Qualité du partenariat dans la formation professionnelle Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 22 mars 2016

2016-1006

6637

FF 2016

Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte

La formation professionnelle est un élément clé du système de formation suisse. Elle regroupe la formation professionnelle initiale (communément appelée apprentissage), la formation professionnelle supérieure et la formation continue à des fins professionnelles. Elle se caractérise par une perméabilité élevée et par l'alternance entre théorie et pratique1.

La formation professionnelle est la tâche commune de la Confédération, des cantons et des organisations du monde du travail (OrTra) 2; la collaboration de ces trois acteurs s'inscrit dans le cadre d'un partenariat (voir ci-dessous ch. 2.1.1 et 2.1.2).

Les succès de ce système sont reconnus, y compris à l'étranger 3. Le modèle n'est toutefois pas exempt de critiques, lesquelles portent principalement sur la qualité du partenariat et sur le manque de suivi apporté aux actions entreprises par l'administration fédérale4.

Dans ce contexte, les Commissions de gestion des Chambres fédérales ont chargé, le 31 janvier 2014, le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) de procéder à une évaluation du pilotage de la formation professionnelle.

1.2

Objet de l'évaluation, méthode et compétences

Se fondant sur la décision des Commissions de gestion, la sous-commission DFF/DEFR de la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N), compétente en la matière, a décidé, le 1er juillet 2014, que l'évaluation devait se concentrer sur le partenariat entre les différents acteurs de la formation professionnelle et en particulier sur le rôle de la Confédération.

Pour son évaluation, le CPA a dû tenir compte de travaux en cours de la Délégation des finances (DélFin) concernant un audit du Contrôle fédéral des finances (CDF) sur le pilotage des subventions versées par la Confédération dans le domaine de la 1 2

3 4

SEFRI: La formation professionnelle en Suisse en 2015, Faits et données chiffrées, p. 4; Rapport du CPA du 2.11.2015 à l'intention de la CdG-N, chap. 2.1, p. 7 Selon l'art. 1, al. 1, LFPr, les organisations du monde du travail regroupent les «partenaires sociaux, associations professionnelles, autres organisations compétentes et autres prestataires de la formation professionnelle».

OCDE, 2009: Learning for Jobs, Review on Vocational Education and Training in Switzerland, Paris A ce sujet, le CPA renvoie, au ch. 1.1 de son rapport, aux sources suivantes: entretiens exploratoires menés par le CPA; Union suisse des arts et métiers: Rapport usam 2010 sur la formation professionnelle, Berne, octobre 2010; Rapport du Conseil fédéral sur le soutien à la formation professionnelle duale (en réponse au postulat Favre 08.3778), Nouvelle loi fédérale sur la formation professionnelle. Bilan après six ans d'application, Berne, septembre 2010.

6638

FF 2016

formation professionnelle5. Il a donc décidé d'exclure ce sujet de son évaluation (voir ci-dessous ch. 2.2.3). Il en a également exclu le pilotage de la recherche en matière de formation professionnelle, et notamment le rôle de l'Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle (IFFP), car le Secrétariat d'Etat à la formation, à la recherche et à l'innovation (SEFRI) avait lui-même prévu une évaluation d'envergure sur ces questions6, laquelle est à présent achevée7. Par ailleurs, les répercussions du processus de Bologne sur la formation professionnelle en Suisse, ne faisaient pas l'objet de l'évaluation non plus.

Le CPA a mené son évaluation de novembre 2014 à septembre 2015, en se fondant sur des sources de données variées. Il a analysé de nombreux documents et conduit des entretiens approfondis avec 30 spécialistes. Il a aussi mené des entretiens téléphoniques avec les 26 responsables cantonaux des offices chargés de la formation professionnelle et interrogé, sur la base d'un questionnaire en ligne, toutes les associations professionnelles8 actives dans la formation professionnelle initiale à l'échelon national. Il a choisi de concentrer son étude, d'une part, sur les organes de pilotage de la formation professionnelle et, d'autre part, sur des études de cas dans le domaine de la formation professionnelle initiale9.

