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Feuille Fédérale

Berne, le 30 janvier 1970

122e Année

Volume I

N° 4 Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 40 francs par an: 23 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement.

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10476 Message du Conseil fédéral à l'Assemblèe fédérale sur l'institution du suffrage féminin en matière fédérale (Du 23 décembre 1969)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous adresser le présent message à l'appui d'un projet d'arrêté fédéral sur l'institution du suffrage féminin en matière fédérale.

Nous donnons suite ainsi à la motion Schmitt (Genève) du 30 novembre 1965 et à la motion Tanner du 4 juin 1968, acceptée à titre de postulat; nous vous faisons du même coup rapport sur l'initiative que le canton de Neuchâtel a décidé de présenter le 22 février 1966, La modification de l'article 74 de la constitution fédérale qui vous est proposée est, pour l'essentiel, celle que vous aviez adoptée le 13 juin 1958 (FF 1958 i 1231) mais qui a été rejetée ensuite par le peuple et les cantons.

I. Introduction 1. L'arrêté fédéral du 13 juin 1958 sur l'institution du suffrage féminin en matière fédérale a été rejeté le 1er février 1959 par 654 939 voix contre 323 727 et par tous les cantons, sauf trois (FF 1959 I 564). Quelque temps après, la question fut de nouveau soulevée au Parlement. C'est ainsi que le conseiller national Schmitt (Genève) demanda, dans une petite question du 1er mars 1965, s'il ne convenait pas de réexaminer le problème de l'accès des femmes à la citoyenneté en matière fédérale, cantonale et communale, en même temps que les articles confessionnels de la constitution, en se référant aux principes énoncés dans la Charte du Conseil de l'Europe.

Feuille fédérale, 122- année. Vol. I.

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62 Une motion de ce député, adoptée par le Conseil national le 23 juin 1966 et par le Conseil des Etats le 4 octobre 1966, était libellée comme il suit: «Tous les orateurs qui se sont exprimés à la tribune du Conseil national lors du débat de politique étrangère à la session de septembre 1965 ont manifesté leur opinion de voir s'instituer dans notre pays le suffrage universel.

Il convient de rappeler que l'arrêté fédéral sur l'institution du suffrage féminin en matière fédérale du 22 février 1957 faisait suite aux postulats de MM. Albert Picot et Grendelmeier, tous deux développés en 1952.

La votation populaire eut lieu près de sept ans après le dépôt desdits postulats.

Depuis lors, trois cantons ont introduit le suffrage féminin en matière communale et cantonale et les expériences qui ont été faites corroborent les conclusions favorables auxquelles était parvenu le Conseil fédéral dans son message du 22 février 1957, à l'appui de la proposition de modification de la constitution fédérale en vue d'accorder aux femmes suisses les mêmes droits politiques qu'aux hommes.

Il convient également de souligner que de nombreux cantons ont ces dernières années pris des initiatives sur le plan parlementaire en vue d'introduire l'égalité civique des citoyens et des citoyennes sur le plan cantonal et communal. Il semble donc opportun, compte tenu du temps qui s'est écoulé depuis la première proposition du Conseil fédéral et des éléments nouveaux survenus depuis lors, de soumettre aux électeurs suisses une proposition de modification de la constitution fédérale en vue d'introduire le suffrage universel dans notre pays.

En conséquence, le Conseil fédéral est invité à présenter aux chambres un projet de modification de la constitution fédérale tendant à instituer le droit de vote et d'éligibilité des femmes suisses dans les affaires fédérales.» Comme la motion se réfère à notre projet de 1957 et demande une nouvelle consultation des citoyens, on peut en conclure que cette intervention ne vise que le suffrage en matière fédérale.

C'est manifestement aussi le but de la motion Tanner du 4 juin 1968, acceptée comme postulat par le Conseil national le 5 mars 1969. Ce postulat a la teneur suivante : «L'introduction du droit de vote des femmes sur le plan communal et cantonal a réalisé des progrès réjouissants ces
dernières années. Compte tenu de ce fait, il pourrait paraître sage, tant du point de vue psychologique que tactique, d'observer encore quelque temps l'évolution de la situation avant de répéter sur le plan fédéral le scrutin du 1er février 1959.

Le Conseil fédéral est invité à préparer un nouveau projet relatif à l'introduction du droit de vote des femmes en matière fédérale, si possible encore cette année, qui a été proclamée année des droits de l'homme, et à fixer sans tarder la date de la votation.» Mentionnons en outre la motion déposée le 12 juin 1969 par la commission du Conseil national qui avait examiné notre rapport sur la convention des droits de l'homme (BÖ CN J969 320), Elle demande des propositions «permettant d'éliminer les réserves nécessaires lors de la ratification de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, et surtout des projets tendant à introduire le suffrage féminin et à éliminer les articles confessionnels».

63 La motion Arnold enfin, déposée le 17 juin 1969, voudrait qu'un arrêté de l'Assemblée fédérale interprète l'article 74 de la constitution fédérale, c'està-dire l'article qui règle le droit de vote, en ce sens que par «Suisse» il faudrait entendre l'homme et la femme.

Vous nous avez transmis pour rapport, le 7 mars 1966, l'initiative présentée le 25 février 1966 par le canton de Neuchâtel. Elle est conçue dans les termes suivants: «Faisant usage de son droit d'initiative, le Grand Conseil neuchâtelois demande aux Chambres fédérales de reviser la constitution fédérale de manière à accorder aux femmes les droits politiques.» Le postulat Cevey, déposé le 2 octobre 1968 et transmis le 25 juin 1969 par Je Conseil national, est en rapport, dans une certaine mesure, avec les interventions que nous venons de mentionner. Il demande qu'on examine s'il y a lieu de prendre des dispositions pour que les citoyennes puissent participer aux votations sur la revision de la constitution dans les cantons qui connaissent le suffrage féminin.

2. Suivant la ligne de conduite qui nous avait déjà engagés à vous proposer d'instituer le suffrage féminin en matière fédérale par notre message du 22 février 1957 (FF 79571 693), nous n'avons pas refusé, dans la réponse que nous avons donnée le 7 mai 1965 à la petite question Schniitt (Genève), de présenter un nouveau projet en faveur du suffrage féminin, mais avons déclaré que nous ne voulions pas entreprendre de nouvelle tentative dans ce sens avant que quelques cantons n'aient réussi, à côté de Vaud, Neuchâtel et Genève, à introduire cette institution. Ce désir d'éviter, si possible, qu'une seconde tentative n'ait le sort de la première s'est traduit aussi par l'acceptation de la motion Sclimitt (Genève); il se retrouve dans les Grandes lignes de la politique gouvernementale pendant la législature 1968-1971 (FF 1968 I 1221).

Dans la réponse que nous avons donnée le 5 mars 1969 à la motion Tanner, nous avons pu faire observer que si tous les scrutins qui ont eu lieu dans les cantons au sujet du suffrage féminin n'ont pas eu d'issue favorable, ce fut pourtant le. cas pour plusieurs d'entre eux. Nous y considérions que le moment était venu de soulever à nouveau le problème et faisions entrevoir qu'un projet serait présenté cette année encore. Nous tenons aujourd'hui cette
promesse.

3. S'inspirant des interventions parlementaires dont nous avons parlé, le nouveau projet se borne comme le précédent à instituer l'égalité entre les hommes et les femmes en matière de droit de vote. Le présent message entend aussi par là, nous l'avons déjà dit, le droit de prendre part aux élections (électorat et éligibilité). CeKii de 1957 désignait déjà le droit de vote comme le fondement et la quintessence de tous les droits politiques du peuple; le droit d'initiative et le droit de demander le référendum en découlent naturellement.

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4. Nous nous sommes exprimés abondamment sur le suffrage féminin dans notre message de 1957; dans les débats sur la motion Schmitt (Genève), nous avons déclaré que ce message continuait à nous tracer notre ligne de conduite. Rien de fondamental n'est changé dans notre attitude. Il est donc naturel que nous nous référions à ce document tant pour le fond que pour la forme et que nous résumions dans le présent message ce qu'il contient d'essentiel, tout en le complétant. C'est pourquoi on trouvera de nouveau ci-après les chapitres «Aperçu historique et droit comparé», «Faut-il instaurer le suffrage féminin?», «Egalité partielle ou intégrale des femmes?» et «La voie à suivre», auxquels s'ajoutent deux chapitres intitulés: «Faut-il modifier des lois fédérales?» et «Classement des interventions parlementaires». Nous reprenons donc une bonne part du message de 1957, puisqu'il s'agit de considérations qui ont gardé toute leur actualité.

Nous avons attaché beaucoup d'importance à entamer un dialogue avec les cantons et les partis politiques. Nous les avons informés, par une circulaire du 23 juin 1969, de notre intention de vous adresser un nouveau message et leur avons donné la possibilité de nous faire connaître leur opinion jusqu'au 12 septembre 1969. On trouvera plus loin des indications sur le contenu des réponses qui nous sont parvenues, de même que sur les avis exprimés par d'autres milieux.

Il convient à ce propos de mentionner tout d'abord la requête de l'Association suisse pour le suffrage féminin du 9 septembre 1969 et celle qui a été présentée en août 1969 par la Ligue des femmes suisses contre le suffrage féminin. Le Département de justice et police avait déjà pris langue avec la première de ces organisations lorsqu'il préparait le message de 1957. Elle avait alors exprimé le désir d'être consultée. Le département écrivit aux deux associations, le 11 juillet 1969, qu'en ne leur adressant pas sa circulaire, le Conseil fédéral n'avait pas entendu les exclure de la consultation.

