Coopérations internationales dans les domaines de l'instruction militaire et de l'armement Rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 6 octobre 2015

2015-2809

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Table des matières 1

Introduction

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Constatations et recommandations 2.1 Manque de transparence des traités et accords existants, notamment dans le domaine de l'armement 2.2 Nécessité d'une prise de conscience du degré de contrainte juridique émanant des traités dans le domaine de l'armement 2.3 Lacunes dans la définition des bases stratégiques pour les deux domaines ainsi que dans le respect de ces bases dans le domaine de l'armement 2.4 Pilotage déficient des coopérations dans le domaine de l'armement 2.5 Manque d'attention accordée à l'opportunité des coopérations dans le domaine de l'armement dans la perspective de la politique extérieure

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Conclusions

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3

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Index des abréviations

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Annexe: Coopérations internationales dans les domaines de l'instruction militaire et de l'armement. Rapport du Contrôle parlementaire de l'administration à l'intention de la Commission de gestion du Conseil des Etats

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Rapport 1

Introduction

En janvier 2013, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) de procéder à une évaluation des coopérations internationales dans le domaine militaire.

Ce mandat s'explique par une multiplication des accords de coopération internationale que la Suisse a conclus dans les domaines de l'instruction militaire et de l'armement ainsi que par les critiques suscitées par certaines de ces coopérations. Au cours des dernières années, ce sont avant tout la coopération avec la Suède dans le contexte de l'acquisition de l'avion de combat Gripen ou encore l'accord passé avec la Russie sur l'instruction alpine dispensée à des soldats russes qui ont été l'objet de discussions dans les médias. Certains experts ont en outre déploré l'absence de bases stratégiques claires pour la conclusion de ces coopérations1. Le principe même de ces accords de coopération n'est en revanche pas contesté, lorsque ceux-ci sont conformes à la stratégie de la « sécurité par la coopération » que le Conseil fédéral avait mise en place dans le contexte du rapport sur la politique de sécurité 2000 (RAPOLSEC 2000)2. En vertu de cette stratégie, le Conseil fédéral et l'armée ont pour mission de rechercher activement des possibilités de coopérer avec d'autres forces armées et de saisir ces opportunités pour évaluer les capacités de l'armée, pour acquérir de nouvelles connaissances ou pour effectuer des exercices et des tests qui ne peuvent pas avoir lieu en Suisse.

En juin 2013, la sous-commission DFAE/DDPS de la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) a décidé que l'évaluation du CPA devait porter tant sur les coopérations dans le domaine de l'instruction militaire que sur les coopérations en matière d'armement. L'évaluation avait pour objectif de déterminer si les bases légales et stratégiques des coopérations étaient claires, si ces bases légales et stratégiques étaient bien respectées et si les coopérations internationales dans les domaines de l'instruction militaire et de l'armement étaient liées de manière appropriée, entre elles et avec d'autres intérêts de politique extérieure. A cette fin, le CPA a analysé tous les accords de coopération en vigueur que la Suisse a conclus avec d'autres Etats dans les domaines de l'instruction militaire et de l'armement
(traités internationaux). Il ne s'est par contre pas penché sur les accords de coopération existant dans le cadre d'organisations internationales ­ de l'OTAN en particulier ­ ni sur les contrats de droit privé (par ex. les contrats portant sur l'acquisition ou l'achat de matériel d'armement) ni sur les accords secrets3.

Le CPA a clos son rapport le 11 mars 2015. Celui-ci a ensuite été étudié et discuté par la CdG-E. Dans le présent rapport, la commission expose les observations les 1 2 3

Möckli, Daniel (2012): Repenser la coopération de sécurité: Pooling and sharing, smart defence et la Suisse. Politique de sécurité: analyses du CSS, n° 126 La sécurité par la coopération, rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 7.6.1999 sur la politique de sécurité de la Suisse (RAPOLSEC 2000; FF 1999 6903) Certains traités internationaux sont classés secrets. Ils sont portés à la connaissance de la Délégation des Commissions de gestion.