La sous-commission DFF/DEFR a examiné le rapport d'évaluation du CPA lors de sa séance de novembre 2015, à la suite de quoi elle a élaboré un projet de rapport. La CdG-N a approuvé ce projet et les recommandations qu'il contient lors de sa séance du 22 mars 2016, avant de le transmettre au Conseil fédéral avec le rapport d'évaluation du CPA. Lors de cette même séance, elle a décidé de publier et son propre rapport et le rapport d'évaluation du CPA, annexe comprise.

Dans le présent rapport, la CdG-N évalue les principales constatations du CPA. Elle ne restitue les explications et les commentaires du CPA que dans la mesure où la compréhension de ses propres appréciations et conclusions l'exige.

2

Constatations et recommandations

2.1

Bases légales susceptibles d'être améliorées

2.1.1

Généralités

Conformément à l'art. 63 de la Constitution10, la Confédération légifère sur la formation professionnelle et encourage la diversité et la perméabilité de l'offre dans ce domaine.

5

6

7 8 9 10

CDF: Evaluation de la surveillance dans le domaine des subventions destinées à la formation professionnelle, Secrétariat d'Etat à la formation, à la recherche et à l'innovation.

Rapport d'examen, 15.8.2013 (non publié) Evaluation Berufsbildungsforschung SBFI. Arbeitsgemeinschaft econcept AG und Prof. Dr. Philipp Gonon, Lehrstuhl für Berufsbildung, Institut für Erziehungswissenschaft, Universität Zürich, 2015 (un résumé est disponible en français) Rapport du CPA du 2.11.2015 à l'intention de la CdG-N, chap. 1.1, p. 5 59 % des 169 associations contactées ont répondu au questionnaire en ligne.

Rapport du CPA du 2.11.2015 à l'intention de la CdG-N, chap. 1.2, p. 6 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18.4.1999 (Cst.; RS 101)

6639

FF 2016

La loi fédérale sur la formation professionnelle11 précise, à l'art. 1, que la formation professionnelle est une tâche commune de la Confédération, des cantons et des OrTra (al. 1), et que les mesures de la Confédération visent à encourager autant que possible les initiatives des cantons et des OrTra (al. 2).

Le message relatif à la LFPr attribue à la Confédération un rôle subsidiaire et essentiellement stratégique: «veiller à la qualité et au développement du système global ainsi qu'à la cohérence et à la transparence des offres de formation à l'échelle nationale»12. Il qualifie la LFPr de loi-cadre, qui doit permette aux acteurs de la formation de «trouver des solutions adaptées à leurs problèmes et à leurs besoins»13. C'est la raison pour laquelle les articles sont formulés de manière ouverte, seules étant définies les structures et les règles d'organisation et de collaboration: «Il appartiendra aux responsables [...] d'en concrétiser les contenus»14.

La LFPr confère au Conseil fédéral la compétence de régler différents points par voie d'ordonnance. C'est ce qu'il a fait notamment en édictant l'ordonnance sur la formation professionnelle (OFPr)15. Dans son évaluation, le CPA renvoie à d'autres ordonnances touchant à différents domaines de la formation professionnelle et évoque, à ce sujet, les ordonnances sur la formation professionnelle initiale (orfo) élaborées spécifiquement pour chaque métier16.

La formation professionnelle étant, comme il l'est dit plus haut, une tâche commune de la Confédération, des cantons et des OrTra, il est d'autant plus important, aux yeux de la CdG-N, que les responsabilités soient clairement réparties afin que chaque acteur soit conscient du rôle qui lui incombe.

2.1.2

Compétences et rôle des OrTra

Dans les grandes lignes, la LFPr assigne aux différents acteurs les tâches suivantes: La Confédération a un rôle subsidiaire et essentiellement stratégique (voir ci-dessus ch. 2.1.1). Elle s'occupe des questions fondamentales, de portée nationale (coordination, transparence, développement et pilotage du système). Les cantons sont plus particulièrement chargés de l'exécution, c'est-à-dire de l'application de la loi, et les OrTra, de l'orientation qualitative de la formation professionnelle. Les associations professionnelles sont par exemple chargées de définir les contenus de la formation professionnelle initiale et les filières de formation des écoles supérieures17.

