois pouvoir bénéficier de prestions d'aide sociale.

Le Conseil fédéral est d'avis que l'ALCP permet d'exclure tant les titulaires d'une autorisation de courte durée que ceux d'une autorisation de séjour du versement des prestations de l'aide sociale lorsqu'ils perdent leur emploi durant la première année de leur séjour. Il estime qu'une interprétation restrictive de la marge de manoeuvre 55 56 57

Arrêt 2C_395/2014 du 19 mai 2015, destiné à publication.

Art. 7, ch. 3, let. c, de la directive sur la citoyenneté.

Art. 14, ch. 4, let. b, de la directive sur la citoyenneté.

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offerte par l'application de l'ALCP se justifie également sous l'angle de l'art. 121a, al. 3, Cst., qui prévoit que les étrangers désirant séjourner en Suisse doivent disposer d'une source de revenus suffisante et autonome.

Même lorsque l'aide sociale ou d'autres prestations peuvent être refusées aux des ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE, le droit constitutionnel à des conditions minimales d'existence en vertu de l'art. 12 Cst. demeure réservé, et ce, indépendamment du statut du séjour en Suisse du ressortissant de l'UE ou de l'AELE58.

Ad al. 4 L'al. 4 s'applique aux cas dans lesquels l'activité lucrative cesse après les douze premiers mois de séjour. Le TF59 a admis le principe selon lequel une autorisation de séjour UE/AELE pouvait être révoquée durant les cinq premières années de sa durée de validité car son titulaire pouvait perdre sa qualité de travailleur durant ce laps de temps si certaines circonstances étaient réunies. Dans le cas particulier de la cessation involontaire des rapports de travail après les douze premiers mois de séjour, l'ALCP et la législation actuelle ne définissent pas à quel moment précis un ressortissant d'un Etat membre de l'UE ou de l'AELE au bénéfice d'un titre de séjour perd son droit de séjour. L'annexe I, art. 6, par. 1, ALCP dispose uniquement que lors du premier renouvellement de l'autorisation de séjour, soit après cinq ans de séjour, la durée de validité de l'autorisation peut être limitée à douze mois au minimum lorsque son titulaire se trouve dans une situation de chômage involontaire depuis plus de douze mois consécutifs. En revanche, cet article ne mentionne pas le délai durant lequel la personne concernée conserve sa qualité de travailleur et les droits qui y sont rattachés si elle perd son emploi entre la 2e année de son séjour en Suisse et le moment du renouvellement de son autorisation, soit à la fin de la 5 e année de son séjour. L'al. 4 constitue donc une disposition d'exécution de l'ALCP.

Cette disposition vise à créer une base légale claire visant une pratique uniforme des autorités d'exécution cantonales, étant donné que l'ALCP ne contient aucune réglementation claire en la matière. La réglementation proposée s'appuie sur l'interprétation de l'ALCP (notamment l'annexe I, art. 6, par. 1, ALCP), sur l'esprit des arrêts de
principe de la CJUE60 et sur la jurisprudence du TF. En cas de cessation de son activité lucrative en Suisse, tout travailleur de l'UE/AELE doit pouvoir bénéficier d'un délai raisonnable lui permettant de retrouver un emploi dans notre pays.

Sont réservées les situations d'abus de droit ou de renvoi pour des motifs d'ordre public au sens de l'annexe I, art. 5, ALCP.

En cas de cessation involontaire des rapports de travail après les douze premiers mois de séjour, l'al. 4 mentionne que la personne conserve sa qualité de travailleur et les droits qui y sont rattachés durant encore six mois après la cessation de l'activité lucrative ou durant encore six mois après l'échéance du versement des indemnités de chômage. Durant ces laps de temps, la personne concernée conserve sa qualité de travailleur sous l'angle de l'annexe I, art. 6, par. 6, ALCP. Dès lors 58 59 60

ATF 135 II 265 et arrêt du TF du 29 juillet 2010 2C_222/2010.

Arrêt 2C_390/2013 du 10 avril 2014.

Cf. notamment l'arrêt de la CJUE du 26 mai 1993 en l'affaire Dimitrios Tsiotras contre Landeshauptstadt Stuttgart, C-171-91, point 8.

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qu'elle bénéficie d'un droit de séjour, elle ne peut pas être exclue de l'aide sociale.

L'ALCP ne permet pas une telle exclusion (annexe I, art. 9, par. 2, ALCP).

Le délai de six mois fixé à l'al. 4 permet de prendre en considération la jurisprudence du TF qui, dans un cas d'espèce, a considéré qu'après un séjour de 18 mois, l'intéressé avait perdu son droit de séjour61. En pratique, les personnes concernées par une perte d'emploi dès leur 2e année de séjour en Suisse auront droit, en général, à des indemnités de chômage, en tout cas pendant douze mois (voire, selon les cas, jusqu'à 520 indemnités journalières, soit 24 mois)62.

L'al. 4 permet ainsi, en cas de versement d'indemnités de chômage, le maintien du droit de séjour de la personne concernée pendant au minimum 18 mois et au maximum 30 mois. Dans les très rares cas où une personne, malgré la perte de son emploi, ne peut pas bénéficier d'indemnités de chômage, son droit de séjour en qualité de travailleur subsiste durant les six mois qui suivent la cessation de son activité lucrative. La durée de six mois s'inspire du délai considéré comme raisonnable pour la recherche d'un emploi par la jurisprudence de la CJUE dans un cas concret63 et l'art. 18, al. 2 de l'OLCP.

En outre, combiné avec le versement d'indemnités de chômage, l'al. 4 s'inspire également du délai prévu par l'annexe I, l'art. 6, par. 1, ALCP, qui permet la prolongation de l'autorisation de séjour d'au moins douze mois. Cette durée prend aussi en considération la jurisprudence du TF 64. La CJUE considère que les dispositions du traité relatives à la libre circulation des travailleurs accordent aux ressortissants des Etats membres de l'UE un droit de séjour sur le territoire des autres Etats membres afin d'y exercer ou rechercher un emploi salarié65. Le droit de séjour que les demandeurs d'emploi tirent de ces dispositions peut être limité dans le temps. En l'absence de disposition du droit de l'UE fixant un délai pour le séjour des ressortissants des Etats membres de l'UE à la recherche d'un emploi, les Etats membres d'accueil sont en droit de déterminer un délai raisonnable à cette fin. Toutefois, si, après l'écoulement de ce délai, l'intéressé apporte la preuve qu'il est toujours à la recherche d'un emploi et qu'il a de véritables chances d'être engagé, il ne saurait être
contraint de quitter le territoire de l'Etat membre d'accueil66.

Dans le cas présent, l'al. 4 fixe une limite temporelle à la qualité de travailleur et au droit de séjour lorsque la personne est toujours à la recherche d'un emploi à la fin du délai fixé par l'al. 4, à savoir après au minimum six mois de séjour suivant la fin d'une l'activité lucrative de 12 mois ou plus (en cas de refus de versement d'indemnités de chômage) ou au maximum 30 mois (en cas de versement de 520 indemnités de chômage et de la prolongation du séjour de six mois comprise à 61 62 63 64 65 66

Arrêt 2C_390/2013 du 10 avril 2014.

