11.489 Initiative parlementaire Abrogation de l'article 293 CP Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 23 juin 2016

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification du Code pénal, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

23 juin 2016

Pour la commission: Le président, Jean Christophe Schwaab

2016-2214

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Condensé L'initiative parlementaire 11.489 a pour objectif l'abrogation de l'article 293 CP qui rend punissable la «publication de débats officiels secrets». La commission estime important de maintenir la disposition, qui protège la formation de la volonté des autorités, mais souhaite la rendre conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en permettant aux autorités judiciaires de mettre en balance l'intérêt au maintien du secret et les intérêts opposés commandant une information du public.

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Rapport 1

La genèse du projet

1.1

L'initiative parlementaire 11.489

L'initiative parlementaire 11.489, intitulée «Abroger l'art. 293 CP», a été déposée par le conseiller national Josef Lang le 30 septembre 2011 puis reprise par le conseiller national Geri Müller au début de la 49 ème législature, le 14 décembre 2011. Sa teneur est la suivante : «L'article 293 CP (Publication de débats officiels secrets) sera abrogé.» Citant l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 27 mars 1996 dans la cause Goodwin c. Royaume-Uni, l'auteur de l'initiative considère que l'article 293 du code pénal (CP)1 est contraire à l'article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) 2 relatif à la liberté d'expression. Il rappelle que, en 1996 déjà 3, le Conseil fédéral avait proposé l'abrogation de l'article 293 CP. L'argumentation était alors pour l'essentiel la suivante : d'abord, la disposition ne protège que les secrets formels, à savoir les faits déclarés secrets par la loi ou par une décision de l'autorité ; ensuite, il est choquant que le tiers qui a rendu publique l'information soit condamné alors que l'auteur de l'indiscrétion échappe souvent à toute poursuite ­ il reste inconnu ou bénéficie d'une immunité ; enfin, lorsqu'il s'agit de véritables secrets d'Etat ou de secrets militaires, le droit en vigueur prévoit une protection suffisante, indépendamment de l'article 293 CP4. L'auteur de l'initiative rappelle en outre, dans son développement, que la majorité de la commission chargée de l'examen préalable s'était ralliée au point de vue du Conseil fédéral, mais que la proposition d'abrogation avait été rejetée à une courte majorité par les deux conseils, au profit d'un compromis ­ l'introduction de l'actuel alinéa 3.

Le 31 août 2012, la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N) a décidé de donner suite à cette initiative par 12 voix contre 9 avec 2 abstentions. Le 22 octobre 2012, par 5 voix contre 4 avec 2 abstentions, son homologue du Conseil des Etats a donné son accord à l'élaboration d'un projet.

1 2 3

4

Code pénal suisse (RS 311.0) Convention du 4.novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, (RS 0.101) Message du Conseil fédéral du 17. juin 1996 concernant la modification du Code pénal suisse et du Code pénal militaire (droit pénal et procédure pénale des médias ; FF 1996 IV 533 ; objet 96.057) FF 1996 IV 533, 573 s.

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1.2

Travaux de la commission

Deux différentes manières de mettre en oeuvre cette initiative parlementaire ont été discutées : l'abrogation pure et simple de l'article 293 CP et une modification de la disposition. Le 13 novembre 2014, la commission a approuvé, par 18 voix contre 6, un avant-projet qui comportait les deux options. Conformément à la loi sur la consultation5, cet avant-projet a fait l'objet d'une procédure de consultation, qui a duré du 8 décembre 2014 au 31 mars 2015. Les résultats de cette consultation sont présentés dans un rapport6. Le 23 juin 2016, la commission a pris connaissance des résultats de la consultation et décidé d'adopter la version définitive du projet et du présent rapport. A l'unanimité, la commission propose à son conseil d'adopter ce projet.

La commission a été secondée dans ses travaux par le Département fédéral de justice et police, conformément à l'art. 112, al. 1, de la loi sur l'Assemblée fédérale (LParl)7.

2

Contexte

2.1

L'article 293 CP et les dispositions apparentées

Intitulé «Publication de débats officiels secrets», l'article 293 est situé dans le quinzième titre de la partie spéciale du Code pénal, consacré aux «infractions contre l'autorité publique». L'alinéa 1 définit l'infraction : «sans en avoir le droit, livrer à la publicité tout ou partie des actes, d'une instruction ou des débats d'une autorité qui sont secrets en vertu de la loi ou d'une décision prise par l'autorité dans les limites de sa compétence». La sanction est l'amende, d'un montant maximal de 10'000 francs (art. 106 al. 1 CP) ; il s'agit donc d'une contravention (art. 103 CP).