A l'intérieur de chacune des thématiques traitées dans la loi (formation professionnelle initiale, formation professionnelle supérieure, formation continue à des fins professionnelles, procédure de qualification, etc.), les tâches sont réparties entre les différents acteurs. Sur le plan de la formation professionnelle initiale, par exemple, 11 12 13 14 15 16 17

Loi fédérale sur la formation professionnelle (LFPr; RS 412.10) Message du 6.9.2000 relatif à la LFPr (FF 2000 5256), p. 5269 Ibid., p. 5279 Ibid., p. 5279 Ordonnance du 19.11.2003 sur la formation professionnelle (OFPr; RS 412.101) Rapport du CPA du 2.11.2015 à l'intention de la CdG-N, chap. 2.2, p. 9 Ibid., chap. 2.3.1, pp. 11 s.

6640

FF 2016

les responsabilités sont les suivantes: la Confédération est chargée de corriger les déséquilibres affectant le marché de la formation professionnelle initiale par des mesures de durée limitée, et d'édicter des dispositions particulières sur l'encadrement individuel spécialisé des personnes engagées dans une formation professionnelle initiale de deux ans qui ont des difficultés d'apprentissage, de même que des orfos18; les cantons sont chargés d'organiser la préparation à la formation professionnelle initiale, d'approuver les contrats d'apprentissage, d'assurer la surveillance de la formation professionnelle initiale et de veiller à ce que l'enseignement menant à la maturité professionnelle réponde aux besoins19. Les contenus des orfos (art. 19, al. 2, let. a à e, LFPr) sont formulés par les OrTra.

Dans le cadre de l'évaluation des bases légales du partenariat, des représentants des OrTra et ­ partiellement ­ du SEFRI ont considéré que la LFPr ne définissait pas assez clairement les OrTra. Selon les cas, les OrTra avaient des fonctions différentes20.

La CdG-N reconnaît qu'une loi-cadre telle que la LFPr ne peut ni ne doit régler en détail tous les cas de figure, afin de laisser aux organes d'exécution une marge de manoeuvre suffisante.

Elle retient toutefois de sa lecture du rapport du CPA que les OrTra assument en pratique des rôles très variés21. Ni la LFPr ni l'OFPr ne livrent une définition claire et nette de ces organisations; quant aux articles traitant spécifiquement des OrTra, ils n'indiquent pas non plus clairement quelles sont les organisations visées (voir, par ex., art. 19, al. 1, LFPr). La CdG-N partage donc l'opinion exposée plus haut selon laquelle la définition des OrTra manque de clarté. Elle considère qu'on ne peut pas déterminer avec précision quelles sont les OrTra visées par les différents articles de loi, et que ce flou risque de nuire à la bonne application de la loi.

La CdG-N estime par conséquent que le Conseil fédéral devrait vérifier dans quelle mesure on pourrait améliorer la définition des OrTra et de leur rôle dans la LFPr (ou du moins dans l'OFPr), surtout en ce qui concerne la variété de leurs tâches et de leurs fonctions.

2.1.3

Surveillance de la formation professionnelle

2.1.3.1

Généralités

Conformément à l'art. 24, al. 1, LFPr, les cantons veillent à assurer la surveillance de la formation professionnelle initiale. L'art. 24, al. 2, LFPr précise que font partie de la surveillance «l'encadrement, l'accompagnement des parties aux contrats d'apprentissage et la coordination des activités des partenaires de la formation professionnelle initiale». Les cantons assurent aussi la surveillance des écoles supérieures lorsqu'elles proposent des formations reconnues sur le plan fédéral. Il con18 19 20 21

