Adéquation du personnel au service diplomatique Rapport de la CdG-E du 26 février 2016 Avis du Conseil fédéral du 18 mai 2016

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 158 de la loi sur le Parlement, nous nous prononçons comme suit sur le rapport du 26 février 2016 de la Commission de gestion du Conseil des Etats relatif à l'adéquation du personnel au service diplomatique.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

18 mai 2016

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Johann N. Schneider-Ammann Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Avis 1

Introduction

En janvier 2014, la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) a chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) de procéder à une évaluation portant sur l'adéquation du personnel au service diplomatique, évaluation motivée par des inquiétudes manifestées à ce sujet au cours des dernières années. Jusqu'en juillet 2014, cette étude s'est concentrée sur le recrutement et la fidélisation des collaborateurs du service diplomatique. Le 20 août 2014, la sous-commission de la CdG responsable du dossier a décidé que l'évaluation devait se focaliser sur les compétences du personnel diplomatique et répondre aux questions suivantes: ­

Le DFAE a-t-il défini correctement les compétences nécessaires au service diplomatique?

­

Le système de recrutement permet-il effectivement de trouver des collaborateurs disposant des compétences nécessaires?

­

Le système de fidélisation du personnel est-il approprié pour assurer un effectif de collaborateurs disposant des compétences nécessaires?

Par contre, la question de savoir si la défense des intérêts de la Suisse à l'étranger pouvait être assurée de manière satisfaisante avec le personnel existant n'était pas l'objet de l'évaluation.

Pour mener à bien son évaluation, le CPA a analysé une série de documents (lois, ordonnances, instructions, directives du DFAE, etc.), étudié les dossiers de promotion des années 2012­2014 et mené des entretiens, afin de compléter l'analyse des documents. A l'aide de questionnaires, le CPA a associé le personnel diplomatique à cette évaluation, aux résultats de laquelle il a ajouté les données issues de l'enquête conduite auprès du personnel en 2014 par l'Office fédéral du personnel (OFPER) ainsi que les données relatives au personnel et aux postes de la Direction des ressources du DFAE. Une partie des résultats d'une enquête de l'«Association du Corps diplomatique Suisse» (CDS) effectuée en 2014 a également été intégrée dans cette analyse.

Globalement, l'étude du 10 août 2015 réalisée par le CPA permet de conclure que les systèmes de recrutement et de fidélisation du personnel fonctionnent et ne présentent pas de défaillances majeures qui compromettraient le fonctionnement du service diplomatique. Le CPA a toutefois constaté quelques points faibles, dont une partie est probablement induite par le système. Il soulève la question de l'opportunité de passer d'un système de carrière à un système fonctionnel dans le service diplomatique.

Le rapport du CPA met le doigt sur le manque de spécification des compétences nécessaires pour le personnel du service diplomatique. Il préconise une description détaillée des tâches et des compétences correspondantes pour chaque fonction plutôt que les profils d'exigences définis pour les bandes de fonction dans le système de carrière actuel.

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Le rapport du CPA constate la flexibilité de l'attribution des postes au sein du service diplomatique. A peine 2 % des collaborateurs actuels du service diplomatique ont été engagés sans avoir passé de concours. Il est nettement plus fréquent que les postes du service diplomatique soient occupés par des personnes provenant d'autres domaines du DFAE. Le CPA considère que cette pratique est appropriée, car elle permet de garantir que les postes soient pourvus par les personnes les mieux qualifiées.

Le CPA met en cause certains automatismes observés dans le processus de promotion du personnel et souhaiterait une plus grande transparence dans ce cadre.

Le rapport relève également la difficulté de concilier fonction diplomatique et vie privée, tout en admettant que ce problème reste un défi du fait de la discipline des transferts. A cet égard, le CPA préconise un monitoring efficace du personnel.

Se fondant sur le rapport du CPA, la CdG-E a publié son propre rapport le 26 février 2016. Elle y présente les constats et conclusions les plus importants à ses yeux et formule six recommandations. Le Conseil fédéral se prononce comme suit sur ces recommandations.