Les chancelleries d'Etat des cantons ont fourni, sur demande, une documentation complémentaire. Par l'entremise du Département politique, il a été possible de se procurer des indications sur l'évolution de la situation à l'étranger.

D'autres mémoires, qui nous ont été adressés spontanément, contenaient également d'utiles
informations, II. Aperçu historique et droit comparé 1. a. Dans l'antiquité, c'étaient les hommes ayant le droit de vote et l'électoral qui exerçaient la souveraineté populaire. L'Assemblée constituante française a exclu aussi les femmes en proclamant en août 1789, dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « . . . Tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à la formation de la loi... Tous les citoyens sont égaux à ses yeux... ». C'est cet Etat démocratique édifié par les hommes au prix de durs efforts qui a triomphé grâce à la Révolution française. Au siècle dernier, se battre pour le suffrage universel signifiait

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lutter pour les droits civiques des hommes (cf. Rapport de l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe du 13 septembre 1967 sur la situation politique, sociale et civique de la femme en Europe).

b. Héritage de l'époque germanique, le suffrage universel et égal pour tous existait dans les cantons à landsgemeinde bien avant que la doctrine du droit naturel et la Révolution française l'aient proclamé. Dans les cantons d'Uri, Schwyz, Obwald, Nidwald, Appenzell Rhodes-Intérieures et Rhodes-Extérieures, Claris et Zoug, les citoyens aptes à porter les armes, c'est-à-dire tous les hommes adultes possédant Findigénat du pays, à l'exception des «Ehrund Gewehrlosen», décidaient de la guerre et de la paix, des alliances, des lois et du choix du gouvernement; certaines restrictions frappaient les «Beisassen», c'est-à-dire les gens du pays qui n'étaient pas domiciliés dans leur commune d'origine. Il en allait de même dans la démocratie référendaire des Grisons et dans les dizains autonomes du Haut-Valais.

Cette forme de démocratie faisait défaut dans les cantons où la campagne était sujette de la ville, où le conseil de ville dès lors détenait le pouvoir politique, tout en restant fermé à de larges milieux de la population. Les aristocraties corporatives de Baie, Zurich, Schaffhouse, la ville alliée de Saint-Gall ainsi que les Etats patriciens de Berne, Lucerne, Fribourg et Soleure se rattachaient à ce type.

Les habitants des pays sujets n'avaient pas de droits civiques.

La constitution helvétique, imposée par le gouvernement français, institua l'Etat unitaire en 1798 et accorda le droit de vote à tous les citoyens suisses âgés de vingt ans révolus, y compris les anciens sujets. La constitution de 1803 permit, dans la Confédération restaurée, de limiter le droit de vote aux ressortissants du canton et de le faire dépendre d'un cens. Après son abrogation en 1813, les cantons-villes rétablirent le régime aristocratique sans participation du peuple. Dans la période de la Régénération, marquée par l'agitation politique, il y eut dans plusieurs cantons des scrutins au sujet de l'adoption de nouvelles constitutions fondées sur le régime de la démocratie représentative.

L'élargissement des droits populaires dans les cantons aboutit à la constitution fédérale de 1848, qui donna le droit de vote et l'électoral
en matière fédérale à chaque Suisse âgé de vingt ans révolus, à l'exception de ceux qui étaient privés des droits civiques en vertu de la législation de leur canton de domicile. Il s'agissait en l'occurrence de l'électorat et de l'égilibilité ainsi que du droit de vote en matière de revision de la constitution. En outre, le droit d'initiative en matière de revision totale de la constitution fédérale était accordé à 50 000 citoyens possédant les droits civiques.

La révision de la constitution en 1874 introduisit en outre le référendum législatif facultatif, qui fut étendu en 1921 aux traités internationaux de longue durée. Depuis 1891, le droit d'initiative peut aussi être utilisé pour demander des

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revisions partielles de la constitution. En revanche, le référendum législatif obligatoire, l'initiative législative et l'élection du Conseil fédéral par le peuple ont été rejetés, 2. a. On se réfère parfois au matriarcat à propos de la naissance des droits civiques de la femme, mais il faut bien constater que la souveraineté des mères dans la communauté, à supposer qu'elle ait jamais existé, a déjà fait place dans les temps les plus reculés à un Etat dominé par les hommes. Au fur et à mesure qae s'élargissaient les droits civiques des hommes au 19e siècle, ceux des femmes - elles en possédaient jadis dans une mesure restreinte à certains endroits - disparaissaient.

Le mouvement féministe naissant réclama l'égalité de l'homme et de la femme. Il pouvait invoquer les grands principes de la liberté et de l'égalité de tous les êtres humains, proclamés par la Révolution française. La Française Olympe de Gouges demandait, en 1789 déjà, dans sa Déclaration des droits de la femme, l'égalité de traitement en matière politique (électoral et accès à toutes les charges publiques). Mais ce n'est que dans la seconde moitié du 19e siècle que les femmes purent prendre part à des élections communales dans quelques rares Etats. D'une manière générale, elles n'obtinrent la plénitude des droits civiques qu'au cours du siècle actuel, surtout à la suite des deux guerres mondiales.

Le message de 1957 énumérait quinze Etats dans lesquels les femmes, au contraire des hommes, n'avaient pas le droit de vote. Dans un rapport du 14 novembre 1968 sur les droits civiques des femmes (rapport qui ne porte toutefois pas sur tous les Etats), le secrétaire général des Nations Unies mentionne encore, comme Etats ne connaissant pas le droit de vote des femmes, le Yemen, la Jordanie, le Kuwait, le Liechtenstein, le Nigeria (région septentrionale), l'Arabie Saoudite et la Suisse (quelques cantons exceptés); au Portugal, à Saint-Marin et en Syrie, la femme a des droits civiques restreints par rapport à ceux de l'homme. L'égalité entre l'homme et la femme existe dans plus de cent Etats (le message de 1957 en cite quatre-vingt-trois), à savoir: Afghanistan Burundi Afrique du Sud Cambodge Albanie Cameroun Algérie Canada Argentine Ceylan Australie Chili Autriche Chine (Taiwan) Barbade Chypre Belgique Colombie Birmanie Congo (Brazzaville) Bolivie Congo (Kinshasa) Botswana Corée (République du Sud) Brésil Costa Rica Bulgarie Côte d'Ivoire

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Cuba Dahomey Danemark El Salvador Equateur Espagne Etats-Unis d'Amérique Ethiopie Finlande France Gabon Gambie Ghana Grande-Bretagne Grèce Guatemala Guinée Guyane Haïti Haute-Volta Honduras Hongrie Inde Indonésie Irak Iran Irlande Islande Israël Italie Jamaïque Japon Kenya Laos Liban Libéria Libye Luxembourg Madagascar Malawi Malaisie Maldives Mali Malte Maroc

Mauritanie Mexique Monaco Mongolie Népal Nicaragua Niger Nigeria (région de l'Est et de l'Ouest) Norvège Nouvelle-Zélande Ouganda Pakistan Panama Paraguay Pays-Bas Pérou Philippines Pologne République d'Afrique centrale République arabe unie République dominicaine République fédérale d'Allemagne Roumanie Rwanda Samoa-Occidental Sénégal Sierra Leone Singapour Somalie Soudan Suède Tanzanie Tchad Tchécoslovaquie Thaïlande Togo Trinité-et-Tobago Tunisie Turquie Union soviétique Uruguay Venezuela Viêt-Nam (Sud) Yougoslavie Zambie

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Ajoutons que l'expression «les droits civiques» de la femme n'a pas le même sens dans tous les Etats.

b. En Suisse, les discussions sur l'égalité politique de la femme n'ont pour ainsi dire pas cessé depuis la fin du 18e siècle. On a déclaré dès le début que l'inégalité de la femme ne pouvait se justifier que par des raisons d'opportunité.

Mentionnons à ce propos les noms de Bodmer, de Jakob Dubs, professeur de droit public puis conseiller fédéral, du professeur Cari Hilty, du juge fédéral Virgile Rössel et du philosophe Auguste Forel (voir pour le détail: Verena Marty, Die politische Gleichberechtigung von Mann und Frau nach deutschem und schweizerischem Recht, 1967, p. 53 s.).

Les associations féminines créées vers la fin du siècle dernier se sont consacrées tout d'abord à des tâches d'utilité publique. Née en 1884, V Union für Frauenbestrebungen in Zürich entendait depuis le début revendiquer le droit de vote pour les femmes. Avec des organisations semblables d'autres villes, elle constitua en 1909 VAssociation suisse pour le suffrage féminin, indépendante des partis politiques. Cette association s'efforce de réaliser l'égalité de l'homme et de la femme dans tous les domaines de la vie publique. Parmi les organisations féminines, c'est elle qui s'est employée tout particulièrement, avec l'Alliance des sociétés féminines suisses, à faire triompher le droit de vote des femmes par des pétitions, des mémoires et de toute autre manière. L'Alliance des sociétés féminines suisses, qui est neutre politiquement et confessionnellement, a été fondée en 1900 par diverses associations; c'est une organisation de faîte qui groupe la plupart des associations féminines.

Comme son nom l'indique, la Ligue des femmes suisses contre le suffrage féminin défend un autre point de vue. Elle a été créée en 1959 par le Comité des femmes suisses.

