16.073 Message concernant l'initiative populaire «Pour des denrées alimentaires saines et produites dans des conditions équitables et écologiques (initiative pour des aliments équitables)» du 26 octobre 2016

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire «Pour des denrées alimentaires saines et produites dans des conditions équitables et écologiques (initiative pour des aliments équitables)», en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

26 octobre 2016

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Johann N. Schneider-Ammann Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2016-1701

8151

Condensé L'initiative populaire «Pour des denrées alimentaires saines et produites dans des conditions équitables et écologiques (initiative pour des aliments équitables)» réclame plus d'équité concurrentielle et plus de justice dans l'économie mondialisée. Le Conseil fédéral la rejette, car la Constitution en vigueur permet déjà d'atteindre les objectifs visés. En outre, l'initiative est incompatible avec les engagements internationaux de la Suisse et elle ne serait guère applicable.

Contenu de l'initiative L'initiative pour des aliments équitables, déposée le 26 novembre 2015, vise à ce que la Confédération renforce l'offre de denrées alimentaires sûres, de bonne qualité et produites dans le respect de l'environnement, des ressources et des animaux, ainsi que dans des conditions de travail équitables. Cette revendication porte également sur les importations. L'initiative exige en outre une réduction des incidences négatives du transport et de l'entreposage sur l'environnement et des mesures pour endiguer le gaspillage de denrées alimentaires.

Avantages et inconvénients Le Conseil fédéral approuve l'idée directrice de l'initiative. Il poursuit en effet des objectifs semblables pour la production indigène de denrées alimentaires, en se basant sur la législation existante ou en cours d'élaboration dans les domaines concernés. De nouvelles bases constitutionnelles ne sont pas nécessaires à cet effet.

En ce qui concerne la production indigène, la majorité des buts de l'initiative est déjà atteinte ou des démarches sont en cours pour y parvenir.

La revendication selon laquelle les produits agricoles importés utilisés comme denrées alimentaires devraient en principe satisfaire aux exigences de l'initiative pose par contre des problèmes. Il est vrai que des mesures s'imposent pour ce qui est des denrées alimentaires importées. En effet, une part essentielle des atteintes à l'environnement dues à l'alimentation en Suisse sont causées à l'étranger. La Suisse s'emploie donc à faire des efforts pour réduire les atteintes causées à l'environnement par les denrées alimentaires importées.

Toutefois, l'approche proposée par l'initiative provoque des conflits avec la politique commerciale menée par la Suisse sur les plans national et international et avec ses engagements pris envers l'Organisation mondiale
du commerce (OMC), l'UE et les pays avec lesquels elle a conclu des accords de libre-échange. L'acceptation de l'initiative créerait de nouveaux obstacles au commerce et remettrait en question les avantages des accords internationaux pour la Suisse. L'application de l'initiative serait elle aussi très problématique. Il faudrait à cette fin élaborer et mettre en place de nouveaux systèmes de contrôle lourds et coûteux. Cela aurait un impact sur les prix, tout comme l'exigence de n'importer que des denrées alimentaires qui correspondent aux normes fixées par le comité d'initiative. L'initiative pose donc également des problèmes dans le contexte de l'îlot de cherté suisse.

8152

Proposition du Conseil fédéral Par le présent message, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire «Pour des denrées alimentaires saines et produites dans des conditions équitables et écologiques (initiative pour des aliments équitables)» sans proposer de contre-projet direct ou indirect.

8153

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Table des matières Condensé

8152

1

Aspects formels et validité de l'initiative 1.1 Texte 1.2 Aboutissement et délais de traitement 1.3 Validité

8155 8155 8156 8156

2

Contexte

8157

3

Objectifs et contenu 3.1 Objectifs visés 3.2 Contenu de la réglementation proposée 3.3 Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

8157 8157 8158 8158

4

Cadre juridique dans les domaines concernés par l'initiative 4.1 Denrées alimentaires 4.2 Protection des animaux 4.3 Agriculture 4.4 Protection des eaux et de l'environnement, loi sur le CO2

8163 8163 8164 8165 8166

5

Contexte politique de l'initiative 5.1 Initiative populaire «Pour la sécurité alimentaire» 5.2 Initiative populaire «Pour la souveraineté alimentaire.

L'agriculture nous concerne toutes et tous.»

8168 8168

6

Appréciation de l'initiative 6.1 Appréciation du but général de l'initiative 6.1.1 Exigences mises en oeuvre ou en voie de mise en oeuvre 6.1.2 Objectifs non atteints ou partiellement atteints 6.1.3 Nécessité de dispositions constitutionnelles supplémentaires 6.2 Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse 6.2.1 Droit de l'OMC 6.2.2 Accords bilatéraux avec l'UE 6.2.3 Accords avec d'autres partenaires 6.3 Conséquences en cas d'acceptation de l'initiative 6.4 Avantages et inconvénients

8169 8169 8169 8173

Conclusions

8184

7

Arrêté fédéral sur l'initiative populaire «Pour des denrées alimentaires saines et produites dans des conditions équitables et écologiques (initiative pour des aliments équitables)» (Projet)

8154

8168

8176 8177 8177 8180 8181 8182 8183

8187

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Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte

L'initiative pour des aliments équitables a la teneur suivante: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 104a

Denrées alimentaires

La Confédération renforce l'offre de denrées alimentaires sûres, de bonne qualité et produites dans le respect de l'environnement, des ressources et des animaux, ainsi que dans des conditions de travail équitables. Elle fixe les exigences applicables à la production et à la transformation.

1

Elle fait en sorte que les produits agricoles importés utilisés comme denrées alimentaires répondent en règle générale au moins aux exigences de l'al. 1; elle vise à atteindre cet objectif pour les denrées alimentaires ayant un degré de transformation plus élevé, les denrées alimentaires composées et les aliments pour animaux. Elle privilégie les produits importés issus du commerce équitable et d'exploitations paysannes cultivant le sol.

2

Elle veille à la réduction des incidences négatives du transport et de l'entreposage des denrées alimentaires et des aliments pour animaux sur l'environnement et le climat.

3

4

Ses compétences et ses tâches sont notamment les suivantes: a.

elle légifère sur la mise sur le marché des denrées alimentaires et des aliments pour animaux ainsi que sur la déclaration de leurs modes de production et de transformation;

b.

elle peut réglementer l'attribution de contingents tarifaires et moduler les droits à l'importation;

c.

elle peut conclure des conventions d'objectifs contraignantes avec le secteur des denrées alimentaires, notamment avec les importateurs et le commerce de détail;

d.

elle encourage la transformation et la commercialisation de denrées alimentaires issues de la production régionale et saisonnière;

e.

elle prend des mesures pour endiguer le gaspillage des denrées alimentaires.

Le Conseil fédéral fixe des objectifs à moyen et à long termes et rend compte régulièrement de l'état de leur réalisation. Si ces objectifs ne sont pas atteints, il prend des mesures supplémentaires ou renforce celles qui ont été prises.

5

1

RS 101

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Art. 197, ch. 122 12. Disposition transitoire ad art. 104a (Denrées alimentaires) Si aucune loi d'application n'entre en vigueur dans les trois ans après l'acceptation de l'art. 104a par le peuple et les cantons, le Conseil fédéral édicte les dispositions d'exécution par voie d'ordonnance.

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative pour des aliments équitables a fait l'objet d'un examen préliminaire 3 par la Chancellerie fédérale le 27 mai 2014 et a été déposée le 26 novembre 2015 munie des signatures nécessaires.

Par décision du 8 décembre 2015, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative populaire, pourvue de 105 540 signatures valables, avait abouti4.

L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose pas de contre-projet direct ou indirect. Aux termes de l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)5, le Conseil fédéral a jusqu'au 26 novembre 2016 pour soumettre un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message au Parlement. En vertu de l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale doit statuer sur l'initiative d'ici au 26 mai 2019.

1.3

Validité

L'initiative remplit les critères de validité fixés à l'art. 139, al. 3, de la Constitution (Cst.)6:

2 3 4 5 6

a.

Elle est présentée sous la forme d'un projet entièrement rédigé et respecte le principe de l'unité de la forme.

b.

Les différentes parties de l'initiative présentent un lien objectif entre elles.

Le principe de l'unité de la matière est donc aussi respecté.

c.

Elle ne porte atteinte à aucune règle impérative du droit international. Elle remplit ainsi le critère de la compatibilité avec le droit international.

La numérotation définitive de la présente disposition transitoire sera fixée par la Chancellerie fédérale après le scrutin.

FF 2014 3525 FF 2015 8527 RS 171.10 RS 101

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2

Contexte

C'est un comité soutenu par les Verts (Parti écologiste suisse) qui a lancé l'initiative pour des aliments équitables. Selon l'argumentaire du comité d'initiative7, le libreéchange conduit au dumping environnemental et social. La Suisse importe environ la moitié des denrées alimentaires qu'elle consomme. Selon les auteurs de l'initiative, cela pose toute une série de problèmes: nous trouvons sur nos étals des aliments issus de la production industrielle de masse et donc produits selon des méthodes non admises en Suisse ou très problématiques pour l'environnement. Obtenues au détriment des humains, des animaux et de l'environnement, ces denrées se vendent à vil prix sur les marchés mondiaux. Les pratiques industrielles, basées sur les monocultures, l'élevage industriel et les produits chimiques, ruinent la fertilité des sols et la biodiversité. En plus, elles imposent souvent des conditions de travail et de vie extrêmement précaires aux employés agricoles. La concurrence des produits à bas prix imposée par l'industrie agro-alimentaire entraîne un dumping écologique et social et fait pression sur les normes de qualité des aliments. Les paysans en font les frais, comme les consommateurs. Cette situation pourrait encore empirer avec l'accord de libre-échange transatlantique entre l'Union européenne et les États-Unis (TTIP).

3

Objectifs et contenu

3.1

Objectifs visés

Le comité d'initiative est d'avis que le commerce mondial des denrées alimentaires a besoin de règles écologiques et sociales claires 8. L'initiative pour des aliments équitables mise sur une concurrence équitable et une mondialisation plus juste, en exigeant que les denrées alimentaires importées satisfassent aux mêmes normes que celles produites en Suisse:

7 8

1.

Il faudrait en principe n'admettre sur le marché suisse que les denrées alimentaires produites dans le respect des normes suisses de protection de l'environnement et des animaux et dans des conditions de travail équitables.

Donc pas d'importation de viande provenant de fabriques d'animaux, pas d'oeufs de poules en batterie et pas de légumes récoltés par des ouvriers payés un salaire de misère ou empoisonnés par des pesticides.

2.