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La question de l'adéquation du système de carrière et du système de rémunération semi-fonctionnel reste sans réponse Recommandation 1: examen de l'abandon du service de carrière La CdG-E invite le Conseil fédéral à reconsidérer l'opportunité d'abandonner le système du service de carrière et de le remplacer par un système de carrière et de rémunération fondé sur la fonction occupée.

Le Conseil fédéral voit un lien intrinsèque entre les recommandations 1 et 2 (concordance des compétences avec les tâches). Par définition, un système de carrière n'a pas pour fil directeur principal la diversité des différentes fonctions et des tâches et compétences qui s'y rattachent, mais vise avant tout à donner, dans un cursus professionnel fondé sur le maintien dans le système, une orientation quant à la manière de grimper les échelons à partir du moment où on a été engagé. Autrement dit, le système de carrière s'efforce de simplifier un contexte d'une grande complexité.

Le Conseil fédéral souscrit à l'avis de la CdG-E selon lequel il conviendrait de fixer les exigences en fonction des tâches requises afin de pouvoir définir les compétences adéquates. Or, étant donné qu'un système de carrière englobe des groupes de fonctions, cette démarche ne serait que partiellement faisable dans le système en place.

Le Conseil fédéral est d'accord avec la CdG-E pour dire qu'il faudrait non seulement disposer de descriptions des tâches plus détaillées, mais aussi étudier l'opportunité de passer à un système fondé sur la fonction occupée tenant mieux compte des différences de rythme d'évolution et du niveau de compétence des collaborateurs.

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Toutefois, un tel changement ne signifie pas que la carrière, en tant que processus favorisant l'identification des collaborateurs avec leur mission en matière de politique extérieure, serait abolie. Cela n'est ni souhaitable ni nécessaire, comme le montre le personnel de rotation de la DDC, une catégorie de personnel ayant son identité propre et qui évolue dans un système fonctionnel tout en étant soumise à la discipline des transferts.

Le Conseil fédéral est favorable à l'idée de reconsidérer l'opportunité de remplacer le système actuel par un système de carrière et de rémunération fondé sur la fonction occupée. Il charge donc le DFAE de lui présenter d'ici à début 2017 une première analyse ainsi que des recommandations concernant les étapes suivantes. Cet examen doit s'accompagner d'une étude de faisabilité sous l'angle des conséquences financières à court et à moyen termes qu'un tel changement pourrait induire, compte tenu également des mesures qui devront suivre un tel changement et être mises en oeuvre.

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Optimisations possibles dans le cadre du système en place

3.1

Amélioration de la concordance entre profils d'exigences recherchés et tâches du service diplomatique

Recommandation 2: concordance des compétences avec les tâches La CdG-E demande au Conseil fédéral de veiller à ce que les décisions en matière de ressources humaines au service diplomatique soient prises en fonction de profils d'exigences établis compte tenu non seulement des tâches actuelles et futures, mais aussi des compétences spécifiques requises pour les accomplir.

La CdG-E suggère en outre de davantage tenir compte, dans le développement du personnel, des mutations auxquelles sont soumises les tâches du service diplomatique (par ex. dans la perspective de spécialisations dans les domaines de l'environnement, des nouvelles technologies et de la fiscalité).

Le Conseil fédéral considère la recommandation 2 comme pertinente, mais difficile à mettre en oeuvre de manière isolée. La définition présente de la carrière ne permet guère de valoriser les spécialisations thématiques car, actuellement, l'accession au haut de l'échelle passe par une augmentation des responsabilités de conduite et non par un renforcement des responsabilités thématiques.

En conséquence, le Conseil fédéral préconise l'acceptation de la recommandation 2, sous réserve toutefois d'une analyse en lien avec la recommandation 1. Pour que les décisions en matière de ressources humaines au service diplomatique soient prises en fonction de profils d'exigences plus spécifiques et que le développement du personnel puisse répondre à de nouveaux défis thématiques, il convient tout d'abord d'examiner avec soin la manière d'adapter les conditions systémiques. Les résultats de cet examen doivent être présentés au Conseil fédéral d'ici à début 2017, dans le cadre de l'analyse mentionnée au ch. 2.