Selon la loi bernoise sur les communes de 1833, les femmes avaient le même droit de vote que les hommes, mais devaient le faire exercer par ceux-ci à l'assemblée communale. Il s'agissait là d'un cas particulier, qui a duré jusqu'en 1887. Sous l'influence des changements profonds résultant des deux guerres mondiales, des interventions se produisirent dans les parlements cantonaux en faveur du droit de vote des femmes. Le peuple a cependant toujours rejeté ce droit dans le
passé. Le tableau ci-après - qui se fonde sur un tableau de l'Association suisse pour le suffrage féminin et a été soumis aux cantons - fournit des indications sur le résultat des scrutins cantonaux. Il donne en même temps les résultats de la votation du 1er février 1959, mais ne tient pas compte des scrutins sur le droit de vote en matière paroissiale et sur l'éligibilité des femmes. Ajoutons que, selon les informations que nous avons reçues, des interventions en faveur du suffrage féminin sont pendantes dans plusieurs cantons, par exemple des initiatives en voie d'aboutissement ou même déjà déposées dans les cantons de Schwyz, Lucerne et Appenzell Rhodes-Extérieures, une initiative individuelle déposée dans le canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures, des motions déposées et,

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en partie, adoptées à Berne, Lucerne, Zoug, Soleure et Saint-Gall, ainsi que des projets législatifs déjà soumis au Parlement ou même prêts à être soumis au peuple dans les cantons d'Argovie et du Valais.

. Parallèlement aux interventions qui eurent lieu dans les cantons, des efforts semblables furent entrepris sur le plan fédéral. Mentionnons brièvement, parmi les travaux préparatoires de la revision constitutionnelle de 1874, la proposition d'établir l'égalité politique de l'homme et de la femme, la motion déposée en 1913 par le conseiller national Johannes Huber, qui entendait que la force morale de la femme fût mise au service de la vie publique, la requête présentée pendant la grève générale de 1918 par le Comité d'action d'Olten qui demandait l'introduction du suffrage féminin, les motions Scherrer-Füllemann, Göttisheim et Greulich datant aussi de 1918 et ayant le même objet, les pétitions de 1919 et 1929, la première signée par 158 associations féminines, la seconde par 170 397 femmes et 78 840 hommes, le postulat Oprecht de 1944 appuyé par 38 associations féminines. En 1949, le Comité d'action pour le suffrage féminin proposa au Conseil fédéral, à l'intention du Parlement, de n'accorder aux femmes que le droit de vote, mais non l'électoral. A la même époque, le postulat von Roten demandait des informations «sur la voie à suivre pour étendre les droits politiques des femmes suisses». Le Conseil fédéral présenta le rapport demandé le 2 février 1951 (FF 19511 357). Il y donnait un aperçu sur l'état du suffrage féminin dans les cantons, désignait la revision de la constitution fédérale comme étant la solution adéquate pour introduire les droits en question et rejetait la solution que l'Association suisse pour le suffrage féminin lui avait proposée en 1950. Il y aurait eu lieu, selon cette proposition, de compléter le passage: «A droit de voter tout Suisse... » en ajoutant les termes «homme ou femme» à l'article 10 de la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux. Les conseils législatifs prirent connaissance de ce rapport et l'approuvèrent en 1951. La motion que la commission du Conseil national avait déposée à cette occasion et qui tendait à l'institution du suffrage féminin par la voie de la revision de la constitution ne fut adoptée
que par le Conseil national, qui rejeta en revanche une motion von Roten de 1951 demandant que ce suffrage fût introduit par une simple revision de la loi de 1874. Les postulats Picot du 17 septembre 1952 et Grendelmeier du 5 décembre 1952 ne rencontrèrent pas d'opposition et furent acceptés par le Conseil fédéral; ils aboutirent au projet de 1957. Quant aux interventions parlementaires postérieures, nous en avons déjà parlé plus haut.

Des oppositions avaient aussi surgi. Dans un mémoire qu'elle adressa en 1931 au Conseil fédéral, la Ligue suisse contre les droits politiques de la femme, par exemple, se prononça contre la participation des femmes suisses aux luttes politiques et contre l'égalité politique des deux sexes, qu'elle ne tenait ni pour nécessaire ni pour équitable. Elle demandait en revanche que les femmes puissent davantage exprimer leur opinion au sujet des projets de revision de la constitution et des projets de loi et soient appelées à participer aux travaux préparatoires.

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Là où les femmes n'ont pas l'exercice intégral des droits civiques, des dispositions particulières leur ont souvent accordé des droits restreints. Cette évolution s'est poursuivie depuis notre message de 1957. Ainsi, les femmes ont le droit de vote et Pékctorat en matière paroissiale dans bon nombre de cantons ; elles sont même souvent éligibles. Elles peuvent accéder, dans plusieurs cantons, aux charges de juge et de greffier de tribunal. Tous les cantons ont admis que les femnies collaborent aux travaux des commissions, ce qui s'impose tout particulièrement lorsqu'il s'agit de questions touchant l'éducation et la prévoyance sociale. La Confédération appelle aussi des femmes à siéger dans des commissions; elles siègent par exemple dans près de quarante commissions permanentes spécialisées, notamment dans les commissions de l'alimentation, de la législation et du contrôle des denrées alimentaires, de la radioactivité, de l'assurance vieillesse, survivants et invalidité, d'étude des prix, des coûts et des structures économiques, de la consommation, des questions intéressant le marché de l'emploi, des possibilités de travail ; elles sont également membres de la commission, fédérale des beaux-arts, de la commission fédérale du cinéma, de la Fondation Pro Helvétia, du Conseil de la défense nationale, etc. Ni la Confédération ni les cantons ne les écartent des fonctions administratives.

Votations sur l'introduction du suffrage féminin

Canton

Date

Zurich

1920 8. 2. Droit de vote et électoral en matière cantonale et communale 1923 18. 2. Electorat et éligibilité pour les autorités de district et les autorités communales 1947 30. 11. Droit de vote et électoral en matière cantonale et communale 1947 30.11. Electorat et éligibilité pour les autorités de district et les autorités communales 1954 5. 12. Droit de vote et électoral en matière cantonale et communale 1959 1. 2. Droit de vole et électoral en matière fédérale 1966 20,11. Droit de vole el électoral en matière cantonale et communale 1969 14. 9. Institulion facultative du droit de vole el de l'élecloral dans les communes

Beme

Projeta

Participation au scrutin Oui % %

Oui

Non

Bulletins Elecblancs teurs ou nuls inscrits

21631

88595

2757

135751

112983 83,2

28615

76413

4541

140636

109 569 77,9 27,2 72,8

39018

134 599

3867 228 564

177484 77,7 22,5 77,5

61 360 112176

Bulletins rentrés

Non %

19,6 80,4

3948 228564 177 484 77,7 35,4 64,6

48143 119543 10031 248 043 177717 71,6 28,7 71,3

71 859

126 670

2008 260 027 200 537 77,1 36,2 63,8

93372 107 773

2576 275 185 203 721 74

92402

67192

4453 283 182

164047 57,9 57,9 42,1

1956 4. 3. Institution facultative du droil de vole 52927 et de l'électoral dans les communes 1959 1. 2. Droil de vote et électoral en matière 55786 fédérale 1968 18. 2. Institulion facultative du droil de vole 64102 el de l'électoral dans les communes

63051

3 109 250 485

119087 47,5 45,6 54,4

101 543

943 254 582

158272 62,2 35,5 64,5

58844

46,4 53,6

1 838 273 193 124 784 45',7 52,1 47,9

Oui

' Non

Bulletins rentrés

Participation au scrutin Oui % %

ü Non %

Canton

Date

Lucerne

1959 1. 2. Droit de vote et électoral en matière fédérale 1960 412. Autorisation aux communes d'instituer le suffrage féminin intégral ou partiel

10294

37^34

252

69388

48480 69,9 21,2 78,8

9 103

28028

482

69448

37613 54,2 24,5 75,5

Uri

1959 1. 2. Droit de vote et électoral en matière fédérale

885

5183

136

8717

Schwyz

1959 1. 2. Droit de vote et électoral en matière fédérale

1986

11860

32

21 136

13860 65,6

Obwald

1959 1. 2. Droit de vote et électorat en matière fédérale 1968 19. 5. Nouvelle constitution. Eligibilité et autorisation d'instituer le suffrage féminin par la voie législative, dans les communes par une décision communale

565

3376

5

6299

3946 62,6

2388

645

87

6669

3 120 46,8 78,7 21,3

807

3331

30

5809

4168 71,7

19,5 80,5

7652 70,7

19

Nidwald

Glaris

Projets

Bulletins Elecblancs teurs ou nuls inscrits

1959 1. 2. Droit de vote et électorat en matière fédérale 1965 10,10. Nouvelle constitution. Autorisation d'accorder les droits politiques aux femmes par la voie législative

Adopté par la Landsgemeinde

1921

Rejeté par la Landsgemeinde

1959

1. 5. Droit de vote et électorat en matière cantonale et communale 1. 2. Droit de vote et électorat en matière fédérale

1455

6159

38

10817

6204

71,2 14,6 85,4 14,1 85,9 14

86

81

Canton

Date

Claris (suite)

1961

7. 5. Institution facultative du suffrage féminin partiel (Eglise, école, assistance publique) 1967 7. 5. Droit de vote et électoral en matière paroissiale, scolaire et dans les affaires d'assistance

Participation au scrutin Oui % %

Non %

Rejeté par la Landsgemeinde Adopté par la Landsgemeinde

19

12997

7985 -

18780

101

45749

26866 58,7 29,8 70,2

19038

7772

253

50770

27063 53,3 71

matière

9353

9535

1427

50378

20315 40,3 49,5 50,5

matière

11 447

26692

593

55146

38732 70,2

matière

14988

20303

878

58790

36169 61,5 42,5 57,5

matière

16 683

18597

889

58790

36 169 61,5 47,3 52,7

1920 8. 2. Droil de vote et électoral en matière canlonale et communale 1927 Ì5. 5. Droit de vote et électoral en matière cantonale et communale