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plus importantes à ses yeux et présente les conclusions et recommandations qui en résultent.

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Constatations et recommandations

La coopération bilatérale de la Suisse avec d'autres Etats dans les domaines de l'instruction militaire et de l'armement est régie par des accords-cadres. Il s'agit de traités de droit international public, dont la conclusion relève de la compétence du Conseil fédéral en vertu des art. 48a (instruction) et 109b (armement) de la loi sur l'armée4. Ces accords régissent les principes de coopération, notamment les domaines et les objets de coopération, la gestion des informations classifiées et la répartition des coûts. Dans le domaine de l'instruction, la Suisse dispose actuellement d'accords-cadres avec seize Etats; dans le domaine de l'armement, elle en compte quinze (cf. chap. 2.1.1 du rapport du CPA).

Sur la base de ces accords, la Suisse s'engage dans des activités organisées en commun avec les Etats partenaires. Il peut s'agir de manoeuvres communes auxquelles participent les forces aériennes des deux Etats (instruction) ou d'échanges en vue de l'acquisition de pièces vestimentaires destinées aux troupes (armement). La Suisse peut aussi mener des activités avec des Etats avec lesquels elle n'a pas signé d'accord-cadre; en pareil cas, la Suisse ou un Etat intéressé peut demander la conclusion d'un accord de mise en oeuvre spécifique. Il arrive aussi que de tels accords soient conclus en complément d'un accord-cadre existant, lorsque les parties ressentent le besoin de concrétiser les principes posés dans l'accord-cadre, ou de déroger aux principes généraux dans la mesure où l'accord-cadre le permet5. Durant la période sous revue, soit entre 2010 et 2013, on a recensé plus de 3000 activités de l'armée dans le domaine de l'instruction pour seulement 53 accords de mise en oeuvre; dans le domaine de l'armement, il n'existe pas de données fiables à ce sujet (cf. chap. 2.1.2 et 2.2 dans le rapport du CPA).

Avant de présenter ses constatations et de formuler ses recommandations, la CdG-E tient à préciser qu'elles ne s'appliquent pas toujours avec la même pertinence aux deux domaines étudiés, à savoir celui de l'instruction et celui de l'armement.

L'évaluation du CPA a en effet montré que les coopérations internationales dans le domaine de l'instruction militaire pouvaient être considérées, dans l'ensemble, comme moins critiques que les coopérations dans le domaine de l'armement. Les conclusions et recommandations se rapportent donc dans une plus large mesure (chap. 2.1 et 2.3) ou même exclusivement (chap. 2.2, 2.4 et 2.5) au domaine de l'armement.

4 5

Loi fédérale du 3.2.1995 sur l'armée et l'administration militaire (loi sur l'armée, LAAM; RS 510.10) La possibilité d'une réglementation plus détaillée (par ex. l'attribution de fréquences radio) ou de clauses dérogatoires (relatives, par ex., à la répartition des coûts) est expressément prévue dans les accords-cadres.

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2.1

Manque de transparence des traités et accords existants, notamment dans le domaine de l'armement

Ni le recueil systématique du droit fédéral (RS), ni le rapport annuel du Conseil fédéral sur les traités internationaux, ni la banque de données des traités internationaux tenue par le DFAE ne permettent de dresser une liste complète des accordscadres et des accords de mise en oeuvre conclus dans les domaines de l'instruction militaire et de l'armement.

Les accords-cadres dans le domaine de l'instruction sont presque tous publiés dans le RS, mais il en manque certains, qui sont en vigueur depuis longtemps. Dans le domaine de l'armement, les accords-cadres ne sont pas publiés, fait qu'armasuisse a justifié par leur «portée limitée»6. Comme il est souvent fait référence à l'industrie de l'armement dans les accords-cadres et que, dans une certaine mesure, ceux-ci se rapportent donc aussi à des sujets de droit privé, la CdG-E n'est pas convaincue par le motif invoqué et le juge insuffisant7. Compte tenu de cette implication de l'industrie de l'armement et de la dimension de politique extérieure inhérente aux accords-cadres, la commission estime par ailleurs qu'il importe de se demander s'il ne serait pas opportun de publier ces accords par souci de transparence8, par analogie avec les accords dans le domaine de l'instruction.

