16.071 Message concernant l'initiative populaire «Oui à la suppression des redevances radio et télévision (suppression des redevances Billag)» du 19 octobre 2016

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire «Oui à la suppression des redevances radio et télévision (suppression des redevances Billag)», en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

19 octobre 2016

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Johann N. Schneider-Ammann Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2016-1665

8013

Condensé L'initiative populaire fédérale «Oui à la suppression des redevances radio et télévision (suppression des redevances Billag)» a été déposée le 11 décembre 2015, munie de 112 191 signatures valables. Elle veut supprimer les redevances de réception versées aux diffuseurs de programmes de radio et de télévision titulaires d'une concession et chargés d'un mandat de prestations. Le Conseil fédéral estime que la Suisse a besoin d'un service public complet dans le domaine des médias et que celui-ci ne peut pas être financé exclusivement par des recettes commerciales.

Il rejette donc l'initiative.

Teneur de l'initiative L'initiative populaire «Oui à la suppression des redevances radio et télévision (suppression des redevances Billag)» demande l'abolition des redevances de réception allouées aux diffuseurs de programmes de radio et de télévision actuellement titulaires d'une concession, ainsi que l'abandon des autres subventions directes octroyées aux diffuseurs. Pour les auteurs de l'initiative, la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) dispose d'un «quasi-monopole», qu'il convient de supprimer et de remplacer par une concurrence équitable entre les médias.

Avantages et inconvénients de l'initiative L'initiative souhaite un paysage des médias qui obéit, aussi dans le domaine de la radio et de la télévision, à une pure logique de marché. Les distorsions de la concurrence dues au financement par la redevance seraient abolies. Par ailleurs, les ménages et les entreprises seraient libérés de l'obligation de payer les redevances de réception et pourraient utiliser ce montant à d'autres fins.

Le Conseil fédéral arrive à la conclusion que la place suisse des médias serait fondamentalement remodelée en cas de mise en oeuvre de l'initiative. Il ne serait plus possible non plus de proposer des offres de radio et de télévision équivalentes dans toutes les régions linguistiques. C'est pourquoi il ne partage pas l'avis des auteurs de l'initiative. Le service public dans les médias électroniques disparaîtrait.

L'existence même de nombreux diffuseurs actuels serait remise en question. De plus, la diversité des opinions et de l'offre à la radio et à la télévision serait réduite.

Difficile aussi dans ces conditions de garantir un journalisme de qualité.

L'actuel système de redevance et la
possibilité d'un soutien financier pour les fournisseurs de prestations du service public garantissent des médias électroniques qui contribuent au bon fonctionnement de la formation démocratique de l'opinion et de la volonté ainsi qu'au développement culturel. En tant qu'association indépendante des intérêts politiques et économiques, la SSR est obligée de garantir dans ce contexte une offre variée qui tient aussi compte des intérêts des minorités.

Dans le domaine de la télévision, l'acceptation de l'initiative rendrait pratiquement impossible le maintien d'une offre télévisuelle suisse capable de concurrencer les

8014

diffuseurs des pays voisins. Les annonceurs se tourneraient donc encore davantage vers les offres étrangères.

Proposition du Conseil fédéral Le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons le rejet de l'initiative populaire fédérale «Oui à la suppression des redevances radio et télévision (suppression des redevances Billag)».

8015

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Table des matières Condensé

8014

1

Aspects formels et validité de l'initiative 1.1 Texte de l'initiative 1.2 Aboutissement et délais de traitement 1.3 Validité

8018 8018 8019 8019

2

Contexte 2.1 Aperçu 2.2 Importance du service public pour la société et la démocratie 2.3 Mandat et offre des diffuseurs radio-TV 2.3.1 Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) 2.3.2 Diffuseurs locaux et régionaux 2.3.3 Autres prestations des diffuseurs de programmes radio-TV 2.4 Utilisation de la radio et de la télévision 2.5 Affectation des redevances de réception 2.5.1 Généralités 2.5.2 Utilisation de la redevance par la SSR 2.5.3 Péréquation financière interne à la SSR 2.5.4 Diffuseurs locaux et régionaux 2.6 Diffuseurs de service public à l'étranger

8020 8020 8021 8022 8022 8026

3

Buts et contenu 3.1 Buts visés 3.2 Dispositif proposé 3.3 Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

8035 8035 8035 8036

4

Appréciation de l'initiative 4.1 Conformité aux principes et valeurs de la Suisse 4.1.1 D'un point de vue méthodologique 4.1.2 D'un point de vue économique 4.2 Conséquences en cas d'acceptation 4.2.1 Conséquences sur l'offre à la radio et à la télévision et sur les diffuseurs 4.2.2 Conséquences sur la diffusion de la radio et de la télévision 4.2.3 Conséquences pour la démocratie 4.2.4 Conséquences pour la culture et la société 4.2.5 Conséquences économiques 4.2.6 Conséquences pour la Confédération 4.3 Avantages et inconvénients 4.4 La question d'un contre-projet

8038 8038 8038 8039 8040

8016

8027 8028 8029 8029 8031 8032 8033 8034

8040 8041 8042 8042 8044 8045 8046 8047

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4.5

5

Compatibilité avec les obligations internationales 4.5.1 Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) 4.5.2 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pacte I de l'ONU) 4.5.3 Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte II de l'ONU) 4.5.4 Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées

Conclusions

Arrêté fédéral relatif à l'initiative populaire «Oui à la suppression des redevances radio et télévision (suppression des redevances Billag)» (Projet)

8048 8048 8048 8049 8049 8049

8051

8017

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Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte de l'initiative

L'initiative populaire fédérale «Oui à la suppression des redevances radio et télévision (suppression des redevances Billag)» a la teneur suivante: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 93, al. 2 à 6 2

Ex-al. 3

La Confédération met régulièrement aux enchères des concessions de radio et de télévision.

3

Elle ne subventionne aucune chaîne de radio ou de télévision. Elle peut payer la diffusion de communiqués officiels urgents.

4

Aucune redevance de réception ne peut être prélevée par la Confédération ou par un tiers mandaté par elle.

5

En temps de paix, la Confédération n'exploite pas ses propres chaînes de radio ou de télévision.

6

Art. 197 ch. 122 12. Disposition transitoire ad art. 93, al. 3 à 6 Le Conseil fédéral édicte le 1er janvier 2018 au plus tard les dispositions d'exécution nécessaires si les dispositions légales ne sont pas entrées en vigueur à cette date.

1

Si le peuple et les cantons acceptent l'art. 93, al. 3 à 6, après le 1 er janvier 2018, les dispositions d'exécution nécessaires entrent en vigueur le 1 er janvier de l'année qui suit celle de la votation.

2

Les concessions donnant droit à une quote-part de la redevance sont abrogées sans dédommagement le jour de l'entrée en vigueur des dispositions légales. Sont réservés les dédommagements dus pour les droits acquis couverts par la garantie de la propriété.

3

1 2

RS 101 La numérotation définitive de la présente disposition transitoire sera fixée par la Chancellerie fédérale après le scrutin.

8018

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1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire fédérale «Oui à la suppression des redevances radio et télévision (suppression des redevances Billag)» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 27 mai 20143, et elle a été déposée le 11 décembre 2015 avec le nombre requis de signatures.

Par décision du 13 janvier 2016, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait recueilli 112 191 signatures valables et qu'elle avait donc abouti4.

L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose pas de contre-projet, que ce soit de manière directe ou indirecte. Conformément à l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl) 5, le Conseil fédéral avait jusqu'au 11 décembre 2016 pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message. Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale a jusqu'au 11 juin 2018 pour adopter la recommandation de vote qu'elle présentera au peuple et aux cantons.

1.3

Validité

L'initiative remplit les critères de validité énumérés à l'art. 139, al. 3, de la Constitution fédérale (Cst.)6:

3 4 5 6

a.

elle obéit au principe de l'unité de la forme, puisqu'elle revêt entièrement la forme d'un projet rédigé;

b.

elle obéit au principe de l'unité de la matière, puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties;

c.

elle obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international, puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles.

d.

elle est aussi applicable dans les faits. Les dispositions transitoires ad art. 93, al. 3 à 6, prévoient des délais serrés. Il faudrait donc s'attendre à des difficultés importantes au cours du processus législatif. Vu que la votation ne pourrait pas avoir lieu avant l'automne 2017, les dispositions légales mentionnées à l'al. 1 entreraient très certainement en vigueur après le 1 er janvier 2018. Par conséquent, l'al. 2 s'appliquerait, et le Conseil fédéral devrait édicter les dispositions d'exécution d'ici au 1er janvier de l'année suivant la votation. Dès lors, il ne resterait que quelques mois entre la date de la votation et la date de l'entrée en vigueur des dispositions d'exécution. Même si l'administration entame les travaux préparatoires relatifs aux dispositions d'exécution avant la tenue de la votation, les autres exigences légales en vue de l'élaboration des dispositions d'exécution par le Conseil fédéral pourront difficilement être respectées. Seulement en cas de votation en début d'année, le Conseil fédéral disposerait de suffisamment de temps pour adopter les

FF 2014 3855 FF 2016 338 RS 171.10 RS 101

8019

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dispositions d'exécution dans les délais (voir par exemple les dates de votation prévues au deuxième semestre 2017 et au premier semestre 2018: 24 septembre 2017, 26 novembre 2017, 4 mars 2018 et 10 juin 2018). Le délai de consultation de 3 mois prévu par la législation sur la procédure de consultation7 devrait probablement être raccourci sur la base du régime d'exception figurant à l'art. 7, al. 4, de la loi sur la consultation (LCo). Le délai peut en effet être raccourci à titre exceptionnel si le projet ne souffre aucun retard. En résumé, les courts délais de mise en oeuvre de l'initiative représenteraient un défi particulier pour le gouvernement et l'administration.

Compte tenu de la pratique juridique actuelle, il n'est cependant pas possible d'affirmer que l'initiative ne pourrait pas être mise en oeuvre en raison des délais serrés.

2

Contexte

2.1

Aperçu

Les auteurs de l'initiative s'offusquent du fait que tous les ménages payent des redevances de réception, même ceux qui «ne souhaitent pas forcément se prévaloir (...) de programmes télévisés ou de radio publique»8. Ils exigent la suppression des redevances de réception ainsi que l'abandon de toute subvention aux diffuseurs de programmes de radio et de télévision. Avant le lancement de l'initiative déjà, les opposants à la redevance de réception s'étaient regroupés au sein de l'organisation d'utilité publique pour la démocratie directe et avaient commencé dès le 12 novembre 2013 à récolter des signatures pour l'initiative «Radio et télévision ­ sans Billag». Cette initiative n'a pas réuni le nombre de signatures nécessaires 9. Lancée en 2011, l'initiative populaire «Radio et télévision ­ La Confédération ne perçoit pas de redevance de réception»10 n'avait pas abouti non plus.

L'art. 93 Cst. est la disposition constitutionnelle régissant la radio et la télévision.