6711

12455

226

29 119

19392 66,6 35

6152

14917

214

35 855

21 283 59,4 29,2 70,8

Fribourg

1959

1. 2, Droit de vote et électoral en matière fédérale

1. 2. Droit de vote et électoral en matière fédérale 1969 16.11. Autorisation d'introduire le droit de vote et l'électoral en matière cantonale, communale et paroissiale

1948 14.11. Droit de vole et électoral en communale 1959 1. 2. Droit de vote et électoral en fédérale 1968 18. 2. Droit de vote et électoral en cantonale 1968 18. 2. Droit de vote et électoral en communale

8452 65

24,3 75,7

6387

1959

Baie- Ville

Non

Bullelins rentrés

2046

Zoug

Soleure

Oui

Projets

Bulletins Elecblancs teurs ou nuls inscrits

30

29

70

65

Canton

Date

Bàie-Ville (suite)

1946 16. 6. Droit de vote et électoral en matière cantonale et communale 1954 5. 12. Droit de vote et électoral en matière cantonale et communale 1957 3. 11. Autorisation d'introduire le droit de vote et l'électorat en matière bourgeoisiale 1959 I. 2. Droit de vote et électoral en matière fédérale 1966 26. 6. Droit de vote et électorat en matière cantonale et communale

BàieCampagne

Projets

1926 11. 7. Droit de vote et électorat dans les affaires scolaires et les affaires d'assistance 1946 7. 7. Droit de vote et électorat en matière cantonale et communale 1955 15. 5. Introduction progressive du droit de vote et de l'électoral 1959 1. 2. Droit de vote et électorat en matière fédérale 1966 13. 3. Revision de la constitution en vue d'instituer progressivement les droits politiques de la femme par la voie législative 1967 4. 6. Revision de la constitution en vue d'instituer le droit de vote et l'électoral par la voie législative

Bullelins blancs ou nuls

Electeurs inscrits

Bulletins rentrés

S

Participa lion au scrutin Oui % %

Non %

59,4

62,9

Oui

Non

11 709

19 892

194

53 568

31 795

17 321

2l 123

255

62361

38 699 62,1 45,1 54,9

12667

8568

192

30528

21427 70,2

17013

19372

66

67067

36451 54,3 46,8

53,2

13713

9141

79

66462

22933 34,5

40

3164

3332

780

22788

3 784

10480

204

30249

14468 47,8

26,5

73,5

5496

7070

316

35282

J2882 36,5

43,7

56,3

8896

14969

160

38050

24025 63,1

37,3

62,7

8321

6210

110

45452

14641 32,2

57,3 42,7

8506

4810

158

47 185

13474 28,5

63,9

37,1

59,7 40,3

60.

7276 31,9 48,7 51,3

36,1

Canton

Date

Projets

Oui

Non

BulleElectins blancs teurs ou nuls inscrits

Bulletins rentrés

Participation au scrutin Oui % %

Non %

28,6 68,1 31,9

1968 26. 6. Droit de vote et électoral en matière Bàiecantonale par revision de la loi Campagne (suite)

9374

4396

203

48871

13973

1959 1. 2. Droit de vote et électoral en matière fédérale 1967 28. 5. Droit de vote et électoral en matière cantonale et communale 1969 14, 9. Droit de vote et électorat en matière cantonale et communale

4782

10212

391

17759

15385 86,6 31,9 68,1

6849

8399

339

18565

15587 84

6698

7480

593

18713

14771 78,9 47,2 52,8

Appenzell RE 1959 1. 2. Droit de vote et électoral en matière fédérale

1 517

8284

162

13 583

9963 .73,3 15,5 84,5

Appenzeil RI 1959 1. 2. Droit de vote et électoral en matière fédérale

105

2050

16

3600

1921 4. 9, Droit de vote et éiectorat en matière cantonale et communale 1959 1. 2. Droit de vote et électorat en matière fédérale

12 114

26 166

5652

66629

43932 65,9 31,6 68,4

12436

51 912

734

86796

65082 75

1. 2. Droit de vote et électorat en malière fédérale 1962 7. 10. Autorisation aux communes d'introduire le droit de vote et i'électorat 1968 20. 10. Droit de vote et éfectorat dans les affaires du canton, des cercles et des communes

5633

19562

354

37669

25549 67,8 22,4 77,6

8540

5939

1 712

37986

16 191 42,6 59

41

8615

i 3 523

479

40859

22617 55,4 39

61

1959 1. 2. Droit de vote et électoral en matière fédérale

17919

60825

1 246

94208

79990 84,9 22,7 77,3

Schaffhouse

Saint-Gall

Grisons

Argovie

1959

2 171 60,3

45

55

4,9 95,1

19,3 80,7

-751

Canton

Date

Thurgovie

1959

Tessin

Projets

Valais

Non

Bullelins rentrés

Participation au scrutin Oui % %

-4

76 Non %

1. 2. Droit de vote et électoral en matière

6721

26986

479

43478

34 186 78;6

fédérale 1969 26. 1. Droit de vote et élcctorat en matière scolaire

13568

13 164

565

45346

27297

60,2 50,8 49,2

4174

14093

901

50905

19168

37,7 22,8 77,2

10738

18218

244

51396

29200 56,8

1946 '8. 11. Droit de vote et électoral en matière cantonale et communale 1959 1. 2. Droit de vote et électoral en matière fédérale 1962 29. 1. Droit de vote et électoral dans les patriciats (bourgeoisies) 1966 24. 4. Droîl de vole et électoral en matière cantonale el communale 1969 10.10. Droil de vote et électoral en matière cantonale el communale

Vaud

Oui

BulleElectins blancs teurs ou nuls inscrits

19,8

80,2

37,1 62,9

Décision du Grand Conseil: 33 oui, 5 non ; révision de la loi, qui n'a pas fait l'objet d'un référendum . (Comme chef de famille, la femme avait déjà le droil de vole el l'électoral depuis 1918).

15961 17155 310 57780 33426 57,8 48,3 51,7 20038

11 751

269

59650

32058 53,7

63

1951 25. 2. Droit de vote et électoral facultatifs en matière communale 1959 1. 2. Droit de vote et électoral en matière fédérale 1959 1. 2. Droit de vote et électoral en matière cantonale el communale

23127

35890

436 113927

59453 52,2

39,2 60,8

32929

31 254

258 · Î18485

64441

54,4

51,3 48,7

33648

30 293

525

118400

64 466

54,4

52,6 47,4

1. 2. Droîl de vole el électoral en matière

8242

18759

154

48986

27155

55,4 30,5

69,5

5365

12058

182

33893

17605

51,9

69,2

1959

37

fédérale Neuchâtel

1919 29. 6.' Droit de vote et électoral en malière cantonale et communale

30,8

î?

»-,

S;

Canton

Date

ÇJ

Neuchâtel

1941 9.11. Droit de vote et électoral en matière communale 1948 14. 3. Droit de vote et électoral en matière communale 1959 1, 2. Droit de vote et électoral en malière fédérale 1959 27. 9. Droil de vole et électoral en matière cantonale et communale

·< o,

Genève

Projeta

1921 16.10. Droit de vote et électoral en matière cantonale el communale 1940 1.12. Droil de vole el électoral en malière cantonale et communale 1946 29. 9, Droit de vote et électoral en matière cantonale et communale 1953 30.1 S. Droit de vote et électoral en malière cantonale el communale 1959 1. 2. Droit de vote el électoral en matière fédérale 1960 6. 3. Droit de vote et électoral en matière cantonale el communale

Oui

Non

Bulletins Elecblancs teurs ou nuls inscrits

Bulletins rentrés

Participation au scrutin Oui % %

63

Non %

24,7 75,3

5589

17068

540

36836

23197

7316

14982

144

39827

22442 56,3 32,8 67,2

13938

12775

184

41 757

26897 64,4 52,2 47,8

11 251

9730

139

41391

21 120 51

6634

14 169 .

209

38437

21012 54,7 31,9 68,1

8439

17894

951

50883

27284 53,6 32

10930

14076

224

54783

25230 46,1 43,7 56,3

13419

17967

783

61303

32169 52,5 42,8 57,2

17761

11846

572

67054

30179 45

18119

14624

315

67310

33058 49,1 55,4 44,6

53,6 46,4

60

68

40

77

78

IH. Faut-il instaurer le suffrage féminin?

Nous avons donné une réponse affirmative à cette question dans notre message de 1957 et notre opinion n'a pas varié depuis lors. Nombreux sont ceux qui la partagent, mais beaucoup sont aussi d'un avis contraire. Il y a dans chaque camp des hommes et des femmes dont les opinions opposées reposent sur de sérieuses raisons. C'est pourquoi, si nous considérons la portée de la réforme des droits civiques qui est enjeu, nous tenons pour indispensable d'examiner si les raisons avancées en faveur du suffrage féminin ont conservé dans l'ensemble leur supériorité, 1. La reconnaissance mondiale des droits civiques de la femme dans le monde presque entier et leur absence dans la plus grande partie de la Suisse font naturellement toujours l'objet de commentaires, notamment dans la presse étrangère. Ces commentaires ne dénotent pas chaque fois une connaissance suffisante de notre situation; on y trouve souvent des comparaisons et des critiques erronées.

a. Tout d'abord, constatons encore une fois que le droit des gens ne nous oblige pas à instituer le suffrage féminin.