La commission a pris acte du fait que la situation en ce qui concerne les accords de mise en oeuvre est similaire à celle qui prévaut dans le cas des accords-cadres: les accords conclus dans le domaine de l'instruction sont quasiment tous listés dans les rapports annuels du Conseil fédéral sur les traités internationaux, alors que ceux qui ont été signés dans le domaine de l'armement ne sont publiés nulle part. Ce que la CdG-E juge particulièrement inquiétant, c'est qu'armasuisse elle-même n'a manifestement pas été en mesure de reconstituer la liste complète des conventions de mise en oeuvre en vigueur9.

La commission relève que la question de la portée d'un accord est pertinente uniquement en ce qui concerne sa publication dans le RS, mais non pour ce qui est de son inscription dans le rapport annuel du Conseil fédéral sur les traités internationaux. En vertu de l'art. 48a, al. 2, de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA), le Conseil fédéral doit en effet y rendre compte de tous les traités conclus, quelle que soit leur portée. Au moment de
l'introduction de l'article en question, la Commission des institutions politiques compétente en la matière était partie du principe que cette obligation contraindrait le Conseil fédéral à faire preuve 6

7

8

9

Selon l'art. 7a, al. 3, let. c, et al. 4, let. c, de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010), un traité est considéré comme étant de portée mineure notamment s'il s'adresse aux autorités et règle des questions administratives et techniques ou s'il n'a pas de conséquences financières importantes.

Art. 2, let. a, de l'ordonnance sur les publications officielles (RS 170.512.1): les traités internationaux de portée mineure sont publiés «s'ils concernent les droits et les devoirs de particuliers».

Art. 2, let. c, de l'ordonnance sur les publications officielles (RS 170.512.1): les traités internationaux de portée mineure sont publiés «si leur publication se révèle nécessaire pour des raisons relevant de la sécurité du droit ou de la transparence».

Cf. chap. 6.2 du rapport du CPA ainsi que chap. 5.2.2 dans les documents annexés au rapport du CPA

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de retenue dans l'usage des compétences de conclure des traités internationaux qui lui étaient conféré et donnerait par la même occasion au Parlement la possibilité de vérifier et, le cas échéant, de corriger la pratique du Conseil fédéral en matière de conclusion de traités10. Dès le moment où les rapports du Conseil fédéral ne sont pas complets, puisqu'ils ne font pas état de tous les accords signés, le Parlement n'a plus les moyens d'exercer sa fonction de haute surveillance de manière adéquate. La CdG-E insiste donc pour que le Conseil fédéral réponde pleinement à son obligation de rendre compte en informant le Parlement de tous les traités internationaux qu'il a conclus.

Recommandation 1:

Augmenter la transparence

La CdG-E demande au Conseil fédéral de veiller à accroître la transparence en matière d'accords de coopération conclus avec d'autres Etats dans les domaines de l'instruction militaire et de l'armement. Elle l'invite plus spécifiquement à étudier l'opportunité de publier les accords-cadres signés dans le domaine de l'armement dans le RS au même titre que le sont déjà les accords-cadres dans le domaine de l'instruction militaire. Le Conseil fédéral devra en outre prendre les dispositions nécessaires pour assurer que la totalité des traités et accords qu'il aura conclus ­ quelle que soit leur portée ­ seront désormais listés dans le rapport annuel qu'il leur consacre.

