16.053 Message relatif au nouveau régime financier 2021 du 22 juin 2016

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, le projet d'arrêté fédéral concernant le nouveau régime financier 2021.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

22 juin 2016

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Johann N. Schneider-Ammann Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2016-0510

6003

Condensé Le nouveau régime financier 2021 (NRF 2021) vise à prolonger de quinze ans la compétence de la Confédération de percevoir l'impôt fédéral direct et la taxe sur la valeur ajoutée. Ces deux impôts sont les principales sources de revenus de la Confédération et représentent à eux seuls plus de 60 % de ses recettes. Ils sont à ce titre essentiels pour le financement des tâches de la Confédération. Par ailleurs, le projet prévoit d'abroger une disposition transitoire devenue caduque de la loi fédérale sur l'imposition de la bière.

Contexte La perception des principales sources de revenus de la Confédération, l'impôt fédéral direct et la taxe sur la valeur ajoutée (IFD et TVA), est limitée à fin 2020.

C'est la raison pour laquelle le NRF 2021 prévoit l'abrogation des dispositions constitutionnelles qui limitent la perception des deux impôts et l'institution d'une nouvelle base constitutionnelle permettant leur prélèvement au-delà de 2020.

Contenu du projet Pour permettre à la Confédération de bénéficier de ses deux principales sources de revenus au-delà de 2020, la compétence y afférente doit être prolongée de quinze ans. Les deux impôts en question représentent ensemble plus de 60 % des recettes de la Confédération, et ils sont à ce titre essentiels pour le financement de ses tâches.

Dans le projet de NRF 2021 mis en consultation, le Conseil fédéral avait proposé de renoncer purement et simplement au caractère temporaire de l'IFD et de la TVA, ce qui aurait permis à la Confédération de percevoir de façon permanente ces deux impôts et de garantir le financement à long terme de ses tâches. Le résultat de la consultation a toutefois montré que cette proposition ne rallierait vraisemblablement pas une majorité au sein du Parlement.

Pour cette raison, la perception de l'IFD et de la TVA n'est donc que limitée dans le temps. A cet effet, il y a lieu de modifier l'art. 196, ch. 13 et 14, al. 1, des dispositions transitoires de la Constitution (Cst.). Cette modification permettra à la Confédération de bénéficier de ses deux sources de revenus principales jusqu'au 31 décembre 2035.

Outre la prolongation de la limitation dans le temps de la perception de l'IFD et de la TVA, le projet prévoit d'abroger une disposition transitoire concernant la perception de l'impôt sur la bière (art. 196, ch. 15, Cst.), devenue caduque.

Etant donné que le projet implique une modification de la Constitution, il est soumis au référendum obligatoire.

6004

FF 2016

Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

Les principales sources de revenus de la Confédération ­ l'IFD et la TVA ­ sont limitées à fin 2020. C'est la raison pour laquelle le NRF 2021 doit remplacer les dispositions constitutionnelles concernées et doter les finances fédérales d'une nouvelle base constitutionnelle en ce qui concerne les recettes pour la période postérieure à 2020.

L'art. 196, ch. 15, Cst.1, contient une disposition transitoire concernant la perception de l'impôt sur la bière qui est devenue caduque suite à l'entrée en vigueur de la loi du 6 octobre 2006 sur l'imposition de la bière2.

1.1.1

Nécessité d'agir

L'IFD et la TVA ne pourraient plus être prélevés à partir de 2021 si la Cst. n'est pas modifiée. Les deux impôts en question représentent ensemble plus de 60 % des recettes de la Confédération, et ils sont à ce titre essentiels pour le financement de ses tâches. Si la Confédération était privée de ces recettes , une grande partie de ses tâches ne pourrait plus être financée.

Le maintien temporaire de l'IFD et de la TVA habilite la Confédération à percevoir ces impôts au-delà de 2020. Le projet ne prévoit aucune modification du régime fiscal.

1.1.2

Historique du régime financier

Origine du régime financier et de la limitation dans le temps de la TVA et de l'IFD Avant la Première Guerre mondiale, la Confédération tirait ses recettes presque exclusivement des droits de douane. Le premier impôt direct au niveau fédéral fut l'impôt de guerre institué au cours de la Première Guerre mondiale. Il fut approuvé à une grande majorité lors de la votation du 6 juin 1915 et perçu une seule fois (1916/1917).