La Suisse n'a pas adhéré à la convention sur les droits politiques de la femme, ouverte à la signature le 31 mars 1953 à New York, convention qui établit le principe de l'égalité de traitement entre l'homme et la femme, contenu également dans les statuts des Nations-Unies.

En adhérant sans réserve à la convention du 4 novembre 1950, entrée en vigueur le 3 septembre 1953, sur la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'aux protocoles dont elle est accompagnée, un Etat assume à vrai dire, sur le plan du droit international, l'obligation de respecter aussi l'article 3 du premier protocole additionnel, c'est-à-dire «d'organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres du scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif». Dans tous les cas, si nous mettons cette disposition en relation avec l'article 14 de la convention, qui interdit toute discrimination en raison du sexe, il en résulte pour le moins l'obligation de donner aux femmes des droits civiques répondant à ce que l'article 3 exige. Notre rapport sur cet objet (FF 1968 II 1069) l'a relevé et a repoussé l'idée d'instituer ces
droits par le biais du droit international en adhérant sans réserve à la convention.

b. La comparaison que l'on fait souvent avec l'étranger est boiteuse. Là où le suffrage féminin n'a pas été introduit par un acte révolutionnaire, il a suffi généralement d'une décision de la majorité parlementaire (p.cx. en Allemagne, en Autriche, eri Italie, en Angleterre et dans les pays nordiques). Vous avez pris vous-même pareille décision le 13 juin 1958. Mais le pouvoir constituant de

79

1848 ne se contentait pas d'une décision du Parlement. Elargissant la souveraineté du peuple, il exigeait une majorité qualifiée des citoyens. Ce grave obstacle démocratique a été épargné aux pays étrangers.

De plus, la comparaison avec l'étranger est peu convaincante parce que l'on n'y connaît généralement que l'électoral, alors que nous avons aussi le droit de vote. Dans beaucoup d'autres Etats, le citoyen n'a que tous les trois ou quatre ans environ l'occasion de prendre part à une élection. Chez nous, le droit de vote, c'est-à-dire le droit de participer aux décisions prises sur le fond des questions, vient s'ajouter, en matière fédérale, cantonale et communale, aux élections auxquelles le citoyen peut prendre part sur les trois plans. L'exercice de ce droit de vote est plus absorbant dans les affaires cantonales et tout particulièrement dans les affaires communales que sur le plan fédéral ; il trouve son expression la plus frappante dans les landsgemeinden ainsi que dans les assemblées communales. L'importance politique du droit de vote et l'effort demandé au citoyen sont donc plus grands qu'à l'étranger.

2. L'article 4 de la constitution fédérale déclare, depuis 1848, que: «Tous les Suisses sont égaux devant la loi. Il n'y a en Suisse ni sujets ni privilèges de lieu, de naissance, de personnes ou de familles.»

Par cette disposition, le pouvoir constituant d'alors voulait en premier lieu (mais non pas exclusivement) déterminer le cadre juridique dans lequel devaient s'exercer les droits civiques du citoyen; il entendait proclamer l'égalité des citoyens par opposition avant tout aux inégalités de jadis (Burckhardt, Commentaire, p. 24 s.; voir aussi le rapport d'expertise du professeur Kägi, Der Anspruch der Schweizerfrau auf politische Gleichberechtigung, p. 16).

Kägi dit avec raison, en se référant aux articles 63 et 64 de la constitution de 1848, qui s'inspirent du même esprit, que dans notre Etat, dirigé par les hommes, la démocratie devrait être consolidée par une application plus large du principe de l'égalité devant la loi. 11 ajoute que, selon la volonté clairement exprimée du constituant de 1848, la femme est restée privée de l'égalité politique (p. 17). Selon la première de ces dispositions, tout «Suisse» a le droit de vote; selon la seconde, tout «citoyen suisse ayant le droit de vote» est éligible au Conseil national. Les articles 63 et 64, ainsi que l'article 4 de la constitution avaient la même portée et répondaient, comme nous l'avons dit, aux conceptions régnant alors en Suisse et à l'étranger: l'homme et la femme ne peuvent être égaux dans l'exercice du droit de vote, l'inégalité naturelle étant trop grande entre eux. Une autre conclusion s'impose-t-elle aujourd'hui, compte tenu des changements survenus dans les faits et dans les conceptions? Si l'on répond affirmativement en partant des principes qui, selon l'opinion actuelle, découlent de l'article 4 de la constitution fédérale, on se met en contradiction, sur le fond, avec les articles 74 et 75, qui ont remplacé en 1874 les anciens articles 63 et 64 et, comme eux, refusent le droit de vote aux femmes (Kägi, ibid. p. 8 et 52 s.).

L'article 74, qui a une portée fondamentale et s'applique, comme «lex specialis», à côté de l'article 4 de la constitution actuelle, a la teneur suivante:

80

«f1 A droit de prendre part aux élections et aux votations tout Suisse âgé de vingt ans révolus et qui n'est du reste pas exclu du droit de citoyen actif par la législation du canton dans lequel il a son domicile.

3 Toutefois, la législation fédérale pourra régler d'une manière uniforme l'exercice de ce droit.»

Il serait logique de rétablir la concordance entre les articles 4 et 74 et donc juste d'adapter l'article 74 aux exigences qui découlent du principe de l'égalité devant la loi. Ce principe exige l'introduction du suffrage féminin dès l'instant où l'on admet que les différences entre les deux sexes n'ont plus d'importance en matière de droits civiques. Il faut dès lors examiner si les objections faites contre le suffrage féminin suffisent à établir l'importance de pareilles différences en la matière. Voici ce que nous avons à dire au sujet de ces objections auxquelles on donne souvent une portée exagérée : a. Ceux qui objectent que la place de la femme est à son foyer ne tiennent pas compte des changements survenus. En 1890 encore, une jeune fille née à cette époque n'avait la perspective de vivre que jusqu'à l'âge de 48 ans et, si elle se mariait, elle pouvait s'attendre à mourir avant que le dernier de ses cinq enfants soit sorti de l'école. En 1960 au contraire, une femme pouvait compter atteindre l'âge de 74 ans et avoir 46 ans lorsque le plus jeune de ses trois enfants aurait quitté l'école (cf. en partie: Die Schweiz, ein nationales Jahrbuch, 1958, p. 8 s.). Ainsi, une mère dispose maintenant d'une longue période de sa vie durant laquelle elle n'a plus à s'occuper de ses enfants ou n'est plus mise à contribution que dans une mesure réduite par ses devoirs maternels. Ajoutons que, d'après le recensement de la population en 1960, 261 000 femmes mariées sur un total de 1 199 000 n'avaient pas d'enfants. On comptait en outre 445 000 femmes célibataires adultes, 57 000 divorcées et 235 000 veuves.

Les progrès de la technique ont pour effet de décharger de plus en plus les maîtresses de maison de leurs besognes ménagères, non seulement en mettant à leur disposition des appareils et des instruments simplifiant le travail, mais aussi en leur offrant des produits prêts à être consommés en nombre toujours plus grand. L'auto-approvisionnement qui, jadis, était répandu à un degré variable dans toutes les parties de la population, a pour ainsi dire disparu en dehors de l'agriculture. La maîtresse de maison est devenue une cliente dont l'importance économique est considérable.

La femme, libérée en partie de ses obligations de mère et de maîtresse de maison, pourrait se consacrer davantage à l'entreprise
familiale. Or on constate précisément un fort recul dans les exploitations agricoles qui, numériquement, jouent un rôle essentiel. En 1850, la moitié de la population ainsi que la moitié des personnes exerçant une activité professionnelle appartenaient à l'agriculture; 154 000 personnes seulement, ou 6,4 pour cent de la population totale, vivaient dans les huit communes comptant plus de JO 000 habitants (FF 7.057 I 170). En 1960, sur près de 2 800 000 personnes exerçant une activité professionnelle, 253410 seulement étaient occupées dans l'agriculture; en ce qui

81

concerne la population résidante, les chiffres correspondants sont les suivants : 620 000 personnes environ sur 5 429 000 (Annuaire statistique de la Suisse, 1968, p. 28).

L'essor de la politique et de la prévoyance sociales a aussi déchargé, dans une large mesure, la famille de certaines tâches, par exemple en matière de tutelle, d'éducation et d'assistance. Nous devons tenir compte de cet état de choses, même si, par ailleurs, nous nous déclarons convaincus de l'importance morale et sociale de la famille (cf. rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 10 octobre 1944 sur la demande d'initiative pour la famille, FF 1944 825).

N'oublions pas que les liens qui retiennent à leurs foyers les femmes qui ont un ménage et exercent en même temps une activité professionnelle sont plus lâches et font même défaut chez beaucoup de célibataires, de veuves et de divorcées. En 1960, 73 pour cent des femmes célibataires âgées de 15 ans ou plus exerçaient une activité professionnelle, alors que cette proportion n'était que de 16 pour cent chez les femmes mariées. Ces pourcentages ne comprennent pas les 144 762 femmes tenant un ménage qui, en 1960, n'exerçaient pas d'activité professionnelle à titre principal mais avaient seulement une activité à temps partiel (cf. Frauenarbeit in Beruf und Haushalt, étude publiée au début de 1969 par l'Office de statistique de la ville de Zurich, p. 18).

