16.048 Message concernant la modification du code pénal et du code pénal militaire (Mise en oeuvre de l'art. 123c Cst.)

du 3 juin 2016

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, le projet de modification du code pénal et du code pénal militaire visant à mettre en oeuvre l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants» (art. 123c Cst.).

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

3 juin 2016

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Johann N. Schneider-Ammann Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2015-2833

5905

Condensé Le Conseil fédéral propose de mettre en oeuvre la nouvelle norme constitutionnelle intitulée «Mesure consécutive aux infractions sexuelles sur des enfants, des personnes incapables de résistance ou de discernement» en se fondant sur les dispositions du code pénal et du code pénal militaire relatives à l'interdiction d'exercer une activité entrées en vigueur le 1er janvier 2015. Les nouvelles dispositions sont conçues de manière à concrétiser l'interdiction dans le respect le plus strict possible du texte constitutionnel et à appliquer autant que faire se peut l'automatisme qu'il institue. On prendra en compte les principes constitutionnels en incluant dans la loi des dispositions adéquates sur l'exécution de l'interdiction, ainsi qu'une clause permettant au juge de renoncer exceptionnellement à des conditions strictes à prononcer une interdiction d'exercer une activité dans les cas de très peu de gravité.

Contexte Le 18 mai 2014, le peuple et les cantons ont accepté l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants». L'art. 123c inscrit dans la Constitution prévoit que quiconque est condamné pour avoir porté atteinte à l'intégrité sexuelle d'un enfant ou d'une personne dépendante est définitivement privé du droit d'exercer une activité professionnelle ou bénévole en contact avec des mineurs ou des personnes dépendantes.

Contenu du projet Les dispositions relatives à la nouvelle interdiction d'exercer une activité seront très proches du texte de l'art. 123c Cst. L'interdiction sera ordonnée par le juge s'il prononce une peine ou une mesure à l'encontre d'un adulte qui a commis une infraction sexuelle sur une personne mineure, particulièrement vulnérable, incapable de résistance ou de discernement ou n'ayant pas été en état de se défendre du fait d'un état de dépendance physique ou psychique. La liste des infractions susceptibles de mener à l'interdiction est vaste; elle comporte aussi bien des crimes et des délits contre l'intégrité sexuelle que des contraventions de cette nature. Le juge devra prononcer systématiquement une interdiction à vie, et ce en principe indépendamment des circonstances du cas concret et de la peine infligée.

La nouvelle norme entre en conflit avec des principes constitutionnels existants (en particulier le principe de
proportionnalité) et le droit international, en particulier la Convention européenne des droits de l'homme. Le projet prévoit une clause pour limiter ce conflit autant que possible: le juge pourra renoncer exceptionnellement à prononcer une interdiction d'exercer une activité dans les cas de très peu de gravité dans lesquels elle ne semble pas nécessaire pour empêcher l'auteur de commettre d'autres infractions sexuelles. Il est toutefois exclu de laisser cette marge d'appréciation au juge pour certaines infractions, notamment en cas de pédophilie.

5906

On pourra également atténuer quelque peu les contradictions entre l'art. 123c Cst.

et les principes de l'état de droit inscrits dans la Constitution dans le cadre de l'application de l'interdiction. Il est prévu à certaines conditions de permettre le réexamen de cette mesure à la demande du condamné après dix ans; celui-ci pourra solliciter sa levée ou l'aménagement de sa durée ou de son contenu. Les pédophiles ne bénéficieront pas de cette possibilité.

Comme dans le droit en vigueur, le respect de l'interdiction sera contrôlé au moyen d'extraits du casier judiciaire (en particulier l'extrait spécial destiné aux particuliers) et d'une assistance de probation.

5907

FF 2016

Table des matières Condensé

5906

1

Présentation du projet 1.1 Contexte 1.1.1 Chronologie de l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants» 1.1.2 Interdiction d'exercer une activité, interdiction de contact et interdiction géographique du droit en vigueur 1.2 Conditions de la mise en oeuvre de la nouvelle norme constitutionnelle dans la loi 1.2.1 Normes méritant concrétisation 1.2.2 Principes d'interprétation des nouvelles dispositions constitutionnelles 1.2.3 Restriction des droits fondamentaux et proportionnalité 1.2.4 Relation entre droit international et initiatives populaires 1.2.5 Notions comprises dans l'art. 123c Cst.

1.2.6 Avant-projet du Conseil fédéral 1.2.7 Résultats de la consultation 1.3 Dispositif proposé 1.3.1 Généralités 1.3.2 Auteurs visés par l'initiative 1.3.3 Infractions susceptibles de mener à l'interdiction d'exercer une activité 1.3.4 Concrétisation de la notion de condamnation 1.3.5 Personnes protégées 1.3.6 Exclusion de la procédure de l'ordonnance pénale 1.3.7 Marge d'interprétation du juge 1.3.8 Perte à vie du droit d'exercer une activité professionnelle ou non professionnelle 1.3.9 Activités en contact avec des mineurs ou des personnes particulièrement vulnérables, dépendantes ou incapables de résistance ou de discernement 1.3.10 Application de l'interdiction d'exercer une activité 1.3.11 Validité temporelle et non-rétroactivité 1.3.12 Validité géographique 1.3.13 Parallélisme des règles dans le code pénal militaire 1.4 Appréciation de la solution proposée 1.5 Droit comparé (droit européen en particulier)

5910 5910

Commentaire des dispositions 2.1 Code pénal 2.2 Code pénal militaire

5945 5945 5960

2

5908

5910 5911 5913 5913 5914 5915 5916 5916 5921 5922 5923 5923 5923 5925 5927 5928 5931 5933 5935 5936 5937 5941 5942 5942 5942 5944

FF 2016

3

Conséquences 3.1 Conséquences en matière de finances et de personnel pour la Confédération 3.2 Conséquences pour les cantons et les communes

5960

4

Relation avec le programme de la législature

5962

5

Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.1.1 Compétence législative 5.1.2 Droits fondamentaux 5.1.3 Frein aux dépenses 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales 5.2.1 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) 5.2.2 Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (pacte ONU I) 5.2.3 Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (pacte ONU II) 5.2.4 Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant 5.2.5 Convention du Conseil de l'Europe du 25 octobre 2007 sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (convention de Lanzarote)

5962 5962 5962 5963 5967 5967

5960 5961

5967 5968 5969 5969 5969

Ouvrages

5970

Autres documents

5972

Code pénal et code pénal militaire (Mise en oeuvre de l'art. 123c Cst.) (Projet)

5975

5909

FF 2016

Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Chronologie de l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants»

Les auteurs de l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants» ont présenté une liste de signatures à la Chancellerie fédérale (ChF) le 29 septembre 2009; la ChF a clos son examen préalable le 6 octobre 20091. Le comité d'initiative a déposé l'initiative avec le nombre de signatures requis le 20 avril 2011 auprès de la ChF, laquelle a décidé le 16 mai 2011 que l'initiative avait abouti, puisqu'elle avait recueilli 111 681 signatures valables2. Selon le texte de l'initiative, quiconque est condamné pour avoir porté atteinte à l'intégrité sexuelle d'un enfant ou d'une personne dépendante est définitivement privé du droit d'exercer une activité professionnelle ou bénévole en contact avec des mineurs ou des personnes dépendantes.

L'initiative a été présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral lui a opposé un contre-projet indirect qui prévoyait notamment l'extension de l'interdiction d'exercer une profession déjà inscrite dans la loi aux activités non professionnelles, de même que deux formes plus sévères d'interdictions d'exercer une activité pour les infractions commises sur des mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables. Le contre-projet instaurait par ailleurs une interdiction de contact et une interdiction géographique. La volonté du Conseil fédéral était d'appliquer le principe constitutionnel de la proportionnalité et de garantir le respect du droit international3. Les Chambres fédérales ont examiné le contre-projet indirect comme un projet de loi indépendant de l'initiative populaire et l'ont adopté lors du vote final du 13 décembre 20134. La modification de loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2015 (voir ch. 1.1.2)5.

Le peuple a accepté l'initiative populaire lors de la votation du 18 mai 2014 par 1 818 822 voix pour et 1 044 704 voix contre; tous les cantons lui ont donné leur aval6.

1 2

3 4 5 6

FF 2009 6359 Décision de la Chancellerie fédérale du 16 mai 2011 concernant l'aboutissement de l'initiative populaire fédérale «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», FF 2011 4125 Message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», ch. 6.7.1.

FF 2013 8701 RO 2014 2055 FF 2014 6121

5910

FF 2016

L'art. 123c de la Constitution (Cst.)7 figure à la section X du chapitre II «Droit civil, droit pénal, métrologie». Sa teneur est la suivante8: Art. 123c

Mesure consécutive aux infractions sexuelles sur des enfants, des personnes incapables de résistance ou de discernement

Quiconque est condamné pour avoir porté atteinte à l'intégrité sexuelle d'un enfant ou d'une personne dépendante est définitivement privé du droit d'exercer une activité professionnelle ou bénévole en contact avec des mineurs ou des personnes dépendantes.

1.1.2

Interdiction d'exercer une activité, interdiction de contact et interdiction géographique du droit en vigueur

Comme évoqué au ch. 1.1.1, les nouvelles dispositions (art. 67 ss du code pénal, CP9) sont entrées en vigueur le 1er janvier 2015. Voici les principales mesures qu'elles instituent10: Interdiction générale d'exercer une activité (art. 67, al. 1, CP) Les dispositions sur l'interdiction d'exercer une profession de l'ancien droit (art. 67, al. 1, aCP) ont été adaptées de manière à inclure les activités non professionnelles organisées.

Le juge peut prononcer une interdiction d'exercer une activité si l'auteur a été condamné à au moins six mois de peine privative de liberté ou 180 jours-amende en raison d'un crime ou d'un délit. Si le juge le déclare irresponsable (art. 19, al. 1, CP), il peut tout de même prononcer une interdiction d'exercer une activité (art. 19, al. 3, CP). Il en est de même si le juge atténue la peine en raison de la responsabilité restreinte de l'auteur, et que celle-ci n'atteint pas la limite fixée. L'auteur doit avoir commis l'acte illicite dans l'exercice de l'activité que le juge va interdire. Il doit en outre y avoir un pronostic défavorable quant au risque de récidive s'il continue d'exercer cette activité.

La durée de l'interdiction s'étend de six mois à cinq ans; toute prolongation est exclue (art. 67, al. 6, CP).

L'auteur peut demander un réexamen de l'interdiction d'exercer une activité dont il fait l'objet après une période d'exécution de deux ans (art. 67c, al. 5, let. a, CP).

Pendant la période d'exécution, le juge peut à certaines conditions étendre l'interdiction ou prononcer une interdiction supplémentaire du même type (art. 67d, al. 1, CP). Il peut aussi prononcer une telle interdiction ultérieurement, pendant que

7 8 9 10

RS 101 RO 2014 2771 RS 311.0 Pour plus de détails, voir le message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», ch. 6.

5911

FF 2016

l'auteur exécute une peine privative de liberté ou une mesure entraînant une privation de liberté (art. 67d, al. 2, CP).

Interdiction plus sévère d'exercer une activité (art. 67, al. 2 à 4, CP) L'al. 2 prévoit une interdiction d'exercer une activité visant à protéger les mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables. Il offre une protection accrue en cela que l'interdiction d'exercer une activité peut être prononcée pour un crime ou un délit commis sur un mineur ou une personne particulièrement vulnérable, mais pas forcément dans l'exercice de l'activité en question. Cette interdiction n'est subordonnée à aucune exigence de peine minimale (voir plus haut concernant l'absence de peine pour cause d'irresponsabilité). Il doit néanmoins exister un pronostic défavorable quant au risque que l'auteur commette un nouvel acte si, dans son activité, il entretient des contacts réguliers avec des mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables.

La durée de l'interdiction s'étend d'un à dix ans; si nécessaire, elle peut être prononcée à vie (art. 67, al. 2 et 6, CP). Le juge peut prolonger une interdiction de cinq ans en cinq ans au plus si les conditions nécessaires sont réunies (art. 67, al. 6, CP).

Le réexamen d'une interdiction de durée limitée peut avoir lieu après la moitié de la durée de l'interdiction, mais au plus tôt après une période d'exécution d'au moins trois ans (art. 67c, al. 5, let. b, CP); il peut avoir lieu après une période d'exécution d'au moins dix ans pour les interdictions à vie (art. 67c, al. 5, let. d, CP).

Si l'acte à l'origine de l'interdiction est une infraction contre l'intégrité sexuelle d'un mineur ou d'une autre personne particulièrement vulnérable, l'art. 67, al. 3 et 4, impose au juge de prononcer une interdiction d'exercer une activité.

Pour que cette interdiction impérative soit prononcée, il faut qu'il ait été ordonné contre l'auteur une sanction d'au moins six mois de peine privative de liberté ou 180 jours-amende ou une mesure (au sens des art. 59 à 61 ou 64 CP). L'interdiction peut être prononcée suite à des actes qui n'ont pas été commis dans l'exercice de l'activité que le juge va interdire. Aucun pronostic défavorable n'est requis.

La durée de l'interdiction impérative est de dix ans; elle peut être prononcée à vie si nécessaire (art. 67,
al. 6, CP). Le juge peut renouveler une interdiction de durée limitée de cinq ans en cinq ans au plus si les conditions sont réunies (voir art. 67, al. 6, CP).

Le réexamen d'une interdiction de durée limitée peut intervenir après cinq ans (art. 67c, al. 5, let. c, CP), tandis qu'il faut attendre dix ans pour une interdiction à vie (let. d). Le juge peut à certaines conditions étendre une interdiction d'exercer une activité prononcée en vertu de l'art. 67, al. 2 à 4, pendant la période d'exécution ou prononcer une interdiction supplémentaire (art. 67d, al. 1, CP). Il n'est pas exclu non plus que le juge prononce une interdiction ultérieurement, alors que l'auteur purge une peine privative de liberté ou une mesure entraînant une privation de liberté; cette possibilité se limite toutefois à l'interdiction d'exercer une activité au sens de l'art. 67, al. 2, CP (art. 67d, al. 2, CP).

5912

FF 2016

Interdiction de contact et interdiction géographique (art. 67b CP) L'art. 67b CP instaure une interdiction de contact et une interdiction géographique principalement pour protéger les victimes potentielles de violence domestique et de harcèlement obsessionnel (dit stalking). Ces interdictions ne visent pas spécifiquement à prévenir des actes qui pourraient être commis sur des mineurs ou des personnes particulièrement vulnérables.

Le juge peut prononcer une interdiction de contact ou une interdiction géographique si l'auteur a commis un crime ou un délit. Une telle interdiction n'est subordonnée à aucune exigence de peine minimale. L'acte commis doit avoir visé une ou plusieurs personnes déterminées, c'est-à-dire pouvant être désignées nommément ou appartenant à un groupe précis. L'interdiction ne peut en outre être ordonnée que si l'auteur risque de commettre de nouveaux crimes ou délits sur la personne ou les personnes visées (art. 67b, al. 1, CP).

L'interdiction de contact et l'interdiction géographique permettent d'interdire à l'auteur de prendre contact avec la ou les personnes à protéger (voir art. 67b, al. 2, let. a, CP), de s'en approcher ou d'accéder à un périmètre déterminé autour de son ou de leur logement (let. b) ou de fréquenter certains lieux (let. c).

La durée d'une interdiction de ce type est de cinq ans au plus (art. 67b, al. 1, CP); le juge, à la demande de l'autorité compétente, peut la prolonger de cinq ans en cinq ans au plus si les conditions sont réunies (art. 67b, al. 5, CP).

Le réexamen d'une interdiction de contact ou d'une interdiction géographique peut intervenir après une période d'exécution d'au moins deux ans (art. 67c, al. 5, let. a, CP). Le juge peut l'étendre pendant l'exécution ou prononcer une interdiction supplémentaire (art. 67d, al. 1, CP); il peut également prononcer une interdiction ultérieurement pendant l'exécution d'une peine privative de liberté ou d'une mesure entraînant une privation de liberté (art. 67d, al. 2, CP).

1.2

Conditions de la mise en oeuvre de la nouvelle norme constitutionnelle dans la loi

1.2.1

Normes méritant concrétisation

Ainsi qu'évoqué dans le message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», l'art. 123c Cst. comporte des notions indéterminées, dont on ne peut déduire directement le champ d'application précis. Il n'inclut aucune disposition indiquant comment mettre en oeuvre l'interdiction d'exercer une activité11. Il n'est donc pas directement applicable; le législateur doit le concrétiser et le compléter.

La mise en oeuvre de l'art. 123c Cst. se fera sur la base des dispositions relatives à l'interdiction d'exercer une activité entrées en vigueur le 1 er janvier 2015 (art. 67 ss CP; voir ch. 1.1.2).

11

Message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», ch. 3.1.2 et 4.3.

5913

FF 2016

Il n'est pas nécessaire d'adapter les dispositions sur l'interdiction de contact et l'interdiction géographique (art. 67b CP), puisque l'art. 123c Cst. ne prévoit pas d'instrument de ce type12.

1.2.2

Principes d'interprétation des nouvelles dispositions constitutionnelles

Pour interpréter la Constitution, il faut tout d'abord partir du texte de la norme, comme on le ferait pour une loi ou une ordonnance (interprétation littérale). Si le texte n'est pas clair ou qu'il permet différentes interprétations, il faut en rechercher la portée véritable. Il faut dès lors recourir à d'autres méthodes d'interprétation portant sur la genèse de la norme (interprétation historique) et son but (interprétation téléologique). Il est judicieux de s'intéresser également à l'importance que la norme revêt dans le contexte des dispositions qui l'entourent (interprétation systématique).

Aucune méthode d'interprétation ne prévaut ni ne saurait être utilisée de manière exclusive, qu'il s'agisse d'interpréter la loi ou la Constitution. On utilise les méthodes d'interprétation en parallèle. Il faut évaluer au cas par cas la méthode ou la combinaison de méthodes qui sera la plus appropriée pour faire ressortir le sens intrinsèque de la norme constitutionnelle. On parle à cet égard de pluralisme méthodologique13. Bien qu'elle ne soit pas déterminante, il est possible de tenir compte de la volonté des auteurs de la norme constitutionnelle dans le cadre de l'interprétation historique14.

L'interprétation de la Constitution a ceci de particulier que les normes qu'elle contient sont formulées de manière générale. Celles qui attribuent la compétence de légiférer sont souvent relativement imprécises et ne reflètent qu'un premier consensus sur la nécessité de confier une tâche à l'Etat dans le domaine concerné et sur le but recherché. Elles nécessitent généralement une concrétisation plutôt qu'une interprétation.

Si le constituant n'applique pas lui-même une certaine hiérarchie, le principe qui prévaut est celui de l'égalité des normes constitutionnelles15, à deux restrictions près toutefois. Les dispositions impératives du droit international reprises dans la Constitution prévalent sur les normes «ordinaires» de celle-ci16. Par ailleurs, la primauté d'une norme peut découler au cas par cas de la mise en balance de tous les éléments déterminants. Les principes mis au point pour interpréter la loi au sens formel [celui selon lequel le droit plus récent prévaut sur le droit plus ancien (lex posterior derogat legi priori) et celui selon lequel les normes spéciales priment les normes générales (lex specialis derogat legi generali)] ne sauraient toutefois s'appliquer de manière systématique à l'interprétation de la Constitution17.

12 13 14 15 16 17

Message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», ch. 6.2.6.

Häfelin/Haller/Keller 2012, no 130.

Rapport sur la relation entre droit international et droit interne, ch. 8.7.1.2.

Tschannen 2011, § 4 no 13, § 9 no 5; Müller 2010 no 7; voir ATF 105 Ia 330, consid. 3c.

Tschannen 2011, § 4 no 16.

Tschannen 2011, § 4 no 16.

5914

FF 2016

La mise en oeuvre des nouvelles normes constitutionnelles doit prendre en compte deux méthodes d'interprétation spécifiques qui s'ajoutent aux méthodes d'interprétation générales: ­

l'interprétation harmonisante18, qui oblige le législateur à prendre en compte toutes les dispositions de la Constitution avec lesquelles la nouvelle norme pourrait entrer en conflit et d'éviter autant que possible les contradictions;

­

l'interprétation conforme au droit international, qui implique de «respecter» le droit international (art. 5, al. 4, Cst.). Tous les organes de l'Etat doivent en conséquence interpréter autant que possible et autant que nécessaire les nouvelles normes constitutionnelles de manière conforme au droit international dans leurs tâches législatives ou d'exécution.

1.2.3

Restriction des droits fondamentaux et proportionnalité

Toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale, être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et être proportionnée au but visé (art. 36, al. 1 à 3, Cst.). L'atteinte à un droit fondamental dans un but d'intérêt public ou de protection des droits fondamentaux d'autrui doit être appropriée, nécessaire et raisonnablement exigible.

Le principe de proportionnalité est d'une importance primordiale en matière de concrétisation de la Constitution. Désigné à l'art. 5, al. 2, Cst. comme «principe de l'activité de l'Etat régi par le droit», il est un principe fondamental de l'ensemble de l'ordre juridique et constitutionnel. Il intervient principalement en droit pénal au moment d'ordonner des mesures et d'infliger des peines (corollaire au principe de la faute).

Le Tribunal fédéral comme la doctrine voient dans le principe de proportionnalité un principe de base déterminant pour tous les domaines du droit public, qui domine par conséquent l'ensemble du droit administratif et qui est valable aussi bien dans l'application du droit que dans l'action législative 19. Doctrine et jurisprudence se rejoignent également sur la fonction du principe de proportionnalité: protéger les citoyens contre les atteintes disproportionnées de l'Etat20. Puisqu'il régit l'activité de l'Etat dans son ensemble, ce principe trouve également son application dans l'interprétation de la Constitution (interprétation harmonisante et interprétation conforme au droit international).

18 19 20

Rhinow/Schefer 2009, no 524, 529; Hangartner 2011, p. 473.

ATF 96 I 234, consid. 5 ATF 102 Ia 234, consid. 5c. voir le message sur la Constitution, FF 1997 I 1 133.

5915

FF 2016

1.2.4

Relation entre droit international et initiatives populaires21

Les initiatives populaires violant des règles impératives du droit international ne sont pas valables; le peuple n'est donc pas appelé à se prononcer. Celles qui violent d'autres règles du droit international sont en revanche valables et requièrent une mise en oeuvre de la part des autorités une fois qu'elles ont été acceptées par le peuple et les cantons (art. 139, al. 3, 193, al. 4, 194, al. 2, et 195 Cst.).