Par la suite, des impôts directs ont été perçus à plusieurs reprises pour financer les dépenses croissantes de la Confédération, par exemple l'impôt de guerre exceptionnel (1921­1932) et la contribution fédérale de crise (dès 1934).

1 2

RS 101 RO 2007 2895

6005

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Le premier régime financier a été décidé par le Parlement le 30 septembre 1938. En 1940, se fondant sur les pouvoirs extraordinaires qui lui avaient été conférés, le Conseil fédéral a introduit l'impôt pour la défense nationale, suivi en 1941 par l'impôt sur le chiffre d'affaires. L'impôt pour la défense nationale et l'impôt sur le chiffre d'affaires furent maintenus après la Deuxième Guerre mondiale.

Ce n'est que lors de la votation du 11 mai 1958 que les diverses sources de revenus de la Confédération, basées initialement sur le droit de nécessité, furent inscrites dans la Constitution. Ce régime financier constitutionnel avait fait l'objet de longs débats depuis la Première Guerre mondiale. Etant donné la forte opposition à l'égard de la suppression du caractère temporaire de l'impôt pour la défense nationale et de l'impôt sur le chiffre d'affaires, la compétence de la Confédération de percevoir ces impôts a été limitée dans le temps et plafonnée par des taux maximaux. Le régime financier entra en vigueur le 1er janvier 1959.

En 1982, l'impôt pour la défense nationale est devenu l'IFD. En 1995, l'impôt sur le chiffre d'affaires fut remplacé par la TVA.

Origine du régime financier 2007 applicable Le 9 décembre 2002, le Conseil fédéral a approuvé le message relatif au nouveau régime financier (NRF)3. Le projet comportait la suppression de la limitation dans le temps de la perception de l'IFD et de la TVA et proposait également de supprimer le taux spécial prévu dans le cadre de la TVA pour les prestations du secteur de l'hébergement.

Lors de la votation finale du 19 mars 2004, l'arrêté fédéral relatif au NRF (02.078) approuvé comportait les lignes directrices suivantes:

3

­

TVA/IFD: la perception de la TVA et de l'IFD reste limitée dans le temps et est prorogée jusqu'à fin 2020;

­

impôt sur le bénéfice (IFD): le bénéfice net des personnes morales est soumis à un taux plafond de 8,5 %;

­

impôt sur le capital (IFD): l'impôt sur le capital et les réserves des personnes morales est abrogé;

­

TVA: la Cst. reprend les taux normal et réduit, respectivement en tant que taux maximal et taux minimal;

­

TVA: pour l'imposition des prestations du secteur de l'hébergement, le législateur peut fixer un taux qui se situe entre le taux réduit et le taux normal;

­

TVA: 5 % du produit non affecté de la taxe sont utilisés pour réduire les primes de l'assurance-maladie en faveur des classes de revenus inférieures, à moins que la loi n'attribue ce montant à une autre utilisation en faveur de ces classes de revenus.

FF 2003 1422

6006

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Lors de la votation populaire du 28 novembre 2004, le NRF a été accepté par 73,8 % des votants et par presque tous les cantons. Le NRF ainsi que la prolongation du taux spécial de la TVA pour les prestations du secteur de l'hébergement (05.428) sont entrés en vigueur le 1er janvier 2007.

1.1.3

Le régime financier existant

Structure du régime financier Le régime financier est décrit au chap. 3 du titre 3 de la Cst. et peut se subdiviser en plusieurs parties. Les modifications proposées par le présent projet ne concernent que les dispositions transitoires de l'art. 196 Cst.

4

­

Gestion des finances (art. 126 Cst.): selon l'art. 126 Cst., les dépenses et les recettes de la Confédération doivent être équilibrées à terme. Des déficits conjoncturels sont admissibles mais doivent être compensés par les excédents des périodes favorables. Le frein à l'endettement, décidé par votation et par l'Assemblée fédérale en 2001, repose sur une réglementation en matière de dépenses selon laquelle les dépenses de la Confédération doivent correspondre aux recettes attendues, compte tenu de la situation conjoncturelle. Les détails du frein à l'endettement sont réglés dans la loi du 7 octobre 2005 sur les finances4.