Art. 13, 18, al. 2, et 19, al. 1, LFPr Art. 12, 14, al. 3, 24, al. 1, et 25, al. 3, LFPr Rapport du CPA du 2.11.2015 à l'intention de la CdG-N, chap. 3.1, p. 14; annexe au rapport du CPA, chap. 2.4, pp. 18 et 19 Rapport du CPA du 2.11.2015 à l'intention de la CdG-N, chap. 3.1, p. 14

6641

FF 2016

vient de distinguer cette surveillance cantonale de la surveillance fédérale: conformément à l'art. 65, al. 4, LFPr, «la Confédération exerce la haute surveillance sur l'exécution de la présente loi par les cantons»22. Autrement dit, elle surveille la surveillance assurée (et donc toutes les mesures mises en place) par les cantons. Le présent rapport s'intéresse moins à la surveillance cantonale qu'à la surveillance fédérale exercée sur l'exécution de la LFPr par les cantons23.

Ainsi, il y a lieu de retenir que la surveillance immédiate de la formation professionnelle incombe en principe aux cantons. Une partie de cette surveillance incombe toutefois directement à la Confédération (surveillance des examens professionnels supérieurs24 et des fonds qui ont été déclarés obligatoires25).

Il existe par conséquent des domaines dans lesquels le canton surveille lui-même directement l'exécution cantonale de la loi (art. 24, al. 1, LFPr, par ex.: surveillance de la formation professionnelle initiale), et d'autres dans lesquels c'est la Confédération qui exerce directement cette surveillance (art. 42, al. 2, LFPr, par ex.: surveillance des examens professionnels supérieurs).

Compte tenu du fait que les dispositions de la loi-cadre qu'est la LFPr ne sont pas très détaillées, la CdG-N se demande si les compétences des organes en matière de surveillance sont suffisamment délimitées (notamment sur la question de savoir qui est compétent pour examiner ou pour prendre des mesures). Le SEFRI semble être d'avis que les responsabilités sont clairement définies. Dans le cadre de l'évaluation réalisée par le CPA, l'un de ses représentants a toutefois indiqué que, dans les interfaces entre la Confédération et les cantons, par exemple en matière de surveillance des écoles supérieures, il n'était pas toujours évident de savoir qui, de la Confédération ou du canton concerné, était censé réagir et se rendre sur place26.

Il faudrait donc que le Conseil fédéral vérifie s'il y a lieu de préciser les normes de surveillance de la LFPr, en établissant par exemple un guide (récapitulatif des responsabilités en matière de surveillance) à l'intention des autorités (et éventuellement des OrTra). On pourrait aussi imaginer un protocole d'entente qui régirait la collaboration ou la coordination entre les autorités de surveillance fédérales et cantonales sur la base de la LFPr.

2.1.3.2

Moyens de surveillance

Un autre aspect important aux yeux de la CdG-N est la question de savoir si la Confédération dispose de suffisamment d'instruments de surveillance. La LFPr et l'OFPr n'en évoquent explicitement qu'un nombre limité 27. La CdG-N considère 22 23 24 25 26 27

Art. 65, al. 4, LFPr La CdG exerce la haute surveillance sur la Confédération et non sur les cantons.

Art. 42, al. 2, LFPr Art. 60, al. 7, LFPr Annexe au rapport du CPA, chap. 2.4, p. 18 Citons, à titre d'exemple, l'art. 27 OFPr: «Si, malgré un avertissement, un organe responsable ne respecte pas un règlement d'examen, le SEFRI peut confier l'organisation de l'examen à un autre organe responsable ou annuler l'approbation du règlement d'examen.»

6642

FF 2016

qu'il pourrait être utile à la fois pour l'exercice de la surveillance et pour l'information des assujettis de faire figurer, par exemple dans un article de la LFPr, une liste non exhaustive des moyens de surveillance disponibles.