L'existence de normes de droit constitutionnel contraires au droit international devrait néanmoins constituer une exception limitée dans le temps, comme le commandent la Constitution (art. 5, al. 4), les intérêts de la Suisse en matière de politique extérieure et le rôle du droit international pour la coexistence pacifique entre les Etats. Lorsqu'une initiative populaire acceptée viole le droit international non impératif, le législateur et les autorités font en sorte de la mettre en oeuvre de manière conforme au droit international. Or il n'est pas toujours facile de respecter à la fois la volonté du constituant et les obligations de droit international, si bien qu'il faut envisager le cas échéant la renégociation ou la dénonciation du traité ou accepter que la Suisse viole ses engagements internationaux.

Des problèmes se posent face aux traités non dénonçables ou aux engagements auxquels la Suisse ne veut pas mettre fin pour des raisons politiques ou économiques. Elle risque de violer durablement le droit international et d'être condamnée par un organe international si le traité prévoit un mécanisme de contrôle. S'agissant de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)22, l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme (Cour EDH) relève du Comité des ministres du Conseil de l'Europe. Selon la pratique constante de ce dernier, l'exécution d'un arrêt doit, audelà du cas d'espèce, empêcher de nouvelles violations du même type de la CEDH; l'Etat condamné est donc tenu de prendre des mesures d'ordre général.

1.2.5

Notions comprises dans l'art. 123c Cst.

Conditions Les conséquences juridiques prévues (interdiction systématique et à vie d'exercer une activité avec des mineurs ou des personnes dépendantes) interviendront si l'auteur est condamné pour une atteinte à l'intégrité sexuelle d'un enfant, d'une personne dépendante ou d'une personne incapable de résistance ou de discernement.

Auteurs visés par l'initiative Le titre de l'initiative et son argumentation23 se réfèrent au terme de «pédophile» pour désigner l'auteur des actes répréhensibles.

21 22 23

Rapport sur la relation entre droit international et droit interne, ch. 8.7 et 9.6.

RS 0.101 Explications du Conseil fédéral, p. 21 (arguments du comité d'initiative).

5916

FF 2016

La pédophilie est un trouble mental reconnu cliniquement. Les critères de diagnostic sont définis dans les deux systèmes de classification internationale suivants: ­

la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (CIM-10) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), et

­

le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) (étatsunien)

La CIM-10 définit la pédophilie comme la «préférence sexuelle pour les enfants, qu'il s'agisse de garçons, de filles, ou de sujet de l'un ou l'autre sexe, généralement d'âge prépubère ou au début de la puberté»24. Sur la base de ces critères, le trouble peut être diagnostiqué dès que la personne concernée conçoit que des actes d'ordre sexuel entre elle et un enfant puissent avoir lieu, indépendamment de leur réalisation25.

Les critères diagnostiques du DSM-5 sont quant à eux les suivants: A.

ont été constatés chez le sujet des fantaisies imaginatives sexuellement excitantes, des impulsions sexuelles, ou des comportements, survenant de façon répétée et intense, pendant une période d'au moins six mois, impliquant une activité sexuelle avec un enfant ou des enfants prépubères (généralement âgés de treize ans ou plus jeunes);

B.

la personne a cédé à ces impulsions sexuelles, ou les impulsions sexuelles ou les fantaisies imaginatives sont à l'origine d'un désarroi prononcé ou de difficultés interpersonnelles,

C.

le sujet est âgé de seize ans au moins et a au moins cinq ans de plus que l'enfant mentionné en A26.

Le titre et le texte de l'art. 123c Cst. ne font pas mention de la notion de «pédophile». Ils sont plus larges dans leur formulation et visent de manière générale les personnes ayant commis une infraction sur un enfant, sur une personne dépendante ou sur une personne incapable de résistance ou de discernement.

L'art. 123c Cst. n'indique pas si les auteurs visés par l'initiative peuvent être des mineurs.

Infractions susceptibles de mener à l'interdiction d'exercer une activité Pour désigner les comportements pouvant mener à une interdiction d'exercer, le titre de l'art. 123c Cst. utilise la notion d'«infractions sexuelles sur des enfants, des personnes incapables de résistance ou de discernement». Le texte de l'article évoque quant à lui une condamnation «pour avoir porté atteinte à l'intégrité sexuelle d'un enfant ou d'une personne dépendante».

24

25 26

Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (10e révision): pédophilie; consultable à l'adresse http://apps.who.int/classifications/icd10/browse/2008/fr# > V Troubles mentaux et du comportement > F60-F69 > F65.4 (dernière consultation le 4 avril 2016).

Muggli 2014, p. 15; Heer/Habermeyer, 2013, art. 59 n o 36a ss.

Diagnostisches und Statistisches Manual Psychischer Störungen DSM-5, 2015, p. 959 ss.

5917

FF 2016

Etant donné que seule une condamnation peut mener à une interdiction d'exercer, il faut que le comportement en question réunisse les éléments constitutifs d'une infraction pénale.

Le CP ne recourt pas aux notions d'«infractions sexuelles» ni d'«atteinte à l'intégrité sexuelle», mais réunit toutes les infractions contre l'intégrité sexuelle au titre 5 de son livre 2 (art. 187 ss CP).

Il s'agit d'actes portant atteinte à la liberté sexuelle de la victime qui consistent à lui imposer des contacts sexuels contre son gré ou en exploitant son manque de discernement ou de résistance ou encore à la confronter contre son gré à des pratiques sexuelles ou des représentations de telles pratiques. Il s'agit par ailleurs d'actes menaçant le développement sexuel de mineurs, par lesquels la victime est conduite à s'adonner à des pratiques sexuelles qui ne sont pas de son âge ou est entraînée dans de telles pratiques27.

Condamner D'après les définitions que l'on peut tirer des dictionnaires, condamner signifie «frapper d'une peine, faire subir une punition (à quelqu'un), par un jugement»28 ou «prononcer une peine par jugement contre la personne jugée coupable»29. En allemand, condamner signifie «durch Gerichtsbeschluss mit einer bestimmten Strafe belegen»30. En italien enfin, condamner est un «detto dell'autorità giudiziaria, imporre una pena o una sanzione a un imputato riconisciuto colpevole»31. Dans les trois langues, on constate que la notion de condamnation est intimement liée à celle de peine.

Une condamnation suppose ainsi non seulement qu'une personne soit reconnue coupable, mais également qu'une peine soit prononcée. Cette définition est plus restrictive que la définition juridique de la condamnation, qui consiste en la reconnaissance, par une autorité judiciaire, de la culpabilité d'une personne, indépendamment du fait qu'une peine ait été prononcée32.

La possibilité de condamner une personne sans prononcer de peine à son encontre est notamment prévue aux art. 52 à 54, 187, al. 3, 188, al. 2, 192, al. 2, et 193, al. 2, CP.

On ne peut déduire sans équivoque de ce qui précède à quelle définition de la condamnation l'art. 123c Cst. se réfère.

27 28 29 30 31 32

Stratenwerth/Jenny/Bommer 2010, avant le § 7 no 2.

Le Nouveau Petit Robert: dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris 2008.

Le Petit Larousse illustré en couleurs, Paris 2006.

Deutsches Universalwörterbuch, Mannheim/Leipzig/Vienne/Zurich 2001.

Dizionario della Lingua Italiana, Milan 2003.

Voir Gruber 2013, ad art. 366 no 18 (avec des références au message du 21 septembre 1998 concernant la modification du code pénal suisse et du code pénal militaire ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, FF 1999 1787).

5918

FF 2016

Personnes protégées Les personnes protégées sont désignées par le terme «enfants» dans le titre de l'initiative, par les termes «enfants» et «personnes incapables de résistance ou de discernement» dans le titre de l'art. 123c Cst. et enfin par les termes «enfants» et «personnes dépendantes» dans le texte même de l'article. On parle donc de quatre catégories de victimes potentielles:

33 34 35 36 37

­

Les enfants (Kinder, fanciulli): la notion d'enfant peut dépendre du contexte juridique dans lequel elle apparaît et ne correspond pas nécessairement à celle de mineur. L'art. 1 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant33 définit l'enfant comme un «être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable». La Suisse a ratifié cette convention sans émettre de réserve sur ce point. L'art. 3, let. a, de la Convention du Conseil de l'Europe du 25 octobre 2007 sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels34 (convention de Lanzarote) définit l'enfant comme «toute personne âgée de moins de 18 ans». Ce texte est entré en vigueur pour la Suisse le 1er juillet 2014 sans qu'aucune réserve à ce sujet n'ait été émise. L'art. 11 Cst., qui consacre la protection des enfants et des jeunes, ne donne pas de définition plus précise. Toutefois, la doctrine s'accorde pour dire qu'il s'agit probablement de protéger avant tout les mineurs35.

­

Les personnes incapables de résistance (zum Widerstand unfähige Personen, persone inette a resistere): une personne peut se retrouver incapable de résistance dans de nombreuses situations. L'incapacité peut être durable, provisoire, chronique ou liée à une situation particulière. Exemples: atteinte psychique grave (forte consommation d'alcool ou de drogues), invalidité physique, entrave des membres, situation particulière (examen gynécologique, traitement dentaire, massage où le patient est sur le ventre 36), menace ou recours à la violence.

­

Les personnes incapables de discernement (urteilsunfähige Personen, persone incapaci di discernimento): la capacité de discernement est une notion juridique importante pour tous les domaines du droit. En se fondant sur l'art. 16 du code civil (CC)37 (discernement), la jurisprudence admet que la capacité de discernement comporte un élément intellectuel, la capacité d'apprécier le sens et les effets d'un acte déterminé, et un élément caractériel, la faculté d'agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté. La capacité de discernement est relative, cela signifie qu'elle s'évalue pour un acte déterminé. Dans le contexte des infractions contre l'intégrité sexuelle, cela signifie qu'il faut examiner, dans chaque cas concret, si la victime était psychiquement apte à se défendre ou à consentir aux relations.

RS 0.107 RS 0.311.40 Aubert/Mahon 2003, ad art. 11 no 3.

ATF 133 IV 49, consid. 7; ATF 103 IV 165.

RS 210

5919

FF 2016

­

Les personnes dépendantes (Abhängige, persone dipendenti): la notion de personne dépendante est extrêmement large. Elle va au-delà d'une incapacité physique ou psychique de se défendre et couvre un nombre important de réalités. La dépendance peut résulter d'un rapport hiérarchique, d'un rapport de confiance, de la crainte, ou encore de difficultés financières. Ce type de rapport peut apparaître dans le cadre d'une relation de travail, d'une relation thérapeutique ou encore d'une relation où l'un des protagonistes dispose d'un certain pouvoir (par ex. enseignant, policier ou agent de détention). En résumé, l'auteur doit avoir profité d'une situation ou provoqué une situation lui permettant d'exercer un certain pouvoir sur la victime.

Conséquences juridiques Si toutes les conditions sont réunies (voir plus haut), la personne condamnée perdra définitivement le droit d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant des contacts avec des personnes protégées par la norme, ce qui nous permet de déduire que le juge devra prononcer une interdiction.

Privation définitive du droit d'exercer une activité Ce passage du texte de l'art. 123c Cst. soulève trois questions bien distinctes: 1.

le juge doit-il ordonner impérativement une interdiction dès qu'il prononce une condamnation?

2.

l'interdiction doit-elle être systématiquement prononcée à vie?

3.

la privation du droit signifie-t-elle que la profession à interdire est soumise à autorisation?

Le fait qu'il faille impérativement prononcer une interdiction d'exercer une activité ne fait aucun doute quand on lit le texte de l'art. 123c Cst. Dès que le juge condamne une personne, il doit en tous les cas ordonner une telle interdiction. Le juge ne doit plus avoir de marge d'appréciation.

Le terme «définitivement» est lui aussi dépourvu d'ambiguïté: lorsque les conditions seront réunies, l'interdiction d'exercer une activité devra être prononcée à vie.

La troisième et dernière question est plus délicate. Le fait de dire que le condamné doit être privé de son droit d'exercer une activité peut laisser entendre qu'il doit avoir préalablement obtenu le droit d'exercer un travail ou une activité et que cette autorisation doit lui être retirée en cas de commission d'une infraction pénale. Une telle interprétation serait cependant trop restrictive et susceptible de vider l'initiative de sa substance. Aussi faut-il partir du principe que l'auteur doit être privé du droit d'exercer une activité de manière générale, que l'acte ait été commis dans l'exercice de sa profession ou non et que la profession soit soumise à autorisation ou non. Cette conclusion est d'autant plus logique que l'interdiction devra également concerner les activités bénévoles, qui ne sont pas soumises à autorisation.

5920

FF 2016

Activités professionnelles et bénévoles L'argumentation fournie par le comité d'initiative contient quelques exemples d'activités professionnelles ou bénévoles en contact avec des enfants: celles exercées dans les écoles, les établissements pour handicapés ou les associations sportives38. Ces activités ont ceci de commun qu'elles se déroulent dans un cadre organisé.

Activités en contact avec des mineurs ou des personnes dépendantes Selon le texte allemand de l'art. 123c Cst., les activités à prohiber doivent être exercées avec (mit) des mineurs ou des personnes dépendantes. Cela implique des contacts directs avec ces personnes et vraisemblablement aussi l'établissement d'un lien de confiance avec elles. Les activités concernées sont principalement celles d'enseignant, d'accompagnant ou d'entraîneur dans un club sportif, une école ou une crèche. Les activités d'intendance exercées dans de tels établissements (concierge, secrétaire, cuisinier, personnel de nettoyage) ne seraient quant à elles pas systématiquement soumises à l'interdiction prévue, puisqu'elles sont rarement exercées directement «avec» les personnes visées et que les contacts directs avec elles ne sont dans de nombreux cas pas nécessaires.

Le texte français de l'art. 123c Cst. diverge quelque peu de la version allemande puisqu'il mentionne les activités «en contact avec des mineurs ou des personnes dépendantes». Cette formulation est plus vaste: les activités exercées «en contact» avec des mineurs ou des personnes dépendantes ne sont pas forcément exercées directement «avec» elles; il peut s'agir de toutes les activités exercées régulièrement dans les établissements qui proposent des prestations adressées directement et spécifiquement aux mineurs ou aux personnes dépendantes. Les activités d'intendance (voir ci-dessus) exercées dans ces établissements, par exemple, seraient donc également concernées par l'interdiction.

Ni la notion française d'«en contact avec» ni la notion allemande de «mit» ne fournissent d'informations sur la fréquence, la durée et l'intensité des contacts.

1.2.6

Avant-projet du Conseil fédéral

Le 13 mai 2015, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de justice et police de mener une consultation sur l'avant-projet et le rapport explicatif concernant la modification du code pénal et du code pénal militaire (mise en oeuvre de l'art. 123c Cst.)39. La consultation s'est terminée le 3 septembre 2015.

L'avant-projet prévoyait que les dispositions sur l'interdiction d'exercer une activité resteraient très proches de la teneur de l'art. 123c Cst.

Il prévoyait donc que l'interdiction soit ordonnée par le tribunal pénal qui aurait prononcé une peine ou une mesure contre un adulte en raison d'une infraction 38 39

Explications du Conseil fédéral, p. 21 (arguments du comité d'initiative).

Avant-projet et rapport explicatif accessibles à l'adresse: www.droitfederal.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2015 > DFJP.

5921

FF 2016

sexuelle sur une personne mineure, particulièrement vulnérable, incapable de résistance ou de discernement ou n'ayant pas été en mesure de se défendre du fait d'un état de dépendance physique ou psychique.

Les listes d'infractions étaient relativement détaillées et comprenaient non seulement des crimes et des délits, mais également des contraventions contre l'intégrité sexuelle. Il était prévu que les interdictions d'exercer une activité soient prononcées à vie indépendamment des circonstances du cas d'espèce ou de la lourdeur de la peine infligée.

L'art. 123c Cst. est en contradiction avec différents principes constitutionnels (notamment celui de proportionnalité) et avec le droit international (notamment la CEDH). Pour réduire ces conflits au maximum, l'option 1 de l'avant-projet prévoyait une clause de rigueur: dans les cas de très peu de gravité, le juge aurait exceptionnellement pu renoncer à prononcer une interdiction si la mesure n'était ni nécessaire ni raisonnable. Pour certaines infractions, il n'aurait pas été possible de renoncer à l'interdiction. L'option 2 ne prévoyait en revanche aucune clause de rigueur.

L'avant-projet proposait aussi d'atténuer les contradictions avec les principes de l'état de droit dans le cadre de l'exécution de l'interdiction: sous certaines conditions, l'auteur aurait pu demander à l'autorité compétente, après un certain temps, de lever l'interdiction ou d'en limiter la durée ou le contenu. Les auteurs pédophiles, au sens psychiatrique du terme, n'auraient pas pu bénéficier de cette possibilité.

Comme dans le droit en vigueur, l'interdiction d'exercer une activité aurait été appliquée par le biais de contrôles du casier judiciaire (extrait spécial destinés aux particuliers) et d'une assistance de probation obligatoire.

1.2.7

Résultats de la consultation

Les résultats sont présentés dans le détail dans la synthèse des résultats de la procédure de consultation40.

75 entités ont rendu un avis dans le cadre de la procédure de consultation: ­

26 cantons,

­

5 partis politiques,

­

3 associations oeuvrant au niveau national (villes, communes, économie), et

­

41 autres organisations et institutions.

Certaines entités invitées ont renoncé expressément à rendre un avis.

Une claire majorité des participants a approuvé l'option 1, qui avait la préférence du Conseil fédéral en raison de la clause de rigueur respectueuse de l'état de droit. Une claire minorité a soutenu l'option 2, qui ne prévoyait pas de clause de rigueur, et

40

Accessible à l'adresse: www.droitfederal.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2015 > DFJP.

5922

FF 2016

approuvé le principe selon lequel le juge pourrait renoncer à prononcer une interdiction uniquement dans les cas d'amours adolescentes.

De nombreux participants sont favorables à l'idée que, pour certaines infractions sexuelles, l'autorité responsable puisse réexaminer l'interdiction à vie après un certain temps d'exécution. Quelques-uns sont opposés à cette possibilité, car elle serait contraire à la lettre de l'art. 123c Cst.

La plupart des participants ont émis des réserves sur certaines dispositions, notamment sur les listes d'infractions, sur l'impossibilité de prononcer les interdictions par le biais de la procédure de l'ordonnance pénale, ou encore sur l'extrait spécial destiné aux particuliers et l'assistance de probation obligatoire.

Plusieurs participants souhaiteraient que la prévention soit améliorée et que l'esprit du projet soit plus lisible.

Les principales critiques et les modifications proposées sont exposées en détail aux ch. 1.4 (dispositif proposé) et 2 (commentaire des dispositions).

1.3

Dispositif proposé

1.3.1

Généralités

La mise en oeuvre de l'art. 123c Cst. se fondera, comme cela a été évoqué au ch. 1.2.1, sur les dispositions du droit en vigueur relatives à l'interdiction d'exercer une activité (art. 67 ss CP). Elle découle en premier lieu du nouveau texte constitutionnel. Elle devra autant que possible être conforme aux droits fondamentaux garantis par la Constitution, ceux-ci n'ayant pas été abrogés suite à l'acceptation de l'initiative. Enfin, elle tiendra compte des droits de l'homme garantis par le droit international. Si l'acceptation de cette nouvelle norme a fait reculer la portée de ces principes de l'état de droit, elle ne les a pas pour autant privés de leur substance.

C'est pourquoi le projet maintient la clause d'exception pour les cas de peu de gravité (voir ch. 1.3.7 et commentaire de l'art. 67 P-CP) et la possibilité de réexaminer l'interdiction après un certain temps (voir ch. 1.3.10 et commentaire de l'art. 67c P-CP), ce qui permettra de concilier la règlementation avec les principes de l'état de droit et de répondre aux attentes formulées par la plupart des participants à la consultation. Il précise la clause d'exception et durcit les conditions de réexamen de l'interdiction.

1.3.2

Auteurs visés par l'initiative

Comme cela a été dit au ch. 1.2.5, bien que le terme de «pédophiles» soit utilisé dans l'initiative et son argumentaire, le cercle des auteurs visés est plus large dans le texte de l'art. 123c Cst.

C'est pourquoi, dans l'avant-projet, l'interdiction à vie d'exercer une activité devait s'appliquer non seulement aux pédophiles (pour la notion, voir ch. 1.2.5), mais à

5923

FF 2016

tous les auteurs d'infractions sexuelles sur une personne à protéger (pour la notion, voir ch. 1.3.5).

Quelques participants jugent cette interprétation trop large et recommandent de s'en tenir aux auteurs pédophiles, d'une part parce que le titre de l'initiative, le dispositif de celle-ci et les arguments du comité d'initiative sont contradictoires, d'autre part parce que le principe de proportionnalité impose d'user d'une mesure aussi restrictive, à savoir une interdiction à vie, qu'avec retenue41.

Différents éléments ont donc servi à définir le cercle des personnes concernées par la sanction dans le projet. Premièrement, la disposition constitutionnelle fait expressément de la condamnation une condition. Deuxièmement, le titre et le texte de la disposition parlent d'infractions sexuelles commises non seulement sur des mineurs, mais également sur des personnes dépendantes ou incapables de résistance ou de discernement. Les victimes pourraient donc aussi être des adultes, ce qui s'éloigne de la notion de pédophilie. Enfin, les représentants du comité d'initiative s'étant exprimés lors des délibérations parlementaires n'ont pas seulement fait allusion à la pédophilie, mais à la pédocriminalité et aux infractions sexuelles de manière plus générale42. La pédocriminalité est plus vaste que la pédophilie. Sont concernés tous les auteurs qui commettent des infractions sexuelles contre des enfants, sans nécessairement être pédophiles conformément aux critères de classification internationale43.

Le projet prévoit qu'une interdiction à vie ne pourra être prononcée automatiquement que contre des adultes. En raison de la lourdeur de la sanction, les auteurs mineurs ne sont donc pas visés.

Conformément à l'art. 123c Cst. il doit être définitivement interdit aux auteurs d'infractions sexuelles contre des personnes protégées d'exercer une activité professionnelle ou bénévole avec ces personnes. Or, il convient de nuancer cette règle en ce qui concerne les mineurs: le corps et la personnalité de ceux-ci étant encore en développement, il est possible qu'un traitement adéquat et commencé rapidement leur évite de récidiver. Les mineurs ne sont en outre pas visés par l'initiative puisqu'ils n'abusent pas de leur pouvoir dans le cadre de leur activité. En effet, les jeunes de moins de 18 ans ne sont pas encore
entrés dans la vie professionnelle ou, si cela est le cas, ils n'ont que rarement une position supérieure dans le cadre de leur activité professionnelle ou bénévole.

Il faut souligner encore que le droit pénal des mineurs du 20 juin 2003 (DPMin)44 met clairement l'accent sur les possibilités de resocialisation des jeunes auteurs et s'appuie pour l'essentiel sur des solutions flexibles et limitées dans le temps qui donnent au juge la possibilité de tenir compte de la personnalité de l'auteur. Il semble donc approprié de renoncer à inscrire l'obligation de prononcer une interdiction à vie d'exercer une activité dans le DPMin.

