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Feuille Fédérale Berne, le 11 novembre 1965

117e année

Volume lu

N°45 Parait, en règle générale, chaque semaine. Prix: 33 francs par an; 18 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement Ou de remboursement.

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Rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur l'initiative populaire relative à la lutte contre l'alcoolisme (Du 26 octobre 1965) Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons" l'honneur de vous soumettre notre rapport sur l'initiative populaire relative à la lutte contre l'alcoolisme.

I. REMARQUES PRÉLIMINAIRES L'inititative, appuyée par 51 488 signatures, a été déposée le 30 octobre 1963 à la chancellerie fédérale par le secrétariat du comité central de l'alliance des indépendants.

Elle a la teneur suivante: Les citoyens suisses soussignés, ayant le droit de vote, appuient la demande d'initiative conçue en termes généraux (selon l'art. 121, al. 5, de la constitution), tendant à une revision des bases constitutionnelles de la législation fédérale sur l'alcool (art. 32bis) selon les points de vue suivants: 1. Afin de restreindre l'alcoolisme et par là d'augmenter la sécurité de la circulation routière, l'imposition doit être étendue à toutes les boissons alcooliques. Elle sera échelonnée selon la teneur en alcool et calculée de façon que la consommation diminue.

2. Le commerce illégal d'eau-de-vie doit être jugulé par des mesures efficaces allant, s'il le faut, jusqu'à la suppression, contre indemnité, des distilleries domestiques.

3. Le produit de l'imposition sera réparti, selon une clé à fixer dans la constitution, entre la Confédération et les cantons. Il sera utilisé, dans la même mesure que jusqu'ici au moins, pour les besoins de l'assurance-vieillesse et survivants, la lutte contre l'alcoolisme et les besoins généraux des cantons. Le surplus sera affecté à la lutte contre la pollution des eaux.

Par arrêté du 26 novembre 1963, le Conseil fédéral a constaté que l'initiative est appuyée par 51 475 signatures valables et qu'elle est recevable (FF 1963, II, 1247). L'initiative ne contient aucune clause de retrait.

feuille fédérale. 1117e année. Vol. IO,

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L'inititative revêt la forme d'une proposition conçue en termes généraux au sens de l'article 121, 4e et 5e alinéas, de la constitution. Dans ce cas, il n'y a pas possibilité pour les chambres d'opposer un contre-projet, contrairement à ce qui est le cas lorsque l'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces.

Conformément à l'article 26, 1er alinéa, de la loi du 23 mars 1962 sur la procédure de l'Assemblée fédérale, ainsi que sur la forme, la publication et l'entrée en vigueur des actes législatifs (loi sur les rapports entre les conseils) (RO1962,811), l'Assemblée fédérale décide dans le délai de deux ans à compter du jour où l'initiative a été déposée si elle l'approuve ou non. Si elle approuve l'initiative, elle procède, suivant l'article 121, 5e alinéa, à la revision partielle dans le sens indiqué et en soumet le projet à l'adoption ou au rejet du peuple et des cantons. Si, au contraire, elle tie l'approuve pas, la question de la revision partielle est soumise à la votation du peuple ; si la majorité des citoyens suisses prenant part à la votation se prononce pour l'affirmative, l'Assemblée fédérale procède à la revision en se conformant à la décision populaire.

Afin que les deux conseils puissent prendre une décision concordante au sens de l'article 26 de la loi sur les rapports entre les conseils, l'article 29 prévoit que le Conseil fédéral doit présenter son rapport et ses propositions à l'Assemblée fédérale au plus tard un an avant l'expiration du délai précité. S'il n'est pas en mesure de le faire, en raison de circonstances particulières, il en informe l'Assemblée fédérale avant l'expiration du délai qui lui est imparti. Le Conseil fédéral a fait usage de cette faculté par son rapport du 28 août 1964. Le Conseil des Etats, par décision du 23 septembre 1964, et le Conseil national, par décision du 7 octobre 1964, ont accordé une prolongation du délai en question.

IL OPINION DES ASSOCIATIONS ÉCONOMIQUES ET D'UTILITÉ PUBLIQUE AINSI QUE DES PARTIS POLITIQUES II nous a paru opportun de donner aux associations économiques et aux institutions d'utilité publique l'occasion de se prononcer.

Les groupements suivants ont été invités à exprimer leur manière de voir : Union suisse des paysans Union suisse des arts et métiers Directoire de l'union suisse du commerce et de l'industrie Fédération suisse des importateurs et du commerce de gros Union centrale des associations patronales suisses Société suisse des cafetiers et restaurateurs Société suisse des hôteliers Union syndicale suisse Fédération suisse des syndicats chrétiens-nationaux Union federative du personnel des administrations et des entreprises publiques

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Union suisse des syndicats autonomes Association suisse des syndicats évangéliques Fédération suisse du personnel des services publics Fédération des sociétés suisses d'employés Union suisse des coopératives de consommation Union coopérative «Migros» Fédération des médecins suisses Secrétariat antialcoolique suisse Société suisse d'utilité publique Alliance de sociétés féminines suisses Société d'utilité publique des femmes suisses La plupart de ces organisations ont déposé un mémoire. Les institutions suivantes nous ont également adressé une requête : fédération suisse des négociants en vins, «Alt-Libertas» (vétérans de la société des étudiants abstinents «Liberias»), la ligue abstinente «Junge Schweiz», association suisse des assistants sociaux antialcooliques, «Sozialistischer Abstinentenbund der Schweiz», ligue antialcoolique suisse, «Abstinente Schweiz. Burschenschaft», «Arbeitsgruppe der Berner Aerzte zur Bekämpfung der Alkoholgefahren», société suisse des maîtres abstinents et société delà Croix-Bleue «Deutsch-schweizerischer Jünglingsbünde».

Nous avons également invité les partis politiques à se prononcer.

L'initiative est approuvée notamment par les organisations antialcooliques ainsi que par l'association suisse des syndicats évangéliques, l'alliance de sociétés féminines suisses et l'union coopérative «Migros». La fédération des médecins suisses donne également son approbation de principe en raison des dommages croissants causés par l'acoolisme à la santé publique. La société suisse d'utilité publique se rallie à la tendance fondamentale de l'initiative, mais nourrit certains doutes quant à l'un ou l'autre de ses points. Elle est par conséquent d'avis que le Conseil fédéral devrait présenter un contre-projet prévoyant avant tout une forte imposition de l'eau-de-vie ainsi qu'une utilisation accrue de la dîme pour lutter contre l'alcoolisme. L'association suisse des syndicats évangéliques estime également qu'il est urgent d'augmenter l'imposition de l'eau-de-vie. Comme l'admettent les partisans de l'initiative, l'extension de l'imposition ne représente qu'un des moyens pour lutter contre l'alcoolisme.

Ils sont cependant d'avis qu'il ne faut pas y renoncer, car elle peut tout de même avoir des effets restrictifs sur la consommation des boissons alcooliques.

L'initiative est avant tout
rejetée par les associations dont les membres seraient touchés par une imposition plus étendue. Ce sont notamment l'union suisse des paysans, la société suisse des cafetiers et restaurateurs, la fédération suisse des négociants en vins et l'union suisse des arts et métiers. Elles concluent au rejet de l'initiative sans contre-projet. Le directoire de l'union suisse du commerce et de l'industrie et la plupart des sections affiliées s'opposent également à l'initiative. La même attitude négative a été adoptée par l'union suisse des coopératives de consommation, l'union syndicale suisse, la fédération suisse

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des importateurs et du commerce de gros, l'union centrale des associations patronales suisses, la fédération des sociétés suisses d'employés, l'union suisse des syndicats autonomes.

Le rejet de l'initiative par les organisations précitées est dirigé en première ligne contre le projet d'instaurer un impôt général sur les boissons alcooliques.

En effet, en tant qu'impôt spécial, il frapperait injustement certaines branches économiques ainsi qu'un cercle restreint de la population et pourrait avoir accessoirement des effets politiques indésirables. L'efficacité d'une telle mesure pour diminuer la consommation d'alcool est également mise en doute. Divers mémoires relèvent les contradictions de l'initiative qui vise, d'une part, à réduire la consommation par la voie de l'imposition et, d'autre part, à assurer un surplus de recettes pour financer la lutte contre la pollution des eaux. La suggestion d'affecter le produit de l'impôt sur les alcools à la protection des eaux est également rejetée par plusieurs associations, le financement de cette tâche devant être assumé par l'ensemble du peuple suisse et non seulement par certains milieux de la population, comme par exemple l'agriculture, qui ne participe que pour une part très restreinte à la pollution des eaux. Il serait aussi contradictoire de demander à la Confédération de soutenir la viticulture et l'arboriculture fruitière et en même temps de soumettre leurs produits à un impôt spécial.