Recommandation 1

Clarifier la notion d'OrTra et la pertinence des instruments de surveillance

La CdG-N invite le Conseil fédéral, tout d'abord, à examiner les moyens de clarifier la définition des OrTra ou de leur rôle dans les bases juridiques, puis à vérifier s'il y a lieu de préciser les normes de surveillance de la LFPr, et enfin à examiner la nécessité de prévoir des instruments de surveillance supplémentaires et à vérifier si les moyens existants sont suffisamment exploités.

2.2

Pilotage stratégique assuré par les partenaires

2.2.1

Généralités

Le Sommet national de la formation professionnelle est l'un des organes communs des partenaires. Cette rencontre annuelle est l'occasion de définir les priorités stratégiques (actions prioritaires) de la formation professionnelle. Fait positif, les acteurs impliqués (il s'agit notamment des responsables des trois partenaires [chef du DEFR, directeur adjoint du SEFRI, président et secrétaire général de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique (CDIP)] et des quatre présidents des partenaires sociaux)28 définissent ensemble les actions prioritaires.

C'est la preuve que, sur ce plan, le partenariat fonctionne bien.

Dans le cadre du Sommet 2014, le SEFRI a organisé une consultation préalable des partenaires sur les actions prioritaires à définir et tenu systématiquement compte des avis formulés, ce qui mérite d'être salué29.

La CdG-N relève que les actions prioritaires sont appropriées du point de vue des personnes interrogées par le CPA et qu'elles tiennent compte des préoccupations des acteurs du niveau stratégique30.

Elle prend toutefois note du fait que l'évaluation du CPA soulève quelques points critiques concernant la concrétisation de ces actions31.

28 29 30 31

Rapport du CPA du 2.11.2015 à l'intention de la CdG-N, chap. 2.3.2, p. 13.

Ibid., chap. 4.1.1, p. 21 Ibid., chap. 4.1.1, p. 22 Ibid., chap. 4.1.1, pp. 21­22

6643

FF 2016

2.2.2

Absence de vision et de stratégie cohérentes à long terme

L'initiative du SEFRI dans le cadre du Sommet 2014 (consultation préalable des partenaires sur les actions prioritaires à définir et prise en compte systématique des avis formulés) mérite, comme il l'a déjà été dit, d'être saluée. Néanmoins, les partenaires n'ont reçu aucune explication quant à la sélection retenue, ce qui a suscité une certaine incompréhension chez les organisations concernées32.

Le fait que les personnes interrogées considèrent les actions prioritaires comme appropriées mérite également d'être salué. Malheureusement, selon le rapport du CPA, les responsabilités et les rôles des intéressés dans la concrétisation de ces actions ne sont pas clairement définis, ce qui entraîne un certain nombre de problèmes33. De plus, les acteurs qui sont le plus directement concernés par la mise en oeuvre ont des avis divergents sur l'importance des différentes actions prioritaires34.

Le rapport du CPA révèle par ailleurs que les actions prioritaires définies n'incarnent aucune vision commune ni aucune stratégie commune à long terme 35.

Selon la CdG-N, ces actions ne présentent même aucun lien visible et systématique avec les objectifs politiques communs fixés pour l'espace suisse de formation par le DEFR et la CDIP (sans les OrTra). Ces objectifs, définis en 2011, englobent la formation dans son ensemble et expriment une vision à moyen terme de la formation professionnelle36.

Recommandation 2

Définir une vision et une stratégie à long terme

La CdG-N invite le Conseil fédéral à élaborer, avec les cantons et les OrTra, une stratégie cohérente à long terme en matière de formation professionnelle.

2.2.3

Insuffisance du pilotage et de la concrétisation des axes stratégiques

Chaque acteur jouit, dans son champ de compétences, d'une marge de manoeuvre importante. En ce qui concerne les cantons, la Conférence suisse des offices cantonaux de formation professionnelle (CSFP) intègre les thèmes fixés par le Sommet dans ses objectifs annuels, ce qui permet d'améliorer la mise en oeuvre et la coordination des mesures37.