41 42 43 44

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 9.

Voir par ex. interventions Rickli BO 2013 N 445 s., Freysinger BO 2013 N 448 s. et Guhl BO 2013 N 448.

Muggli 2014, p. 13; Heer/Habermeyer 2013, art. 59 n o 36b.

RS 311.1

5924

FF 2016

L'interdiction facultative inscrite à l'art. 16a DPMin peut s'appliquer si un auteur mineur risque d'utiliser son activité professionnelle ou bénévole pour commettre des infractions sexuelles sur des enfants ou des personnes protégées.

Cette solution est d'ailleurs conforme à la décision prise par le Parlement en 2012 de ne pas appliquer l'art. 123b Cst. (imprescriptibilité de l'action pénale et de la peine pour les auteurs d'actes d'ordre sexuel ou pornographique sur des enfants impubères) aux auteurs mineurs, ce bien que le texte de la norme ne comporte aucune restriction de ce type45. On a également renoncé, dans la mise en oeuvre de la norme constitutionnelle relative au renvoi des criminels étrangers (art. 121, al. 3 à 6, Cst.) à expulser systématiquement les auteurs mineurs46.

De nombreux participants à la consultation ont approuvé l'idée de renoncer à ordonner systématiquement une interdiction d'exercer une activité contre les mineurs 47.

1.3.3

Infractions susceptibles de mener à l'interdiction d'exercer une activité

Si l'on se réfère au texte de l'art. 123c Cst., n'importe quelle infraction sexuelle (voir ch. 1.2.5) visant une personne protégée est susceptible de mener impérativement à l'interdiction d'exercer une activité.

Il s'agit concrètement des infractions contre l'intégrité sexuelle suivantes:

45 46 47

­

les actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP),

­

les actes d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes (art. 188 CP),

­

la contrainte sexuelle (art. 189 CP),

­

le viol (art. 190 CP),

­

les actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP),

­

les actes d'ordre sexuel avec des personnes hospitalisées, détenues ou prévenues (art. 192 CP),

­

l'abus de la détresse (art. 193 CP),

­

l'exhibitionnisme (art. 194 CP),

­

l'encouragement à la prostitution (art. 195 CP),

­

les actes d'ordre sexuel avec des mineurs contre rémunération (art. 196 CP),

­

la pornographie (art. 197 CP), et

­

les désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (art. 198 CP).

BO 2012 N 1239 et BO 2012 E 640 Message concernant la mise en oeuvre de l'initiative sur le renvoi, ch. 1.2.18.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 7 s.

5925

FF 2016

La traite d'êtres humains dans sa variante «à des fins d'exploitation sexuelle» (art.

182, al. 1, CP) figure également au nombre des infractions susceptibles de mener à l'interdiction d'exercer une activité. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une infraction contre l'intégrité sexuelle, car le bien juridique protégé n'est pas uniquement la liberté sexuelle, mais la liberté personnelle et l'autodétermination de la victime. Cette infraction est néanmoins prise en compte en raison de la formulation générale de l'art. 123c Cst. (atteinte à l'intégrité sexuelle). Le fait que la traite des femmes et des enfants à des fins d'exploitation sexuelle ait été considérée comme infraction contre l'intégrité sexuelle jusqu'à la révision entrée en vigueur en 1992 (anciennement art. 202 CP «traite des femmes et des mineurs») va également dans ce sens.

Contrairement aux formes plus sévères de l'interdiction d'exercer une activité (au sens de l'art. 67, al. 3 et 4, CP), celle proposée ici n'est pas fonction de la sévérité de la peine prononcée en l'espèce. Il n'est pas non plus important de savoir si les faits ont été commis dans l'exercice d'une profession ou d'une activité bénévole ou dans le cadre privé (la règle est similaire dans le droit en vigueur).

En principe, toutes les infractions sexuelles susmentionnées doivent mener systématiquement à l'interdiction à vie d'exercer une activité, même l'exhibitionnisme et les désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel, pourtant moins graves que la contrainte sexuelle, le viol ou les actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, et ce bien que ces infractions soient poursuivies sur plainte48.

Le législateur prévoit la poursuite sur plainte lorsque l'intérêt de l'Etat ou d'un particulier de poursuivre les infractions est relativement faible; c'est le cas surtout pour les infractions mineures. Il faut noter que la poursuite d'une infraction sur plainte porte souvent si sévèrement atteinte aux droits de la personnalité de la victime que celle-ci préfère éviter toute poursuite pénale. La procédure pénale ne doit en aucun cas être menée contre la volonté de celle-ci49. Il résulte de cela que, dans les cas d'exhibitionnisme ou de désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel, l'interdiction
d'exercer une activité ne serait prononcée que si cela correspond à la volonté de la personne concernée. Il n'est guère possible d'éviter cet aspect au vu de la formulation de l'art. 123c Cst. («atteinte à l'intégrité sexuelle»). Il faut toutefois souligner que dans 90 % des cas, les autorités de poursuite pénale n'apprennent qu'une infraction a eu lieu (également dans le cas des infractions poursuivies d'office) que grâce aux indications fournies par la population50.

L'interdiction d'exercer une activité voire, de manière générale, la poursuite pénale dépend donc la plupart du temps de la volonté d'une personne de porter plainte ou de donner des indications aux autorités, quelle que soit l'infraction contre l'intégrité sexuelle (poursuivie d'office ou non).

Certains participants à la consultation ont jugé disproportionné que des infractions poursuivies sur plainte et des contraventions puissent entraîner systématiquement 48

49 50

Dans le champ d'application du CPM, l'exhibitionnisme (art. 159 CPM) et les désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (art. 159a CPM) sont par contre poursuivis d'office.

Concernant le droit de porter plainte, voir Riedo 2013, ad art. 30 no 4.

Riedo 2013, avant l'art. 30 CP no 4.

5926

FF 2016

une interdiction d'activité à vie. Ils estiment en outre problématique qu'une infraction ne soit punie d'une interdiction que si la victime choisit de porter plainte.

D'autres participants sont favorables aux listes d'infractions proposées 51.

Le Conseil fédéral est conscient qu'il est gênant que des infractions sexuelles mineures donnent lieu à des interdictions à vie. Il estime toutefois que ces infractions doivent être maintenues dans le projet, non seulement en raison de la formulation de l'art. 123c Cst. (voir plus haut), mais également pour les raisons suivantes: Dans de nombreux cas, une interdiction à vie prononcée suite à ces infractions pourrait permettre de protéger les victimes. Il serait par exemple choquant qu'un enseignant d'une école professionnelle qui causerait régulièrement à ses élèves des désagréments par la confrontation à des actes d'ordre sexuel (art. 198 CP) n'écope pas d'une interdiction à vie. Comme il s'agit d'une contravention, les conditions ne seraient pas remplies pour que le juge puisse prononcer une interdiction d'exercer une activité sur la base du droit en vigueur (art. 67, al. 2, CP).

Pour limiter les conflits avec le principe de proportionnalité, l'art. 67, al. 4ter, P-CP prévoit que, dans les cas de très peu de gravité, le juge peut exceptionnellement renoncer à prononcer une interdiction d'exercer une activité lorsqu'elle ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres infractions passibles de cette même mesure (voir ch. 1.3.7 et commentaire de l'art. 67 P-CP).

Rappelons encore que, en cas d'exhibitionnisme, la procédure peut être suspendue si l'auteur se soumet à un traitement médical (art. 194, al. 2, CP). Selon toute vraisemblance, la procédure pourra être classée si la thérapie semble porter ses fruits après un certain temps52. Dès lors, comme l'auteur ne serait pas condamné, il n'y aura pas lieu de le sanctionner d'une interdiction à vie.

1.3.4

Concrétisation de la notion de condamnation

Le projet prévoit qu'une interdiction à vie d'exercer une activité ne peut être prononcée que pour les auteurs frappés d'une peine ou d'une mesure. Si le juge renonce à infliger une sanction (par ex. en se fondant sur l'art. 187, ch. 3, CP), il ne devra pas prononcer systématiquement une interdiction à vie d'exercer une activité. Il pourra toutefois prononcer une interdiction facultative conformément à l'art. 67, al. 2, CP.

Si l'on se réfère au but de l'initiative (empêcher la répétition de certaines infractions sexuelles), on pourrait admettre qu'il suffit d'une condamnation sans peine pour que le juge ordonne systématiquement une interdiction à vie d'exercer une activité. Une telle solution serait néanmoins disproportionnée et n'est pas forcément requise aux termes de l'art. 123c Cst. Le juge ne devrait prononcer une telle interdiction que s'il estime que l'auteur doit être puni en raison de la gravité de l'infraction commise.

Les infractions sexuelles commises sur des personnes protégées (voir ch. 1.3.5) peuvent l'être par des personnes qu'une affection psychologique grave rend irresponsables et qui ne peuvent dès lors pas être punies (art. 19, al. 1, CP). Une mesure 51 52

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 10.

Meng 2013, art. 194 no 19.

5927

FF 2016

peut toutefois être prononcée contre elles (art. 19, al. 3, CP). L'avant-projet prévoyait que le juge ne pourrait pas prononcer systématiquement une interdiction à vie contre des auteurs irresponsables, mais qu'il pourrait recourir à l'interdiction facultative (par ex. sur la base de l'art. 67, al. 2, CP).

Certains participants à la consultation ont demandé que l'interdiction à vie systématique soit étendue aux auteurs irresponsables. Ils avancent que l'interdiction d'exercer une activité est une mesure de prévention spéciale et que le danger représenté par les personnes irresponsables n'est pas plus faible que celui représenté par les personnes responsables ou partiellement responsables53.

Le projet tient compte de cette demande et prévoit que l'interdiction systématique à vie soit applicable aux personnes irresponsables.

Cette solution est non seulement pertinente du point de vue de la prévention spéciale, mais elle est également cohérente par rapport au droit actuel étant donné que les personnes irresponsables sont déjà concernées par les interdictions systématiques de l'art. 67, al. 3 et 4, CP.

Cela suppose toutefois une interprétation très souple, du point de vue constitutionnel, de la notion de condamnation (voir ch. 1.2.5). Il faut que l'auteur, en raison de sa dangerosité pour la société, fasse l'objet d'une mesure institutionnelle ou ambulatoire (art. 59 à 61 et 63 CP) ou d'un internement (art. 64). En l'absence de mesure, le juge ne peut prononcer d'interdiction systématique à vie à l'encontre d'une personne irresponsable. Une interdiction facultative, sur la base de l'art. 67, al. 2, Cst., reste possible.

Le juge pourra renoncer à prononcer une interdiction à vie dans les cas visés à l'art. 67, al. 4ter, P-CP, et ce que l'auteur soit responsable, partiellement responsable ou irresponsable (voir ch. 1.3.4 et commentaire de l'art. 67 P-CP).

1.3.5

Personnes protégées

En considération des personnes mentionnées à l'art. 123c Cst., l'interdiction d'exercer une activité est censée protéger les personnes suivantes: ­

Mineurs: tous les mineurs et non uniquement les enfants de moins de 16 ans doivent être protégés. C'est vraisemblablement ce qui est entendu à l'art.

123c Cst., bien que le terme utilisé soit «enfants» (voir ch. 1.3.5). Le fait que la norme interdise les activités en contact avec des mineurs confirme cette supposition.

Certains participants ont critiqué l'interprétation du mot «enfant». Ils estiment que seules les personnes de moins de 16 ans sont visées et que les infractions sexuelles commises contre des mineurs ne devraient pas toutes tomber sous le coup de la nouvelle règlementation. L'initiative elle-même va dans ce sens selon eux. Les pédophiles ont de l'attirance sexuelle principalement pour les enfants prépubères54.

53 54

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 9.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 10 s.

5928

FF 2016

Le Conseil fédéral préfère s'en tenir à une interprétation plus large, conforme à celle retenue dans le cadre de l'interdiction d'exercer une activité en vigueur (art. 67, al. 2 et 3, CP; voir ch. 1.1.2). La convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant et la convention de Lanzarote protègent aussi les enfants jusqu'à l'âge de 18 ans (voir ch. 1.2.5). De plus l'art. 123c Cst.

ne vise explicitement pas à protéger uniquement les enfants de moins de 16, mais aussi les personnes dépendantes. On pense notamment aux mineurs de plus de 16 ans qui sont encore à l'école ou en formation et qui, en raison de ces rapports de dépendance, doivent être protégés contre les infractions sexuelles (voir aussi art. 188 CP [actes d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes])55.

­

Personnes particulièrement vulnérables: l'interdiction d'exercer une activité du droit en vigueur (voir art. 67 ss CP) protège les «personnes particulièrement vulnérables» en plus des mineurs. Il s'agit de personnes qui ont besoin de l'assistance d'autrui pour accomplir les actes ordinaires de la vie ou déterminer entièrement leur existence en raison de leur âge, d'une maladie ou d'une déficience corporelle, mentale ou psychique durable (voir commentaire de l'art. 67a P-CP). Elles risquent tout particulièrement d'être victimes de certaines infractions56. Les personnes affaiblies passagèrement par l'alcool ou la drogue ou pour d'autres raisons ne répondent pas à cette définition.

­

Personnes dépendantes ou incapables de résistance ou de discernement: comme on l'a indiqué au ch. 1.2.5, les infractions commises sur des personnes incapables de résistance ou de discernement ou encore dépendantes ne le sont généralement pas en lien avec une activité professionnelle ou non professionnelle organisée spécifique.

Il peut y avoir une relation de dépendance par exemple entre un apprenti et son maître d'apprentissage ou de manière générale entre un employé et son supérieur ou encore entre un psychothérapeute et son patient57; des personnes hospitalisées, internées, détenues ou prévenues peuvent elles aussi être dépendantes58. Une relation de dépendance est également envisageable entre un agent public abusant de son pouvoir (travaillant par ex. au sein d'un service des constructions ou d'un service social ou chargé de prendre des décisions de subventionnement, etc.) et un administré59.

Une personne sous anesthésie, par exemple, est incapable de résistance.

Selon les circonstances, un patient sur la table de traitement d'un physiothérapeute60, d'un acupuncteur61 ou d'un masseur (thérapeutique62 ou sportif63) ou encore une patiente sur la table de gynécologie64 peuvent aussi l'être.

55 56 57 58 59 60

Göksu, 2015, art. 123c no 11 ss.

Message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», ch. 6.4.1.

Maier, ad art. 188 no 7 et 193 no 7 ss avec des références aux ATF 124 IV 13 et 131 IV 114.

Art. 192 CP.

Maier 2013, ad art. 193 no 6.

ATF 133 IV 49; arrêt du Tribunal fédéral 6B.527/2008 du 2 décembre 2008.

5929

FF 2016

Une interdiction d'exercer une activité destinée à empêcher toutes les situations dans lesquelles des abus pourraient être commis irait trop loin. Les exemples présentés ci-dessus montrent que quasi n'importe quelle activité professionnelle ou non professionnelle organisée peut impliquer des contacts avec des personnes dépendantes, incapables de discernement ou de résistance. Il faudrait en conséquence prononcer une interdiction d'exercer une activité absolue qui toucherait toutes les professions et activités de loisirs organisées. Il apparaît d'emblée qu'une telle solution serait disproportionnée.

Le cercle des personnes dépendantes ou incapables de résistance ou de discernement se recoupe avec celui des «mineurs» ou des «personnes particulièrement vulnérables». En dehors des interdictions destinées à protéger les mineurs et les personnes particulièrement vulnérables, il faut limiter l'interdiction à vie d'exercer une activité prononcée de manière impérative aux activités qui s'adressent typiquement aux personnes incapables de résistance ou de discernement ou aux personnes dépendantes et aux activités qui mettent des personnes dans ce genre de situations. Ce peut être le cas en particulier des activités dans le domaine de la santé. On peut penser par exemple aux relations décrites plus haut entre un patient ou une patiente et son psychothérapeute, son physiothérapeute65 ou son gynécologue66. Une interdiction spéciale limitée au domaine de la santé semble donc appropriée.

Des relations de dépendance peuvent également aisément voir le jour dans le domaine de l'apprentissage ou dans celui de l'exécution des mesures. Dans leurs premières années d'apprentissage tout du moins, les apprentis sont encore mineurs, si bien que les conditions de l'interdiction d'exercer une activité sont déjà réunies. Les personnes qui font l'objet de mesures thérapeutiques institutionnelles au sens des art. 59 à 61 CP ou qui sont internées conformément à l'art. 64 CP souffrent en règle générale d'une déficience psychique et ont besoin de l'assistance d'autrui pour mener une vie normale.

Elles sont des personnes particulièrement vulnérables telles que décrites plus haut. On renoncera donc à une interdiction d'exercer une activité spéciale pour ces domaines.

Certains participants à la consultation déplorent que la protection
des victimes aille plus loin que ne l'exige l'art. 123c Cst. et estiment que la teneur imprécise de la disposition ne doit pas donner lieu à une protection de tous les groupes de victimes susceptibles d'être concernés. Ils sont d'avis que l'art. 67, al. 4bis, AP-CP devrait être supprimé et que l'interdiction générale d'exercer une activité de l'actuel art. 67, al. 1, CP est suffisant 67.

Sur la base de l'art. 123c Cst., le Conseil fédéral estime néanmoins que les personnes évoquées méritent une protection particulière contre les infrac61 62 63 64 65 66 67

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_453/2007 du 19 février 2008.

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_118/2012 du 8 novembre 2012.

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_436/2010 du 6 décembre 2010.

Arrêt du Tribunal fédéral 6S.448/2004 du 3 octobre 2005.

ATF 133 IV 49; arrêt du Tribunal fédéral 6B.527/2008 du 2 décembre 2008.

Arrêt du Tribunal fédéral 6S.448/2004 du 3 octobre 2005.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 11.

5930

FF 2016

tions sexuelles. Le critère central est le fait que l'auteur ait profité d'une situation ou ait favorisé une situation dans laquelle il puisse abuser de son emprise sur la victime. Un tel auteur est à considérer comme dangereux. Une interdiction systématique à vie, dans le but d'empêcher une récidive, paraît dès lors justifiée. Pour éviter toute sanction démesurée, l'interdiction ne portera que sur les activités dans le domaine de la santé impliquant des contacts directs avec des patients. Une interdiction ciblée sur ce domaine paraît en effet adéquate dans l'optique de protéger les victimes concernées.

Enfin, dans les cas qui ne sont pas couverts par l'art. 67, al. 3, 4 ou 4 bis, P-CP, le juge pourra toujours recourir à l'interdiction générale d'exercer une activité au sens de l'art. 67, al. 1, CP.

1.3.6

Exclusion de la procédure de l'ordonnance pénale

L'avant-projet prévoyait qu'une interdiction systématique à vie ne pouvait être ordonnée que par un tribunal pénal dans le cadre d'une procédure ordinaire, comme cela est déjà le cas en droit actuel avec l'interdiction facultative (voir art. 352, al. 2, CPP). La procédure de l'ordonnance pénale, de même que celle de l'ordonnance de condamnation dans le cadre de la procédure pénale militaire du 23 mars 1979 (PPM)68, était donc exclue, et ce pour les raisons suivantes69: La procédure de l'ordonnance pénale est un outil simple et rapide. Dans le cadre de l'application du CP, le ministère public peut rendre une ordonnance pénale si la peine n'excède pas 6 mois de privation de liberté (ou son équivalent en termes pécuniaires ou en travail d'intérêt général). Le cas doit en outre être clair et simple du point de vue des faits et du droit applicable (art. 352, al. 1, CPP). C'est uniquement à ces conditions qu'il paraît opportun que le prévenu accepte de ne pas être jugé par un tribunal indépendant en audience publique, ce qu'il fait s'il accepte l'ordonnance pénale et ne fait pas opposition.

D'une part, l'ordonnance pénale nécessite beaucoup moins de ressources qu'une procédure devant un tribunal, et ce autant pour les autorités pénales que pour le prévenu en termes de temps et de frais 70. Du reste, plus une procédure est courte, plus la décision est efficace et plus elle sera susceptible d'être acceptée71.

D'autre part, l'ordonnance pénale présente certains défauts du point de vue de l'état de droit. Du fait que la procédure se déroule par écrit, la justesse des décisions prises n'est pas soumise au contrôle que représente la publicité de l'audience. Le prévenu n'a en outre pas la possibilité de se défendre et l'ordonnance est rendue dans la langue de la procédure, que le prévenu la comprenne ou non. Enfin, la sanction ordonnée n'a pas à être motivée et le prévenu ne doit pas nécessairement être entendu.

68 69 70 71

RS 322.1 Les considérations suivantes valent aussi pour la procédure de l'ordonnance de condamnation.

Hansjakob 2014, p. 163.

Hansjakob 2014, p. 163.

5931

FF 2016

Par conséquent, seules des sanctions légères peuvent être prononcées par voie d'ordonnance pénale.

Comme on l'a expliqué plus haut, il est exclu en droit actuel de prononcer par voie d'ordonnance pénale une interdiction d'exercer une activité, une interdiction de contact ou une interdiction géographique (art. 67 ss CP). L'interdiction facultative (art. 67, al. 1, CP) et l'interdiction obligatoire (art. 67, al. 3 et 4, CP) d'exercer une activité sont déjà exclues de la procédure d'ordonnance pénale en droit actuel en raison de la lourdeur que représente cette sanction. L'interdiction d'exercer une activité de l'art. 67, al. 2, CP, ainsi que l'interdiction de contact et l'interdiction géographique (art. 67b CP), en sont également exclus. En effet, ces interdictions, qui peuvent durer jusqu'à 10 ans, ou être à vie si le juge les prolonge de cinq ans en cinq ans (art. 67, al. 2 et 6, et 67b, al. 1 et 5, CP), ne sauraient être considérées comme des sanctions légères. De plus, le recours à ces interdictions dépend d'un pronostic indiquant que l'auteur est susceptible de récidiver. De même, le juge doit déterminer s'il y a lieu d'assortir l'interdiction d'une assistance de probation (art. 67, al. 7, CP).

Or, une procédure écrite et rapide ne se prête pas à l'exécution de ces tâches. Relevons aussi que nombre de cas concernés ne sont ni clairs ni simples du point de vue des faits et du droit applicable.

Une interdiction systématique à vie ne saurait a fortiori être considérée comme une sanction légère, d'autant plus qu'elle est le plus souvent accompagnée d'une peine pouvant aller jusqu'à six mois de privation de liberté (ou son équivalent en termes pécuniaires ou en travail d'intérêt général). Le projet prévoit aussi que le juge peut exceptionnellement renoncer à prononcer une interdiction à vie dans les cas de très peu de gravité (voir ch. 1.3.7). Ici aussi, sans compter les lacunes du point de vue de l'état de droit, une procédure écrite et rapide semble inappropriée.