En outre, il faudrait accorder un avantage commercial aux marchandises produites dans le respect de la nature, provenant d'exploitations paysannes, faisant l'objet d'un commerce équitable et conformes à la production et à la transformation régionales et saisonnières. L'initiative exige aussi une réduction des incidences négatives du transport et de l'entreposage sur l'environnement et des mesures pour endiguer le gaspillage de denrées alimentaires.

Elle revendique enfin plus de transparence pour les consommateurs.

L'argumentaire est disponible sur www.verts.ch > Campagnes > Initiative pour des aliments équitables > Downloads > Argumentaire (état: 27 mai 2014).

Source: voir note de bas de page 7.

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Selon ses auteurs, l'initiative pour des aliments équitables permet de rendre le marché plus équitable pour les denrées alimentaires issues d'une production durable.

C'est un avantage pour les producteurs, les consommateurs, l'environnement et la société, et cela en Suisse et dans le monde, partout où de la nourriture est produite pour nous.

3.2

Contenu de la réglementation proposée

Selon le rapport explicatif du comité sur le texte de l'initiative9, celle-ci propose un article complet et ciblé sur les denrées alimentaires, qui ne sont pour l'instant mentionnées dans la Constitution qu'aux art. 104 (Agriculture) et 118 (Protection de la santé). Cependant, ces deux articles recouvrent uniquement deux aspects particuliers des denrées alimentaires: leur production par l'agriculture suisse et la protection de la santé.

De l'avis des auteurs de l'initiative, le nouvel article constitutionnel, obéissant à une approche globale, se réfère aussi à d'autres domaines du droit, pertinents pour une production équitable de produits agricoles et de denrées alimentaires transformées, c'est-à-dire notamment aux législations relatives à la protection des animaux, aux douanes, à l'environnement, à la protection des eaux, à la protection de la nature et du paysage et au travail. Or, les efforts d'ores et déjà déployés dans ces domaines vont dans la direction souhaitée par le comité d'initiative (voir ch. 6).

3.3

Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

Deux initiatives, «Pour des aliments équitables» et «Pour la sécurité alimentaire», prévoient l'inscription d'un nouvel art. 104a dans la Constitution. La Chancellerie fédérale devrait adapter la numérotation des articles en cas d'acceptation des deux initiatives par le peuple et les cantons; les nouvelles dispositions constitutionnelles porteraient le cas échéant les numéros 104a et 104b.

Art. 104a, al. 1 L'al. 1 du texte de l'initiative donne à la Confédération le mandat général de renforcer l'offre de denrées alimentaires sûres, de bonne qualité et produites dans le respect de l'environnement, des ressources et des animaux, ainsi que dans des conditions de travail équitables. En outre, la Confédération devrait fixer des exigences en matière de production et de transformation.

Le terme «renforcer» requiert une interprétation. Le rapport explicatif du comité d'initiative ne permet pas de conclure définitivement si l'on entend par là que les exigences doivent être relevées en permanence au fil du temps, mais c'est ce que permet de déduire le commentaire de l'art 104a, al. 1: les normes de la production intégrée (PI) pourraient servir de référence à la fixation d'exigences à court et à 9

Le rapport explicatif est disponible sur www.verts.ch > Campagnes > Initiative pour des aliments équitables > Downloads > Rapport explicatif (état: 27 mai 2014).

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moyen termes, mais, à long terme, il faudrait s'efforcer d'atteindre le niveau de l'agriculture biologique (bio)10.

Quant à la notion d'offre, elle se réfère probablement à l'ensemble des denrées alimentaires proposées aux consommateurs en Suisse, qu'elles soient importées ou non.

Le terme «qualité» ne figure ni dans la loi du 9 octobre 1992 sur les denrées alimentaires (LDAl)11 encore en vigueur, ni dans la nouvelle LDAl du 20 juin 2014 12, qui a déjà été adoptée, mais qui n'est pas encore entrée en vigueur. Cependant, ce terme est mentionné à l'art. 104, al. 3, let. c, Cst. et sert de base à la stratégie en matière de qualité dans l'agriculture13. Selon le ch. 2.2.1 du message du 1er février 2012 concernant l'évolution future de la politique agricole dans les années 2014 à 2017 (Politique agricole 2014­2017)14, la notion de qualité comprend la qualité du produit, au sens le plus large, mais aussi les aspects relatifs au mode de production (par ex. PI, bio, bien-être des animaux) et la qualité des processus. Alors que par mode de production, on entend principalement la qualité de la production dans l'exploitation agricole, la qualité des processus se réfère à la qualité des processus de fabrication et de distribution tout au long de la chaîne de création de valeur, y compris l'assurance qualité et le contrôle. Si l'utilisation efficace des ressources naturelles comme l'énergie ou l'eau est prioritaire pour la production durable et pour les processus, la sécurité alimentaire est essentielle à la qualité des denrées alimentaires.

Quant à l'expression «produites dans le respect de l'environnement, des ressources et des animaux, ainsi que dans des conditions de travail équitables», le comité d'initiative renvoie dans son rapport explicatif aux objectifs environnementaux de la Confédération pour l'agriculture de 200815, qui concernent différents textes: plusieurs lois (loi du 29 avril 1998 sur l'agriculture [LAgr]16, loi fédérale du 24 janvier 1991 sur la protection des eaux17, loi du 7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement [LPE]18, loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage19, loi du 23 décembre 2011 sur le CO220), les normes de la législation en vigueur relative à la protection des animaux et les normes fondamentales en matière de travail fixées dans
huit accords de l'Organisation internationale du travail (OIT). Ces dernières comprennent l'interdiction du travail forcé et du travail des enfants, l'égalité salariale pour hommes et femmes, et la liberté syndicale des employés de l'agriculture. Selon le comité d'initiative, c'est l'art. 5 LAgr qui

10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20

Source: voir note de bas de page 9.

RS 817.0 FF 2014 4949 Des informations détaillées sur la stratégie en matière de qualité dans le domaine agricole sont disponibles sur www.ofag.admin.ch > Stratégie qualité.

FF 2012 1857 Les objectifs environnementaux sont disponibles sur www.ofev.admin.ch > Publications, médias > Publications > Biodiversité > Objectifs environnementaux pour l'agriculture.

RS 910.1 RS 814.20 RS 814.01 RS 451 RS 641.71

8159

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sert de référence en matière de revenu paysan, lequel doit être comparable à celui de la population active dans les autres secteurs économiques de la même région 21.

L'al. 1, 2e phrase, prévoit que la Confédération fixe les exigences applicables à la production et à la transformation des denrées alimentaires. Selon le rapport explicatif du comité d'initiative, ces exigences doivent s'appliquer à la qualité, à la sécurité alimentaire, à la protection de l'environnement et des animaux et aux conditions de travail, qu'il s'agisse de la production indigène ou des produits importés22. En outre, elles doivent correspondre au moins aux dispositions légales en vigueur, ce qui toutefois ne ressort pas du texte de l'initiative.

Art. 104a, al. 2 Le texte fait la différence entre, d'une part, les produits agricoles importés et, d'autre part, les denrées alimentaires ayant un degré de transformation plus élevé, les denrées alimentaires composées et les aliments pour animaux.

Le terme «produits agricoles» provient de la LAgr. On entend par là les produits agricoles utilisables issus de la culture des végétaux et de la détention des animaux de rente. La délimitation avec les denrées alimentaires ayant un degré de transformation plus élevé et les denrées alimentaires composées ­ prévue dans le texte de l'initiative ­ permet de déduire que la notion de produits agricoles se réfère à des denrées alimentaires non transformées ou légèrement transformées.

La Confédération doit faire en sorte que les produits agricoles importés (c'est-à-dire les denrées alimentaires non transformées ou légèrement transformées telles que les céréales ou les fruits et légumes, ainsi que les matières premières légèrement transformées telles que la farine, le lait ou le vin) remplissent en règle générale au moins les exigences fixées à l'al. 1. Cette formulation permet des exceptions. Selon son rapport explicatif, le comité d'initiative souhaite que les exceptions restent possibles, comme les viandes casher ou halal, qui sont actuellement réglementées.

Le respect des exigences au sens de l'al. 1 et le contrôle qui s'y rapporte sont plus complexes et plus onéreux pour les denrées alimentaires ayant un degré de transformation plus élevé, les denrées alimentaires composées et les aliments pour animaux.

C'est pourquoi une mise en oeuvre
moins contraignante est prévue pour ces produits, comme le précise la formulation «vise à atteindre».

Enfin, la Confédération doit privilégier les produits importés issus du commerce équitable et d'exploitations paysannes cultivant le sol. Selon le comité d'initiative, cette disposition est dirigée contre les importations de produits issus de l'agriculture industrielle caractérisée par la monoculture et l'élevage intensif de masse.

21 22

Source: voir note de bas de page 9.

Source: voir note de bas de page 9.

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Art. 104a, al. 3 La Confédération veille à la réduction des incidences négatives du transport et de l'entreposage des denrées alimentaires et des aliments pour animaux sur l'environnement et le climat. Selon le rapport explicatif du comité d'initiative, les denrées alimentaires saisonnières et régionales y contribuent substantiellement.

Art. 104a, al. 4 L'al. 4 cite différentes compétences et tâches conférées à la Confédération.

L'énumération non exhaustive lui laisse une grande marge de manoeuvre.

Let. a Par «légiférer» sur la mise sur le marché des produits, on entend aussi bien des prescriptions adoptées par voie législative que des prescriptions prévoyant une procédure d'homologation par voie d'autorisation. Selon le rapport explicatif du comité sur le texte de l'initiative, il est à supposer qu'il s'agit en premier lieu d'homologations par voie d'autorisation: les auteurs affirment en effet que les dispositions sur la mise sur le marché sont un instrument courant qui permet d'assurer le respect des prescriptions en vigueur en matière de mise en circulation d'un produit.

S'agissant de l'étiquetage des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, le texte de l'initiative exige la déclaration de leurs modes de production et de transformation. Si, comme on peut le supposer, le terme «production» doit être compris dans une acception analogue à celle de l'al. 1, deuxième phrase, les indications concernant la qualité, la sécurité, la protection de l'environnement et des animaux et les conditions de travail sont également visées.

Let. b Cette compétence permettrait à la Confédération de définir des taux de taxation et des contingents tarifaires en vue d'imposer les importations, afin de mettre en oeuvre les dispositions des al. 1 à 3. Selon le rapport explicatif du comité sur le texte de l'initiative, il ne s'agit pas d'introduire des droits de douane supplémentaires, mais de lier l'avantage douanier à la production équitable de denrées alimentaires au sens de l'initiative.

Let. c Il est prévu de conférer à la Confédération la compétence d'obliger par exemple les importateurs ou les détaillants à faire en sorte qu'une certaine part de leur offre de denrées alimentaires réponde dans un certain délai à des exigences fixées par convention. La formulation choisie accorde une grande marge de
manoeuvre à la Confédération. Elle ne définit pas non plus les mesures à prendre si les objectifs fixés ne sont pas atteints. Le législateur devra probablement, le cas échéant, prendre les choses en main23.