Cf. art. 27 de la loi du 25 juin 1982 sur l'assurance-chômage; RS 837.0.

Cf. arrêt de la CJUE du 26 février 1991, dans l'affaire The Queen contre Immigration Appeal Tribunal, ex parte Gustaff Desiderius Antonissen, C-292/89.

Cf. arrêts 2C_390/2013 et 2C_495/2014 du 10 avril 2014 Cf. arrêt de la CJUE du 26 mai 1993 en l'affaire Dimitrios Tsiotras contre Landeshauptstadt Stuttgart, C-171-91, point 8.

Cf. arrêts de la CJUE du 26 février 1991, Antonissen, C-292/89, point 21, et du 20 février 1997, Commission/Belgique, C-344/95, point 17. cf. également Arrêt CJUE du 23 mars 2004 dans l'affaire Brian Francis Collins contre Secretary of State for Work and Pensions, C-138/02, points 36 et 37.

2888

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l'al. 4). Cet alinéa pose donc le principe selon lequel, une fois ces délais expirés, la personne concernée n'a plus de réelles chances d'être engagée et la qualité de travailleur s'éteint. Il s'agit aussi de définir une limite temporelle claire à l'arrêt Antonissen de la CJUE67, qui considère que la personne conserve son droit de séjour tant qu'elle prouve qu'elle recherche activement un emploi et qu'elle a de réelles chances d'être engagée. A l'échéance des délais prévus par l'art. 61a p-LEtr, les autorités compétentes ont toujours la possibilité, en vertu du droit existant, de délivrer une autorisation de séjour, par exemple, lorsque des motifs importants l'exigent en cas de situations familiales difficiles ou si la personne concernée désire une nouvelle fois se rendre en Suisse afin d'y rechercher un emploi (art. 18 et 20 OLCP).

En outre, s'il est établi que, conformément à l'art. 61a al. 4 p-LEtr, la personne concernée a perdu sa qualité de travailleur et corollairement son droit de séjour à ce titre, il convient également d'examiner si la personne concernée ne pourrait pas se prévaloir d'un autre droit de séjour en vertu de l'ALCP (séjour en tant qu'inactif, regroupement familial, etc.). En cas de séjour sans activité lucrative, la personne doit pouvoir prouver qu'elle dispose des moyens financiers nécessaires (annexe I, art. 24, par. 1, ALCP).

Ad al. 5 Cet alinéa précise encore que les al. 1 à 4 se réfèrent uniquement aux situations de chômage involontaire, à savoir lorsqu'une personne se trouve privée de son emploi à la suite d'un licenciement. Il ne traite pas de la cessation de l'activité lucrative en raison d'une incapacité temporaire de travail en cas de maladie, d'accident ou d'invalidité.

Art. 83, al. 1 En vertu de l'art. 121a, al. 2, Cst., l'admission provisoire est également soumise aux nombres maximaux et aux contingents. Une dérogation est cependant possible pour les séjours d'une durée n'excédant pas douze mois. C'est pourquoi les nombres maximaux ne s'appliquent à l'octroi d'une admission provisoire que si celle-ci dure plus d'une année (art. 17a, al. 3); en règle générale, les admissions provisoires ne sont pas accordées pour des séjours plus courts. Dans ce cas, les obligations internationales de la Suisse sont réservées (art. 3, al. 2, LEtr, art. 17e, al. 1, let. a, p-LEtr).
Art. 85, al. 7, let. d En vertu de l'art. 121a, al. 2, Cst., les membres de la famille d'une personne admise à titre provisoire qui bénéficient du regroupement familial sont également soumis aux nombres maximaux et aux contingents, à moins que la durée de leur séjour n'excède pas un an. Dans ce cas, les obligations internationales de la Suisse sont réservées (art. 3, al. 2, LEtr; art. 17a, 17e, al. 1, let. a, et 83, al. 1, p-LEtr).

Le message additionnel concernant l'adaptation du projet de loi relatif à l'intégration des étrangers prévoit également l'introduction, à l'art. 85, al. 7, d'une nouvelle let. d.

Une disposition de coordination sera vraisemblablement nécessaire à cet égard.

67

Cf. arrêt de la CJUE du 26 février 1991, Antonissen, C-292/89.

2889

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Art. 97, al. 3, let. f, et 4 L'obligation de communiquer des données en cas de perception de prestations complémentaires (al. 3, let. f) doit être fixée dans la LEtr. En effet, une modification de la LPC (art. 26a p-LPC) doit permettre de créer la base légale idoine permettant l'échange de données.

Par conséquent, l'art. 97, al. 4, p-LEtr crée une obligation pour les autorités migratoires de communiquer certaines données aux organes responsables du versement des prestations complémentaires. Lorsqu'une autorité migratoire cantonale reçoit, en application de l'art. 26a p-LPC, des données relatives au versement d'une prestation complémentaire, elle communique spontanément à l'organe chargé de fixer et de verser la prestation complémentaire, la non-prorogation ou la révocation de l'autorisation de séjour (art. 97, al. 4, p-LEtr). Cette disposition permet aux organes compétents en matière de prestations complémentaires d'évaluer l'octroi des prestations qu'ils versent.

Le Conseil fédéral précisera les modalités et l'étendue de la communication de données dans les ordonnances.

La réglementation concerne en principe tous les étrangers qui séjournent en Suisse sans y exercer d'activité lucrative. Pour les ressortissants d'Etats tiers, les autorisations peuvent être assorties de conditions (art. 32, al. 2 et 33, al. 2, LEtr). Dans ces cas, si la condition pour laquelle l'autorisation a été accordée vient à disparaître, cette dernière peut être révoquée lorsqu'il s'agit d'une autorisation pour laquelle le droit fédéral ne prévoit pas de droit à son obtention. Cette règle s'applique aussi lorsque la condition d'octroi d'une autorisation portait sur des moyens financiers personnels suffisants et que la personne demande ultérieurement des prestations d'aide sociale ou des prestations complémentaires (cf. ch. 1.6.4).

Le message additionnel concernant l'adaptation du projet de loi relatif à l'intégration des étrangers prévoit également l'introduction, à l'art. 97, al. 3, d'une nouvelle let. f.

Une disposition de coordination sera vraisemblablement nécessaire à cet égard.

Art. 103a, al. 2, let. b, et 109d Il s'agit ici d'adaptations relevant de la technique législative (renvoi à l'ALCP et à la convention AELE, ainsi que l'utilisation du sigle «UE»).