Selon cette disposition, la législation dans le domaine des médias électroniques relève de la compétence de la Confédération (al. 1), qui définit les conditions générales. Le mandat de prestations pour la radio et la télévision constitue l'élément central (al. 2). Il inclut la formation, le développement culturel, la libre formation de l'opinion et le divertissement. La radio et la télévision doivent présenter les événements de manière fidèle et refléter équitablement la diversité des opinions (al. 2). La disposition constitutionnelle garantit en outre l'autonomie des programmes et l'indépendance des médias vis-à-vis de l'Etat (al. 3). L'art. 93, al. 4, Cst., demande par ailleurs de prendre en considération la situation et le rôle des autres médias, en particulier de la presse. Enfin, dans un souci de protection du public et des diffuseurs, les plaintes relatives aux programmes peuvent être soumises à une autorité indépendante (al. 5).

7 8 9 10

Loi du 18 mars 2005 sur la consultation (LCo, RS 172.061) et ordonnance du 17 août 2005 sur la consultation (OCo, RS 172.061.1).

www.nobillag.ch > L'initiative > Arguments, ch. 8 FF 2015 3209, www.solidarische.ch/billag/initiative.php FF 2013 876

8020

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Sur la base de cette disposition constitutionnelle, la loi fédérale du 24 mars 2006 sur la radio et la télévision (LRTV)11 réglemente le service public ainsi que d'autres aspects de la radio et de la télévision. En vertu de la LRTV, des mandats de prestations sont actuellement confiés à la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) ainsi qu'à d'autres diffuseurs de programmes titulaires d'une concession. La LRTV garantit et précise l'autonomie en matière de programmes ainsi que l'indépendance des diffuseurs vis-à-vis de l'Etat. Ceux-ci sont libres de concevoir leurs publications rédactionnelles comme ils l'entendent. En matière de surveillance aussi, les autorités ne peuvent agir que dans des limites strictes. Aujourd'hui, l'Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision (AIEP) traite les plaintes déposées contre les émissions rédactionnelles des diffuseurs suisses ou contre les autres services journalistiques de la SSR. Elle examine entre autres l'objectivité des émissions, le respect des critères régissant les émissions consacrées à une votation ou à des élections, le respect des droits fondamentaux (p. ex. la dignité humaine), les représentations de la violence, la moralité et la protection des mineurs.

Le financement de la SSR et des 34 diffuseurs de programmes de radio et de télévision titulaires d'une concession est assuré par la redevance 12 et par des recettes de publicité et/ou de parrainage. Le financement de la SSR est complété par des subventions fédérales pour les offres destinées à l'étranger et par divers autres revenus.

En plus de la quote-part de la redevance, les diffuseurs de radio privés bénéficient d'un soutien financier pour la diffusion de leurs programmes dans les régions de montagne ainsi que pour la diffusion numérique sur DAB+.

Lors de la votation populaire du 14 juin 2015 sur la révision de la LRTV, les citoyens ont approuvé le nouveau système de financement du service public dans le domaine de la radio et de la télévision13. Dès 2019, l'actuelle redevance de réception liée à la mise en exploitation d'un appareil de radio et de télévision sera remplacée par une redevance des ménages et des entreprises indépendante de la possession d'un appareil. Les membres d'un ménage privé qui ne possèdent aucun appareil apte à la réception de
programmes radio-TV pourront être exonérés du paiement de la redevance durant les cinq premières années. En cas d'acceptation de l'initiative, le nouveau système de redevance sera abandonné.

2.2

Importance du service public pour la société et la démocratie

Dans le domaine des médias électroniques, le service public est une offre politiquement définie sous forme d'un service à la société, accessibles à toutes les catégories de la population et dans toutes les régions du pays à des prix abordables, dans une 11 12

13

RS 784.40 Avec l'entrée en vigueur de la loi révisée sur la radio et la télévision (LRTV) le 1 er juillet 2016, le terme «redevance de réception» ou «redevances de réception» a été remplacé par «redevance de radio-télévision» (voir RO 2016 2131). Eu égard au titre et au texte de l'initiative populaire, on continuera d'employer dans ce document les termes «redevance de réception» et «redevances de réception».

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8021

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bonne qualité et selon les mêmes principes. Le Conseil fédéral a exposé sa position en détail dans son rapport sur le service public de juin 201614: même à l'ère de l'internet et de la numérisation, la Suisse doit disposer d'un service public complet et indépendant dans le domaine des médias. Pour continuer à remplir cette exigence, il veut adapter aux niveaux national et régional les conditions générales applicables aux diffuseurs de radio et de télévision titulaires d'une concession. Il arrive par ailleurs à la conclusion que le modèle actuel, avec la SSR en tant que grand fournisseur présent dans toutes les régions linguistiques, a fait ses preuves dans le système démocratique suisse et qu'il garantit un service public de grande qualité. A son avis, ce modèle est aussi applicable à l'avenir. Les exigences posées à la SSR doivent toutefois être augmentées, avec un budget identique. Le service public doit aussi atteindre le jeune public. Dans le présent message, le Conseil fédéral se fonde sur les déclarations figurant dans le rapport susmentionné.

Les médias de service public bénéficient de privilèges, notamment un (co)financement public ou des avantages techniques (fréquences, droits d'accès). En contrepartie, ils reçoivent un mandat d'information défini dans la LRTV et les concessions, visant à garantir le respect des dispositions constitutionnelles à la radio et à la télévision. La diffusion d'informations participe à la formation démocratique de l'opinion et de la volonté; elle est même l'une des tâches essentielles des médias. Avec ses offres accessibles à tous, le service public remplit également des fonctions importantes dans le domaine de l'éducation, de la culture et du divertissement. En vertu de la Constitution, il doit contribuer au renforcement de l'intégration et de l'identité suisses. Vu la forte présence des médias étrangers en Suisse, le respect des dispositions constitutionnelles nécessite un diffuseur national attrayant, doublé de médias locaux et régionaux répondant aux besoins du public.

2.3

Mandat et offre des diffuseurs radio-TV

2.3.1

Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR)

Généralités La SSR est chargée d'assurer le service public aux échelons national et de la région linguistique. La LRTV et la concession SSR du 28 novembre 200715 définissent son mandat et précisent son importance particulière au niveau politique et médiatique.

La SSR est tenue de fournir des prestations journalistiques complètes dans les domaines de l'éducation, de la culture, de l'information et du divertissement, mais elle remplit également une fonction d'intégration et de renforcement de l'identité. Elle doit promouvoir la compréhension, la cohésion ainsi que l'échange entre les diffé14

15

Rapport d'analyse de la définition et des prestations du service public de la SSR compte tenu de la position et de la fonction des médias électroniques privés, du 17 juin 2016.

no réf. 16.043 (rapport du Conseil fédéral sur le service public). Rapport disponible sous: www.ofcom.admin.ch > L'OFCOM > Organisation > Bases légales > Dossiers du Conseil fédéral.

Concession SSR disponible sous: www.ofcom.admin.ch > Médias électroniques > Informations concernant les diffuseurs de programmes > SRG SSR > Octroi de concession et technique SRG SSR.

8022

FF 2016

rentes parties du pays, les communautés linguistiques, les cultures, les religions et les groupes sociaux, mais aussi prendre en considération les particularités du pays et les besoins des cantons.

La SSR remplit son mandat dans les programmes de ses unités d'entreprise, avec au moins deux programmes de télévision et trois programmes de radio: ­

en Suisse alémanique: Schweizer Radio und Fernsehen (SRF),

­

en Suisse romande: Radio Télévision Suisse (RTS), et

­

en Suisse italienne: Radiotelevisione Svizzera (RSI).

Pour la partie romanche du pays, Radiotelevisiun Svizra Rumantscha (RTR) produit un programme de radio ainsi que diverses émissions de télévision. En outre, la SSR propose une offre en ligne dans chaque région linguistique.

Information L'information constitue l'élément central du mandat de prestations de la SSR. En font notamment partie les émissions d'information, les magazines, les reportages, les documentaires et les formats de discussion. En 2015, la SSR y a consacré au total 627 millions de francs, soit quelque 38 % des coûts.

A la radio, le temps réservé à l'information varie selon les unités d'entreprise. Radio SRF 1, le programme le plus écouté en Suisse alémanique, diffuse des informations pendant un quart du temps d'antenne entre 5 heures et 24 heures. Sur La Première, en Suisse romande, la proportion dépasse 66 %, et sur Rete Uno, au Tessin, elle est de 40 %. Dans les journaux d'information quotidiens, l'actualité nationale et internationale se taille la part du lion. Cette offre se distingue par la diversité des formes journalistiques et des formats d'émissions.

A la télévision aussi, le mandat d'information revêt une importance capitale, comme le montre l'illustration suivante:

8023

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Structure des programmes TV de la SSR en 2015, en %

Illustration 1

Source: Göfak 2016 ­ La notion de journalisme télévisuel comprend toutes les émissions d'information ainsi que les magazines, reportages, documentaires et formats de discussion.

100 % = temps d'antenne total16

Culture et éducation La SSR joue également un rôle important dans la vie sociale et culturelle en Suisse.

Sa contribution dans le domaine de la culture comprend l'information et la formation ainsi que le soutien à la culture. Elle repose sur un large spectre d'émissions et de reportages aussi bien à la radio qu'à la télévision: magazines culturels, retransmission de concerts, émissions consacrées à la culture, à la musique, à la littérature, à l'art et à la philosophie, films documentaires, enregistrements de pièces de théâtre populaires, émissions satiriques et comedy shows.

Pour la promotion de la création musicale suisse dans les programmes de radio, la SSR a défini des quotas avec la branche dans la Charte de la musique suisse. Par exemple, sur les radios SSR de Suisse alémanique, au moins un titre sur quatre est interprété par un artiste suisse. Dans le seul domaine de la musique, la SSR dépense annuellement 8,5 millions de francs environ en honoraires et paiements de droits, ainsi qu'en rémunération de mandats de musique locaux.

A la télévision, le principal soutien financier à la culture est l'aide au cinéma. La LRTV et la concession obligent la SSR à collaborer avec la branche cinématographique suisse. En 2015, la SSR a soutenu cette dernière à hauteur de 22,3 millions de francs dans le cadre du «Pacte de l'audiovisuel»17. De 2016 à 2019, en vertu du nouvel accord conclu avec la branche du cinéma, cette aide se montera à 27,5 millions de francs par année. En 2015, 148 films, téléfilms, documentaires, courtsmétrages ou dessins animés ont été réalisés dans le cadre de l'accord entre la SSR et 16

17

Trebbe, Joachim/Wagner, Matthias/Fehr, Ada/Spittka, Eva/Beier, Anne (2016): Analyse en continu des programmes de télévision en Suisse. Les programmes de la SSR en 2015, Berlin (D).

Accord disponible sous: www.srgssr.ch > Service public > Culture > Pacte de l'audiovisuel

8024

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le secteur suisse du cinéma18. La SSR soutient en outre divers festivals de cinéma, dans toutes les régions du pays, pour un montant annuel total de 2,9 millions de francs, entre autres le Festival del Film di Locarno, Visions du Réel à Nyon ou les Solothurner Filmtage. L'aide au cinéma est aussi fortement liée à la collaboration de la SSR avec l'industrie audiovisuelle suisse indépendante, une collaboration exigée par la concession. Chaque année, la SSR externalise des productions pour quelque 100 millions de francs vers le secteur de l'audiovisuel.