Divers groupements sont d'avis qu'un impôt général sur les boissons pourrait très bien être envisagé. En effet, il serait à même de fournir de nouvelles ressources à la Confédération et constituerait une réserve fiscale importante pour l'avenir. Cette opinion a été exprimée par le directoire de l'union suisse du commerce et de l'industrie, la fédération suisse des importateurs et du commerce de gros, l'union centrale des associations patronales suisses, l'union syndicale suisse, l'union suisse des coopératives de consommation et l'union suisse des syndicats autonomes.

Une mise en garde contre la suppression des distilleries domestiques, comme le propose l'initiative, émane surtout de l'union suisse des paysans; celle-ci insiste sur le fait que la législation sur l'alcool a déjà permis d'obtenir des restrictions appréciables dans ce domaine. Une telle suppression
irait à rencontre des promesses faites lors de la votation du projet de revision du régime de l'alcool de 1930. De plus, en grevant l'eau-de-vie d'une charge fiscale trop élevée, on favoriserait le commerce clandestin, que l'initiative tend précisément à juguler.

Divers groupements ont également formulé leurs propositions quant à l'initiative. Ainsi, l'union suisse des paysans recommande de renforcer l'imposition des eaux-de-vie et des vins importés et d'interdire le coupage de l'eau-devie de fruits à pépins. L'union syndicale suisse suggère d'affecter la part fédérale des recettes provenant de l'imposition de l'eau-de-vie et du tabac également à l'assurance invalidité. De son côté, la fédération des sociétés suisses d'employés approuverait la perception d'un impôt sur les boissons en faveur de prestations sociales supplémentaires. La société suisse d'utilité publique propose de reviser

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les dispositions sur la dîme de l'alcool et d'en assurer un meilleur emploi pour la lutte contre l'alcoolisme et les services sociaux oeuvrant à cet effet.

Les points de vue des partis politiques sont les suivants : Le parti radical-démocratique suisse considère l'initiative comme inopportune et contradictoire. A son avis, un impôt sur les boissons pourrait seulement entrer en ligne de compte à la condition qu'il soit proposé conjointement avec un projet financier général et qu'il s'étende à tous les genres de boissons, Le parti rejette l'affectation du produit de l'impôt au financement de la lutte contre la pollution des eaux. Il estime que la suppression des distilleries domestiques pour juguler le commerce clandestin d'eau-de-vie est inopportune en raison de l'opposition qu'elle rencontrerait De l'avis du parti suisse des paysans, artisans et bourgeois, les mesures proposées par l'initiative pour enrayer la consommation de l'alcool ne sont pas appropriées. Il s'oppose surtout à l'impôt sur les boissons alcooliques parce qu'il constitue un impôt de consommation injustifié. II se rallie à l'attitude adoptée par l'union suisse des paysans en ce qui concerne les mesures supplémentaires pour lutter contre le commerce clandestin d'eau-dervie.

L'union libérale démocratique suisse rejette l'initiative parce que l'impôt préconisé touche unilatéralement certaines régions étendues du pays et un seul secteur de notre économie. L'imposition des boissons alcooliques n'est pas un moyen propre à lutter contre l'alcoolisme. Les partis libéraux démocratiques soutiennent également cette lutte, mais estiment que des mesures sociales et hygiéniques seraient plus appropriées.

Pour terminer, notons que l'initiative a été examinée aussi par la commission fédérale contre l'alcoolisme qui, en sa qualité d'organe consultatif, s'occupe de toutes les questions concernant la lutte contre l'alcoolisme en Suisse. La commission conclut qu'il convient d'appuyer en principe l'extension de l'imposition à toutes les boissons alcooliques ainsi que la lutte efficace contre le commerce clandestin d'eau-de-vie, demandées par l'initiative. La commission attend du Conseil fédéral qu'il soutienne ces voeux dans la mesure du possible et indépendamment du sort qui sera réservé à l'initiative ; elle espère aussi que le Conseil fédéral
encouragera toute autre forme de lutte contre l'alcoolisme et qu'il mettra à disposition les moyens nécessaires.

III. AUTRES REQUÊTES CONCERNANT LA LUTTE CONTRE L'ALCOOLISME Des requêtes analogues à celles qui sont développées dans l'initiative ont été soumises au Conseil fédéral par divers groupements antialcooliques. C'est ainsi que la commission permanente de la conférence des délégués des organisations antialcooliques suisses relève dans son mémoire du 26 août 1963 l'accroissement de la consommation de l'eau-de-vie dans notre pays et constate que notamment l'imposition des spiritueux est insuffisante. Celle-ci devrait être par conséquent augmentée considérablement. De plus, il y aurait lieu d'adapter l'impôt sur les eaux-de-vie indigènes aux droits de monopole prélevés

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sur les eaux-de-vie importées. Une résolution du 1er février 1964, présentée au Conseil fédéral par la conférence des présidents des organisations suisses d'abstinents, s'exprime dans un sens identique. Des requêtes du même genre ont été adressées au Conseil fédéral par la ligue des abstinents «Junge Schweiz» et l'association suisse d'abstinence du personnel des PTT et des douanes. Par une nouvelle requête, adressée le 24 novembre 1964 au Conseil fédéral, la conférence des délégués des organisations antialcooliques suisses, déjà citée, prend acte avec satisfaction de la perception d'un droit de monopole augmenté sur certaines eaux-de-vie, décidée le 25 septembre 1964, mais déclare que l'imposition actuelle est absolument insuffisante pour obtenir la diminution de la consommation exigée par l'article 32 bis de la constitution. La conférence des délégués invite donc le Conseil fédéral, conformément aux possibilités que lui confère la loi sur l'alcool, à augmenter la charge fiscale sur toutes les eaux-de-vie à 20 francs par litre à 100 pour cent. Par lettre du 8 janvier 1965, la société suisse d'utilité publique demande d'augmenter l'impôt sur les eaux-de-vie indigènes, car elle estime insuffisante la charge fiscale actuelle. Dans une résolution du 6 juillet 1965, la société suisse de médecine préventive s'est également prononcée pour une imposition efficace de l'alcool.

Le 18 juin 1964, M. Geissbühler-Köniz a déposé au Conseil national un postulat, contresigné par 28 membres. Ce postulat a la teneur suivante: La constitution fédérale, en son article 32/jû-, exige des conseils législatifs qu'ils développent la législation de manière à «diminuer la consommation et partant l'importation et la production de l'eau-de-vie».

Etant donnée l'importation fortement croissante d'eaux-de-vie de toute sorte, le Conseil fédéral est invité à présenter un projet de revision des lois en question ainsi qu'à modifier les ordonnances et les arrêtés correspondants pour qu'ils tiennent mieux compte des exigences de la constitution et de la santé publique.

Le Conseil fédéral a accepté ce postulat lors de la séance du Conseil national du 9 décembre 1964.

IV. CONSOMMATION D'ALCOOL ET ALCOOLISME EN SUISSE Depuis l'époque précédant la seconde guerre mondiale, la consommation de boissons alcooliques s'est développée de la manière suivante:Tableau 1

Consommation par habitant en litres effectifs Moyenne annuelle

Vin

1933/38 1939/44 1945/49 1950/55 1956/60 1961/63 1964 (estimation)

44,0 37,9 36,7 33,9 34,9 36,3 38

Cidre

Bière

Boissons fcrmentées Total

36,1 32,7 .

35,3 26,9 17,3 11,8

54,6

134,7

39,3 34,1 48,5 60,1 71,0 79

109,9 106,1 109,3 112,3 119,1 126

9

Eaux-di>vie

2,88 2,31 3,02 3,02 3,51 4,28 4,5

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Ces chiffres montrent que pendant la seconde guerre mondiale la consommation des boissons fermentées et distillées a diminué; depuis, elle a de nouveau augmenté.

Au cours de l'après-guerre, un accroissement est surtout intervenu dans la consommation de la bière et des boissons distillées, telles que les eaux-de-vie et les liqueurs, alors que la consommation du vin ne s'est guère modifiée; celle du cidre fermenté, en revanche, a fortement diminué.

On objecte souvent que cette augmentation est due en partie aux étrangers qui séjournent en Suisse. L'argument n'est pas valable. En effet, la consommation des touristes étrangers est compensée dans une large mesure par celle des touristes suisses séjournant dans d'autres pays. De plus, le nombre des hôtes étrangers, dont le séjour en Suisse est généralement de courte durée, comparé à la population de résidence, est peu important. Les ouvriers étrangers sont compris dans la population de résidence.

Vu cet accroissement de la consommation, il convient de se demander quels ont été les effets de ce développement sur l'alcoolisme. A vrai dire, il n'est pas facile d'obtenir des renseignements précis à ce sujet. Les dommages causés à la santé par l'alcool ne sont pas seulement déterminés par les proportions. Il le sont aussi et tout autant par le genre et la structure de la consommation. De plus, les conséquences d'une consommation croissante ne sont souvent perceptibles que plus tard. 11 est aussi très difficile de dénombrer tous les cas d'alcoolisme. Néanmoins, on a constaté une progression du nombre des lésions dues à l'alcool durant la dernière décennie. Les renseignements fournis par le bureau fédéral de statistique sur les décès causés par la cirrhose du foie attribuée à l'alcool et le delirium tremens peuvent servir d'indice. Le nombre de ces cas a fortement augmenté ces années passées.