2.2

Nécessité d'une prise de conscience du degré de contrainte juridique émanant des traités dans le domaine de l'armement

Le CPA a constaté qu'armasuisse n'était pas toujours très au clair sur le degré de contrainte émanant des traités et accords internationaux. Certains des responsables et des collaborateurs d'armasuisse entendus par le CPA étaient ainsi d'avis que les accords-cadres en matière d'armement n'étaient pas de nature contraignante. Le choix fréquent de «protocole d'entente» ou «Memorandum of Understanding (MoU)» dans l'intitulé de ces accords-cadres formules qui, selon les recommandations de la Direction du droit international public (DDIP), devraient être réservées aux arrangements non contraignants vient confirmer ce constat. Quoi qu'il en soit, le degré de contrainte juridique d'un traité n'est pas déterminé uniquement par son titre, mais avant tout par son contenu et par la volonté des parties contractantes11. Il y a donc lieu de déterminer au cas par cas si un traité ou un accord est juridiquement contraignant; dans l'affirmative, il doit être approuvé préalablement par le Conseil fédéral ou par une autorité mandatée par lui.

S'il peut arriver que le degré de contrainte juridique émanant d'un traité soit controversé ou ne fasse pas l'unanimité des organes intéressés, une erreur de jugement 10 11

FF 1999 4493 Pour plus de détails à ce sujet, cf. chap. I, let. D, du Guide de la pratique en matière de traités internationaux, publié par le DFAE (DDIP)

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portant sur le degré de contrainte et l'absence d'une procédure d'approbation conforme au droit ne changent finalement rien au fait que cet accord engage légalement la Suisse en lui donnant des droits et des obligations. Le CPA a identifié deux cas de cette nature: dans le premier, un accord-cadre conclu dans le domaine de l'armement (accord-cadre sur le Gripen signé avec la Suède)12 avait d'abord été considéré à tort par l'organisme compétent comme n'étant pas contraignant et n'avait donc pas, comme la loi l'exige, été soumis à l'approbation du Conseil fédéral; dans l'autre cas, l'un des accords de mise en oeuvre examinés par le CPA13, n'avait pas fait l'objet d'une procédure d'approbation conforme aux dispositions légales.

De l'avis de la CdG-E, il est donc capital que les organes d'armasuisse compétents en la matière soient en mesure d'évaluer et d'apprécier correctement le degré de contrainte de chaque accord. Ce n'est qu'à cette condition que l'on pourra avoir la garantie, à l'avenir, que tous les traités contraignants seront bien approuvés par le Conseil fédéral. C'est aussi de l'évaluation correcte du degré de contrainte que dépend l'obligation de mentionner le traité dans le rapport annuel du Conseil fédéral sur les traités internationaux et, le cas échéant, de le publier dans le RS (cf.

chap. 2.1).

Recommandation 2:

Clarifier le degré de contrainte ainsi que les procédures d'approbation qui en sont fonction

La CdG-E demande au Conseil fédéral de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les organes responsables dans le domaine de l'armement accorderont à l'avenir l'attention voulue à la clarification rigoureuse et circonstanciée du degré de contrainte juridique émanant des conventions et accords conclus. Le Conseil fédéral examinera en outre dans quelle mesure des mesures supplémentaires s'imposent afin d'assurer que tous les traités et accords juridiquement contraignants soient désormais soumis à son approbation.

12 13

Cf. chap. 3.2.2 et 6.3 dans le rapport du CPA Accord-cadre sur le F/A-18 (groupe d'utilisateurs) avec l'Australie, le Canada, l'Espagne, les Etats-Unis, la Finlande, le Koweït et la Malaisie; cf. chap. 3.2.2 et 6.3 du rapport du CPA

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2.3

Lacunes dans la définition des bases stratégiques pour les deux domaines ainsi que dans le respect de ces bases dans le domaine de l'armement