Hormis de nombreuses émissions didactiques, la SSR s'engage aussi pour la formation et l'éducation, et offre des plateformes de connaissances multimédias (matériel didactique sur mesure sous forme de résumés et de schémas de leçons), en particulier pour les écoles19.

Sport La SSR compte parmi les principaux promoteurs du sport en Suisse. Elle diffuse des reportages sur les athlètes suisses, les équipes nationales (de hockey sur glace et de football, équipe suisse de Coupe Davis, etc.) et les manifestations sportives nationales ainsi que sur de grands événements internationaux, comme les Jeux olympiques d'été et d'hiver, les championnats du monde et d'Europe de football, les championnats du monde de ski, etc., avec un accent particulier sur la Suisse. Le temps d'antenne consacré au sport (y compris les magazines et les retransmissions) s'élève à 11 % sur la SRF, à 8 % sur la RTS et à 12 % sur la RSI. En 2015, la SSR a couvert plus de 60 disciplines sportives. En 2014, elle a retransmis en direct, au niveau national ou international, 192 matchs de football, 51 matchs de hockey, 139 matchs de tennis, 69 courses de ski alpin, 15 courses de ski nordique, 19 Grands Prix de Formule 1, 18 courses de Moto 2 et 42 courses cyclistes. Les reportages en direct, comme la descente du Lauberhorn, jouissent d'une audience internationale.

Mandat étranger de la SSR Le mandat d'information pour l'étranger est une autre obligation légale de la SSR.

Elle remplit ce mandat, dont le coût se monte à 40 millions de francs par année, par le biais de l'offre internet SWI (swissinfo.ch) ainsi que par le biais de coopérations avec la chaîne internationale francophone TV5MONDE, la chaîne internationale germanophone 3Sat et la plateforme internationale italophone tvsvizzera.it. Les
redevances de réception assurent le financement de ces offres destinées à l'étranger à hauteur de 50 %. La SSR favorise ainsi les liens qui unissent les Suisses de l'étranger à leur pays d'origine et garantit une présence de la Suisse dans les médias qui contribue à promouvoir la compréhension de ses intérêts à l'étranger.

18 19

Voir le rapport de gestion SRG SSR 2015, disponible sous: http://gb.srgssr.ch/fr/2015/ Voir le rapport sur le service public, p. 51 ss.

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2.3.2

Diffuseurs locaux et régionaux

Aux niveaux local et régional, le service public est assuré par des diffuseurs privés.

En 2008, le DETEC a octroyé une concession à 43 radios OUC commerciales et à 13 diffuseurs de télévision régionale. Chaque année, 25,6 millions de francs issus du produit de la redevance sont alloués à 12 radios implantées dans des régions périphériques et de montagne ainsi qu'à 9 radios complémentaires; les 13 télévisions régionales se partagent, quant à elles, 41,9 millions de francs.

Le mandat de programme du service public régional est moins étendu que celui de la SSR. Il est défini dans les concessions octroyées aux diffuseurs (art. 38 LRTV, art. 36 de l'ordonnance du 9 mars 2007 sur la radio et la télévision20). Pour les radios des régions périphériques et de montagne et les télévisions régionales, il se limite à l'information sur des événements locaux et régionaux dans les domaines de la politique, de l'économie, de la culture, de la société et du sport durant les heures de forte audience. Les télévisions régionales diffusent des informations régionales durant leurs émissions d'actualité, qui durent en général 15 à 20 minutes.

Les 9 radios complémentaires, titulaires d'une concession dans les grandes agglomérations, se distinguent des stations commerciales au niveau du contenu et du profil musical. Dans leur programme, elles s'attachent surtout à impliquer le public et à donner la parole à des minorités sociales et culturelles.

Les diffuseurs locaux et régionaux financés par la redevance de réception se distinguent des diffuseurs purement commerciaux par la durée quotidienne moyenne de l'information. L'illustration suivante montre que, aux heures de forte audience (matin, midi, soir), les radios périphériques et de montagne consacrent davantage de temps à l'information que les radios commerciales situées dans les villes et sur le Plateau21.

20 21

RS 784.401 Voir le rapport sur le service public, p. 64 ss et p. 97 s.

8026

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Illustration 2 Durée quotidienne moyenne de l'information diffusée par les radios privées commerciales sur des événements à l'étranger, en Suisse et dans la région (en minutes)

Source: Publicom 2016, Evaluation spécifique des analyses des programmes radio sur mandat de l'Office fédéral de la communication (OFCOM) ­ Les données se réfèrent aux heures de forte audience le matin, à midi et le soir, les jours ouvrables moyens22

2.3.3

Autres prestations des diffuseurs de programmes radio-TV

Accès pour les personnes atteintes de déficiences sensorielles Dans un but d'intégration sociale, la SSR et les télévisions régionales titulaires d'une concession sont tenues de rendre une partie de leur programme accessible aussi aux personnes atteintes de déficiences sensorielles. La SSR répond à cette exigence puisque toutes les émissions qu'elle diffuse sur le premier canal de 19 h à 22 h sont sous-titrées, de même que les émissions en direct du week-end, soit en moyenne 50,1 % ou 28 371 heures en 2015. En outre, à la télévision, les éditions principales du journal sont proposées en langue des signes. En 2015, pour les personnes malvoyantes et aveugles, 136 émissions étaient munies d'une description audio (permettant de suivre un film grâce à des commentaires) en Suisse alémanique, 196 en Suisse romande et 80 en Suisse italienne.

A partir du 1er janvier 2017, les télévisions régionales titulaires d'une concession devront également adapter leurs émissions d'information pour les rendre accessibles aux personnes atteintes de déficiences sensorielles. Les coûts engendrés atteignent au total 2,5 millions de francs par année. Ce montant est prélevé sur le produit de la redevance de réception.

22

Voir la note 152 du rapport sur le service public.

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Informations lors de situations extraordinaires et en situations de crise L'information lors de situations extraordinaires ou de situations de crise suppose un accès à l'ensemble de la population, dans tout le pays. Actuellement, elle est assurée par la radio terrestre (en mode analogique sur OUC et en mode numérique en DAB+), par le biais de l'infrastructure radio ­ financée par la redevance ­ de la SSR et en partie aussi des radios locales titulaires d'une concession.

En cas de catastrophe (tremblement de terre, intempéries, accidents chimiques, etc.), les radios sont tenues de diffuser les communiqués urgents de la police ainsi que les alertes et les instructions émanant des autorités. Dans les situations de crise, la SSR collabore avec l'Office fédéral de la protection de la population, la Chancellerie fédérale et l'armée, sur la base d'accords de prestations. Si l'infrastructure normale d'émission des diffuseurs radio n'est plus disponible, ces informations sont transmises par le réseau émetteur d'urgence «Information par radio de la population par la Confédération en situations de crise (radio IPCC)».

2.4

Utilisation de la radio et de la télévision

On observe de grandes différences dans l'utilisation de la radio et de la télévision.

Le public suisse ne regarde que partiellement les programmes TV nationaux. Les télévisions étrangères privées (50 %) et publiques (15 %) atteignent ensemble une part de marché de 65 %. Les programmes TV de la SSR obtiennent au total une part de marché d'environ 30 %. Avec 5 %, les diffuseurs privés suisses (télévisions régionales financées par la redevance et télévisions purement commerciales) disposent d'une part de marché relativement faible. En Suisse italienne, les programmes SSR de la RSI sont regardés chaque jour en moyenne par 187 090 personnes, en Suisse romande, ceux de la RTS, par 862 337 personnes et en Suisse alémanique, ceux de la SRF par 2,397 millions de personnes. Dans toutes les régions linguistiques, les chaînes de la SSR enregistrent la plus forte audience lors de la diffusion du principal journal d'information.

En dehors des offres d'information, les émissions sportives ­ notamment les retransmissions en direct de matchs de football, de courses de ski ou le tennis ­ et les émissions de divertissement atteignent une audience et des parts de marché élevées.

Elles sont très appréciées aussi bien des jeunes que des moins jeunes.

Le public suisse consomme très majoritairement des programmes de radio suisses.

En Suisse alémanique, 65 % des auditeurs écoutent les programmes de la SSR; ils sont 67 % en Suisse romande et 78 % en Suisse italienne. Au total, les radios de la SRF atteignent en moyenne 2,743 millions d'auditeurs par jour, celles de la RTS 779 000 et celles de la RSI 189 000. C'est à l'heure des émissions d'information que leur audience est la plus élevée. Par comparaison, 30 % des auditeurs écoutent des programmes privés suisses; la part des radios étrangères est, quant à elle, extrêmement faible23.

23

Voir le rapport sur le service-public, p. 70 ss.

8028

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Dans les sondages sur la qualité des programmes de radio et de télévision menés auprès du public, les programmes radio de la SSR obtiennent régulièrement les meilleurs résultats. Les programmes TV de la SSR et les radios locales sont également très bien notés. Les radios de la SSR sont reconnues pour leur professionnalisme, leur crédibilité et le contenu de l'information politique; les radios locales et les télévisions régionales pour l'attention qu'elles portent à leurs régions respectives24.

2.5

Affectation des redevances de réception

2.5.1

Généralités

Actuellement, les ménages privés paient une redevance annuelle de 451 francs pour la réception des programmes radio-TV. Avec le changement de système de perception (passage d'un système centré sur l'appareil de réception à une redevance par ménage) approuvé en votation populaire le 14 juin 2015, le Conseil fédéral prévoit d'abaisser le montant de la redevance en Suisse à moins de 400 francs par ménage.

Selon le type et le nombre de récepteurs, les entreprises paient aujourd'hui entre 218 et 1374 francs de redevance par année. Après le changement de système, elles paieront, selon leur chiffre d'affaires, entre 400 et 39 000 francs par année. En 2015, les redevances ont rapporté au total 1,35 milliard de francs (hors TVA). Elles ont été réparties comme suit: Répartition des redevances en 2015

Illustration 3

Répartition en 2015 (hors TVA)

Millions de CHF

Part de la SSR

1235

Part des quotes-parts de la redevance (diffuseurs radio-TV locaux et régionaux)

54*

Part pour les nouvelles technologies

0,5

Part pour l'OFCOM25 (surveillance de Billag, procédures juridiques, téléspectateurs et auditeurs pirates)

4

Part pour les études d'audience

2,5

Part pour l'organe de perception de la redevance de réception (Billag SA) Total

54 1350

Source: www.ofcom.admin.ch > Médias électroniques > Redevance de réception > Montant et utilisation. * depuis le 1.7.2016, cette part s'élève à 67,5 millions de francs ou 5 % du produit total des redevances 24

25

Fretwurst, Benjamin/Fischer, Siri/Frey, Tobias/Friemel, Thomas/Bonfadelli, Heinz (2016): Nutzung und Bewertung der Schweizer Radio- und TV-Programme 2015.

Etude réalisée sur mandat de l'Office fédéral de la communication, Zurich.