La règlementation proposée présente en outre des avantages pour la victime: elle peut participer à la procédure et faire valoir ses prétentions civiles.

C'est pourquoi le projet, comme le droit en vigueur, exclut la possibilité de recourir aux procédures de l'ordonnance pénale et de l'ordonnance de condamnation, même si de nombreux
participants à la consultation ont demandé, pour des raisons de coûts et d'efficacité, que l'on puisse y recourir, au moins dans certains cas72.

Certes, cette solution nécessite davantage de ressources de la part des tribunaux ordinaires et des ministères publics, mais il faut considérer que, aujourd'hui déjà, de nombreux cas ne pourraient être réglés par ordonnance pénale en raison de leur complexité et de la lourdeur de la peine. Par ailleurs, tous les cas liés à des infractions sexuelles ne sont pas exclus de l'ordonnance pénale (art. 187 à 197 CP), car la victime n'est pas toujours une personne mineure, particulièrement vulnérable, dépendante ou incapable de résistance ou de discernement (voir ch. 3.2).

La procédure simplifiée des art. 358 ss CPP, elle aussi plus économique, reste possible dans les cas qui s'y prêtent.

Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral estime qu'il est justifié d'exclure la procédure de l'ordonnance pénale.

72

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 6 s.

5932

FF 2016

Un recours partiel à l'ordonnance pénale ne semble pas non plus opportun. Certains participants à la consultation ont en effet proposé que, dans le cadre de l'art. 67, al. 4ter, P-CP, le ministère public puisse décider par voie d'ordonnance pénale de renoncer à prononcer une interdiction73. Or, précisément pour les raisons évoquées ci-dessus, la procédure de l'ordonnance pénale semble inappropriée lorsque le juge doit user de sa marge d'appréciation, en particulier pour évaluer le risque de récidive.

Il en résulte que les cas liés aux infractions sexuelles visées par l'art. 67, al. 3, 4 et 4bis, P-CP (et, parallèlement, par l'art. 50, al. 3, 4 et 4 bis, du projet de modification du code de procédure pénale militaire) ne pourront pas être réglés par voie d'ordonnance pénale ou d'ordonnance de condamnation, même si la quotité seuil n'est pas atteinte ou si le ministère public entend renoncer à prononcer une interdiction (art. 67, al. 4ter, P-CP). Ces infractions doivent donc être toutes traitées en procédure ordinaire.

1.3.7

Marge d'interprétation du juge

Une lecture isolée de l'art. 123c Cst. sans prise en compte du contexte global de la Constitution pourrait donner l'idée que toute condamnation pour une infraction sexuelle commise sur une personne protégée (voir ch. 1.3.2) doit systématiquement donner lieu à une interdiction à vie d'exercer une activité. Mais si l'on tient compte dans la mise en oeuvre des garanties propres à un Etat de droit inscrites dans la Constitution, on s'aperçoit que les conflits juridiques qui en résultent appellent des solutions différenciées.

Une interdiction à vie d'exercer une activité représente une atteinte aux droits fondamentaux (voir ch. 5.1.2), qui n'est licite que si elle se fonde sur une base légale, est justifiée par un intérêt public ou la protection d'un droit fondamental d'autrui et est proportionnée au but visé (art. 36, al. 2 et 3, Cst.). L'acceptation de l'initiative n'a pas eu pour effet de supprimer ces droits élémentaires. Les initiatives populaires sous forme de projet rédigé doivent, une fois acceptées, être interprétées dans le contexte global de la Constitution. En effet, le but de leurs auteurs est une révision partielle de la Constitution et le peuple et les cantons ne se sont prononcés que sur les modifications proposées74.

Interpréter la Constitution implique de considérer toutes les normes constitutionnelles comme étant de même rang (voir ch. 1.2.2). Il n'existe pas explicitement de hiérarchie des normes à l'intérieur de la Constitution, qui nécessiterait de privilégier certaines dispositions par rapport à d'autres. En cela, la Constitution suisse se distingue par exemple de la loi fondamentale allemande, qui déclare certaines normes intangibles à son art. 79, al. 3, et les place par conséquent au-dessus du reste du droit constitutionnel.

Lorsque plusieurs normes constitutionnelles entrent en conflit, il faut essayer de les faire concorder en pratique en en faisant une interprétation harmonisante (voir 73 74

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 6.

Reich 2008, p. 510.

5933

FF 2016

ch. 1.2.2). L'égalité des normes constitutionnelles signifie simplement qu'une norme constitutionnelle n'est pas a priori supérieure à une autre, mais n'implique pas qu'il n'est pas permis de tenir compte de l'importance de certaines dispositions dans un domaine précis.

Concrètement, cela signifie que l'art. 123c Cst., s'il affaiblit la portée des conditions de restriction des droits fondamentaux inscrites à l'art. 36 Cst., ne peut pas ôter tout effet à cette norme d'une portée considérable pour l'état de droit75.

C'est pourquoi la clause d'exception de l'avant-projet (option 1) a été maintenue.

Une claire majorité des participants à la consultation y était en outre favorable (voir ch. 1.2.7). La disposition a été néanmoins retravaillée et précisée (voir commentaire de l'art. 67 P-CP).

Les conditions permettant au juge de renoncer à l'interdiction systématique sont très restrictives. Le juge ne pourra en faire usage qu'en rapport avec certaines infractions. De plus, et cumulativement, il ne pourra s'abstenir que dans les cas de très peu de gravité et lorsqu'une interdiction ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres infractions passibles de cette mesure. La loi est sous-tendue par la présomption irréfragable qu'il n'existe pas de cas de faible gravité pour les infractions sexuelles les plus graves en raison de leur nature ou de la sanction qui leur est attachée (art. 67, al. 4ter, P-C; voir commentaire de l'art. 67 P-CP). La clause d'exception, qui a été retravaillée pour le projet, tient en outre mieux compte du but de l'initiative: il sera impossible de renoncer à une interdiction systématique à vie si l'auteur est pédophile conformément à des critères de classifications internationales reconnues, et ce indépendamment de la nature ou de la gravité de l'infraction. Le projet part donc du principe qu'une interdiction doit être prononcée.

La clause d'exception s'applique par exemple aux cas de relations librement consenties entre un jeune adulte et une personne âgée de quinze ans, dans lesquels il n'y a pas lieu de craindre que l'auteur se serve d'une activité pour commettre une nouvelle infraction du même type, autrement dit où il n'y a pas de risque de récidive.

Elle permet de tenir compte de l'intention des auteurs de l'initiative, qui ont indiqué avant la votation qu'ils ne
souhaitaient nullement des interdictions systématiques d'exercer une activité dans le cas d'amours adolescentes, confirmant que l'initiative populaire visait bel et bien les pédophiles76.

Certes, une minorité des participants à la consultation aimeraient que la clause d'exception ne puisse s'appliquer qu'aux amours adolescentes (voir ch. 1.2.7).

Toutefois, conformément au principe d'égalité devant le droit, les cas similaires doivent être traités de la même manière (et les cas différents de manière différente).

Il serait donc choquant que seules les amours adolescentes soient considérées comme des cas de très peu de gravité, et non les autres de gravité tout aussi faible qui ne relèvent pas du tout de la pédophilie. C'est pourquoi le projet prévoit que la disposition s'appliquera aussi à d'autres cas de faible gravité, pour autant qu'ils correspondent aux critères définis (voir exemples dans le commentaire de l'art. 67 PCP).

75 76

Moser 1986, pp. 14 s.

Explications du Conseil fédéral, p. 21 (arguments du comité d'initiative).

5934

FF 2016

L'art. 8 CEDH, qui consacre le droit au respect de la vie privée, impose un examen de la proportionnalité pour toute restriction de ce droit. La clause d'exception, tout en constituant un pas dans cette direction, n'écarte pas entièrement le risque d'une condamnation par la Cour EDH pour violation de la convention dans un cas concret (voir ch. 5.2.1).

1.3.8

Perte à vie du droit d'exercer une activité professionnelle ou non professionnelle

En cas de condamnation pour une infraction sexuelle commise sur une personne protégée, le juge devra par principe prononcer une interdiction à vie d'exercer une activité. On ne peut interpréter autrement le texte de l'art. 123c Cst.

L'interdiction doit se limiter aux activités professionnelles et aux activités non professionnelles organisées.

Sont des activités professionnelles les activités déployées dans l'exercice à titre principal ou accessoire d'une profession, d'une industrie ou d'un commerce77. Cette notion se comprend de manière large et englobe aussi bien les activités salariées que les activités indépendantes, régies par un contrat de travail ou un mandat. La classification de l'activité en activité professionnelle repose sur des indicateurs tels que le temps et les moyens qui y sont consacrés, mais aussi la fréquence à laquelle elle est exercée sur une période donnée, les gains en perspective et les gains réalisés 78.

Sont des activités non professionnelles organisées les activités bénévoles exercées dans un cadre organisé (associations, fondations, sociétés, corporations de droit public ou institutions). Une activité est non professionnelle si elle ne sert pas, ou pas en premier lieu, des fins lucratives. Il peut s'agir d'activités bénévoles exercées dans une association sportive, dans le cadre de Jeunesse+Sport, de l'école, de l'église ou d'une structure de soins79.

La prise en charge de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables dans un cadre strictement privé (par ex. proches ou amis) ne sera pas soumise aux nouvelles dispositions. Il ne sera pas possible non plus, pour exercer une activité dans ce cadre, de demander un extrait spécial destiné aux particuliers. Les parents sont responsables du choix des personnes à qui ils confient leurs enfants. Celles-ci tombent sous le coup de l'interdiction d'exercer une activité si elles s'occupent des enfants dans l'exercice d'une profession, auquel cas les détenteurs de l'autorité parentale peuvent demander un extrait spécial en qualité d'employeurs. L'exercice de l'autorité parentale ne constitue pas en soi une activité professionnelle ou non professionnelle; l'art. 123c Cst. ne s'applique pas. Si le bien de l'enfant est menacé, l'autorité

77 78 79

Niggli/Maeder 2013, ad art. 67 no 37.

Message concernant la mise en oeuvre de l'initiative sur le renvoi, ch. 6.4.1; ATF 119 IV 129, 132 concernant la notion «dans l'exercice d'une profession».

Message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», ch. 6.2.1 et 6.4.1.

5935

FF 2016

de protection de l'enfant prend les mesures qui s'imposent conformément aux art. 307 ss CC une fois informée par les autorités pénales qu'il y a eu condamnation (art. 75, al. 2, CPP).

1.3.9

Activités en contact avec des mineurs ou des personnes particulièrement vulnérables, dépendantes ou incapables de résistance ou de discernement

Le projet permet d'interdire une activité dans le but de protéger des mineurs ou des personnes particulièrement vulnérables (art. 67, al. 3 et 4, P-CP) aux activités impliquant des contacts réguliers avec ces personnes ou groupes de personnes. Il se fonde donc sur la formulation plus large utilisée dans le texte français de l'art. 123c Cst.

(voir ch. 1.2.5). Cette mesure paraît indispensable, car il existe de nombreuses activités qui n'impliquent pas nécessairement un travail direct avec des mineurs ou des personnes particulièrement vulnérables, mais qui offrent la possibilité d'être en contact avec ces personnes et d'établir avec elles un rapport de confiance.

Les activités «en contact avec» des mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables sont d'une part des activités qui impliquent des contacts directs avec ces personnes et sans doute l'existence d'une relation de confiance. Il s'agit en particulier d'activités d'enseignant, d'accompagnateur, d'entraîneur, de soignant, etc. Mais il s'agit aussi d'autre part de toutes les autres activités exercées de manière régulière dans des institutions qui fournissent des prestations destinées directement et spécifiquement aux mineurs ou aux personnes particulièrement vulnérables. Il peut s'agir d'activités d'intendance (concierge, secrétaire, cuisinier, personnel de nettoyage) exercées dans les institutions susmentionnées (par ex. associations sportives, écoles, crèches, internats, colonies de vacances, établissements de soins, établissements spécialisés pour les personnes souffrant d'un handicap physique ou mental, cliniques gériatriques ou pédiatriques, etc.), sauf s'il est certain, du fait de leur emplacement ou de leur horaire, qu'elles ne peuvent pas impliquer de contacts avec ces groupes de personnes.

Le terme «régulier» peut désigner aussi bien des contacts sporadiques ou brefs sur une longue période que des contacts intenses sur une courte période. Une activité exercée une unique fois ne suffit pas.

Suite aux remarques formulées dans le cadre de la consultation80, certaines définitions relatives aux activités visées ont été précisées. Il s'agissait d'une part de lever certaines ambiguïtés, d'autre part de ne pas réduire inutilement le cercle des activités que les personnes condamnées peuvent exercer (voir commentaire de l'art. 67a P-CP).
L'interdiction d'exercer une activité au sens de l'art. 67, al. 4bis, P-CP prononcée dans le but de protéger des personnes dépendantes ou incapables de résistance ou de discernement se limitera aux activités dans le domaine de la santé impliquant des contacts directs avec des patients (voir ch. 1.3.5 et commentaire de l'art. 67 P-CP).

80

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 14 s.

5936

FF 2016

L'art. 67, al. 4bis, P-CP ne vise pas toutes les activités exercées dans le domaine de la santé, mais uniquement celles impliquant des contacts directs avec des patients. La formulation «activité impliquant des traitements ou des soins», dans l'avant-projet, était inadéquate, car elle n'englobait pas les activités de recherche et les activités académiques. Or, ces activités donnent souvent lieu à des contacts directs, par exemple dans le cadre d'examens.

Les interdictions prononcées en vertu de l'art. 67, al. 3, 4 et 4 bis, P-CP engloberont toutes les activités professionnelles et non professionnelles organisées impliquant des contacts réguliers avec des mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables, de même que toutes les activités dans le domaine de la santé impliquant des contacts directs avec des patients.

1.3.10

Application de l'interdiction d'exercer une activité

L'application de l'interdiction systématique d'exercer une activité à vie se fera dans l'ensemble de la même manière que dans le droit en vigueur81.

Extrait du casier judiciaire Le premier moyen de faire appliquer l'interdiction sera l'extrait du casier judiciaire: soit l'extrait ordinaire destiné aux particuliers (art. 371 CP) soit le nouvel extrait spécial destiné aux particuliers (art. 371a CP). Selon le droit en vigueur, ce dernier ne fait état que des jugements assortis d'une interdiction d'exercer une activité prononcée dans le but de protéger des mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables. Le nouvel extrait spécial indiquera à l'avenir également les jugements assortis d'une interdiction d'exercer une activité dans le domaine de la santé impliquant des contacts directs avec des patients (art. 371a P-CP). À l'heure actuelle, les personnes posant leur candidature pour une activité professionnelle ou non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables ou exerçant déjà une telle activité peuvent demander un extrait spécial de leur casier judiciaire. Celles qui postulent à une activité dans le domaine de la santé impliquant des contacts directs avec des patients ou qui en exercent déjà une le pourront à l'avenir également.

En droit actuel, l'émission d'un extrait spécial nécessite une confirmation écrite de l'employeur ou de l'organisation, où il est précisé que le requérant exerce ou envisage d'exercer une activité pour laquelle un extrait spécial peut être demandé. Dès lors, seuls les employeurs ou les organisations visées peuvent exiger un extrait spécial du requérant. Les autorités compétentes en matière d'autorisation et les autorités de surveillance n'ont en revanche pas cette possibilité du fait qu'elles ne sont ni des employeuses ni des organisations dans lesquelles des personnes exercent des activités non professionnelles organisées en contact avec des mineurs ou des personnes particulièrement vulnérables. Le projet remédie à ce défaut: ces deux

81

Message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», ch. 6.2.7, 6.2.8 et 6.4.1.

5937

FF 2016

autorités pourront, comme les employeurs, exiger un extrait spécial (voir commentaire du casier judiciaire [art. 371a P-CP]).

Certains participants à la consultation voulaient rendre la production d'un extrait spécial obligatoire. D'autres étaient expressément opposés à cette obligation82.

Dans l'avant-projet et le rapport explicatif concernant une modification de la Constitution, du code pénal, du code pénal militaire et du droit pénal des mineurs (interdiction d'exercer une activité, interdiction de contact et interdiction géographique) 83, une telle obligation avait déjà été proposée pour toutes les activités en lien avec des mineurs ou des personnes particulièrement vulnérables. Elle avait toutefois été rejetée par de nombreux participants à la consultation, notamment par les organisations non professionnelles concernées84. C'est pourquoi l'idée a été abandonnée dans le projet85.

Pour qu'une obligation générale soit mise en place, il faudrait en outre créer une base constitutionnelle adéquate86.

Cette piste a déjà été étudiée, mais a été rejetée. Comme la situation n'a depuis pas évolué, le Conseil fédéral reste d'avis qu'il faut renoncer à prévoir une obligation générale de produire un extrait spécial.

Ce choix ne veut pas dire que la Confédération, les cantons et les communes ne peuvent pas prévoir dans leurs législations en matière d'autorisations et de surveillance qu'il faille demander un extrait spécial pour certaines activités. Cela vaut aussi pour les conditions d'engagements pour certaines activités.

Assistance de probation Le second moyen de faire respecter l'interdiction réside dans le contrôle et le suivi exercé par les structures existantes de l'assistance de probation. Aujourd'hui déjà, la surveillance et l'accompagnement en matière d'interdiction d'exercer une activité, d'interdiction de contact et d'interdiction géographique incombent à l'assistance de probation. Elle était déjà chargée du contrôle de l'application des règles de conduite (y compris les éventuelles interdictions d'activité, de contact et géographique).

Confier la surveillance et l'accompagnement à l'assistance de probation paraît opportun, notamment en ce qui concerne les personnes exerçant une activité professionnelle ou non professionnelle indépendante, lesquelles ne peuvent pas être contrôlées par le
biais de l'extrait spécial. Le soutien de la part d'un accompagnateur peut en outre être utile si le condamné doit se réorienter sur le plan professionnel ou dans ses loisirs.

82 83 84 85 86

Rapport explicatif, p. 19 ss.

Rapport explicatif sur l'interdiction d'exercer une activité, l'interdiction de contact et l'interdiction géographique, ch. 1.2.2.7 s. et 2.5.1.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation sur l'AP concernant l'interdiction d'exercer une activité, l'interdiction de contact et l'interdiction géographique, ch. 7.3.

Message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», ch. 6.2.8.

Rapport explicatif sur l'interdiction d'exercer une activité, l'interdiction de contact et l'interdiction géographique, ch. 2.1.

5938

FF 2016

L'avant-projet prévoyait l'institution systématique d'une assistance de probation. De nombreux participants à la consultation ont désapprouvé l'attribution de ces tâches à l'assistance de probation ou étaient d'avis que cette dernière devait être facultative.

On a fait remarquer que l'institution systématique d'une assistance de probation nécessiterait des ressources financières et humaines importantes de la part des cantons et que les services d'exécution et de probation n'auraient que des moyens limités de contrôler l'application des interdictions87.

L'Association suisse de probation et de travail social dans la justice (PROSAJ) a elle-même reconnu qu'elle disposait de moyens de contrôle limités. En effet, les accompagnateurs ne peuvent que s'entretenir avec les personnes concernées et leur poser des questions sur leurs activités. La PROSAJ rappelle que le mandat légal des autorités de probation consiste non en la surveillance mais en l'accompagnement des condamnés en vue de leur non-récidive et de leur intégration sociale, le droit actuel ne leur donnant pas d'instruments efficaces pour contrôler l'application des interdictions d'exercer une activité88.

L'idée présentée dans l'avant-projet d'ordonner une assistance de probation pour chaque interdiction au sens de l'art. 67, al. 3, 4 et 4bis, P-CP a été abandonnée étant donné les critiques formulées lors de la consultation. Cette mesure n'est dans certains cas ni pertinente ni nécessaire. Elle entraînerait des coûts importants pour les services cantonaux de probation89. Le projet prévoit dès lors que, en règle générale, une assistance devra être prononcée pour les interdictions au sens de l'art. 67, al. 3, 4 et 4bis, P-CP (voir commentaire de l'art. 67 P-CP).

En principe, l'assistance de probation durera aussi longtemps que l'interdiction. Si elle n'est plus nécessaire, le juge ou l'autorité d'exécution peut la lever (art. 67c, al. 7, CP).

Non-inscription des interdictions dans RIPOL Certains participants à la consultation ont proposé, comme instrument d'exécution supplémentaire, d'inscrire les interdictions d'exercer une activité, les interdictions de contact et les interdictions géographiques dans le système de recherches informatisées de police RIPOL. La police pourrait aussi avoir connaissance des interdictions et intervenir si nécessaire,
ce qui renforcerait le contrôle de l'exécution90.

L'inscription de ces interdictions dans RIPOL nécessiterait une modification de la loi fédérale du 13 juin 2008 sur les systèmes d'information de police de la Confédération (LSIP)91 et de l'ordonnance du 15 octobre 2008 sur le système de recherches informatisées de police (ordonnance RIPOL) 92. Pour garantir la mise à jour des données consultables par la police, il faudrait prévoir une procédure complexe d'annonce ou une synchronisation automatique avec le casier judiciaire informatisé VOSTRA.

87 88 89 90 91 92

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 12 ss.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 13 ss.

Message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», ch. 6.4.1 (art. 67 [interdictions d'exercer une activité, conditions]).

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 22.

RS 361 RS 361.0

5939

FF 2016

Le 20 juin 2014, le Conseil fédéral a adopté le message 93 et approuvé le projet94 relatifs à la loi sur le casier judiciaire informatique VOSTRA (LCJ). Ce projet, sur lequel le Parlement délibère actuellement, prévoit que les organes de police cantonaux auront un accès en ligne à VOSTRA. Ceux-ci pourront alors savoir de manière simple et fiable si une personne fait l'objet d'une des trois interdictions. Les droits de consultation en ligne prévus incluent un accès mobile.

Le P-LCJ prévoit que les autorités policières auront accès en ligne aux informations dont elles ont besoin (y compris les jugements prévoyant l'une des trois interdictions). Un nouvel instrument d'exécution sera créé. C'est pourquoi il n'est pas nécessaire de modifier la LSIP dans le projet.

Les organes de police ne pourront effectuer que des contrôles sporadiques. Des contrôles systématiques sont exclus, car la police ne peut procéder à des contrôles d'identité que si des circonstances particulières le justifient, par exemple si des motifs sérieux laissent penser que la personne est recherchée ou qu'elle a commis une infraction95.

Réexamen du cas La personne condamnée doit selon les circonstances avoir la possibilité de faire réexaminer son cas après une certaine période d'exécution, c'est-à-dire de demander à l'autorité compétente de restreindre le contenu ou la durée de l'interdiction, voire de la faire lever. Ce dispositif découle du principe de proportionnalité inscrit dans la Constitution (voir ch. 1.2.3 et 5.1.2) et des engagements internationaux de la Suisse (voir ch. 5.2).