D'autres données montrent que l'état actuel de l'alcoolisme en Suisse est peu réjouissant. Sur demande de la commission fédérale contre l'alcoolisme, une enquête a été effectuée dans une ville industrielle d'importance moyenne.

Les résultats ont été les suivants: 18,8 pour cent des hommes et 1,5 pour cent des femmes admis en 1963/1964 à la division médicale étaient des alcooliques gravement atteints. En outre, le professeur Bleuler, directeur de la clinique psychiatrique
universitaire Burghölzli à Zurich, a publié dans le 5e cahier de «Praxis», revue suisse de médecine 1965, un article selon lequel environ 10 pour cent des hommes âgés de plus de 50 ans sont alcooliques, en ce sens qu'ils sont atteints dans leur santé et leur vie sociale.

Il y a lieu d'ajouter à cette constatation que les dommages sociaux et économiques causés par la consommation abusive d'alcool prennent des proportions considérables qui ne sont pas sans influence sur le bien-être de notre population.

Les conséquences de l'abus d'alcool se traduisent par une fréquence accrue de la maladie et des accidents chez les victimes de l'alcoolisme et, partant, par de nombreux arrêts du travail et un abrègement de la durée de vie. Il en résulte aussi des charges d'assistance plus élevées, notamment pour les communes.

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Le mémoire relatif à l'initiative, présenté le 20 avril 1965 par la fédération des médecins suisses, rappelle une constatation du professeur Kielholz, directeur de la clinique psychiatrique universitaire de Baie, selon laquelle le nombre des admissions d'alcooliques dans les cliniques psychiatriques ne cesse d'augmenter, comme aussi celui de malades atteints de psychoses dues à l'alcoolisme, telles que le delirium tremens. Les admissions déjeunes alcooliques et de buveurs qui ont abusé de l'alcool dans leur jeunesse se multiplient. On remarque aussi que la préférence des jeunes va surtout aux boissons alcooliques concentrées.

Aujourd'hui, les psychoses dues à l'alcoolisme apparaissent généralement plus tôt que ce n'était le cas il y a dix ans encore.

Les constatations faites par les médecins sont confirmées par les expériences des assistants sociaux antialcooliques suisses. Ainsi, d'après la statistique, fondée sur les rapports des services sociaux et élaborée par le bureau fédéral de statistique, le nombre des alcooliques traités par les dispensaires a considérablement augmenté depuis 1950. Cette hausse est due aussi en partie au fait que les cas sont mieux dépistés. Alors qu'en 1950, 83 dispensaires annonçaient 14 458 cas, 94 dispensaires se sont occupés de 24 933 cas en 1963. Pour 1963, le nombre des cas nouveaux et de réadmissions s'élevait à lui seul à 3929. Cette statistique fait ressortir aussi que, pendant la période de 1959 à 1963, le nombre des alcooliques âgés de moins de 30 ans s'était accru dans des proportions plus fortes que celles qui correspondraient à l'augmentation de la population. Cela confirme l'observation faite par plusieurs assistants sociaux, qui déclarent avoir à s'occuper de plus en plus de jeunes alcooliques en raison de la prospérité actuelle. Cette constatation concorde avec les renseignements, déjà cité,s, fournis par le corps médical.

A maintes reprises, on a également fait état de l'alcoolisme chez les femmes, plus répandu qu'autrefois. Les indications à ce sujet varient. Le dépistage des cas d'alcoolisme chez les femmes est difficile, celles-ci cherchant beaucoup plus que les hommes à se soustraire à un traitement. Comme l'admettent divers dispensaires, les cas d'alcoolisme chez les femmes enregistrés par eux ces derniers temps sont cependant beaucoup plus
nombreux qu'il y a dix ans. Du côté médical également, une progression de l'alcoolisme chez les femmes a été observée, ainsi que leur préférence pour les eaux-de-vie et les liqueurs.

Comparé à ce qu'il était autrefois, l'alcoolisme s'est considérablement modifié dans ses formes extérieures. Les excès en public ont souvent fait place à l'alcoolisme latent, mais non moins dangereux. Par la mécanisation accrue et l'intensification de l'économie et du trafic, l'abus des boissons alcooliques prend de nos jours un aspect particulier; la diminution de la puissance de travail de l'homme par suite d'une trop forte consommation d'alcool n'est plus supportable. L'institut de médecine légale de l'université de Baie a fait récemment une enquête dans un hôpital d'une ville industrielle d'importance moyenne. Le résultat a démontré que sur 101 blessés admis dans l'établissement à la suite d'accidents de la circulation, 46 étaient sous l'influence de l'alcool; 35 présentaient une alcoolémie dépassant 0,8 gramme pour mille, c'est-à-dire la limite fixée par l'arrêté du Tribunal fédéral du 18 juin 1964, La nécessité d'accroître

49 la sécurité de la circulation routière est un impératif de notre temps en raison du nombre croissant d'accidents de la route dus à l'alcoolisme.

En résumé, nous devons relever que l'alcoolisme, favorisé par la prospérité actuelle, représente pour la santé publique un sérieux danger qu'il ne faut pas sous-estimer.

V. DÉVELOPPEMENT ET ÉTAT DE L'IMPOSITION DES BOISSONS ALCOOLIQUES 1. Suisse a. Généralités Jusqu'en 1933, l'imposition des boissons alcooliques, mis à part les droits de douane, se limitait aux eaux-de-vie et à la bière. Depuis 1885, et plus complètement depuis 1932, la législation sur l'alcool soumet les eaux-de-vie à une charge fiscale. L'imposition de la bière remonte à 1927, c'est-à-dire à l'époque où la perception de droits d'entrée supplémentaires sur l'orge et le malt à brasser ainsi que sur la bière importée avait été décidée afin de rétablir l'équilibre des finances fédérales (AF du 30 septembre 1927, RO 43, 455).

Eu égard à la gravité de la situation financière dans les années de crise, le Conseil fédéral, par son message du 2 septembre 1933 concernant les mesures extraordinaires et temporaires destinées au rétablissement de l'équilibre budgétaire (FF 1933, II, 201), proposa aux chambres d'instituer un impôt général sur les boissons. L'Assemblée fédérale approuva cette proposition par arrêté fédéral du 13 octobre 1933 (RO 49, 859). Ainsi, pour la première fois, un impôt fédéral sur les boissons non distillées pouvait être instauré. Cet impôt comprenait les boissons sans alcool à l'exception du lait, du thé et du café; il devait être perçu de telle façon qu'il ne soit pas supporté directement ou indirectement par les producteurs de vin et de cidre. Le produit de cet impôt était estimé à 25 millions de francs. Les droits d'entrée supplémentaires sur les matières premières destinées à la fabrication delà bière étaient maintenus. L'imposition des eaux-devie, développée par la revision de la législation sur l'alcool de 1932, demeurait en vigueur sous sa forme d'impôt particulier.

Le nouvel impôt, mis en vigueur le l cv janvier 1935, suscita une vive résistance, bien que, en raison dès difficultés que rencontrait l'écoulement des vins indigènes, la franchise fiscale fût accordée aux producteurs de vin et de cidre pour les quantités nécessaires à leur usage personnel. Cette
opposition n'ayant cessé de croître, le Conseil fédéral supprima en 1937 l'impôt sur le vin et le cidre, ce qui entraîna l'abolition des charges fiscales sur toutes les boissons sans alcool. Seule la taxe sur la bière devait être maintenue. Celle-ci a été fixée en 1936 à 6 centimes par litre, de sorte que la charge fiscale sur cette boisson, y compris les droits d'entrée supplémentaires sur les matières premières à brasser, s'élevait à 12 centimes par litre. Cette réglementation a été confirmée en 1945, après une augmentation temporaire des taux.

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Entre-temps, le Conseil fédéral instituait, par arrêté du 29 juillet 1941 (RS 6,176), un impôt sur le chiffre d'affaires. Celui-ci comprenait, parmi d'autres marchandises, toutes les boissons alcooliques, sur lesquelles était prélevé un impôt de 2 pour cent pour les livraisons au détail et de 3 pour cent pour les livraisons en gros. Pour la bière, comme aussi pour la tabac, le taux avait été fixé à 1,5 pour cent pour les livraisons en gros, compte tenu de l'imposition spéciale déjà en vigueur. Les boissons sans alcool étaient taxées à raison de 2 pour cent également pour les livraisons au détail et de 2,5 pour cent pour les livraisons en gros. En 1943, ces taux furent doublés pour toutes les boissons alcooliques, alors qu'ils demeuraient inchangés pour les boissons non alcooliques.