Hormis quelques rares projets stratégiques dans lesquels la Confédération joue un rôle clé, le pilotage étant assuré par les partenaires, en particulier par la Commission 32 33 34 35 36 37

Ibid., chap. 4.1.1, p. 21 Ibid., chap. 4.1.1, p. 21 Ibid., chap. 4.1.1, p. 22 Ibid., chap. 4.1.2, p. 23 Ibid., chap. 4.1.2, p. 24 Ibid., chap. 4.2.2, p. 27

6644

FF 2016

fédérale de la formation professionnelle (CFFP), les actions prioritaires définies lors du Sommet ne font l'objet d'aucun suivi, d'aucun contrôle ni d'aucun pilotage 38.

L'évaluation du CPA a révélé que certaines OrTra lançaient des projets ayant un rapport avec les champs d'actions prioritaires, mais que d'autres restaient inactives.

La part des associations professionnelles actives oscille ainsi entre 20 et 71 % selon l'action prioritaire. Apparemment, il y a divergence entre la Confédération (SEFRI), d'une part, et les cantons et les OrTra, de l'autre, sur la question de savoir qui est responsable de la mise en oeuvre des priorités, soit de savoir si la Confédération ne devrait pas simplifier cette mise en oeuvre.39 En outre, l'évaluation du CPA révèle que le SEFRI reste passif à l'égard des acteurs qui ne s'impliquent pas dans la mise en oeuvre, ou qui ne le font que très mollement.

Comme c'est le marché du travail qui détermine, selon lui, l'importance des métiers et donc des associations professionnelles, le SEFRI estime qu'il n'est pas de son devoir d'en faire davantage pour les petites structures ou les structures moins professionnelles. Les OrTra qui disposent de structures professionnelles présentent de nombreux avantages, notamment en ce qui concerne le développement des professions. Cependant, la CdG-N fait observer que la professionnalisation du système n'est pas dépourvue d'inconvénients: elle risque en effet de trop éloigner les acteurs de la pratique, à savoir de la réalité des associations professionnelles régionales et des entreprises40.

Dans le système suisse de la formation professionnelle, le retour d'information sur la concrétisation des actions prioritaires n'est pas assuré, faute d'obligation d'agir et de définition claire des responsabilités. La CdG-N accorde une grande importance à ce que les acteurs jouissent d'une certaine indépendance. Elle est en même temps parfaitement consciente du conflit d'intérêts qui oppose le respect de cette indépendance et la volonté d'améliorer, par un renforcement du pilotage, la qualité et la cohérence des mesures prises41. Cela dit, dans un domaine tel que celui de la formation professionnelle, où plusieurs acteurs sont contraints de coopérer et de trouver des solutions ensemble, la bonne volonté des intéressés joue un rôle capital42. Or, la CdG-N considère qu'il y a lieu d'examiner des mesures d'optimisation à cet égard.

38 39 40 41

42

Ibid., chap. 4.2.1, p. 25 Ibid., chap. 4.2.2, p. 28 Ibid., chap. 4.2.2, p. 28 Concernant la fonction de pilotage, il convient de préciser ceci: les travaux de la DélFin (basés sur l'audit du CDF mentionné ci-dessus au ch. 1.2) indiquent que, même là où ses compétences de pilotage sont relativement claires (en matière financière), la Confédération ne les exerce pas pleinement (rapport du CPA du 2.11.2015 à l'intention de la CdG-N, chap. 4.2.1, p. 26).

Rapport du CPA du 2.11.2015 à l'intention de la CdG-N, chap. 4.2.1, p. 26.

6645

FF 2016

Recommandation 3

Encourager une concrétisation systématique et exercer un contrôle sur les actions prioritaires

La CdG-N demande au Conseil fédéral d'encourager, dans le cadre de son rôle stratégique, une concrétisation plus systématique des actions prioritaires. Elle l'invite en outre à examiner la question de savoir s'il faut mettre en place, à l'issue du Sommet national de la formation professionnelle, une procédure de suivi des actions prioritaires.

2.3

Mise en oeuvre des projets

L'évaluation du CPA devait aussi répondre à la question de savoir comment juger de la qualité du partenariat dans le cadre de la mise en oeuvre d'activités ou de projets dans lesquels la Confédération a un rôle clé43.

