ad 13.075 Message additionnel concernant la modification de la loi sur le Tribunal fédéral (Création d'une cour d'appel au Tribunal pénal fédéral) du 17 juin 2016

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, En complément du message du 4 septembre 2013 concernant la modification de la loi sur le Tribunal fédéral (extension du pouvoir d'examen aux recours en matière pénale), nous vous soumettons, en vous proposant de l'approuver, le présent message additionnel (création d'une cour d'appel au Tribunal pénal fédéral), accompagné d'un projet de modification de la loi sur l'organisation des autorités pénales (projet 1) et d'un projet d'ordonnance de l'Assemblée fédérale portant modification de l'ordonnance sur les juges et de l'ordonnance sur les postes de juge au Tribunal pénal fédéral (projet 2).

Simultanément, nous vous proposons de classer le projet de modification de la loi sur le Tribunal fédéral que nous vous avons soumis avec le message du 4 septembre 2013, ainsi que l'intervention parlementaire suivante: 2010

M 10.3138

Etendre le pouvoir de cognition du Tribunal fédéral aux recours introduits contre un arrêt du Tribunal pénal fédéral (E 10.6.10, Janiak; N 17.12.10)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'expression de notre haute considération.

17 juin 2016

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Johann N. Schneider-Ammann Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2016-0797

5983

Condensé En réponse à la motion Janiak, qui demandait l'extension du pouvoir de cognition du Tribunal fédéral aux recours introduits contre un arrêt du Tribunal pénal fédéral, de façon à permettre un réexamen des faits, le Conseil fédéral a soumis un message au Parlement le 4 septembre 2013. Les Chambres fédérales ont renvoyé l'objet en demandant au Conseil fédéral d'élaborer les bases légales permettant de créer une cour d'appel indépendante auprès du Tribunal pénal fédéral.

Genèse du projet Selon le droit en vigueur, les arrêts des cours des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral peuvent faire l'objet d'un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier peut juger en droit mais non en fait, à moins que les faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit. Cette règle s'écarte du système prévu par le code de procédure pénale, selon lequel les décisions de première instance peuvent être attaquées devant une juridiction disposant du plein pouvoir d'examen.

Les Chambres fédérales ont transmis au Conseil fédéral la motion Janiak 10.3138 «Etendre le pouvoir de cognition du Tribunal fédéral aux recours introduits contre un arrêt du Tribunal pénal fédéral», qui charge le gouvernement de permettre au Tribunal fédéral de rejuger en fait les arrêts du Tribunal pénal fédéral. Elles ont cependant renvoyé au Conseil fédéral son message du 4 septembre 2013 portant modification de la loi sur le Tribunal fédéral, en lui intimant d'élaborer un projet qui vise à créer une cour d'appel indépendante au sein du Tribunal pénal fédéral.

Contenu du projet Le projet 1, sous la forme d'une modification de la loi du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales, prévoit la création d'une cour d'appel au sein du Tribunal pénal fédéral. Il instaure également une vice-présidence dans chaque cour de ce tribunal.

Le projet 2 modifie deux ordonnances de l'Assemblée fédérale: l'ordonnance du 13 décembre 2002 sur les juges et celle du 13 décembre 2013 sur les postes de juge au Tribunal pénal fédéral. Il s'agit de dispositions d'exécution de la modification de la loi sur l'organisation des autorités pénales.

5984

FF 2016

Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

Selon le droit en vigueur, les arrêts des cours des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral peuvent faire l'objet d'un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier peut juger en droit mais non en fait, à moins que les faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit. Cette règle s'écarte du système prévu par le code de procédure pénale (CPP)1, selon lequel les décisions de première instance peuvent être attaquées devant une juridiction disposant du plein pouvoir d'examen.

Les Chambres fédérales ont transmis au Conseil fédéral la motion Janiak 10.3138 intitulée «Etendre le pouvoir de cognition du Tribunal fédéral aux recours introduits contre un arrêt du Tribunal pénal fédéral». Elle charge le gouvernement d'étendre le pouvoir de cognition du Tribunal fédéral aux recours introduits contre un arrêt du Tribunal pénal fédéral, de façon à permettre un réexamen des faits. Suite à cette motion, le Conseil fédéral a présenté, le 4 septembre 2013, un message portant modification de la loi sur le Tribunal fédéral.