23

Source: voir note de bas de page 9.

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Comme seul le secteur des denrées alimentaires est mentionné, cette compétence ne s'étend probablement pas à celui des aliments pour animaux, mais ce n'est pas sûr non plus, car l'énumération figurant à l'al. 4 n'est pas exhaustive.

Let. d Le comité d'initiative propose d'encourager par cette disposition les produits de saison et de la région, présentant à son avis le meilleur bilan écologique. Une taxe incitative sur le CO2 ou une étiquette énergétique sont selon lui des mesures envisageables à cette fin24.

Selon le rapport explicatif du comité sur le texte de l'initiative, il faudrait notamment pouvoir soutenir l'existence d'entreprises régionales, telles que des boucheries, des transformateurs de lait et des moulins à huile ou à céréales. Ce soutien ne devrait pas être financier, mais plutôt passer notamment par la mise à disposition avantageuse de sites d'implantation ou de crédits aux entreprises à la recherche de bâtiments.

Le texte de l'initiative limite la promotion des denrées alimentaires régionales et saisonnières à la transformation et à la commercialisation: la production n'est pas mentionnée. Cependant, on peut admettre que l'énumération non exhaustive des mesures à l'al. 4 permettrait d'encourager également la production régionale et saisonnière de denrées alimentaires.

Let. e Cette disposition confère à la Confédération la compétence de prendre des mesures pour endiguer le gaspillage des denrées alimentaires. Ces mesures pourraient concerner par exemple la production agricole, le commerce, les consommateurs ou l'industrie alimentaire. Sont notamment envisageables des prescriptions relatives à la taille des emballages, à la durée de conservation ou à l'utilisation de denrées alimentaires dont la date limite de conservation est dépassée.

Art. 104a, al. 5 Il n'est pas clair à quoi doivent se référer les objectifs à définir par le Conseil fédéral. Selon le rapport explicatif du comité sur le texte de l'initiative, celui-ci doit fixer un horizon temporel pour la réalisation des objectifs prévus à l'art. 104a, al. 1, pour les denrées alimentaires transformées et composées et veiller au respect du délai. Ce faisant, il devrait choisir des démarches différenciées selon l'étape de transformation ou en fonction de la composition. Selon les auteurs, les produits agricoles ne sont en
principe pas concernés par cet alinéa: les objectifs prévus pour ces produits doivent en effet être mis en oeuvre de manière contraignante dès l'entrée en vigueur de l'initiative.

Ces restrictions ne découlent pas du libellé de l'al. 5, qui laisse au Conseil fédéral une marge de manoeuvre illimitée pour fixer les objectifs.

24

Source: voir note de bas de page 9.

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Art. 197, ch. 12 Cette disposition a pour objectif de contrer une temporisation dans l'application de l'initiative. La législation d'application de l'initiative doit entrer en vigueur trois ans au plus tard après l'acceptation de cette dernière. Si tel n'était pas le cas, le Conseil fédéral devrait édicter des dispositions d'exécution par voie d'ordonnance.

Ces derniers temps, les dispositions de ce type ont été utilisées à plusieurs reprises dans des initiatives populaires (par ex. initiatives «contre les rémunérations abusives»25 ou «Contre l'immigration de masse»26).

4

Cadre juridique dans les domaines concernés par l'initiative

L'initiative a pour objectif d'obliger la Confédération à exercer des activités dans les domaines visés dans son texte. Afin de pouvoir apprécier dans quelle mesure il serait nécessaire d'intervenir en cas d'acceptation de l'initiative, les chapitres ci-dessous donnent un éclairage sur le cadre juridique pertinent. Ils mettent en évidence les bases constitutionnelles en vigueur dans les domaines concernés et les efforts concrets déjà déployés ou prévus, en vertu de ces bases, dans le sens de l'initiative.

4.1

Denrées alimentaires

Bases constitutionnelles en vigueur Les dispositions constitutionnelles pertinentes pour la législation concernant les denrées alimentaires sont les art. 97 (Protection des consommateurs et des consommatrices) et 118 (Protection de la santé) Cst. L'art. 97 Cst. permet à la Confédération de légiférer sur l'information des consommateurs et de régler la protection contre la tromperie. L'art. 118 Cst. lui confère la compétence de veiller à la sécurité des denrées alimentaires par voie législative.

Droit en vigueur et efforts en cours et envisagés Le droit sur les denrées alimentaires comprend des dispositions destinées à protéger les consommateurs contre les denrées alimentaires et objets usuels dangereux pour la santé. En outre, elle règle les conditions d'hygiène s'appliquant à la manipulation des denrées alimentaires et la protection contre la tromperie, y compris les règles d'étiquetage.

Le Parlement a adopté le 20 juin 2014 la nouvelle loi sur les denrées alimentaires, qui comprend une nouveauté: elle mentionne explicitement le principe de précaution. Les ordonnances relatives à cette nouvelle loi sont en cours de préparation. Il s'agit d'adapter les normes de sécurité aux connaissances scientifiques et techniques actuelles et de créer les conditions générales permettant à la Suisse de participer au 25 26

RO 2013 1303 RO 2014 1391

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système de sécurité alimentaire de l'UE. En outre, il est prévu d'introduire des règles d'étiquetage plus transparentes. Cela concerne par exemple les obligations de déclarer la valeur nutritive des denrées alimentaires ou d'indiquer leur provenance.

Les denrées alimentaires relèvent également de la loi fédérale du 5 octobre 1990 sur l'information des consommatrices et des consommateurs (LIC) 27. Celle-ci permet en plus de conclure des accords de droit privé sur la déclaration de modes de production et de transformation. Les organisations concernées, représentant l'économie et les consommateurs, peuvent se mettre d'accord sur les marchandises à déclarer et sur le mode de déclaration. Si elles ne parviennent pas à un accord dans un délai raisonnable ou si cet accord est insuffisamment respecté, le Conseil fédéral peut régler la déclaration par voie d'ordonnance.

Finalement, la modification du 21 juin 201328 de la loi du 28 août 1992 sur la protection des marques (LPM)29 et l'ordonnance du 2 septembre 2015 sur l'utilisation des indications de provenance suisses pour les denrées alimentaires (OIPSD)30 entreront en vigueur le 1er janvier 2017 (projet «swissness»). Ces nouvelles dispositions renforceront la protection des indications de provenance suisses et permettront aux consommateurs de comprendre quelles exigences doivent être remplies si la provenance suisse de denrées alimentaires est mise en avant.

4.2

Protection des animaux

Bases constitutionnelles en vigueur Les dispositions constitutionnelles pertinentes pour la législation concernant la protection des animaux sont les art. 80 (Protection des animaux) et 120 (Génie génétique dans le domaine non humain) Cst. L'art. 80 charge la Confédération de légiférer sur la protection des animaux (al. 1) et de régler en particulier l'importation d'animaux et de produits d'origine animale (al. 2, let. d).

Droit en vigueur et efforts en cours et envisagés La législation suisse sur la protection des animaux vise une protection très complète de la dignité et du bien-être de l'animal. Toute personne qui s'occupe d'animaux doit tenir compte au mieux de leurs besoins et veiller à leur bien-être dans la mesure où le but de leur utilisation le permet. Elle ne doit pas de façon injustifiée leur causer des douleurs, des maux ou des dommages, les mettre dans un état d'anxiété ou porter atteinte à leur dignité d'une autre manière. En vertu des art. 1 et 4 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur la protection des animaux (LPA) 31, il est interdit de maltraiter les animaux, de les négliger ou de les surmener inutilement.

27 28 29 30 31

RS 944.0 RO 2015 3631 RS 232.11 RO 2015 3659 [cette ordonnance n'est pas encore en vigueur et le numéro du RS n'a pas été attribué] RS 455

8164

FF 2016

En application de l'art. 14, al. 1, LPA, le Conseil fédéral peut, pour des raisons relevant de la protection des animaux, soumettre l'importation, l'exportation et le transit d'animaux et de produits d'origine animale à certaines conditions, les limiter ou les interdire.

Il s'est jusqu'ici toujours opposé à une interdiction de produits d'origine animale pour des motifs liés à la protection des animaux, et cela d'une part en raison des engagements internationaux de la Suisse (OMC et accords de libre-échange) et, d'autre part, parce qu'il estime que pour éliminer à long terme les conditions de production contraires au bien-être animal dans les pays d'origine, les interdictions d'importer sont moins efficaces que l'intervention dans les organismes internationaux concernés. En outre, il table sur une responsabilisation accrue des acteurs du marché.

4.3

Agriculture

Bases constitutionnelles en vigueur L'art. 104 Cst. contient les dispositions essentielles en matière de politique agricole.

L'art. 104, al. 1, fixe les objectifs: la Confédération est notamment chargée de veiller à ce que l'agriculture, par une production répondant à la fois aux exigences du développement durable et à celles du marché, contribue substantiellement à la conservation des ressources naturelles et à l'entretien du paysage rural. L'élément-clé de la politique agricole, ce sont les paiements directs, subordonnés aux prestations écologiques requises selon l'art. 104, al. 3, let. a. La let. b charge la Confédération d'encourager les formes d'exploitation particulièrement en accord avec la nature et respectueuses de l'environnement et des animaux, la let. c, de légiférer sur la déclaration de la provenance, de la qualité, des méthodes de production et des procédés de transformation des denrées alimentaires et la let. d, de protéger l'environnement contre les atteintes liées à l'utilisation abusive d'engrais, de produits chimiques et d'autres matières auxiliaire. La let. e habilite la Confédération à encourager la recherche, la vulgarisation et la formation agricoles et à octroyer des aides à l'investissement. L'art. 104, al. 2, est également pertinent dans le contexte de l'initiative pour des aliments équitables. Il restreint l'encouragement fédéral aux exploitations paysannes cultivant le sol. S'agissant de la perception des droits de douane, la base constitutionnelle prévue à l'art. 133 Cst. accorde une très large marge de manoeuvre au législateur fédéral.

Droit en vigueur et efforts en cours et envisagés La Constitution met à la disposition de la Confédération un très vaste instrumentaire pour faire appliquer des normes minimales et promouvoir une production agricole durable de haute qualité. Sur la base de l'art. 14 LAgr, le Conseil fédéral a édicté des prescriptions sur la désignation de produits agricoles et de produits agricoles transformés. Il s'agit notamment de produits issus de procédés déterminés (par ex. bio) ou se distinguant par leur provenance (par ex. région de montagne).

8165

FF 2016

En outre, le Conseil fédéral a établi un registre des appellations d'origine et des indications géographiques (art. 16 et 16b LAgr), afin de protéger la provenance des produits agricoles.