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3.2

Niveau hiérarchique inapproprié pour les décisions d'admission

Recommandation 3: niveau hiérarchique approprié pour les décisions d'admission La CdG-E demande au Conseil fédéral de s'assurer que les décisions d'admission au service diplomatique sont prises à un niveau hiérarchique adéquat et que la cheffe ou le chef du DFAE ne se prononce à leur sujet qu'à titre exceptionnel.

Les collaborateurs diplomatiques recrutés sur concours représentent les intérêts de la Suisse à l'étranger; une partie d'entre eux accèdent un jour au rang de chef de mission et donc au plus haut poste de représentation de la Suisse à l'étranger. Ainsi, l'admission au service diplomatique revêt plus qu'une simple valeur symbolique, puisqu'elle exprime un engagement pris à l'égard de la Suisse. Pour le Conseil fédéral, déléguer la décision d'admission à la seule commission ad hoc n'est pas pertinent: il incombe au DFAE d'assumer la responsabilité des décisions en matière de ressources humaines, et celui-ci ne peut pas transférer cette tâche à une instance composée seulement partiellement de délégués internes. Pour les motifs évoqués, le Conseil fédéral estime donc que la compétence des décisions d'admission doit rester du ressort du chef du DFAE.

Le Conseil fédéral est d'avis que la transparence préconisée dans le rapport quant à la composition de la commission d'admission peut être assurée et il se déclare prêt à répondre à cette demande sous une forme appropriée.

3.3

Incertitude quant aux effets du formalisme caractéristique de la procédure de promotion

Recommandation 4: optimisation de la procédure de promotion La CdG-E demande au Conseil fédéral de veiller à la transparence de la procédure de promotion au service diplomatique de sorte que les instruments à disposition et les conditions générales permettent de motiver les décisions prises.

La procédure de promotion actuelle, lourde et complexe, repose sur des faits et des événements transposés par écrit et est juridiquement définie avec précision. Les arguments de (non-)promotion avancés ne sont valables que s'ils sont documentés.

Dans les faits, la transparence de la procédure peut difficilement être améliorée: les éléments de décision sont définis par une base légale, la composition de la commission est claire, la procédure prévoit le droit de demander une décision susceptible de recours contenant tous les arguments ayant fondé la décision de la commission et, enfin, les décisions peuvent être attaquées par voie de recours. Pour chaque décision et dans la communication avec l'instance de recours, l'argumentation tient systématiquement compte des aptitudes du candidat (comparaison des compétences avec les exigences) et des besoins du service.

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De ce fait, le reproche selon lequel les décisions sont généralement prises en fonction de l'ancienneté des collaborateurs n'est pas justifié. Cet aspect entre un peu plus en ligne de compte à l'intérieur des bandes de fonction, puisque l'argument des besoins n'est alors pas utilisé étant donné que les collaborateurs occupent déjà un poste correspondant. Le fait que les promotions ne soient possibles qu'après un nombre minimum d'années dans une classe de salaire est l'une des caractéristiques du système de carrière. La recommandation 4 pose elle aussi implicitement la question de la pertinence d'un passage à un système fonctionnel. Le Conseil fédéral accepte la recommandation invitant à examiner l'opportunité d'un tel changement (recommandation 1). Si l'analyse révèle qu'un passage à un système fonctionnel serait pertinent, la commission de promotion actuelle devient alors obsolète.

Si, au contraire, il s'avère que le système de carrière doit être maintenu, il conviendra d'examiner comment structurer les mécanismes de base de la promotion de telle sorte qu'ils permettent de rendre des décisions le plus pertinentes et transparentes possible moyennant un investissement moindre.

Le Conseil fédéral met l'accent sur l'examen d'un changement d'un système et non sur l'optimisation d'un processus lourd et complexe qui n'aurait plus lieu d'être dans un système fonctionnel.

3.4

Problématique des personnes accompagnantes reconnue, lacunes dans les données de pilotage du personnel

Recommandation 5: données de pilotage du personnel La CdG-E invite le Conseil fédéral à faire en sorte que les données nécessaires à l'évaluation de l'efficacité des dispositions prises dans le domaine des ressources humaines (notamment dans la perspective d'une fidélisation des collaborateurs) soient recueillies et utilisées.