­

Principes régissant l'imposition (art. 127 et 129 Cst.): en vertu de l'art. 127, al. 2, Cst., l'imposition doit respecter les principes de l'universalité, de l'égalité de traitement et de la capacité économique. L'art. 129 Cst. règle l'harmonisation formelle de la perception des impôts directs.

­

Impôts et droits de douane de la Confédération (art. 128, 130 à 133 et 196 à Cst.): ces articles contiennent une énumération exhaustive des impôts fédéraux et des droits de douane (art. 128 et 130 à 133 Cst.) ainsi que les dispositions transitoires relatives aux divers impôts (art. 196 Cst.). Les dispositions transitoires règlent entre autres la limitation dans le temps de l'IFD (art. 196, ch. 13, Cst.) et de la TVA (art. 196, ch. 14, al. 1, Cst.).

­

Ordre fédéraliste (art. 134 et 135 Cst.): l'art. 134 Cst. définit les compétences en matière d'imposition par rapport aux cantons. L'art. 135 Cst. concerne la péréquation financière. En tenant compte des particularités topographiques et sociodémographiques, la péréquation financière a pour but de réduire les disparités entre cantons en ce qui concerne la capacité financière, de garantir aux cantons une dotation minimale en ressources financières et de maintenir la compétitivité fiscale des cantons sans porter atteinte aux incitations à générer des recettes.

RS 611.0

6007

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Les recettes de la Confédération La marge de manoeuvre de la Confédération en matière fiscale est très limitée, car elle n'est habilitée à prélever que les impôts expressément prévus par la Constitution. Le droit exclusif de la Confédération de prélever des impôts concerne principalement une partie des impôts indirects. En matière d'impôts sur le revenu et le bénéfice, la souveraineté fiscale est exercée aussi bien par la Confédération que par les cantons et les communes.

L'importance des impôts perçus par la Confédération varie fortement. L'IFD et la TVA sont les principales sources de revenus de la Confédération (figure 1). Dans les dispositions transitoires de la Constitution, la compétence relative à la perception de ces deux impôts est limitée à 2020. Outre cette limitation, la Confédération doit respecter d'autres restrictions, étant donné que la Constitution prévoit également des taux plafonds pour l'IFD et la TVA. Les premiers s'élèvent au plus à 11,5 % du revenu imposable des personnes physiques (art. 128, ch. 1, let. a, Cst.) et à 8,5 % du bénéfice net des personnes morales (art. 128, ch. 1, let. b, Cst.). Jusqu'au 31 décembre 2017, le taux normal de la TVA s'élève à 8 % (art. 130, al. 1, 3 et 3bis et art. 196, ch. 14, al. 2, let. a, Cst.; art. 25, al. 1, de la loi sur la TVA5). Son taux à compter de 2018 dépendra de l'issue des débats sur la réforme de la prévoyance vieillesse 20206.

Répartition des recettes de la Confédération en 2015

Figure 1

Source: DFF 5 6

RS 641.20 Message du 19 novembre 2014 concernant la réforme de la prévoyance vieillesse 2020, FF 2015 1.

6008

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1.1.4

Le système fiscal suisse en comparaison internationale

La structure fédéraliste Comparé à bon nombre d'autres Etats, le système fiscal suisse se caractérise par une forte décentralisation due au fédéralisme. La Confédération et les cantons et communes se partagent le droit de prélever des impôts sur le revenu des personnes physiques ainsi que sur le bénéfice net des personnes morales.

La structure fédéraliste entraîne une forte décentralisation des recettes fiscales étant donné que tant les cantons que les communes sont habilités à percevoir des impôts (figure 2). A première vue, le système fiscal suisse semble très proche du système allemand en ce qui concerne la décentralisation. L'Allemagne se caractérise toutefois par un système composite en matière d'impôt sur le revenu, de TVA et d'impôt sur le bénéfice, qui limite fortement la compétence des niveaux subordonnés de l'Etat d'édicter des actes législatifs dans le domaine fiscal. En Suisse par contre, si les cantons et les communes bénéficient des recettes, ils disposent également de compétences législatives. La grande autonomie des cantons et communes en ce qui concerne les dépenses va de pair avec une compétence législative permettant de fixer le niveau des recettes. La Suisse se caractérise dès lors par une autonomie équivalente en matière de recettes et de dépenses.