2.3.1

Collaboration dans le case management

Le case management «formation professionnelle» (CMFP) a été lancé en 2006 lors de la conférence sur les places d'apprentissage afin d'accroître, d'ici à 2015, le taux de réussite des adolescents et des adultes de 25 ans ou moins. Lancé à l'échelle nationale, il a été mis en oeuvre par les cantons. Le CMFP vise à définir des mesures appropriées pour les jeunes concernés et à coordonner les acteurs impliqués dans le choix d'une profession et dans la formation professionnelle initiale44.

Le CMFP jouit d'un large soutien de la part des représentants des cantons et de la Confédération interrogés dans le cadre de l'évaluation du CPA. Pendant l'élaboration et le développement du dispositif, la Confédération a réussi, dans l'ensemble, à maintenir l'équilibre entre pilotage et autonomie cantonale. La pérennisation des projets du CMFP ne va cependant pas de soi dans tous les cantons45.

2.3.2

Problèmes de mise en oeuvre: la réforme des professions

L'entrée en vigueur de la LFPr, en 2004, a nécessité l'adaptation ou le remplacement de la réglementation relative à la formation professionnelle. Il a fallu élaborer pour chaque profession une orfo et un plan de formation 46. Cette réforme des professions avait notamment pour but d'adapter les formations professionnelles initiales aux 43 44 45 46

Ibid., chap. 1.1, p. 6 Ibid., chap. 1.1, p. 6 Ibid., chap. 5.2, p. 31 Les orfo et les règlements antérieurs fixent les principes d'une profession, tandis que le plan de formation définit les contenus de la formation; rapport du CPA du 2.11.2015 à l'intention de la CdG-N, chap. 5.1, p. 29.

6646

FF 2016

exigences futures47. Cela correspond d'ailleurs à une tâche permanente des partenaires, qui doivent examiner ces formations continuellement, mais au moins tous les cinq ans48.

Au fil du temps, il est devenu évident que, par manque de ressources, la réforme des nombreuses formations professionnelles initiales ne pourrait pas être menée à bien dans la période transitoire de cinq ans fixée à l'art. 73, al. 1, LFPr. C'est alors qu'ont été créés trois instruments qui permettent, selon l'évaluation du CPA, de piloter les nombreuses réformes des professions et de les structurer individuellement: le masterplan «Formation professionnelle initiale»49, le Manuel relatif aux ordonnances50 et le Texte de référence51. A ce jour, une grande partie des formations professionnelles initiales ont été réformées. Le SEFRI a indiqué l'an dernier sur son site Internet qu'il misait sur la fin 2015 pour l'achèvement définitif de la réforme des professions52.

Le rapport du CPA révèle aussi qu'une majorité des représentants des associations professionnelles et des cantons interrogés apprécient ces instruments; la CdG-N s'en félicite. Les partenaires jugent globalement bonne leur collaboration avec la Confédération dans le cadre de la réforme des professions. La CdG-N estime par conséquent qu'il faut considérer, dans l'ensemble, cette réforme comme une réussite. Il n'empêche que la réforme d'une formation professionnelle initiale est une entreprise complexe et ambitieuse, particulièrement difficile pour les associations professionnelles de petite taille qui ne sont pas dotées d'une organisation professionnelle. Par ailleurs, les OrTra manifestent à l'égard du pilotage de la Confédération une certaine méfiance, qui participe d'une attitude ambivalente des partenaires envers l'Etat: d'une part, ils lui demandent d'intervenir davantage, surtout en cas de difficultés, de l'autre, ils lui reprochent de trop en faire quand il intervient. Il est donc difficile, pour la Confédération, de trouver l'équilibre entre ces deux exigences53.