Office fédéral de la communication

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Avec une quote-part annuelle de la redevance de 1,235 milliard de francs, la SSR occupe une position dominante parmi les médias électroniques en Suisse. Ce soutien fausse certes la concurrence; il découle néanmoins d'un choix de politique des médias ainsi que de facteurs relevant de l'économie des médias qui sont propres à la Suisse. Le média télévision, en particulier, se caractérise par des coûts fixes élevés.

Une fois un programme produit, les coûts supplémentaires sont toutefois négligeables, quel que soit le nombre de téléspectateurs. Que le Telegiornale de la RSI s'adresse à 54 000 personnes en moyenne ou que le Tagesschau de la SRG, avec son 1,658 million de téléspectateurs, atteigne plusieurs fois le public du Telegiornale, les coûts restent pratiquement les mêmes. Au niveau des recettes par contre, la différence est significative, car les recettes publicitaires et de parrainage croissent de manière plus ou moins linéaire avec chaque téléspectateur supplémentaire. Sur les petits marchés suisses, les coûts fixes sont élevés et les revenus relativement faibles.

Ainsi, en 2014, la télévision alémanique SRF a pu couvrir 45 % des dépenses liées à la production d'émissions d'actualité avec de la publicité. La RSI, qui opère sur un marché nettement plus petit, n'a couvert en 2014 que 10 % de ses dépenses avec la publicité diffusée en marge des émissions d'information. Il en va autrement des revenus. Les revenus provenant de la publicité et du parrainage dépendent de la taille du public potentiel, car les annonceurs paient un certain prix pour chaque contact personnel. En raison de l'étroitesse des marchés en Suisse, et donc du public restreint, les coûts fixes des émissions sont comparativement élevés, alors que les revenus sont relativement faibles.

Le marché suisse de la radio et de la télévision reste caractérisé par des déficits structurels. Ceux-ci sont couverts aujourd'hui par les redevances, qui constituent aussi le principal poste de recettes. En Suisse, la radio et la télévision réalisent un chiffre d'affaires annuel de 2,4 milliards de francs ­ achat d'appareils non compris.

Environ 1,35 milliard de francs proviennent des redevances de réception, 750 millions de recettes publicitaires à la télévision et près de 150 millions de recettes publicitaires à la radio26. En 2015, les recettes
des télévisions payantes se sont élevées à près de 100 millions de francs 27. Sans la redevance de réception, les recettes sur le marché radio-TV suisse diminueraient donc de plus de moitié. L'offre TV actuelle n'est possible en Suisse que parce que les déficits structurels sont couverts par des fonds publics. Cette constellation explique aussi pourquoi la Suisse ne présente pas un potentiel économique suffisant permettant une concurrence effective entre plusieurs programmes généralistes avec des productions en régie propre. De telles offres ne sont possibles que si l'on concentre les ressources disponibles.

26 27

Voir le rapport sur le service public, p. 22.

Voir Trappel, Josef/Delpho, Holger/Hürst, Daniel/Todt, Jan/Evers-Wölk, Michaela (2015): Fernsehen 2019. Neuer Schwung für DVB-T2. Deutschland ­ Österreich ­ Schweiz, Freiburg (D).

8030

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2.5.2

Utilisation de la redevance par la SSR

Le produit total de la redevance se monte à 1,35 milliard de francs. La SSR reçoit une quote-part de 1,235 milliard, laquelle oscille, en fonction des recettes commerciales, entre 70 et 73 % de son budget, lequel se monte à quelque 1,7 milliard de francs. Vu que les radios de la SSR ne sont pas autorisées à diffuser de la publicité, les recettes commerciales proviennent essentiellement de la télévision. En 2015, les recettes commerciales de la SSR dans le domaine de la télévision se sont élevées à 362 millions de francs. A la radio, les recettes de parrainage ont atteint 10 millions de francs. Les heures de forte audience à la télévision sont particulièrement attractives pour les annonceurs.

La SSR consacre des moyens financiers importants à l'information (627 millions en 2015, soit 39 % des coûts). Elle affecte 22 % des coûts au divertissement et au cinéma et 19 % à la culture, à la société et à l'éducation. Le sport coûte environ 180 millions de francs (11 % des coûts), le domaine de la musique et de la jeunesse 120 millions (7 %).

Illustration 4 Aperçu des coûts de la SSR selon le contenu du programme 2015 (en millions de CHF) Contenu du programme

2015

en %

Information

626,7

39

Divertissement, cinéma

355,2

22

Culture, société, éducation

309,7

19

Sport

180,4

11

Musique, jeunesse

118,6

7

Activités pour tiers

20,3

2

1610,9

100

Total des charges d'exploitation Source: données de la SSR

A la SSR, plus de 85 % des coûts de production (1,36 milliard de francs) sont imputables à des productions propres. Pour la télévision, la part de ces dernières se monte à 15 % du temps total d'antenne.

Aucun domaine de programme n'est financé par le marché. L'information, soit les émissions d'information quotidiennes, les magazines d'information, les émissions de conseil ou les émissions scientifiques, affiche un niveau de financement de 22 % seulement. Dans ce secteur justement, la part des productions propres, extrêmement coûteuses, est très élevée.

Les séries et les films présentent le niveau de financement le plus élevé (44 %). Ce pourcentage n'est guère étonnant, étant donné que les coûts d'acquisition des productions de tiers sont nettement inférieurs en comparaison de ceux des productions 8031

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propres. A l'inverse, les émissions destinées aux enfants et aux jeunes ainsi que les émissions de musique dépendent presque entièrement de la redevance pour leur financement. L'illustration suivante présente le taux de financement par types d'émission.

Illustration 5 Financement d'une émission TV selon le contenu du programme 2015 Contenu du programme

Coûts totaux (en milliers de CHF)

Recettes publicitaires (en milliers de CHF)

Niveau de financement (en %)

Séries et films

135 661

60 153

44,3

Actualité/magazines/information/ émissions de conseil/émissions scientifiques

624 840

137 669

22,0

Sport

145 422

19 071

13,1

Divertissement, shows

173 756

22 596

13,0

Musique

21 860

1 090

5,0

Enfants et jeunesse

26 776

468

1,7

1 128 316

241 046

21,4

Total des charges d'exploitation (TV uniquement)

Source: données de la SSR. Par comparaison avec l'illustration 4, le domaine de l'actualité, qui comprend aussi l'information, est défini de manière plus large. D'où la différence entre les montants.

Les grands événements sportifs (p. ex. les Jeux olympiques ou les matchs de la Coupe d'Europe ou de la Coupe du monde de football) drainent certes un public nombreux, mais la publicité ne permet pas à elle seule d'en assurer le financement.

La retransmission des Jeux olympiques d'hiver 2014 à Sotchi n'a pu être financée par des recettes commerciales qu'à hauteur de 17 %.

Plus la région linguistique est petite, plus elle dépend de la redevance pour financer la production de programmes de radio et de télévision. En 2014, la SRF a financé commercialement ses émissions d'actualité à hauteur de 45 %, la RTS à hauteur de 25 % et la RSI à hauteur de 10 %. La même année, la SSR a enregistré les taux de financement commerciaux les plus élevés avec des émissions de divertissement comme «Black Jack» sur la RSI ou «Millionen-Falle» sur la SRF, refinancées respectivement à 42 % et à 78 % par des recettes commerciales.

2.5.3

Péréquation financière interne à la SSR

La LRTV contraint la SSR à fournir à l'ensemble de la population des programmes de radio et de télévision complets et de même valeur dans les trois langues officielles. Vu sa population plus nombreuse, la Suisse alémanique fournit 71,3 % du 8032

FF 2016

produit total de la redevance, alors que la part de la Suisse italienne n'est que de 4,5 %. Une péréquation financière interne permet à la SSR de diffuser une offre de valeur comparable dans toutes les régions linguistiques. Par rapport au nombre d'habitants, la RTS, la RSI et la RTR touchent une part proportionnellement plus importante du produit de la redevance et des recettes publicitaires. Par exemple, plus de 21 % des ressources sont allouées à la Suisse italienne, soit quatre fois plus que ce qui est encaissé dans cette région.

Illustration 6 Péréquation financière interne à la SSR, 2015

Source: SSR 2015, représentation OFCOM

2.5.4

Diffuseurs locaux et régionaux

Depuis le 1er juillet 2016, les radios locales et les télévisions régionales titulaires d'une concession disposent d'une enveloppe annuelle de 67,5 millions de francs, contre 54 millions de francs auparavant. En 2015, les revenus publicitaires et de parrainage des 12 radios locales commerciales privées avec quote-part de la redevance se sont élevés à quelque 41 millions de francs. Selon le diffuseur, la redevance représente entre 13 % et 46 % des revenus globaux. Ensemble, les 13 télévisions régionales engrangent des revenus publicitaires et de parrainage à hauteur de 38 millions de francs. Selon la chaîne, la redevance représente entre 28 % et 66 % des revenus globaux28. Les 9 radios complémentaires, qui ont l'interdiction de diffuser 28

OFCOM, comptes annuels des diffuseurs, 2015.

8033

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de la publicité, dépendent logiquement plus fortement de la redevance que les diffuseurs commerciaux. Leurs recettes globales de parrainage se montent à environ 880 000 francs. La part de redevance dans les revenus de ces radios oscille entre 31 % et 66 %.

Les diffuseurs de radio privés bénéficient également d'un soutien financier pour la diffusion numérique de leurs programmes sur DAB+, qui est ainsi en partie financée par les redevances. En 2015, la diffusion radio dans les régions de montagne a en outre été subventionnée à hauteur de près de 860 000 francs par des fonds publics.

D'un point de vue financier, la taille des radios locales et des télévisions régionales joue un rôle déterminant. Des radios privées commerciales peuvent être exploitées dans les grandes agglomérations sans être financées par la redevance, contrairement aux stations de radio situées dans les régions périphériques et de montagne. Même en percevant une quote-part de la redevance, plusieurs diffuseurs de télévision régionale éprouvent des difficultés économiques. Raisons principales à cela: les coûts fixes élevés dans la télévision et le fait que les diffuseurs régionaux ne peuvent pas, de par leur petite taille, répartir ces coûts fixes sur un nombre de téléspectateurs suffisamment élevé. En outre, la plupart des télévisions régionales ne diffusent pas de programme généraliste, ce qui restreint leur part d'audience et fragilise leur position sur le marché publicitaire.

2.6

Diffuseurs de service public à l'étranger

Un service public des médias électroniques existe dans la plupart des pays européens29. Généralement, il est fourni par une seule organisation, dont la licence est renouvelée périodiquement. Les diffuseurs de service public travaillent sur la base de contrats de prestations, avec des exigences comparables. Dans la plupart des pays européens, les médias de service public sont tenus de veiller au respect de la diversité et de l'équilibre, et doivent contribuer à la cohésion nationale. Ils sont financés par la manne publique et par des recettes publicitaires. Seuls les pays scandinaves et la Grande-Bretagne ont banni la publicité dans les médias de service public30. La majorité des pays européens ont édicté des règles asymétriques en matière de publicité, qui profitent aux médias privés. Dans tous les pays, les médias de service public peuvent aussi être présents en ligne, avec des restrictions variables néanmoins. La publicité en ligne est autorisée pour la plupart des diffuseurs européens de service public. En Allemagne et en Suisse seulement, les médias de service public ne peuvent pas diffuser de publicité en ligne. Dans tous les pays européens, les diffuseurs publics doivent indiquer, dans des rapports annuels et financiers, comment ils remplissent leur mandat public et à quel but ils affectent les fonds publics reçus. A côté d'autres instruments de remise des comptes, quelques Etats connaissent des procé29

30

Voir Studer, Samuel/Schweizer, Corinne/Puppis, Manuel/Künzler, Matthias (2014): Darstellung der Schweizer Medienlandschaft. Rapport à l'intention de l'Office fédéral de la communication. Fribourg, chapitre 3.2.