Les produits agricoles et les produits agricoles transformés peuvent de plus porter des indications relatives à des caractéristiques ou modes de production correspondant à des dispositions légales, comme une production respectueuse de l'environnement (art. 16a LAgr).

Relevons enfin que le Conseil fédéral a édicté, sur la base de l'art. 18 LAgr, des prescriptions sur la déclaration des produits issus des modes de production interdits en Suisse, lui permettant d'augmenter les droits de douane à l'importation ou d'interdire l'importation de certains produits. Cependant, la Confédération n'exerce cette compétence qu'avec modération en raison de ses engagements internationaux (obligation de déclarer la viande produite à l'aide de stimulateurs de performance, la viande de lapins domestiques et les oeufs issus d'une production non conforme aux exigences en matière de détention fixées par la législation sur la protection des animaux).

4.4

Protection des eaux et de l'environnement, loi sur le CO2

Bases constitutionnelles en vigueur Les dispositions constitutionnelles pertinentes en matière de protection des eaux et de l'environnement sont inscrites aux art. 74 et 76 Cst.

L'art. 74, al. 1, Cst. habilite et oblige la Confédération à légiférer sur la protection de l'être humain et de son environnement naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes et l'al. 2, à veiller à prévenir ces atteintes. Dans ce contexte, la notion d'atteintes est utilisée dans un sens large. Elle englobe non seulement les immissions au sens propre, mais aussi d'autres modifications défavorables, concernant par exemple le climat. La compétence porte en principe sur toutes les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs en matière de protection de l'environnement, y compris les mesures destinées à réduire les effets négatifs sur le climat du transport et du stockage des denrées alimentaires et des aliments pour animaux.

Le législateur peut choisir les instruments législatifs pour accomplir ce mandat.

Hormis les interdictions et les obligations légales traditionnelles, il peut introduire des instruments relevant de l'économie de marché ou des subventions ou convenir d'objectifs et de délais avec les entreprises et organisations de l'économie.

Cependant, l'art. 74 Cst. sert aussi à fonder la compétence permettant de soumettre à certaines exigences l'importation de produits cultivés et fabriqués à l'étranger, en relation avec l'art. 54, al. 2, Cst., qui cite la préservation des ressources naturelles parmi les objectifs explicites de la politique extérieure suisse.

L'art. 76, al. 1 et 3, Cst. prescrit que, dans les limites de ses compétences, la Confédération pourvoit à la protection des ressources en eau et légifère sur la protection des eaux. En tant qu'objectif de réglementation, la protection des ressources en eau 8166

FF 2016

s'oppose à tout type d'atteinte portée à la qualité des eaux par des activités humaines. En plus de la pollution, cette protection qualitative des eaux concerne toute autre modification nuisible, que celle-ci soit physique, chimique ou biologique.

Droit en vigueur et efforts en cours et envisagés Le Conseil fédéral a adopté le 8 mars 2013 le plan d'action «Économie verte», comprenant 27 mesures32. L'une des priorités du plan d'action est de réduire les ressources utilisées par la consommation et par la production. Vu que plus de la moitié des incidences négatives sur l'environnement liées à la consommation en Suisse sont causées à l'étranger (par ex. lors de la production de matières premières telles que soja, huile de palme ou café), le plan d'action vise à une utilisation durable et respectueuse des ressources naturelles tant en Suisse qu'à l'étranger.

Le 20 avril 2016, le Conseil fédéral a pris acte du rapport «Économie verte. Mesures de la Confédération pour préserver les ressources et assurer l'avenir de la Suisse»33, qui établit un bilan de la mise en oeuvre du plan d'action «Économie verte» et présente les mesures destinées à renforcer et à développer les efforts déployés volontairement pour préserver les ressources.

Pour déterminer quelles matières premières devaient faire l'objet en priorité de mesures librement consenties, la Confédération a effectué des analyses sur les matières premières transformées en Suisse (analyses de marché, couverture des marchés par des normes de développement durable, analyses de pertinence) avant d'en discuter avec les acteurs concernés. Le soja, l'huile de palme, le cacao, le café, le poisson, la tourbe et le coton sont les matières premières pour lesquelles il y a beaucoup à faire en matière environnementale. En octobre 2015, les acteurs concernés (entreprises, associations, organisations non gouvernementales, administration) ont participé à un atelier consacré aux étapes suivantes de la mise en oeuvre des mesures volontaires relatives à ces matières premières. Le dialogue se poursuit.

L'art. 41a, al. 2, let. b, du projet de loi34 présenté avec le message du 12 février 2014 relatif à l'initiative populaire «Pour une économie durable et fondée sur une gestion efficiente des ressources (économie verte)» et au contre-projet indirect (modification de la loi
sur la protection de l'environnement35 aurait conféré à la Confédération la compétence de convenir d'objectifs quantitatifs et de délais directement avec des entreprises et organisations économiques. Il était alors incontesté qu'un tel instrument aurait pu être adopté en vertu des bases constitutionnelles actuelles. Le Parlement s'est toutefois opposé à un contre-projet indirect lors de la session d'hiver 2015. Ainsi, conformément à l'art. 41a LPE, la Confédération ne peut favoriser la conclusion d'accords sectoriels qu'en indiquant des objectifs quantitatifs et des délais. Il faudrait encore créer la base légale nécessaire pour qu'elle puisse jouer elle-même le rôle de partenaire de négociation.

32 33 34 35

Le plan d'action est disponible sur www.ofev.admin.ch > Économie et consommation > Informations pour spécialistes > Économie verte.

Le rapport peut être consulté sur www.ofev.admin.ch > Thèmes A-Z > Économie verte > Mandat politique > Rapport au Conseil fédéral. Économie verte.

FF 2014 1843 FF 2011 2025

8167

FF 2016

5

Contexte politique de l'initiative

Actuellement, deux autres initiatives populaires portant sur la production des denrées alimentaires sont en suspens. Certains de leurs objectifs recouvrent ceux de l'initiative pour des aliments équitables alors que d'autres vont plus loin. Les trois initiatives ont en commun de viser à inscrire dans la Constitution un nouvel article transversal consacré à une production alimentaire suffisante et durable.

5.1

Initiative populaire «Pour la sécurité alimentaire»

L'initiative «Pour la sécurité alimentaire»36, lancée par l'Union suisse des paysans, vise à renforcer l'approvisionnement de la population en des denrées alimentaires issues d'une production indigène diversifiée et durable. Pour y parvenir, les auteurs de l'initiative proposent notamment des mesures permettant de freiner le recul des terres cultivées et de mettre en oeuvre une stratégie de qualité. Le dépôt du texte a été motivé par la croissance démographique, la diminution des sols fertiles et la crainte que la politique agricole actuelle n'affaiblisse la production agricole suisse.

Tout comme l'initiative pour des aliments équitables, l'initiative «Pour la sécurité alimentaire» est destinée à promouvoir des denrées alimentaires de haute qualité et une production durable.

Dans son message du 24 juin 2015 relatif à l'initiative populaire «Pour la sécurité alimentaire»37, le Conseil fédéral propose à l'Assemblée fédérale de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative et ne lui oppose aucun contre-projet, ni direct, ni indirect. Il ne voit pas la nécessité d'agir au niveau constitutionnel. En outre, il déplore que le texte se focalise sur le renforcement de la production indigène plutôt que de privilégier une vision d'ensemble qui tienne aussi compte de l'accès aux marchés agricoles internationaux.

5.2

Initiative populaire «Pour la souveraineté alimentaire. L'agriculture nous concerne toutes et tous.»

L'initiative populaire «Pour la souveraineté alimentaire. L'agriculture nous concerne toutes et tous»38 du syndicat agricole Uniterre préconise un approvisionnement en denrées alimentaires et aliments pour animaux principalement indigènes, dont la production préserve les ressources naturelles. Afin d'atteindre les objectifs fixés, il faudrait prendre des mesures pour augmenter le nombre de personnes travaillant dans l'agriculture et pour renforcer les structures de transformation, de stockage et de commercialisation régionales. Selon le texte, la Confédération devrait prélever des droits de douane sur les produits agricoles et les denrées alimentaires importés et 36 37 38

FF 2014 935 FF 2015 5273 FF 2014 6597

8168

FF 2016

en réguler les volumes d'importation. En outre, elle ne pourrait pas accorder de subventions à l'exportation des produits concernés.

L'initiative populaire «Pour la souveraineté alimentaire. L'agriculture nous concerne toutes et tous» et l'initiative pour des aliments équitables ont un point commun: elles visent à une production préservant l'environnement et les ressources, y compris le respect des animaux, la protection douanière contre des importations non conformes aux dispositions suisses et des conditions de travail équitables.

Les signatures ont été déposées le 30 mars 2016 auprès de la Chancellerie fédérale.

L'initiative, pourvue de 108 680 signatures valables, a abouti39.

6

Appréciation de l'initiative

6.1

Appréciation du but général de l'initiative

Les paragraphes ci-dessous présentent un commentaire des objectifs de l'initiative, montrent dans quelle mesure ceux-ci vont plus loin que les efforts déployés actuellement par le Conseil fédéral et indiquent où il y a éventuellement nécessité d'agir.

Suivent des réflexions sur la question de savoir où il est possible de répondre aux attentes du comité d'initiative dans le cadre constitutionnel actuel et où des bases constitutionnelles supplémentaires seraient nécessaires.

6.1.1

Exigences mises en oeuvre ou en voie de mise en oeuvre

Art. 104a, al. 1 Sur la base de la législation en vigueur, le Conseil fédéral poursuit des objectifs analogues à ceux du comité d'initiative. En vue du renforcement de l'offre en denrées alimentaires sûres et de qualité, produites dans des conditions qui préservent l'environnement et les ressources, respectent les animaux et garantissent des conditions de travail équitables, il a déjà pris des mesures dans les domaines suivants: Denrées alimentaires Le Conseil fédéral et le Parlement attribuent d'ores et déjà une grande importance à la sécurité des denrées alimentaires, qu'elles soient produites en Suisse ou à l'étranger, comme en témoignent le droit actuel sur les denrées alimentaires ainsi que la nouvelle législation en la matière, qui se fonde sur la loi du 20 juin 2014 sur les denrées alimentaires40, laquelle n'est pas encore en vigueur. Comme l'ont montré les discussions liées à l'élaboration de cette nouvelle législation, des réglementations allant plus loin que le droit en vigueur ne peuvent guère recueillir un consensus politique. Même si l'initiative est acceptée, il faut s'attendre à des controverses dans ce domaine.

39 40

FF 2016 3567 FF 2014 4949

8169

FF 2016

L'adaptation permanente de la législation sur les denrées alimentaires aux connaissances scientifiques et techniques actuelles permet déjà de répondre à l'exigence du comité d'initiative relative à une réglementation plus stricte de la qualité des denrées alimentaires.