Au 31 décembre 2015, le DFAE comptait 363 collaborateurs diplomatiques. Entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2015, dix collaborateurs ont quitté le service diplomatique, soit parce qu'ils ont été affectés, à leur demande, aux Services généraux soit parce qu'ils ont démissionné. Sur ces dix collaborateurs, quatre étaient célibataires et sans personne accompagnante. Deux des six autres sont partis pour des raisons familiales. Egal à environ 0,5 %, le taux de sortie annuel moyen du service diplomatique est très bas. On ne peut donc pas en déduire que le DFAE a des problèmes à fidéliser son personnel.

Le Conseil fédéral accepte la recommandation 5 dans la mesure où le DFAE s'engage à aborder systématiquement, lors des entretiens de départ avec des collaborateurs du service diplomatique, la question des motifs de sortie, en particulier en lien avec les personnes accompagnantes.

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La question de l'adéquation du système de rémunération reste sans réponse Recommandation 6: examen de la rémunération des collaborateurs du service diplomatique La CdG-E invite le Conseil fédéral à lui présenter un rapport dans lequel il indiquera quelle est la rémunération effectivement perçue par le personnel du service diplomatique en Suisse et à l'étranger (traitement, y c. les différents suppléments et indemnités pour frais, compte tenu des éventuels privilèges fiscaux). Sur cette base, il examinera, d'une part, dans quelle mesure les indemnités perçues sont adéquates et, d'autre part, si leur versement n'occasionne pas une inégalité de traitement des collaborateurs employés à l'étranger et rattachés ou non au service diplomatique et des collaborateurs de l'administration fédérale en général.

La structure de base du système d'allocations actuel se fonde sur l'analyse du groupe de travail pour un nouveau système des salaires à l'étranger (abrégé ARBA; pas d'abréviation officielle en français), qui avait été chargé, en 1995­1996, d'adapter, avec le concours de l'OFPER, du Contrôle fédéral des finances (CDF) et de représentants de l'économie privée, le système d'allocations d'alors aux nouveaux besoins et à la nouvelle donne en formulant des recommandations. Depuis, certaines composantes ont subi des adaptations minimes. La base des prestations versées à l'étranger tient compte des conditions prévalant sur le lieu d'affectation en termes de qualité de vie (par ex. menace terroriste, criminalité, pollution).

Le principe qui sous-tend les prestations à l'étranger veut que le personnel transférable affecté à l'étranger soit sur un pied d'égalité avec le personnel transférable employé en Suisse. Ainsi, les prestations à l'étranger indemnisent les frais supplémentaires résultant de l'affectation à l'étranger par rapport au lieu d'affectation de Berne, et tiennent comptent également des charges inférieures au lieu d'affectation à l'étranger du fait de l'exemption fiscale et du coût de la vie moindre.

Pour garantir une égalité de traitement de tous les employés de la Confédération affectés à l'étranger, les détachements depuis d'autres départements sont soumis à l'ordonnance du DFAE du 20 septembre 2002 concernant l'ordonnance sur le personnel de la Confédération1 ou à l'ordonnance du 2 décembre 2005 sur le personnel affecté à la promotion de la paix, au renforcement des droits de l'homme et à l'aide humanitaire2 (pour les missions de courte durée) et gérés par le DFAE.

L'introduction au 1er mars 2015 de la discipline des transferts pour le personnel de rotation de la DDC garantit l'égalité de traitement en termes de prestations à l'étranger avec les services de carrière.

Le Conseil fédéral accepte la recommandation 6 en chargeant le DFAE de lui soumettre d'ici au 30 juin 2017 un rapport sur les prestations à l'étranger à l'intention de la CdG-E.

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RS 172.220.111.343.3 RS 172.220.111.9

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Prochaines étapes

Le DFAE procédera aux examens demandés par la CdG-E conformément à l'avis du Conseil fédéral et en présentera les résultats au Conseil fédéral dans les délais mentionnés. Il y intégrera l'analyse en cours menée par l'OFPER sur le développement du système salarial de la Confédération (stratégie d'adaptation d'ici à fin septembre 2016).

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