Voir Puppis, Manuel/Schweizer, Corinne (2015): Service public im internationalen Vergleich. Rapport à l'intention de l'Office fédéral de la communication. Fribourg, chapitre 5.2.

8034

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dures de test ex ante complexes avant l'introduction de nouvelles offres de service public (public value tests ou tests en trois phases).

Contrairement à l'Europe, aux Etats-Unis, la politique en matière de radiodiffusion repose sur une conception fondée sur le marché avec une réglementation étatique modérée. Certes, des radios et des télévisions publiques existent aussi. Toutefois, elles ne sont pas financées par des montants importants provenant de taxes, comme les diffuseurs publics européens, mais dépendent fortement de dons volontaires et ne reçoivent que des subventions étatiques comparativement faibles. Le service public ne joue qu'un rôle marginal dans le système de médias américain.

3

Buts et contenu

3.1

Buts visés

L'initiative demande la suppression des redevances radio et télévision (art. 93, al. 4, Cst., selon le texte de l'initiative), laquelle mettrait aussi fin à la charge administrative, jugée trop lourde par les auteurs de l'initiative, et à l'atteinte à la sphère privée liée à l'encaissement des redevances par l'actuel organe de perception, à savoir Billag SA.

3.2

Dispositif proposé

Les auteurs de l'initiative sont favorables à un paysage des médias qui serait régi exclusivement par les mécanismes de l'économie de marché, également dans le domaine de la radio et de la télévision. Ils critiquent l'actuelle distorsion du marché due à la part prépondérante des redevances versée à la SSR et considèrent que, dans une société libre, il n'y a pas de place pour des «médias d'Etat», terme du comité d'initiative pour désigner les offres de radio et de télévision financées par les redevances de réception. Ce point de vue se reflète dans leur proposition de nouvel art.

93, al. 6, Cst., en vertu duquel la Confédération n'exploite pas ses propres chaînes de radio ou de télévision en temps de paix.

Pour les auteurs de l'initiative, la suppression des redevances permettrait une concurrence équitable entre les médias31. Par conséquent, l'art. 93, al. 4, Cst. proposé exclut toute forme de subventions aux diffuseurs de programmes de radio et de télévision. Ainsi, «les médias pourront travailler en parfaite concurrence pour gagner la faveur des clients et leur offrir des programmes axés sur la demande» 32. Les consommateurs pourraient utiliser gratuitement les offres financées par la publicité ou s'abonner contre paiement aux offres de leur choix. Selon le nouvel art. 93, al. 3, Cst., la Confédération serait tenue de mettre régulièrement aux enchères des concessions de radio et de télévision.

31 32

www.nobillag.ch > L'initiative > Arguments, ch. 3 www.nobillag.ch > L'initiative > Arguments, ch. 9

8035

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Bien qu'elle ne conteste pas les compétences législatives de la Confédération en matière de radio et de télévision prévues à l'art. 93, al. 1, Cst., l'initiative vise, audelà de la question du financement, une déréglementation de la radio et de la télévision. Elle demande par exemple l'abrogation de l'actuel art. 93, al. 2, Cst. (mandat de prestations de la radio et de la télévision), ce qui équivaut à renoncer au service public à la radio et à la télévision tel que nous le connaissons actuellement. L'actuel al. 4 (prise en considération des autres médias) deviendrait également caduc.

L'art. 93, al. 5, Cst. devrait aussi être modifié, ce qui entérinerait la suppression de la base constitutionnelle pour une autorité indépendance d'examen des plaintes.

3.3

Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

Le contenu des al. 1 et 3 de l'art. 93 Cst. reste inchangé; l'al. 3 est renuméroté et devient l'al. 2. La Confédération conserve ses compétences législatives dans le domaine de la radio et de la télévision ainsi que sur les autres formes de diffusion de productions et d'informations ressortissant aux télécommunications publiques.

L'initiative porte uniquement sur la radio et la télévision. Elle ne contient aucune nouvelle exigence ou restriction concernant la réglementation et le financement éventuels des «nouveaux médias» (autres formes de diffusion ressortissant aux télécommunications publiques). L'indépendance et l'autonomie des programmes de radio et de télévision demeurent garanties par la Constitution (al. 3 du droit actuel, et al. 2 selon le texte de l'initiative).

Les actuels al. 2, 4 et 5 de l'art. 93 Cst. sont modifiés et ainsi matériellement abrogés. La documentation disponible relative à l'initiative ne contient aucune explication à ce sujet. L'actuel al. 2 précise le mandat de prestations confié au système suisse de radiodiffusion: la radio et la télévision doivent contribuer à la formation et au développement culturel, à la libre formation de l'opinion et au divertissement, prendre en considération les particularités du pays et les besoins des cantons, présenter les événements de manière fidèle et refléter équitablement la diversité des opinions. Une modification ou une abrogation de l'al. 2 mettrait un terme à l'obligation constitutionnelle de l'Etat de créer les conditions générales appropriées pour atteindre ces objectifs et de garantir le financement des prestations. La gestion du paysage radiophonique et télévisuel serait laissée aux seules forces du marché.

L'actuel al. 4 de l'art. 93 Cst. stipule que le législateur doit tenir compte, dans le cadre de la réglementation des médias électroniques, de la situation et du rôle des autres médias, notamment de la presse. Sa modification ou son abrogation peut s'expliquer par le fait que l'initiative postule à l'avenir un système de radiodiffusion peu réglementé, qui bannirait toute distorsion du marché due au soutien financier de l'Etat.

L'abrogation de la norme relative à l'autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio et de télévision (actuel art. 93, al. 5, Cst.) mettrait fin au droit constitutionnel de soumettre
des plaintes sur le contenu des programmes à un organe indépendant. En tout cas, l'Etat ne serait plus tenu, en vertu de la Constitution, de permettre au public de déposer une plainte auprès d'un organe dédié. Une telle possibilité serait pourtant nécessaire au vu des exigences en matière de contenu des 8036

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programmes de télévision que pose la Convention européenne du 5 mai 1989 sur la télévision transfrontière (CETT, art. 7)33, que la Suisse est tenue d'appliquer. Les raisons invoquées par le comité d'initiative ne sont pas claires, car il n'existe pas de lien intrinsèque entre l'AIEP et le financement, par la redevance de réception, de la SSR et des autres diffuseurs titulaires d'une concession. Le système basé sur le marché souhaité par les auteurs de l'initiative n'entre pas en contradiction avec l'objectif premier poursuivi par l'AIEP, à savoir protéger le public des manipulations et des émissions et publications illicites.

Dans la documentation disponible, les auteurs de l'initiative ne fournissent aucune précision sur le nouvel al. 3. Actuellement, la LRTV reconnaît des concessions de diffusion qui, d'une part, définissent les mandats de prestations confiés à la SSR et aux diffuseurs privés et, d'autre part, garantissent des privilèges, comme le versement d'une quote-part de la redevance et l'accès à la diffusion. L'initiative demande la mise aux enchères de concessions. Compte tenu du contexte, elle entend probablement la mise aux enchères de concessions pour la diffusion de programmes de radio et de télévision uniquement. Au vu des changements technologiques (numérisation), l'importance de ce type de concessions doit toutefois être relativisée.

Les al. 4 et 5 de l'initiative précisent le futur financement de la radio et de la télévision. En principe, les médias électroniques devront se débrouiller sans subvention de la Confédération. Cela signifie non seulement l'abolition des redevances de réception, mais aussi la suppression de toutes les autres subventions allouées aux diffuseurs de programmes radio-TV, notamment le financement de l'offre de la SSR destinée à l'étranger, le soutien aux nouvelles technologies de diffusion (passage des OUC au DAB+), les contributions à la diffusion de programmes de radio dans les régions de montagne ainsi que les montants alloués au sous-titrage des émissions d'information.

La Confédération ne serait autorisée à verser des contributions aux diffuseurs que pour la transmission de communiqués officiels urgents. Reste à savoir ce qu'il en serait des aides financières allouées actuellement à la formation et au perfectionnement des collaborateurs des médias
électroniques, à la recherche dans le domaine des médias, à l'archivage des programmes, à la Fondation pour les études d'audience et à d'autres projets de recherche, dont les destinataires ne sont pas forcément des diffuseurs de programmes de radio et de télévision. Ces subventions, qui ne sont pas versées directement aux diffuseurs, ne sont en tous cas pas exclues formellement par le texte de l'initiative.

L'«interdiction» d'une télévision ou d'une radio exploitée par la Confédération ressort déjà de l'actuel art. 93, al. 3, Cst. Selon l'initiative, le nouvel al. 6 vise explicitement à créer une réglementation spécifique en cas de situations de guerre. Selon cette interprétation uniquement, l'al. 6 revêt une portée propre.

En ce qui concerne la mise en oeuvre de l'initiative, celle-ci contient dans ses dispositions transitoires les termes juridiques «dispositions d'exécution» et «dispositions légales». Une entrée en vigueur des dispositions légales avant le 1er janvier 2018 (voir art. 197, ch. 12, al. 1, Cst.) n'est pas réaliste vu la date probable de la votation.

33

RS 0.784.405

8037

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En cas d'acceptation de l'initiative, le Conseil fédéral devrait édicter les dispositions d'exécution dans une ordonnance.

L'al. 3 des dispositions transitoires couple l'abrogation sans dédommagement des concessions donnant droit à une quote-part de la redevance avec l'entrée en vigueur des dispositions légales de mise en oeuvre de l'initiative. L'initiative veut donc permettre un abandon programmé du système actuel régissant les médias électroniques. Le système des redevances devrait pouvoir être maintenu pendant la phase transitoire, jusqu'à la mise en oeuvre par le législateur du texte de l'initiative.

La réglementation à l'art. 197, ch. 12, al. 3, Cst., laisse à penser que le comité d'initiative ne prévoit pas une applicabilité directe de la disposition constitutionnelle proposée. Le Conseil fédéral partage ce point de vue. Certains points du texte de l'initiative comme l'interdiction des subventions (al. 4) et l'interdiction de percevoir des redevances (al. 5) sont certes formulés de manière suffisamment précise et seraient directement applicables, mais ils ne constituent que des éléments d'un système général encore à concrétiser et ne pourraient donc pas, d'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, être mis en oeuvre isolément (voir ATF 139 I 16 consid.