Au début de 1956, l'impôt sur le chiffre d'affaires fut généralement réduit de :IO pour cent; les boissons sans alcool en furent totalement exonérées à partir de 1959. Par ordonnance du département fédéral des finances et des douanes du 12 février 1964 (RO 1964, 85), l'impôt sur le chiffre d'affaires prélevé sur la bière a été porté à 4,5 pour cent pour les livraisons en gros, compte tenu de l'augmentation du prix de la bière. Une hausse des droits d'entrée ou de l'impôt sur la bière a pu être ainsi évitée.

L'arrêté du Conseil fédéral du 13 octobre 1942 (RS 6, 213) instaurait un impôt sur le luxe. Entre autres marchandises de luxe, les vins mousseux, avec alcool, furent frappés d'une taxe spéciale de 10 pour cent du prix de détail. Ce taux a été abaissé à 5 pour cent à partir du 1er janvier 1955.

Lors de la préparation de la réforme des finances dé la Confédération en 1948, un impôt sur les boissons fut à nouveau envisagé. Dans son message du 22 janvier 1948 (FF 1948, ï, 329), le Conseil fédéral proposait un impôt sur les boissons en tant que partie de l'impôt sur le chiffre d'affaires. Il devait rapporter 40 millions de francs. Toutefois, ce projet fut rejeté par le peuple et les cantons lors de la votation populaire du 4 juin 1950.

Dans son message du 16 février 1951 concernant le programme d'armement et son financement (FF 1951,1, 589), le Conseil fédéral proposait à nouveau un impôt sur les boissons. Comme en 1950, il prévoyait une charge fiscale supplémentaire, ajoutée à l'impôt sur le chiffre d'affaires. Le
calcul de l'impôt devait être fondé sur la valeur des boissons faisant l'objet des transactions, ce système paraissant le plus équitable. Le Conseil fédéral s'abstint de préciser si, eu égard aux intérêts de la production viticole indigène, il ne fallait pas plutôt imposer certaines boissons d'après la quantité et non d'après la valeur. Le produit de cette imposition était supputé à 40 millions de francs. On s'attacha surtout à protéger les producteurs indigènes de vin et de cidre. Cependant, le projet d'imposition, sanctionné par l'arrêté fédéral du 28 mars 1952 (FF 1952, I, 639), fut repoussé par le peuple lors de la votation populaire du 6 juillet 1952, Une fois de plus l'instauration de l'impôt sur les boissons n'était pas possible.

Lorsqu'en 1953, le Conseil fédéral présenta son projet de nouvelles dispositions constitutionnelles sur le régime financier de la.Confédération (message du 20 janvier 1953, FF 1953,1,101), il proposa derechef un nouvel article consti-

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tutionnel qui aurait permis d'instituer un impôt général sur les boissons. Le parlement modifia cet article en ce sens que seule la perception d'un impôt sur le chiffre d'affaires ne dépassant pas le taux en vigueur et d'une taxe sur la bière de 14 pour cent au maximum aurait été possible. Soumis à la votation populaire du 6 décembre 1953, ce projet n'eut pas plus de succès que le précédent.

Dans son message du 1er février 1957 (FF 1957,1, 525) relatif à de nouvelles dispositions constitutionnelles sur le régime financier de la Confédération, le Conseil fédéral renonça à proposer un impôt général sur les boissons. Il constatait qu'il ne fallait pas songer, à ce moment-là, à instituer un impôt sur les boissons dépassant la limite normale de l'impôt sur le chiffre d'affaires. D'autre part, il estimait que l'impôt sur la bière, comme l'impôt sur le luxe, ne pouvait plus guère se justifier en tant que seule survivance de l'impôt général sur les boissons de 1934. Il proposait donc de supprimer l'impôt sur la bière à fin 1958, mais de frapper cette boisson de l'impôt sur le chiffre d'affaires avec les taux normaux. Le parlement approuva la suppression de l'impôt sur le luxe mais non pas celle de l'impôt sur la bière. Toutefois, une limite fut fixée en ce sens que la charge totale qui grève la bière proportionnellement à son prix et qui comprend l'impôt sur la bière, les droits de douane supplémentaires sur les matières premières pour la brasserie et sur la bière, ainsi que l'impôt sur le chiffre d'affaires ne peut être ni augmentée ni réduite par rapport à son état le 31 décembre 1958.

Cette réglementation fut enfin acceptée par le peuple. L'impôt sur la bière a donc été en vigueur jusqu'en 1964; il le restera jusqu'à fin 1974 en vertu de l'arrêté de prolongation du 8 décembre 1963 (RO 1958, 371 ; J963, 1171).

La charge fiscale sur la bière comprend actuellement les droits d'entrée supplémentaires sur les matières premières à brasser (orge et malt) qui s'élèvent à 3 francs par hectolitre de bière, l'impôt sur la bière de 6 francs par hectolitre et l'impôt sur le chiffre d'affaires de 4,5 pour cent.

Pour la bière importée, il est perçu un droit d'entrée de 9 à 20 francs par 100 kg brut, suivant le genre de récipient (wagon-citerne, fût, bouteille). A cela s'ajoutent les droits d'entrée supplémentaires
de 3 francs par hectolitre, l'impôt sur la bière de 6 francs par hectolitre ainsi que l'impôt sur le chiffre d'affaires de 4,5 pour cent calculé sur la valeur de la bière importée franco frontière suisse, y compris les droits de douane et les taxes fiscales.

La charge fiscale sur la bière indigène s'élève au total a 12,5 centimes par litre ; celle sur la bière importée varie entre 20 et 42 centimes par litre, compte tenu des droits d'entrée, qui diffèrent suivant le récipient.

Le vin importé est soumis, en plus de l'impôt sur le chiffre d'affaires de 5,4 pour cent et des droits de douane de 26 à 50 francs par 100 kg brut, à une taxe de 8 francs par 100 kg brut (seulement sur le vin en fût). Conformément à l'article 46 de la loi du 3 octobre 1951 sur l'amélioration de l'agriculture et le maintien de la population paysanne (loi sur l'agriculture, RO 1953, 1095), cette taxe doit être employée à l'encouragement de la viticulture et du placement de ses produits.

52 b. Imposition des boissons distillées conformément à la législation sur l'alcool Jusqu'à la revision de la législation sur l'alcool de 1930/1932, la charge fiscale grevant les boissons distillées était peu importante. Les eaux-de-vie de fruits et de vin n'étaient pas soumises à la législation et étaient par conséquent franches d'impôt. La revision ayant étendu l'application de la législation fédérale et l'imposition a toute production d'eau-de-vie, le taux des boissons distillées put être augmenté considérablement. Le tableau suivant donne des renseignements à ce sujet.

Tableau 2 Développement de la charge fiscale grevant les eaux-de-vie

Fr. par litre il 100 %

Droit de monopole sur les caiix-dc-vje importées Fr. par litre à 100 %

2.-- ·2.-- 4.90 4.90 4.90 4.90 5.70 5.70 6.50 7.30 7.30 8.40 8.40 8.40 8.40 11.-- lì.-- 11.-- 13.-- 13.--

2.50 4.50 4.50 4.50 4.50 6.~ 6.-- 6.-- 6.-- 6.-- 6.-- 6.-- 7.50 7.50 10.-- 10.-- 10.--/15.--") 12.--/17.--a2) 12.--/17.-- )

Prix de vente de l'alcool de bouche A)

avant 1930 6 avril 1930 21 septembre 1932 7 septembre 1933 1er septembre 1934 10 septembre 1936 21 novembre 1939 23 août 1940 6 septembre 1941 cr l mai 1942 12juin 1942 25. mai 1943 28 août 1945 3 mai 1946 6 septembre 1946 28 février 1959 28er août 1963 1 octobre 1964 11 août 1965 25 septembre 1965

1.25

Droit sur l'eaude-vie de fruits à pépins

Impôt sur les eaux-de-vie de spécialités

Fr. par litre à 100 %

Fr. par litre à 100 %

pas d'impôt pas d'impôt 2.70 2.90 3.10 3.30 3.30 3.80 3.80 3.80 4.-- 4.-- 5.-- 5.-- 5.70 5.70

pas d'impôt pas d'impôt 2.50 2.50 2.50 2.50 2.50 2.50 3.-- 3.-- 4.-- 4.-- 5.--

7.-- 1.-- 7.--

8.50

5.--

5.-- 5.-- 5.--

5-- 5.-- 7.50

*) Y compris la charge fiscale qui s'élève, depuis 1959, à 10 francs et, depuis le 11 août 1965, à 12 francs par litre à 100 pour cent, en chiffre rond.

2 ) Eaux-de-vie dont la fabrication est interdite en Suisse comme le whisky, le le gin, la wodka, le rhum, le cognac et autres eaux-de-vie du même genre.