Loi sur l'asile Art. 60, al. 1 En vertu de l'art. 121a,
al. 2, Cst., les personnes qui obtiennent l'asile en Suisse et par conséquent une autorisation de séjour sont également soumises aux nombres maximaux et aux contingents (art. 17a, al. 2, let. b, p-LEtr). Dans ce cas, les obligations internationales de la Suisse sont réservées (art. 3, al. 2, LEtr, art. 17e, al. 1, let. a, p-LEtr).

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Art. 66, al. 1 En vertu de l'art. 121a, al. 2, Cst., les personnes qui obtiennent une protection provisoire en Suisse sont également soumises aux nombres maximaux et aux contingents.

(art. 17a, al. 3, p-LEtr). Dans ce cas, les obligations internationales de la Suisse sont réservées (art. 3, al. 2, LEtr, art. 17e, al. 1, let. a, p-LEtr).

Loi du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires Art. 5, al. 1 La nouvelle disposition proposée (al. 1, 1re phrase, p-LPC) permet de ne plus octroyer des prestations complémentaires lorsque l'étranger séjourne en Suisse de manière illégale.

Selon l'art. 5, al. 1 LPC, les étrangers doivent avoir résidé en Suisse de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent l'octroi de prestations complémentaires (délai de carence). Les ressortissants d'Etats contractants pour lesquels la convention de sécurité sociale applicable prévoit une rente extraordinaire sont parfois soumis à un délai de carence de cinq années68. Pour les réfugiés et les apatrides, le délai de carence est également de cinq ans (art. 5, al. 2, LPC). Selon la jurisprudence69 les périodes au cours desquelles une personne a séjourné illégalement en Suisse ne sont pas prises en compte dans la détermination de la durée de séjour. En relation avec le délai de carence, les prestations complémentaires sont octroyées sans égard à une certaine durée de domicile ou de résidence en Suisse pour les ressortissants suisses, les ressortissants d'un Etat de l'UE qui sont soumis au règlement (CE) n° 883/2004, ainsi que les ressortissants de l'AELE, qui sont soumis au règlement (UE) n° 1408/71.

Selon l'art. 4, al. 1, LPC, seules les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales, LPGA70) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires. Cette disposition vaut aussi pour les personnes qui ont atteint le délai de carence ou celles qui ne sont pas soumises à un délai de carence.

Toutefois, selon la jurisprudence du TF relative à l'assurance invalidité71, la perte du droit de séjour n'entraîne pas nécessairement et automatiquement la perte du domicile suisse; ce dernier perdure tant que l'étranger séjourne en Suisse et manifeste sa volonté
d'y rester. Par conséquent, et ce, malgré le fait que l'étranger ne soit plus au bénéfice d'une autorisation de séjour, la résidence en Suisse est reconnue par l'art. 4, al. 1, LPC. La modification proposée doit supprimer cet état de fait.

68 69 70 71

Cf. Directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, ch. marg. 2420.02.

Jugement du Tribunal fédéral des assurances, TFA P 42/90 du 8.1.1992.

RS 830.1 Cf. par ex. l'arrêt I 486/00 du 30 septembre 2004.

2891

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Art. 26a et 26b Comme mentionné dans le commentaire relatif à l'art. 97 p-LEtr, une base légale pour l'échange de données doit être créée à l'art. 26a p-LPC. Aux fins de vérification du droit à séjourner en Suisse, les organes chargés de fixer et de verser les prestations complémentaires communiquent spontanément aux autorités migratoires le versement d'une prestation complémentaire annuelle selon l'art. 3, al. 1, let. a, LPC, et ce, en dérogation à l'art. 33 LPGA.

En outre, il y a lieu d'inscrire aussi dans la loi une disposition faisant obligation aux organes chargés de fixer et de verser les prestations complémentaires de communiquer les cas d'une certaine importance lorsque la personne ne touche que les remboursements des frais de maladie et d'invalidité (art. 3, al. 1, let. b, et 14, al. 6, LPC). Pour des raisons de proportionnalité et de praticabilité, seuls les versements d'une certaine importance seront communiqués. Il s'agit en effet d'éviter de déclencher une avalanche d'annonces pour des montants minimes. Le montant à partir duquel cette communication aura lieu sera défini par voie d'ordonnance.

Les dispositions de la LPGA sont applicables, à moins que la LPC ne déroge expressément à la LPGA (art. 1, al. 1, LPC). Les personnes qui participent à l'application des lois sur les assurances sociales ainsi qu'à leur contrôle ou à leur surveillance sont tenues de garder le secret à l'égard des tiers (obligation de garder le secret visée à l'art. 33 LPGA). Afin de permettre la communication spontanée de données aux autorités migratoires, la dérogation à la LPGA doit être expressément mentionnée à l'art. 26a p-LPC.

Il importe également de préciser dans cet article que la communication de données se limite aux prestations complémentaires régies par le droit fédéral. Certains cantons proposent des prestations complémentaires purement cantonales en plus de l'AVS/AI. Dès lors que tous les cantons ne proposent pas de telles prestations, il n'y a pas lieu de soumettre la perception de telles prestations complémentaires à l'obligation de communiquer des données. Les prestations complémentaires prévues par le droit fédéral se composent de la prestation complémentaire annuelle (art. 3, al. 1, let. a, LPC) et du remboursement des frais de maladie et d'invalidité (art. 3, al. 1, let. b, LPC). La prestation
complémentaire annuelle est une prestation en espèces (art. 15 LPGA) tandis que le remboursement des frais de maladie et d'invalidité est une prestation en nature (art. 14 LPGA).

Le Conseil fédéral doit encore préciser dans la législation d'application quelles sont les données qui doivent être communiquées aux autorités migratoires (cf. commentaire ad art. 97, al. 3, let. f, p-LEtr sous ch. 3 supra).

Sur le plan matériel, l'art. 26a p-LPC relève de l'art. 26 LPC et constitue une lex specialis de cet article; il doit être inséré immédiatement après celui-ci. Etant donné qu'il existe déjà un art. 26a LPC, ce dernier devient nouvellement l'art. 26b.

Le message additionnel concernant l'adaptation du projet de loi relatif à l'intégration des étrangers prévoit également l'introduction d'un nouvel art. 26a. Une disposition de coordination sera vraisemblablement nécessaire à cet égard.

2892

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4

Conséquences

4.1

Conséquences pour la Confédération

4.1.1

Mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

Aujourd'hui, les autorités cantonales et fédérales examinent annuellement environ 13 000 demandes de ressortissants de pays non-membres de l'UE ou de l'AELE, qui souhaitent prendre un emploi en Suisse. Désormais, les autorités migratoires devront garantir en outre le respect des nombres maximaux pour les ressortissants d'Etats tiers qui immigrent en Suisse en tant que personnes sans activité lucrative dans le cadre du regroupement familial ou en tant que requérants d'asile.

