Garantie de l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation de l'administration fédérale décentralisée Rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 6 octobre 2015

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Rapport 1

Introduction

En janvier 2013, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) de procéder à une évaluation de l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation de l'administration fédérale décentralisée.

L'objectif était d'identifier et d'apprécier les bases légales visant à garantir l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation. Il était également question d'évaluer la façon dont les normes juridiques étaient appliquées dans la pratique et d'examiner ce que le Conseil fédéral entreprenait, dans la limite de ses compétences, pour garantir l'indépendance des organes précités.

Le mandat confié au CPA a été motivé par divers articles parus dans la presse au sujet d'accusations de conflits d'intérêts concernant les autorités ou leurs collaborateurs. Par exemple, il a été reproché au conseil de l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN), qui est l'organe de surveillance stratégique de l'IFSN, d'entretenir des rapports trop étroits avec l'industrie nucléaire et, partant, de faire preuve de laxisme dans sa surveillance. Les médias ont également critiqué la proximité de la Commission de la concurrence (COMCO) ou de l'Institut suisse des produits thérapeutiques (Swissmedic) avec les acteurs du marché qu'ils surveillaient1.

Dans le cadre de son enquête, qu'il a menée en collaboration avec des experts externes, le CPA a recensé seize autorités de surveillance et de régulation; pour définir l'indépendance de ces dernières, il s'est fondé sur des catégories de normes (indépendance fonctionnelle, institutionnelle, relative au personnel et financière) 2. La sous-commission DFI/DETEC de la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E), compétente en la matière, a ensuite sélectionné cinq autorités qui seraient examinées en détail dans le cadre d'études de cas approfondies: il s'agissait de Swissmedic, de l'IFSN, de l'Autorité fédérale de surveillance en matière de révision (ASR), de la Commission fédérale de la communication (ComCom) et de la COMCO. Elle a sciemment choisi ces autorités en raison du dispositif normatif régissant leur indépendance, qui est plutôt dense pour les unes et plutôt maigre pour les autres. En collaboration avec les experts externes susmentionnés, le CPA a ensuite procédé à une analyse
détaillée des bases légales sur lesquelles se fondent les cinq autorités choisies et a examiné l'application de ces normes en menant des entretiens avec les acteurs concernés des autorités, de la Confédération et des secteurs surveillés.

Le 2 février 2015, le CPA a adopté son rapport à l'intention de la CdG-E. Afin d'éviter les redondances avec l'évaluation du CPA, la CdG-E se contente dans ce

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Cf. autres exemples et sources in: Evaluation concernant l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation de l'administration fédérale décentralisée, rapport du CPA du 2.2.2015 en annexe (ci-après «Evaluation du CPA en annexe»), chap. 1.1 Evaluation du CPA en annexe, chap. 2.2

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rapport d'en rappeler les principales constatations et de présenter ses propres conclusions et recommandations.

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Constatations et recommandations

Au cours des vingt dernières années, la Confédération a externalisé plusieurs tâches relevant de la surveillance de l'économie ou de la sécurité, qui étaient jusqu'alors dévolues à l'administration fédérale centrale, pour les confier à des entités de la Confédération devenues autonomes. Cette externalisation a été effectuée notamment pour garantir un haut degré d'indépendance dans l'accomplissement des tâches: les affaires politiques courantes ne doivent pas influer sur les décisions de surveillance et de régulation afin de garantir l'objectivité et la neutralité de ces décisions3. En outre, l'indépendance financière et en matière de personnel doit notamment permettre aux autorités de réagir aux changements rapidement et, dans la mesure du possible, de façon autonome4. Lors de la conception des autorités de surveillance et de régulation, l'importance que celles-ci soient indépendantes du marché, c'est-àdire des établissements qu'elles surveillent, a également été soulignée 5. Les entités devenues autonomes ont surtout été conçues comme des établissements de droit public (par ex. Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers [FINMA], IFSN, ASR, Swissmedic); dans certains cas, les tâches ont toutefois été confiées à des commissions extraparlementaires (par ex. COMCO, ComCom).