53 A ces charges fiscales s'ajoute l'impôt sur le chiffre d'affaires prélevé sur toutes les boissons alcooliques; il s'élève actuellement, à l'exception de la bière, à 5,4 pour cent pour les livraisons en gros. De plus, les droits de douane sont perçus sur les eaux-de-vie importées. Pour les importations en fût, ils s'élèvent, par degré et par quintal brut, à 40 centimes pour Feau-de-vie de vin et à 80 centimes pour toutes les autres eaux-de-vie.

c. Imposition des boissons alcooliques en Suisse Le tableau suivant indique le montant des charges fiscales frappant les boissons alcooliques: Tableau 3 Moyenne annuelle 1964

1951/1955

1956/1960

1961/1963

en millions de francs

Montant des charges fiscales grevant les alcools vendus par la régie pour la consommation Impôt sur les eaux-de-vie de fruits à pépins et de spécialités Droits de monopole perças à l'importation .

Taxes sur les licences pour le commerce de gros Droits de douane Impôt sur le chiffre d'affaires Vin Droits de douane Droit de douane supplémentaire sur le vin en fût Impôt sur le chiffre d'affaires Impôt sur les vins mousseux (impôt sur le luxe) ....

Cidre Impôt sur le chiffre d'affaires Bière Droits de douane, droits d'entrée supplémentaires sur l'orge, le malt et la bière Impôt sur la bière Impôt sur le chiffre d'affaires Divers Taxes pour le débit et la vente des boissons alcooliques Total

33,9

50,2

79,0

14,7

21,7

29,1

36,1

7,1

7,2

10,3

12,4

8,2

15,4

29,4

39,3

0,1 0,7 3,1 52,9 30,5

0,1 1,2 4,6 65,6 38,4

0,1 2,4 7,7 77,9 46,4

0,1 3,2 9,6 50.5 45,4

8,3 13,8

10,1 16,9

10,0 21,5

11,3 23,8

0,3 1,1 1,1 25,2

0,2 0,8 0,8 33,0

0.8 0,8 43,1

0,7 0,7 55,4

6,9 14,3 4,0 7,9

9,5 18,5 5,0 8,9

13,0 23,6 6,5 10,3

14,0 27,4 14,0 70,7

7,9

8,9 158,5

10,3 211,1

10,7 248,0

121,0

100,7

54

II ressort de ce tableau que, durant la période de 1951/1955 à 1964, le montant de la charge fiscale grevant Feau-de-vie a passé de 34 à 101 millions de francs, ce qui correspond à une augmentation de 197 pour cent. La hausse est de 53 pour cent pour le vin et de 120 pour cent pour la bière.

2. Etranger Pour apprécier la charge fiscale frappant les boissons alcooliques en Suisse, il est intéressant de la comparer avec l'imposition des alcools dans quelques pays.

Certes, une telle comparaison se heurte à maintes difficultés. Les sytèmes d'imposition varient considérablement d'un pays à l'autre. De plus, la charge fiscale qui frappe les différentes boissons alcooliques se compose, la plupart du temps, de divers éléments, comme le montre l'exemple de la France, que nous citons ci-après.

En France, l'eau-de-vie est frappée d'un droit de consommation de 1060 francs par hectolitre à 100 pour cent, auquel s'ajoutent une surtaxe de 300 francs, une taxe sur la valeur ajoutée de 23 pour cent du prix de gros et une taxe locale de 2,75 pour cent du prix de vente au détail. L'eau-de-vie importée est grevée, en plus des droits de douane et du droit de consommation précité, d'une surtaxe spéciale de compensation, destinée à la lutte contre l'alcoolisme, de 286 francs par hectolitre, calculée sur la base de 20 pour cent d'alcool, plus une taxe de luxe de 33 pour cent sur la valeur de la marchandise. Un impôt de 15 fr. 40 à 22 fr. 50 par hectolitre est perçu sur le vin, et de 48 fr. 50 sur le vin doux. La bière est frappée d'un impôt sur le chiffre d'affaires de 25 pour cent et d'une taxe de débit de 8,5 pour cent.

En raison de la complexité du problème, nous nous sommes limités à faire état, dans le tableau suivant, de la charge fiscale grevant les boissons distillées dans les pays sur lesquels nous possédons des indications relativement sûres.

Tableau 4

Charge fiscale grevant les eaux-de-vie dans les pays étrangers et en Suisse Pays

En francs par lilrc à ] 00 %

Italie Autriche Allemagne (République fédérale) ..

Pays-Bas France.... : Belgique Canada Etats-Unis de l'Amérique du Nord Suède Danemark Grande-Bretagne Suisse

3.20 à 7.40 6.50 à 7.30 10.80 à 11.90 14.30 14.60 à 24.40 17.40 à 19.80 19.10 à 22.50 25.50 à 28.10 48.20 à 50.50 49.40 68.10 7.50 à 17.--

55

II ressort de ce tableau que la charge fiscale frappant les boissons distillées est très élevée dans les pays où la production d'eau-de-vie est concentrée dans quelques exploitations et où la culture fruitière et la viticulture sont peu importantes. Cela est notamment le cas pour les pays Scandinaves et la Grande, Bretagne. En revanche, la charge fiscale est peu élevée dans les pays où existent encore les distilleries domestiques ou d'autres groupes de distillateurs bénéficiant de faveurs fiscales. Cette constatation est valable pour l'Italie, l'Autriche,.

l'Allemagne, la France et la Suisse.

VI. PREMIER POINT DE L'INITIATIVE: Extention de l'imposition des boissons alcooliques Au point 1, l'initiative demande, afin de restreindre l'alcoolisme, que l'imposition, échelonnée selon la teneur en alcool, soit étendue à toutes les boissons alcooliques.

1. Aspects juridiques A part les articles 29 et 4\ter de la constitution, qui règlent respectivement les droits de douane et l'impôt sur le chiffre d'affaires, seuls les articles 32bis et 41 ter fournissent actuellement une base constitutionnelle pour l'imposition de l'eau-de-vie et de la bière.

D'après l'article 32bi$ de 1a constitution, la législation sur l'alcool doit tendre à diminuer la consommation et, partant, l'importation et -la production de l'eau-de-vie. Ainsi, la constitution ne limite pas l'imposition des boissons distillées. La loi sur l'alcool du 21 juin 1932/25 octobre 1949 (RS 6, 853; RO 1950, 72) ne fixe pas non plus les taux de l'impôt. 11 est seulement prévu que la charge fiscale sur les eaux-de-vie doit être équitable. En outre, certaines relations entre l'imposition des différentes eaux-de-vie doivent être assurées. Il n'est donc pas nécessaire de modifier les bases constitutionnelles pour étendrel'imposition des eaux-de-vie.

En ce qui concerne l'impôt sur la bière, l'article 41 ter de la constitution prescrit que la charge totale qui grève la bière proportionnellement à son prix et qui comprend l'impôt sur la bière, les droits de douane supplémentaires sur les matières premières pour la brasserie et sur la bière, ainsi que l'impôt sur le chiffre d'affaires, ne peut être ni augmentée ni réduite par rapport à son état le 31 décembre 1958. Si l'impôt sur la bière devait être majoré au-delà de la limite actuelle sans que le prix de
gros en soit modifié, il y aurait lieu de remplacer l'article 4] ter par une nouvelle disposition constitutionnelle ou de le compléter.

Il n'existe pour le moment aucune base constitutionnelle permettant d'instituer un impôt spécial sur le vin et le cidre au sens de l'initiative. Cette base devrait être créée.

56 2. Considérations d'ordre matériel

Les organisations consultées approuvent la tendance fondamentale de l'initiative visant la diminution de l'alcoolisme. Cependant, il convient de relever que plusieurs d'entre elles doutent qu'une charge fiscale grevant les boissons alcooliques soit un moyen efficace pour réduire la consommation d'alcool. Cette question constitue l'un des points essentiels du problème soulevé par l'initiative.

L'efficacité d'un renchérissement des boissons alcooliques, en tant que moyen pour lutter contre l'alcoolisme, est avant tout une question de mesure.

Les expériences faites depuis l'existence d'une législation suisse sur l'alcool confirment que l'imposition des eaux-de-vie a diminué la consommation. C'est ainsi que l'extension de la charge fiscale, fondée sur la loi sur l'alcool de 1932, a eu pour conséquence de réduire de plus de la moitié la consommation des eaux-de-vie, jusqu'au début de la seconde guerre mondiale. Mais, après la guerre, la consommation s'est de nouveau accrue, malgré diverses augmentations de l'impôt. Ce développement montre que le montant de la charge fiscale qui est nécessaire pour réduire la consommation dépend fortement de la situation économique, c'est-à-dire du pouvoir d'achat des consommateurs.

Il est clair que le renchérissement des boissons alcooliques ne constitue pas un moyen propre à guérir un véritable alcoolique. Comme le toxicomane, l'alcoolique ne peut s'empêcher de satisfaire son besoin d'alcool à quelque prix que ce soit. En revanche, une charge fiscale accrue peut réduire la consommation dans son ensemble ou tout au moins enrayer son développement.