Interrogées sur les documents pertinents en matière d'orientation stratégique des coopérations internationales, bon nombre de personnes entendues au DDPS14 n'ont pas été en mesure de donner une réponse claire; même les recherches consécutives du CPA n'ont pas permis de clarifier la question de manière concluante. Il ressort des documents stratégiques généraux que le CPA a fini par analyser ­ parmi eux le rapport sur la politique de sécurité et le rapport sur l'armée 2010 ­ que les objectifs des coopérations doivent être d'accroître l'efficacité et l'efficience de l'armée et, plus généralement, de la soutenir dans l'accomplissement des différentes missions qui lui ont été confiées par le législateur. La manière dont les coopérations sont censées contribuer à l'atteinte de ces objectifs reste cependant floue puisque ceux-ci n'ont pas été repris et concrétisés avec la rigueur requise dans les documents stratégiques spécifiques aux deux domaines considérés. Il en va de même des principes de neutralité et de réciprocité, évoqués tant dans les différents documents stratégiques que dans les entretiens conduits par le CPA: aucune précision n'a été apportée à leur sujet.

La CdG-E constate cependant aussi que les documents stratégiques dans le domaine de l'armement font au moins état de priorités grossièrement définies (domaines dans lesquels des coopérations sont particulièrement souhaitées, notamment la maintenance), et que ceux qui existent dans le domaine de l'instruction militaire fixent des priorités clairement établies par pays (de même que des procédures d'approbation).

Elle se réjouit en outre que la conformité de chaque activité prévue dans le domaine de l'instruction militaire avec ces priorités soit contrôlée à la faveur d'une procédure d'approbation clairement définie et que le respect des priorités établies soit donc assuré.

La commission regrette par contre que la question du respect des directives ou plutôt des priorités thématiques établies dans le domaine de l'armement doive rester sans réponse étant donné que les critères existants sont trop flous et qu'armasuisse ne répertorie même pas les différentes activités de coopération de manière centralisée (cf. chap. 2.4 ci-après).

Dans l'ensemble, la CdG-E s'inquiète de l'absence de bases stratégiques claires et du manque de concrétisation
des objectifs, formulés en des termes si généraux que pratiquement toutes les activités de l'armée peuvent être considérées comme y répondant. De l'avis de la commission, le risque inhérent à cette situation est qu'il y ait parmi les traités conclus et les activités organisées des initiatives qui ne servent pas clairement à faire avancer l'armée dans le sens du mandat qui lui a été donné par le législateur ou à améliorer son efficacité et son efficience. Ce risque est particulièrement élevé dans le domaine de l'armement, car les différentes activités n'y sont absolument pas répertoriées. Il est donc impossible de vérifier leur conformité avec des bases stratégiques déjà peu précises.

14

Dans le cadre de son évaluation, le CPA a entendu 18 personnes, dont 14 au DDPS (Secrétariat général, Défense: Etat-major de l'armée, armasuisse).

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Recommandation 3:

Concrétiser les bases stratégiques et améliorer la vérification de leur respect

La CdG-E demande au Conseil fédéral de veiller à ce que l'utilité des coopérations mises en place dans la perspective des missions confiées à l'armée par le législateur soit vérifiée plus rigoureusement à l'avenir. Il prendra les mesures nécessaires pour assurer que a.

les bases stratégiques et les objectifs des coopérations internationales dans les domaines de l'instruction militaire et de l'armement seront concrétisés et que

b.

les activités de coopération seront autorisées à l'avenir uniquement s'il est assuré que ces bases stratégiques sont bien respectées (voir aussi la recommandation 4).