Les cantons se servent de cette autonomie pour prélever des impôts directs ou d'autres taxes, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas réservés à la Confédération.

Les compétences des communes en matière de perception d'impôts sont régies par les législations cantonales correspondantes. Concernant l'impôt sur le revenu et sur le bénéfice, la Confédération partage ses compétences fiscales avec les cantons et les communes. L'IFD, qui est perçu tant sur les bénéfices des personnes morales que sur le revenu des personnes physiques, revient à la Confédération, avec une quote-part pour les cantons qui se monte actuellement à 17 % des recettes. En revanche, le produit de la TVA revient entièrement à la Confédération, bien qu'une partie soit affectée à des buts précis.

La grande autonomie fiscale dont jouissent les cantons et communes peut donner lieu à une concurrence fiscale visant à attirer les contribuables «mobiles». Dans le système fédéral, l'IFD constitue toutefois un instrument efficace de correction, étant donné qu'il ne frappe
pas les contribuables à faible revenu et qu'il présente un tarif dont la progressivité est importante. En raison de cette caractéristique de l'IFD, et en dépit de la forte concurrence fiscale qui règne en Suisse, les contribuables à forte capacité économique participent de manière plus que proportionnelle au financement de l'Etat.

6009

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Figure 2 Part en pour cent des niveaux subordonnés de l'Etat aux recettes fiscales totales dans des pays choisis de l'OCDE en 2011

Source: OCDE

Structure fiscale La figure 3 illustre la répartition des recettes issues de l'impôt à la consommation, des cotisations aux assurances sociales, des impôts sur la fortune ainsi que du revenu des travailleurs, des bénéfices et du revenu du capital par rapport à l'ensemble des impôts. En Suisse, la part des cotisations aux assurances sociales représente une composante des recettes faiblement moins importante que dans les pays limitrophes (Autriche, Allemagne, Italie et France), qui se financent davantage par le biais de ces cotisations. La part des recettes provenant de l'impôt à la consommation est, quant à elle, considérablement moins élevée, ce qui est principalement dû aux taux d'imposition relativement faibles dans le domaine de la TVA. Inversement, les recettes issues de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur le bénéfice des personnes morales sont plus importantes en Suisse. Il n'y a qu'aux Etats-Unis que le poids de ces composantes de recettes est comparable à celui enregistré en Suisse.

Par rapport aux autres pays étudiés, les impôts liés à la fortune ­ incluant l'imposition des biens immobiliers (par ex. la taxe foncière), de la fortune et du transfert de patrimoine (par ex. l'impôt sur les successions et les droits de mutation) ­ ont une certaine importance pour les cantons et les communes. Les recettes tirées des impôts 6010

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liés à la fortune représentaient en 2014 6,7 % des recettes fiscales. Il n'y a qu'aux Etats-Unis et en France que cette catégorie d'impôts est plus importante. Dans ces deux pays toutefois, l'impôt foncier est le principal générateur de recettes, alors qu'en Suisse, l'impôt sur la fortune prélevé par les cantons et les communes joue un rôle important avec un produit moyen supérieur à 5,5 milliards de francs durant les dernières années. Ceci est remarquable en ce sens qu'abstraction faite de la France, de la Norvège et de l'Espagne, aucun autre pays européen ne génère plus de recettes issues de l'impôt sur la fortune.