4.3). La disposition relative à la mise aux enchères des concessions (at. 93, al. 3, Cst.

selon le texte de l'initiative) est formulée de manière ouverte et manque de précision pour une application directe. Avant d'organiser la mise aux enchères de concessions, le législateur doit prendre un certain nombre de décisions, entre autres fixer les modalités d'adjudication et définir des exigences quant à la forme et au contenu des concessions. Ces aspects exigent une intervention du législateur, car on ne peut pas les mettre en oeuvre en se fondant directement sur la Constitution.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Conformité aux principes et valeurs de la Suisse

4.1.1

D'un point de vue méthodologique

L'initiative interdit la perception de redevances de réception et, dans le même temps, tout subventionnement de «chaînes de radio ou de télévision». Elle s'oppose fondamentalement à l'actuel système suisse de radiodiffusion. D'un point de vue méthodologique, le texte de l'initiative laisse beaucoup de questions sans réponse et semble en partie mal pensé.

Contrairement à l'initiative, le Conseil fédéral veut conserver le système actuel de radiodiffusion et le développer. Il maintient la position défendue dans son rapport sur le service public dans le domaine des médias. Dans ce document, il arrive à la conclusion que la Suisse a besoin à l'avenir également d'offres de radio et de télévision autonomes, comparables dans toutes les régions linguistiques, de qualité et indépendantes, et que les moyens nécessaires à cet effet doivent être mis à disposition. A l'avenir, la diffusion de ces offres sur l'internet jouera en outre un rôle encore plus important.

8038

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4.1.2

D'un point de vue économique

En cas d'acceptation de l'initiative, le financement public d'offres de médias ne serait plus possible. Certes, les offres de médias à but lucratif et financées par des fonds privés présentent de la qualité et de la diversité. Toutefois, en Suisse, en raison du plurilinguisme et de la petitesse du pays, une organisation de la radio et de la télévision fondée sur une pure économie de marché ne permettrait pas de garantir des offres comparables et de qualité dans toutes les régions linguistiques. En effet, dans une économie de marché, la taille de la région culturelle et linguistique détermine grandement la qualité et la diversité des offres médiatiques. La logique économique sous-jacente est la suivante: en raison des coûts fixes élevés et de la demande incertaine, la fabrication première d'un produit de médias présente un haut risque financier (first copy cost). Les entreprises à but purement lucratif minimisent ce risque en produisant des offres qui correspondent le plus possible aux attentes du public et qui atteignent la plus large audience possible. La diversité de ces offres dépend principalement de la diversité des intérêts du public. Plus ceux-ci sont diversifiés, plus l'offre des médias devra être variée. Cette diversité suppose toutefois que les minorités soient suffisamment importantes pour couvrir aussi les coûts fixes. Il faut donc un nombre suffisant d'abonnés ou de contacts publicitaires. Cette condition étant rarement remplie, les entreprises de médias à but lucratif produisent avant tout des programmes susceptibles de satisfaire la majorité ou traitent des thèmes d'intérêt général. Elles consacrent une grande partie de leur offre à des intérêts dominants et majoritaires, ce qui ne favorise pas la diversité. En Suisse, si l'offre radio-TV devait être guidée par une économie de marché pure, l'uniformisation de l'offre décrite ci-avant serait particulièrement marquée, en raison de la petite taille des marchés régionaux et du plurilinguisme. A l'inverse, le financement par la redevance permet la diversité de l'offre et la prise en considération des intérêts des minorités en dehors de toute logique de marché. Il en va de même pour la qualité de l'information. Dans une logique de marché pure, les contenus de grande qualité ne sont produits que s'ils sont rentables, à savoir s'il existe
un public suffisamment large prêt à payer pour cette qualité ou si ces contenus peuvent être commercialisés grâce à la publicité. Pour des raisons financières, lorsque ces conditions ne sont pas remplies, une entreprise de médias adaptera l'offre et acceptera des restrictions sur le plan de la qualité.

Les opposants à l'actuel service public dans les médias prétendent qu'avec la numérisation et la suppression pratiquement totale des problèmes de capacité de transmission, les offres bénéficiant d'un financement public deviendront superflues.

S'agissant du nombre et de la portée des offres en ligne, ils voient un potentiel de croissance considérable. Pourtant, il faut tenir compte du fait que les utilisateurs ne sont guère disposés à délier les cordons de leur bourse pour des contenus en ligne.

Les annonceurs préfèrent les sites web les plus fréquentés, comme les moteurs de recherche, les réseaux sociaux et les plateformes qui mettent en lien des contenus de médias. En comparaison, les sites internet des éditeurs font figure de laissés pour compte. C'est pourquoi une grande partie des contenus produits par des entreprises de médias dépendent des subventionnements croisés provenant d'activités tradition-

8039

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nelles, ce qui réduit leurs possibilités de refinancement34. Dans un contexte numérique, les coûts de production et de distribution tels que mentionnés plus haut sont effectivement moindres, mais la durée de vie des technologies et les cycles d'investissement sont plus courts et exigent davantage de moyens financiers. Que ce soit dans le monde numérique ou dans le monde analogique, la qualité du journalisme requiert des ressources importantes.

4.2

Conséquences en cas d'acceptation

4.2.1

Conséquences sur l'offre à la radio et à la télévision et sur les diffuseurs

En cas d'acceptation de l'initiative, le service public à la radio et à la télévision que nous connaissons ne serait plus soutenu par des fonds publics. L'offre d'émissions de qualité consacrées à l'information, à l'éducation et à la culture ne pourrait plus être financée par des recettes publicitaires dans les mêmes proportions qu'aujourd'hui. Les programmes de radio et les offres en ligne de la SSR sont exempts de publicité, et le parrainage n'est autorisé que dans les programmes de radio; c'est la raison pour laquelle ils ne génèrent pas de recettes commerciales en dehors du parrainage à la radio. Les programmes TV de la SSR qui diffusent de la publicité ne couvrent que 23 % de leurs dépenses avec des recettes publicitaires. En cas d'acceptation de l'initiative, les programmes actuellement financés par la redevance de réception devraient donc réduire ou adapter leur offre pour des raisons économiques, à moins qu'ils ne parviennent à trouver d'autres sources de financement. La Suisse alémanique disposerait éventuellement du potentiel économique pour lancer un programme généraliste financé par la publicité et diffusé dans toute la région linguistique. Ce constat pourrait être aussi valable pour la Suisse romande, mais pas pour le Tessin, ni pour les régions romanches. Pour des raisons économiques, les offres de radio et de télévision purement commerciales sont généralement orientées vers le divertissement. On le constate déjà avec les offres suisses et étrangères actuelles. Il est impossible de dire aujourd'hui si et dans quelle mesure un programme régional-linguistique financé par la publicité comprendrait encore des offres d'information. Les coûts de production des émissions d'information sont élevés.

Aujourd'hui par exemple, les émissions d'information quotidiennes sont financées par la publicité à hauteur de 45 % sur la SRF, de 25 % sur la RTS et de 10 % sur la RSI. Autrement dit, elles sont soutenues en grande partie par la redevance. Sans ce financement, l'offre d'information serait probablement réduite d'autant35.

L'acceptation de l'initiative entraînerait un démantèlement de l'offre de la SSR, des stations de radio dans les régions périphériques et de montagne et de la télévision régionale. La diversité de l'offre et des opinions à la radio et à la télévision diminuerait très probablement. Les petites régions linguistiques seraient particulièrement 34

35

Voir Seufert, Wolfgang (2012): Auswirkungen des Medienwandels auf die Struktur des marktfinanzierten Medienangebotes. In: Medienwandel oder Medienkrise? Folgen für Medienstrukturen und ihre Erforschung. Jarren, Ottfried/Künzler, Matthias/Puppis, Manuel (Hrsg.). Baden-Baden, p. 145 ss.

Voir le rapport sur le service public, p. 32.

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touchées, notamment parce que disparaîtrait la péréquation financière interne à la SSR qui a permis jusqu'ici de financer des offres radio-TV complètes en Suisse romande et en Suisse italienne. Il est possible que, suite à l'abandon des offres de programmes financées par la redevance, apparaissent de nouvelles chaînes orientées exclusivement vers le marché. Difficile par contre de prévoir leur nombre.

A l'heure actuelle, le public suisse passe déjà deux tiers de son temps à regarder des chaînes étrangères. Ces offres peuvent se financer sur des marchés domestiques plus larges, avec des quotes-parts de redevance et des recettes publicitaires plus élevées.

Sans financement par la redevance, les diffuseurs suisses, actuels et futurs, seraient sérieusement désavantagés: en raison de l'étroitesse du marché suisse, leurs coûts fixes sont élevés et les revenus relativement faibles. Il est donc probable que les offres des grands pays voisins de même langue soient les principales bénéficiaires d'une acceptation de l'initiative.

4.2.2

Conséquences sur la diffusion de la radio et de la télévision

La suppression de la redevance radio-TV et l'interdiction de soutenir les diffuseurs porteraient également préjudice à la diffusion des programmes. Le passage aux technologies numériques dans le domaine de la radio serait mis en péril, et une couverture complète ne pourrait plus être garantie, notamment dans les régions périphériques et de montagne.

La SSR paie actuellement 100 millions de francs par année pour la diffusion de ses offres électroniques. Ses programmes de radio et de télévision peuvent être reçus sur tout le territoire suisse par différents vecteurs de diffusion. S'agissant des stations radio privées soutenues par la redevance, elles consacrent 3,5 millions de francs par année à la diffusion terrestre sans fil de leurs programmes. 50 % à 70 % de cette somme sont couverts par la redevance de réception. Pour les diffuseurs de télévision privés, les coûts liés à l'acheminement des programmes vers les réseaux câblés et téléphoniques se montent à 2 millions de francs, financés en partie aussi par la redevance de réception.

L'initiative prévoit que la Confédération puisse rémunérer la diffusion de communiqués officiels urgents. Toutefois, un système d'alerte et d'alarme efficace, avec des consignes de comportement, suppose un réseau d'émetteurs radio couvrant tout le territoire (OUC/DAB+); sa disponibilité ne serait plus garantie si l'initiative était acceptée. A elle seule, la SSR débourse chaque année 45 millions de francs pour l'exploitation d'un tel réseau. En cas d'acceptation de l'initiative, l'organisation du réseau émetteur d'urgence «Information par radio de la population par la Confédération en situations de crise» (radio IPCC, voir ch. 2.3.3) devrait donc être revue.

8041

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4.2.3

Conséquences pour la démocratie

La proposition de l'initiative remet fondamentalement en question le système actuel de radiodiffusion. Elle vise à instaurer un autre régime des médias en supprimant la redevance de réception. Parallèlement, elle proscrit tout subventionnement de «stations de radio et de télévision» et supprime l'actuel mandat de prestations constitutionnel (voir ch. 2.1), qui comprend également le principe d'objectivité et de diversité. L'abandon du principe d'objectivité pour les émissions d'information signifierait la perte d'un instrument garantissant une formation impartiale de l'opinion du public.

L'actuel système de perception de la redevance et la possibilité de soutenir financièrement les diffuseurs de service public permettent d'assurer l'existence de médias électroniques qui contribuent au bon fonctionnement de la formation démocratique de la volonté et au développement culturel. En tant qu'association indépendante des intérêts politiques et économiques, la SSR est tenue de garantir une offre pluraliste qui tient également compte des intérêts des minorités.