Les constatations suivantes concernent la conception et l'application des normes juridiques visant à garantir l'indépendance des unités décentralisées. L'enquête n'a pas porté sur la question de l'indépendance dans les différentes décisions prises par ces autorités. En effet, eu égard aux normes précitées relatives à l'indépendance, la haute surveillance parlementaire fait preuve de davantage de retenue lorsqu'il s'agit de surveiller les autorités de surveillance et de régulation que lorsqu'elle contrôle les unités de l'administration fédérale centrale: de manière générale, elle ne procède à aucun contrôle matériel des décisions6.

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Rapport du Conseil fédéral du 13.9.2006 sur l'externalisation et la gestion de tâches de la Confédération (rapport sur le gouvernement d'entreprise) (FF 2006 7799 7828) Message du 1.2.2006 concernant la loi fédérale sur l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FF 2006 2741 2748) Message du 1.2.2006 concernant la loi fédérale sur l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FF 2006 2741 2776) Principes d'action des Commissions de gestion selon la décision du 30.1.2015; Biaggini, Giovanni (2013): Avis de droit sur les possibilités et limites de la haute surveillance du Parlement dans le domaine de l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN); Uhlmann, Felix (2013): Avis de droit concernant la haute surveillance sur l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) [tous les documents précités sont disponibles à l'adresse www.parlement.ch > Organes et députés > Commissions > Commissions de surveillance > Commissions de gestion > Publications et documents de base (consultée le 26.2.2015)]

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2.1

Hétérogénéité des normes régissant l'indépendance

Les dispositifs normatifs régissant l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation découlent de la législation spéciale applicable aux différentes unités et du droit administratif en général. Après avoir effectué une comparaison transversale de différentes autorités de surveillance et de régulation, le CPA est arrivé à la conclusion que les normes en question étaient peu homogènes et que l'indépendance qui découlait de ces normes variait énormément d'une autorité à l'autre.

La plupart des différences entre les normes s'expliquent par la diversité des fonctions assumées par les autorités. Ainsi, l'indépendance fonctionnelle7 est moins marquée au sein des autorités qui assument essentiellement des tâches administratives (par ex. l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle [IPI]) qu'au sein des autorités exerçant des tâches de nature judiciaire (par ex. l'autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision [AIEP]). En revanche, les premières jouissent en régle générale d'une plus grande indépendance financière8 et institutionnelle9 que les secondes. Du point de vue du personnel10 ou du point de vue financier, les autorités exécutant des tâches de surveillance de l'économie ou de la sécurité (par ex. l'IFSN, ASR ou Swissmedic) sont généralement davantage indépendantes que les autorités exerçant des tâches de nature judiciaire11.

Le rapport du CPA a toutefois montré que les différentes fonctions assumées par les autorités ne sauraient à elles seules justifier de façon objective la diversité des normes juridiques régissant l'indépendance de ces autorités. Manifestement, ces normes n'ont pas été élaborées sur la base d'un concept uniforme12. Le fait que le rapport sur le gouvernement d'entreprise, qui est censé garantir un pilotage uniforme des unités devenues autonomes, ne traite des autorités de surveillance et de régulation que de façon marginale est révélateur de cette absence de conception harmonisée. En outre, il y a lieu de constater, dans les normes relatives aux autorités de surveillance et de régulation, plusieurs dérogations aux principes énoncés dans le rapport sur le gouvernement d'entreprise: par exemple, en ce qui concerne la définition des objectifs stratégiques, le Conseil fédéral assume un rôle plus actif que celui

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L'indépendance fonctionnelle décrit l'indépendance dans l'exécution des tâches. Elle se fonde sur des normes régissant l'activité indépendante et neutre de l'autorité concernée, qui dispose par ex. de ses propres pouvoirs de décision et d'instruction. Cf. Evaluation du CPA en annexe, chap. 2.3 L'indépendance financière repose sur les dispositions garantissant à l'autorité concernée la souveraineté budgétaire et le pouvoir d'édicter des normes concernant la nature et le montant de son propre financement. L'autorité peut, par ex., fixer les émoluments qui sont à la charge des instances surveillées. Cf. Evaluation du CPA en annexe, chap. 2.3 L'indépendance institutionnelle reflète l'autonomie de l'organisation vis-à-vis de l'administration fédérale centrale et du Conseil fédéral, par ex., la liberté de déterminer la stratégie et le contrôle de gestion, de nommer la direction opérationnelle et de définir la politique du personnel. Cf. Evaluation du CPA en annexe, chap. 2.3 L'indépendance en matière de personnel est garantie par des normes visant à éviter les conflits d'intérêts et le cumul de fonctions au sein d'une autorité, notamment au moyen de codes de conduite et de profils de compétences. Cf. Evaluation du CPA en annexe, chap. 2.3 Evaluation du CPA en annexe, chap. 3.1 Evaluation du CPA en annexe, chap. 4.1