La clause de sauvegarde unilatérale proposée pour les ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE engendrera elle aussi un surcroît de travail. Si elle est activée en raison d'une forte immigration, les autorités migratoires devront traiter en plus, par an, quelque 140 000 demandes en faveur de travailleurs ressortissants d'Etats de l'UE ou de l'AELE titulaires d'une autorisation de séjour de courte durée ou d'une autorisation de séjour et quelque 60 000 autres déposées par des frontaliers si les nombres maximaux et les contingents sont fixés sur la base du volume d'autorisations délivrées actuellement. Aucun examen fastidieux, au cas par cas, du respect de la priorité des travailleurs en Suisse et de celui des conditions de salaire et de travail en cas d'activation de la clause de sauvegarde unilatérale n'est prévu.

La mise en oeuvre de l'art. 121a Cst. entraînera donc une hausse significative du nombre de postes au sein des autorités des migrations et du marché du travail, hausse dont l'ampleur dépendra notamment des modalités et de l'application de la clause de sauvegarde unilatérale.

La détermination et la surveillance des nouvelles catégories de nombres maximaux réservés aux ressortissants d'Etats tiers (art. 17a, al. 1 et 2: personnes sans activité lucrative, regroupement familial et domaine de l'asile) ainsi que la clause de sauvegarde unilatérale applicable aux ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE (art. 17c) engendreront des tâches supplémentaires pour les autorités fédérales, tout comme la direction, l'encadrement et le financement de la commission de l'immigration (art. 17f). Un effort financier sera requis en particulier pour l'adaptation nécessaire du système d'information central sur la migration.

Les besoins de la Confédération en personnel, notamment pour la détermination et la
surveillance du seuil de déclenchement et des nombres maximaux et, le cas échéant, des contingents supplémentaires, ainsi que pour l'encadrement de la nouvelle commission de l'immigration, se chiffreront sans doute à moins d'une dizaine de postes.

L'effort financier pour les adaptations de SYMIC devrait, selon les connaissances actuelles, s'élever à à moins d'une dizaine de millions. Cependant, les répercussions concrètes en matière de finances et de personnel sur la Confédération ne pourront être évaluées que lorsque les dispositions d'exécution seront connues.

2893

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4.1.2

Améliorations de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes

Les modifications légales prévues pour améliorer la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes n'engendrent pas de conséquences financières ou en personnel pour la Confédération. L'exécution de ces accords relève en premier lieu de la compétence des cantons.

4.2

Conséquences pour les cantons

4.2.1

Mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

Compte tenu des expériences faites en lien avec l'activation de la clause de sauvegarde prévue dans l'ALCP concernant l'admission des ressortissants des Etats membres de l'UE-17 et de l'UE-872, on peut admettre que l'introduction de nombres maximaux et de contingents dans le cadre de la clause de sauvegarde unilatérale n'amènera pas un surcroît de travail important vu qu'il n'est pas prévu de procéder à un examen supplémentaire, au cas par cas, des conditions de rémunération et de travail ainsi que de la priorité des travailleurs en Suisse.

Contrairement à ce qui est le cas dans le régime de la libre circulation complète des personnes (c'est-à-dire non limitée par des nombres maximaux et des contingents), il ne sera possible, en cas d'activation de la clause de sauvegarde unilatérale, de prendre un emploi et d'élire domicile qu'après avoir obtenu une autorisation dans le cadre des nombres maximaux et des éventuels contingents. Les autorisations seront délivrées en fonction de la date de dépôt de la demande («premier arrivé, premier servi»). Ce système empêchera que certaines branches ou certains secteurs professionnels soient privilégiés suite à un examen du cas particulier.

Les répercussions concrètes en matière de finances et de personnel sur les cantons ne pourront être évaluées que lorsque les dispositions d'exécution seront connues.

4.2.2

Améliorations de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes

Les autorités cantonales d'exécution sont déjà tenues de vérifier si l'étranger qui cesse de travailler peut encore se prévaloir d'un droit de séjour en vertu de l'ALCP.

La réglementation proposée simplifierait cette décision et les contrôles seraient effectués plus régulièrement. Le surcroît de travail ne devrait pas être très important.

En ce qui concerne les cantons, l'on peut s'attendre à de très légères baisses de dépenses dans le domaine de l'aide sociale. En l'état, elles ne sont toutefois pas quantifiables.

72

Etats de l'UE-17: Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède; Etats de l'UE-8: Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie.

2894

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4.3

Conséquences économiques

4.3.1

Mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

Il n'est pas possible, pour l'heure, de faire des prévisions fiables concernant les répercussions économiques de la mise en oeuvre de l'art. 121a Cst. telle que proposée. En effet, les conséquences d'une limitation de l'immigration sur l'économie suisse dépendent dans une très large mesure de la définition du seuil de déclenchement et des effets des nombres maximaux et des contingents sur l'immigration, notamment sur celle des travailleurs étrangers. En vertu de l'art. 121a, al. 3, Cst., les intérêts économiques de la Suisse doivent être pris en compte dans le cadre de la gestion de l'immigration.

En cas d'activation de la clause de sauvegarde unilatérale, la procédure devra s'écarter le moins possible du système actuel. En particulier, le projet ne prévoit pas d'examen au cas par cas ni de la priorité des travailleurs en Suisse ni du respect des conditions de rémunération et de travail. Les entreprises n'auront donc pas à supporter des coûts administratifs beaucoup plus élevés qu'aujourd'hui pour obtenir une autorisation en faveur de ressortissants d'Etats membres de l'UE ou de l'AELE; en outre, les procédures ne devraient pas être plus longues qu'actuellement. Les coûts et la durée des procédures devraient se situer à peu près au même niveau que pour les procédures actuelles applicables aux travailleurs en provenance des Etats membres de l'UE-25 ou de l'AELE73. En 2013, les coûts directs engendrés par la réglementation du recrutement étaient estimés en moyenne à 25 francs pour un travailleur issu d'un Etat membre de l'UE-25 ou de l'AELE, à 419 francs pour un travailleur en provenance de l'UE-274 et à 516 francs pour un travailleur en provenance d'un Etat tiers. La procédure a duré en moyenne 9 jours pour un ressortissant d'un Etat membre de l'UE ou de l'AELE et 20 jours pour un ressortissant d'un Etat tiers75.

De manière générale, on peut partir du principe que les répercussions sur l'économie seront d'autant plus négatives que le seuil de déclenchement sera bas et que les nombres maximaux et les contingents seront restreints par rapport à la demande des entreprises. Il n'est guère possible de chiffrer les coûts liés aux mandats perdus pour cause de postes qui n'auront pas pu être pourvus ou qui l'auront été trop lentement ou de manière non optimale. Le problème de la pénurie de main-d'oeuvre
s'accentuera alors, ce qui ne sera pas sans entraîner des répercussions négatives sur la capacité d'innovation de l'économie et l'attractivité de la Suisse en tant que pôle économique.

73

74 75

Etats de l'UE-25: Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède.

Etats de l'UE-2: Bulgarie et Roumanie.

BSS (2013), Schätzung der Kosten und Vereinfachung der Regulierungen im Bereich der Zulassung von ausländischen Erwerbstätigen zum schweizerischen Arbeitsmarkt (étude réalisée sur mandat de l'ODM, n'existe qu'en allemand).