La femme qui exerce une profession se trouve en face de nombreux problèmes de la vie publique. Le suffrage féminin commença à prendre pied au cours de la seconde moitié du dernier siècle lorsque les femmes apparurent de plus en plus nombreuses sur le marché du travail, par suite de l'industrialisation et de la prolétarisation. En 1888, il y avait en Suisse la moitié moins de femmes que d'hommes à exercer une activité professionnelle (33,3 %); cette proportion s'est légèrement accrue en 1910 et en 1920, mais elle a diminué depuis lors (1950: 29,7%; 1960: 30,1 %). La proportion des hommes dans la population exerçant une activité professionnelle s'est accrue plus fortement que dans la population de résidence, alors que c'est le contraire chez les femmes. Pourtant, de 1950 à 1960, l'augmentation a été plus forte pour les femmes (18% contre 13%) que pour les hommes (10% contre 17%). On trouvera des indications détaillées
sur ce point ainsi que sur les activités exercées dans les tableaux ci-après.

Le second tableau montre une augmentation relative très nette des femmes exerçant une activité professionnelle dans les secteurs du commerce, des banques et des transports et communications, mais une diminution dans l'industrie et l'artisanat. A cet égard, la structure du travail féminin s'est transformée depuis le début du siècle, l'agriculture mise à part. A l'époque, c'étaient les ouvrières des fabriques de textiles, les couturières et les employées de maison qui dominaient. En 1960, sur 756 418 femmes qui exerçaient une activité professionnelle, 118 021 étaient des employées de commerce (y compris les employées de bureau) et 74 887 des vendeuses. Entre ces deux catégories, on trouvait en deuxième position les employées de maison; en quatrième position, mais à une grande distance suivaient les couturières avec 24734 personnes (Die Schweiz, p. 14;

82

Frauenarbeit in Beruf und Haushalt, p. 33). Le passage de la production agricole, industrielle et artisanale au secteur des services a pour corollaire une forte diminution dé la proportion de l'élément féminin dans les fabriques (1888: 46%; 1965: 29%). Les femmes tendent donc à passer dans des professions qui exigent, en général, une formation plus poussée. Remarquons à ce sujet que la jeune fille née en 1890, dont nous parlions plus haut, pouvait compter terminer sa formation à l'âge de 14 ans environ et commencer alors à gagner sa vie; pour la jeune fille née en 1960, la période de formation s'étend jusqu'à 18 ans bien sonnés. A côté de l'apprentissage d'un métier, qui va désormais de soi, il faut tenir compte aussi de l'année de stage ménager, obligatoire dans certains cantons.

Il est évident que la femme doit autant que possible exercer son activité dans sa famille, à son foyer, comme le veulent sa vocation et ses aptitudes propres. Mais ces liens se sont relâchés ou font même défaut dans de nombreux cas. En outre, cet argument n'est pas concluant parce que l'on ne saurait prouver que la femme néglige ses devoirs de mère et de maîtresse de maison lorsqu'elle peut voter. D'une manière générale, elle devrait être aujourd'hui en mesure d'exercer des droits civiques tout en remplissant ces devoirs aussi bien que l'homme peut le faire à côté de ses obligations professionnelles.

Population résidante et population exerçant une activité professionnelle 1888-1960 Population exerçant une activité professionnelle

Population résidante Année

Hommes

Femmes

'

Total

Hommes

Femmes

Total

434 445

1 304 834 1 555 247 1 783 195 1 871 725 1 942 626 1 992 487 2 155 656 2512411

Chiffres absolus

1888 1900 1910 1920 1930 1941 1950 1960

1417574 1 627 025 1 845 529 1 871 123 1 958 349 2 060 399 2 272 025 2 663 432

1 500 180

1688418 1 907 764 2 009 197 2108051 2 205 304 2 442 967 2 765 629

2917754 3 315 443 3 753 293 3 880 320 4 066 400 4 265 703 4 714 992 5 429 061

870 389

1 057 534 497 713 1 178 782 604413 1236281 635 444 1 331 358 611 268 1 422 272 570215 1515232 640 424 1 755 993 756418

Indice (1888 = 100)

1888 1900 1910 1920 1930 1941 1950 1960

100 115 130 132 138 145

160 188

100 113 127 134 141 147 163 184

100 114 129 133 139 146 162 186

100 J22 135 142 153 163 174 202

100 115 139 146 141 131 147 174

100 119 137 143 149 153 165 193

Hommes et femmes exerçant une activité professionnelle selon les branches d'activité

1941

1930

Branches d'acuviié

Hommes

Agriculture et sylviculture . . .

362 041 dont agriculture 336 949 Industrie et artisanat 466 123 Construction . .

145 984 Commerce, banque, transports 206 520 Industrie hôtelière 31 103 Autres branches d'activité (sans le service de 118907 maison) En tout 1 330 678 Service de maison 680 Total 1 331 358

% Femmes Femmes

I960

19!0

Hommes

Femmes

% Femmes

Hommes

Femmes

% Femmes

325 321 298 263

30106 28666

8,5 8,8

Hommes

Femmes

% Femmes

257 304 232667

22887 20743

8,2 8,2

51 295 50078

12,4 12,9

384 799 350 824

30137 28 927

7,3 7,6

214 029 1 189

31,5 0,8

495 542 198531 142 428 1 308

286 0,9

579 265 224 379 2300 165 341

27,9 1,4

725 744 273 811 234 332 5122

274 2,1

78546

276

205 384

81 027

28,3

252 877 1 1 1 905

30,7

315 969 165 324

34,3

64012

67,3

26442

60 160

69,5

87 599

424

496 670 114598 611 268

27,2 99,4

167411 97412 1 422 006 468 575 266 101640 1 422 272 570 215

24,8 99,7

31,5

368

28,6

29775

63713

68,2

162395 108 780 1 514 974 541 183 258 99241 1 515 232 640424

40 1

26,3 99,7 29,7

40930

72626

64,0

180 832 134958 1 755 111 674 728 882 81690 1 755 993 756418

427 27,8 98,9 30,1

84 Pour compléter cet exposé, nous donnons, dans le tableau qui suit, des indications sur l'exercice de l'activité professionnelle par les hommes et les femmes dans plusieurs Etats.

Les personnes exerçant une activité professionnelle dans la population totale de quelques Etats (Source: Annuaire des statistiques du travail, BIT, 1968) Pays

Suisse Autriche Belgique Bulgarie ........

Tchécoslovaquie . . .

Danemark .

Esnasne Finlande France Allemagne (République fédérale) Allemagne (République démocratique) . .

Grèce Italie Hollande ....

Pologne Roumanie Suède Grande-Bretagne . . .

Yougoslavie , , , URSS Canada USA

Exerçaient une activité professionnelle sur 100

Année

Hommes

Femmes

Personnes au total

1960 1961 1961 1965 1961 1960 1960 1960 1962

65,9 61,0 57,4 58,1 57,0 63,7 64,2 57,5 58,4

27,4 36,0 19,9 45,7 37,8 27,9 13,5 34,8 27,9

46,3 47,6 38,2 51,9 47,2 45,7 38,1 45,7 42,7

1961

64,0

33,2

47,7

1964 1961 1961 1960 1960 1956 1965 1966 1961 1959 1961 1960

60,1 59,7 61,1 56,8 55,1 67,4 59,0 63,0 59,6 55,8 51,3 53,7

39,8 27,8 19,5 16,1 40,1 52,7 29,8 32,6 31,1 49,3 19,7 24,6

49,1 43,4 39,8 36,4 47,3 59,8 44,4 47,3 45,0 52,2 35,7 39,0

'

b. Rien dans les expériences faites ne permet d'affirmer que la femme manque de sens politique ou de compréhension pour les affaires publiques.

On n'a pas entendu dire que, là où la femme a le droit de vote, son comportement, déterminé plus que celui de l'homme par les sentiments et les facultés émotives, ait eu ou puisse avoir encore des conséquences fâcheuses. Son tempérament et son intelligence, tournés plutôt vers les réalités pratiques et concrètes, peuvent compléter heureusement l'esprit souvent plus abstrait, plus logique et plus objectif de l'homme, tout particulièrement dans l'Etat moderne où les questions et la prévoyance sociales jouent un rôle essentiel.

85

Sans doute, il est exact que la femme a parfois de la peine à se faire un jugement sûr et indépendant, qu'elle est dès lors exposée à se laisser suggestionner par de fortes personnalités, à favoriser les partis extrémistes, et à manquer de discernement en cherchant à atteindre des objectifs idéals par des moyens inappropriés. Ce ne sont là toutefois que des exceptions et non la règle, comme l'expérience nous le fait voir. Selon le message de 1957 (FF 1957'1784 s.), les femmes mariées votaient en général pour le même parti que leurs maris dans les pays étrangers où la question avait fait l'objet d'une enquête; dans l'ensemble, les femmes votaient un peu plus à droite que les hommes. Elles ne s'étaient pas laissé entraîner plus qu'eux par les nouveaux partis, par le prestige des chefs politiques et par les slogans électoraux. Le message fait la citation suivante: «Les femmes ont subi l'envoûtement du national-socialisme après et non pas avant les hommes». On ne connaît aucun fait nouveau qui puisse infirmer aujourd'hui ces conclusions. Cela étant, la nature différente de la femme ne peut pas être assimilée à une infériorité qui justifierait le refus du droit de vote.