Figure 3 Structure fiscale de pays choisis de l'OCDE en 2014 (en pour cent des recettes fiscales)

Source: OCDE

Conclusion Finalement, on constate que: ­

la Suisse se caractérise par une forte décentralisation qui, contrairement à certains autres Etats fédéralistes, va également de pair avec des pouvoirs législatifs importants pour les trois niveaux étatiques;

­

la grande autonomie fiscale dont jouissent les cantons et les communes suscite une concurrence fiscale pour attirer les contribuables «mobiles». L'IFD joue à cet égard le rôle d'un instrument de correction, étant donné qu'il veille à ce que les contribuables qui disposent d'une capacité économique considérable participent dans une mesure appropriée au financement de l'Etat;

­

bien que l'imposition du revenu des personnes physiques et du bénéfice des personnes morales soit comparativement plus faible, le produit de ces impôts par rapport au PIB est significatif;

6011

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­

1.2

l'imposition des bases fiscales immobiles, de la fortune et du transfert de patrimoine contribue de façon significative au financement des cantons et communes.

Dispositif proposé

Le NRF 2021 doit garantir au-delà de 2020 la perception de l'IFD et de la TVA, les deux principales sources de revenus de la Confédération. Dès lors, il s'agit de proroger jusqu'au 31 décembre 2035 la limitation dans le temps de la perception de ces deux impôts. Le NRF 2021 a donc pour but d'assurer la continuité de la politique fiscale et non de réformer le système fiscal.

Outre la suppression de la limitation dans le temps de l'IFD et de la TVA, le projet prévoit également d'abroger une disposition transitoire concernant la perception de l'impôt sur la bière (art. 196, ch. 15, Cst.), devenue caduque.

1.3

Appréciation de la solution retenue

1.3.1

Avantages et inconvénients d'une limitation de l'IFD et de la TVA

Depuis l'instauration de la TVA et de l'IFD, la limitation dans le temps de leur perception a été systématiquement reconduite. La Suisse n'est pas seule à prévoir une telle limitation pour des lois ou des dispositions constitutionnelles. Aux yeux de leurs partisans, les clauses de caducité («sunset legislation») présentent les avantages suivants: 1.

elles permettent de réagir à des contextes budgétaires inhabituels mais temporaires;

2.

elles augmentent le taux d'approbation lorsque l'intérêt net d'une mesure n'est pas évident ou qu'il fait débat;

3.

elles ont tendance à entraîner une inversion du fardeau de la preuve en obligeant les partisans de l'impôt à en exposer les avantages nets;

4.

elles peuvent faire obstacle à une bureaucratisation;

5.

elles sont susceptibles de réfréner les ardeurs dépensières de l'Etat;

6.

lorsque le régime financier est soumis à un examen périodique obligatoire largement diffusé, on s'assure d'un contrôle de la population conforme aux principes de la démocratie directe. La possibilité de se prononcer périodiquement et de façon représentative sur le régime financier par le biais du référendum obligatoire en renforce la légitimité.

En ce qui concerne les sources principales de revenus de la Confédération, on pourrait envisager de supprimer la limitation dans le temps de la perception au lieu de la prolonger, comme l'avait proposé le Conseil fédéral dans son projet de NRF 2021 soumis à consultation.

6012

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Lors de l'introduction de l'impôt de guerre, une limitation était entièrement justifiée: le nom même d'impôt de guerre indiquait qu'il ne devait pas être une contribution obligatoire durable. En revanche, on ne saurait défendre une limitation de l'IFD et de la TVA sur la base des points 2 et 3 dans le contexte actuel. En effet, tant l'IFD que la TVA gagnent en importance dans le budget de la Confédération (cf.

ch. 1.1.3), la tendance se renforçant nettement depuis plusieurs décennies. Ainsi, la part de ces deux impôts dans les recettes ordinaires de la Confédération est passée d'un peu moins de 55 % en 1996 à près de 63 % en 2015, l'IFD représentant environ 30 % de ces recettes, la TVA quelque 33 % (figure 4). Pour les cantons et les communes, ces recettes sont également importantes, puisqu'ils perçoivent actuellement 17 % du produit de l'IFD. Par ailleurs, le produit de la TVA est pour partie affecté à long terme. Si l'on veut maintenir l'ampleur actuelle des tâches de la Confédération, il est exclu de les supprimer sans contrepartie.