Les objections formulées contre l'initiative confirment que l'imposition des boissons alcooliques peut avoir des effets restrictifs sur la consommation. Ainsi les craintes des producteurs de matières premières indigènes, des importateurs et commerçants, quant aux conséquences d'une extension de l'imposition, ne peuvent être suscitées que par un recul de la consommation.

Comme il ressort des considérations précédentes, nous sommes convaincus qu'une imposition suffisamment forte de l'alcool et le renchérissement des boissons alcooliques qui en découle contribuent à réduire la consommation. Dès lors, une autre question essentielle se pose, à savoir si l'extension de l'imposition à toutes les boissons alcooliques, telle que
la préconise l'initiative, se justifie sur une base aussi générale. L'initiative ne tient pas compte, en effet, des conditions particulières aux différentes boissons alcooliques.

De tout temps on a reconnu, en Suisse, que la consommation des eaux-de-vie était l'une des principales causes de l'alcoolisme. Le tableau 1 montre que la consommation d'eau-de-vie, par tête de population, passé de 2,88 litres, moyenne d'avant-guerre, à 4,5 litres en 1964, ce qui représente une hausse de 56 pour cent. L'impôt sur les boissons distillées a bien subi diverses augmentations.

Mais elles se sont révélées insuffisamment efficaces en raison de la situation économique favorable et de l'amélioration du salaire réel. C'est pourquoi, par nos arrêtés des 25 septembre 1964 (RO 1964, 865), 10 août et 24 septembre 1965 (RO 7965, 637, 638, 639, 836), nous avons décidé une augmentation importante

57

de la charge fiscale sur les boissons distillées, dans l'espoir que cette mesure réduira la consommation, comme le demande le postulat Geissbühler-Köniz.

Si ce ne devait pas être le cas, nous nous verrions contraints d'envisager, au sens de ce postulat, une nouvelle augmentation des taux de l'impôt, ce qui pourrait se faire conformément aux dispositions légales en vigueur. Il convient de relever ici que la législation sur l'alcool garantit l'utilisation des matières premières sans distillation et de ce fait protège les producteurs contre les suites d'une diminution de la vente des eaux-de-vie. Toutefois, l'encouragement de l'utilisation sans distillation ne vise pas seulement à protéger les producteurs de matières premières. Il doit plutôt être considéré comme l'une des nombreuses mesures destinées, ainsi que l'imposition, à lutter contre les causes et les effets de l'alcoolisme. De telles mesures méritent d'être soutenues aussi à l'avenir.

La consommation de la bière s'est aussi considérablement accrue. Comparée à ce qu'elle était avant la seconde guerre mondiale, la consommation par habitant a augmenté de 54,6 litres à 79 litres en 1964, soit de 45 pour cent. Il convient toutefois de préciser que la bière est de toutes les boissons alcooliques celle qui contient le moins d'alcool. La consommation du cidre fermenté, d'une teneur acoolique plus élevée, a diminué dans une proportion presque égale à l'augmentation de la consommation de la bière. Mais, cette constatation ne doit pas nous inciter à minimiser les dangers que représente l'accroissement de la consommation de 1a bière. Bien au contraire, il s'agit de suivre attentivement son développement ultérieur.

Le vin, dont la teneur alcoolique s'élève en moyenne à l l pour cent du volume, occupe une place importante dans le total de la consommation d'alcool.

Il ressort du tableau 1 que la consommation du vin, comparée avec celle des années d'avant-guerre, a fortement diminué jusque vers 1955 ; elle s'est légèrement accrue depuis cette époque. En comparant le niveau de la consommation atteint immédiatement avant la guerre avec celui de 1964, on constate un recul de 14 pour cent. L'imposition du vin, à l'effet de provoquer un recul de la consommation, ne paraît pas nécessaire pour le moment.

Nous abordons brièvement la question de l'imposition du
cidre fermenté.

Depuis la période d'avant-guerre, la consommation a fortement diminué, soit de 75 pour cent. De plus, la majeure partie de cette boisson est consommée dans la famille du producteur; elle ne peut par conséquent pas être assujettie à une charge fiscale. L'institution d'un impôt spécial sur le cidre, pour l'alcool qu'il contient, n'entre donc pas en ligne de compte.

Si les considérations précédentes peuvent s'appliquer à la demande de l'initiative tendant à étendre une charge fiscale à toutes les boissons alcooliques afin de combattre l'alcoolisme, elles ne sont, en revanche, pas valables quant à l'introduction d'un impôt sur les boissons en tant que partie intégrante d'un programme général des finances de la Confédération. En effet, la consommation des boissons pourrait constituer un objet d'imposition propre à fournir de nouvelles ressources financières à la Confédération. Un tel impôt ne devrait Feuille fédérait. 117* année. Vol. III,

5

58

cependant pas être limité aux boissons alcooliques. Plusieurs organisations économiques ont exprimé cet avis. Cette appréciation positive de l'impôt sur les boissons, en tant que ressource financière supplémentaire pour la Confédération, n'est donc pas en contradiction avec notre rejet de l'initiative. Ce qui est déterminant, c'est qu'un but différent requiert aussi des mesures différentes.

Nous estimons pouvoir renoncer à examiner plus en détail, en liaison avec l'initiative, les problèmes de politique financière et fiscale de la Confédération, Pour l'instant, nous savons que nous aurons à faire face, dans un proche avenir, à d'importantes dépenses supplémentaires dans dès domaines très variés, tels que les Universités et la recherche scientifique, le renforcement de la protection civile et de la défense nationale économique. 11 conviendra de déterminer encore si et dans quelle mesure de nouvelles ressources fiscales devront être créées pour couvrir ce surplus de dépenses. Nous nous réservons expressément de revenir sur le projet d'une imposition générale des boissons si celle-ci devait se révéler nécessaire dans le cadre d'un programme financier de la Confédération.

VII. DEUXIÈME POINT DE L'INITIATIVE Lutte contre le commerce clandestin Au point 2, l'initiative demande de juguler le commerce illicite d'eau-de-vie par des mesures efficaces, au besoin par la suppression, contre indemnité, des distilleries domestiques.

1. Structure du régime des distilleries La loi sur l'alcool mentionne, d'une part, les distillateurs et commettants professionnels et, d'autre part, les bouilleurs de cru et commettants-bouilleurs de cm. Ces deux groupes de producteurs se distinguent essentiellement de la manière suivante : Les distillateurs professionnels peuvent fabriquer de l'eau-de-vie à partir de leurs propres produits ou d'autres matières premières achetées; ils sont imposables pour toute la quantité d'eau-de-vie produite, dans la mesure où elle n'est pas livrée à la régie. En revanche, les bouilleurs de cru et commettants-bouilleurs de cru ne peuvent mettre en oeuvre que des matières premières provenant de leur propre domaine ou récoltées par leurs soins à l'état sauvage dans le pays; ils peuvent garder en franchise d'impôt l'eau-de-vie nécessaire à leur ménage ou à leur exploitation agricole (privilège du
bouilleur de cru). Les distillateurs professionnels et les bouilleurs de cru peuvent produire leur eau-devie dans leurs propres appareils à distiller. Les commettants professionnels et les commettants-bouilleurs de cru doivent faire distiller leurs matières premières par un tiers, c'est-à-dire le distillateur à façon.

La récapitulation ci-dessous renseigne sur l'effectif des producteurs d'eaude-vie au 30 juin 1965:

59 Bouilleurs de cru Commettants-bouilleurs de cru

19 787 115 247

Total dés producteurs bénéficiant de la franchise d'impôt

135 034

Distillateurs professionnels Commettants professionnels

1 436 52 317

Total des producteurs sans franchise d'impôt

53 753

Nombre total des producteurs d'eau-de-vie

188 787

En ce qui concerne les distillateurs et commettants professionnels, il convient de remarquer que sur les 53 753 producteurs, 937 seulement disposent d'une véritable exploitation professionnelle fabriquant de l'eau-de-vie pour le commerce. Quant à la grande masse des 52 816 distillateurs et commettants professionnels, il s'agit de petits producteurs qui ne remplissent pas les conditions requises pour être reconnus bouilleurs de cru ou commettants-bouilleurs de cru et qui ne fabriquent généralement de l'eau-de-vie qu'à partir de leurs propres matières premières pour leur usage personnel, Les distillateurs professionnels ont produit en moyenne durant les quatre années 1960/1961 à 1963/1964 4 160 982 litres à 100 pour cent d'eau-de-vie. La production des bouilleurs de cru et commettants-bouilleurs de cru s'est élevée à 2 051 979 litres à 100 pour cent, dont 80 pour cent furent utilisés en franchise d'impôt.