L'alinéa 2 rend la complicité punissable (cf. art. 105 al. 2 CP) et l'alinéa 3, introduit à la fin des années quatre-vingt-dix, permet au juge de «renoncer à toute peine si le secret livré à la publicité est de peu d'importance» ­ la personne condamnée le reste, mais elle est exemptée de toute peine.

Le bien juridiquement protégé est principalement le processus de formation de la volonté des autorités contre les perturbations extérieures. Les membres d'un gouvernement, d'une autorité administrative ou judiciaire doivent, dans le cadre de ce processus, pouvoir librement poser des questions, exprimer leurs propositions, critiques, doutes, etc. La disposition vise ainsi plus à protéger la «sphère privée» des autorités que les informations elles-mêmes8, qui ne sont protégées qu'indirectement.

L'article 293 CP se rapporte à la notion de secrets formels. Sont considérées comme tels les informations qui ont été désignées secrètes de par la loi ou de par une 5 6

7 8

Loi fédérale du 18. mars 2005 sur la procédure de consultation (RS 172.061) Ce rapport peut être consulté sur la page Internet des Commissions des affaires juridiques: https://www.parlament.ch/fr/organe/commissions/commissionsthematiques/commissions-caj/rapports-consultations-caj/consultation-caj-11-489 Loi du 13. décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale (RS 171.10) ATF 107 IV 185, 188 ; G. FIOLKA, in Niggli/Wiprächtiger (édit.), Basler Kommentar, Strafrecht II, Art. 111-392 StGB, 3ème éd., Bâle 2013, Art. 293 N. 8

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décision des autorités. La classification de l'information («interne», «secrète», «confidentielle», etc.) n'est pas déterminante ; il suffit de constater que toute publicité a été exclue par la loi ou une décision. En revanche, une information est matériellement secrète lorsqu'elle n'est connue que d'un cercle restreint de personnes, que le détenteur de l'information ne souhaite pas sa divulgation et qu'il y a un intérêt légitime au maintien du secret ­ ce dernier critère étant essentiel.

Le droit pénal contient des dispositions apparentées. Ainsi, dans le treizième titre relatif aux «crimes et délits contre l'Etat et la défense nationale», l'article 267 réprime la «trahison diplomatique». Le registre est ici plus grave : il s'agit d' «un secret que l'intérêt de la Confédération commandait de garder», la peine est plus sévère et la négligence est aussi punissable. De même, au vingtième titre («Contraventions à des dispositions du droit fédéral»), l'article 329 puni d'amende la «violation de secrets militaires». On trouve aussi des dispositions apparentées dans le Code pénal militaire (CPM) (cf. art. 86 [«Espionnage et trahison par violation de secrets militaires»] et 106 CPM 9 [«Violation de secrets militaires»]).

2.2

Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 10 décembre 2007 dans l'affaire Stoll contre la Suisse

Il s'agissait en l'occurrence de la condamnation d'un journaliste en vertu de l'article 293 CP. Celui-ci avait publié, en 1997, deux articles citant plusieurs passages d'un document stratégique confidentiel rédigé par l'ambassadeur Carlo Jagmetti à propos de l'affaire des fonds en déshérence. Ce cas a eu une influence considérable sur les délibérations des deux conseils relatives à l'article 293 CP, lesquels ont finalement renoncé à abroger cette disposition, allant ainsi à l'encontre de la proposition initiale du Conseil fédéral.

La première instance de recours de la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Suisse (par 4 voix contre 3) pour non-respect de la CEDH. Par la suite, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme a donné raison à la Suisse et a annulé (par 12 voix contre 5) l'arrêt prononcé en première instance, pour l'essentiel aux motifs suivants : La prévention de la divulgation d'informations confidentielles constitue un but légitime. En l'espèce, la divulgation partielle du document stratégique était de nature à porter atteinte au climat de discrétion nécessaire au bon déroulement des relations diplomatiques et à avoir des répercussions négatives sur les négociations que menait alors la Suisse. La garantie que l'article 10 CEDH offre aux journalistes est subordonnée à la condition que les intéressés agissent de bonne foi, sur la base de faits exacts, et fournissent des informations fiables et précises dans le respect de la déontologie journalistique. Les articles litigieux donnaient l'impression que le journaliste avait comme intention première non pas tant d'informer le public sur une question d'intérêt général, mais de faire du rapport de l'ambassadeur un sujet de scandale inutile. Le Conseil de la presse s'est prononcé le 4 mars 1997 sur les articles liti9

Code pénal militaire du 13. juin 1967 (RS 321.0).