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qui est prévu dans le rapport sur le gouvernement d'entreprise13. Les principes énoncés dans ce rapport sont actuellement remis en question dans le cadre de plusieurs projets de révision législative en cours14.

La CdG-E estime que la situation due au manque d'uniformité des normes régissant l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation est insatisfaisante. Elle est consciente qu'il faut sans cesse rechercher un nouvel équilibre entre l'indépendance de ces autorités et l'influence du Conseil fédéral et de l'administration, et qu'il faut interpréter la législation spéciale en tenant compte du contexte dans lequel elle a été élaborée. Selon la commission, il serait néanmoins judicieux de proposer dans le meilleur délai une conception de base ou une standardisation du dispositif régissant l'indépendance: il serait alors plus aisé de comprendre et de comparer la réorganisation des autorités, notamment lorsque le Parlement se pencherait sur de futurs projets de révision, et les dérogations à la norme devraient alors faire l'objet d'une justification particulière.

Recommandation 1 La CdG-E demande au Conseil fédéral d'élaborer un concept visant à harmoniser les normes régissant l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation.

2.2

Lacunes dans les normes régissant l'indépendance

L'une des principales constatations du CPA était que les normes légales régissant l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation ne tenaient pas compte systématiquement de tous les champs conceptuels de l'indépendance (fonctionnelle, institutionnelle, en matière de personnel et financière)15. Même si le CPA a précisé, dans son analyse de la mise en oeuvre, que les lacunes législatives (ou simplement les dispositifs rudimentaires) étaient en partie compensées par des règlements ou des directives internes, la CdG-E estime qu'il y a lieu de fixer au niveau de la loi, par des dispositions générales, les éléments essentiels de l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation dans les quatre champs conceptuels.

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Par ex., le Conseil fédéral dispose de compétences de pilotage vis-à-vis de Swissmedic: il définit les objectifs stratégiques de l'institut et nomme son directeur. Ces compétences ne sont pas conformes aux principes exposés dans le rapport sur le gouvernement d'entreprise: celui-ci prévoit que le Conseil fédéral ne doit ni approuver la direction (principe no 4) ni définir les objectifs stratégiques (principe n o 17) s'agissant des entités accomplissant des tâches de surveillance de l'économie ou de la sécurité. Selon le rapport sur le gouvernement d'entreprise, ces compétences devraient être assumées par les organes de direction des autorités de surveillance et de régulation ­ en l'occurrence, le conseil de l'institut.

Evaluation du CPA en annexe, chap. 3.2.2 et annexe au rapport du CPA, pp. 15 et 39 ss Evaluation du CPA en annexe, chap. 4.2

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L'analyse détaillée des cinq autorités sélectionnées a clairement identifié des lacunes ou des dispositifs rudimentaires au niveau de la loi, notamment dans les domaines de l'indépendance fonctionnelle et de l'indépendance en matière de personnel.

En ce qui concerne l'indépendance fonctionnelle, le CPA a constaté que le principe général de l'indépendance n'était pas explicitement réglementé au niveau de la loi s'agissant de plusieurs autorités16. Alors que l'autonomie vis-à-vis de l'administration est parfois expressément mentionnée (par ex. dans le cas de la COMCO), l'indépendance et la neutralité vis-à-vis des organismes surveillés ne trouvent souvent aucune expression au niveau de la loi. Par exemple, les bases légales concernant Swissmedic ou la ComCom ne font aucune mention explicite de ces exigences en matière d'indépendance. Là aussi, il convient de constater que les lacunes législatives sont partiellement compensées dans les règlements internes (par ex. dans le cas de Swissmedic; par contre, elles le sont de façon plutôt insuffisante en ce qui concerne la ComCom); toutefois, la CdG-E considère qu'il faut concrétiser cette caractéristique essentielle des autorités de surveillance et de régulation au niveau de la loi, d'autant plus que celles-ci disposent de compétences parfois étendues, notamment celle de donner des instructions aux organismes soumis à la surveillance.

