16.401 Initiative parlementaire Prolongation de la validité de l'art. 55a LAMal Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 24 février 2016

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi sur l'assurance-maladie (LAMal)1 que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet de l'acte ci-joint.

24 février 2016

Pour la commission: Le président, Ignazio Cassis

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RS 832.10

2016-0611

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Rapport 1

Genèse du projet

Le 18 décembre 2015, le Conseil national a rejeté au vote final l'objet «LAMal.

Pilotage du domaine ambulatoire» (15.020 n) par 97 voix contre 96 et 1 abstention.

Modifié par les deux conseils, ce projet de loi du Conseil fédéral visait à inscrire définitivement dans la législation, à partir du 1er juillet 2016, une disposition relative au pilotage du domaine ambulatoire limitée au 30 juin 2016. Le 22 janvier 2016, eu égard à ce résultat serré et au fait que le Conseil des Etats avait, quant à lui, adopté le projet par 31 voix contre 13, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a, dans le cadre du traitement de l'initiative du canton de Genève «L'ouverture de nouveaux cabinets médicaux» (12.308 é), approuvé une proposition visant à réexaminer cette question.

Dans la foulée, par 12 voix contre 10 et 2 abstentions, elle a décidé de déposer l'initiative «Prolongation de la validité de l'art. 55a LAMal» (16.401 n). Cette initiative vise à prolonger la réglementation prévue à l'art. 55a LAMal, sans interruption et pour une durée de trois ans, c'est-à-dire jusqu'au 30 juin 2019, sous la forme d'une loi fédérale urgente. Le 2 février 2016, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats (CSSS-E) a approuvé cette décision par 8 voix contre 3 et 1 abstention.

Le 24 février 2016, à l'unanimité, la CSSS-N a approuvé à l'intention du Conseil national le présent rapport et le projet d'acte ci-joint, qu'elle a également soumis au Conseil fédéral pour avis.

Considérant que le Conseil fédéral avait déjà mené une vaste consultation sur son projet «LAMal. Pilotage du domaine ambulatoire» (15.020 n) et que les milieux directement concernés avaient déjà donné leur avis sur le projet 15.020 modifié par les deux conseils, et vu l'urgence de la situation, la commission a renoncé à mener une nouvelle procédure de consultation.

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Grandes lignes du projet

Le projet propose de prolonger dans sa forme actuelle la limitation de l'admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins (AOS) qui arrive à échéance le 30 juin 2016. La durée de validité de cette disposition sera limitée à trois ans.

La prolongation provisoire de la limitation de l'admission à pratiquer à la charge de l'AOS offre aux cantons qui en ont besoin un outil de pilotage efficace. En outre, les réglementations cantonales de mise en oeuvre peuvent être maintenues et les cantons peuvent assujettir l'admission à certaines conditions. En leur donnant la compétence de désigner les fournisseurs de prestations concernés par la limitation de l'admission, les cantons qui doivent agir pourront le faire. Ceux qui ne sont par contre pas confrontés à la même problématique, voire qui sont confrontés à un sous-appro3350

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visionnement ne seront pas contraints d'intervenir. De plus, afin d'éviter les effets indésirables d'une anticipation de l'entrée en vigueur de la disposition par les fournisseurs de prestations, il reste prévu de retirer les admissions qui n'ont pas été utilisées dans un délai donné.

Il importe toutefois de trouver rapidement une réglementation qui permette de freiner la hausse des coûts de manière ciblée et durable. A cet égard, le postulat de la CSSS-CE «Possibilités de remplacer le système actuel de gestion en matière d'admission de médecins» (16.3000 e) charge le Conseil fédéral, avec le concours des parties prenantes, de présenter un rapport sur les possibilités d'introduire un système de gestion en matière d'admission qui tienne compte du besoin de médecins habilités à pratiquer à la charge de l'AOS. La motion de la CSSS-CN «Système de santé. Equilibrer l'offre de soins en différenciant la valeur du point tarifaire» (16.3001 n) charge quant à elle le Conseil fédéral de soumettre au Parlement des propositions de modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal) basées sur les résultats du rapport élaboré en réponse au postulat 16.3000. Cette motion demande aussi au Conseil fédéral d'évaluer différentes pistes en vue d'optimiser l'offre ambulatoire, notamment par un échelonnement de la valeur du point tarifaire en fonction de la région, de la gamme de prestations ou de critères de qualité.