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gieux. Sa prise de position, très critique, a été abondamment reprise par la Cour européenne des droits de l'homme. La nature et la quotité de la sanction ont aussi joué un rôle : l'amende de 800 francs, relativement faible, n'est pas disproportionnée par rapport au but visé.

2.3

Motion 06.3038 Lang Josef «Abrogation de l'article 293 CP»

La motion 06.3038, déposée le 9 mars 2006, demandait l'abrogation de l'article 293 CP. Dans son développement, l'auteur avançait que l'article en question restreignait la liberté des médias et était en contradiction avec l'article 10 CEDH et avec l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Goodwin.

Au regard de l'évolution de la situation de 1998 à 2008, le Conseil fédéral a abandonné la position qu'il avait défendue auparavant et a proposé, le 7 mai 2008, de rejeter la motion et, par conséquent, de renoncer à l'abrogation de l'article 293 CP. Son argumentation était la suivante : la teneur de l'article n'est certes pas satisfaisante, mais l'abrogation n'est pas la solution appropriée. L'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Stoll contre la Suisse a démontré qu'il restait de la place pour une répression pénale de la publication des secrets essentiels qui soit conforme à la CEDH. En même temps, il ressortait clairement des considérants que le juge devait pouvoir prendre en compte le contenu de l'information confidentielle et procéder à une pesée des intérêts en présence pour déterminer si une condamnation était justifiée.

La motion n'ayant pas été traitée dans le délai légal, elle a été classée.

2.4

Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 29 mars 2016 dans l'affaire Bédat contre la Suisse

Cet arrêt concerne un journaliste qui avait publié des procès-verbaux d'audition et des lettres qu'un prévenu dans une procédure pénale avait adressées au juge. La première instance de recours de la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Suisse (par 4 voix contre 3) pour non-respect de l'article 10 CEDH. La Grande Chambre a ensuite annulé ce jugement et décidé (par 15 voix contre 2) que les sentences prononcées contre le journaliste pour publication de débats officiels secrets (art. 293 CP) et l'amende de 4000 francs qui lui avait été infligée ne constituaient pas une violation de l'article 10 CEDH.

La Cour devait en particulier mettre en balance, d'une part, le droit du public à être informé et le droit du journaliste à informer ce dernier et, d'autre part, le droit des personnes concernées à bénéficier d'une procédure équitable. Dans ce contexte, elle a souligné notamment l'importance du secret de l'instruction, de l'impartialité de la justice, de la présomption d'innocence et des droits de la personnalité de l'accusé, qui sont garantis par l'article 293 CP. La Cour a également précisé qu'il est du devoir de l'Etat de prendre des mesures actives pour protéger la vie privée d'un 7110

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prévenu dans une procédure pénale (art. 8 CEDH) et que, en l'occurrence, l'article 293 CP remplit cette fonction.

3

Consultation

L'avant-projet mis en consultation proposait deux options de modification du CP : ­

Option A : Le texte est adapté à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en permettant aux autorités judiciaires de mettre en balance l'intérêt au maintien du secret et les intérêts opposés commandant une information du public. Il prévoit l'impossibilité de punir (et non pas seulement la possibilité de renoncer à une sanction) si l'intérêt à la publication est supérieur à l'intérêt à la préservation du secret.

­

Option B : l'article 293 CP est purement et simplement abrogé.

L'option A a été présentée par la majorité de la commission, l'option B, par la minorité.

3.1

Résultats10

Sur les 120 destinataires de la consultation concernant l'avant-projet (laquelle a duré, du 8 décembre 2014 au 31 mars 2015), 58 se sont prononcés (25 cantons, 4 partis politiques et 29 représentants des milieux intéressés). Six destinataires ont expressément refusé de prendre position sur le fond de la question.

Les 25 cantons, 1 parti politique (PDC) et 8 représentants des milieux intéressés ­ notamment des autorités de poursuite pénale - ont approuvé la variante A.