Pour ce qui est de l'indépendance en matière de personnel, le CPA a également pointé du doigt des lacunes au niveau de la loi17. Les cinq autorités sélectionnées présentent des différences notables en ce qui concerne leurs dispositions relatives aux intérêts et aux autres influences que peut subir leur personnel. Il existe parfois des règles strictes au niveau de l'ordonnance (par ex. pour l'IFSN), dont certaines invitent l'autorité concernée à se doter d'un dispositif d'autorégulation. Dans son évaluation, le CPA est arrivé à la conclusion que l'autorégulation jouait un rôle essentiel dans les efforts visant à garantir l'indépendance en matière de personnel.

Pourtant, l'obligation pour les autorités de se doter d'un dispositif d'autorégulation n'est pas prévue par toutes les lois spéciales, ni même par la législation sur l'organisation du gouvernement et de l'administration18. En outre, il n'existe aucune harmonisation ni
aucun principe de bonnes pratiques en matière d'autorégulation. Ainsi, comme le montre l'évaluation du CPA, l'autorégulation interne est très différente selon les autorités; pour certaines, le dispositif visant à prévenir les conflits d'intérêts est inexistant ou rudimentaire. Par exemple, Swissmedic compense l'absence de réglementation de l'indépendance en matière de personnel au niveau de la loi par des règlements internes exhaustifs; de même, l'IFSN a adopté un code de conduite interne détaillé. Au contraire, les instructions internes prévues par la ComCom concernant l'indépendance de son personnel sont rudimentaires.

La CdG-E estime qu'il faudra davantage tenir compte, dans les futurs projets législatifs, des normes relatives à l'indépendance en matière de personnel des autorités de surveillance et de régulation, notamment en fixant des exigences claires en matière d'autorégulation et, le cas échéant, en prévoyant les instruments de contrôle adéquats (par ex. les codes de conduite peuvent prévoir une réserve d'approbation ou 16 17 18

Evaluation du CPA en annexe, chap. 3.2.1 Evaluation du CPA en annexe, chap. 3.2.3 Loi du 21.3.1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010); ordonnance du 25.11.2008 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA; RS 172.010.1)

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peuvent faire l'objet d'un examen dans le cadre d'un rapport annuel). Elle invite en outre le Conseil fédéral à faire systématiquement usage de ses compétences en matière d'édiction d'ordonnances et de surveillance vis-à-vis des autorités de surveillance et de régulation afin de renforcer l'autorégulation au sein de toutes les autorités (par ex. en élaborant des principes de bonnes pratiques).

La CdG-E se félicite que les législations relatives à plusieurs des cinq autorités sélectionnées fassent l'objet de révisions partielles et que, dans le cadre de ces révisions, le Conseil fédéral tienne davantage compte de la question de l'indépendance19.

Recommandation 2 La CdG-E demande au Conseil fédéral de veiller, dans le cadre de futurs projets de loi, à ce que des normes suffisamment détaillées régissent l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation à tous les niveaux, sur la base d'un concept uniforme.

Il examinera en particulier la possibilité de prévoir explicitement l'indépendance des autorités vis-à-vis de la Confédération et des organismes soumis à la surveillance ainsi que l'obligation, pour les autorités, de se doter d'un dispositif d'autorégulation.

En outre, elle demande au Conseil fédéral de faire usage de ses compétences en matière d'édiction d'ordonnances et de surveillance vis-à-vis des autorités de surveillance et de régulation afin de renforcer l'autorégulation de l'indépendance en matière de personnel.