Les Chambres fédérales sont entrées en matière. Le Conseil des Etats, le 10 décembre 2014, et le Conseil national, le 5 mai 2015, ont décidé de renvoyer le projet au Conseil fédéral en le chargeant d'élaborer un projet visant à créer une cour d'appel indépendante au sein du Tribunal pénal fédéral.

1.2

Dispositif proposé

Le projet 1 prévoit essentiellement la création d'une cour d'appel au sein du Tribunal pénal fédéral. Cette cour se chargera exclusivement des appels et des demandes de révision; les compétences de la cour des plaintes ne lui seront pas transférées (voir art. 20, al. 2, CPP). La cour d'appel fera partie du Tribunal pénal fédéral et sera dirigée par un président nommé par la cour plénière. La cour plénière a à sa tête un président et un vice-président qui sont élus par l'Assemblée fédérale (Chambres réunies). Le président de la cour plénière représentera toutes les cours, qu'elles soient de première ou de deuxième instance, vis-à-vis de l'extérieur.

La composition de la cour d'appel pose des difficultés dans le sens où les cas attendus sont peu nombreux ­ environ onze procédures d'appel par an ­ et où les trois langues de procédure doivent être représentées. Nous prévoyons donc de pourvoir cette cour de deux juges ordinaires à temps partiel et de dix juges suppléants, avec la possibilité de recourir à environ trois juges de la cour des plaintes. Les juges suppléants seront de préférence des magistrats des tribunaux pénaux cantonaux de première ou de deuxième instance. Les deux juges ordinaires et les dix juges sup1

RS 312.0

5985

FF 2016

pléants seront élus spécifiquement à la cour d'appel par l'Assemblée fédérale (Chambres réunies).

Toutes les cours du Tribunal pénal fédéral auront un vice-président. Le droit actuel prévoit que la suppléance du président est assurée par le doyen de fonction et, à ancienneté égale, par le doyen d'âge, mais ce système, qui vise des remplacements occasionnels, se prête mal à une suppléance permanente et à une délégation de tâches pour décharger le président de la cour.

Le projet 2 contient les modifications de l'ordonnance du 13 décembre 2002 sur les juges2 et de l'ordonnance de l'Assemblée fédérale du 13 décembre 2013 sur les postes de juge au Tribunal pénal fédéral3, induites par le projet 1.

1.3

Motivation et appréciation de la solution retenue

1.3.1

Délibérations des Chambres fédérales

Au cours des travaux parlementaires, la commission du conseil prioritaire chargée de l'examen préalable a donné à l'Office fédéral de la justice le mandat d'élaborer une nouvelle proposition consistant à instituer une juridiction d'appel rattachée au Tribunal pénal fédéral. Elle se faisait ainsi l'écho d'une proposition du Tribunal fédéral et du Tribunal pénal fédéral, dûment rapportée dans le message du 4 septembre 20134. Le Conseil des Etats a approuvé cette proposition à l'unanimité le 10 décembre 2014, lui donnant la préférence sur le projet du Conseil fédéral et renvoyant l'objet à ce dernier. Le Conseil national s'est rallié à cette décision à une très faible majorité (une voix de différence); la minorité souhaitait non pas renvoyer l'objet au gouvernement mais procéder à l'examen de détail du projet présenté par ce dernier. Nous proposons donc, par le présent message additionnel, de classer le projet du 4 septembre 2013.

1.3.2

Appréciation de la solution retenue

Avantages Le projet 1 concrétise le principe de la double instance, en conformité avec le CPP et la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) 5. Il réalise par là même une ancienne aspiration, déjà formulée dans le message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, lequel préconisait une juridiction d'appel au niveau fédéral6. Ce n'est pas sans raison que le législateur fédéral prescrit aux cantons de prévoir un système de double instance avec réexamen en fait et en droit. Les procédures complexes dont le Tribunal pénal fédéral a tout particulièrement à traiter plaident en faveur d'une protection étendue des justiciables.

2 3 4 5 6

RS 173.711.2 RS 173.713.150 FF 2013 6375 6383 RS 173.110 FF 2006 1057 1101 s. 1365 s.

5986

FF 2016

Par ailleurs, il serait bon que la future juridiction puisse bénéficier de l'infrastructure du Tribunal pénal fédéral (salles d'audience, bibliothèque) et des ses services (comptabilité, informatique, service du personnel).