Protection des animaux Dans ce domaine, le Conseil fédéral a fixé des normes de qualité indépendamment des normes internationales, comme en témoigne la législation actuelle sur la protection des animaux.

Agriculture Pour ce qui est des conditions de travail équitables, l'art. 5 LAgr fixe l'objectif selon lequel les exploitations remplissant les critères de durabilité et de performance économique doivent pouvoir réaliser, en moyenne pluriannuelle, un revenu comparable à celui de la population active dans les secteurs économiques de la même région. Si les revenus tombent nettement au-dessous de ce niveau, la Confédération doit prendre des mesures temporaires afin d'améliorer la situation.

Selon l'art. 11 LAgr, la Confédération soutient déjà des mesures collectives de producteurs, de transformateurs ou de commerçants et, le cas échéant, de consommateurs, qui contribuent à améliorer ou à assurer la qualité et la durabilité des produits agricoles, des produits agricoles transformés et des processus. Dans ce contexte, des initiatives régionales communes de commercialisation («agriculture de proximité») prises par les agriculteurs et les consommateurs bénéficient déjà d'un encouragement. Selon l'art. 12 LAgr, la Confédération peut aussi soutenir subsidiairement la promotion des ventes de produits agricoles.

Protection de l'environnement et des eaux Il convient de mentionner à ce sujet le plan d'action «Économie verte» décidé par le Conseil fédéral et le rapport «Économie verte. Mesures de la Confédération pour préserver les ressources et assurer l'avenir de la Suisse»41 (voir ch. 4.4). La Confédération a pris des mesures ciblées pour améliorer les bases permettant la transition vers une économie verte et soutenir l'engagement des entreprises et de la société civile. Elle a notamment mis en place le réseau national pour la promotion de l'efficacité des ressources dans les entreprises (Reffnet.ch).

En outre, le Conseil fédéral s'est attaqué à la question du gaspillage alimentaire, notamment en lançant une campagne de sensibilisation du
grand public. Il se propose de renforcer et de développer les efforts librement consentis en vue de préserver les ressources, en collaboration avec les acteurs économiques, la communauté scientifique et la société civile. Il s'agit d'encourager les initiatives existantes et d'améliorer l'accessibilité des informations et des bases disponibles.

Au cours des quatre prochaines années, les mesures du rapport «Économie verte» guideront la Confédération dans son travail pour préserver les ressources et pour assurer l'avenir de la Suisse. Les acteurs concernés seront soutenus dans leur enga41

Le rapport peut être consulté sur www.ofev.admin.ch > Thèmes A-Z > Économie verte > Mandat politique > Rapport au Conseil fédéral. Économie verte.

8170

FF 2016

gement sans être soumis à des réglementations supplémentaires. Le dialogue entre les acteurs économiques, la communauté scientifique, la société civile et les pouvoirs publics est décisif pour que ces efforts soient couronnés de succès.

Par ailleurs, il convient de mentionner les objectifs environnementaux pour l'agriculture publiés en 2008 par l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) et l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG). Ils ont été élaborés sur la base des dispositions légales en vigueur. Le monitoring concernant l'effet obtenu incombe à la Confédération, qui rend compte des mesures mises en place dans les rapports agricoles annuels.

Enfin, relevons que le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR) d'élaborer, en collaboration avec le Département fédéral de l'intérieur (DFI) et le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC), un plan d'action visant à la réduction des risques et à l'utilisation durable des produits phytosanitaires42, qui doit définir des objectifs mesurables et des mesures concrètes à ces fins.

Art. 104a, al. 2 Cet article prévoit que les produits agricoles importés utilisés comme denrées alimentaires doivent satisfaire au moins aux exigences suisses et que cet objectif doit être poursuivi pour les denrées alimentaires ayant un degré de transformation plus élevé, les denrées alimentaires composées et les aliments pour animaux. Cette revendication pose des problèmes juridiques en raison des accords internationaux conclus dans ce domaine par la Suisse (voir aussi ch. 6.2). Par ailleurs, une part essentielle des atteintes à l'environnement dues à l'alimentation en Suisse sont causées l'étranger. Notre pays se doit donc de faire des efforts pour réduire les atteintes à l'environnement liées aux denrées alimentaires importées. C'est pourquoi la Confédération a déjà entamé un certain nombre de démarches allant dans la direction souhaitée par les auteurs de l'initiative, notamment en ce qui concerne l'exigence de privilégier les produits importés issus du commerce équitable et d'exploitations paysannes cultivant le sol.

Denrées alimentaires L'art. 2, al. 3, LDAl prévoit que les mêmes dispositions s'appliquent aux denrées alimentaires importées qu'à celles
produites en Suisse, pour autant qu'elles n'aillent pas à l'encontre des conventions internationales.

Protection des animaux Selon l'art. 14, al. 1, LPA, le Conseil fédéral peut déjà, pour des raisons relevant de la protection des animaux, soumettre l'importation, l'exportation et le transit d'animaux et de produits d'origine animale à certaines conditions, les limiter ou les interdire (voir ch. 4.2).

42

Le projet de plan d'action est disponible sur www.ofag.admin.ch > Thèmes > Moyens de production > Produits phytosanitaires > Plan d'action visant à la réduction des risques et à l'utilisation durable des produits phytosanitaires.

8171

FF 2016

Agriculture Selon l'art. 18 LAgr, le Conseil fédéral a la possibilité de relever les droits de douane des produits issus de modes de production interdits en Suisse ou en interdire l'importation (voir ch. 4.3).

Impôts La Confédération prend d'ores et déjà des mesures à la frontière permettant une mise sur le marché de produits issus d'une production durable à des conditions préférentielles (par ex. imposition préférentielle de biocarburants).

Mesures transversales La Confédération déploie aussi déjà des efforts à l'étranger pour atteindre les mêmes objectifs que l'initiative. D'une part, elle conclut à cette fin des accords environnementaux multilatéraux (par ex. climat, eaux, forêts) et des accords dans le domaine de l'OIT et, d'autre part, elle promeut des processus et méthodes de production durables dans le cadre de la coopération économique au développement. Dans les débats menés en relation avec les accords internationaux, elle s'engage également dans le sens préconisé par l'initiative (par ex. négociation d'accords internationaux en matière de bioéquivalence ou inscription de la durabilité ou de la protection des indications de provenance dans les accords de libre-échange).

De même, au sein de l'OMC, la Suisse défend une meilleure prise en compte des questions environnementales et sociales dans le système du commerce mondial et souhaite soumettre à la discussion les critères actuels fixés par le droit de l'OMC pour l'adoption des prescriptions concernant ces questions43.

Enfin, le Conseil fédéral s'engage aussi en faveur des systèmes alimentaires durables au niveau international. La Suisse assure par exemple la codirection du programme 10YFP pour des systèmes alimentaires durables, conjointement avec l'Afrique du Sud, le WWF et l'ONG néerlandaise Hivos44.

Art. 104a, al. 3 Conformément à l'art. 104a, al. 3, la Confédération veille à la réduction des incidences négatives du transport et de l'entreposage des denrées alimentaires et des aliments pour animaux sur l'environnement et le climat.

La LPE et l'ordonnance du 16 décembre 1985 sur la protection de l'air (OPair) 45 ainsi que les législations relatives à la circulation routière, à la navigation aérienne, à la navigation et aux chemins de fer contribuent aujourd'hui à réduire concrètement les incidences négatives des transports. Cette contribution se limite toutefois aux transports en Suisse.

43 44 45

Voir les explications données au ch. 6.2.1 au sujet de la prise en compte de processus et méthodes de production dans le domaine de la non-discrimination des produits.

Les détails sont disponibles sur www.ofag.admin.ch > Thèmes > Affaires internationales > FAO > Projets soutenus par la Suisse.

RS 814.318.142.1

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FF 2016

Selon l'OPair, les émissions relevant de ces législations doivent être limitées préventivement dans la mesure où cela est réalisable sur le plan de la technique et de l'exploitation, et économiquement supportable (principe de minimisation).

L'annexe 1 OPair concrétise le principe de minimisation pour la suie de diesel.

En ce qui concerne les serres et les entrepôts, il convient de mentionner la taxe sur le CO2 pour les combustibles fossiles, introduite en 2008. Si les objectifs fixés par le Conseil fédéral en matière de CO2 ne sont pas atteints, le montant de la taxe est augmenté46.

Rappelons enfin la let. f de l'art. 14, al. 1, LAgr, introduite dans le cadre de la Politique agricole 2014­2017, qui permet de désigner les produits élaborés selon des critères particuliers du développement durable, plus stricts que les normes légales.

Concrètement, les produits qui portent une dénomination évoquant la durabilité doivent remplir des exigences dans les trois dimensions (écologique, sociale, économique) du développement durable. Cette disposition vise, d'une part, à inciter les milieux intéressés à développer des initiatives dans ce domaine et, d'autre part, à prévenir l'abus des désignations se référant au caractère durable de produits agricoles.

Art. 104a, al. 4 Un groupe de projet composé de représentants de l'OFAG, de l'OFEV, de l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) et de la Direction du développement et de la coopération (DDC) est chargé d'élaborer, en dialogue avec la filière et les organisations de la société civile, des solutions concrètes au problème du gaspillage alimentaire dans le cadre du plan d'action «Économie verte». Le projet «Alimentation préservant les ressources», qui fait partie de ce plan d'action, fait aussi appel à la responsabilité de tous les acteurs de la chaîne de création de valeur.

6.1.2

Objectifs non atteints ou partiellement atteints

Art. 104a, al. 1 Denrées alimentaires Une autorisation obligatoire générale pour les denrées alimentaires importées n'est pas prévue par le droit sur les denrées alimentaires. Elle n'est toutefois pas nécessaire, car la LDAl prescrit déjà que les denrées alimentaires importées doivent être conformes aux dispositions de la législation suisse en la matière (art. 2, al. 3, LDAl).

Tel serait également le cas si le TTIP entre l'UE et les États-Unis devait voir le jour.

Il ne serait envisageable de déroger à ce principe que si la Suisse concluait un accord

46

Les informations de fond sont disponibles sur www.ofev.admin.ch > Thèmes A-Z > Climat > Informations pour spécialistes > Politique climatique > Taxe sur le CO2 > Prélèvement de la taxe.

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FF 2016

pertinent avec les parties contractantes. Un tel accord devrait toutefois être approuvé par le Parlement.

Agriculture En dépit de l'art. 5 LAgr, il subsiste un écart entre le revenu paysan et celui des autres groupes sociaux, même s'il s'est réduit ces derniers temps. Si, de 1995 à 1997, le revenu du travail par unité de main-d'oeuvre familiale était inférieur d'environ 50 % au revenu comparable, cet écart était encore de 35 % de 2011 à 201347.