Si l'initiative est acceptée, la Suisse ne sera plus en mesure de pratiquer une politique des médias globale et efficace. La compétence législative de la Confédération serait réduite à la fixation de conditions d'ordre économique pour la communication publique. L'abolition du mandat général de prestations et l'interdiction de soutenir financièrement la radio et la télévision entraîneraient l'abandon d'un instrument essentiel de la politique du Conseil fédéral en matière de médias, qui consiste à soutenir des diffuseurs en contrepartie de la fourniture de certaines prestations journalistiques. Le service public fourni par les médias électroniques n'existerait plus sous sa forme actuelle. Ce changement sonnerait le glas d'une offre politiquement définie comme un service fourni à la société qui contribue au bon fonctionnement des processus démocratiques et au maintien de la cohésion sociale, donne des impulsions culturelles et garantit des normes éthiques minimales ainsi que des prestations spécifiques en faveur des personnes atteintes de déficiences sensorielles.

Dans ce contexte, le Conseil fédéral juge les exigences de l'initiative disproportionnées.

4.2.4

Conséquences pour la culture et la société

Une analyse de l'actuelle utilisation des moyens octroyés à la SSR et aux diffuseurs de radio et de télévision privés soutenus par la redevance montre que l'acceptation de l'initiative risque d'avoir un impact non négligeable sur la vie culturelle et sociale en Suisse. Le mandat de prestations de la SSR est large et couvre les domaines de l'information, de l'éducation, de la culture et du divertissement. Une partie du mandat comprend également des prestations d'intégration sociale et culturelle. Vu l'ampleur de ces obligations, les conséquences de l'acceptation de l'initiative populaire seraient importantes. Le mandat de programme confié aux radios locales et aux télévisions régionales privées financées par la redevance de réception ne porte que sur l'information aux heures de forte audience. En cas d'acceptation de l'initiative, il faut s'attendre à une réduction des prestations dans ce domaine. La SSR investit la majeure partie de ses ressources financières dans l'information. La suppression des 8042

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redevances entraînerait une réduction majeure de ses prestations, tant au niveau du contenu que de la portée. La population perdrait non seulement une offre de médias, mais aussi une source de formation de l'opinion et de la volonté très appréciée (voir ch. 2.4). Les radios situées dans les régions périphériques et de montagne et les télévisions régionales, massivement financées par la redevance, seraient sous pression. Les prestations d'information dans ces zones ne pourraient dès lors plus être fournies dans les mêmes proportions qu'aujourd'hui. Ces offres ne peuvent pas en effet être financées sur une base purement commerciale.

Les prestations actuelles de la SSR dans le domaine de l'intégration seraient également affectées. Les obligations relatives à l'encouragement des échanges entre cultures suisses ­ visant à renforcer la compréhension mutuelle et la cohésion nationale ­ seraient abandonnées, tout comme les offres destinées aux personnes atteintes de déficiences sensorielles. L'obligation de produire des émissions pour tous les groupes de population deviendrait également lettre morte. Les offres destinées aux minorités sociales et culturelles disparaîtraient en grande partie, au profit d'émissions susceptibles de plaire à la majorité.

Si la SSR n'était plus soutenue par la redevance et ne remplissait plus de mandat de prestations, elle n'aurait plus non plus l'obligation d'assumer une fonction de modèle dans son travail d'information. L'acceptation de l'initiative pourrait donc aussi porter préjudice à la qualité du journalisme.

Vu que la SSR doit aujourd'hui remplir des mandats concrets dans divers domaines, les prestations sociales et culturelles suivantes disparaîtraient partiellement ou seraient réduites: ­

Information: Un tiers des coûts totaux de la SSR, soit 627 millions de francs, est investi dans le domaine de l'information. Ce montant correspond à la moitié de la quote-part de redevance allouée à la SSR.

­

Culture et formation: La SSR investit chaque année plus de 300 millions de francs dans ce domaine, dont plus de 40 millions dans le secteur du cinéma.

De plus, elle soutient plusieurs festivals de cinéma pour un montant de 2,9 millions de francs, et verse 8,5 millions en honoraires et paiements de droits dans le domaine de la musique. Elle dépense aussi chaque année plusieurs millions de francs en faveur d'orchestres classiques et s'engage dans des manifestations littéraires, comme les Solothurner Literaturtage et le Salon du livre à Genève.

­

Intégration et identification: La SSR encourage les échanges entre cultures suisses afin de renforcer la compréhension mutuelle et la cohésion nationale, et tient compte des besoins de communication de toutes les générations et groupes sociaux. Elle dépense 11 millions de francs par année pour les personnes atteintes de déficiences sensorielles.

­

Sport: En 2015, la SSR a consacré 180 millions de francs au sport. Lors d'années riches en rendez-vous sportifs, comme en 2014, cette somme peut augmenter d'un tiers. Ces ressources sont en partie reversées par les associations aux divers clubs sportifs, qui les utilisent pour la promotion de la jeunesse et de la relève. La SSR couvre régulièrement plus de 60 disciplines

8043

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sportives; elle contribue à encourager le sport pour tous et les sports minoritaires.

4.2.5

Conséquences économiques

La raison d'être du service public dans les médias relève en premier lieu de la démocratie et de la politique sociale. Il représente aussi un facteur économique36. A première vue, la suppression des redevances de réception aurait des effets positifs sur l'économie. Les ménages et les entreprises pourraient librement disposer du montant qu'ils paient aujourd'hui pour la redevance, soit au total un gain en pouvoir d'achat de 1,35 milliard de francs. Reste à savoir si ces moyens supplémentaires seraient investis dans d'autres offres de médias ou utilisés à d'autres buts.

Le service public financé par la redevance permet aussi la création de postes de travail et de valeur dans et hors de la branche des médias qui, en cas d'acceptation de la redevance, disparaîtraient ou seraient transférés totalement ou partiellement: ­

Postes de travail: Pour chaque emploi à la SSR et chez les autres diffuseurs titulaires d'une concession, un autre emploi est créé dans une entreprise suisse active dans une autre branche. La SSR offre près de 5900 postes à plein temps; les radios locales et les télévisions régionales au bénéfice d'une concession et d'une quote-part de la redevance en comptent 900. S'y ajoutent quelque 6700 postes à plein temps générés par le service public dans d'autres domaines.

­

Valeur ajoutée brute comparable à l'industrie textile: Le service public financé par la redevance génère directement une valeur ajoutée brute de presque 1 milliard de francs, ce qui correspond aux valeurs enregistrées dans l'industrie du textile et de l'habillement. L'activité économique du service public profite toutefois également à des entreprises d'autres branches, notamment l'audiovisuel. La valeur ajoutée générée dans d'autres secteurs se monte à 840 millions de francs. On ignore comment cette création de valeur se déplacerait en cas d'acceptation de l'initiative.

­

Chaque franc de redevance versé au service public génère en Suisse une valeur ajoutée brute de 1 fr. 40.

­

Chaque franc de valeur ajoutée réalisé par la SSR ainsi que par les radios locales et les télévisions régionales au bénéfice d'une quote-part de la redevance génère encore 90 centimes de valeur ajoutée auprès des entreprises suisses d'autres branches.

Les conséquences économiques peuvent être démontrées également aux niveaux local et de la région linguistique. S'agissant de la SSR, elles sont proportionnellement plus fortes en Suisse romande et en Suisse italienne par rapport à la population 36

Les données suivantes (collectées en 2015) se basent sur une étude de BAK Basel intitulée «Effets économiques des médias de service public financés par la redevance. Une analyse d'impact macroéconomique commandée par l'Office fédéral de la communication OFCOM». Etude réalisée sur mandat de l'Office fédéral de la communication.

8044

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correspondante. Dans le canton du Tessin notamment, la SSR est un employeur important.

De plus, les diffuseurs de programmes soutenus par la redevance occupent souvent une fonction importante en tant que fournisseurs de plateformes publicitaires. Aucun autre média suisse que les canaux de télévision de la SSR ne permet d'atteindre un public aussi large avec des spots publicitaires. Les annonceurs apprécient particulièrement ces programmes. Sans redevance, il y aurait moins de moyens pour produire des programmes attrayants. Il en résulterait probablement une diminution non seulement de la portée de la publicité, mais aussi de son volume, ce qui aurait des répercussions négatives sur toute la branche.

L'Organe suisse de perception des redevances de radio et de télévision (Billag SA) emploie 190 personnes. Ces emplois ne sont pas assurés, indépendamment du résultat de la votation sur l'initiative. Le mandat d'encaissement de Billag SA prend fin le 31 décembre 2018. L'appel d'offres pour le nouveau mandat de perception a été lancé le 16 août 2016. En cas d'acceptation de l'initiative, aucun mandat ne sera plus octroyé.

4.2.6

Conséquences pour la Confédération

Le financement de la SSR et des autres diffuseurs de programmes de radio et de télévision titulaires d'une concession et au bénéfice d'une quote-part ne figurent pas dans le Compte d'Etat (voir art. 68, al. 3, LRTV). L'abandon des redevances, qui serait une conséquence de l'acceptation de l'initiative, n'aurait aucune incidence sur ce dernier, tant sur le plan des recettes que sur celui des dépenses. Comme expliqué au ch. 3.3, il n'est pas clairement dit si l'interdiction de verser des subventions selon l'art. 93, al. 4, Cst. du texte de l'initiative s'appliquerait aussi aux subventions qui ne sont pas directement allouées aux diffuseurs de programmes radio-TV. Or, certaines sont aussi financées par les redevances de réception (p. ex. les contributions pour les études d'audience selon l'art. 81 LRTV). A l'avenir, de telles subventions devraient donc être financées par les caisses fédérales, tout comme d'ailleurs la diffusion de communiqués officiels urgents proposée dans l'initiative. Par contre, la suppression des subventions actuellement financées par le budget fédéral (p. ex. l'offre de la SSR destinée à l'étranger) soulagerait la Confédération.

On peut supposer en outre que de nouvelles subventions fédérales seraient demandées après l'acceptation de l'initiative, entre autres par la branche cinématographique, les associations sportives ou les personnes atteintes de déficiences sensorielles37, qui tirent aujourd'hui directement ou indirectement profit du service public financé par la redevance. La Confédération pourrait aussi être confrontée à des questions de responsabilité dans le cadre de l'actuel appel d'offres pour le nouveau mandat d'encaissement.

L'acceptation de l'initiative populaire entraînerait une réduction des effectifs de l'OFCOM. Toutes les tâches de la division Médias liées à la perception de la redevance de réception, au suivi et à la surveillance des diffuseurs titulaires d'une con37

Voir le ch. 4.5.4

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cession disparaîtraient. Seuls 10 postes à plein temps sur 41 actuellement seraient conservés. Les charges de personnel de l'OFCOM dans le domaine des médias électronique passeraient de 7 millions de francs par année à 1,75 million (situation en juin 2016). L'Administration fédérale des contributions (AFC) serait également touchée en cas d'acceptation de l'initiative. Dès l'entrée en vigueur du nouveau système de perception, elle sera chargée de percevoir la redevance auprès des entreprises et prévoit de créer au maximum 20 postes à plein temps à cet effet.