Difficultés et inconvénients La situation commune de la première et de la deuxième instance du Tribunal pénal fédéral à Bellinzone peut éveiller des doutes quant à l'indépendance des juges. Les membres de la cour d'appel portent, dans leurs décisions, une appréciation sur la qualité du travail de leurs collègues de première instance. Ils peuvent se voir influencés. On objectera toutefois que dans un certain nombre de cantons, la première et la deuxième instance sont aussi réunies sous un même toit et que cela ne pose pas de problème particulier. D'ailleurs, la cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral examine sur recours toutes les décisions de la cour des affaires pénales autres que les jugements et les prononcés rendues par la direction de la procédure. Cette voie de recours interne n'a jamais donné lieu à des réclamations.

Les juges suppléants seront appelés à siéger régulièrement puisque la cour d'appel statuera à trois juges et qu'il ne sera généralement pas possible que siègent uniquement des juges ordinaires. Dans les procédures en révision, ce seront des juges suppléants qui seront sollicités, sauf si un juge ordinaire n'a pas déjà statué dans la même affaire et maîtrise la langue de la procédure.

Or, les juges suppléants sont issus de pratiques juridiques cantonales différentes. Il sera long et difficile de parvenir à une jurisprudence uniforme. Toutefois, si des divergences se faisaient jour entre des arrêts de la cour d'appel, le Tribunal fédéral serait, en dernier ressort, en mesure de veiller à une application uniforme du droit.

Il n'est pas exclu que le recrutement de juges suppléants à la cour d'appel soit difficile, surtout s'il s'agit de juges pénaux des tribunaux cantonaux de première et deuxième instance, car ces derniers sont chroniquement surchargés. De plus, les gros dossiers leur demanderaient de s'absenter longtemps de leur charge principale.

La 1re et la 2e instances seront placées sous la même direction administrative, ce qui est un cas unique en Suisse. Le président (unique) de ces deux instances les représentera à l'extérieur.

1.4

Renonciation à une nouvelle consultation

La question des voies de droit contre les jugements de la cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral a été soumise deux fois à une consultation ces dernières années.

Lors des travaux préparatoires relatifs à la loi du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales (LOAP)7, le Conseil fédéral avait proposé une disposition de la LTF confiant au Tribunal fédéral le rôle de juridiction d'appel dotée du plein pou-

7

RS 173.71

5987

FF 2016

voir d'examen contre les arrêts du Tribunal pénal fédéral8. Cette proposition avait été rejetée par certains lors de la consultation de 20079. Le Conseil fédéral ­ en accord avec le Tribunal fédéral ­ avait donc décidé de maintenir le statu quo dans le message relatif à la LOAP, pour le motif que le Tribunal fédéral risquait d'être bientôt à nouveau surchargé par l'examen des faits, étranger au système, au détriment de sa fonction première. Il y relevait que le statu quo n'empêchait pas que l'on crée un jour, au besoin, une juridiction d'appel indépendante et trilingue ­ tribunal ou chambre d'un tribunal ­ si le volume des cas traités par la cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral augmentait suffisamment pour justifier la mise en place de cette structure10. Le Parlement, après avoir quelque peu disputé la chose, s'était finalement rangé à cet avis en 2010.

Presque en même temps que l'adoption de la LOAP, M. Janiak, député au Conseil des Etats, a déposé la motion 10.3138 «Etendre le pouvoir de cognition du Tribunal fédéral aux recours introduits contre un arrêt du Tribunal pénal fédéral», transmise par la suite au Conseil fédéral par le Parlement. Cette motion contenait une proposition rédigée. Le Conseil fédéral a repris en grande partie dans son avant-projet cette formulation, qui était cohérente et répondait bien à la problématique soulevée. Lors de la consultation de 2012, cette solution a été majoritairement bien accueillie, mais le Tribunal fédéral et le Tribunal pénal fédéral l'ont rejetée. Deux solutions possibles, élaborées par le Tribunal fédéral en accord avec le Tribunal pénal fédéral, ont été intégrées dans le message du 4 septembre 2013. La première, qui avait la préférence des deux tribunaux, prévoyait la création d'une juridiction d'appel au sein du Tribunal pénal fédéral; la seconde, au sein du Tribunal administratif fédéral. Le Parlement a refusé le projet de loi qu'il avait lui-même demandé par le biais de la motion Janiak et demandé au Conseil fédéral d'élaborer un nouveau projet créant une cour d'appel au sein du Tribunal pénal fédéral.