Le principal argument en faveur de la variante A était que l'article 293 CP constitue une base importante pour garantir la libre formation de l'opinion des autorités. De nombreux participants à la consultation ont estimé qu'il était opportun d'adapter la norme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme au sujet de la liberté d'expression (art. 10 CEDH). Plusieurs prises de position ont également soutenu le nouveau motif de non-punissabilité. De plus, elles ont salué le fait que l'article 293 CP, dans sa forme modifiée, offre également aux particuliers sujets à des poursuites pénales, civiles ou administratives, une protection contre la divulgation d'informations confidentielles qui pourraient leur porter préjudice.

L'option A a été critiquée en ce sens qu'elle conduirait à une grande insécurité juridique pour les justiciables. Différents participants à la consultation ont trouvé choquant que l'on instaure pour ainsi dire une norme pénale spéciale pour les journalistes, laquelle prévoit de les punir à la place de la personne qui a violé le secret de 10

Comparer ici le rapport relatif aux résultats sur la procédure de consultation, disponible sur: www.parlement.ch > Organes > Commissions > Commissions thématiques > Commissions des affaires juridiques CAJ > Rapports et procédures de consultation > Procédures de consultations > 11.489 iv. pa. Abrogation de l'article 293 CP.

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fonction. Certains ont affirmé que la variante A n'était pas compatible avec la CEDH. D'autres ont proposé que l'article 293 CP porte sur un délit plutôt que sur une contravention.

Un parti politique (PS) et 12 représentants des milieux intéressés ­ notamment des médias - se sont prononcés en faveur de l'option B.

Aux yeux de plusieurs partisans de l'option B, celle-ci est la seule qui réponde aux exigences de la CEDH. L'un des arguments avancés était que cette option donnerait le signal d'une transparence accrue des actions des autorités. Plusieurs participants à la consultation se sont déclarés convaincus que la protection pénale des secrets resterait garantie même en cas d'abrogation de l'article 293 CP.

Pour certains opposants à l'option B, celle-ci créerait une lacune en matière de garantie du maintien du secret. Quelques-uns ont fait remarquer qu'il pouvait exister des intérêts justifiés à un maintien étendu du secret quand il s'agissait d'affaires internes aux autorités.

Deux partis politiques (PLR, UDC) et 3 représentants des milieux intéressés ont rejeté les options A et B, mais ont soutenu le maintien de l'article 293 CP sans changement.

En faveur du maintien du droit en vigueur, un participant à la consultation a relevé que la disposition était légitime et nécessaire dans sa forme actuelle. Un autre a précisé que la version actuelle de l'article permettait déjà une pesée des intérêts en présence et ainsi une interprétation conforme aux droits de l'homme.

3.2

Evaluation des résultats et décision de la commission

Réunie le 23 juin 2016, la commission a examiné les résultats de la consultation et pris connaissance du fait que la nette majorité des participants à la consultation ­ en particulier 25 cantons ainsi qu'une grande partie des autorités de poursuite pénale ­ s'était prononcée en faveur de l'option A. Ces avis majoritairement positifs confortent la commission dans sa conviction que l'initiative 11.489 devrait être mise en oeuvre de la façon prévue par cette option. Par 16 voix contre 5, la commission a choisi l'adaptation de l'article 293 CP (option A) plutôt que son abrogation (option B). Lors du vote sur l'ensemble, l'avant-projet correspondant à l'option A a été approuvé à l'unanimité.

La commission attache une grande importance à garantir aux autorités la libre formation de leur opinion. Elle est d'avis que la protection pénale des secrets, la protection de la personnalité (art. 8 CEDH) ainsi que le droit à un procès équitable (art. 6 CEDH) resteraient garantis, au sens de l'article 293 CP, en cas d'adoption de l'option A. Cette dernière permettrait en outre d'adapter les normes à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

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4

Commentaire détaillé

L'alinéa 1 mentionne les éléments constitutifs de l'infraction. Ceux-ci sont les suivants : ­

La publication doit concerner des actes, une instruction ou des débats.

Il n'y a de ce point de vue pas de changement par rapport au droit en vigueur.

­

L'information doit émaner d'une autorité, ce par quoi il faut entendre un organe de l'Etat qui exerce des tâches relevant de la puissance publique. Cette autorité peut être fédérale, cantonale ou communale, judiciaire ou administrative.

Cette condition ne change pas non plus par rapport au droit en vigueur.