2, Contrôle de la production et de l'emploi de l'eau-de-vic La loi sur l'alcool prévoit qu'une autorisation de la régie est nécessaire pour acquérir, installer, déplacer, remplacer ou transformer des appareils à distiller. Cette prescription est valable poux les distillateurs professionnels comme pour les bouilleurs de cru. De plus, toute distillerie doit faire l'objet d'une concession qui n'est accordée et renouvelée que si les conditions légales sont remplies. Les producteurs professionnels sont tenus, avant de distiller, d'annoncer leurs matières premières à la régie. Les appareils sont alors déplombés pour la durée de la distillation. Les producteurs ne peuvent disposer de l'eau-de-vie produite qu'après la vérification par les organes de contrôle de la régie et la remise de la déclaration en vue de l'imposition. Les distillateurs et commettants professionnels dont la production atteint une certaine ampleur doivent en outre tenir une comptabilité sur leur activité, la provenance des matières premières, la distillation et l'emploi ces produits obtenus; ils doivent permettre aux agents de la régie de vérifier leurs livres comptables. De plus, les distilleries professionnelles sont l'objet de contrôles d'exploitation réguliers.

Les bouilleurs de cru et commettants-bouilleurs de cru ne sont autorisés à distiller ou à faire distiller que s'ils sont en possession d'une carte de distillation.

Ils doivent inscrire sur cette carte leur production ainsi que l'emploi de l'eau-devie et leurs réserves. Les bouilleurs de cru et les commettants peuvent céder à des

60 tiers leurs eaux-de-vie moyennant paiement de l'impôt. Les cessions doivent alors être portées au fur et à mesure sur la carte de distillation et annoncées en même temps à l'imposition. A la fin de l'exercice, les offices de surveillance des distilleries retirent et contrôlent les cartes de distillation et les transmettent à la régie pour vérification. Les bouilleurs de cru et commettants font aussi l'objet d'une surveillance sur place.

Les distilleries à façon, qui produisent 90 pour cent des eaux-de-vie des agriculteurs, sont soumises à une surveillance particulièrement sévère. Le contrôle de l'eau-de-vie produite par les commettants est ainsi grandement facilité. La régie contrôle également tout le commerce de gros et de détail des boissons distillées.

Celui qui contrevient aux prescriptions en vigueur ou qui fabrique ou emploie illicitement de l'eau-de-vie est passible de sanctions sévères. Conformément à la loi sur l'alcool, des amendes allant jusqu'à 20 000 francs peuvent être pronconcèes. Si des impôts sont éludés, l'amende peut s'élever à vingt fois la somme soustraite. De plus, dans les cas graves, les appareils à distiller sont confisqués.

3. Distillation et commerce clandestins

a. Généralités 11 ne faut pas méconnaître le danger que représente le commerce illégal en raison du nombre élevé de producteurs d'eau-de-vie et d'appareils à distiller répandus jusque dans les régions les plus isolées. Le commerce clandestin est, sans nul doute, beaucoup moins important chez les distillateurs professionnels, notamment chez les grands producteurs, que chez les bouilleurs de cru et commettants, car les premiers peuvent être soumis à un contrôle plus complet et plus sévère que les seconds.

Il n'est cependant pas possible de fournir des renseignements précis sur l'importance de la distillation et du commerce clandestins. Nous ne possédons pas de données suffisantes pour pouvoir évaluer sûrement les quantités d'eau-devie qui échappent ainsi à l'imposition.

b. Diminution du nombre des appareils à distiller II est évident que le contrôle est plus facile chez les commettants, qui doivent faire distiller leurs matières premières par un distillateur à façon, que chez un détenteur d'appareil. C'est pourquoi la constitution et la loi prescrivent le rachat à l'amiable des appareils à distiller.

Se fondant sur cette disposition, la régie a donc déjà racheté plusieurs milliers d'appareils à distiller. Sur le nombre total des appareils, qui était anciennement de 42 213 y compris ceux qui furent découverts après le recensement, 17 568 ont été rachetés et 3174 éliminés d'une autre façon. Le 30 juin

61 1965, le nombre des distilleries s'élevait encore à 21 471. Le nombre des appareils à distiller existant le 30 juin 1934, comparé avec le nombre actuel par cantons, donne le tableau suivant:

Tableau 5 Nombre des appareils à distiller en 1934 et 1965 (Distillateurs professionnels et bouilleurs de cru) Nombre le 30 juin

1934

Zurich Berne Lucerne

Uri

Schwyz Unterwald-le-Haut Unterwald-le-Bas Glaris ZOUE

Soleure Bàie-Ville Bàie-Campagne

SchafFhouse Appenzell K.h -Ext Appenzell Rh -Int Saint-Gall Grisons Argo vie Thurgovie Tessin ...

Vaud Valais Neuchâtel Genève Principauté de Liechtenstein Suisse et Principauté de Liechtenstein

2691 6414 4124 94 1 108 730 320 145 598 1 074 2709 105 2459 279 83 58 2474 1410 4859 1406 1 670 797 2912 251 130 585 39 485 !)

Diminution en %

1965 627

3660 2550 80 878 551 277 76 426 451 1 807 30 1 633 36 38 48 1418 753 2403 172 1261 223 1 556 101 21 395 21471

77 43 38 15 21 25 13 48 29 58 33 71 34 87 54 17 43 47 51 88 24 72 47 60 84 32 46

l

) Sans les appareils découverts ultérieurement.

II ressort de ce tableau que le nombre des appareils à distiller a le plus fortement diminué dans les régions de la plaine et dans celles où l'utilisation industrielle des matières premières est très développée. En revanche, dans les régions de montagne et les cantons où sont distillées des spécialités, le nombre des alambics est encore relativement élevé. Cependant, le fait que le nombre des

62 appareils à distiller ait diminué environ de moitié en l'espace de 30 ans peut être considéré dans l'ensemble comme un succès. Ce résultat facilite incontestablement le contrôle et entrave fortement la distillation clandestine. La régie poursuivra tous ses efforts pour diminuer encore le nombre des appareils à distiller.

c. Distillation domestique Pour juguler le commerce clandestin, les auteurs de l'initiative proposent, comme ultime mesure, la suppression, contre indemnité, des distilleries domestiques. H faut entendre par là non seulement le rachat des alambics domestiques mais aussi l'abolition de la franchise d'impôt. Les promoteurs de l'initiative partent évidemment du principe que la distillerie domestique et la franchise .d'impôt sont les principales sources du commerce illicite. Effectivement, le danger existe que les bouilleurs de cru et commettants-bouilleurs de cru soustraient une partie de Feau-de-vie à laquelle ils ont droit en franchise d'impôt et la cèdent sans la déclarer à l'imposition.

Lors de la revision de la législation sur l'alcool, dans les années 1930/1932, on était parfaitement conscient du fait que le contrôle de l'eau-de-vie produite par le grand nombre des producteurs agricoles serait difficile et que le commerce clandestin serait favorisé. Néanmoins, pour pouvoir introduire à l'époque le nouveau régime de l'alcool, il a fallu concéder à l'agriculture, par une disposition constitutionnelle, le maintien des distilleries domestiques et lui accorder la franchise d'impôt. Le législateur s'est toutefois efforcé de limiter le plus possible le privilège du bouilleur de cru. L'article 32 bis de la constitution posait déjà le principe que seules les distilleries domestiques existantes pourraient continuer leur activité et que de nouvelles exploitations ne seraient plus admises. L'article 3 de la loi sur l'alcool prévoit, en outre, que le Conseil fédéral est chargé de préciser par une ordonnance ce qu'il faut entendre par bouilleur de cru et commettant-bouilleur de cru bénéficiant de la franchise d'impôt. Par divers arrêtés, le Conseil fédéral a successivement rendu plus sévères les conditions pour être reconnu bouilleur de cru ou commettant-bouilleur de cru. D'après l'article 37 du règlement d'exécution du 6 avril 1962 de la loi sur l'alcool (RO 1952, 325), est réputé
bouilleur de cru ou commettant-bouilleur de cru ayant droit à la franchise d'impôt, l'agriculteur qui exploite lui-même un domaine agricole, seul ou avec l'aide de sa famille ou de son personnel. L'élaboration de cette prescription a montré une fois de plus quelle importance l'agriculture attache à la distillation domestique.

Se fondant sur le nouveau règlement d'exécution, la régie procède à un examen de tous les bouilleurs de cru et commettants-bouiJleurs de cru. Tous les producteurs qui, en raison de critères appliqués antérieurement, sont encore inscrits comme bouilleurs de cru ou comrnettants-bouilleurs de cru, mais qui ne satisfont plus aux exigences plus sévères, sont classés pai-mi les distillateurs et commettants professionnels et perdent leur droit à la franchise d'impôt. Cette mesure touchera quelques dizaines de mille bouilleurs de cru et commettants.

63 Le tableau ci-après montre les variations du nombre des bouilleurs de cru et commettànts-bouilleurs de cru depuis la fin de la dernière guerre mondiale.

Il en ressort que la diminution des distilleries domestiques, notamment ces dernières années, est considérable.