Le déroulement des deux projets ­ LOAP et motion Janiak ­ montre que la question des voies de droit contre les arrêts de la cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral ne peut être résolue qu'avec l'accord des tribunaux concernés,
quels que soient les résultats d'une procédure de consultation. Le Parlement a choisi la solution préconisée par les tribunaux et chargé le Conseil fédéral de rédiger les dispositions normatives correspondantes. Dans ces circonstances, une consultation n'apporterait aucun élément nouveau; de plus, on ne saurait imaginer encore une autre option qui se distinguerait de celles qui ont été débattues jusqu'à présent et qui aurait un sens sur les plans administratif et économique. Enfin, le projet touche des voies de droit relevant de la juridiction fédérale et l'organisation du Tribunal pénal fédéral, ce qui justifie aussi que l'on renonce à mener une consultation11.

8

9

10 11

L'avant-projet et le rapport explicatif peuvent être trouvés sur le site www.admin.ch > Droit fédéral > Consultations > Procédures de consultation et d'auditions terminées > 2007 > Département fédéral de justice et police.

Le résumé des résultats de la consultation peut être trouvé sur le site www.admin.ch > Droit fédéral > Consultations > Procédures de consultation et d'auditions terminées > 2007 > Département fédéral de justice et police.

FF 2008 7371 7391 Voir l'art. 3a de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation, RS 172.061.

5988

FF 2016

1.5

Initiative parlementaire de la Commission des affaires juridiques du Conseil national «Loi sur l'organisation des autorités pénales. Modification des art. 36 et 56» (12.426)

L'initiative parlementaire de la Commission des affaires juridiques du Conseil national 12.426 «Loi sur l'organisation des autorités pénales. Modification des art. 36 et 56» demande deux choses: que les cours des affaires pénales puissent statuer à trois juges dans des cas particuliers au sens de l'art. 36, al. 2, LOAP; que le tribunal puisse nommer des vice-présidents pour les cours. Les deux Commissions des affaires juridiques ont donné suite à cet objet.

Le présent projet réalise le deuxième point de l'initiative (voir commentaire de l'art. 56 P-LOAP). Le Conseil fédéral a cependant décidé de ne pas concrétiser simultanément le premier point, notamment parce que le présent projet change radicalement la donne. Un des motifs principaux de l'augmentation du nombre de juges appelés à statuer était que les cours des affaires pénales étaient l'instance unique statuant sur le fond dans les affaires relevant de la juridiction fédérale. Or, nous proposons d'instaurer une cour d'appel qui pourra réexaminer leurs décisions en fait et en droit. La Commission des affaires juridiques du Conseil national a par conséquent suspendu l'examen de cette initiative parlementaire dans l'attente de l'issue des travaux sur les voies de droit contre les décisions des cours des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral.

1.6

Classement d'interventions parlementaires

Le Conseil fédéral propose de classer la motion Janiak 10.3138 «Etendre le pouvoir de cognition du Tribunal fédéral aux recours introduits contre un arrêt du Tribunal pénal fédéral». Le message du 4 septembre 2013 concernant la modification de la loi sur le Tribunal fédéral, qui a été présenté au Parlement en exécution de cette motion, en a déjà demandé le classement.

2

Commentaire des dispositions

2.1

Loi du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales (projet 1)

Art. 33, let. c Une cour d'appel s'ajoutera aux cours existantes (cour des affaires pénales et cour des plaintes).

Art. 38a

Compétences

La cour d'appel devra statuer sur les appels et les demandes de révision (art. 21, al. 1, CPP), notamment sur les demandes de révision d'ordonnances pénales du 5989

FF 2016

Ministère public de la Confédération, point qui n'est pas réglé à l'heure actuelle12.

La procédure de révision sera régie par les dispositions du CPP (art. 39, al. 1, LOAP en relation avec les art. 410 ss CPP). La procédure de révision des décisions des cours des plaintes visées à l'art. 37, al. 2, fait exception: elle est régie par les dispositions de la LTF sur la révision (art. 40, al. 1, LTF).