­

L'information doit avoir été déclarée secrète par la loi ou une décision d'une autorité. Le Tribunal fédéral a déduit de cette formulation que l'article 293 CP ne protège que les secrets formels. Le fait que l'acte soit désigné comme «interne», «secret» ou «confidentiel» n'est pas déterminant, il suffit de constater que toute publicité a été exclue par la loi ou une décision. La notion de «secret formel» se différencie clairement de celle de «secret matériel» ; une information est matériellement secrète lorsqu'elle n'est connue que d'un cercle restreint de personnes, que le détenteur de l'information ne souhaite pas sa divulgation et qu'il y a un intérêt légitime au maintien du secret.

De ce point de vue-là également, le droit en vigueur est maintenu.

­

L'information doit avoir été livrée à la publicité, à savoir rendue accessible à un grand nombre de personnes. Une divulgation en privé ne suffit pas.

Ici aussi, on maintient le droit en vigueur.

­

L'auteur doit avoir la conscience et la volonté de divulguer un secret.

C'est également le cas dans le droit en vigueur.

Par rapport au droit en vigueur, la mention «sans en avoir le droit» peut être biffée, car elle est redondante11. Les articles 14 ss CP sont en effet suffisants pour éviter la condamnation d'une personne ayant commis une infraction, alors qu'elle était autorisée à le faire en vertu de la loi.

Ensuite, l'information doit avoir été déclarée secrète en vertu de la loi ou d'une décision prise par l'autorité «conformément à la loi». Il est en effet important de préciser que l'autorité doit avoir pris la décision sur la base d'une disposition légale lui donnant ce droit. La loi dont il est question dans l'article 293 CP est une loi au sens matériel du terme, qui est synonyme de règle de droit, d'acte normatif, de règle générale et abstraite, et ceci quel que soit son auteur et quelle que soit sa place dans la hiérarchie des normes12. Cette précision n'implique en somme matériellement pas

11 12

G. Fiolka, op. cit. (note 8), Art. 293 N. 33.

A. Auer/G. Malinverni/M. Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. I, 3e éd., Berne 2013, p. 515 s. ; voir aussi l'art. 22, al. 4, LParl (RS 171.10).

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de changement par rapport au droit en vigueur, qui dispose que l'autorité doit avoir pris sa décision «dans les limites de sa compétence».

Il découle de ce qui précède que l'alinéa 1 proposé correspond en substance à celui en vigueur.

L'alinéa 3 en vigueur, qui donne la possibilité au juge de renoncer à toute peine, est remplacé par un motif de non-punissabilité, sur le modèle des articles 119, 133, alinéa 2, 187, alinéa 2, ou encore 320, alinéa 2, CP. Ainsi, l'auteur n'est pas punissable si l'intérêt à la publication était plus important que l'intérêt à la préservation du secret. Cette disposition contraint l'autorité de poursuite pénale à procéder à la pesée des intérêts en présence telle qu'exigée par la jurisprudence de la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme. Elle permet donc à l'autorité de jugement de se pencher sur le contenu du document publié pour ce faire.

La modification proposée à l'alinéa 3 maintient la protection de l'activité gouvernementale et judiciaire, en préservant le processus de formation de la volonté des autorités et la bonne marche de la justice, et, partant, elle maintient la qualité et la sérénité de cette activité. Elle maintient également la protection des personnes privées (prévenus, victimes, témoins, etc.) participant à une procédure (pénale, civile ou administrative) contre la divulgation d'informations susceptibles de leur porter préjudice (atteinte au droit à un procès équitable, au principe de la présomption d'innocence ou encore à la personnalité des victimes). De plus, elle accroît la responsabilité des journalistes, qui sont confrontés à la question de l'opportunité de publier une information sensible. Elle est enfin conforme aux principes développés par la Cour européenne des droits de l'homme, car elle prévoit expressément l'impossibilité de punir (et non pas l'impossibilité de prononcer une sanction, ce qui serait insuffisant) si l'intérêt à la publication était supérieur à l'intérêt à la préservation du secret.

5

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

Tout porte à penser que le présent projet n'aura pas de conséquences financières significatives ni d'effets sur l'état du personnel, tant pour la Confédération que pour les autres collectivités publiques.

6

Relation avec le droit européen

L'objectif de la modification proposée du Code pénal est la mise en conformité de celui-ci avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

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Constitutionnalité et forme de l'acte

La législation en matière de droit pénal relève de la compétence de la Confédération, conformément à l'article 123, alinéa 1, de la Constitution (Cst) 13. La modification d'une loi fédérale doit revêtir cette même forme. Les lois fédérales sont soumises au référendum facultatif (art. 141, al. 1, let. a, Cst.).

13

Constitution (SR 101).

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