Protection de l'environnement et des eaux Ni le plan d'action «Économie verte», ni les «objectifs environnementaux pour l'agriculture» ne sont encore réalisés, mais les travaux nécessaires sont en cours.

Après le refus de la révision de la LPE proposée à titre de contre-projet indirect à l'initiative populaire «Pour une économie durable et fondée sur une gestion efficiente des ressources (économie verte)», ce sont notamment des mesures facultatives qui s'imposent pour obtenir des progrès effectifs vers une économie verte.

Art. 104a, al. 2 Denrées alimentaires La LDAl ne permet de répondre que partiellement à la revendication du comité d'initiative selon laquelle les denrées alimentaires importées doivent satisfaire en règle générale au moins aux exigences suisses ou que cet objectif doit être visé. En effet, l'art. 2, al. 3, LDAl précise que les accords internationaux priment les dispositions nationales. Le droit sur les denrées alimentaires est donc conçu de manière à être compatible avec ces accords. Ainsi, la production de viande avec certains stimulateurs de performances est certes interdite en Suisse, mais si le Codex Alimentarius prévoit une teneur maximale en résidus d'un stimulateur de performances, ces résidus sont tolérés dans la viande importée destinée au marché suisse lorsque cette valeur limite n'est pas dépassée. En tout état de cause, l'utilisation des stimulateurs de performances interdits par le droit suisse doit être déclarée (art. 2, al. 1, de l'ordonnance du 26 novembre 2003 sur la déclaration agricole48).

Selon le principe du Cassis de Dijon, il est possible de mettre sur le marché suisse des denrées alimentaires qui sont conformes au droit de l'UE/EEE ou, lorsque le droit de l'UE/EEE n'est pas harmonisé ou ne fait l'objet que d'une harmonisation incomplète, au droit d'un État membre de l'UE ou de l'EEE, et qui y sont légalement
sur le marché. Si ces denrées alimentaires ne sont pas conformes aux prescriptions techniques suisses, elles sont assujetties à l'autorisation de l'OSAV. Le comité d'initiative estime que ce principe est incompatible avec l'orientation de l'initiative et qu'il doit être abrogé s'agissant des denrées alimentaires. Lors du traitement de l'initiative parlementaire Bourgeois 10.538 «Loi fédérale sur les entraves techniques 47 48

Voir ch. 1.1 du message du 18 mai 2016 concernant un arrêté fédéral sur les moyens financiers destinés à l'agriculture pour les années 2018 à 2021, FF 2016 4321.

RS 916.51

8174

FF 2016

au commerce. Exclure les denrées alimentaires du champ d'application du principe du » fin 2015, le Parlement a toutefois refusé cette exclusion.

Interdiction d'importer les produits non conformes aux normes suisses Comme déjà mentionné à plusieurs reprises, le Conseil fédéral a édicté, en vertu de l'art. 18, al. 1, LAgr, des prescriptions sur la déclaration des produits issus des modes de production interdits en Suisse. Cette base légale lui permet aussi de relever les droits de douane de ces produits ou d'en interdire l'importation, à condition que les engagements internationaux soient respectés. Sont interdits à l'importation les produits issus de modes de production qui ne sont pas conformes à la protection de la vie ou de la santé des êtres humains, des animaux ou des végétaux ou à la protection de l'environnement (art. 18, al. 2, LAgr). La différence entre la situation juridique actuelle et la revendication des auteurs de l'initiative réside dans le fait que l'interdiction d'importation doit s'appliquer non seulement aux modes de production interdits en Suisse, mais aussi à ceux qui ne sont pas conformes aux normes suisses, indépendamment du degré de non-conformité.

Il en résulte un conflit avec les engagements pris par la Suisse dans le cadre de l'OMC: à cet égard, le régime d'importation suisse doit s'appliquer de la même manière à tous les membres de l'OMC. Se fonder sur les normes spécifiquement suisses est contraire à l'obligation du droit commercial international selon laquelle les produits similaires concurrents ne doivent pas être traités de manière différente à l'importation. Comme le précise le ch. 6.2.1, les exigences concernant les processus ou méthodes de production qui ne se répercutent pas sur les caractéristiques physiques du produit ne constituent pas un critère valable de comparaison de produits selon le droit de l'OMC en vigueur. S'agissant de l'application des normes de qualité, la Suisse est également tenue au respect du droit de l'OMC (notamment l'accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires49 et l'accord sur les obstacles techniques au commerce50). Toute dérogation aux normes internationales doit pouvoir être dûment justifiée. L'admissibilité de mesures faisant obstacle au commerce est soumise à des exigences sévères.

Art. 104a,
al. 3 Une réduction significative des incidences négatives du transport et de l'entreposage des denrées alimentaires et des aliments pour animaux sur l'environnement et le climat ne sera possible que si les consommateurs n'achètent pas du tout les denrées alimentaires et les aliments pour animaux présentant un bilan écologique négatif.

Dans le cadre des travaux sur l'économie verte, il est prévu d'améliorer les bases d'une évaluation écologique et l'information sur les aspects écologiques des produits et de l'offre des entreprises, et de renforcer l'innovation.

Hormis une amélioration des conditions générales, les mesures volontaires des entreprises sont capitales pour la transition vers une économie verte. Selon le plan 49 50

Annexe 1A.4 de l'Accord du 15 avril 1994 instituant l'Organisation mondiale du commerce; RS 0.632.20.

Annexe 1A.6 de l'Accord du 15 avril 1994 instituant l'Organisation mondiale du commerce; RS 0.632.20.

8175

FF 2016

d'action «Économie verte», le but est d'amener les milieux économiques à contribuer volontairement à une diminution substantielle des atteintes à l'environnement provoquées par les produits, et ce sur l'ensemble de leur cycle de vie. Ce faisant, les milieux économiques peuvent en outre faire connaître au public et aux responsables politiques leur engagement et leurs progrès en faveur de la conservation des ressources naturelles.

6.1.3

Nécessité de dispositions constitutionnelles supplémentaires

Art. 104a, al. 1 Les bases constitutionnelles dans les domaines des denrées alimentaires, de l'agriculture, de l'environnement, de la protection des animaux et de la protection des employés sont d'ores et déjà suffisantes pour réaliser les objectifs de l'art. 104a, al. 1, de l'initiative. Il n'est donc pas nécessaire d'agir au niveau constitutionnel. Ces objectifs n'ont pas encore été réalisés en raison du temps que prend la mise en oeuvre des mesures et de l'opposition politique. Le Parlement a ainsi refusé en décembre 2015 le contre-projet indirect du Conseil fédéral à l'initiative populaire «Pour une économie durable et fondée sur une gestion efficiente des ressources (économie verte)».

Art. 104a, al. 2 Si les objectifs au sens de l'art. 104a, al. 2, ne sont pas atteints, ce n'est pas parce que les bases constitutionnelles font défaut, mais parce que le Parlement et le Conseil fédéral mènent une autre politique ou que les engagements internationaux de la Suisse s'y opposent. Il n'est donc pas non plus nécessaire de prendre des mesures au niveau constitutionnel dans ce domaine.

Art. 104a, al. 3 Les dispositions constitutionnelles actuelles permettent de mettre en oeuvre les revendications du comité d'initiative. Il n'y donc a pas nécessité d'agir à cet égard.

Ce sont les bases légales formelles pertinentes qui n'ont pas été adoptées: en effet, une partie des projets présentés à cette fin n'a pas pu rallier de majorité politique (voir aussi ch. 6.1.1).

Art. 104a, al. 4 L'al. 4 attribue à la Confédération une série de compétences et de tâches afin qu'elle puisse réaliser les objectifs figurant aux al. 1 à 3. Les efforts déployés par la Confédération dans ces domaines ont été traités en détail plus haut (ch. 6.1.1). Les bases constitutionnelles en vigueur suffisent déjà pour que le législateur puisse adopter des dispositions complètes dans le sens de l'initiative, ce qu'il n'a toutefois pas toujours voulu (par ex. réglementation de l'indication de la provenance des ingrédients des

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denrées alimentaires dans la nouvelle loi sur les denrées alimentaires51, contre-projet indirect du Conseil fédéral à l'initiative populaire «Pour une économie durable et fondée sur une gestion efficiente des ressources (économie verte)»52, réforme fiscale écologique53, étiquette CO2 pour les denrées alimentaires54). Les tâches et les compétences énumérées à l'art. 104a, al. 4, vont plus loin que le droit en vigueur, dans la mesure où il ne s'agit pas de dispositions potestatives habilitant la Confédération à adopter des réglementations, mais de mandats spécifiques portant sur des mesures à prendre. C'est le cas des mandats de légiférer sur la mise sur le marché des denrées alimentaires et des aliments pour animaux ainsi que sur la déclaration de leurs modes de production et de transformation (let. a), d'encourager la transformation et la commercialisation de denrées alimentaires issues de la production régionale et saisonnière (let. d) et de prendre des mesures pour endiguer le gaspillage des denrées alimentaires (let. e). Or, la Confédération prend déjà des mesures dans ces domaines (voir ch. 6.1.1). Il n'est donc pas non plus nécessaire d'intervenir au niveau constitutionnel en ce qui concerne l'art. 104a, al. 4.

Art. 104a, al. 5 La Constitution charge déjà le Conseil fédéral de déterminer les buts et les moyens de sa politique gouvernementale ainsi que de planifier et coordonner les activités de l'État (art. 180 Cst.). En fait partie l'adoption de mesures si l'un de ces objectifs ne peut pas être atteint. Une nouvelle base constitutionnelle n'est pas nécessaire à cet effet.

6.2

Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse

6.2.1

Droit de l'OMC

Le droit du commerce mondial (droit de l'OMC, notamment l'Accord général du 30 octobre 1947 sur les tarifs douaniers et le commerce [GATT]55) repose sur le principe de la non-discrimination (clause de la nation la plus favorisée et traitement national). Selon ce principe, les 164 États membres de l'OMC ne doivent pas accorder aux produits étrangers un traitement moins favorable que celui accordé aux produits nationaux similaires.

Conformément au droit de l'OMC, les critères pour déterminer la similarité des produits sont les suivants: a) les caractéristiques physiques, b) les possibilités d'utilisation finale, c) les goûts et habitudes des consommateurs et d) la classification douanière.

51 52 53 54 55

Des informations détaillés sur les délibérations sont disponibles sur www.parlement.ch > Travail parlementaire > 11.034.

Voir note de bas de page 34.