Art. 38b

Composition

La cour d'appel statue à trois juges. Exceptionnellement, la direction de la procédure peut statuer, si la loi le prévoit ainsi.

Art. 38c

Débats impossibles en raison des récusations

La récusation est régie par l'art. 59 CPP. Cette disposition ne règle cependant pas le cas dans lequel toute la cour d'appel du Tribunal pénal fédéral doit se récuser, ou du moins un nombre tel de ses juges qu'elle ne peut plus statuer valablement. Nous reprenons donc ici, mutatis mutandis, la règle de l'art. 37, al. 3, LTF, qui s'appliquera en complément des dispositions du CPP.

Art. 41, al. 2 et 2bis On a vu (ch. 2.2.2) que deux juges ordinaires à temps partiel siègeraient à la cour d'appel, aidés par environ trois juges de la cour des plaintes (voir commentaire de l'art. 55, al. 3).

Pour ce qui est des juges suppléants, la situation est très différente de celle des autres cours. Tant à la cour des affaires pénales qu'à la cour des plaintes, le nombre d'affaires permet d'employer un certain nombre de juges ordinaires, les juges suppléants venant en renfort à titre exceptionnel. Le rapport est inversé à la cour d'appel, où le nombre d'affaires devrait être faible. Il ne serait pas justifié d'avoir plus de deux juges à demeure, si bien que presque toutes les procédures requerront l'assistance de juges suppléants. Il faut d'ailleurs tenir compte des trois langues de procédure. De plus, les juges statuant en appel ne pourront pas examiner une demande de révision dans la même cause (art. 21, al. 3, CPP).

Si l'on appliquait la règle de la moitié, en vigueur aujourd'hui, en ajoutant les deux nouveaux postes de juges ordinaires aux seize postes à plein temps actuels, il serait permis de nommer en application de l'al. 2 neuf juges suppléants au plus. Actuellement, les cours des affaires pénales et des plaintes en occupent au maximum trois (voir art. 1, let. b, de l'ordonnance du 13 décembre 2013 sur les postes de juge au Tribunal pénal fédéral). En nommer six autres épuiserait donc les possibilités légales actuelles. Or, cela ne suffirait pas pour que la cour d'appel assume ses tâches. Il n'est donc pas possible d'exprimer le nombre de juges suppléants de la cour d'appel en termes de proportion des juges ordinaires, comme on l'a fait pour les autres cours. Il doit être exprimé en chiffres absolus (al. 2bis). Comme pour les juges ordinaires, la loi fixe un nombre maximal, tandis que l'ordonnance du 13 décembre 2013

12

ATF 141 IV 298, consid. 1.5

5990

FF 2016

sur les postes de juge au Tribunal pénal fédéral donne le nombre nécessaire concrètement (voir ch. 2.2.2).

Art. 42, al. 1bis L'Assemblée fédérale (Chambres réunies) élit les membres du Tribunal pénal fédéral; les juges d'appel seront élus directement à cette fonction. Cette solution a pour avantage que la cour d'appel ­ à la différence de la cour des affaires pénales et de la cour des plaintes ­ ne devra pas être constituée à nouveau tous les deux ans par la cour plénière, ce qui pourrait poser des problèmes pour diverses raisons (questions de prestige, animosités entre juges de deuxième instance, continuité de la jurisprudence, durée de la présidence).

Il faut noter par ailleurs que si l'on crée la possibilité de recourir en complément à des juges de la cour des plaintes (voir commentaire de l'art. 55, al. 3), ces derniers ne seront pas assignés à la cour d'appel par les Chambres fédérales. Certes, cela leur confèrerait plus de légitimité, mais la chose serait compliquée, d'autant que la cour des plaintes est renouvelée par la cour plénière tous les deux ans, même s'il n'y a guère eu de changements de personnes dans le passé.

Art. 53, al. 2, let. e et f La cour d'appel ne sera pas constituée par la cour plénière, puisque ses membres seront directement élus à cette cour. Elle ne sera donc pas mentionnée à l'art. 55, al. 1. Néanmoins, la cour plénière en nommera le président et le vice-président (let. e). Rien ne change en ce qui concerne les autres cours.

A la let. f, il convient de préciser que ce sont les juges suppléants des cours des affaires pénales et des cours des plaintes que la cour plénière affecte à l'une ou l'autre de ces dernières; ceux de la cour d'appel seront assignés directement à cette dernière.