2.4

Pilotage déficient des coopérations dans le domaine de l'armement

Dans son rapport, le CPA conclut qu'il n'y a pas de pilotage des coopérations internationales dans le domaine de l'armement. Cette conclusion est logique puisqu'il avait constaté que les bases stratégiques dans lesquelles viennent s'inscrire les coopérations n'étaient pas clairement définies (cf. chap. 2.3 ci-devant). Dans la pratique, il est peu probable que les bases stratégiques existantes aient eu une quelconque importance puisqu'elles étaient obsolètes au moment de l'évaluation, armasuisse ayant négligé de les actualiser en temps voulu. Selon le CPA, l'absence de pilotage est aussi dû au fait qu'il n'y a, au sein d'armasuisse, ni vue d'ensemble ni organe responsable au niveau de la mise en oeuvre: ni le service Relations internationales ni aucun autre service ne possède ainsi une vision d'ensemble de tous les accords de mise en oeuvre et de toutes les activités de coopération et il n'existe pas non plus de procédures claires en matière de planification et d'autorisation. La situation dans le domaine de l'armement se trouve donc être totalement différente de celle qui prévaut dans le domaine de l'instruction: si les bases stratégiques dans le domaine de l'instruction manquent aussi de clarté dans l'ensemble, ce manque est atténué, d'une part, par l'existence de priorités géographiques ainsi que de procédures de planification et d'autorisation claires et, d'autre part, par le fait que toute activité internationale est non seulement répertoriée de manière centralisée, mais aussi examinée quant à sa conformité avec les priorités définies15.

La CdG-E estime que les déficiences décelées par le CPA dans le pilotage des coopérations dans le domaine de l'armement sont graves et qu'il importe d'y remédier au plus vite. Elle salue l'annonce faite par armasuisse au CPA de sa volonté d'élaborer une «stratégie fonctionnelle en matière de relations extérieures» consistant en des bases stratégiques claires et de contrôler régulièrement sa mise en oeuvre.

Il n'est toutefois pas certain que ces mesures seront suffisantes pour remédier plei15

Cf. chap. 6.4 dans le rapport du CPA

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nement aux lacunes constatées. La commission prie donc le Conseil fédéral de donner son avis sur cette stratégie dans sa réponse à la recommandation 4 de la CdG-E.

Recommandation 4:

Améliorer le pilotage dans le domaine de l'armement

La CdG-E invite le Conseil fédéral à veiller à une amélioration du pilotage des coopérations dans le domaine de l'armement. Il prendra les mesures nécessaires pour assurer qu'armasuisse a.

fera en sorte que les bases stratégiques dans le domaine de l'armement soient précisées,

b.

désignera un service ayant une vue d'ensemble sur les coopérations et activités et

c.

définira des procédures d'autorisation claires pour l'organisation d'activités de coopération (voir aussi recommandation 3).

2.5

Manque d'attention accordée à l'opportunité des coopérations dans le domaine de l'armement dans la perspective de la politique extérieure

La CdG-E se réjouit de constater que les organismes responsables de l'instruction militaire ont bien conscience, selon l'évaluation du CPA, que leurs activités internationales ne sont pas dépourvues d'une dimension de politique extérieure. Le CPA en veut notamment pour preuve non seulement le fait que l'armée a gelé une partie des activités d'instruction militaire prévues avec la Russie en réaction au conflit en Ukraine, mais aussi la bonne collaboration des organismes compétents avec le DFAE et, plus précisément, avec la DDIP.

La CdG-E est moins sereine face à la situation concernant l'armement, car la conclusion d'accords-cadres dans ce domaine dépend dans une très large mesure des projets d'acquisition en cours et parce que la DDIP n'est souvent pas consultée de manière appropriée16. Si, en réaction à une recommandation faite par la CdG-N il y a quelque temps17, le Conseil fédéral a bien émis récemment de nouvelles directives destinées à assurer une meilleure adéquation des acquisitions avec les objectifs de politique extérieure ainsi qu'une meilleure coopération avec le DFAE, on ne peut pas avoir la certitude qu'elles seront suivies tant que le pilotage dans le domaine de l'armement restera déficient (voir plus haut).

La commission constate finalement que la conclusion d'un accord-cadre peut avoir un impact symbolique majeur sur la politique extérieure et que de tels traités sont parfois signés tout exprès pour améliorer les relations avec un Etat. Comme, pour 16 17

Cf. chap. 5.2 et 6.6 dans le rapport du CPA Avis du 6.11.2013 non publié donné par le Conseil fédéral dans le contexte du deuxième contrôle de suivi relatif au rapport de la CdG-N du 23.11.2007 sur l'acquisition de l'armement au sein du DDPS (FF 2008 3183)

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ces mêmes raisons, ces accords ne peuvent pratiquement plus être résiliés, la CdG-E estime qu'ils ne doivent être approuvés par le Conseil fédéral que sur la base d'un examen circonstancié et après consultation du DFAE.