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Commentaire article par article

Art.55a, al. 1 Cet alinéa donne, comme dans la réglementation actuelle, la compétence au Conseil fédéral de faire dépendre l'admission des fournisseurs de prestations de la preuve d'un besoin. Comme c'est le cas actuellement, cette mesure concerne les médecins pratiquant à titre indépendant ou à titre dépendant ainsi que les médecins qui exercent au sein d'une institution au sens de l'art. 36a ou dans le domaine ambulatoire d'un hôpital au sens de l'art. 39 LAMal.

Art. 55a, al. 2 A l'al. 2 de l'art. 55a LAMal, il est prévu à titre dérogatoire, de ne pas exiger de preuve du besoin pour les personnes qui ont exercé pendant au moins trois ans dans un établissement suisse de formation reconnu. Cette dérogation a été introduite par le Conseil national au cours des débats et approuvée par le Conseil des Etats. Le but de cette réglementation est de faciliter l'intégration des personnes concernées dans le système de santé suisse ainsi que d'assurer la qualité des soins et la sécurité des patients. Il convient de ne pas imposer des limitations ou des obstacles aux jeunes médecins suisses ou aux étudiants étrangers ayant obtenu un titre postgrade suisse qui veulent continuer d'évoluer professionnellement. La réglementation prévue à l'actuel art. 55a, al. 2, LAMal doit par conséquent être maintenue sans modification.

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Art. 55a, al. 3 L'art. 55a, al. 3, LAMal précise que le Conseil fédéral fixe les critères permettant d'établir la preuve du besoin après avoir consulté les cantons, les fédérations de fournisseurs de prestations, les fédérations des assureurs et les associations de patients. Le Conseil fédéral a édicté ces dispositions dans l'ordonnance du 3 juillet 2013 sur la limitation de l'admission des fournisseurs de prestations à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie obligatoire (OLAF)2 après avoir consulté les milieux intéressés.3 Art. 55a, al. 4 Ce sont les cantons qui désignent les personnes visées à l'al. 1. Ils peuvent notamment faire usage de cette compétence, dans le respect de l'art. 36 de la Constitution (Cst.)4, pour garantir la couverture des soins sur l'ensemble du territoire et notamment dans les régions périphériques, en assortissant par exemple l'admission de la condition que les fournisseurs de prestations pratiquent dans un lieu donné. De même, ils peuvent envisager d'encourager une meilleure coordination des soins en posant comme condition que le médecin appartienne à un réseau de soins intégrés.

Art. 55a, al. 5 La disposition selon laquelle une admission expire s'il n'en est pas fait usage dans un certain délai est maintenue afin d'éviter de possibles blocages du système. En effet, les médecins qui demandent une admission mais n'en font pas usage empêchent d'autres médecins d'accéder au marché, mettant par ailleurs potentiellement en péril l'approvisionnement en soins.

Dispositions transitoires L'al. 1 des dispositions transitoires prévoit que la preuve du besoin n'est pas exigée pour les médecins admis avant le 30 juin 2016 et qui, avant cette date, ont pratiqué dans leur propre cabinet à la charge de l'AOS. Cette disposition s'applique également aux médecins qui, avant le 30 juin 2016, ont exercé au sein d'une institution au sens de l'art. 36a LAMal ou dans le domaine ambulatoire d'un hôpital au sens de l'art. 39 LAMal, à condition qu'ils poursuivent leur activité dans la même institution ou dans le service ambulatoire du même hôpital. Cette disposition doit être maintenue afin de sauvegarder les droits acquis, étant donné qu'il n'existait pas de limitation des admissions entre le 1er janvier 2012 et le 30 juin 2013.

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RS 832.103 Le rapport sur les résultats de l'audition sur le dernier projet relatif à l'OLAF a été publié en janvier 2014 sous www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation et d'audition terminées > 2013 > OLAF.