06.3190 Mo. Studer Heiner. Réforme fiscale écologique.

07.431 Iv. pa. Kohler Étiquette CO2 pour les denrées alimentaires RS 0.632.21

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L'application de ces critères dans un cas concret signifie par exemple qu'un membre de l'OMC peut faire la différence entre les fruits du pays et les fruits étrangers selon qu'ils ont été cultivés avec ou sans produits phytosanitaires, dans la mesure où des résidus affectent la qualité intrinsèque des fruits et donc, une caractéristique du produit. Conformément au droit de l'OMC en vigueur, les conditions relatives aux procédés et méthodes de production non liés aux produits (PMP non liés aux produits) qui, à la différence de l'exemple précité de fruits, ne se répercutent pas sur les caractéristiques physiques du produit (par ex. salaire du cueilleur), ne constituent toutefois pas un critère valable de comparaison de produits. Les mesures PMP qui concernent uniquement l'importation de produits ou qui détériorent au bout du compte les conditions de concurrence des produits importés par rapport aux denrées alimentaires indigènes contreviennent au droit international du commerce (voir art. I, III et XI GATT, art. 2.1 et 2.2 OTC56 et art. 4.2 de l'accord instituant l'OMC57).

Or, l'initiative demande une différenciation systématique des denrées alimentaires en fonction des méthodes de production (devant ménager l'environnement et les ressources, respecter les animaux et assurer des conditions de travail équitables) qui ne se répercutent pas sur les caractéristiques du produit.

Dans des cas particuliers, des différenciations entre les importations fondées sur le critère des PMP non liés aux produits pourraient se justifier le cas échéant sur la base des clauses permettant de déroger aux règles de l'OMC pour des raisons de protection de la santé des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux ou de produits naturels épuisables (art. XX, let. b et g, GATT). Cependant, les exigences posées aux dérogations de ce genre sont élevées: premièrement, un État ­ en fonction de la mesure ­ devrait prouver que cette mesure est réellement nécessaire ou qu'il n'y en a aucune autre moins stricte qui permette d'atteindre le but politique visé; deuxièmement, les mesures concernent principalement des domaines où il n'existe pour l'heure pas de normes reconnues au niveau international. Or, les notions telles que «conditions qui préservent l'environnement et les ressources, respectent les animaux et garantissent
des conditions de travail équitables» ne font pas l'objet d'un consensus international. Des mesures visant à soumettre les produits importés à de telles exigences ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, ni une restriction déguisée au commerce international ­ et ce même en cas de recours à la clause d'exception. Au vu de l'objectif déclaré du comité d'initiative de protéger notamment l'agriculture paysanne, la Suisse pourrait difficilement écarter le soupçon de protectionnisme en cas de litige.

Pour justifier une violation du droit de l'OMC, la Suisse devrait s'entretenir avec tous les États de provenance concernés58 avant de prendre des mesures unilatérales.

En cas de différend, elle devrait prouver que les autorités suisses ont proposé aux États de provenance exportateurs de fruits, par exemple, de négocier un accord sur les contrôles à effectuer ou sur l'agrément de ces contrôles ou expliquer pourquoi 56 57 58

Voir note de bas de page 49.

RS 0.632.20 Appellate Body Report, United States ­ Import Prohibition of Certain Shrimp and Shrimp Products, WT/DS58/AB/R.

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cela n'a pas été possible. Elle devrait également pouvoir justifier pourquoi les discussions n'ont eu lieu qu'avec certains États. La conclusion d'accords pourrait se révéler difficile, les États concernés n'ayant pas forcément la volonté de coopérer.

L'initiative pourrait être appliquée conformément au droit de l'OMC si sa mise en oeuvre reposait entièrement sur des normes internationales reconnues par le droit de l'OMC, comme celles du Codex Alimentarius ou de l'Organisation mondiale de la santé animale59 pour ce qui est des mesures sanitaires. Les informations du comité d'initiative au sujet du texte, l'argumentaire et le rapport explicatif ne permettent toutefois pas de conclure que les objectifs de l'initiative pourraient être mis en oeuvre de cette manière; ils indiquent cependant explicitement que seules les denrées alimentaires produites dans le respect des normes écologiques et sociales suisses devraient en principe être vendues en Suisse60 et que les normes suisses existantes ou visées devraient également servir de référence pour les importations, par exemple dans les domaines des denrées alimentaires et de la protection des marques, de l'environnement et des animaux61.

D'une manière générale, il est à supposer qu'un abandon des normes internationales pourrait servir à satisfaire davantage d'intérêts commerciaux particuliers sous couvert d'objectifs absolument louables. Ce n'est pas un hasard si ce sont précisément les pays en développement intéressés à l'exportation de produits agricoles qui s'opposent aux conditions relatives aux PMP non liés au produit. L'adaptation des modes de production aux exigences du pays cible d'une exportation est souvent liée à des efforts et des coûts supplémentaires, surtout lorsque les différents marchés cibles imposent des exigences différentes. C'est justement la raison pour laquelle les avis sur la définition du commerce équitable des produits agricoles divergent considérablement.

Dans ce contexte, l'initiative pose un autre problème: l'interdiction d'importer ou les obstacles à l'importation des produits agricoles non conformes aux normes suisses ont de fait une portée extraterritoriale. Les exigences allant dans ce sens peuvent facilement être qualifiées de trop restrictives pour le commerce et discriminatoires.

Ce n'est pas sans raison que les
règles commerciales multilatérales s'opposent en principe à des procédures unilatérales restrictives pour le commerce: autrement, les grandes puissances économiques pourraient imposer leurs préférences politiques au reste du monde, ce qui mettrait aussi en question la souveraineté de la Suisse en matière environnementale et sociale. En outre, l'examen de la situation à l'étranger nécessaire à la mise en oeuvre de l'initiative pourrait entraîner un effort disproportionné (voir ch. 6.3 et 6.4). C'est pourquoi la Suisse approuve et soutient aussi tous les efforts visant à créer des «normes internationales de développement durable».

Pour les raisons précitées et vu les intérêts d'autres pays en matière d'exportation (la Suisse est un importateur net de denrées alimentaires), des litiges commerciaux seraient très probables en cas d'acceptation de l'initiative. Il n'est pas à exclure que même des pays qui ont des intérêts insignifiants dans le domaine des exportations 59 60 61

Voir notes de bas de page 48 et 49; reconnaissance d'une telle norme, voir Appellate Body Report, European Communities ­ Trade Description of Sardines, WT/DS 231.

Voir p. 1 de l'argumentaire (note de bas de page 7).

Voir p. 3 du rapport explicatif (note de bas de page 9).

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agricoles portent plainte contre la Suisse en raison des implications systémiques de l'initiative pour le droit de l'OMC. Comme la Suisse perdrait probablement le cas échéant, elle devrait annuler les effets des mesures de mise en oeuvre. Par ailleurs, les plaignants auraient le droit de faire valoir des droits compensatoires, ce qui aurait des répercussions négatives sur l'économie suisse.

6.2.2

Accords bilatéraux avec l'UE

Accords de libre-échange Les conditions d'importation relatives aux produits agricoles transformés couverts par le protocole no 2 de l'Accord du 22 juillet 1972 entre la Confédération suisse et la Communauté économique européenne (accord de libre-échange, ALE)62 relèvent des dispositions de l'ALE. Celui-ci interdit, dans son champ d'application, non seulement toute nouvelle restriction quantitative à l'importation ou mesure d'effet équivalent (art. 13, al. 1, ALE), mais aussi tout nouveau droit de douane à l'importation ou à l'exportation ou taxe d'effet équivalent (art. 3, 6 et 7 ALE). En outre, l'interdiction de discriminer (art. 18 ALE) exclut toute mesure ou pratique de nature fiscale interne établissant directement ou indirectement une discrimination entre les produits en libre-échange.

La question est notamment de savoir si la possibilité d'attribuer des contingents tarifaires et de moduler les droits à l'importation prévue à l'art. 104a, al. 4, let. b, Cst. serait compatible avec les principes fondamentaux de l'ALE. Vu que les produits importés devraient être conformes aux normes suisses en matière de modes de production, de protection des animaux et de normes environnementales et sociales, l'UE pourrait considérer que ces mesures sont discriminatoires envers ses producteurs. Certes, l'art. 20 ALE prévoit que l'accord ne fait pas obstacle aux mesures «justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux»; cependant, même si l'exigence contraignante d'un intérêt public prépondérant est remplie, il faudrait en plus prouver, pour justifier les mesures découlant de l'art. 104a Cst. que celles-ci sont conformes au principe de la proportionnalité, c'est-à-dire à la fois appropriées et nécessaires pour protéger l'intérêt public visé. En outre, ces mesures ne doivent pas constituer un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée au commerce. À cet égard, l'art. 20 ALE a une formulation analogue à celle de l'art. XX GATT. Les considérations présentées au ch. 6.2.1. concernent donc aussi l'ALE63.

62 63

RS 0.632.401 Voir message du 16 août 1972 du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à l'approbation des Accords entre la Suisse et les Communautés européennes, FF 1972 II 645 687.

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Accord bilatéral sur l'agriculture L'Accord du 21 juin 1999 entre l'Union européenne et la Suisse relatif aux échanges de produits agricoles (accord agricole)64 couvre certaines denrées alimentaires et certains moyens de production (entre autres les produits issus de l'agriculture biologique, les aliments pour animaux, les semences, les produits d'origine animale) et garantit, sur la base de l'équivalence des normes de production, l'accès réciproque simplifié au marché pour ces produits agricoles. Si les normes en matière de protection des animaux et les exigences relatives aux modes de production et à la qualité des denrées alimentaires visées par l'art. 104a Cst. différaient clairement des prescriptions européennes, elles entreraient en conflit avec l'équivalence au sens des annexes 5, 7, 9 et 11 de l'accord agricole, ce qui serait contraire à l'accès réciproque simplifié au marché accordé pour les produits couverts par l'accord. Selon l'art. 14, al. 2, de l'accord agricole, les parties s'abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de cet accord. L'initiative pour des aliments équitables devrait par conséquent être mise en oeuvre dans le cadre prévu par cet accord. Il n'y aurait qu'une marge de manoeuvre minime pour fixer des exigences supplémentaires. Une mise en oeuvre de l'initiative comme le préconise le comité d'initiative dans son argumentaire65 et dans son rapport explicatif66 pourrait conduire à la dénonciation de l'accord agricole. Relevons à ce sujet que les accords bilatéraux I (y compris l'accord agricole) sont liés par la clause guillotine. Si l'un des accords était dénoncé, les autres seraient automatiquement caducs.

Accords futurs Tant le Conseil fédéral que la Commission européenne ont adopté un mandat de négociations dans le domaine de la sécurité alimentaire. Un accord présuppose toutefois que des exigences analogues s'appliquent aux denrées alimentaires en Suisse et dans l'UE. Si ces exigences sont divergentes, il sera irréaliste de conclure un accord en matière de sécurité alimentaire et les avantages qu'un tel accord présente pour la protection de la santé des consommateurs en Suisse seront mis en question.