Art. 55, al. 1 et 3 Pour la modification de l'al 1, voir le commentaire de l'art. 53, al. 2, let. e.

Les membres des cours des affaires pénales et des cours des plaintes pourront être appelés à siéger dans une autre de ces cours, mais non les membres de la cour d'appel (al. 3). Les membres des cours de plaintes pourront aussi être appelés à siéger à la cour d'appel, qui devra ainsi moins se reposer sur les juges suppléants.

Relevons que les juges de la cour des plaintes ne devront pas avoir agi à quelque titre que ce soit dans la même cause (art. 21, al. 2, et 56, let. b, CPP),
ce qui réduit les disponibilités. Le Tribunal pénal fédéral estime qu'il sera nécessaire de faire appel à environ trois juges de la cour des plaintes.

Une certaine entraide entre les cours ­ entraide qui se pratique aujourd'hui régulièrement ­ sera donc possible. La cour des affaires pénales, qui doit mener des procédures dans trois langues, a souvent besoin d'assistance pour traiter les affaires en langue italienne ou française.

5991

FF 2016

Art. 56

Présidence des cours

Les cours auront désormais un vice-président, nommé par la cour plénière, comme l'a demandé l'initiative parlementaire de la Commission des affaires juridiques du Conseil national 12.426 «Loi sur l'organisation des autorités pénales. Modification des art. 36 et 56», à laquelle les deux Commissions des affaires juridiques ont donné suite (al. 1). Les règles en cas d'empêchement doivent être adaptées (al. 2).

Diriger une cour comptant jusqu'à neuf juges et autant de greffiers, et organiser son travail, est une tâche prenante et exigeante. Il est essentiel, pour la rapidité des procédures, que le président de la cour assume des tâches de direction allant plus loin que la distribution des affaires et l'assurance de la cohérence à l'intérieur de la cour. Le droit actuel prévoit que le président puisse être remplacé par le doyen de fonction ou le doyen d'âge, mais cette règle, adaptée aux remplacements occasionnels, ne se prête pas à une suppléance permanente visant à décharger le président de la cour par la délégation de certaines tâches. Les auteurs de doctrine doutent également de sa pertinence en cas de surcharge de travail13. De plus, dans le système actuel, le suppléant, mis à cette place par le hasard, n'est pas forcément la personne la mieux taillée pour cette tâche d'organisation. Cela ne correspond en rien à une structure de direction objective. L'optimisation de l'organisation et de la gestion du travail des cours passe donc par l'instauration de suppléances durables. La règle proposée existe déjà pour la cour plénière (voir art. 52, al. 4).

Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral Art. 80, al. 1 La création de la cour d'appel au Tribunal pénal fédéral permet d'avoir les mêmes voies de droit au niveau fédéral et au niveau cantonal, le principe de la double instance s'appliquant aussi à la juridiction fédérale.

Art. 119a La cour d'appel du Tribunal pénal fédéral statuant aussi sur les demandes de révision, le Tribunal fédéral n'aura plus à le faire.

Code pénal Art. 374, al. 2, et 381, let. a La cour d'appel du Tribunal pénal fédéral est ajoutée dans les deux dispositions.

13

Voir Michel Féraud in: Niggli/Uebersax/Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar zum Bundesgerichtsgesetz, 2e éd., Bâle 2011, no 4 ad art. 19 LTF.

5992

FF 2016

Code de procédure pénale Art. 59, al. 1, let. d Cette règle concernant les litiges en matière de récusation concerne uniquement les juridictions d'appel cantonales ­ il est maintenant nécessaire de le préciser. Si la demande de récusation vise l'ensemble de la cour d'appel du Tribunal pénal fédéral, c'est l'art. 38c P-LOAP qui s'appliquera.

2.2

Ordonnance de l'Assemblée fédérale portant modification de l'ordonnance sur les juges et de l'ordonnance sur les postes de juge au Tribunal pénal fédéral (projet 2)

La modification de la LOAP (commentée au ch. 2.1) induit des adaptations des ordonnances sur les juges et sur les postes de juge au Tribunal pénal fédéral. Comme les ordonnances de l'Assemblée fédérale ne sont pas sujettes au référendum, nous les présentons sous forme d'un deuxième acte. Le Parlement a édicté ces deux ordonnances sur la base des normes de délégation des art. 41, al. 3, et 46, al. 3, LOAP.