L'inexpérience politique, conséquence d'un manque d'activité politique, n'est pas liée à la nature de la femme. Elle disparaîtra avec l'introduction du suffrage féminin. L'amélioration de l'instruction de la femme, sa connaissance plus directe des questions d'intérêt général, l'information beaucoup plus abondante que jadis dont elle bénéficie grâce aux journaux, à la radio, à la télévision, etc., tout cela concourra très utilement à ce résultat. Qu'on se souvienne de l'époque où d'aucuns craignaient que le simple citoyen n'arrive pas à comprendre suffisamment les questions soumises au vote du peuple et qu'il n'exerce dès lors ses droits politiques au détriment de l'intérêt général.

Pour être juste, il faut ajouter que si le droit de vote dépendait de la maturité politique, il ne pourrait être accordé à chaque hqmme ni refusé à chaque femme. Abstraction faite de la différence de sexe, les motifs légaux de retrait des droits civiques ne se réaliseraient guère plus souvent pour la femme que pour l'homme.

c. Lorsqu'on objecte que la femme ne fait pas de service militaire, on se laisse guider étroitement par la conception, jadis conforme
à la réalité, d'un Etat gouverné par les hommes. Le fait que, dans les deux Appenzell, seuls les hommes portant une épée ou une autre arme considérée comme équivalente sont admis dans l'enceinte de la landsgemeinde rappelle qu'autrefois le droit de vote était censé être la contre-partie du service militaire obligatoire. Sur le plan fédéral, le service militaire et le droit de vote n'ont jamais été associés d'une manière aussi étroite : autrement dit, le droit de vote ne suppose pas le service militaire. Il est juste de comparer les charges que la femme supporte effectivement en faveur de la communauté avec celles que le service militaire impose aux hommes. Le message de 1957 fait état du service militaire volontaire des femmes, puis du service, resté aussi volontaire, qu'elles accomplissent dans les organisations de protection civile, des obligations qu'elles assument à l'égard de la communauté comme mères de famille et maîtresses de maison, par exemple,

86

et, enfin, des risques plus grands qu'elles courraient dans une guerre totale.

L'aggravation de ces risques ressort nettement du message que nous vous avons soumis le 30 octobre 1968 à l'appui d'un projet de loi sur les organes directeurs et le conseil de la défense (FF 1968 II 661). Comme vous le savez, ce message commençait ainsi: «Dans une guerre éventuelle, non seulement l'armée, mais la population aussi seraient frappées. De par sa nature, la menace est générale et englobe tous les domaines de la vie de l'Etat et de l'individu. Dès lors, la défense nationale ne peut plus concerner l'armée seule. Elle doit être générale et comprendre aussi les secteurs civils de la vie de l'Etat. A l'heure du danger, la défense nationale devient la mission générale et essentielle de la Confédération et de toutes les communautés qui s'y rattachent. »

Le message (FF J968 II 671 s.) mentionne aussi, pour la protection civile, les «volontaires (des femmes notamment)» et, pour la défense spirituelle du pays, «l'une des grandes tâches d'intérêt national», les femmes en même temps que les hommes, n relève l'interdépendance de la défense économique et de la défense militaire et laisse entendre que la femme sera, là aussi, appelée à remplacer l'homme dans une large mesure.

Mais la femme joue, dès maintenant, un rôle important dans l'armée.

Le SCF compte actuellement 3600 membres environ. Quelque 6500 femmes sont incorporées dans des formations de la Croix-Rouges. Le SCF comprend les services suivants: Service de repérage et de signalisation d'avions, service des transmissions, service administratif, service des pigeons voyageurs, service des conductrices sanitaires, service d'assistance, service des foyers du soldat, service d'alerte, service du matériel et service de cuisine. Le concours de la Croix-Rouge prendra plus d'importance encore dans le service sanitaire général.

Les femmes trouveront aussi de plus grandes possibilités d'emploi dans le cadre de la défense intégrale.

Le message à l'appui de la loi fédérale du 23 mars 1962 sur la protection civile (FF 1961 II 703 s.) montre à quel point on a besoins des femmes dans les organisations de protection civile et fait voir l'importance de cette partie de la défense nationale. Selon les chiffres qu'il donne, il faudrait pouvoir disposer de 80 000 femmes en tout (cadres et spécialistes) en qualité de gardes d'immeubles, pour la protection des établissements industriels et dans les organismes locaux. Les besoins s'élèveront à 155 000 femmes lorsque les membres des organismes locaux et des organismes d'établissement seront incorporés et instruits et même à 480 000 lorsque le personnel des gardes d'immeubles s'y ajoutera. Le message rappelle que la première guerre mondiale a coûté 500 000 vies humaines dans la population civile (9200000 parmi les soldats), mais que la seconde a fait disparaître presque autant de civils que de militaires (24 800 000 contre 26800000). Ces chiffres ainsi que la perspective de voir une nouvelle guerre frapper encore plus durement la population civile font mesiirer combien il serait utile qu'un nombre suffisant de femmes acceptent de servir volontairement dans l'organisation de la protection civile, calquée sur l'armée.

87

Compte tenu de sa nature propre, la femme ne peut pas assumer exactement les mêmes charges que l'homme. Ce qui est essentiel, c'est que les tâches qui lui sont dévolues sont, dans l'ensemble, équivalentes à celles de l'homme.

Cela étant, il ne se justifie pas de lui refuser le droit de vote.

d. On dit parfois que le suffrage féminin ne répond à aucune nécessité parce que la femme peut exercer son influence sur la politique par l'entremise de son mari, de son frère ou de son fils et que cela n'a pas donné de mauvais résultats jusqu'ici. Le vote des femmes ne ferait que doubler - d'une manière coûteuse - le nombre des suffrages.

L'expérience nous apprend que les femmes ont coutume de voter non pas d'une manière identique à celle des hommes, mais selon des critères analogues.

Il n'est donc pas impossible qu'elles influent sur le résultat d'un scrutin. Ces considérations ne sont cependant pas pertinentes, car il n'en ressort nullement que la femme est différente de l'homme à un point tel qu'il se justifierait de lui refuser le droit de vote.

L'influence indirecte qu'on prête à la femme ne justifie pas davantage ce refus. Il n'est tout d'abord pas certain qu'elle soit suffisamment consultée par son mari et, ensuite, chaque femme n'a pas un homme possédant le droit de vote «sous la main». Encore qu'il soit exact que le statut juridique de la femme soutient chez nous, dans l'ensemble, la comparaison avec celui de ses consoeurs dotées des droits civiques à l'étranger, cet argument n'est pas pertinent en l'occurrence. Le droit de cité suisse continue à être recherché par les étrangères. Le message de 1957 (FF 19571734 s.) a analysé le statut juridique de la femme, avant tout en matière de service militaire, de sécurité sociale, de protection des travailleurs, de droit pénal, de libertés individuelles, de possibilités d'instruction, d'exercice d'un métier, de nationalité, d'accès aux fonctions administratives, de conditions de rétribution et de droit civil. Nous nous contenterons d'esquisser ici l'influence que le suffrage masculin a exercée sur la situation de la femme dans le domaine des assurances sociales et en matière de droit du travail. Pour l'assurance-vieillesse et survivants, la femme paie dans l'ensemble moins de cotisations que l'homme (revenu plus modeste, exonération des cotisations),
mais touche plus de prestations ; le droit aux prestations lui est ouvert plus tôt et dure en général plus longtemps, ses perspectives de vie étant meilleures que celles de l'homme. Comme les rentes AVS sont proportionnellement plus élevées pour les petits revenus, la femme s'en trouve avantagée d'une manière très prononcée. Les femmes qui vivent seules forment le groupe de rentiers le plus important. Il en va de même en général pour l'assurance-invalidité. Dans l'assurance-accidents obligatoire, les femmes versent des cotisations inférieures à celles des hommes pour être couvertes contre les accidents non professionnels. L'homme qui perd sa femme à la suite d'un accident n'a droit à une rente que s'il est durablement hors d'état de gagner sa vie ; le droit de la veuve à une rente n'est pas subordonné à semblable condition.

Les femmes peuvent s'affilier aux caisses-maladie aux mêmes conditions que les hommes. Elles doivent, à vrai dire, payer des cotisations supérieures à celles

des hommes, l'écart pouvant aller jusqu'à 10 pour cent, mais, par suite de leur taux de morbidité plus élevé (en 1967, 46,2% de cas de maladies de plus que chez les hommes), elles bénéficient dans l'ensemble de prestations plus importantes pour couvrir les frais médicaux et pharmaceutiques. La Confédération supporte en moyenne 35 pour cent de ces dépenses chez les femmes contre 10 pour cent chez les hommes. La maternité est assimilée à une maladie assurée sans augmentation des cotisations; elle est même traitée plus favorablement à certains égards en ce qui concerne les frais médicaux et pharmaceutiques; les prestations sont accordées durant dix semaines, dont au moins six après l'accouchement.

Dans Fassurance-chômage, la femme est traitée sur le même pied que l'homme. En matière de protection des travailleurs, elle continue à être favorisée; il suffit de se référer à ce sujet à la loi sur le travail du 13 mars 1964. Citons notamment les dispositions sur la protection spéciale des femmes (art. 33 à 36), qui traitent du travail de jour, du travail nocturne ou dominical, de la protection des femmes enceintes, des accouchées et des mères qui allaitent, ainsi que des femmes tenant un ménage; ces prescriptions exigent, d'une manière générale, que l'employeur ait les égards voulus pour la santé des femmes et veille à la sauvegarde de leur moralité.

e. Même parmi les hommes, qui admettent le suffrage féminin, certains estiment que son introduction n'est pas opportune, la majorité des femmes suisses ne désirant pas voter.