Le CP prévoit des possibilités de réexamen pour d'autres peines ou mesures ordonnées à vie. Une libération conditionnelle est par exemple possible en cas de peine privative de liberté à vie, et ce au plus tôt après quinze ans, lorsque les conditions sont réunies (voir art. 86, al. 5, en relation avec l'art. 86, al. 1, CP). Exceptionnellement, le détenu peut être libéré conditionnellement après dix ans déjà si des circonstances extraordinaires qui tiennent à sa personne le justifient (art. 86, al. 5, en relation avec l'art. 86, al. 4, CP). Un examen de la libération de l'internement à vie au sens de l'art. 64, al. 1bis, CP et une libération conditionnelle sont également possibles (art. 64c CP).

Il est inapproprié96 et contraire au principe de
proportionnalité de maintenir une interdiction d'exercer alors que la personne ne risque plus d'utiliser son activité pour commettre de nouvelles infractions sexuelles. Une assistance de probation ordonnée en règle générale en cas d'interdiction d'exercer une activité au sens de l'art. 67, al. 3, 4 et 4bis, P-CP, entraînerait quant à elle une charge de travail disproportionnée, si bien que les interdictions ne pourraient plus être appliquées de manière satisfaisante.

93 94 95 96

FF 2014 5525 FF 2014 5685 Mohler 2012, p. 197 s.; voir aussi ATF 137 I 167, 136 I 101, 124 I 85 et 109 Ia 146.

Voir Göksu, 2015, art. 123c no 23.

5940

FF 2016

L'avant-projet prévoyait que le délai à partir duquel un réexamen serait possible serait fixé en fonction du degré d'illicéité de l'infraction. De nombreux participants à la consultation ont approuvé la possibilité de réexaminer les cas après un certain temps et demandé que les délais soient raccourcis97. D'autres, minoritaires, se sont expressément opposés à cette possibilité, car il la juge incompatible avec l'art. 123c Cst. Certains ont en outre demandé de réduire le nombre des délais fixés dans l'avant-projet, afin de réduire la complexité de la norme 98.

Celle-ci a été retravaillée de sorte que le projet ne prévoie plus qu'un seul délai.

Toutes les interdictions à vie d'exercer une activité pourront, comme en droit actuel, être réexaminées au plus tôt après dix ans (voir commentaire de l'art. 67c P-CP).

Si l'auteur est pédophile (voir ch. 1.2.5), il n'y aura pas de possibilité de réexamen.

L'interdiction sera dans ce cas toujours prononcée à vie. La solution proposée dans l'avant-projet est maintenue (voir commentaire de l'art. 67c P-CP).

De nombreux participants à la consultation ont approuvé l'impossibilité de réexaminer le cas lorsque l'auteur est pédophile (voir détails au commentaire de l'art. 67c P-CP)99.

Le projet est donc plus restrictif que l'avant-projet en matière de réexamen. Il va dans le sens de l'article constitutionnel.

1.3.11

Validité temporelle et non-rétroactivité

Du fait de l'interdiction de la rétroactivité inscrite à l'art. 2, al. 1, CP, le juge ne pourra prononcer l'interdiction d'exercer une activité proposée que si l'auteur commet une infraction après l'entrée en vigueur de la modification de la loi.

L'interdiction de la rétroactivité vaut en principe également pour les mesures.

Il y a une exception au principe de la non-rétroactivité: lorsque la loi change entre les faits et le jugement. Dans ce cas, l'art. 2, al. 2, CP pose le principe du droit le plus favorable (lex mitior), qui fait que le nouveau droit est applicable aux actes commis avant son entrée en vigueur s'il est plus favorable que le droit en vigueur au moment des faits. La doctrine n'est certes pas unanime sur la question de savoir si le principe de la lex mitior s'applique également aux mesures. Mais cet aspect ne devrait pas avoir de réelle importance dans le contexte qui nous occupe, puisque l'interdiction d'exercer une activité proposée est un durcissement par rapport au droit en vigueur (voir ch. 1.4).

97 98 99

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 8 et 16 ss.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 8 et 16 ss.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 8 et 16 ss.

5941

FF 2016

1.3.12

Validité géographique

L'art. 123c Cst. ne dit pas si la condamnation doit forcément venir d'un tribunal suisse ou s'il faut également prendre en considération les jugements étrangers. Il faudrait engager beaucoup de ressources pour déterminer si des Suisses ont commis une des infractions sexuelles visées à l'étranger. Ce processus serait complexe et finalement arbitraire; il ne serait pas possible de retrouver toutes les personnes condamnées, étant donné que la Suisse n'est pas informée de tous les jugements prononcés à l'étranger à l'encontre de ses ressortissants. En conséquence, l'interdiction d'exercer une activité proposée ne pourra être prononcée que dans le cadre d'une condamnation en Suisse, comme c'est déjà le cas pour l'interdiction d'exercer une activité du droit en vigueur.

Si un jugement étranger assorti d'une interdiction d'exercer une activité est communiqué au casier judiciaire suisse, celui-ci sera enregistré si le droit suisse l'exige, comme c'est déjà le cas selon les dispositions en vigueur100. Ces jugements figureront ensuite également sur l'extrait du casier judiciaire et sur l'extrait spécial destinés aux particuliers101.

1.3.13

Parallélisme des règles dans le code pénal militaire

L'interdiction d'exercer une activité proposée figurera également dans le code pénal militaire du 13 juin 1927 (CPM)102, comme l'interdiction en vigueur (art. 50 ss CPM), bien qu'elle ne revête qu'une importance mineure dans le quotidien militaire.

1.4

Appréciation de la solution proposée

Au vu des résultats de la consultation, le projet reprend en très grande partie l'interdiction d'exercer une activité proposée dans l'avant-projet.

Il est prévu d'inscrire dans le CP et dans le CPM une interdiction à vie applicable en principe systématiquement à tous les adultes frappés d'une peine ou d'une mesure pour une infraction sexuelle commise sur une personne protégée. Cette interdiction ne s'appliquera pas en droit pénal des mineurs.

Les infractions susceptibles de donner lieu à l'interdiction sont des crimes, des délits, mais aussi des contraventions, ce en quoi la solution proposée diffère des conditions de l'interdiction systématique inscrite dans le droit en vigueur (voir art. 67, al. 3 et 4, CP).

Si le juge condamne l'auteur pour une infraction sexuelle commise sur une personne protégée, il devra impérativement prononcer une interdiction à vie d'exercer une activité, quelle que soit la peine prononcée.

100 101

Art. 3, al. 1, let. e, de l'ordonnance VOSTRA du 29 septembre 2006,RS 331.

Art. 4, al. 1, let. f, en relation avec l'art. 25, al. 2, ch. 11, ou 25d de l'ordonnance VOSTRA 102 RS 321.0

5942

FF 2016

La clause d'exception proposée par le Conseil fédéral et retravaillée suite à la consultation prévoit que, dans les cas d'infractions sexuelles de très peu de gravité, le juge pourra exceptionnellement renoncer à prononcer une interdiction à vie lorsqu'elle ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres infractions passibles de cette même mesure. Il ne pourra toutefois le faire que pour certaines infractions, la loi étant sous-tendue par la présomption irréfragable qu'il n'existe pas de cas de peu de gravité pour les infractions sexuelles les plus graves en raison de leur nature ou de la sanction qui leur est attachée. Il ne pourra pas non plus le faire si l'auteur est pédophile conformément à des critères de classifications internationales reconnues. Cette règlementation correspond en outre à l'intention exprimée par les auteurs de l'initiative avant la votation de ne pas appliquer l'obligation de prononcer une interdiction à vie dans les cas d'amours adolescentes, la cible déclarée de l'initiative populaire étant les pédophiles103. Comme le veut le principe d'égalité devant le droit, la clause d'exception ne sera pas limitée aux amours adolescentes. Elle s'appliquera aussi à des cas similaires, de très peu de gravité, si les conditions de l'art. 67, al. 4ter, P-CP sont remplies, notamment si le cas ne relève pas de la pédophilie.

La clause d'exception atténue quelque peu les conflits avec certains principes fondamentaux de l'état de droit et avec le droit international, mais ne les exclut pas. Elle n'écarte pas totalement le danger que la Cour EDH constate une violation de la convention dans un cas concret.

Le projet atténue aussi ces conflits en accordant à l'auteur de l'infraction la possibilité de faire réexaminer l'interdiction une fois un certain temps écoulé et de demander qu'elle soit levée. Le délai pour le réexamen a été unifié et fixé à dix ans, ce qui est dans l'ensemble plus long que ce que proposait l'avant-projet. Les pédophiles ne pourront pas faire usage de cette possibilité.

Les dispositions proposées constituent un durcissement de l'interdiction d'exercer une activité entrée en vigueur le 1er janvier 2015, qui faisait office de contre-projet indirect à l'initiative. Premièrement, la liste des infractions conduisant systématiquement à l'interdiction sera étendue,
sans prérequis de peine minimale. La clause d'exception ne pourra d'ailleurs pas conduire aux mêmes résultats en termes de renonciation à une interdiction que le prérequis de peine minimale inscrit dans le droit en vigueur, à savoir six mois de privation de liberté ou 180 jours-amende. Elle ne s'appliquera en effet que dans des cas de très peu de gravité, et à des conditions extrêmement strictes. Deuxièmement, les interdictions prononcées systématiquement le seront toujours à vie, une durée plus longue que celle inscrite dans le droit en vigueur.

Le projet sera nettement plus sévère que le droit actuel à l'endroit des pédophiles, lesquels représentent le premier groupe visé par l'initiative conformément aux déclarations de son comité104. Les pédophiles seront systématiquement frappés d'une interdiction à vie (impossibilité d'utiliser la clause d'exception à leur égard) et ne pourront pas du tout demander le réexamen de la sanction.

103 104

Explications du Conseil fédéral, p. 21 (arguments du comité d'initiative).

Explications du Conseil fédéral, p. 21 (arguments du comité d'initiative).

5943

FF 2016

Enfin, le projet propose une interdiction supplémentaire ciblée sur les activités professionnelles ou non professionnelles organisées dans le domaine de la santé impliquant des contacts directs avec des patients.

L'application sera assurée comme dans le droit en vigueur au moyen de l'extrait du casier judiciaire et d'une assistance de probation. Mais la personne nommée pour suivre le condamné ne pourra le surveiller en permanence. De plus, il ne sera pas obligatoire de se doter d'un extrait du casier judiciaire pour toute activité impliquant des contacts réguliers avec des mineurs ou des personnes particulièrement vulnérables ni celles relevant de la santé. La Confédération, les cantons et les communes pourront introduire une telle obligation dans leur législation pour certains domaines ou certaines activités. Pour le reste, il sera fait appel à la responsabilité des employeurs, des associations et des autres organisations105.

Le projet de loi sur le casier judiciaire106, sur lequel le Parlement délibère actuellement, prévoit que les organes de police cantonaux auront un accès en ligne à VOSTRA. Ceux-ci pourront alors savoir de manière simple et fiable si une personne fait l'objet d'une des trois interdictions. On disposera ainsi d'un nouvel instrument d'exécution.

Il serait toutefois erroné de croire à un remède universel contre la récidive.

Il ne faut pas oublier enfin que l'interdiction stricte proposée ne s'appliquera que si les mesures préventives telles que la sensibilisation, la formation et le contrôle ont échoué et que l'auteur a déjà commis une infraction sexuelle. L'interdiction ne pourra rien contre les personnes qui n'ont jamais été condamnées pour l'une des infractions visées ou qui ont commis des abus dans leur environnement proche. Elle n'est toutefois pas la seule mesure à disposition. Dans les cas graves, le juge peut ordonner une peine privative de liberté ou une mesure thérapeutique (art. 56 ss CP), voire un internement (art. 64 ss CP).

1.5

Droit comparé (droit européen en particulier)

Des recherches poussées de droit comparé ont été effectuées pour le rapport explicatif de janvier 2011 concernant l'interdiction d'exercer une activité, l'interdiction de contact et l'interdiction géographique107. Le résultat de ces recherches a été consigné dans le rapport en question et sous une forme résumée dans le message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants»108. Il ne semble pas utile de revenir ici sur le détail des réglementations étrangères. On peut retenir en substance que l'ensemble des pays étudiés (Alle105

Concernant la renonciation à instituer une obligation de demander un extrait du casier judiciaire: voir le message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», ch. 6.1.2 et 6.2.8.

106 FF 2014 5685 107 Rapport sur l'interdiction d'exercer une activité, l'interdiction de contact et l'interdiction géographique, p. 24.

108 Rapport sur l'interdiction d'exercer une activité, l'interdiction de contact et l'interdiction géographique, pp. 24 à 30; message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», ch. 2.6.

5944

FF 2016

magne, Autriche, Belgique, Canada, France, Italie, Royaume-Uni, Suède) connaissent une forme d'interdiction des activités professionnelles ou non professionnelles exercées en contact avec des mineurs ou des adultes vulnérables. Les interdictions que le juge doit prononcer systématiquement font plutôt figure d'exception. En règle générale, l'autorité compétente a une certaine marge d'appréciation ou peut faire dépendre l'interdiction d'un pronostic défavorable quant au risque de récidive. La durée des interdictions varie selon les pays: d'un à cinq ans en Allemagne, en France et en Autriche, dix ans en Suède, un à vingt ans en Belgique; les interdictions peuvent être de durée illimitée en Allemagne, en France, en Autriche, en Italie, au Royaume-Uni et au Canada. La France et l'Italie ne disposent d'aucun mécanisme exprès permettant d'examiner périodiquement l'utilité de la mesure109.

2

Commentaire des dispositions

2.1

Code pénal

Art. 67 (interdiction d'exercer une activité, conditions) Al. 2bis Cette disposition correspond en grande partie à l'al. 6 du droit en vigueur. La modification effectuée est purement rédactionnelle. Son champ d'application se limitant à l'interdiction facultative d'exercer une activité au sens de l'al. 2, elle figurera directement après cet alinéa.

Al. 3 et 4 L'art. 67 réglera l'interdiction d'exercer une activité afin de protéger les mineurs à l'al. 3 et les adultes particulièrement vulnérables à l'al. 4.

Les phrases introductives des al. 3 et 4 précisent que l'interdiction d'exercer une activité sera prononcée si l'auteur a été frappé d'une peine ou d'une mesure pour un des actes énoncés aux let. a à d ou a et b. Il n'est pas requis de peine minimale.

Même l'obligation de suivre un traitement ambulatoire (art. 63 CO) suffira.

Mais si l'auteur n'est condamné à aucune peine ni mesure, le juge ne pourra pas prononcer d'interdiction d'exercer une activité au sens de l'al. 3 ou 4. C'est notamment le cas pour les amours adolescentes visées à l'art. 187, al. 3, CP. La possibilité de déclarer une personne coupable sans lui infliger de peine est par ailleurs prévue aux art. 52 à 54, 188, al. 2, 192, al. 2, et 193, al. 2, CP. Dans ces cas, le juge peut ordonner une interdiction d'exercer une activité au sens de l'art. 67, al. 2, CP, si les conditions requises sont remplies.

L'interdiction ne suppose aucun pronostic défavorable. Peu importe, par ailleurs, que l'infraction ait été commise ou non dans l'exercice de l'activité professionnelle ou non professionnelle organisée à interdire. Au contraire, il faut systématiquement

109

Message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», ch. 2.6.

5945

FF 2016

que l'interdiction soit également ordonnée lorsque l'acte a été commis dans le cadre privé ou dans l'exercice d'une activité autre que celles à interdire.

Si les conditions évoquées sont remplies, le juge devra ordonner l'interdiction à vie d'exercer une activité (exceptions, voir al. 4ter).

L'interdiction d'exercer portera sur toutes les activités professionnelles et non professionnelles organisées impliquant des contacts réguliers avec les personnes ou le groupe de personnes concernés. Les termes «activité professionnelle» et «activité non professionnelle organisée» sont définis à l'art. 67a, al. 1, CP (voir commentaire de l'art. 67a P-CP). Ces définitions sont conformes au droit en vigueur. L'art. 67a, al. 5, P-CP précise quelles sont les activités impliquant des contacts réguliers avec des mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables (voir commentaire de l'art. 67a P-CP). La notion de «particulièrement vulnérable» est définie à l'art. 67a, al. 6, P-CP (voir commentaire de l'art. 67a P-CP). La formulation «toute activité» a été choisie pour préciser que l'interdiction n'est pas limitée géographiquement, autrement dit qu'elle vaut pour toute la Suisse.

Al. 4bis L'al. 4bis instaure une interdiction spéciale d'exercer des activités dans le domaine de la santé impliquant des contacts directs avec des patients au nom de la protection des personnes dépendantes ou incapables de résistance ou de discernement (voir ch. 1.3.9).

L'al. 4bis précise que cette interdiction sera prononcée si l'auteur a été frappé d'une peine ou d'une mesure pour un des actes énoncés aux let. a et b. Comme pour les interdictions visées aux al. 3 et 4, il ne sera pas non plus requis de peine minimale.

La liste des infractions de l'al. 4bis est identique à celle de l'al. 4. Il faut que, au moment de l'acte, la personne protégée se trouve dans une relation de dépendance vis-à-vis de l'auteur ou qu'elle soit incapable de résistance ou de discernement. Il n'est pas nécessaire que cet état soit permanent; il peut aussi ne durer qu'un moment limité (par ex. pendant le passage sur une table de gynécologie 110; voir ch. 1.2.5 et 1.3.5).

L'interdiction ne suppose aucun pronostic défavorable. Il ne sera pas nécessaire non plus que l'infraction ait été commise dans l'exercice d'une activité professionnelle ou non
professionnelle organisée dans le domaine de la santé. Au contraire, il faudra systématiquement que l'interdiction soit également ordonnée lorsque l'acte a été commis dans le cadre privé ou dans l'exercice d'une activité autre que celles à interdire.

Si les conditions évoquées sont remplies, le juge devra de toute façon ordonner l'interdiction à vie d'exercer une activité (exceptions, voir al. 4ter).

L'interdiction englobe toutes les activités dans le domaine de la santé impliquant des contacts directs avec des patients. Elle concernera donc surtout les métiers visés par la loi du 23 juin 2006 sur les professions médicales 111 et la loi du 18 mars 2011

110 111

Arrêt du Tribunal fédéral du 3 octobre 2005, 6S.448/2004.

RS 811.11

5946

FF 2016

sur les professions de la psychologie112, à savoir notamment les médecins, les dentistes, les chiropraticiens et les psychologues. Ces métiers ne feront pas forcément l'objet d'une interdiction d'exercice totale. L'interdiction ne concernera pas les activités dans ces domaines qui n'impliquent pas de contacts directs avec des patients.

Al. 4ter Une grande majorité des participants à la consultation ont approuvé la clause d'exception. Certains d'entre eux ont émis quelques critiques sur le fond (voir ch. 1.2.7)113.

C'est pourquoi la disposition a été retravaillée et précisée. Matériellement, elle correspond en large mesure à ce que proposait l'avant-projet.

Art. 67, al. 4ter, AP-CP

Art. 67, al. 4ter, P-CP

Dans les cas de peu de gravité, le juge peut renoncer à prononcer une interdiction d'exercer une activité au sens des al. 3 à 4bis s'il n'est manifestement ni nécessaire ni raisonnable de l'infliger à l'auteur. Il ne peut le faire si l'auteur a été condamné pour traite d'êtres humains (art. 182), contrainte sexuelle (art. 189), viol (art.

190), actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191) ou encouragement à la prostitution (art. 195).

Dans les cas de très peu de gravité, le juge peut exceptionnellement renoncer à prononcer une interdiction d'exercer une activité au sens des al. 3 à 4bis lorsqu'elle ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres infractions passibles de cette même mesure. Il ne peut le faire: a. si l'auteur a été condamné pour traite d'êtres humains (art. 182), contrainte sexuelle (art. 189), viol (art. 190), actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191) ou encouragement à la prostitution (art. 195); ou b. s'il est pédophile conformément à des critères de classifications internationales reconnues.

Les conditions permettant de ne pas interdire systématiquement à vie l'exercice d'une activité (art. 67, al. 3, 4 ou 4bis, P-CP) restent très strictes. Il faudra à la fois qu'il s'agisse d'un cas d'infraction sexuelle de très peu de gravité et que l'interdiction ne paraisse pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres infractions passibles de la même mesure. L'ajout de l'adverbe «exceptionnellement» souligne le fait que l'interdiction systématique à vie devra être la règle.

112 113

RS 935.81 Pour les détails, voir synthèse des résultats de la procédure de consultation, p 11 s.

5947

FF 2016

Cette clause d'exception est conforme à l'objectif des auteurs de l'initiative (voir ch. 1.3.7). Avant la votation, ceux-ci ont précisé que l'interdiction à vie d'exercer une activité visait les cas pédophilies et non les amours adolescentes114. Comme le veut le principe d'égalité devant le droit, la clause d'exception s'appliquera aussi à des cas similaires, de très peu de gravité, s'ils remplissent les conditions, notamment s'ils ne relèvent pas de la pédophilie.

La nouvelle formulation précise que les cas doivent être de très peu de gravité.

Ainsi, ne seront pas concernés par l'interdiction uniquement les cas objectivement et subjectivement mineurs. Il conviendra d'être très strict en la matière 115, autrement dit de recourir à la clause d'exception avec la plus grande retenue. On considèrera par exemple comme infraction sexuelle de très peu de gravité, du fait de la légèreté de la peine abstraite qui leur est attachée, les désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (art. 198 CP; peine encourue: amende) ou l'exhibitionnisme (art. 194 CP; peine encourue: peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus; par exemple si le juge prononce dans un cas concret une peine de peu de joursamende avec sursis). Mais d'autres infractions sexuelles exposant leur auteur à des peines plus lourdes pourront aussi, dans certains cas, être considérées comme étant de très peu de gravité (actes d'ordre sexuel avec des enfants, art. 187; peine encourue: peine privative de liberté de cinq ans au plus ou peine pécuniaire; par exemple si le juge prononce dans un cas concret une peine de peu de jours-amende avec sursis), notamment lorsque le juge relativise fortement la culpabilité de l'auteur et prononce une peine légère suite à une appréciation globale de l'infraction commise et de la situation de l'auteur (par ex. la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte, le lien entre la victime et l'auteur, ainsi que les antécédents et la situation personnelle de ce dernier) (voir art. 47 CP). Une interdiction ne paraît pas nécessaire si un pronostic suggère que rien ne permet de craindre une récidive. Comme pour le sursis à l'exécution de la peine (voir art. 42, al. 1, CP), la question de l'utilité ou non d'une interdiction quant au risque de récidive doit être tranchée par le juge sur la
base d'une appréciation globale116. Tous les éléments exploitables par les techniques de pronostic doivent être pris en compte. Outre les circonstances de l'infraction, on considérera les antécédents et la réputation de l'auteur, ainsi que tous les éléments pouvant fournir des indications fiables sur le caractère de l'auteur et sur les succès d'une mise à l'épreuve. L'évaluation du risque de récidive doit comprendre un examen aussi complet que possible de la personnalité de l'auteur (si nécessaire, une expertise psychiatrique pourra être demandée) 117.