3

Conclusions et suite des opérations

La CdG-N considère que le partenariat dans la formation professionnelle fonctionne en grande partie bien. Ses différents acteurs assument des rôles spécifiques, dont découlent des responsabilités aussi bien stratégiques (surtout au niveau de la Confédération) qu'opérationnelles et pratiques (qui concernent plutôt les OrTra et les cantons). La collaboration entre les trois partenaires est satisfaisante, y compris au sein des différents organes (Sommet national de la formation professionnelle, Jour-

47 48 49 50 51 52

53

Message du 6.9.2000 relatif à la LFPr (FF 2000 5256), p. 5326 Rapport du CPA du 2.11.2015 à l'intention de la CdG-N, chap. 5.1, p. 29 OFFT: Masterplan «Formation professionnelle», rapport intermédiaire, Berne, 2008 OFFT: Manuel relatif aux ordonnances, Les étapes de l'élaboration d'une ordonnance sur la formation professionnelle initiale. Berne, 4e édition remaniée, 2007 Rapport du CPA du 2.11.2015 à l'intention de la CdG-N, chap. 5.1, p. 30 Annexe au rapport du CPA, chap. 7.1.3, p. 96; site internet du SEFRI: www.sbfi.admin.ch > Thèmes > Formation professionnelle initiale > Ordonnances sur la formation professionnelle initiale [état du 15.12.2015] Rapport du CPA du 2.11.2015 à l'intention de la CdG-N, chap. 5.1, p. 30

6647

FF 2016

nées de partenaires et CFFP)54. En tant que loi-cadre, la LFPr laisse aux différents acteurs une marge de manoeuvre considérable, qui est globalement appréciée.

Toutefois, cette marge de manoeuvre a son revers: le système suisse de la formation professionnelle repose en grande partie sur le sens du compromis des différents acteurs, et sur leur volonté de s'accorder. Si certains ne sont pas prêts à collaborer, la situation risque de se bloquer.

La CdG-N considère par ailleurs que la collaboration entre les partenaires pâtit en partie du manque de clarté des bases juridiques, notamment en ce qui concerne le rôle des OrTra.

Dans ce contexte, et la CdG-N en est bien consciente, le rôle stratégique de la Confédération est aussi important que complexe et s'apparente souvent à un numéro d'équilibriste entre des intérêts parfois divergents. La CdG-N estime néanmoins que l'Etat devrait assumer ce rôle de pilotage avec plus de fermeté dans certains domaines. La question qui se pose alors est celle de savoir si la Confédération dispose de moyens suffisants en matière de sanctions.

La CdG-N invite le Conseil fédéral à prendre position sur les constatations et les recommandations du présent rapport de même que sur le rapport d'évaluation du CPA d'ici au 24 mai 2016, et à lui indiquer par quelles mesures et dans quel délai il compte mettre en oeuvre lesdites recommandations.

22 mars 2016

Au nom de la Commission de gestion du Conseil national: le président, Alfred Heer la secrétaire, Beatrice Meli Andres le président de la sous-commission DFF/DEFR: Alexander Tschäppät le secrétaire de la sous-commission DFF/DEFR: Peter Häni

54

Ibid., chap. 2.3.2, p. 13

6648

FF 2016

Liste des abréviations CDF CdG-N CDIP CFFP CMFP CPA CSFP Cst.

DEFR DélFin DFF IFFP LFPr OFFT OFPr orfo OrTra SEFRI

Contrôle fédéral des finances Commission de gestion du Conseil national Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique Commission fédérale de la formation professionnelle Case management «formation professionnelle» Contrôle parlementaire de l'administration Conférence suisse des offices de la formation professionnelle Constitution, RS 101 Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche Délégation des finances des Chambres fédérales Département fédéral des finances Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle Loi fédérale sur la formation professionnelle, RS 412.10 Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie (depuis le 1.1.2013: Secrétariat d'Etat à la formation, à la recherche et à l'innovation, SEFRI) Ordonnance sur la formation professionnelle, RS 412.101 Ordonnance sur la formation professionnelle initiale Organisations du monde du travail Secrétariat d'Etat à la formation, à la recherche et à l'innovation

6649

FF 2016

6650