Figure 4 Evolution de l'IFD et de la TVA en pour cent des recettes de la Confédération

Source: Administration fédérale des finances

Le recours à des clauses de caducité pour faire contrepoids à la bureaucratisation (point 4) ne convainc guère non plus. Elles tendent en effet à mobiliser régulièrement des ressources en vue de la préparation et de l'exécution du processus législatif. La charge administrative s'en trouve donc plutôt alourdie, bien que dans des proportions raisonnables.

En revanche, une limitation peut se justifier en ce qu'elle est fondamentalement un instrument permettant de réfréner les ardeurs dépensières de l'Etat. Certes, au niveau de la Confédération divers mécanismes tels le frein à l'endettement, les taux maximaux de l'IFD et de la TVA inscrits dans la Cst., l'énumération exhaustive dans la Cst. des compétences de la Confédération en matière d'imposition et la compen6013

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sation automatique de la progression à froid permettent de lutter efficacement contre une telle tendance.

Le principal argument en faveur d'une limitation consiste à dire qu'il est utile, sur le plan démocratique, de remettre régulièrement en question le régime financier ou le système fiscal, afin de modérer si nécessaire les ardeurs dépensières de l'Etat (point 6). Pour réformer des détails d'un impôt, une limitation dans le temps n'est pas nécessaire. Toutefois, une clause de caducité est un instrument adéquat pour examiner la nécessité fondamentale d'un impôt ou discuter de la structure fiscale.

Cela implique que le législateur soumette à un contrôle périodique critique la répartition des tâches, des dépenses et de recettes à tous les niveaux de l'Etat.

Le contrôle périodique du régime financier par les instances politiques et la possibilité pour de larges couches de la population de se prononcer sur les propositions par le biais du référendum obligatoire garantit une participation conforme aux principes de la démocratie directe. Cette participation renforce la légitimité du régime financier aux yeux de la population.

En comparant les avantages et les inconvénients, une clause de caducité peut se justifier si l'on accorde une grande importance à une participation conforme aux principes de la démocratie directe et si l'on ne fait pas confiance aux mécanismes en place de limitation de l'activité de l'Etat.

1.3.2

Abrogation de la disposition transitoire relative à l'impôt sur la bière

L'art. 196, ch. 15, Cst. prévoit qu'un impôt sur la bière doit être prélevé selon le «droit en vigueur» jusqu'à l'adoption d'une nouvelle loi fédérale (initialement «un arrêté pris en vertu des pouvoirs extraordinaires»). La mise en vigueur au 1er juillet 2007 de la loi fédérale sur l'imposition de la bière a rendu cette disposition caduque.

1.3.3

Pas d'éléments de réforme supplémentaires

L'histoire des finances fédérales montre que les modifications du régime financier ne passent pas facilement le cap des votations populaires. De nombreux projets ont échoué, le dernier en 1991. Même si les raisons ayant conduit au rejet des divers projets étaient différentes à chaque fois, il y a quelques leçons à tirer du passé.

Le présent projet de NRF 2021 tient compte de ces enseignements. Les modifications n'impliquent ni hausse d'impôts ni nouvelle répartition de la charge fiscale.

6014

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1.3.4

Résultats de la consultation

Dans son projet de NRF 2021 soumis à consultation, le Conseil fédéral avait proposé d'abroger la limitation dans le temps de l'IFD et de la TVA. Au total, 57 avis ont été déposés dans le cadre de la consultation. Les résultats les plus importants de la consultation sont résumés ci-après.

Abrogation de la limitation: presque tous les cantons se prononcent en faveur d'une perception durable de la TVA et de l'IFD (un canton uniquement pour la TVA, un autre par principe opposé). Les avis des associations sont plus mitigés: le nombre des partisans de l'abrogation de la limitation et celui des opposants s'équilibrent plus ou moins. En ce qui concerne les partis qui se sont prononcés sur le NRF 2021, la majorité d'entre eux de même que celle des partis gouvernementaux s'opposent à une abrogation de la limitation. Deux partis approuvent l'abrogation et un autre est favorable à une abrogation pour la seule TVA, mais non pour l'IFD.