2895

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Afin d'assurer la plus grande sécurité de planification possible, le niveau des nombres maximaux et des contingents de même que les mécanismes d'attribution pour les entreprises doivent être aussi prévisibles et transparents que possible. Toute incertitude concernant le nouveau système de gestion autonome de l'immigration doit être évitée, car elle risque de freiner les investissements et de nuire à l'attrait du pôle économique suisse76. Par ailleurs, les coûts supplémentaires de la mise en oeuvre du nouveau système doivent être maintenus au niveau le plus bas possible.

A moyen et long terme, il faut s'attendre à ce qu'une limitation significative de l'immigration entraîne un vieillissement de la population active et des difficultés de financement de la prévoyance vieillesse.

Un suivi de l'immigration à l'aide de critères identiques dans toute la Suisse doit permettre, d'une part, d'orienter la gestion de l'immigration en fonction des intérêts de l'ensemble de l'économie et, d'autre part, d'éviter que des groupes d'intérêts ou régions n'exercent une influence excessive.

Si aucune solution consensuelle ne peut être trouvée avec l'UE dans le cadre de l'ALCP, c'est l'ensemble des accords bilatéraux I qui est menacé. Une dénonciation de l'ALCP et, partant, l'extinction des accords bilatéraux I auraient de lourdes conséquences pour différents secteurs économiques majeurs, mais aussi pour l'économie suisse dans son ensemble.

L'accès des entreprises suisses au marché européen, qui est de loin le principal marché d'exportation de la Suisse, serait entravé voire rendu impossible dans de nombreux domaines. Cette situation nuirait grandement à la compétitivité de l'économie suisse et à l'attractivité de la Suisse en tant que pôle économique. Selon une étude que le SECO a commandée à deux instituts de recherche indépendants (BAKBASEL et Ecoplan), une extinction des accords bilatéraux I coûterait, en moins de 20 ans, grosso modo l'équivalent d'un «revenu annuel» actuel de l'économie suisse (cf. ch. 1.1). Il faudrait en outre escompter d'autres effets négatifs du fait de la perte d'attrait de la place économique et de l'incertitude entourant les relations de la Suisse avec son principal partenaire commercial. Or la sécurité de planification revêt un rôle capital dans les décisions des entreprises en matière
d'investissements à long terme en vue de développer des capacités productives et de créer des emplois.

Qui plus est, l'UE pourrait remettre en question d'autres accords qui, de son point de vue, ont un lien avec l'ALCP (par ex. les accords d'association à Schengen et à Dublin). Le maintien des accords bilatéraux I et, partant, l'accès des entreprises suisses à l'espace européen est dans l'intérêt économique de la Suisse.

Toutefois, il est possible aussi que l'UE renonce à dénoncer l'ALCP, mais qu'elle prenne en contrepartie d'autres mesures de compensation (suspension des négociations en cours ou refus de conclure tout nouvel accord; remise en question d'accords existants, par ex. sur la participation au programme Horizon, etc.). Une autre réaction pourrait consister à ce que l'UE n'entreprenne rien et attende l'application de la clause de sauvegarde unilatérale pour voir quelles en sont les répercussions.

76

Cf. Abberger K. et al. (2014), «The Swiss Mass Immigration Initiative: The impact of increased policy uncertainty on expected firm behavior», étude KOF n° 53, octobre 2014.

2896

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Le Conseil fédéral entend consolider et développer la voie bilatérale. Le rapport en réponse au postulat 13.4022 Keller-Sutter «Un accord de libre-échange avec l'UE à la place des accords bilatéraux» a montré qu'un accord de libre-échange de large portée entre la Suisse et l'UE ne pouvait remplacer les accords bilatéraux existants en ce qui concerne l'accès au marché européen. En effet, les accords bilatéraux ont généré, dans plusieurs domaines, des conditions assimilables à celles régnant sur le marché intérieur pour des prestataires suisses exportant vers l'UE, notamment par la sécurité du droit. En outre, ces accords ont permis d'élargir la coopération entre la Suisse et l'UE à des domaines politiques importants, ce qui n'aurait pas été possible dans la même mesure avec un accord de libre-échange. Les accords bilatéraux couvrent donc nettement mieux les intérêts de la Suisse.

Même si l'UE s'abstient de prendre des mesures de compensation, l'insécurité juridique autour de l'ALCP et d'autres accords bilatéraux pourrait nuire à l'attrait et à la compétitivité du pôle économique suisse.

4.3.2

Amélioration de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes

Les améliorations apportées à la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes visent en premier lieu à clarifier sur le plan juridique l'octroi de l'aide sociale et le retrait du droit de séjour en cas de cessation des rapports de travail ainsi qu'à uniformiser les pratiques des autorités cantonales. Par conséquent, ces mesures n'entraînent pas de répercussions économiques.

4.4

Conséquences sur la politique de la Suisse vis-à-vis de l'UE

Une solution concertée entre la Suisse et l'UE sur une clause de sauvegarde permettrait de maintenir l'ALCP. En outre, le protocole en vue de l'extension de l'ALCP à la Croatie pourrait être ratifié. A la date de la ratification de ce protocole, il faut cependant qu'il existe une solution compatible avec l'ALCP. La ratification constitue une condition à la poursuite, dès l'année 2017, de la coopération en matière de recherche avec l'UE (Paquet Horizon 2020). Les acquis de la voie bilatérale seraient ainsi préservés et le Conseil fédéral pourrait poursuivre sa stratégie envers l'UE.

Les acquis de la voie bilatérale seraient ainsi préservés et la stratégie du Conseil fédéral vis-à-vis de l'UE pourrait être poursuivie. En l'absence d'une solution concertée avec l'UE, la Suisse ne pourrait pas ratifier le protocole d'extension de l'ALCP à la Croatie et les relations bilatérales entreraient dans une phase d'insécurité juridique renforcée.

Si le Parlement adoptait le projet incluant la clause de sauvegarde unilatérale, celleci ne pourrait s'appliquer dans un cas concret que si la Suisse dénonçait l'ALCP (cf.

ch. 1.2.3).

En plus, il ne serait pas exclu que l'UE considère l'instauration d'une clause de sauvegarde unilatérale par la Suisse comme une violation de l'ALCP. Elle pourrait 2897

FF 2016

dénoncer l'ALCP, ce qui aurait pour conséquence que l'ensemble des accords bilatéraux I deviendraient automatiquement caducs après six mois. Elle pourrait aussi adopter d'autres mesures compensatoires, telles que la suspension de certaines coopérations entre la Suisse et l'UE. Dans ses conclusions du 16 décembre 2014, le Conseil de l'UE a ainsi souligné que l'association de la Suisse à Schengen/Dublin ainsi que la participation de la Suisse à certains programmes de l'UE pourraient être remises en question.