2.3

Influence parfois faible du Conseil fédéral lors de la nomination des organes dirigeants

La législation spéciale relative aux autorités de surveillance et de régulation habilite le Conseil fédéral à nommer les organes chargés de la direction stratégique des autorités. Le CPA ayant conclu20 que la sensibilité des personnes et les différentes personnalités au sein des organes de direction jouaient un rôle décisif dans la mise en oeuvre de l'indépendance, la CdG-E estime que la procédure de sélection et la nomination des organes dirigeants revêtent une grande importance21.

19 20 21

Evaluation du CPA en annexe, chap. 3.2.2 et annexe au rapport du CPA, pp. 15 et 39 ss Evaluation du CPA en annexe, chap. 4.5 et annexe au rapport du CPA, p. 73 Dans le cadre d'inspections antérieures, les CdG avaient déjà souligné l'importance de la sensibilité des personnes présentes au sein des autorités de surveillance pour la mise en oeuvre effective de l'indépendance. Cf. Les autorités sous la pression de la crise financière et de la transmission de données clients d'UBS aux Etats-Unis, rapport des CdG du 30.5.2010 (FF 2011 2903 3036)

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Dans ce contexte, la CdG-E n'est pas satisfaite du rôle parfois passif joué par le Conseil fédéral et les départements concernés lors de la nomination des organes dirigeants. Dans son analyse, le CPA a conclu que le Conseil fédéral avait parfois fait un usage limité des possibilités d'influence dont il disposait à travers la nomination des membres de l'organe dirigeant. Ainsi, il a constaté que toutes les autorités ne disposaient pas d'un profil des exigences à respecter lors de la nomination des membres. La CdG-E estime que cette situation est problématique: elle souligne que des profils d'exigences clairs et précis constituent un important instrument d'évaluation permettant de nommer les organes dirigeants de façon pertinente et transparente. Elle se félicite toutefois que le Conseil fédéral ait prévu, dans le projet de révision partielle de la loi sur les produits thérapeutiques, une disposition selon laquelle il nommerait les membres du conseil de l'institut de Swissmedic sur la base d'un profil d'exigences22. Cette disposition pourrait servir d'exemple pour l'adaptation des bases légales relatives à d'autres autorités.

Dans son analyse, le CPA a en outre constaté qu'il arrivait, lors des procédures de nomination des organes dirigeants, que les départements reprennent les propositions des autorités de surveillance et de régulation sans les examiner plus avant ou sans chercher eux-mêmes d'autres candidats. Il semblerait que le Conseil fédéral se contente généralement de confirmer les personnes proposées; le CPA n'a identifié aucun cas connu où le Conseil fédéral n'aurait pas choisi les personnes proposées 23.

Comme lors de l'inspection relative à la nomination des cadres supérieurs par le Conseil fédéral, il y a lieu de constater, du point de vue de la haute surveillance parlementaire, que le Conseil fédéral n'exploite pas de façon systématique ses compétences en matière de nomination et le potentiel de pilotage qui en découle24. Selon la CdG-E, il est pourtant important que le Conseil fédéral garantisse les intérêts de la Confédération en faisant un usage systématique de ses instruments de pilotage et de surveillance également en ce qui concerne les entités devenues autonomes exerçant des tâches relevant de la surveillance de l'économie ou de la sécurité.

Recommandation 3 La CdG-E demande
au Conseil fédéral de s'assurer que des profils d'exigences précis et transparents soient définis concernant la nomination des organes dirigeants des autorités de surveillance et de régulation et d'accorder davantage d'importance aux compétences de pilotage et de surveillance dont il dispose à travers cette nomination.

22 23 24

Art. 72 du projet du 7.11.2012 de modification de la loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux (loi sur les produits thérapeutiques, LPTh) (FF 2013 131) Evaluation du CPA en annexe, chap. 3.3.3 Nomination des cadres supérieurs par le Conseil fédéral, rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 15.11.2013 (FF 2014 2697)

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2.4

Indépendance institutionnelle et financière parfois imparfaite vis-à-vis de l'administration fédérale

Parmi les cinq autorités qui ont fait l'objet d'un examen approfondi, en particulier la ComCom affiche une indépendance institutionnelle faible vis-à-vis de l'administration fédérale. Cette commission décisionnelle ne dispose pas de son propre secrétariat et dépend fortement de l'Office fédéral de la communication (OFCOM) pour la préparation de ses décisions. Dans ce type de structure, l'office compétent reçoit des instructions à la fois de la part de l'autorité devenue autonome et du secrétariat général du département compétent. Comme l'a montré le rapport du CPA, cette interdépendance peut parfois poser des problèmes, étant donné que le Conseil fédéral et l'administration pourraient être tentés d'influencer les décisions de la ComCom en donnant des instructions aux collaborateurs compétents de l'OFCOM25.