Modifications matérielles: quelques rares participants demandent des modifications matérielles, notamment l'abrogation de la limitation dans le temps du taux spécial de TVA pour les prestations du secteur de l'hébergement, une dispense de la TVA pour les prestations acquises par les villes et les communes lorsqu'elles ne sont pas liées à des activités entrepreneuriales, une suppression de la part cantonale à l'IFD, un relèvement des taux maximaux de l'IFD, une baisse de ces mêmes taux, et une suppression totale de l'IFD moyennant financement compensatoire par des impôts moins dommageables.

Disposition transitoire relative à l'impôt sur la bière: tous les participants approuvent l'abrogation de la disposition transitoire relative à l'imposition de la bière, ou n'émettent aucune réserve à cet égard.

Une large majorité des participants souhaite ainsi ne pas surcharger le projet de modifications. Aucun participant ne s'oppose à l'abrogation de la disposition transitoire relative à l'impôt sur la bière. En revanche, l'abrogation de la limitation de l'IFD et de la TVA, majoritairement approuvée lors de la consultation, est plus controversée. Les principaux arguments des opposants sont les suivants: 1.

la limitation contribue significativement à discipliner l'Etat dans ses dépenses;

2.

la compétence de percevoir des impôts directs doit relever exclusivement des cantons, ou une abrogation de la limitation de l'IFD ne peut être acceptée sans débat sur la répartition des tâches, et

3.

il est par principe utile de s'interroger périodiquement sur les orientations du régime financier.

Bien que presque tous les cantons et la moitié des associations se soient prononcés en faveur de l'abrogation de la limitation, cette dernière ne devrait réunir aucune majorité au sein du Parlement. Pour cette raison, le Conseil fédéral préconise une prorogation des deux impôts jusqu'au 31 décembre 2035, contrairement à sa proposition soumise à consultation.

6015

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1.4

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

De nombreux pays ont édicté des clauses de caducité dans divers domaines. Ainsi, la constitution allemande prévoit en cas de situation d'urgence une clause de caducité de six mois après le cas de défense pour les lois et ordonnances édictées par le comité conjoint dans sa fonction de parlement d'urgence. Dans certains cas, en Allemagne, des lois régionales ou fédérales sont munies d'une clause de caducité.

Récemment, certains Etats ont assorti des lois visant la lutte contre les activités terroristes de clauses de caducité (par ex. le Patriot Act aux Etats-Unis). Au niveau de l'UE, la Communauté européenne du charbon et de l'acier était limitée à 50 ans et a pris fin le 23 juillet 2002.

En matière de politique fiscale, on trouve également des clauses de caducité (par ex.

dans l'Economic Growth and Tax Reconciliation Act des Etats-Unis). Ce qui caractérise les lois fiscales assorties d'une clause de caducité est le fait qu'elles contiennent des dispositions relatives aux hausses ou aux baisses d'impôts. En revanche, il est inhabituel d'assortir un impôt, et surtout un impôt fiscalement significatif, d'une clause de caducité.

1.5

Mise en oeuvre

La modification constitutionnelle devra entrer en vigueur le 1er janvier 2021. Pour ce qui est de l'exécution, le NRF 2021 ne nécessitera aucune modification, de sorte que les cantons resteront compétents pour la perception de l'IFD et que la souveraineté administrative en matière de TVA restera attribuée à l'Administration fédérale des contributions et à l'Administration fédérale des douanes.

2

Commentaire des nouvelles dispositions constitutionnelles

Impôt fédéral direct Le NRF 2021 permettra de percevoir l'IFD au-delà de 2020. Pour ce faire, l'art. 196, ch. 13, des dispositions transitoires de la Cst sera modifié de sorte que la Confédération puisse percevoir l'IFD jusqu'au 31 décembre 2035.

Taxe sur la valeur ajoutée Ici encore, il s'agit de modifier une disposition transitoire (art. 196, ch. 4, al. 1, Cst.), ce qui habilitera la Confédération à percevoir la TVA jusqu'au 31 décembre 2035.

Impôt sur la bière La loi du 6 octobre 2006 sur l'imposition de la bière étant entrée en vigueur le 1er juillet 2007, l'art. 196, ch. 15, Cst., est devenu caduc et peut donc être abrogé.