2.2.1

Ordonnance du 13 décembre 2002 sur les juges

Remarque préliminaire concernant la rémunération Selon l'art. 5, al. 1, de l'ordonnance, le traitement des juges correspond à la classe de salaire 33 prévue par l'art. 36 de l'ordonnance du 3 juillet 2001 sur le personnel de la Confédération14. Cette règle s'applique aux juges de la cour des affaires pénales et à ceux de la cour des plaintes, bien que cette dernière soit en partie l'instance de recours contre les arrêts de la première (voir ch. 1.3.2) et que, dans les cantons, l'instance de recours soit intégrée au Tribunal cantonal ou à la Cour suprême. Il paraît donc indiqué de rémunérer les juges de la cour d'appel comme les autres juges du Tribunal pénal fédéral. De la sorte, ils pourront être élus dans une autre cour au terme de leur mandat de six ans sans conséquences financières. Le Tribunal pénal fédéral, qui était associé aux travaux préparatoires, n'a pas formulé d'objection contre une classe de salaire 33 pour les juges de la cour d'appel.

Art. 3

Période de fonction

A son entrée en vigueur, la LOAP a abrogé et remplacé la loi fédérale du 4 octobre 2002 sur le Tribunal pénal fédéral15. Par erreur, cette disposition n'avait pas été adaptée.

14 15

RS 172.220.111.3 RO 2003 2133

5993

FF 2016

Art. 6, al. 4 Si l'on crée une vice-présidence des cours, il faut régler l'indemnisation de cette fonction (voir commentaire de l'art. 56 P-LOAP). Comme la position de viceprésident d'une cour du Tribunal pénal fédéral correspond à peu près à celle de président d'une chambre du Tribunal administratif fédéral, il s'impose de prévoir une allocation identique de 5000 francs.

2.2.2 Art. 1

Ordonnance de l'Assemblée fédérale du 13 décembre 2013 sur les postes de juge au Tribunal pénal fédéral Effectif des juges

L'extension du champ de compétence du tribunal nécessite la création de nouveaux postes de juges. Le Tribunal pénal fédéral a été associé à l'analyse des besoins.

Deux possibilités se présentent: soit élire un juge ordinaire à plein temps, soit deux à temps partiel (let. c). La deuxième solution présente l'avantage de réduire le besoin de recourir à des juges suppléants et de mieux assurer la représentation des langues parmi les juges ordinaires. L'organisation est aussi plus facile (par ex. en cas d'empêchement).

Comme l'ordonnance ne cite que des chiffres entiers, nous avons choisi de prévoir deux postes de juge, ce qui permettra de réagir rapidement en cas d'évolution du nombre de cas, mais l'idée n'est pas d'utiliser dès à présent toute la marge disponible. Pour ce qui est de la dotation horaire des juges ordinaires de la cour d'appel et d'une éventuelle augmentation ultérieure jusqu'à deux postes à plein temps, le Tribunal pénal fédéral doit soumettre une demande à la Commission judiciaire de l'Assemblée fédérale. Si celle-ci l'accepte, elle met les postes au concours. Le Tribunal pénal fédéral ne peut pas décider de lui-même d'augmenter le temps de travail des juges en fonction. Il ne peut le faire que si le total des postes reste inchangé (art. 46, al. 2, LOAP).

Un maximum de dix juges suppléants pourront être élus à la cour d'appel du Tribunal pénal fédéral (let. d). Ce nombre relativement élevé est dû au fait qu'une affaire combinant procédure d'appel et demande de révision nécessitera six juges. Si l'on tient compte des trois langues officielles, il faudrait en théorie pouvoir disposer de 18 juges au total. Par extrapolation, on estime à seulement onze le nombre de procédures d'appel et de révision dont la cour aura à connaître chaque année, avec environ le double de prévenus. Même s'il est possible de faire appel à des juges de la cour des plaintes (voir le commentaire de l'art. 55 P-LOAP), la création d'une vaste réserve de juges suppléants est inévitable. Il ne s'agit pas seulement de prévenir les problèmes de récusation, mais aussi d'assurer la représentation des langues officielles. Il faut aussi tenir compte de la disponibilité que leur activité principale laisse à ces magistrats. Concernant le nombre concret de juges suppléants, le Tribunal pénal fédéral devra ici aussi demander l'aval de la Commission judiciaire des Chambres fédérales. C'est le président de la cour qui décidera s'il faut faire appel à eux et selon quelle procédure.