Dans son évaluation, le CPA a toutefois souligné que, à sa connaissance, le Conseil fédéral n'exerçait aucune influence de la sorte et que la proximité entre l'office et l'autorité n'avait jusqu'alors posé aucun problème dans la pratique. En outre, les personnes concernées estiment que cette proximité est une solution pragmatique et économique qui permet d'exploiter des synergies et d'éviter des doublons. Enfin, il convient de constater que, même dans un système tel que celui que connaît la ComCom, l'élément essentiel de l'indépendance ­ c'est-à-dire la possibilité de prendre des décisions sans se plier à des instructions ­ reste globalement garanti.

Il est toutefois essentiel que les membres de l'autorité aient la possibilité de remettre en question les travaux préparatoires de l'administration. La CdG-E estime que plus l'indépendance institutionnelle d'une autorité est faible, plus les membres de cette autorité et leur sensibilité à la question de l'indépendance jouent un rôle important. Par conséquent, les conclusions tirées au chap. 2.3 sont également valables en l'espèce: il y a lieu d'accorder une grande importance à la procédure de sélection des candidats et à la nomination des organes dirigeants par le Conseil fédéral (cf. recommandation 3).

Le CPA a constaté que l'indépendance financière de certaines autorités ­ en particulier des commissions décisionnelles telles que la COMCO et la ComCom ­ était plus faible, car les compétences relatives au budget incombaient totalement ou en partie
au département concerné. En théorie, cette situation présente le risque que les départements tentent de profiter de leurs compétences budgétaires pour piloter les activités de surveillance et de régulation des autorités26. Par conséquent, la CdG-E estime qu'il est judicieux d'élaborer un concept de base également pour les normes régissant l'indépendance financière (cf. recommandation 1), de sorte que les autorités ayant une fonction comparable disposent aussi d'une autonomie financière comparable, notamment en ce qui concerne la fixation et l'approbation des émoluments et l'utilisation d'éventuels bénéfices.

25 26

Evaluation du CPA en annexe, chap. 3.3.2 Evaluation du CPA en annexe, chap. 3.3.4

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2.5

Conditions pour une culture de l'indépendance

Dans son analyse, le CPA a constaté que l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation dépendait essentiellement de leurs membres et de la sensibilité de ces derniers. Dans le domaine de la surveillance de l'économie et de la sécurité, les personnes concernées doivent simultanément avoir de l'expérience dans ledit domaine et adopter une attitude neutre vis-à-vis des institutions surveillées: cela peut mener à des contradictions que des directives ne peuvent résoudre à elles seules.

Ainsi, le CPA a conclu que l'indépendance personnelle des membres et des collaborateurs, le fait que ceux-ci s'identifient à leur fonction et leur sensibilité aux questions de l'indépendance ­ en d'autres termes, la culture de l'indépendance telle qu'ils la vivent ­ étaient le véritable fondement de l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation.

Selon la CdG-E, ce sont avant tout les instruments mentionnés aux chapitres précédents qui garantissent que les personnes concernées ont la sensibilité nécessaire: définition de profils d'exigences, nomination des organes dirigeants par le Conseil fédéral, autorégulation des autorités au moyen de codes de conduite (cf. recommandations 2 et 3).

Dans son enquête, le CPA a toutefois cité d'autres facteurs qui ont un effet positif sur la sensibilité des personnes concernées et, partant, sur la formation et l'entretien d'une culture de l'indépendance. Il a notamment mentionné des mesures de sensibilisation (par ex. des formations à l'intention des collaborateurs des autorités) ou le fait de charger une instance appropriée (par ex. l'organe dirigeant ou le département) de déterminer, en cas de doute, si l'indépendance est garantie. Il convient de citer ici l'exemple de l'IFSN: si un membre de cette autorité souhaite exercer une activité qui pourrait créer un conflit d'intérêts, il sollicite la recommandation du conseil de l'IFSN; en cas de doute, celui-ci demande au Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) de procéder à une évaluation27.