6016

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3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes

Une non-prolongation aurait de graves répercussions étant donné que plus de 60 % des revenus de la Confédération seraient touchés. Les tâches cantonales ne pourraient non plus être assurées dans leur forme actuelle, car les cantons participent au produit de l'IFD. La prorogation de la limitation dans le temps de l'IFD et de la TVA n'aura aucune conséquence financière, ni pour la Confédération, ni pour les cantons et communes. Son seul effet sera de pérenniser le régime fiscal actuel.

3.2

Conséquences pour l'économie

Prolonger la limitation dans le temps des deux principales sources de revenus de la Confédération n'aura aucune conséquence économique.

4

Relation avec le programme de la législature et les stratégies nationales du Conseil fédéral

Le déclencheur immédiat de la révision de la Constitution réside dans la limitation dans le temps des deux principales sources de revenus de la Confédération. Le projet a été annoncé dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 20197. Dans le message le Conseil fédéral souligne sa volonté d'équilibrer le budget de la Confédération et de garantir des prestations étatiques efficientes. Assurer les deux sources de revenus les plus importantes de la Confédération en prorogeant leur perception jusqu'au 31 décembre 2035 sert la réalisation de ces objectifs et est, d'un point de vue réaliste, une condition indispensable du respect du frein à l'endettement qui interdit que durant un cycle conjoncturel, les dépenses excèdent les recettes.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

La Constitution détermine, sur la base du principe fédéraliste (art. 3 Cst., souveraineté des cantons), les impôts que la Confédération peut percevoir et les principes qui doivent être respectés en l'occurrence. Le maintien de la perception de l'IFD et de la TVA permet d'assurer temporairement les principales sources de revenus de la Confédération jusqu'à fin 2035 et de les doter ainsi d'une nouvelle base constitutionnelle.

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FF 2016 981, exacte 1037

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FF 2016

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

La Suisse n'étant pas membre de l'UE, le droit fiscal européen n'exerce aucune influence directe sur sa législation fiscale ni sur la limitation dans le temps des deux principales sources de revenus de la Confédération, objet du projet. C'est vrai pour l'IFD comme pour la TVA. La Suisse n'ayant pas adopté la directive 2006/112/CE du Conseil relative au système commun de TVA applicable dans l'UE8, celle-ci n'a aucune validité sur son territoire. La Suisse peut donc continuer à définir son droit en matière de TVA de manière autonome. Les accords bilatéraux entre la Suisse et l'UE portent sur la TVA uniquement dans le cadre de l'entraide judiciaire et de l'assistance administrative. Par ailleurs, les impôts directs n'ont pas de base légale propre dans l'UE.

Le 28 octobre 19949, la Suisse a conclu avec la Principauté de Liechtenstein un traité relatif à la TVA au Liechtenstein. En vertu de ce traité, le Liechtenstein, qui constitue un seul territoire douanier avec celui de la Suisse, reprend le droit suisse régissant la TVA. Une suppression de la TVA entraînerait par conséquent une dénonciation du traité. Une simple prorogation de la compétence de percevoir la TVA n'aurait aucune incidence sur le traité.

Enfin, il existe un traité conclu le 23 novembre 1964 entre la Confédération suisse et la République fédérale d'Allemagne sur l'inclusion de la commune de Büsingen am Hochrhein dans le territoire douanier suisse10. Selon ce traité, le droit suisse régissant la TVA s'applique également à la commune allemande de Büsingen. Une suppression de la TVA exigerait par conséquent une modification du traité. Une simple prorogation de la compétence de percevoir la TVA n'aurait aucune incidence sur le traité.

La prolongation de la limitation dans le temps de l'IFD et de la TVA ne contredit donc aucune obligation internationale.

5.3

Forme de l'acte à adopter

La mise en oeuvre du NRF 2021 nécessite une révision partielle de la Constitution.

L'Assemblée fédérale soumet les modifications de la Constitution au vote du peuple et des cantons sous la forme d'un arrêté fédéral (art. 23 de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement11). Le texte correspondant est soumis au référendum (art. 140, al. 1, let. a, Cst.).

8 9 10 11

JO L 347 du 11.12.2006, p. 1 RS 0.641.295.142 RS 0.631.112.136 RS 171.10

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