Le maintien de l'ensemble des acquis de la voie bilatérale ne serait donc pas garanti, ce qui pourrait avoir des conséquences dans de nombreux domaines, notamment l'éducation, la recherche et l'innovation, les transports ainsi que la sécurité intérieure. Une telle situation engendrerait par ailleurs d'importantes répercussions économiques (cf. ch. 4.3).

L'UE lie également la conclusion de nouveaux accords ayant trait au marché intérieur, y compris un accord sur les questions institutionnelles, à une solution pour l'ALCP. En l'absence d'une telle solution, l'objectif du Conseil fédéral de consolider et développer la voie bilatérale serait donc compromis. A terme, la stratégie du Conseil fédéral vis-à-vis de l'UE dans son ensemble pourrait être remise en question.

5

Relation avec le programme de la législature

Le projet a été annoncé dans le message du 27 janvier 201677 sur le programme de la législature 2015­2019 et dans le projet d'arrêté fédéral sur ledit programme.

6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

6.1.1

Mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

Le projet de modification de la LEtr est fondé sur l'art. 121, al. 1, Cst. (compétence législative de la Confédération en matière d'octroi de l'asile et en matière de séjour et d'établissement des étrangers).

Grâce à la détermination de nombres maximaux et de contingents appropriés et à la possibilité offerte au Conseil fédéral de prendre les mesures nécessaires s'ils ne suffisent pas, la Suisse sera en mesure d'observer le droit au respect de la vie privée et familiale (art. 13, al. 1, Cst.) et le principe de non-refoulement (art. 25 Cst.).

77

FF 2016 , ici 1061 et 1104.

2898

FF 2016

6.1.2

Amélioration de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes

D'une manière générale, le droit en vigueur ne permet pas à la Confédération d'harmoniser les réglementations cantonales ou de définir la procédure ou des normes minimales en matière d'aide sociale, notamment par le biais d'une loi-cadre (art. 115 Cst.). Toute intervention de la Confédération dans le champ de l'aide sociale nécessiterait une nouvelle base constitutionnelle78. Il est donc admis par la jurisprudence et la doctrine qu'elle ne peut tirer de la Constitution aucune compétence matérielle pour légiférer sur l'aide sociale.

Toutefois, selon le rapport du Conseil fédéral relatif à l'aide sociale adopté en février 2015, la Confédération bénéficie d'une compétence dans trois cas particuliers: celui des Suisses de l'étranger (art. 40, al. 2, Cst. et 54 Cst.), celui des chômeurs (art. 114, al. 5, Cst.) et celui des personnes relevant de la LAsi. Le législateur fédéral a en effet prévu dans la LAsi certaines dispositions particulières qui s'imposent aux cantons, en se fondant sur l'art. 121, al. 1, Cst.79. Cet article ne lui attribue pas uniquement la compétence de légiférer dans le domaine de l'asile. Cette disposition lui attribue également la compétence de légiférer dans le domaine de l'entrée en Suisse, la sortie, le séjour et l'établissement des étrangers. Par conséquent, le présent projet, y compris le projet d'exclusion de l'aide sociale des chercheurs d'emploi et les membres de leur famille (art. 29a p-LEtr) ainsi que l'exclusion de l'aide sociale prévue à l'art. 61a, al. 3, p-LEtr en cas de perte de l'emploi, se fonde sur l'art. 121, al. 1, Cst.

6.2

Compatibilité avec les obligations internationales

6.2.1

Mise en oeuvre de l'art. 121a Cst.

Respect des obligations dans le cadre des nombres maximaux et des contingents Grâce à la détermination de nombres maximaux et de contingents appropriés et à la possibilité offerte au Conseil fédéral de les rehausser en cas de besoin conformément au droit international, la Suisse peut en principe honorer dans une très large mesure ses obligations internationales (par ex. la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés80 et la CEDH, mais aussi, dans le domaine économique, les accords de l'OMC et les accords de libre-échange).

78

79 80

Cf. rapport du Conseil fédéral du 25 février 2015, p. 51, ch. 8.1.1 «Aménagement de l'aide sociale et des prestations cantonales sous conditions de ressources, Besoins et possibilités d'intervention» donnant suite au postulat de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national «loi cadre relative à l'aide sociale» (13.4010) du 6 novembre 2013 (13.4010). Disponible sous: www.ofas.admin.ch > Accueil > Thèmes > Vieillesse, génération et société > Politique sociale > Aménagement de l'aide sociale.

Cf. rapport du Conseil fédéral du 25 février 2015, p. 6, ch. 2.2.1.

RS 0.142.30

2899

FF 2016

Relation avec l'ALCP Les traités internationaux contraires aux nouvelles dispositions constitutionnelles doivent être renégociés d'ici au 9 février 2017 (art. 197, ch. 11, Cst.). Les accords sur la libre circulation des personnes conclus avec l'UE et l'AELE de même que l'accord-cadre entre la Suisse et le Liechtenstein en font partie (cf. ch. 1.1)81.

Dans la perspective d'une éventuelle adaptation de l'ALCP, le Conseil fédéral a chargé le DFJP, le 20 juin 2014, de déposer auprès de l'UE, en collaboration avec le DFAE et le DEFR, une demande en ce sens. Par courrier du 4 juillet 2014, le SEM a fait parvenir cette demande au chef de la délégation européenne auprès du Comité mixte sur l'ALCP. Le 24 juillet 2014, Madame Catherine Ashton, en sa qualité de haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères, a répondu au président de la Confédération, avec l'aval des Etats membres de l'UE, que des négociations visant à introduire des contingents et des nombres maximaux de même qu'une préférence nationale iraient à l'encontre du principe de la libre circulation des personnes. Le Conseil fédéral a approuvé le 11 février 2015 le mandat de négociations sur l'adaptation de l'ALCP. Le 2 février 2015, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga ont convenu de mener des consultations visant à déterminer s'il existe une voie envisageable pour les deux parties qui permette de mettre en oeuvre le mandat constitutionnel de l'art. 121a Cst. tout en préservant la voie bilatérale. La présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et le président du Conseil de l'Union européenne Jean Asselborn ont convenu le 21 décembre 2015, à l'occasion d'une réunion de travail, de poursuivre et d'intensifier les consultations relatives à l'ALCP. L'objectif des deux parties est de trouver une solution consensuelle qui respecte à la fois la Cst. et l'ALCP. La solution visée devra s'appuyer sur une interprétation de l'actuel ALCP, qui permette d'étendre cet accord à la Croatie tout en répondant aux exigences de la Cst. Lors des consultations, l'accent est mis sur une interprétation commune de l'accord existant. L'art. 14, par. 2, ALCP prévoit qu'en cas de difficultés sérieuses d'ordre économique
ou social, le Comité mixte examine les mesures appropriées pour remédier à la situation. L'objectif est que la Suisse et l'UE conviennent d'une interprétation commune de cet article, interprétation qui soit conciliable les exigences inhérentes à une clause de sauvegarde et à l'art. 121a Cst.