4.3

Avantages et inconvénients

Avec la suppression des redevances de réception et des subventions aux diffuseurs radio-TV, les distorsions de la concurrence sciemment voulues aujourd'hui par le législateur disparaîtraient. L'Etat aurait moins d'influence dans le domaine des médias électroniques. Un autre avantage serait de libérer un pouvoir d'achat supplémentaire de 1,35 milliard de francs, ce qui permettrait de créer des emplois et de la croissance dans d'autres secteurs économiques (voir ch. 4.2.5). D'un point de vue purement réglementaire, ces conséquences seraient positives. Cependant, elles ne parviendraient pas à compenser les inconvénients en matière de politique des médias.

L'acceptation de l'initiative populaire aurait de graves répercussions sur l'offre suisse de médias électroniques disponible aujourd'hui. Elle pourrait conduire à une réduction drastique des prestations fournies par les diffuseurs de radio et de télévision titulaires d'une concession et soutenus jusqu'ici par la redevance. Actuellement, outre la SSR, 13 télévisions régionales et 21 radios locales sont financées par la redevance. Sans financement public, il serait extrêmement difficile de produire des programmes de qualité en Suisse. De plus, la concentration des médias s'intensifierait, et la diversité du paysage médiatique à la radio et à la télévision se réduirait. La Suisse romande, la Suisse italienne ainsi que les régions romanches seraient particulièrement touchées. L'acceptation de l'initiative entraînerait aussi la suppression des prestations particulières en faveur des personnes atteintes de déficiences sensorielles que les diffuseurs financés par la redevance sont tenus de fournir actuellement.

Dans un tel contexte, il est probable que les téléspectateurs suisses se tourneront davantage encore vers les programmes diffusés par les grands marchés voisins de même langue. Aujourd'hui, déjà deux tiers des programmes consommés en Suisse sont diffusés par des chaînes étrangères. Cette forte concurrence de l'étranger ne pourrait alors plus guère être contrée par une offre suisse équivalente.

Actuellement, de nombreux programmes généralistes sont proposés pour 451 francs par ménage et par année. Les téléspectateurs devraient à l'avenir décider quelles offres de médias électroniques ils veulent financer. Il n'est toutefois pas certain que la
consommation de médias serait plus avantageuse pour les ménages. En cas d'abolition de la TV non payante financée par la redevance, certains contenus (p. ex.

les retransmissions sportives, les films et les séries) ne seraient accessibles plus que sur des canaux de télévision payante. Selon l'offre choisie, la facture pourrait être supérieure au montant de l'actuelle redevance de réception.

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4.4

La question d'un contre-projet

Le 17 août 2016, le Conseil fédéral a rejeté l'initiative sans lui opposer ni contreprojet direct au niveau constitutionnel ni contre-projet indirect au niveau de la loi38.

Il a certes examiné des contre-propositions possibles, mais estime que, d'un point de vue de politique des médias, aucune ne reflète sa position concernant le service public. Dans son rapport sur le service public39, il a déjà proposé de ne plus augmenter les moyens financiers alloués à la SSR. Une telle décision peut être arrêtée sur la base du droit en vigueur. Une nouvelle réglementation légale qui fixerait le montant actuel des redevances comme limite supérieure n'apporterait pas de plus-value significative. Le 28 novembre 2014, le Conseil fédéral a décidé de maintenir inchangé le montant de la redevance de réception jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau système de perception.

Le Conseil fédéral a également examiné une redistribution du produit de la redevance dans le domaine en ligne. Or, la création de nouvelles dispositions légales pour les médias en ligne est complexe. Il faudrait notamment fixer une délimitation légale claire entre les médias qu'il conviendrait de soutenir et les autres. Cette tâche difficile ne peut pas être menée à bien dans les courts délais accordés pour traiter une initiative populaire. Dans son rapport sur le service public, le Conseil fédéral a déjà présenté ses réflexions à ce sujet; à moyen terme, il souhaite élaborer une loi sur les médias électroniques qui doit mettre en place les mécanismes correspondants.

De même, le Conseil fédéral a rejeté la proposition d'une baisse substantielle du volume des redevances. Une baisse de la redevance aurait des conséquences non seulement pour la SSR, mais aussi pour les diffuseurs radio-TV privés et les autres entreprises liées de manière directe ou indirecte au service public. Ce serait contraire à la position du Conseil fédéral sur le service public. Avec une baisse substantielle de la redevance, il ne serait plus possible de maintenir l'offre actuelle de service public et par conséquent de proposer des offres de radio et de télévision indépendantes, qui soient exigibles et comparables dans toutes les régions linguistiques.

Pour ce faire, le Conseil fédéral est convaincu qu'il faut continuer de disposer des moyens financiers actuels. Avec l'introduction
d'une redevance générale, le montant de la redevance par ménage, actuellement de 451 francs, devrait probablement baisser à moins de 400 francs, vu que le nouveau système élargit le cercle des assujettis.

Le Conseil fédéral estime que la disposition constitutionnelle en vigueur fournit une base appropriée également pour l'avenir. L'art. 93 Cst. a volontairement été formulé de manière ouverte pour permettre au législateur de réagir aux évolutions survenant dans le domaine des médias électroniques. Compte tenu de la dynamique du secteur des médias, il ne serait actuellement pas judicieux de proposer un contre-projet qui restreindrait la marge de manoeuvre du législateur au niveau constitutionnel.

38

39

Voir www.admin.ch > Documentation > Communiqués > Communiqué du 17 août 2016 Le Conseil fédéral rejette l'initiative populaire «Oui à la suppression des redevances radio et télévision» Voir le rapport sur le service public, p. 107 ss.

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4.5

Compatibilité avec les obligations internationales

4.5.1

Convention européenne des droits de l'homme (CEDH)

L'initiative est en contradiction avec les engagements internationaux pris par la Suisse. Certes, le droit international ne prévoit pas explicitement de véritable obligation pour les Etats d'instaurer et d'exploiter un système impliquant des diffuseurs de service public. Toutefois, compte tenu de la liberté d'expression (art. 10 CEDH), la Cour européenne des droits de l'homme a établi que les Etats membres ont une obligation positive de garantir la diversité dans le domaine des médias audiovisuels.

Supprimer les subventions (art. 93, al. 4, du texte de l'initiative) signifierait se priver d'un instrument important pour garantir cette diversité. L'attribution de concessions au moyen d'enchères (art. 93, al. 3, du texte de l'initiative) ne constitue en rien un instrument approprié pour garantir le pluralisme, d'autant moins que l'attribution ne se fait qu'en fonction de critères financiers.

Si l'initiative était mise en oeuvre, le droit suisse de la radiodiffusion ne disposerait plus d'un instrument efficace pour garantir la diversité. Des mesures de réglementation (p. ex. un renforcement du droit de la concurrence pour les entreprises de médias) permettraient tout au plus de lutter contre les véritables excès, mais pas de garantir une organisation du paysage médiatique pluraliste et tenant compte des minorités.

4.5.2

Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pacte I de l'ONU)

Le projet est aussi en contradiction avec le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pacte I de l'ONU)40. En vertu de l'art. 15, al. 1, let. a, du Pacte I de l'ONU, la Suisse doit, en tant qu'Etat membre, reconnaître à tout individu le droit de «participer à la vie culturelle». Ce droit inclut la consommation d'offres culturelles via des médias comme le cinéma et la télévision (liberté artistique passive). Dans la limite des ressources financières disponibles, l'Etat est tenu de promouvoir la culture et de poser des fondements pour le pluralisme, la tolérance et la participation démocratique active des citoyens.

L'initiative vise à couper des ressources financières destinées à des diffuseurs d'intérêt général, ce qui va à l'encontre de la promotion de la culture (aussi) dans les médias électroniques, prévue dans le Pacte I de l'ONU.

40

RS 0.103.1

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4.5.3

Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte II de l'ONU)

Certains aspects de l'initiative sont aussi en contradiction avec le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte II de l'ONU) 41: Les Etats ont notamment pour tâche de promouvoir le pluralisme des mass-médias modernes et d'éviter toute domination par des groupes de médias privés. Les ressources de diffusion (comme les fréquences pour la diffusion hertzienne terrestre) sont rares. Le régime étatique d'octroi des concessions devrait en permettre une juste répartition entre les diffuseurs de programmes publics, commerciaux et organisés en commun. Or, une répartition équilibrée est difficilement réalisable avec un pur système de mise aux enchères, lequel ne permettrait guère d'empêcher les diffuseurs économiquement forts de faire en sorte que des intéressés à vocation moins commerciale n'aient pas accès aux ressources de diffusion rares.

4.5.4

Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées

Depuis le 15 mai 2014, la Convention des Nations Unies du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées42 s'applique aussi à la Suisse. En vertu de l'art. 21, let. d, les Etats signataires doivent exiger des mass-médias qu'ils rendent leurs offres accessibles aux personnes handicapées. Par conséquent, la LRTV oblige la SSR, et dès le 1er janvier 2017 également les télévisions régionales titulaires d'une concession, à fournir des prestations pour les personnes atteintes de déficiences sensorielles (voir ch. 2.3.3). Si l'initiative était acceptée, cette obligation devrait être remplie sans financement par la redevance, ce qui est irréaliste d'un point de vue économique.

5

Conclusions

L'actuel système de redevance et la possibilité d'un soutien financier aux diffuseurs de service public garantissent des médias électroniques qui contribuent au bon fonctionnement de la formation démocratique de la volonté et de l'opinion ainsi qu'au développement culturel. En tant qu'association indépendante des intérêts politiques et économiques, la SSR garantit dans ce contexte une offre variée tenant aussi compte des intérêts des minorités.

L'acceptation de l'initiative aurait des conséquences considérables sur le paysage médiatique suisse et finirait par donner lieu, selon le Conseil fédéral, à un système de médias inabouti, sans service public. Dans son rapport du 17 juin 2016 sur le 41

42

RS 0.103.2; voir l'art. 19 du Pacte II de l'ONU, qui garantit la liberté d'expression et qui est précisé par la remarque générale no 34 du Comité des droits de l'homme de l'ONU du 12 septembre 2011 (UN Doc. CCPR/C/GC/34). Cette disposition souligne la tâche des Etats, à qui il incombe de promouvoir le pluralisme des mass-médias modernes et d'éviter une domination par les groupes de médias privés (ch. 40).

RS 0.109

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service public, le Conseil fédéral a expliqué que la Suisse aura besoin à l'avenir également d'offres de radio et de télévision indépendantes, qui soient exigibles, de qualité et comparables dans toutes les régions linguistiques, et qui aident le public à s'orienter et à mieux comprendre l'environnement politique et social. Avec la suppression des redevances de réception, la Suisse perdrait un instrument de gestion de politique des médias essentiel pour atteindre cet objectif.

Par le présent message, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons le rejet de l'initiative populaire fédérale «Oui à la suppression des redevances radio et télévision (suppression des redevances Billag)», sans contre-projet direct ni indirect.

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