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Mandat au Conseil fédéral Ce mandat vise à garantir qu'une nouvelle réglementation puisse entrer en vigueur sans interruption le 1er juillet 2019, après l'expiration de la présente loi le 30 juin 2019, et que les travaux nécessaires soient lancés en temps utile. La motion 16.3001 de la CSSS-N (Système de santé. Equilibrer l'offre de soins en différenciant la valeur du point tarifaire) et le postulat 16.3000 de la CSSS-E (Possibilités de remplacer le système actuel de gestion en matière d'admission de médecins) ont justement pour objet de définir cette nouvelle réglementation. Compte tenu du contexte politique actuel, on peut s'attendre à ce que ces deux interventions soient adoptées par les conseils d'ici le vote final sur la présente loi.

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Conséquences

4.1

Conséquences financières et effet sur l'état du personnel

La réglementation propose de maintenir la situation actuelle, de manière limitée dans le temps, de sorte que le projet n'entraîne aucune conséquence financière ni effet sur l'état du personnel.

4.2

Mise en oeuvre

Comme indiqué au ch. 1, le projet reconduit de manière provisoire une réglementation limitée existante. Il ne contient aucune disposition impliquant de nouvelles tâches d'exécution.

4.3

Autres conséquences

Le projet vise au maintien provisoire de la situation actuelle. Aucune autre conséquence ne devrait en résulter.

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Relation avec le droit européen

Aux termes de l'art. 3 du Traité sur l'Union européenne (TUE) 5, l'Union a pour mission de promouvoir la justice et la protection sociales. La libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union est fixée à l'art. 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)6. L'accord du 21 juin 1999 sur la libre circulation des personnes (ALCP)7, d'autre part, est entré en vigueur le 1er juin 2002. Son objectif est notamment d'accorder aux ressortissants des Etats membres de la Com5 6 7

JO C 191 du 29 juillet 1992 JO C 306 du 17 décembre 2007 RS 0.142.112.681

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munauté européenne et de la Suisse un droit d'entrée, de séjour, d'accès à une activité économique salariée, d'établissement en tant qu'indépendant ainsi que le droit de demeurer sur le territoire des parties contractantes (art. 1, let. a, ALCP). L'art. 1, let. d, de l'accord fixe également comme but que les mêmes conditions de vie, d'emploi et de travail que celles accordées aux nationaux soient accordées aux ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne et de la Suisse.

Ainsi et conformément à l'annexe I de l'accord, il est prévu que les ressortissants d'une partie contractante qui séjournent légalement sur le territoire d'une autre partie contractante ne sont pas discriminés en raison de leur nationalité (art. 2 ALCP) et que le droit de séjour et d'accès à une activité économique est garanti (art. 4 ALCP).

L'accord prévoit par conséquent à son art. 7, let. a, que les parties contractantes règlent notamment le droit à l'égalité de traitement avec les nationaux en ce qui concerne l'accès à une activité économique et son exercice ainsi que les conditions de vie, d'emploi et de travail.

La libre circulation des personnes requiert une coordination des régimes nationaux de sécurité sociale, ce que prévoit l'art. 48 TFUE. Le droit de l'Union ne prévoit pas l'harmonisation des régimes nationaux de sécurité sociale, les Etats membres conservant la faculté de déterminer la conception, le champ d'application personnel, les modalités de financement et l'organisation de leur système de sécurité sociale. La coordination des régimes nationaux de sécurité sociale est mise en oeuvre par le règlement (CE) no 883/20048 et par son règlement d'application no 987/20099. Depuis l'entrée en vigueur de l'ALCP, la Suisse participe à ce système de coordination sur la base de l'ancien règlement du Conseil no 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, ainsi que sur la base de son règlement d'application no 574/7210.