La clause de sauvegarde unilatérale proposée (cf. ch. 1.2.3 et 1.2.4) ne doit être activée que si aucune solution consensuelle répondant aux exigences de l'art. 121a Cst. et de l'ALCP n'est trouvée à temps. En cas de franchissement du seuil de déclenchement et d'introduction consécutive des nombres maximaux et des contingents, la clause de sauvegarde unilatérale ne serait plus conforme à l'ALCP, à la convention AELE (annexe K) et à l'accord-cadre Suisse-Liechtenstein.

81

Rapport du 26 mai 2014 de la Direction du droit international public «Répercussions des nouvelles dispositions constitutionnelles de l'art. 121a et de l'art. 197, ch. 9 (nouvellement ch. 11), sur les obligations de droit public international de la Suisse». Cf.

www.sem.admin.ch > Entrée & Séjour > Libre circulation des personnes Suisse ­ UE/AELE > Mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles sur l'immigration > Infos complémentaires > Documents > Documents complémentaires.

2900

FF 2016

Cependant, il n'est pas exclu que l'UE considère que l'entrée en vigueur de la LEtr révisée, qui prévoit l'introduction d'une clause de sauvegarde unilatérale, constitue déjà une violation de l'ALCP et qu'elle y réponde par des contre-mesures. Dans ce cas, il est possible que l'UE renonce à dénoncer l'ALCP, mais qu'elle adopte d'autres mesures de compensation (suspension des négociations en cours ou refus de conclure tout nouvel accord; remise en question d'accords existants, par ex. sur la participation au programme Horizon).

6.2.2

Amélioration de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes

Compatibilité entre art. 61a p-LEtr et ALCP La question de savoir si l'art. 61a p-LEtr est compatible avec l'ALCP, tel qu'interprété par le TF, est controversée sur trois points. Les arguments qui plaident en défaveur d'une telle compatibilité sont les suivants.

Le premier point concerne la fin automatique du droit de séjour d'un travailleur six mois après la perte de son emploi et l'établissement d'un régime différent en fonction de la durée de l'autorisation de séjour (art. 61a, al. 1 et 4 p-LEtr). L'annexe I, art. 6, par. 6, ALCP et la jurisprudence du TF prévoient en effet le maintien de la qualité de travailleur, et donc du droit de séjour qui en découle, en cas de situation de chômage involontaire82. Selon les arrêts les plus récents du TF, la qualité de travailleur peut certes se perdre en cas de chômage involontaire, mais uniquement lorsque le comportement de la personne implique qu'elle ne recherche plus activement un emploi et qu'elle n'a plus de réelles perspectives d'en trouver un 83.

Le deuxième point controversé concerne l'introduction du critère de la fin du droit au versement d'indemnités de chômage pour définir la fin du droit de séjour (art. 61a, al. 2, p-LEtr). Comme mentionné sous le premier point, une personne se retrouvant involontairement au chômage devrait pouvoir conserver sa qualité de travailleur aussi longtemps qu'elle recherche activement un emploi et qu'elle a de réelles perspectives d'en trouver un. Or la fin du versement des indemnités de chômage n'implique pas dans tous les cas que l'intéressé ait cessé de rechercher activement un emploi ou qu'il ait perdu toutes perspectives d'en trouver un. De plus, il s'agit d'un critère dépendant du droit national, alors que l'ALCP exige que la définition de la qualité de travailleur ne varie pas d'une partie contractante à l'autre, sur la base de l'art. 16 ALCP84.

Le troisième point controversé concerne l'exclusion de l'aide sociale pour les personnes en situation de chômage involontaire qui bénéficient encore de la qualité de travailleur (art. 61a, al. 3, p-LEtr). En vertu de l'annexe I, art. 9, par. 2, ALCP (droit aux mêmes avantages sociaux que les nationaux), aussi longtemps qu'une personne conserve sa qualité de travailleur en vertu des dispositions de l'ALCP, celle-ci devrait en effet pouvoir conserver les avantages qui découlent de cette qualité. Il est 82 83 84

Cf. arrêt 8C_395/2014 du 19 mai 2015, consid. 4.5.

Cf. ATF 141 II 2015, consid. 2.2.1, et arrêt 2C_412/2014 du 27 mars 2014, consid. 3.2 ATF 131 II 339

2901

FF 2016

donc problématique non seulement d'exclure de l'aide sociale les chômeurs involontaires qui conservent leur qualité de travailleur en vertu de l'annexe I, art. 6, par. 6, ALCP (cf. premier point85), mais d'exclure également les chômeurs involontaires pour lesquels une prolongation automatique de la qualité de travailleur serait prévue par le droit national, en l'occurrence par le nouvel art. 61a, al. 1 et 2, p-LEtr (prolongation pour une durée minimale de séjour de 6 mois, voire plus longue en cas de versement d'indemnités de chômage).

Avis du Conseil fédéral Le Conseil fédéral est d'avis que l'art. 61a p-LEtr est compatible avec l'ALCP.

Le délai de six mois prévu par le projet de loi pour le maintien du droit de séjour des titulaires d'une autorisation de courte durée ou de séjour UE/AELE durant la première année de séjour se base sur le délai considéré comme raisonnable par l'ALCP lui-même pour la recherche d'un emploi (annexe I, art. 2, par. 1, ALCP). Le Conseil fédéral est d'avis que cette réglementation s'applique aussi aux titulaires d'un permis de séjour UE/AELE. Dès lors que l'Accord contient une disposition qui peut être appliquée à ces deux catégories d'autorisation de séjour car elle traite de la situation spécifique de la fin «d'un emploi d'une durée inférieure à un an», il n'y a pas lieu de les traiter différemment. Dans les faits, elles se trouvent toutes les deux dans la même situation car elles comptabilisent la même durée de séjour en Suisse lorsqu'elles cessent leur emploi.

Le même raisonnement peut être fait en ce qui concerne le critère de la fin du versement des indemnités de chômage pour définir la fin du droit de séjour et permettre de refuser l'octroi de prestations d'aide sociale durant ce délai. L'accord contient aussi pour ce cas de figure une réglementation (annexe I, art. 24, par. 3, ALCP), qui peut être interprétée pour être appliquée tant aux titulaires d'une autorisation de courte durée UE/AELE qu'aux titulaires d'une autorisation de séjour UE/AELE.

L'accord prévoit que durant le délai de perception des indemnités de chômage, les personnes qui ont «occupé un emploi d'une durée inférieure à un an» doivent être considérées comme des personnes inactives et, par voie de conséquence, ne peuvent pas percevoir de l'aide sociale.

En ce qui concerne la fin du droit de
séjour après la première année de séjour en cas de cessation involontaire des rapports de travail, le projet de loi se base sur l'interprétation de l'ALCP (annexe I, art. 6, par. 6, ALCP) et de la jurisprudence pertinente du TF et de la CJUE afin de poser une limite temporelle au droit de séjour, ce, pour rendre l'art. 61a p-LEtr applicable et efficace en pratique.