Tableau 6 Nombre des bouilleurs de era et commettànts-bouilleurs de cru Nombre le 30 juin

Bouilleurs (le cru

Coïïimetian'.sbcrailleurs de cm

Total

1945 1950 1955 1960 1965

31713 26535 24924 23051 19787

143 854 146 935 143 944 132999 115 247

175 567 173 470 168 868 156050 135 034

Le législateur a renoncé à limiter d'une façon générale la quantité d'eau-devie à laquelle chaque bouilleur de cru et commettant-bouilleur de cru a droit en franchise d'impôt. La quantité maximale accordée en franchise devrait être fixée, en effet, à un niveau relativement élevé parce qu'une restriction radicale, en tant que mesure générale, se heurterait dans certaines régions du pays à une résistance difficilement surmontable. Une limitation générale provoquerait donc, dans l'ensemble du pays, une augmentation des quantités d'eau-de-vie gardées en franchise d'impôt par les bouilleurs de cru et les commettants.

Cependant, l'article 16 de la loi sur l'alcool accorde au Conseil fédéral la faculté de prescrire la limitation de la franchise dans des cas déterminés. C'est ainsi que cette limitation est ordonnée partout où des circonstances spéciales rendent le contrôle de la régie difficile, où la consommation en franchise est extraordinairement élevée, ou bien lorsqu'un producteur exerce une activité professionnelle régulière à côté de l'agriculture. La régie a fait un iisage accru, ces dernières années, de la possibilité de limiter la franchise d'impôt. Le 30 juin 1965, 8288 producteurs étaient soumis à une limitation.

Nous sommes persuadés que le classement des bouilleurs de cru et commettànts-bouilleurs de cru parmi les producteurs professionnels d'eau-de-vie ainsi que la limitation de la franchise d'impôt dans des cas déterminés peuvent, conjointement avec un système de contrôle de la régie adapté aux exigences ainsi qu'une information judicieuse des intéressés, enrayer efficacement le commerce clandestin.

64

En considérant le deuxième point de l'initiative à la lumière des présentes explications, on arrive à la conclusion que la législation actuelle fournit, grâce notamment au nouveau règlement d'exécution, des moyens efficaces pour lutter contre le commerce clandestin. Nous préférons attendre les résultats de son application et juger ultérieurement si le développement judicieux du régime de l'alcool exige la suppression de la distillation domestique. L'expérience a montré que pour réglementer légalement un domaine aussi délicat que celui de l'alcool, il est préférable d'agir avec modération et constance plutôt que de recourir à des mesures extrêmes dont l'application se révélerait impossible tant sur le plan politique que pratique.

VIII. TROISIÈME POINT DE L'INITIATIVE Répartition du produit de l'imposition de l'alcool L'initiative demande en troisième lieu que le produit de l'imposition soit réparti, selon une clé à fixer dans la constitution, entre la Confédération et les cantons. Il doit être utilisé, dans la même mesure que jusqu'ici au moins, pour les besoins de l'assurance-vieillesse et survivants, la lutte contre l'alcoolisme et les besoins généraux des cantons. Le surplus doit être affecté avant tout à la lutte contre la pollution des eaux.

D'après l'article 32 bis de la constitution, le bénéfice net de la régie provenant de l'imposition des boissons distillées est réparti par moitié entre la Confédération et les cantons. La part de la Confédération est attribuée à à l'assurance-vieillesse et survivants. Les cantons doivent employer au moins le dixième de leur part (dîme de l'alcool) pour combattre l'alcoolisme dans ses causes et dans ses effets. Le produit de l'impôt sur la bière est versé à la caisse fédérale.

Les promoteurs de l'initiative veulent maintenir la réglementation actuelle.

Seul le surplus de recettes, qui résulterait de l'extension de la charge fiscale à toutes les boissons alcooliques, devrait servir en première ligne à financer la lutte contre la pollution des eaux.

Nous avons vu au chapitre VI que l'extension de l'imposition à toutes les boissons alcooliques n'est pas un moyen propre à enrayer l'alcoolisme et qu'il convenait de la rejeter. Il est dès lors superflu de prévoir une nouvelle clé de répartition. Dans la mesure où, pour atteindre le- but visé par le régime de l'alcool, une augmentation de la charge fiscale grevant les eaux-de-vie entrerait en ligne de compte, le surplus de recettes qui en résulterait pour la régie devrait être réparti conformément aux dispositions constitutionnelles en vigueur. Il en est de même pour la bière. Si un impôt général sur les boissons était instauré à titre de ressource financière supplémentaire pour la Confédération, il y aurait lieu de déterminer l'emploi de ces recettes.

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IX. CONCLUSIONS ET PROPOSITION 1. L'idée fondamentale de l'initiative, c'est-à-dire la nécessité de renforcer la lutte contre l'alcoolisme, mérite d'être appuyée sans réserve.

2. Le développement de la consommation des boissons alcooliques montre que les différentes sortes de boissons ne contribuent pas toutes dans une même mesure à l'augmentation de l'alcoolisme.

Comme toujours, les eaux-de-vie sont l'une des causes principales de l'alcoolisme. Les bases légales en vigueur permettent d'accroître encore la charge fiscale.

Le développement de la consommation de la bière doit être suivi attentivement.

La consommation du vin n'a pas subi de changement notable ces dernières années. Il n'y a donc actuellement pas de motif pour accroître la charge fiscale.

Cette considération est encore plus valable pour le cidre fermenté.

La demande formulée par l'initiative, tendant à étendre l'knposition à toutes les boissons alcooliques comme moyen pour combattre l'alcoolisme, ne tient donc pas compte des conditions réelles.

Le Conseil fédéral se réserve expressément de revenir sur la question de l'instauration d'un impôt général sur les boissons si cela se révèle nécessaire dans le cadre d'un programme financier de la Confédération, 3. Il convient de continuer à vouer toute l'attention désirable à la lutte contre le commerce clandestin d'eau-de-vie; de nouvelles dispositions constitutionnelles ne sont pas nécessaires à cet effet, l'article 32 bis de la constitution étant süffisant. Une revision de la constitution serait indispensable si la suppression des distilleries domestiques, au sens de l'initiative, devenait inévitable.

4. L'actuelle répartition du produit de l'imposition des boissons distillées selon l'article 32 bis de la constitution correspond à l'idée exprimée dans l'initiative. Il est superflu de réglementer la répartition du surplus de recettes qui proviendrait d'une extension de la charge fiscale à toutes les boissons alcooliques puisque cette demande se révèle irréalisable dans la forme présentée par l'initiative.

Nous fondant sur les considérations qui précèdent, nous-vous proposons le rejet de l'initiative. Nous vous invitons donc à approuver le projet d'arrêté soumettant la demande d'initiative à la votation du peuple et lui recommandant de la rejeter.

66

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération., Berne, le 26 octobre 1965.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Tschudi 18511

Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

67 (Projet)

Arrêté fédéral sur l'initiative relative à la lutte contre l'alcoolisme L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'initiative relative à la lutte contre l'alcoolisme; vu le rapport du Conseil fédéral du 26 octobre 1965; vu les articles 121 et suivants de la constitution et l'article 26 de la loi fédérale du 23 mars 1962 sur la procédure de l'Assemblée fédérale, ainsi que sur la forme, la publication et l'entrée en vigueur des actes législatifs (loi sur les rapports entre les conseils), et l'article 6 de la loi du 23 mars 1962 concernant le mode de procéder pour les initiatives populaires relatives à la revision de la constitution (loi sur les initiatives populaires), arrête : Article premier Sera soumise à la votation du peuple l'initiative relative à la lutte contre l'alcoolisme, conçue en termes généraux au sens de l'article 121, 5e alinéa, de la constitution fédérale. Cette initiative a la teneur suivante : Les citoyens suisses soussignés, ayant le droit de vote, appuient la demande d'initiative conçue en termes généraux (selon l'art. 121, al; 5, de la constitution), tendant à ime revision des bases constitutionnelles de la législation fédérale sur l'alcool (art.

32bis) selon les points de vue suivants: 1. Afin de restreindre l'alcoolisme et par là d'augmenter la sécurité de la circulation routière, l'imposition doit être étendue à toutes les boissons alcooliques. Elle sera échelonnée selon la teneur en alcool et calculée de façon que la consommation diminue.

2. Le commerce illégal d'eau-de-vie doit être jugulé par des mesures efficaces allant, s'il le faut, jusqu'à la suppression, contre indemnité, des distilleries domestiques.

3. Le produit de l'imposition sera réparti, selon une clé à fixer dans la constitution, entre la Confédération et les cantons. Il sera utilisé, dans la même mesure que jusqu'ici au moins, pour les besoins de l'assurance-vieillesse et survivants, la lutte contre l'alcoolisme et les besoins généraux des cantons. Le surplus sera aflecté à la lutte contre la pollution des eaux.

Art. 2 L'Assemblée fédérale recommande au peuple le rejet de l'initiative.

Art. 3 Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution du présent arrêté.

1651]

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Rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur l'initiative populaire relative à la lutte contre l'alcoolisme (Du 26 octobre 1965)

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