Le droit européen établit des normes en matière de libre circulation des personnes, mais pas d'harmonisation des régimes nationaux de sécurité sociale. Au regard de l'ALCP, la Suisse demeure par conséquent libre de régler l'exercice d'une
profession comme elle l'entend, compte tenu des engagements internationaux pris dans le cadre de l'ALCP et de la convention AELE, notamment en ce qui concerne la nondiscrimination en raison de la nationalité d'une personne (art. 2 ALCP et art. 2, annexe K de la convention AELE). Selon une juridiction constante, le principe de non-discrimination interdit toute discrimination non seulement directe, mais aussi indirecte (mesures qui ne s'appliquent pas en fonction de la nationalité, mais qui de fait portent à conséquence pour la plupart des ressortissants d'un autre Etat ou qui prévoient des conditions plus faciles à remplir par les ressortissant du pays).

En vertu de l'art. 55a, al. 1, LAMal, tous les médecins sont soumis à la preuve du besoin pour être admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Il 8

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Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, JO L 166 du 30 avril 2004, p. 1; rectifié dans JO L 200 du 7 juin 2004.

Règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, JO L 284 du 30 octobre 2009, p. 1.

RS 0.831.109.268.1 et 0.831.109.268.11

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n'y a donc pas de discrimination, ni directe ni indirecte. Selon l'art. 55a, al. 2, la preuve du besoin ne doit pas être établie pour l'admission des médecins ayant travaillé pendant au moins trois ans dans un établissement suisse de formation reconnu.

La recherche et la doctrine ne s'accordent pas sur la question de savoir si cette disposition constitue une discrimination indirecte11. Conscient de cette situation, le législateur a néanmoins décidé d'intégrer la disposition dans le droit en vigueur, car le préalable d'une formation de trois ans dans un établissement suisse reconnu comme condition pour pratiquer de manière dépendante ou indépendante se justifie, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice européenne et à l'application autonome de la convention par la Suisse (art. 5, annexe I, ALCP et art. 2, annexe K, convention AELE), pour des raisons d'assurance de la qualité, d'intégration dans le système de santé suisse, de sécurité des patients et de stabilisation des coûts.

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Bases légales

6.1

Constitutionnalité et légalité

Ce projet de loi se fonde sur l'art. 117 Cst., qui confère à la Confédération une large compétence en matière d'organisation de l'assurance-maladie.

6.2

Délégation de compétences législatives

Le présent projet autorise le Conseil fédéral à arrêter des dispositions dans les domaines suivants: ­

faire dépendre de la preuve d'un besoin l'admission de certains fournisseurs de prestations (art. 55a, al. 1),

­

fixer le délai relatif à l'expiration d'une admission.

6.3

Forme de l'acte

La prolongation de l'art. 55a LAMal doit être édictée sous la forme d'une loi fédérale urgente limitée dans le temps. Aux termes de l'art. 165, al. 1, Cst., une loi fédérale peut être déclarée urgente lorsque son entrée en vigueur ne souffre aucun retard. L'urgence est dans ce cas motivée par une augmentation non maîtrisable des admissions à pratiquer et par l'augmentation des coûts qui en découlerait dans le domaine ambulatoire. L'abandon du système de l'admission selon le besoin au 1er juillet 2016 renferme le risque de voir le nombre de fournisseurs de prestations augmenter de manière spectaculaire en particulier dans les cantons frontaliers, comme ce fut le cas entre 2012 et le premier semestre 2013, période durant laquelle 11

Astrid Epiney, Vorübergehende Wiedereinführung der bedarfsabhängigen Zulassung frei praktizierender Ärzte, in: Jusletter du 22 avril 2013; et: Thomas Cottier et Rachel Liechti, KVG-Teilrevision: zur Vereinbarkeit mit dem bilateralen Freizügigkeitsabkommen Schweiz-EU, in: Jusletter du 10 juin 2013

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il n'y avait pas de limite d'admission. Sans clause d'urgence, il faudra accepter que l'augmentation des coûts soit durable, car on ne pourra pas exclure des praticiens pratiquant déjà à la charge de l'AOS sans prendre des mesures qui empièteraient de manière disproportionnée sur leurs droits. Une loi fédérale urgente peut entrer en vigueur avant que la situation s'aggrave et offre la possibilité de limiter l'admission à pratiquer à la charge de l'AOS sans porter atteinte à la santé des assurés ni aux droits des fournisseurs de prestations.

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