L'adverbe «manifestement» a été biffé, comme l'ont demandé certains participants à la consultation118. En effet, aucun pronostic en matière de comportement humain n'est fiable à 100 %119.

114 115 116 117 118 119

Explications du Conseil fédéral, p. 21 (arguments du comité d'initiative).

Pour les cas de très peu de gravité au sens de l'art. 251, ch. 2, CP, voir ATF 128 IV 271, 114 IV 127.

Message du 21 septembre 1998 concernant la modification du code pénal suisse, ch.

213.142.

Schneider/Garré 2013, art. 42 no 46.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 11.

Schneider/Garré 2013, art. 42 no 51; Trechsel/Pieth 2013, art. 42 no 8.

5948

FF 2016

Même si les conditions sont remplies, la renonciation à l'interdiction, à titre exceptionnel, dépend de l'appréciation du juge.

Le juge pourra renoncer à prononcer une interdiction d'exercer une activité par exemple dans les cas suivants:

120

­

Une personne de 20 ans a des contacts sexuels consentis avec une autre de 15 dans le cadre d'une relation amoureuse (exemples: baisers avec la langue; infraction commise: actes d'ordre sexuel avec des enfants au sens de l'art. 187, al. 1, CP).

­

Un buraliste vend une revue pour adultes à un mineur (infraction commise: pornographie au sens de l'art. 197, al. 1, CP).

­

Un groupe WhatsApp de jeunes, qui ont entre 15 ans et plus de 18 ans partagent par exemple une vidéo à caractère pornographique filmée par des participants à ce groupe de moins de 16 ans. Dans ce cas, tous les participants, indépendamment de leur âge, sont condamnables pour pornographie au sens de l'art. 197, al. 5, CP, pour autant qu'ils n'aient pas effacé immédiatement la vidéo, mais l'aient conservée sur leurs téléphones (possession de représentations à caractère pédopornographique). De tels cas sont régulièrement révélés par les médias. Même si la personne majeure ou mineure n'a pas choisi de recevoir la vidéo par WhatsApp, le fait de ne pas l'effacer, autrement dit sa conservation, entraîne le risque qu'elle pourra être visionnée par elle ou par un tiers. Si un majeur ou un mineur demande à une autre personne de lui transmettre cette vidéo, en sachant qu'il s'agit de pédopornographie, il est punissable, même s'il efface la vidéo directement après l'avoir reçue. Citons l'affaire du «thé froid», révélée en décembre 2012: un garçon avait posté sur Facebook une vidéo montrant sans équivoque son ancienne amie, de moins de 16 ans, se masturbant avec une bouteille de thé froid. La vidéo a été visionnée par 15 000 personnes le jour de sa mise en ligne, et a continué, même après son effacement, à être partagée abondamment sur Internet, passant de téléphone en téléphone. Certains jeunes qui l'avaient enregistrée sur leur téléphone ont été condamnés pour pornographie, au sens de l'art. 197, al. 3, 1re phrase, CP (possession de représentations à caractère pédopornographique)120. La clause d'exception, dans un tel cas, permettrait au juge de ne pas avoir à condamner à une interdiction à vie les jeunes personnes majeures.

­

Autre exemple où le juge pourra appliquer la clause d'exception: en 2014, une femme a été condamnée par ordonnance pénale pour acte d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187, al. 1, CP) parce que, sans protester, elle s'est laissé caresser par son époux de manière lascive et ostensible devant leur nour-

Monica Müller: Junge Frau mit privatem Sexvideo gemobbt, dans le Tages-Anzeiger du 7 décembre 2012; Christian Lüscher: Praktisch jeder hatte das Video auf seinem Smartphone, dans la Basler Zeitung du 5 avril 2013; Marco Lüssi: Elf Strafverfahren wegen «Ice-Tea-Sexvideo», dans le 20 Minuten du 5 avril 2013.

5949

FF 2016

rice qui était mineure. En restant passive face à l'obligation qu'elle avait de réagir, elle a mêlé une enfant de moins de 16 ans à un acte d'ordre sexuel 121.

La clause d'exception doit permettre d'éviter que le principe de proportionnalité ne soit violé de manière choquante, en l'occurrence que le juge ordonne une interdiction à vie dans des cas de très peu de gravité où l'auteur n'est pas pédophile et ne risque pas de commettre à nouveau l'une des infractions sexuelles visées.

La traite d'êtres humains (art. 182), la contrainte sexuelle (art. 189), le viol (art. 190), les actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191) et l'encouragement à la prostitution (art. 195) sont des crimes très graves en raison de leur nature ou de la sanction qui leur est attachée.

La loi s'appuie donc sur la présomption irréfragable selon laquelle il n'existe pas de cas de très peu de gravité pour ces infractions. Si l'auteur est frappé d'une peine ou d'une mesure pour l'une de ces infractions sexuelles, le juge devra prononcer systématiquement une interdiction à vie d'exercer une activité, quelles que soient les circonstances du cas concret.

La let. b, ajoutée au moment du projet, garantit que, indépendamment de la nature et de la gravité de l'infraction commise, les auteurs reconnus pédophiles conformément à des critères de classifications internationales ne pourront pas bénéficier de la clause d'exception. Par principe, les auteurs pédophiles devront être condamnés à une interdiction à vie. Conformément à ce qu'admettent les milieux scientifiques aujourd'hui, cette règle est fondée sur le principe que la pédophilie est incurable (voir ch. 1.2.5).

Certains participants à la consultation ont estimé que la décision de renoncer à une interdiction à vie ne devait pas se prendre en fonction du type d'infraction, mais de l'âge de la victime et de la différence d'âge entre elle et l'auteur. Cela permettrait, selon eux, d'éviter que la clause d'exception soit appliquée à des cas de pédophilie122. Le Conseil fédéral préfère toutefois la solution proposée dans le projet, car l'inscription d'une liste d'infractions dans la loi oblige le juge à condamner à vie non seulement les pédophiles, mais tous les auteurs d'infractions sexuelles graves.

Pour des raisons de
proportionnalité, plusieurs participants ont proposé d'étendre la clause d'exception aux infractions de la let. a du fait qu'elles peuvent aussi donner lieu à des cas de peu de gravité123. Le Conseil fédéral a conscience que de tels cas de figure sont possibles, mais renonce à intégrer cette proposition au projet, car il estime que l'extension de la disposition à des infractions en soi très graves n'est pas compatible avec le but de l'initiative.

Al. 5 Bon nombre d'auteurs sont condamnés à une peine ou à une mesure pour plusieurs infractions dans le cadre d'une même procédure. Avant de prononcer une interdiction d'exercer une activité, le juge devra déterminer la peine ou la mesure qui correspond à une infraction donnant lieu à une telle interdiction. L'interdiction d'exer121

Attila Szenogrady: Strafbefehl, Mutter wird wegen Sexspielen vor Babysitterin verurteilt, dans la Limmattalerzeitung du 17 avril 2014.

122 Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 12.

123 Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 12.

5950

FF 2016

cer une activité proposée selon les al. 3, 4 et 4bis ne suppose pas de peine minimale, mais la condamnation à une peine ou une mesure prévue aux art. 59, 60, 61, 63 ou 64 CP.

L'al. 5, 3e phrase, selon laquelle les parts de peine qui correspondent à plusieurs infractions sont additionnées en vue d'une infraction donnée ne sera applicable qu'aux interdictions d'exercer une activité au sens de l'art. 67, al. 1, CP. Pour ce type d'interdiction, la condamnation à une peine minimale privative de liberté de plus de six mois ou pécuniaire de plus de 180 jours-amende est nécessaire, ce qui n'est pas le cas pour les interdictions au sens des art. 67, al. 2, CP et 67, al. 3, 4 et 4bis, P-CP.

Al. 6 L'assistance de probation ne sera certes pas obligatoire, mais sera la règle pour les interdictions systématiques à vie d'exercer une activité prononcées en raison d'une infraction sexuelle contre un mineur ou une personne particulièrement vulnérable et pour celles concernant le domaine de la santé et impliquant des contacts directs avec des patients (voir ch. 1.3.10). La disposition ressemble à l'art. 87, al. 2, CP, selon lequel une assistance de probation est en règle générale ordonnée pour la durée du délai d'épreuve suite à une libération conditionnelle.

On y renoncera si des prestations d'assistance ne sont pas nécessaires ou si elles sont assurées d'une autre manière et qu'aucun contrôle n'est nécessaire en complément des instruments d'exécution déjà prévus.

La durée de l'assistance de probation correspond en principe à celle de l'interdiction.

Si l'assistance de probation ne paraît plus nécessaire, le juge ou l'autorité d'exécution peut la lever conformément à l'art. 67c, al. 7, CP.

Art. 67a (contenu et étendue) Al. 4 La disposition est étendue à l'interdiction des activités dans le domaine de la santé impliquant des contacts directs avec des patients. Comme l'interdiction d'exercer une activité au nom de la protection des mineurs et autres personnes particulièrement vulnérables, l'interdiction prévue à l'art. 67, al. 4bis, P-CP portera toujours sur la totalité de l'activité. Autrement dit, si l'auteur exerçait au moment de l'acte comme gynécologue, le juge lui interdira non seulement l'exercice de cette activité particulière, mais aussi celui de toute activité dans le domaine de la santé impliquant
des contacts directs avec des patients (voir ch. 1.3.9).

Al. 5 Cette disposition définit les activités impliquant des contacts réguliers avec des mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables, comme le fait actuellement l'art. 25e de l'ordonnance VOSTRA du 29 septembre 2006124.

124

RS 331.0

5951

FF 2016

Elle précise non seulement les activités pour lesquelles on pourra, en vertu de l'art. 371a CP, demander un extrait spécial du casier judiciaire, mais décrit aussi de façon générale l'étendue des interdictions au sens de l'art. 67, al. 3 et 4, P-CP. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire d'inscrire cette disposition dans la loi.

Par activités exercées spécifiquement en contact direct avec des mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables au sens de l'al. 5, let. a, on entend les activités qui s'adressent directement à ces personnes et qui doivent systématiquement être exercées avec elles ou sur leur personne. Cela concerne par exemple les chauffeurs de cars de ramassage scolaire, mais pas ceux des transports publics que certains écoliers utilisent pour se rendre à l'école, car les transports publics ne s'adressent pas spécifiquement aux mineurs.

L'al. 5, let. a, ch. 1 à 9, donne une liste non exhaustive des activités exercées spécifiquement en contact direct avec des mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables. Ces activités impliquent par nature un contact régulier. Côtoyer des mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables de manière permanente est en effet indispensable à l'exécution de ces tâches.

La liste de la let. a a été maintenue dans le projet malgré quelques critiques émises lors de la consultation125. Il apparaît en effet nécessaire de définir les champs de l'interdiction de cette manière pour garantir la sécurité du droit. La liste n'est pas exhaustive, d'autres activités similaires pourront être interdites.

La notion de restauration (ch. 7) vise en premier lieu la distribution de repas, par exemple dans une cantine scolaire, et la vente d'encas dans un kiosque scolaire. Elle n'englobe toutefois pas la préparation de repas dans un hôpital ou un foyer sans contacts avec les patients ou les résidents. En effet, ce second cas ne remplit pas les critères généraux d'interdiction.

Le ch. 9 «la vente et le prêt directs d'objets destinés spécifiquement aux mineurs ou à d'autres personnes particulièrement vulnérables, ainsi que l'activité d'intermédiaire direct dans de telles ventes ou de tels prêts» est complétée de l'expression «pour autant qu'il s'agisse de l'activité principale de la personne concernée», ce qui correspond à la teneur de
l'art. 25e de l'ordonnance VOSTRA. On exclut ainsi de l'interdiction l'activité de vente dans une grande surface où il est possible de trouver entre autres des articles destinés spécialement aux mineurs ou à d'autres personnes particulièrement vulnérables. Le ch. 9 vise en particulier la vente et le prêt, ainsi que l'activité d'intermédiaire direct pour de telles activités, dans des établissements comme des ludothèques, ou des magasins spécialisés proposant des jouets ou des vêtements.

Lorsque l'activité n'est pas exercée spécifiquement en contact direct avec des mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables, la let. b précise qu'il y a contact régulier avec ces groupes de personnes si l'activité est exercée surtout ou régulièrement dans des établissements qui offrent les prestations visées à la let. a (voir ch. 1.3.9).

125

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 15.

5952

FF 2016

Il s'agit donc d'activités dont l'exercice ne nécessite pas de contacts directs avec des mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables, comme les tâches de nettoyage ou d'entretien, de secrétariat ou de direction d'une institution. Il faut en revanche qu'elles aient lieu dans des établissements qui offrent les prestations visées à la let. a, autrement dit des prestations spécifiques s'adressant directement à ces groupes de personnes. C'est notamment le cas des écoles, des crèches, des magasins de vêtements pour enfants, des ludothèques, des centres pour la jeunesse ou des cliniques gériatriques. Ça ne l'est pas en revanche des magasins d'alimentation régulièrement fréquentés par des écoliers à la sortie des classes, car leur offre ne s'adresse pas spécifiquement aux mineurs, mais à la population en général.

Lorsqu'une activité est exercée au sens de la let. b surtout, c'est-à-dire à plus de 50 % du temps total consacré à cette activité particulière, ou régulièrement, c'est-àdire au moins deux fois, dans l'un des établissements évoqués, la présence permanente de mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables rend généralement inévitables les contacts réguliers pendant l'accomplissement des tâches et en dehors. Dans un tel contexte, il est possible de rechercher volontairement ce contact et de l'établir facilement. Aussi ces activités tomberont-elles également sous le coup de l'interdiction d'exercer une activité au sens de l'art. 67, al. 3 et 4, P-CP. Par conséquent, une personne faisant l'objet d'une interdiction totale d'exercer une activité en contact avec des mineurs au sens de l'art. 67, al. 3, P-CP, qui est employée par une entreprise spécialisée dans l'entretien des jardins ayant passé un contrat d'entretien hebdomadaire avec une crèche, ne pourra pas être affectée à l'exécution régulière de cette tâche.

L'interdiction d'exercer n'englobera pas en revanche les activités d'un artisan indépendant pouvant être amené à effectuer une intervention unique dans une école, par exemple, pour faire une réparation.

La 2e partie de la let. b contient une clause dérogatoire. Elle exclut de l'interdiction visée à l'art. 67, al. 3 et 4, P-CP, les activités énoncées à la let. b dont il est certain, du fait de leur emplacement ou de leur horaire, qu'elles ne peuvent pas impliquer
de contacts avec des mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables. C'est notamment le cas du nettoyage des locaux d'une crèche ou d'un centre pour la jeunesse effectué exclusivement en dehors des horaires d'ouverture, ou des activités exercées dans un établissement offrant des prestations visées à la let. a, mais dans des locaux annexes, sans accès au bâtiment principal. Une personne ne pourra pas demander d'extrait spécial de son casier judiciaire pour ces activités.

Des participants à la consultation voulaient que la disposition soit modifiée pour interdire uniquement les activités où les contacts ne sont pas surveillés. L'art. 123c Cst. ne prévoit toutefois pas de limiter l'interdiction aux activités non surveillées. Il serait en outre difficile de déterminer les cas dans lesquels la surveillance est suffisante pour protéger les personnes visées et de contrôler cette surveillance. Il faudrait déterminer si la présence d'une caméra ou d'un tiers peut être considérée comme une surveillance suffisante ou si l'ensemble de l'activité doit être surveillé de près par un tiers. On a dès lors renoncé à étendre dans ce sens la clause dérogatoire de la let. b, 2e partie.

5953

FF 2016

Al. 6 Le terme «personnes particulièrement vulnérables» étant sujet à interprétation, il est nécessaire de le définir. Sa définition figure pour l'instant elle aussi dans l'ordonnance VOSTRA, à l'art. 25e. Il est proposé de l'intégrer à l'art. 67a, P-CP.

On entend par «personnes particulièrement vulnérables» des personnes qui ne peuvent pas mener leur vie sans l'assistance d'autrui en raison notamment de leur âge ou d'une déficience corporelle, mentale ou psychique durable. Cette dépendance à l'égard d'autrui, et leur incapacité partielle à déterminer leur existence, les expose tout particulièrement à certains types d'infractions126.

La formulation de l'al. 6 fait clairement apparaître la nécessité d'un besoin d'assistance, soit pour accomplir les actes ordinaires de la vie (ménage, toilette, alimentation, recours à des services, etc.) soit plus généralement pour déterminer son existence (en termes d'organisation, de communication, etc.). Il faut que la personne soit dépendante de l'assistance d'autrui, c'est-à-dire incapable d'effectuer ces tâches seule.

La définition légale met l'accent sur le besoin d'aide et de protection. La formulation choisie ne pose pas le recours effectif à cette aide comme condition.

Ce besoin d'aide doit découler de difficultés liées à l'âge, d'une maladie ou d'une déficience corporelle, mentale ou psychique. Les déficiences corporelles, mentales et psychiques comprennent les déficiences sensorielles. Lors de la consultation, il a été demandé de reprendre la formulation des art. 8, al. 2, Cst. et 2, al. 1, de la loi du 13 décembre 2002 sur l'égalité pour les handicapés (LHand)127: «déficience corporelle, mentale ou psychique».

Sont donc particulièrement vulnérables les personnes qui, comme les mineurs, ont une relation de dépendance particulière vis-à-vis des personnes qui s'occupent d'elles. Elles ne peuvent pas être confiées à des personnes qui ont déjà commis une infraction envers des personnes particulièrement vulnérables et qui sont susceptibles de récidiver.

Il n'y a pas de vulnérabilité particulière au sens de l'art. 67, al. 4, P-CP, lorsque cette vulnérabilité est due à un affaiblissement passager causé par la consommation d'alcool ou de stupéfiants ou par d'autres facteurs.

Art. 67c (exécution) Al. 5, let. c et d La proposition d'abroger la let. c résulte
de la transformation de l'interdiction qualifiée d'exercer une activité prévue par le droit en vigueur (art. 67, al. 3 et 4, CP) en interdiction systématique et à vie d'exercer une activité (art. 67, al. 3 et 4, P-CP).

Elle est donc d'ordre purement rédactionnel.

126

Message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», ch. 6.4.1.

127 RS 151.3

5954

FF 2016

La personne condamnée devra pouvoir dans certains cas solliciter au terme d'une certaine période d'exécution, même pour les interdictions au sens de l'art. 67, al. 3, 4 ou 4bis, P-CP, un réexamen de sa situation, autrement dit demander à l'autorité compétente de lever l'interdiction ou d'en limiter la durée ou le contenu (voir ch. 1.3.10). Les conditions sont réglées à la let. d. Ce réexamen n'aura pas lieu d'office, mais seulement à la demande de l'auteur.

L'avant-projet prévoyait que la période minimale au terme de laquelle un auteur pourrait demander une révision serait déterminée d'après le degré d'illicéité de l'infraction commise. Les délais proposés étaient de: ­

trois ans si l'interdiction d'exercer une activité a été prononcée en raison d'une condamnation pour exhibitionnisme (art. 194 CP), pornographie au sens de l'art. 197, al. 2, 1re phrase, CP ou désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (art. 198 CP);

­

dix ans lorsque l'interdiction d'exercer une activité a été prononcée en raison d'une condamnation pour l'une des infractions sexuelles évoquées (des délits pour la plupart) et que l'auteur s'est vu infliger six mois au plus de peine privative de liberté ou 180 jours-amende au plus de peine pécuniaire;

­

quinze ans dans les autres cas.

Certains participants à la consultation considèrent ces délais comme appropriés, d'autres comme trop sévères du point de vue de la proportionnalité128. Quelques-uns sont complètement opposés à la possibilité de réviser la sanction, car il la juge contraire à la lettre de l'article constitutionnel. Certains ont proposé de réduire le nombre de délais afin de simplifier la disposition129.

Comme on l'a évoqué au ch. 1.3.10, le Conseil fédéral propose de régler de manière plus stricte la possibilité de réviser la sanction après un certain temps, ce qui rapprochera la disposition de l'article constitutionnel, et de réduire le nombre de délais, ce qui simplifiera la disposition.

Une révision des interdictions de l'art. 67, al. 3, 4 et 4 bis, P-CP ne pourra être demandée, dans tous les cas, qu'après dix ans. La révision de l'interdiction à vie actuelle est soumise à ce même délai (art. 67c, al. 5, let. d, CP).

Certains participants à la consultation ont proposé de lever automatiquement l'interdiction (et non à la demande de l'auteur) dans les cas d'exhibitionnisme (art.

194 CP), de pornographie (art. 197, al. 2, 1 re phrase, CP) et de désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (art. 198 CP)130. Le Conseil fédéral écarte cette proposition. La révision à la demande de l'auteur correspond à la règlementation actuelle (art. 67c, al. 5, CP). Or, il n'y a pas lieu de revenir sur cet aspect si rapidement après l'entrée en vigueur de la disposition. Par ailleurs, il n'apparaît pas opportun de lever une telle interdiction automatiquement sans prendre en compte le risque de récidive. Enfin, une levée automatique s'éloignerait beaucoup d'une mise en oeuvre littérale de l'article constitutionnel.

128 129 130

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 16 s.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 8 et 16 ss.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 17.

5955

FF 2016

Al. 6bis Comme on l'a dit au ch. 1.3.10, le projet maintient le principe selon lequel l'autorité compétente ne pourra pas lever l'interdiction si l'auteur est pédophile.

On tient ainsi compte, d'une part, de l'avis actuel des milieux scientifiques, à savoir que la pédophilie est incurable, et, d'autre part, du but visé par les auteurs de l'initiative, à savoir de sanctionner avant tout les auteurs pédophiles131.

Le texte de l'avant-projet a été toutefois précisé à la demande de certains participants à la consultation132. L'expression «pédophile au sens psychiatrique du terme» a été biffée en raison de son imprécision. Le projet prévoit que le diagnostic devra se fonder sur des critères de classifications internationales reconnues (voir ch. 1.2.5).

Certains participants reprochent au projet de n'être pas clair quant au moment où le diagnostic doit être établi133. L'emplacement de l'al. 6bis dans l'art. 67c P-CP (titre marginal de l'art. 67c CP [exécution]) suggère que le moment de référence est celui du dépôt de la demande de révision. Conformément à l'art. 67c, al. 6, CP (voir commentaire de l'al. 5), l'autorité vérifie qu'il n'y ait pas de pronostic négatif. Elle peut se fonder sur une expertise psychiatrique, si une telle expertise a déjà été rendue dans le cadre d'une procédure pénale (par ex. en vue de se prononcer sur une mesure privative de liberté; voir art. 56, al. 3, CP) ou de l'exécution d'une mesure (par ex.

en vue de se prononcer sur la levée conditionnelle d'une mesure institutionnelle).