En cas de chômage involontaire, l'ALCP prévoit, lors du renouvellement de l'autorisation de séjour, lui aussi, une limitation de la durée de la prolongation de l'autorisation de séjour. Quant à la CJUE, elle pose comme limite temporelle le manque de perspectives de retrouver un emploi, mais estime, dans sa jurisprudence, comme raisonnable un délai de six mois pour trouver un emploi. Le TF a constaté dans un cas d'espèce qu'après une durée de 18 mois de chômage les chances de retrouver un emploi avaient disparues. Le projet de loi laisse quant à lui, un délai minimum de 6 mois et un délai maximum de 2 ans et demi (30 mois en cas de perception de la 85

Cf. arrêt du TF 8C_395/2014 du 19 mai 2015, consid. 4.5.

2902

FF 2016

durée maximale des indemnités de chômage) pour retrouver un emploi. Passé ce délai, il n'est pas déraisonnable d'estimer qu'il n'existe plus de réelles perspectives de retrouver un emploi et que le droit de séjour et à l'obtention de l'aide sociale s'éteint, comme le prévoit le projet de loi. L'automatisme lié à la perte de la qualité de travailleur consacré par l'art. 61a p-LEtr n'empêche pas la poursuite du séjour en Suisse de la personne concernée en vertu d'autres droits découlant de l'ALCP ou de la LEtr.

La fixation de limites temporelles déterminées à la perte du droit de séjour sont nécessaires afin de garantir la sécurité du droit. La réglementation proposée va, dans son ensemble, aussi dans le sens de l'art. 121a, al. 3, Cst., qui prévoit comme condition de l'octroi d'une autorisation de séjour l'existence de moyens financiers suffisants. L'automatisme de la perte du droit de séjour a déjà été jugé conforme par le Conseil fédéral lorsqu'il a mis en place le catalogue de mesures du 24 février 2010.

La réglementation proposée à l'art. 61a p-LEtr en cas de cessation de l'activité lucrative durant la première année de séjour s'inscrit dans la lignée des mesures déjà prises et correspond sur le principe à la législation de l'UE sans aller au-delà. Dès lors que l'art. 61a p-LEtr se fonde sur des disposions de l'ACLP qui prévoient ellesmêmes des limites temporelles au droit de séjour et à l'accès aux prestations d'aide sociale suivant le moment de la perte du droit de séjour ou la catégorie d'autorisation de séjour en question, le Conseil fédéral estime qu'il n'y a pas de violation de l'annexe I, art. 9, par. 2, ALCP qui garantit aux ressortissants UE/AELE le droit aux mêmes avantages sociaux que les nationaux.

Pour les détails, il est renvoyé aux explications juridiques détaillées sur la conformité de l'art. 61a p-LEtr à l'ALCP contenues au ch. 3 supra.

Conformité des art. 29a et 61a p-LEtr à la clause stand still Ni la réglementation de l'art. 29a p-LEtr, qui traite de l'exclusion des chercheurs d'emploi de l'aide sociale, ni celle de l'art. 61a p-LEtr ne violent la clause «stand still» prévue à l'art. 13 ALCP, qui prévoit que les parties s'engagent à ne pas adopter de nouvelles mesures restrictives à l'égard des ressortissants de l'autre partie dans les domaines d'application de l'ALCP. En
effet, la différence de traitement appliquée aux ressortissants de l'UE/AELE par rapport aux ressortissants Suisses en matière d'accès à l'aide sociale découle de l'ALCP lui-même car il permet notamment l'exclusion de l'aide sociale des chercheurs d'emploi ou des personnes sans activité lucrative (cf. art. 2 et annexe I, art. 2, par. 2, et 24 ALCP). Selon la jurisprudence86, la clause «stand still» s'oppose uniquement à l'adoption de mesures discriminatoires (directes ou indirectes) et n'offre pas de garanties supplémentaires à celles prévues par d'autres dispositions de l'ALCP interdisant des discriminations.

De l'avis du Conseil fédéral, le même constat peut être fait en ce qui concerne l'art. 61a p-LEtr, qui contient des mesures précisant l'acquis communautaire.

86

ATF 130 I 26, consid. 3.4.

2903

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6.3

Frein aux dépenses

Le projet ne relève pas du frein aux dépenses au sens de l'art. 159, al. 3, let. b, Cst., car il ne contient pas de dispositions relatives aux subventions et n'entraîne pas la création d'un crédit d'engagement ou d'un plafond des dépenses.

6.4

Conformité à la législation sur la protection des données

Conformément à la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données 87, les organes fédéraux ne sont en droit de communiquer des données personnelles que s'il existe notamment une base légale. Des données personnelles sensibles ou des profils de la personnalité ne peuvent être traités que si une loi au sens formel le prévoit expressément. L'art. 97, al. 3, let. f, et 4, p-LEtr ainsi que l'art. 26a p-LPC, relatifs à l'échange de données portant sur le versement de prestations complémentaires, constituent des bases légales formelles suffisantes, de telle sorte que le projet est conforme à la législation sur la protection des données.

87

RS 235.1

2904

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Annexe

Clause de sauvegarde unilatérale applicable aux ressortissants des Etats membres de l'UE ou de l'AELE (cf. ch. 1.2.3 et 1.2.4) 1re année

2e année

Détermination (A)








1er semestre (A) Commission de l'immigration: recommandation concernant le seuil de déclenchement pour la période d'évaluation de juin (A) à mai (B).

Commissions législatives: audition sur le seuil de déclenchement possible.

Le Conseil fédéral détermine au 1er juin (A) le seuil de déclenchement de la période d'évaluation de juin (A) à mai (B).

Libre circulation intégrale des personnes durant l'année (A).

Evaluation (B)











1er semestre (B) Commission de l'immigration: recommandation concernant le seuil de déclenchement pour la période d'évaluation de juin (B) à mai (C).

Commissions législatives: audition sur le seuil de déclenchement possible pour la période d'évaluation de juin (B) à mai (C).

Le Conseil fédéral détermine au 1er juin (B), à titre provisoire, le seuil de déclenchement de la période d'évaluation de juin (B) à mai (C).

3e année

Limitation (C)

4e année

Limitation (D)

Prolongation possible des mesures
de limitation pour l'année (D).
Nombres maximaux pour les
autorisations UE/AELE durant l'année (C): séjours de courte durée de plus de quatre mois avec exercice d'une activité lucrative et autorisations frontalières incluses pour éviter des effets de contournement.

2e semestre (B) Le Conseil fédéral fixe le nombre maximal pour l'année (C) si le seuil de déclenchement est dépassé au 1er juin (B).

Libre circulation intégrale des personnes durant l'année (B).

Le Conseil fédéral rend sa décision sur le seuil de déclenchement durant le 1er semestre et, si besoin est, sur les nombres maximaux UE/AELE durant le 2e semestre.

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