Recommandation 5:

Accorder plus d'attention aux conséquences des coopérations sur la politique extérieure et collaborer plus étroitement avec le DFAE dans le domaine de l'armement

La CdG-E demande au Conseil fédéral de faire en sorte que les organes compétents d'armasuisse

3

a.

tiennent mieux compte, lorsqu'ils concluent un accord ou mettent en place des activités avec un Etat étranger, de leur opportunité dans la perspective de la politique extérieure et qu'ils

b.

consultent le DFAE sous une forme adéquate.

Conclusions

Selon la CdG-E, l'évaluation du CPA a globalement révélé différentes failles dans le système des coopérations internationales en matière d'instruction militaire et d'armement. La situation est particulièrement inquiétante dans le domaine de l'armement: comme dans le domaine de l'instruction, on y déplore l'absence de bases stratégiques claires, mais contrairement au domaine de l'instruction, on y constate aussi une déficience dans le pilotage des coopérations, un manque de transparence et parfois même une mauvaise appréciation du degré de contrainte juridique émanant des accords et conventions.

C'est la combinaison, ou plutôt le cumul, de ces déficiences que la CdG-E juge particulièrement problématique: un manque de transparence général qui vient s'ajouter à une imprécision des bases stratégiques, à des déficiences dans le pilotage et à une méconnaissance du degré de contrainte des accords chez les responsables crée une situation dans laquelle il ne peut pas être exclu que soient conclues des coopérations qui n'entrent pas dans le mandat légal de l'armée, qui sont douteuses dans la perspective de la politique extérieure ou même carrément dommageables à celle-ci. De l'avis de la CdG-E, ces risques ne sont actuellement pas suffisamment reconnus et pris en compte dans le domaine de l'armement.

Au moyen des recommandations formulées plus haut, la commission demande au Conseil fédéral de prendre des mesures pour minimiser les risques, en commençant par soumettre les coopérations dans les deux domaines à des bases stratégiques plus précises. Dans le domaine de l'armement, il devra en outre travailler non seulement à une amélioration du pilotage des coopérations internationales, mais aussi à une clarification du degré de contrainte émanant des accords ainsi qu'au respect des procédures d'approbation prévues par la loi. De l'avis de la CdG-E, c'est en effet là le seul moyen d'assurer que l'utilité des coopérations pour l'armée suisse et leur

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opportunité dans la perspective de la politique extérieure seront l'objet de vérifications plus strictes à l'avenir.

La CdG-E invite le Conseil fédéral à répondre à ses réflexions et recommandations ainsi qu'aux considérations du CPA sur lesquelles elles reposent d'ici au 15 janvier 2016. Elle le prie aussi de préciser la manière dont il entend mettre en oeuvre les recommandations de la commission ainsi que le délai qu'il se fixe pour cette mise en oeuvre.

6 octobre 2015

Pour la Commission de gestion du Conseil des Etats: Le président, Hans Hess La secrétaire, Beatrice Meli Andres

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Index des abréviations al.

art.

CdG CdG-E CPA DDPS

Alinéa Article Commissions de gestion des Chambres fédérales Commission de gestion du Conseil des Etats Contrôle parlementaire de l'administration Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports DDIP Direction du droit international public DFAE Département fédéral des affaires étrangères LAAM Loi fédérale du 3 février 1995 sur l'armée et l'administration militaire (loi sur l'armée; RS 510.10) LOGA Loi fédérale du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010) MoU Memorandum of Understanding RAPOLSEC La sécurité par la coopération,apport du Conseil fédéral à 2000 l'Assemblée fédérale sur la politique de sécurité de la Suisse du 7 juin 1999 RS Recueil systématique

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