Si aucune expertise psychiatrique n'a encore été réalisée et que l'on suppose que l'auteur puisse être pédophile, il convient d'en obtenir une. On pourra y renoncer s'il apparaît clairement que l'auteur n'est pas pédophile.

Le Conseil fédéral reconnaît qu'aucun diagnostic en matière de pédophilie ne saurait être infaillible, comme l'a fait remarquer un participant à la consultation134. Indépendamment du diagnostic, l'autorité ne peut de toute façon pas lever une interdiction à vie si l'auteur présente un risque de récidive (voir art. 67c, al. 6, CP).

Al. 7bis Les art. 67, al. 6, 1re phrase, P-CP et 67b, al. 4, CP prévoient que le juge peut ordonner une assistance de probation pour la durée de l'interdiction d'exercer une activité, de l'interdiction de contact ou de l'interdiction géographique. En
cas d'interdiction à vie d'exercer une activité prononcé sur la base de l'art. 67, al. 3, 4 ou 4 bis, P-CP, le juge devra en règle générale ordonner une assistance de probation (art. 67, al. 6, 2e phrase, P-CP). Si le juge renonce à en prononcer une dès le début, lui ou l'autorité d'exécution peut le faire ultérieurement si le condamné ne respecte pas l'interdiction. L'autorité peut aussi en ordonner une pour la durée de la mise à l'épreuve en cas de levée conditionnelle d'une peine privative de liberté (art. 87, al. 2, CP) ou d'une mesure (art. 62, al. 3, et 64a, al. 1, CP). Lorsqu'une assistance de probation est ordonnée conjointement à l'une des trois interdictions, l'exécution des deux mesures peut débuter au moment où le condamné est libéré conditionnellement. L'al. 7 bis vise à garantir que l'autorité d'exécution pourra ordonner l'assistance de probation non 131 132 133 134

Explications du Conseil fédéral, p. 21 (arguments du comité d'initiative) Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 18.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 17 s.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 18.

5956

FF 2016

seulement pour la durée de la mise à l'épreuve, mais pour toute la durée de l'interdiction.

Casier judiciaire Art. 369, al. 4quater, 4quinquies et 6, let. a Les nouveaux al. 4quater et 4quinquies appellent la remarque suivante: Le droit actuel distingue deux méthodes de calcul concernant le délai d'élimination d'un jugement porté au casier judiciaire, qui sont exposées respectivement aux art. 369 CP et 369a CP. En tout état de cause, le délai le plus long s'applique (voir la 2e phrase de l'art. 369a CP). Le délai d'élimination résulte donc d'une comparaison des deux méthodes de calcul.

Ce double système en apparence compliqué tient au fait que chacune de ces méthodes remplit une fonction différente: ­

Celle prévue à l'art. 369a CP vise à éviter que les jugements prononçant une interdiction d'exercer une activité, de contact ou une interdiction géographique, dont la mention doit figurer sur l'extrait spécial du casier judiciaire pendant sa durée effective, ne soient éliminés du casier judiciaire avant l'expiration de l'interdiction.

­

Celle visée à l'art. 369 CP vise à éviter qu'une interdiction d'exercer une activité, une interdiction de contact ou une interdiction géographique de longue durée n'entraîne une prolongation involontaire de la durée d'inscription d'un jugement sur l'extrait du casier judiciaire destiné à des particuliers. Les délais visés à l'art. 369 CP servent de référence pour le calcul de certaines durées d'inscription d'un jugement sur l'extrait du casier judiciaire. L'art. 371, al. 4, CP prévoit ainsi que le jugement qui prononce une mesure ne figure plus sur l'extrait du casier judiciaire lorsque la moitié de la durée déterminante pour l'élimination de l'inscription en vertu de l'art. 369 est écoulée (voir l'exception à l'art. 371, al. 5, CP).

Les dispositions de l'art. 369 CP présentent toutefois une lacune, que les nouveaux al. 4quater et 4quinquies visent à combler. En effet, si un jugement prononce comme seule sanction une des nouvelles interdictions en vigueur depuis le 1er janvier 2015, l'actuel art. 369 CP ne prévoit pas de délai de référence pour le calcul de la durée d'inscription sur l'extrait du casier judiciaire tel que le prévoit l'art. 371, al. 4, CP.

Il en découle les propositions de modifications suivantes: ­

Le nouvel al. 4quater prévoit un délai d'élimination pour les jugements qui prononcent uniquement une interdiction d'exercer une activité au sens de l'art. 67, al. 2, 2bis, 3, 4 et 4bis, ou 67b CP, ou de l'art. 50, al. 2, 2bis, 3, 4 et 4bis, ou 50b CPM, c'est-à-dire sans autre forme de sanction (par ex. une peine). Ces jugements seront désormais éliminés d'office du casier judiciaire après dix ans.

5957

FF 2016

­

Pour les jugements rendus à l'encontre de mineurs prononçant exclusivement une interdiction d'exercer une activité au sens de l'art. 16a DPMin, le nouvel al. 4quinquies prévoit leur élimination d'office après sept ans.

Ces délais sont actuellement définis à l'art. 25a de l'ordonnance VOSTRA; en vertu du principe de légalité, il est cependant préférable de les inscrire dans la loi.

Les sanctions exclusives à de telles interdictions devraient rester plutôt rares. On assume le fait que même si une interdiction est prononcée à vie, elle puisse disparaître du casier judiciaire au bout de dix ou sept ans, et ne plus figurer sur l'extrait destiné à des particuliers au bout de cinq ans ou trois ans et demi. En effet, les cas de ce genre ne reposent pas sur une faute particulièrement grave (sans quoi elles feraient l'objet d'une sanction supplémentaire entraînant un mode de calcul différent pour le délai), et une mention prolongée voire à vie sur l'extrait destiné à des particuliers ne paraît pas appropriée. Il faut que la personne concernée puisse postuler à une activité sans lien avec la protection de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables, par exemple, sans être défavorisée par son extrait du casier judiciaire.

Il convient toutefois de préciser que ce type de jugement reste visible sur l'extrait spécial du casier judiciaire, de même que pour les autorités ayant un droit de consultation, pendant toute la durée de l'interdiction d'exercer une activité (voir art. 371a, al. 4, en relation avec l'art.369a CP).

L'al. 6, let. a, est modifié de sorte à préciser que les délais définis à l'art. 369, al. 4quater et 4quinquies, P-CP courront eux aussi à compter du jour où le jugement est exécutoire (voir art. 437 CPP).

La version allemande comporte une modification d'ordre rédactionnel, sans incidence sur le fond.

Art. 369a, 1re phrase La modification apportée à cette disposition est d'ordre purement rédactionnel.

Art. 371a, al. 1, 2, phrase introductive, et 3, let. a L'art. 371a CP en vigueur prévoit que toute personne qui postule à une activité professionnelle ou à une activité non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables ou qui exerce une telle activité peut demander un extrait spécial de son casier judiciaire.

L'al. 1, sous sa nouvelle forme, étend cette possibilité aux personnes qui postulent à une activité professionnelle ou à une activité non professionnelle organisée relevant du domaine de la santé impliquant des
contacts directs avec les patients.

L'extrait spécial visé à l'al. 3, let. a, mentionnera donc, outre les jugements prononçant contre un adulte, une interdiction d'exercer une activité, une interdiction de contact ou une interdiction géographique, au nom de la protection des mineurs et autres personnes particulièrement vulnérables, tous ceux qui prononcent une interdiction d'exercer une activité dans le domaine de la santé au sens de l'art. 67, al. 4bis, P-CP.

5958

FF 2016

Demander un extrait spécial du casier judiciaire reste une démarche volontaire (voir motifs au ch. 1.3.10). Il relève donc de la responsabilité des employeurs, associations et autres organisations de vérifier les antécédents de ceux de leurs collaborateurs ou de leurs membres qui travaillent au contact de mineurs, de personnes particulièrement vulnérables ou encore de patients dans le domaine de la santé135. De leur côté, la Confédération, les cantons et les communes pourront prévoir une obligation de demander l'extrait spécial dans leur législation en matière d'autorisation et de surveillance ou dans les conditions d'engagement pour certaines activités.

Si une personne demande à une autorité une autorisation d'exercer une activité impliquant des contacts avec des mineurs, des personnes particulièrement vulnérables ou des patients, l'autorité doit pouvoir lui demander un extrait spécial. Elle doit pouvoir le faire dans le cadre de ses compétences d'autorisation comme de surveillance. Cette possibilité ne leur est aujourd'hui pas offerte en raison de la formulation trop stricte de la phrase introductive de l'al. 2 actuel (voir motifs au ch. 1.3.10). Il convient donc de modifier cet alinéa pour que, comme les employeurs et les organisations, les autorités compétentes en matière d'autorisation puissent produire les confirmations nécessaires pour obtenir un extrait spécial. L'avantage de l'extrait spécial du casier judiciaire, au contenu restreint, est qu'il évite aux candidats de devoir forcément divulguer la totalité de leurs antécédents judiciaires (par ex.

peines antérieures pour infractions à la circulation routière ou vol à l'étalage), et qu'il ne contient que les éventuelles interdictions incompatibles avec les activités impliquant un contact direct avec des mineurs, des personnes particulièrement vulnérables ou des patients. Les employeurs et les organismes de loisirs sont du reste libres de demander un extrait ordinaire du casier judiciaire en plus de l'extrait spécial136.

L'extrait spécial continuera de mentionner les jugements pendant toute la durée de l'interdiction d'exercer une activité (art. 371a, al. 4 CP). Il a été créé spécialement dans le but de garantir le respect de l'interdiction d'exercer une activité et donc de protéger les mineurs, les personnes particulièrement vulnérables
et les patients.

De rares participants à la consultation regrettent que les interdictions d'exercer une activité ne soient plus visibles après un certain temps sur les extraits ordinaires destinés aux particuliers. Rappelons que ceux-ci, contrairement aux extraits spéciaux, ne visent pas un but précis et doivent pouvoir être utilisés pour des activités où les groupes protégés ne courent pas de risques particuliers. Les candidats ne doivent pas être défavorisés en raison de sanctions à vie pour des activités en dehors du champ d'application du projet. Les délais pendant lesquels les interdictions figurent sur l'extrait ordinaire destiné aux particuliers sont donc volontairement sans rapport avec la durée des interdictions. Ces délais dépendent de la lourdeur des autres sanctions ordonnées, lesquelles reflètent mieux la gravité des infractions commises. Le législateur juge important de ne pas empêcher inutilement les personnes condamnées de revenir à une vie active normale. L'extrait spécial a une tout autre fonction. Il vise à empêcher l'exercice des activités visées par les interdictions.

135

Message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», ch. 6.2.8.

136 Message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», ch. 6.2.8.

5959

FF 2016

Dans un certain sens, il a été créé pour éviter que les délais d'inscription sur l'extrait ordinaire ne soient trop longs. Or, ce raisonnement est encore valable.

La procédure de commande et le contenu de l'extrait spécial restent inchangés.

Quelques participants à la consultation estiment que la procédure de commande est fastidieuse et que des doutes subsistent dans la pratique quant aux cas dans lesquels un extrait spécial doit être commandé. Il a aussi été demandé de veiller à la clarté des extraits, notamment d'éviter des formulations peu parlantes telles que «personnes particulièrement vulnérables». Le Conseil fédéral est conscient que le contrôle de l'utilisation des extraits à des fins adéquates entraîne une certaine lourdeur dans la procédure. Un travail est nécessaire pour se familiariser avec les expressions utilisées et les différences de fonction entre extrait ordinaire et extrait spécial. La loi propose certes des définitions, mais l'accès à celles-ci n'est pas toujours évident pour les non-juristes. C'est pourquoi les procédures de commande en ligne ont été conçues de manière à être facilement utilisables pour les employeurs et les organisations (formulaires en ligne et marches à suivre détaillées pour la commande). Le site de l'OFJ propose des informations importantes sur le contenu et la fonction des extraits, ainsi que les adresses électroniques et les numéros de téléphone de spécialistes proposant une assistance. Les organisations de sensibilisation ont aussi un rôle important à jouer auprès des employeurs. Les personnes et milieux intéressés peuvent ainsi obtenir facilement des informations. Les expériences faites avec l'extrait spécial depuis sa mise en place sont, dans l'ensemble, positives.

2.2

Code pénal militaire

Les modifications proposées aux art. 50, 50a et 50c, P-CPM correspondent aux art. 67, 67a et 67c, P-CP. Nous renvoyons donc aux commentaires relatifs aux modifications du CP (voir ch. 2).

3

Conséquences

3.1

Conséquences en matière de finances et de personnel pour la Confédération

En ce qui concerne les frais de personnel et les autres conséquences financières, il convient de distinguer la reprogrammation du système VOSTRA des charges d'exploitation.

La reprogrammation de VOSTRA devrait coûter de 30 000 à 55 000 francs. Ces frais sont déjà prévus au budget. Les travaux seront, dans la mesure du possible, intégrés à ceux qu'entraînera la réforme du droit du casier judiciaire.

Sur le plan des charges d'exploitation, il faut s'attendre à une augmentation des demandes d'extraits du casier judiciaire, car le projet, même s'il ne prévoit pas d'obligation générale relative à ces demandes (pas plus que le droit en vigueur), vise à élargir le cercle des personnes protégées (voir ch. 1.3.5). À l'heure actuelle, il est

5960

FF 2016

encore difficile d'anticiper l'évolution du nombre d'extraits spéciaux du casier judiciaire. La hausse des charges qui en résultera devrait toutefois rester modérée.

L'application des mesures prévues dans le projet fera par ailleurs augmenter également les recettes annuelles; de quoi couvrir, sans doute, le coût de la reprogrammation de VOSTRA.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Il est difficile d'estimer quelles seront les conséquences, en termes de finances et de personnel, pour les cantons et les communes.

Ils auront très probablement à supporter des charges supplémentaires dans le domaine de l'exécution des peines et des mesures. Il est vrai qu'il existe depuis le 1er janvier 2015 une interdiction systématique d'exercer une activité (art. 67, al. 3 et 4, CP) assortie d'une assistance de probation (voir art. 67, al. 7, CP). Le juge peut prononcer cette interdiction à vie (voir art. 67, al. 6, CP), ce qui prolonge l'assistance de probation d'autant. Il est cependant probable qu'en règle générale, les juges prononceront des interdictions limitées, qu'ils pourront prolonger si nécessaire (voir art. 67, al. 3, 4 et 6, CP)137. Le projet vise à durcir le droit en vigueur en ce sens que l'interdiction systématique d'exercer une activité sera prononcée à vie dans tous les cas (art. 67, al. 3, 4 et 4bis, P-CP), ce qui, en règle générale, devrait entraîner une assistance de probation à vie. Cette interdiction à vie est toutefois relativisée par la possibilité, dans certaines circonstances, de lever l'interdiction après une certaine période d'exécution. L'assistance de probation peut aussi, conformément à l'art. 67c, al. 6, CP, être levée si elle n'apparaît plus nécessaire.

Le projet vise en outre à durcir l'interdiction systématique d'exercer une activité en étendant la liste des infractions sexuelles entraînant une telle interdiction. Par ailleurs, il ne prévoit plus de peine minimale et instaure une interdiction systématique supplémentaire d'exercer des activités dans le domaine de la santé impliquant des contacts directs avec des patients. On devrait donc voir augmenter le nombre de cas impliquant en règle générale une assistance de probation. Il est cependant difficile d'évaluer le surcoût qu'entraînera la révision.

Les tribunaux ordinaires devraient quant à eux voir leur volume de travail augmenter du fait de l'exclusion des infractions sexuelles à l'encontre des personnes protégées de la procédure de l'ordonnance pénale, en raison de l'interdiction systématique et à vie d'exercer une activité (voir ch. 1.3.6). Il est impossible de prédire exactement combien de cas se produiront par an, car les données fournies par l'Office fédéral de la statistique (OFS) ne permettent
pas de tirer des conclusions claires. On sait combien de condamnations sont prononcées chaque année pour ce type de d'infractions sexuelles: d'après l'OFS, en 2014, 1021 adultes ont été condamnés pour un crime ou un délit contre l'intégrité sexuelle (art. 187 à 197 CP) et 15

137

Message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», ch. 6.5.2.

5961

FF 2016

pour traite d'êtres humains (art. 182 CP)138. Les statistiques ne révèlent toutefois pas le nombre d'adultes condamnés pour désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (art. 198 CP), étant donné qu'il s'agit de contraventions et que celles-ci ne figurent normalement pas au casier judiciaire. En effet, certaines de ces contraventions sont prononcées par ordonnance pénale, car les victimes ne sont pas dans tous les cas des personnes mineures, particulièrement vulnérables, dépendantes ou incapables de résistance ou de discernement. La procédure de l'ordonnance pénale est exclue lorsque la peine privative de liberté dépasse six mois et dans les cas complexes du point de vue des faits ou du droit applicable (art. 352, al. 1, CP).

On ignore le nombre de cas dans lesquels la victime était mineure, particulièrement vulnérable, dépendante ou incapable de résistance ou de discernement. On ignore aussi si une peine privative de liberté de moins de six mois pour infraction sexuelle a été prononcée dans une procédure d'ordonnance pénale ou dans une procédure ordinaire.

Les demandes d'extraits du casier judiciaire d'agents du service public exerçant une activité avec des personnes issues du cercle des personnes protégées (par ex. dans les hôpitaux et les écoles) (voir commentaire du casier judiciaire) entraîneront elles aussi un surcroît de travail.

4

Relation avec le programme de la législature

Le projet est annoncé dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 2019139 et dans l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 2019140.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

5.1.1

Compétence législative

Le projet s'appuie sur l'art. 123 Cst. selon lequel la Confédération est compétente pour légiférer en matière de droit pénal et de procédure pénale.

138

Statistiques disponibles sous: www.ofs.admin.ch > thèmes > criminalité, droit pénal > condamnations: mineurs et adultes > personnes condamnées > tableau «Adultes et mineurs: Condamnations et personnes condamnées pour un délit ou un crime au sens des articles du code pénal (CP), selon l'année».

139 FF 2016 981 1063 140 FF 2016 4999 5005

5962

FF 2016

5.1.2

Droits fondamentaux

Généralités Le message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants» signalait déjà que le nouvel art. 123c Cst. était en contradiction avec plusieurs garanties constitutionnelles telles que la liberté économique (art. 27, al. 2, Cst.), la liberté personnelle (art. 10, al. 2, Cst.) et la liberté de conscience et de croyance (art. 15 Cst.)141.

Les droits fondamentaux peuvent être soumis à une restriction lorsque celle-ci repose sur une base légale, qu'elle répond à un intérêt public prépondérant, qu'elle est conforme au principe de proportionnalité et que l'essence des droits fondamentaux est préservée (art. 36 Cst.).

L'interdiction d'exercer une activité proposée figurera dans une loi au sens formel; elle se fonde sur les dispositions du droit en vigueur (voir art. 67 ss CP et 50 ss CPM et ch. 1.1.2). On peut considérer qu'elle répond à un intérêt public prépondérant. Par ailleurs, l'interdiction proposée ne porte pas atteinte à l'essence des droits fondamentaux142. Quant aux garanties de procédure, on peut relever que l'interdiction est ordonnée par un juge dans une procédure pénale ordinaire. Seule la question de la proportionnalité demande un examen plus approfondi.

La proportionnalité se définit selon trois critères: l'adéquation, la nécessité et la proportionnalité au sens étroit du terme. L'adéquation et la nécessité de la mesure étatique sont fonction du but visé en matière d'intérêt public; il ne doit pas y avoir une autre mesure aussi adéquate qui soit plus clémente. Et la mesure ne doit pas aller au-delà du nécessaire. D'autre part, on doit peser les intérêts en présence, en s'assurant que la restriction des droits fondamentaux n'est pas disproportionnée par rapport au but visé. Une décision sera disproportionnée si ses effets négatifs pèsent en fin de compte plus lourd dans la balance que l'intérêt public qui l'a dictée 143.

Le principe de proportionnalité revêt une grande importance dans la conception de l'interdiction d'exercer une activité. Pour ce qui est des mesures thérapeutiques et de l'internement, qui ne dépendent pas de la culpabilité de l'auteur, le principe de proportionnalité a été expressément intégré dans la nouvelle partie générale du CP 144 (art. 56, al. 2, CP) et concrétisé dans diverses dispositions (notamment les
art. 56, al. 1 et 6, 56a, 57, al. 1, 59, al. 1, 60, al. 1, 61, al. 1, et 63, al. 1, CP).

L'interdiction d'exercer une activité fait partie des «autres mesures». Comme pour celles qui sont citées au paragraphe précédent, le fait qu'elles soient ordonnées et leur durée ne dépendent pas en premier lieu de la culpabilité de l'auteur, mais du risque particulier que celui-ci représente et que l'interdiction permettra de prévenir.

Le principe de proportionnalité devra donc être pris en compte par le juge qui ordonne l'interdiction et par l'autorité d'exécution qui l'examine et qui la lève.

141

Pour plus de détails, voir le message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants», ch. 6.7.1.

142 Müller/Schefer 2008, pp. 85 ss, 89 ss, 267 ss et 1078 s.

143 Häfelin/Haller/Keller 2012, n. 320 ss; Schweizer 2008, ad art. 36 no 22 ss 144 Partie générale du code pénal (art. 1 à 110 CP).

5963

FF 2016

L'interdiction d'exercer une activité proposée en application de l'art. 123c Cst. reste proche dans les termes de la norme constitutionnelle (et de l'automatisme qu'elle contient), tout en tenant compte des principes de l'égalité des normes constitutionnelles et de l'interprétation harmonisante (voir ch. 1.2.2). En revanche, elle ne tient compte du principe de proportionnalité (art. 5, al. 2, et 36, al. 3, Cst.) que dans une certaine mesure (voir ci-après). L'interdiction d'exercer une activité sera certainement adéquate pour atteindre le but d'intérêt public poursuivi (protéger certaines personnes des délinquants sexuels), mais il pourra arriver qu'elle soit en contradiction avec les exigences de nécessité et de proportionnalité au sens étroit.

Lien entre l'infraction commise et l'interdiction d'exercer une activité Le droit fondamental à la liberté économique (art. 27, al. 2, Cst.) impose que l'infraction commise ait un lien étroit avec l'activité qu'il s'agit d'interdire.

L'absence de ce lien représenterait une restriction disproportionnée de l'activité professionnelle.

Quant à l'exercice d'activités non professionnelles, il n'est pas exclu que certains types de loisirs relèvent du droit élémentaire au développement de la personnalité (liberté personnelle, art. 10, al. 2, Cst.).