6.2.3

Accords avec d'autres partenaires

La Suisse a conclu à ce jour 28 accords de libre-échange avec 38 partenaires hors de l'UE et de l'Association européenne de libre-échange (AELE). Les accords avec le Guatemala, la Géorgie et les Philippines ont abouti et font actuellement l'objet des procédures de ratification internes. Neuf autres accords de libre-échange sont en voie de négociation.

Tous ces accords de libre-échange comprennent des engagements en matière d'accès au marché pour les produits agricoles et les produits agricoles transformés. Ces accords étant fondés sur les dispositions pertinentes du droit de l'OMC, les considérations présentées au ch. 6.2.1 les concernent en principe également. Notamment la 64 65 66

RS 0.916.026.81 Voir note de bas de page 7 Voir note de bas de page 9

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clause du traitement national inscrite dans les accords de libre-échange a une importance dans le cadre de l'initiative discutée.

Les mesures proposées seraient donc problématiques aussi dans ce contexte, la Suisse pouvant faire l'objet de plaintes déposées par des parties aux différents accords de libre-échange selon les procédures de règlement des différends prévues dans ces accords.

6.3

Conséquences en cas d'acceptation de l'initiative

L'acceptation de l'initiative aurait des incidences concrètes notamment dans les domaines suivants: ­

Seules les denrées alimentaires issues d'une production «équitable» pourraient être mises sur le marché en Suisse au plus tard trois ans après l'acceptation de l'initiative.

­

Dès l'entrée en vigueur des dispositions d'exécution, les commerçants devraient pouvoir garantir que les denrées alimentaires et les aliments pour animaux importés sont conformes aux ­ le cas échéant nouvelles ­ prescriptions suisses. Des systèmes de contrôle adéquats devraient être mis en place à l'étranger.

­

Les organes d'exécution officiels devraient pouvoir vérifier dans quelles conditions les denrées alimentaires et les aliments pour animaux destinés à être importés en Suisse sont effectivement produits à l'étranger et si ces conditions sont conformes aux prescriptions suisses, ce qui pourrait être très difficile voire impossible. La mise en place de l'appareil de contrôle serait très complexe et nécessiterait beaucoup de ressources. Il faudrait créer des systèmes de certification, ce qui présuppose l'existence sur place de services accrédités capables de certifier une exploitation selon les normes suisses.

Même une procédure limitée à un contrôle documentaire conduirait à un énorme travail administratif; par ailleurs, elle ne permettrait même pas de garantir que les indications faites dans les documents correspondent toujours à la réalité. Des contrôles effectués dans le pays de provenance devraient assurer le respect des conditions requises. De plus, il faudrait conclure des accords internationaux sur les contrôles à effectuer et sur l'agrément de ces contrôles par les autorités suisses.

­

Il faudrait lier le régime douanier préférentiel aux normes en matière de production et promouvoir les denrées alimentaires issues de la production durable (par ex. agriculture paysanne ou commerce équitable) par des droits de douane réduits.

­

En outre, il faudrait encourager la transformation et la commercialisation de denrées alimentaires issues de la production régionale et saisonnière.

­

Il faudrait abroger le principe du Cassis de Dijon (voir ch. 6.1.2).

­

La mise en place d'un appareil de certification, le travail supplémentaire lié aux contrôles imposé aux entreprises lors de l'importation et le fait que

8182

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seules des denrées alimentaires produites de manière équitable dans le sens de l'initiative puissent être importées se répercuteraient sur les prix. Il en résulterait une hausse de la demande de produits suisses et, partant, de leur prix.

­

En ce qui concerne la politique budgétaire, on peut partir du principe que des subventions fédérales supplémentaires seraient à l'ordre du jour, notamment pour encourager la transformation et la commercialisation de denrées alimentaires issues de la production régionale et saisonnière au sens de l'art.

104a, al. 4, let. d, Cst. et pour réaliser les conditions de travail équitables au sens de l'al. 1. Au vu de l'al. 4, let. b, il faut de plus s'attendre à une baisse des recettes de la Confédération en raison de la modulation des droits à l'importation.

Si l'initiative était acceptée, le Parlement devrait adopter en l'espace de trois ans des dispositions qui empêchent l'importation de produits agricoles utilisés comme denrées alimentaires non conformes aux normes suisses. S'il ne le faisait pas, ce serait le Conseil fédéral qui devrait les adopter (voir disposition transitoire à l'art. 197, ch. 12, Cst.). Vu la complexité et la large palette des réglementations, ce délai de trois ans est très serré; il y aurait donc fort à parier que le Conseil fédéral doivent édicter des règles transitoires par voie d'ordonnance. Compte tenu de la marge de manoeuvre dont il disposerait, le Conseil fédéral devrait procéder à d'importantes adaptations qui n'auraient qu'un caractère provisoire. Une réglementation par voie d'ordonnance pourrait entraîner une phase d'insécurité juridique si le législateur restait longtemps sans agir. Cette insécurité juridique pourrait non seulement causer des contraintes aux milieux économiques concernés, mais également compliquer la position de la Suisse à l'échelle internationale en cas d'éventuelles négociations.

6.4

Avantages et inconvénients

Le Conseil fédéral partage les préoccupations du comité d'initiative quant à l'orientation du texte. En Suisse, on s'accorde largement à penser que les denrées alimentaires et les aliments pour animaux mis sur le marché doivent autant que possible provenir d'une production équitable, sous tous les aspects mentionnés dans l'initiative, comme le prouve la Constitution en vigueur, qui couvre déjà tous les objectifs visés par l'initiative. La question est toutefois de savoir dans quelle mesure ces objectifs peuvent être atteints rapidement et de manière conséquente. Vu les considérations qui précèdent, il existe des limites à cet égard. En tout état de cause, la Suisse s'est toujours engagée au niveau international pour que des normes harmonisées et transparentes soient acceptées et appliquées à l'échelle internationale dans le domaine alimentaire.

Cependant, les objectifs fixés par la Constitution ne se réfèrent pas seulement aux aspects pertinents pour une production équitable de denrées alimentaires. Dans notre pays, il est par exemple tout aussi important que la population moins fortunée reste à l'avenir capable de subvenir à ses besoins par les moyens financiers dont elle dispose. Les conditions générales doivent en outre permettre à l'économie de faire face 8183

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à la concurrence tant nationale qu'internationale. Il est indispensable de procéder de manière prudente et pondérée pour obtenir des progrès dans certains de ces domaines. Un encouragement disproportionné et à court terme se limitant à une partie des objectifs inscrits dans la Constitution risquerait de déséquilibrer le système actuel. Rappelons de plus que de nombreuses propositions formulées dans l'initiative ont fait l'objet de débats au Parlement ces dernières années sans réunir de majorité (voir ch. 6.1.3).

L'initiative est aussi discutable dans le contexte de l'îlot de cherté suisse. Elle introduirait de nouveaux obstacles au commerce, vu que seules des denrées alimentaires produites de manière équitable dans le sens de l'initiative pourraient encore être importées. Cela se répercuterait sur les prix des denrées alimentaires, déjà élevés en Suisse, et limiterait fortement la liberté de choix des consommateurs.

L'initiative est difficile à appliquer, ce qui doit être considéré comme un inconvénient majeur. La mise en place d'un système de certification n'est guère praticable (voir ch. 6.3). Le comité d'initiative suggère dans son rapport explicatif l'adoption de dispositions sur la mise sur le marché. S'il entend par là que les autorités suisses devraient contrôler le respect des normes suisses en matière de sécurité alimentaire, de protection des animaux et de l'environnement, d'agriculture, de protection des employés, etc. dans le cadre d'une procédure d'autorisation préalable pour toutes les denrées alimentaires importées, il est évident que les importations des produits concernés vers la Suisse seraient pratiquement condamnées à disparaître. La délivrance des autorisations prendrait du temps et impliquerait que les autorités suisses soient à même de contrôler le respect des conditions requises, ce qui est à peu près impossible. La mise en place d'un tel régime d'autorisation nécessiterait en outre des ressources considérables, en particulier financières.

Enfin, des mesures de rétorsion de la part des partenaires commerciaux de la Suisse dans le cadre de l'OMC pourraient le cas échéant avoir des retombées sur les exportations de produits depuis notre pays.

7

Conclusions

Les considérations ci-dessus conduisent aux conclusions suivantes: ­

Il n'est pas nécessaire de modifier la Constitution pour atteindre les objectifs de l'initiative.

­

La législation, les mesures et les initiatives élaborées dans les différents domaines (politique agricole, politique environnementale extérieure, soutien de labels écologiques privés, coopération économique au développement, plan d'action et rapport complet concernant l'économie verte) évoluent déjà dans la direction visée par l'initiative, mais progressivement et en fonction de ce qui est politiquement et économiquement possible.

­

La Confédération dispose déjà d'instruments efficaces (collaboration internationale, déclaration des produits, etc.) permettant de promouvoir une production agricole acceptable sur le plan social et écologique aux niveaux tant national qu'international. En outre, plusieurs acteurs du marché offrent déjà

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des produits sous des labels privés attestant du respect des normes suisses.

L'ampleur de cette offre dépend du comportement des consommateurs. Les labels privés présentent l'avantage de garantir tant la liberté de choix que le respect des engagements internationaux de la Suisse.

­

La revendication selon laquelle les produits agricoles importés utilisés comme denrées alimentaires doivent satisfaire aux objectifs formulés par le comité d'initiative67 entre en conflit avec la politique commerciale tant nationale qu'internationale et avec les engagements de la Suisse envers l'OMC, l'UE et les pays avec lesquels notre pays a conclu des accords de libre-échange. Les avantages que la Suisse tire des accords internationaux qu'elle a conclus seraient ainsi mis en question.

­

Quant à l'exécution de l'initiative, il serait très difficile de contrôler si les produits agricoles importés sont effectivement conformes à toutes les exigences.

­

La mise en oeuvre de l'initiative pourrait en outre grever le budget fédéral (subventions supplémentaires, réduction des recettes provenant des droits de douane).

­

L'acceptation de l'initiative entraînerait un renchérissement dans le segment des produits agricoles et denrées alimentaires qui ne sont actuellement pas obtenus conformément aux exigences de l'initiative, ce qui toucherait non seulement l'économie, mais aussi les consommateurs.

­

Il n'est pas certain que l'offre de produits indigènes puisse compenser à des prix raisonnables la baisse de l'offre de produits importés.

Le Conseil fédéral propose donc aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire «Pour des denrées alimentaires saines et produites dans des conditions équitables et écologiques (initiative pour des aliments équitables)» sans proposer de contre-projet direct ou indirect.

67

Voir notes de bas de page 7 et 9.

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