5994

FF 2016

La cour d'appel pourra donc compter jusqu'à quinze membres, si l'on suppose que trois juges de la cour des plaintes viennent en renfort. Cela devrait lui permettre d'assumer ses tâches.

Rien ne change matériellement pour les cours des affaires pénales et les cours de plaintes (let. a et b); on précise simplement, pour plus de clarté, que les chiffres donnés sont un total pour ces cours.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

3.1.1

Conséquences financières

Les indemnités journalières, forfaits horaires et indemnités de déplacement des juges suppléants sont réglés conformément aux dispositions applicables aux juges suppléants du Tribunal fédéral16. Ces juges ne reçoivent pas de salaire de base, mais une indemnisation de leur temps. Ils ont droit à une indemnité journalière pour la participation aux audiences: elle est de 1300 francs pour les indépendants et de 1000 francs pour les autres. Il s'y ajoute un forfait horaire s'élevant respectivement à 180 francs et à 110 francs pour l'instruction, l'étude de dossiers et l'élaboration de rapports. En totalité, leur rémunération correspond au maximum au traitement d'un juge ordinaire à plein temps.

L'instauration de vice-présidents des trois cours du Tribunal pénal fédéral sera liée au versement d'allocations pour un montant annuel de 15 000 francs.

Le projet entraînera en outre une augmentation des frais de personnel (voir chapitre qui suit). Les locaux du Tribunal pénal fédéral comprennent suffisamment de bureaux pour le personnel supplémentaire. La salle d'audience actuelle suffira également.

3.1.2

Conséquences en termes de personnel

Le projet aura des conséquences en termes d'effectif du Tribunal pénal fédéral. Pour remplir cette nouvelle tâche, il faudra:

16

­

1,5 poste de juge: c'est la Commission judiciaire qui fixera les pourcentages de poste (voir ch. 2.2.2);

­

2 postes de greffier: les greffiers collaboreront à l'instruction et à la prise de décision. Ils élaboreront des exposés, sous la responsabilité d'un juge, et rédigeront les prononcés de la cour d'appel. Ils rempliront les autres tâches que leur attribue le règlement (art. 59 LOAP).

Ordonnance de l'Assemblée fédérale du 13 décembre 2013 relative aux indemnités journalières et aux indemnités de déplacement des juges suppléants du Tribunal pénal fédéral, RS 173.713.152.

5995

FF 2016

La nouvelle cour pourra bénéficier de l'infrastructure et des services déjà en place, si bien que le travail supplémentaire dans les services transversaux (chancellerie, informatique, logistique, sécurité) pourra vraisemblablement être absorbé avec les ressources existantes.

3.2

Conséquences pour les cantons

Aucune conséquence.

4

Rapport avec le programme de la législature

Le projet n'est pas annoncé dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201917.

Il est réalisé en exécution du mandat donné par le Parlement au Conseil fédéral en relation avec le renvoi d'un premier projet (voir ch. 1.1).

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

La LOAP se fonde sur l'art. 123, al. 1, de la Constitution (Cst.)18, qui donne à la Confédération la compétence de légiférer en matière de droit pénal et de procédure pénale, ainsi que sur les art. 173, al. 2, et 191a, al. 1 et 3, Cst. Le projet de modification de la LOAP (projet 1) est donc conforme à la Cst.

5.2

Forme des actes à adopter

Les modifications proposées de l'ordonnance sur les juges et de l'ordonnance de l'Assemblée fédérale sur les postes de juge au Tribunal pénal fédéral (projet 2) font l'objet d'un acte modificateur unique, revêtant la forme d'une ordonnance de l'Assemblée fédérale. Ce type d'acte n'est en effet pas sujet au référendum, contrairement aux modifications de loi. Il s'agit seulement d'un acte d'exécution de la modification de la LOAP.

5.3

Frein aux dépenses

Le projet n'est pas soumis au frein aux dépenses institué par l'art. 159, al. 3, let. b, Cst., car il ne comporte pas de dispositions relatives aux subventions, ni ne prévoit de crédit d'engagement ou de plafond de dépenses.

17 18

FF 2016 981 RS 101

5996