On peut aussi imaginer des cas de figure où l'exercice d'une activité bénévole au sein d'une église présente un rapport avec la liberté de conscience et de croyance (art. 15 Cst.). Il est donc nécessaire ici aussi d'établir un lien étroit entre l'infraction commise et l'interdiction.

Les interdictions d'exercer une activité visées à l'art. 67, al. 3, 4 et 4 bis, P-CP tiennent compte de ces limites.

Le lien entre l'infraction et l'interdiction est constitué par la nature sexuelle de l'infraction et par le type de victimes (mineurs, personnes particulièrement vulnérables, incapables de résistance ou de discernement ou dépendantes). Comme le prévoit le droit en vigueur (art. 67, al. 3 et 4, CP), seules les activités offrant une occasion de récidive à l'encontre de ce type de victimes seront interdites.

Etendue de l'interdiction d'exercer une activité Les interdictions d'exercer une activité visées à l'art. 67, al. 3 et 4, P-CP ne portentpas sur toutes les activités professionnelles ou non professionnelles organisées,
mais uniquement sur celles impliquant des contacts réguliers avec des mineurs ou autres personnes particulièrement vulnérables. L'interdiction visée à l'art. 67, al. 4bis P-CP, porte sur toutes les activités professionnelles ou non professionnelles organisées dans le domaine de la santé impliquant des contacts directs avec des patients.

Seuls les métiers qui ne peuvent être exercés qu'avec des personnes protégées seront, de fait, totalement interdits (par ex. enseignant du primaire ou éducateur de la petite enfance). Dans les autres cas, le métier ne sera pas interdit dans sa totalité. Un médecin faisant l'objet d'une interdiction au sens de l'art. 67, al. 4bis, P-CP aura ainsi l'interdiction d'exercer comme praticien. Il pourra cependant encore exercer des activités professionnelles dans la recherche médicale ou en laboratoire s'il n'y a pas de contacts directs avec des patients.

5964

FF 2016

De même, les activités exercées en relation avec la liberté de conscience et de croyance ou les activités de loisirs en relation avec la liberté personnelle ne seront pas entièrement interdites, mais uniquement certaines tâches ou les tâches effectuées en contact avec certaines personnes. Par ailleurs, l'interdiction ne portera que sur les activités non professionnelles organisées. Elle ne concernera pas les activités exercées dans un cadre strictement privé.

Interdictions systématiques d'exercer une activité Si l'auteur a commis une infraction sexuelle à l'encontre d'une personne protégée et qu'il a pour cela été frappé d'une peine ou d'une mesure (art. 59 à 61, 63 ou 64, CP), l'interdiction à vie d'exercer une activité au sens de l'art. 67, al. 3, 4 ou 4bis, P-CP sera la conséquence systématique de cette condamnation.

Pour les cas de très peu de gravité, une clause d'exception est proposée à l'art. 67, al. 4ter, P-CP. Elle permettra au juge de vérifier au cas par cas pour certaines infractions sexuelles si l'interdiction d'exercer une activité est nécessaire pour détourner l'auteur d'autres infractions passibles de cette même mesure. Si tel n'est pas le cas, le juge pourra, à titre exceptionnel, renoncer à prononcer l'interdiction (voir ch. 1.3.7 et commentaire de l'art. 67 P-CP). Sans clause d'exception, il y aurait en pratique des situations où l'interdiction proposée pourrait être considérée comme une mesure disproportionnée. Ce serait par exemple le cas si l'auteur n'avait commis qu'une infraction sexuelle de peu de gravité (exhibitionnisme, art. 194 CP ou désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel, art. 198 CP).

Toutefois, cet écueil ne pourra pas être évité dans tous les cas, car les conditions d'application de la clause d'exception sont très strictes.

Autre concession au principe de proportionnalité: le cercle des auteurs concernés sera limité aux seuls adultes; il n'y aura pas d'interdiction systématique et à vie d'exercer une activité dans le droit pénal des mineurs (voir ch. 1.3.2).

Absence de peine minimale Contrairement à l'actuel art. 67, al. 3 et 4, CP, le juge devra obligatoirement prononcer une interdiction systématique et à vie d'exercer une activité, quelle que soit la peine infligée à l'auteur. Il ne pourra pas prendre en compte la gravité de
l'infraction, sauf si les conditions de la clause applicable aux cas de très peu de gravité sont réunies. Du coup, l'interdiction d'exercer une activité pourra se révéler une mesure disproportionnée en cas de peine légère, surtout du point de vue de la proportionnalité au sens étroit (voir ci-dessus).

Le principe de la proportionnalité est pris en compte dans la mesure où le juge ne pourra pas prononcer d'interdiction à vie d'exercer une activité s'il renonce à toute sanction (en se fondant par ex. sur l'art. 187, al. 3, CP, qui se réfère aux amours adolescentes; art. 52 à 54 CP; voir point 1.3.4).

Il l'est aussi avec la clause proposée pour les cas de très peu de gravité.

5965

FF 2016

Interdictions à vie Le juge devra obligatoirement prononcer une interdiction systématique et à vie d'exercer une activité, quels que soient la gravité de l'infraction et le pronostic individuel concernant l'auteur. Il est donc probable que bon nombre de ces interdictions seront disproportionnées en termes de durée. La mesure ne devrait en effet perdurer que tant qu'il y a lieu de craindre que l'auteur commette une nouvelle infraction sexuelle dans l'exercice de l'activité concernée. La clause proposée pour les cas de très peu de gravité ne changera pas fondamentalement cet aspect des choses.

Cet aspect sera, du moins partiellement, pris en compte lors de l'organisation de l'exécution des interdictions, mais dans bien des cas il apparaîtra sans doute, dès le jugement, qu'une interdiction à vie n'est pas nécessaire pour écarter le risque que représente l'auteur.

Possibilité ultérieure de réexaminer l'interdiction L'art. 5, par. 4, CEDH ne garantit le droit à un examen périodique qu'aux personnes frappées par une sanction entraînant une privation de liberté145. Cependant, en vertu du principe de proportionnalité, le réexamen dans le cadre du CP concerne non seulement les sanctions entraînant une privation de liberté, mais aussi (au titre d'un renouvellement formel et périodique) les mesures de traitement ambulatoire, la mise à l'épreuve, les règles de conduite et l'assistance de probation. Par analogie, il convient de prévoir une possibilité de réexamen pour l'interdiction d'exercer une activité.

L'interdiction générale d'exercer une activité (art. 67, al. 1 CP; art. 50, al. 1, CPM), l'interdiction de contact et l'interdiction géographique en vigueur (art. 67b CP; art. 50b CPM) bénéficient actuellement des mêmes règles sur le réexamen que l'ancienne interdiction d'exercer une profession (art. 67c, al. 4 et 5, let. a, CP; art. 50c, al. 4 et 5, let. a, CPM; voir ch. 1.1.2).

Des délais plus longs s'appliquent aux interdictions qualifiées en vigueur au nom de la protection des mineurs et des autres personnes particulièrement vulnérables (art. 67c, al. 5, let. b à d, CP; art. 50c, al. 5, let. b à d, CP; voir ch. 1.1.2).

Le projet prévoit également, dans certains cas, des possibilités de réexamen pour l'interdiction proposée (voir ch. 1.3.10 et commentaire de l'art. 67c P-CP). Le but est de tenir compte,
dans une certaine mesure, du principe de proportionnalité dans le cadre de l'exécution.

Mais ces possibilités n'empêcheront pas totalement que dans certains cas, l'interdiction proposée constitue une mesure disproportionnée. D'une part, le juge sera obligé, sauf dans les cas strictement délimités remplissant les conditions de la clause d'exception, de prononcer l'interdiction à vie sans pouvoir tenir compte des circonstances particulières à chaque cas (voir les exemples cités plus haut). D'autre part, l'auteur ne pourra demander un réexamen qu'après dix ans. En raison de cette 145

Toute personne privée de liberté en raison notamment de caractéristiques personnelles telles que l'aliénation, l'alcoolisme ou la toxicomanie ou en raison d'autres circonstances altérables a systématiquement droit à l'examen périodique de la légalité de sa détention.

5966

FF 2016

longue durée, en particulier lorsqu'une interdiction est prononcée en raison d'une infraction légère et peu concrète (exhibitionnisme, art. 194 CP; pornographie au sens de l'art. 197, al. 2, 1re phrase, CP et désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel, art. 198 CP), on assisterait à des cas où une mesure disproportionnée serait maintenue. En effet, vu leur sanction, ces trois infractions présentent un degré d'illicéité relativement faible. Il en va de même avec les délits punis d'une peine modérée.

5.1.3

Frein aux dépenses

Le projet n'est pas soumis au frein aux dépenses de l'art. 159, al. 3, let. b, Cst., car il ne contient pas de dispositions relatives à des subventions, des crédits d'engagement ou des plafonds de dépenses.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales

5.2.1

Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)146

L'art. 6 CEDH confère à toute personne le droit de faire trancher par un tribunal les contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. L'interdiction d'exercer une activité (ou l'interdiction d'exercer une profession) affecte un droit de caractère civil, selon une jurisprudence constante147; l'art. 6 s'applique, pour ce qui concerne l'aspect de droit civil, dès lors qu'il est possible qu'une interdiction d'exercer une profession soit ordonnée dans la procédure148. Or le projet prévoit que l'interdiction d'exercer une activité est prononcée par le juge.

Il satisfait donc à l'art. 6 CEDH sans qu'il soit même besoin d'examiner plus avant si cet article est aussi applicable à l'interdiction d'exercer une activité non professionnelle. Les activités professionnelles d'une personne peuvent être considérées comme relevant de sa vie privée (art. 8 CEDH149)150, mais la convention ne garantit pas le droit à une activité professionnelle Il peut y avoir ingérence dans la vie privée si l'interdiction d'activités de nature professionnelle s'étend dans une très large mesure à l'exercice d'une telle activité dans le cadre de la vie privée151. Une autorité publique ne peut restreindre l'exercice du droit à la vie privée que pour autant que cette restriction se fonde sur une base 146 147 148 149

RS 0.101 Voir notamment l'arrêt de la CEDH du 28 juin 1978, affaire König, A/28.

Voir notamment l'arrêt de la CEDH du 15 décembre 2005, Hurter c. Suisse, no 53146/99.

Selon l'art. 8, CEDH, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

150 Arrêt de la Cour EDH du 16 décembre 1992, Niemietz c. Allemagne, A/251 B.

151 Meyer-Ladewig, Handkommentar EMRK, 2e éd., 2006, ad art. 8 no 9; arrêts de la Cour EDH du 27 juillet 2004, Sidabras et al. c. Lituanie, n o 55480/00 et 59330/00, ACEDH 2004-VII.

5967

FF 2016

légale suffisante et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire pour atteindre l'un des buts énumérés à l'art. 8, par. 2, CEDH (sécurité nationale ou publique, bien-être économique du pays, défense de l'ordre, prévention des infractions pénales, protection de la santé ou de la morale, protection des droits et libertés d'autrui). Il est donc nécessaire que le besoin de prendre la mesure en question se fasse socialement parlant impérativement ressentir pour permettre d'atteindre un but reconnu. Il s'agit là d'une consécration du principe de proportionnalité. Dans ce contexte, la Cour EDH accorde une grande importance à l'effet déterminant d'une restriction, à la lourdeur d'une sanction ou au caractère définitif d'une obligation152. La restriction des garanties évoquées correspond au principe de proportionnalité tel qu'il existe dans le droit constitutionnel suisse.

La base légale et les buts inscrits à l'art. 8, par. 2, CEDH n'appellent pas ici de commentaires.

Le projet automatise au maximum l'interdiction d'exercer une activité. Si les conditions sont réunies, l'interdiction sera prononcée à vie systématiquement. Une clause d'exception permettra au juge, dans les cas de très peu de gravité, de renoncer à prononcer l'interdiction pour certaines infractions sexuelles (voir art. 67, al. 4 ter, P-CP). Il est toutefois prévisible que le caractère automatique de la sanction excédera dans certains cas ce que la Cour EDH qualifie de «nécessaire dans une société démocratique», et qu'elle jugera par conséquent contraire à l'art. 8 CEDH. On réduit certes légèrement ce risque en permettant à l'auteur de demander, après une certaine période d'exécution, la levée ou la limitation de l'interdiction d'exercer une activité, sauf s'il est pédophile. Les dispositions du projet ne permettront néanmoins pas une application tout à fait conforme à la CEDH, car le fait que l'interdiction soit automatiquement prononcée à vie pourrait dans certains cas être considéré comme disproportionné, malgré les possibilités de réexamen accordées en cours d'exécution. En outre, la longueur du délai qui devra s'écouler avant que l'auteur puisse demander un réexamen pourra être jugée disproportionnée dans certains cas.

5.2.2

Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels 153 (pacte ONU I)

Le droit au travail inscrit à l'art. 6 du pacte ONU I consacre l'obligation pour l'Etat partie de garantir à chacun la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté et notamment le droit de ne pas en être empêché illégalement 154.

La validité de ce droit n'est pas absolue. Il peut être restreint conformément à l'art. 4 du pacte ONU I si une loi le prévoit et que cette restriction est nécessaire «en vue de favoriser le bien-être général dans une société démocratique»155.

152

Auer/Malinverni/Hottelier 2006, p. 115; voir aussi les arrêts de la Cour EDH du 26 septembre 1995, Vogt c. Allemagne, § 54 ss, et du 22 mai 2008, Emre c. Suisse, § 85 s.

153 RS 0.103.1 154 Comité des Droits économiques, sociaux et culturels, Le droit au travail, Observation générale no 18, adoptée le 24 nov. 2005, § 4.

155 Kälin/Künzli 2013, p. 506.

5968

FF 2016

Pour les raisons mentionnées plus haut (voir ch. 5.2.1), l'interdiction d'exercer une activité proposée dans l'avant-projet pourrait être incompatible avec le pacte dans certains cas.

5.2.3

Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques156 (pacte ONU II)

Les dispositions concernées du pacte ONU II (art. 14, 17 et 26) se recouvrent en grande partie avec celles de la CEDH (voir ch. 5.2.1).

5.2.4

Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant157

La Suisse s'engage par l'art. 19 de la convention à prendre des mesures pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié. Elle s'engage par l'art. 34 à protéger l'enfant contre toutes les formes d'exploitation sexuelle et de violence sexuelle.

Les nouvelles mesures proposées s'inscrivent dans la ligne de ces engagements.

5.2.5

Convention du Conseil de l'Europe du 25 octobre 2007 sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (convention de Lanzarote)158

Selon l'art. 5, par. 3, de la convention de Lanzarote, entrée en vigueur le 1 er juillet 2014 pour la Suisse, chaque partie «prend les mesures législatives ou autres nécessaires, conformément à son droit interne, pour que les conditions d'accès aux professions dont l'exercice comporte de manière habituelle des contacts avec les enfants permettent de s'assurer que les candidats à ces professions n'ont pas été condamnés pour des actes d'exploitation ou d'abus sexuels concernant des enfants».

La Suisse a déjà en grande partie donné suite à cet engagement en adoptant la loi fédérale du 13 décembre 2013 sur l'interdiction d'exercer une activité, l'interdiction de contact et l'interdiction géographique, entrée en vigueur le 1er janvier 2015.

156 157 158

RS 0.103.2 RS 0.107 RS 0.311.40

5969

FF 2016

Ouvrages Aubert Jean-François/Mahon Pascal, 2003, Petit commentaire de la Constitution fédérale, Zurich; Bâle; Genève: Schulthess, 2003.

Auer Andreas/Malinverni Giorgio/Hottelier Michel, 2006, Droit constitutionnel suisse, volume II, Les droits fondamentaux, 2e édition, Berne: Stämpfli, 2006.

Diagnostisches und Statistisches Manual Psychischer Störungen DSM-5®, 2015, version allemande publiée par Peter Falkai/Hans-Ulrich Wittchen et al., Göttingen; Berne; Vienne; Paris; Oxford; Prague; Toronto; Boston; Amsterdam; Copenhague; Stockholm; Florence; Helsinki: Hofgrefe, 2015.

Göksu Tarkan, 2015 in: B. Waldmann/E. M. Belser/A. Epiney (éd.), Basler Kommentar Bundesverfassung, Bâle: Helbing Lichtenhahn, 2015.

Gruber Patrik, 2013, in: M. A. Niggli/H. Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar Strafrecht II, 3e édition, Bâle: Helbing Lichtenhahn, 2013.

Häfelin Ulrich/Haller Walter/Keller Helen, 2012, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 8e édition, Zurich: Schulthess, 2012.

Hangartner Yvo, 2010, Unklarheiten bei Volksinitiativen. Bemerkungen aus Anlass des neuen Art. 121 Abs. 3­6 BV (Ausschaffungsinitiative), PJA 2010.

Hansjakob Thomas, 2014, Zahlen und Fakten zum Strafbefehlsverfahren, forumpoenale 3/2014.

Heer Marianne/Habermeyer Elmar, 2013 in: M. A. Niggli/H. Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar Strafrecht I, 3e éd., Bâle: Helbing Lichtenhahn, 2013.

Kälin Walter/Künzli Jörg, 2013, Universeller Menschenrechtsschutz, Der Schutz des Individuums auf globaler und regionaler Ebene, 3e édition, Bâle: Helbing Lichtenhahn, 2013.

Maier Philipp, 2013 in: M. A. Niggli/H. Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar Strafrecht I, 3e édition; Bâle: Helbing Lichtenhahn, 2013.

Moser Werner, 1986, Unterschätzte Bundesverfassung?, RDS 1986, cahier 4.

Muggli Sandra, 2014, Im Netz ins Netz ­ Pädokriminalität im Internet und der Einsatz von verdeckten Ermittlern und verdeckten Fahndern zu deren Bekämpfung, Zürcher Studien zum Strafrecht, Zurich; Bâle; Genève: Schulthess, 2014.

Müller Jörg Paul, 2010, Wie wird sich das Bundesgericht mit dem Minarettverbot der BV auseinandersetzen?, in: Jusletter 01.03.2010.

Müller Jörg Paul/Schefer Markus, 2008, Grundrechte in der Schweiz im Rahmen der Bundesverfassung, der EMRK und der UNO-Pakte, 4e édition, Berne: Stämpfli, 2008.

Niggli Marcel Alexander/Maeder Stefan, 2013, in:
M. A. Niggli/H. Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar Strafrecht I, 3e édition; Bâle: Helbing Lichtenhahn, 2013.

Riedo Christof, 2013 in: M. A. Niggli/H. Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar Strafrecht I, 3e édition; Bâle: Helbing Lichtenhahn, 2013.

5970

FF 2016

Reich Johannes, 2008, Verletzt die «Ausschaffungsinitiative» zwingende Bestimmungen des Völkerrechts?, RDS 127, 2008, I.

Rhinow René/Schefer Markus, 2009, Schweizerisches Verfassungsrecht, 2 e édition, Bâle: Helbing Lichtenhahn, 2009.

Schneider M. Roland/Garré Roy, 2013 in: M. A. Niggli/H. Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar Strafrecht I, 3e édition; Bâle: Helbing Lichtenhahn, 2013.

Schweizer Rainer J., 2008, in: Die schweizerische Bundesverfassung, Kommentar, Bernhard Ehrenzeller/Philippe Mastronardi/Rainer J. Schweizer/Klaus A. Vallender (éd.), 2e édition, Zurich: Dike, 2008.

Stratenwerth Günter/Jenny Guido/Bommer Felix, 2010, Schweizerisches Strafrecht Besonderer Teil I: Straftaten gegen Individualinteressen, 7e édition, Berne: Stämpfli, 2010.

Trechsel Stefan/Pieth Mark 2012 in: S. Trechsel/M. Pieth (éd.), Schweizerisches Strafgesetzbuch ­ Praxiskommentar, 2e éd., Zurich: Dike, 2012.

Tschannen Pierre, 2011, Staatsrecht der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 3e édition, Berne: Stämpfli, 2011.

5971

FF 2016

Autres documents Rapport sur l'interdiction d'exercer une activité, interdiction de contact et interdiction géographique: rapport explicatif concernant une modification de la Constitution, du code pénal, du code pénal militaire et du droit pénal des mineurs (interdiction d'exercer une activité, interdiction de contact et interdiction géographique). Consultable à l'adresse: www.ofj.admin.ch > sécurité > projets législatifs en cours > interdiction professionnelle Rapport sur la relation entre droit international et droit interne: La relation entre droit international et droit interne. Rapport du Conseil fédéral du 5 mars 2010 en réponse au postulat 07.3764 de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats du 16 octobre 2007 et au postulat 08.3765 de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 20 novembre 2008, FF 2010 2067.

Message du 21 septembre 1998 concernant la modification du code pénal suisse (dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal) et du code pénal militaire ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, FF 1999 1787 Message concernant l'approbation de la convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (convention de Lanzarote) et sa mise en oeuvre (modification du code pénal), FF 2012 7051.

Message sur la Constitution: Message relatif à une nouvelle constitution fédérale du 20 novembre 1996, FF 1997 I 1.

Message concernant la mise en oeuvre de l'initiative sur le renvoi: Message du 26 juin 2013 concernant une modification du code pénal et du code pénal militaire (Mise en oeuvre de l'art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels), FF 2013 5373.

Message relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants»: Message du 10 octobre 2012 relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants» et à la loi fédérale sur l'interdiction d'exercer une activité, l'interdiction de contact et l'interdiction géographique (modification du code pénal, du code pénal militaire et du droit pénal des mineurs) en tant que contre-projet indirect, FF 2012 8151.

Explications du Conseil fédéral: Votation populaire du 18 mai 2014. Explications du Conseil fédéral -
arrêté fédéral concernant les soins médicaux de base (contre-projet direct à l'initiative populaire «Oui à la médecine de famille», qui a été retirée); initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants»; initiative populaire «Pour la protection de salaires équitables (Initiative sur les salaires minimums)»; loi fédérale sur le fonds d'acquisition de l'avion de combat Gripen. Consultable à l'adresse www.parlement.ch > Elections et votes > Votations populaires > Votations populaires 2014 > Votation populaire du 18 mai 2014 > Explications du Conseil fédéral.

5972

FF 2016

Synthèse des résultats de la procédure de consultation sur le rapport et les avantprojets de modification de la Constitution, du code pénal, du code pénal militaire et du droit pénal des mineurs (interdiction d'exercer une activité, interdiction de contact et interdiction géographique), novembre 2011. Consultable à l'adresse: www.ofj.admin.ch > sécurité > projets législatifs en cours > interdiction professionnelle Synthèse des résultats de la procédure de consultation sur le rapport et l'avant-projet de modification du code pénal et du code pénal militaire (mise en oeuvre de l'art.

123c Cst.), février 2016. Consultable à l'adresse: www.ofj.admin.ch > sécurité > projets législatifs en cours > interdiction professionnelle

5973

FF 2016

5974