Par ailleurs, il est essentiel que les dispositions régissant l'indépendance des autorités tiennent compte non seulement de l'indépendance objective, mais aussi de la façon subjective dont l'indépendance est perçue au sein de l'opinion publique. Là aussi,
les règles en vigueur au sein de l'IFSN sont un bon exemple: les membres du conseil de l'IFSN «ne doivent entretenir aucune relation susceptible de mettre en doute leur impartialité»28.

La CdG-E est convaincue qu'il est possible de promouvoir la culture de l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation au moyen de mesures ciblées appropriées. Elle estime que les mesures mentionnées ci-dessus, notamment la nomination d'une instance chargée de vérifier, en cas de doute, si l'indépendance est garantie, peuvent servir d'exemples pour les autorités au sein desquelles il n'existe pas de conditions comparables.

27 28

Art. 4, al. 3, de l'ordonnance du 12.11.2008 sur l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (OIFSN; RS 732.21) Art. 4, al. 2, OIFSN

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Recommandation 4 La CdG-E demande au Conseil fédéral d'examiner les mesures qui seraient susceptibles de renforcer la sensibilisation à l'indépendance au sein des autorités de surveillance et de régulation.

3

Conclusions

De l'avis de la CdG-E, l'évaluation montre globalement une certaine diversité législative dans les normes régissant l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation, diversité que les fonctions différentes assumées par ces autorités ne peuvent à elles seules expliquer. La commission constate en outre que, en raison de lacunes législatives, l'indépendance de certaines autorités n'est pas réglementée de manière exhaustive. Elle se félicite néanmoins que, dans la pratique, cette absence ne pose apparemment aucune difficulté, notamment parce que les autorités se sont parfois dotées de dispositifs d'autorégulation performants.

Toutefois, la CdG-E estime que le Conseil fédéral doit s'efforcer d'améliorer et d'harmoniser les normes régissant l'indépendance des autorités de surveillance et de régulation. Elle l'invite à édicter des principes au niveau de la loi sur la base d'un concept global. Le Conseil fédéral pourrait notamment s'appuyer sur les exemples positifs cités dans le présent rapport. Enfin, la commission se félicite que le Conseil fédéral ait prévu de prendre davantage en considération l'aspect de l'indépendance dans le cadre de plusieurs révisions législatives partielles en cours29.

La commission prie le Conseil fédéral de bien vouloir prendre position, d'ici au 15 janvier 2016 au plus tard, sur ses constats et ses recommandations ainsi que sur l'évaluation du CPA. Elle l'invite en outre à indiquer au moyen de quelles mesures et dans quel délai il envisage de mettre en oeuvre ses recommandations.

6 octobre 2015

Au nom de la Commission de gestion du Conseil des Etats: Le président, Hans Hess La secrétaire, Beatrice Meli Andres

29

Evaluation du CPA en annexe, chap. 3.2.2 et annexe au rapport du CPA, pp. 15 et 39 ss

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Abréviations AIEP al.

art.

ASR CdG CdG-E Cf.

COMCO ComCom CPA DETEC FF FINMA IFSN IPI LIFSN LOGA LPTh OFCOM OIFSN OLOGA PRS

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Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radiotélévision alinéa article Autorité fédérale de surveillance en matière de révision Commissions de gestion des Chambres fédérales Commission de gestion du Conseil des Etats Confer Commission de la concurrence Commission fédérale de la communication Contrôle parlementaire de l'administration Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication Feuille fédérale Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers Inspection fédérale de la sécurité nucléaire Institut fédéral de la propriété intellectuelle Loi fédérale du 22 juin 2007 sur l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire, RS 732.2 Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration, RS 172.010 Loi fédérale du 15 décembre 2000 sur les médicaments et les dispositifs médicaux (loi sur les produits thérapeutiques), RS 812.21 Office fédéral de la communication Ordonnance du 12 novembre 2008 sur l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire, RS 732.21 Ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration, RS 172.010.1 projet de loi Recueil systématique