Il serait intéressant de savoir si ces femmes sont vraiment la majorité, ne serait-ce que parce que bon nombre d'hommes font dépendre leur décision de l'attitude des femmes. On manque toutefois d'indications sûres à cet égard.

Le Conseil fédéral ayant demandé aux cantons, le 28 juillet 1950, s'ils estimaient opportun d'organiser une consultation des femmes suisses pour sonder leur opinion, seuls les cantons de Vaud, Uri, Schwyz et Baie-Campagne ont répondu favorablement. Beaucoup de cantons ont adopté une attitude négative parce qu'ils pensaient qu'une grande partie des femmes opposées au suffrage féminin s'abstiendraient de prendre part à la consultation, ce qui rendrait impossible une saine appréciation du résultat Nous renonçâmes dès lors à procéder à un relevé statistique de ce
genre (FF 1951 I 358 s,). Les interventions qui eurent lieu au Parlement en faveur d'un vote de sondage, c'est-à-dire le postulat Picot du 18 septembre 1951 et la motion Nicole du 1er décembre 1952, restèrent sans résultat. Au début de 1953, des femmes qui étaient notoirement en faveur du suffrage féminin se prononcèrent aussi dans la presse contre ce genre de consultation. On connaît les résultats des consultations organisées dans les cantons de Genève, Baie-Ville et Appenzell Rhodes-Intérieures, du scrutin de la ville de Zurich (voir le tableau suivant) et les faibles majorités négatives qui ont été enregistrées dans les communes de Kappelen près d'Aarberg (BE) et Höri (ZH).

Mais, en admettant même que seule une minorité de femmes s'oppose au suffrage féminin, il n'en faut pas moins examiner leurs objections si elles

Personnes inscrites

1955

25 août

1954

21 fév.

1952

30 nov.

1969

12 oet.

Ville de Zurich Suffrage intégral . . .

Suffrage dans les affaires d'école, d'église et d'assistance Canton de Baie- Ville Suffrage intégral . . .

Canton de Genève Suffrage intégral . . .

Canton d'Appenzell RI Institution facultative du suffrage féminin en matière scolaire et paroissiale

Bulletins rentrés

Participation au scrutin

Pourcentage des non

Date

Oui

Non

Blancs ou nula

157800 132 800

52865

25655

1662

84,2

32,7

25 août 1955

157 800 132800

52722

25655

1662

84,2

32,7

25 août 1955

76701

45593

33 166

12327

100

59,4

21,1

21 fév. 1954

72516

42865

35972

6436

457

59,1

15,0

30 nov. 1952

3906

2468

1 093

1 359

16

63,2

55,4

12 oct. 1969

en tout

co

VD

90 *

paraissent fondées sur des arguments sérieux et d'un certain poids en l'occurrence. Selon la requête de la Ligue des femmes suisses contre le suffrage féminin, qui se réfère à de nombreuses publications suisses et étrangères, les particularités du caractère féminin ont des répercussions importantes sur l'exercice des droits civiques. Cela tient à ce que la femme a d'autres intérêts que l'homme et que son existence est remplie par l'accomplissement de devoirs naturels.

Ces particularités ont toujours fait échouer jusqu'à maintenant les multiples efforts qui ont été entrepris pour établir l'égalité complète entre la femme et l'homme; les idées préconçues qui sont répandues dans la société au sujet du suffrage féminin sont le reflet de ces échecs, mais non pas leur cause. Quand la femme veut suivre la même route que l'homme, elle n'arrive pas à soutenir la compétition et lui reste inférieure sur le plan professionnel comme sur le plan politique. Il en résulte que les femmes perdent confiance en elles-mêmes et que leur solidarité en souffre. Il est caractéristique à cet égard que les femmes sont très faiblement représentées dans les parlements et les gouvernements et que l'intérêt qu'elles portent à la politique diminue dans les pays occidentaux. Ce qui manque surtout à la mère de famille qui exerce simultanément une activité lucrative, ce sont le temps et l'énergie nécessaires pour se faire une opinion sur les questions politiques. La paysanne, la femme d'affaires engagée dans un dur combat pour l'existence, la femme vivant seule qui s'intéresse peu, comme on a pu le constater, au droit de vote, et, aussi, celle qui préfère se rendre utile dans le domaine social ou culturel, toutes ces femmes ne pourraient pas exercer, sur le terrain de la politique, l'influence qui devrait être la leur; elles seraient donc désavantagées par l'application du principe de l'égalité. La bonne solution, celle que nous a léguée la tradition helvétique, c'est que les hommes représentent les femmes, assument aussi les responsabilités pour les veuves et les orphelins, bref pour toute la nation; il ne faudrait pas mettre cette représentation en question en dépeignant sans cesse l'homme comme un dictateur aux idées arriérées et paralyser ainsi son sens des responsabilités. Les conditions d'existence et de travail de la femme
suisse sont, dans l'ensemble, meilleures que celles de n'importe quelle autre femme bénéficiant de l'égalité des droits civiques. La discussion devrait s'étendre à l'égalité des droits de la femme et de l'homme en matière civile, que l'on s'efforce d'obtenir par le suffrage féminin ; il serait plus que temps de revoir les objectifs culturels de notre société.

Tel est l'avis de la Ligue des femmes suisses contre le suffrage féminin.

D'après le rapport de l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe que nous avons déjà cité (p. 12 s.), il est exact que, dans l'ensemble, la femme se trouve dans une position moins favorable que l'homme sur le terrain de la concurrence professionnelle. Le rapport mentionne avant tout la formation professionnelle généralement inférieure de la femme, les désavantages résultant de la protection spéciale, d'ailleurs justifiée, qui lui est accordée, l'interruption de son travail lors de la naissance de ses enfants, les inconvénients qu'elle supporte lorsqu'elle reprend son travail avec des connaissances el une capacité professionnelles restées stationnâmes. Beaucoup de femmes sont obligées d'exercer une activité professionnelle. Leur nature propre les place nécessaire-

91

ment dans des conditions en partie différentes de celles où se trouve l'homme.

Il est légitime que nombre d'entre elles désirent exercer une influence sur cette situation par le moyen du droit de vote. Comme nous l'avons dit, c'est l'activité professionnelle des femmes qui est à l'origine de la campagne pour le suffrage féminin. Il serait vraiment excessif de craindre que, dans notre pays, l'homme n'en arrive à négliger les intérêts de la femme, qu'elle soit son épouse, sa mère ou sa fille, après l'institution du suffrage féminin, De fait, la femme s'intéresse généralement moins que l'homme à la politique. Le rapport de l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe (p. 29) confirme que les femmes sont moins fortement organisées sur le plan politique (et syndical); il se demande jusqu'à quel point cet état de choses peut s'expliquer par le fait que la femme porte moins d'intérêt aux affaires publiques, qu'elle est surchargée d'autres obligations ou qu'elle doit faire face à des réactions négatives de son entourage. Il n'est pas étonnant, ajoute-t-il, que la maîtresse de maison qui exerce simultanément une activité professionnelle ne trouve plus guère le temps, parce qu'elle est surchargée, de s'occuper de questions politiques, sociales, syndicales et culturelles (p. 17).

Mais il faut aussi remarquer que la femme s'intéresse souvent à des questions politiques qui retiennent moins l'attention de l'homme. Il est vrai qu'en Suisse, autant qu'on peut le constater, la femme vote avec moins de zèle que l'homme. Il en est de même à l'étranger (cf. le rapport cité, p. 24). Mais la différence est trop petite pour qu'on puisse en déduire une inégalité notable entre les deux sexes. (Elle est cependant assez girando, soit dit en passant, pour empêcher que les hommes ne soient mis en minorité, ce qui serait en soi possible, en Suisse comme à l'étranger, à cause de la plus forte proportion de femmes dans la population totale. Cette proportion était en Suisse de 53,5% au début de 1968 contre 52,4% en 1950). Si la maîtresse de maison qui exerce une activité professionnelle ou la paysanne, par exemple, ont plus de peine à faire usage du droit de vote, il convient de s'efforcer d'écarter ce qui peut y faire obstacle.

C'est parce qu'elles ne veulent pas sé laisser entraîner dans des luttes politiques «malpropres»
que beaucoup de femmes ne désirent pas obtenir le droit de vote. La femme préfère en général le compromis à la lutte. La Ligue des femmes suisses contre le suffrage féminin a fait observer (et elle n'est pas la seule à l'avoir fait) que la femme est souvent vaincue dans l'arène politique et qu'elle court le risque d'y être considérée comme un concurrent de second ordre. Il est certain, en tout cas, que les chefs politiques ont toujours été rares parmi lés femmes et que celles-ci n'ont probablement jamais fondé de parti politique, ce qui peut, à vrai dire, s'expliquer en partie par le fait que leurs intérêts particuliers ne sont pas en contradiction absolue avec ceux des hommes.

Il est patent qu'à l'étranger aussi leur représentation au Parlement, au gouvernement, dans l'administration et les tribunaux est inférieure à la part qu'elles prennent dans la population totale. Cet état de choses est encore très marqué dans les Etats non communistes (voir le rapport mentionné des Nations-Unies du 14 novembre 1968). Le rapport de l'Assemblée consultative du Conseil de

92 l'Europe relève même que, dans de nombreux pays, la représentation des femmes au Parlement a diminué après la période d'enthousiasme initial, par exemple en Turquie, en Suède, en France (recul de 38 membres en 1946 à 8 en 1959 et 1962), dans la République fédérale d'Allemagne (augmentation jusqu'à 48 représentantes en 1957, puis recul jusqu'à 36 en 1965 et, selon des informations complémentaires, jusqu'à 34 en 1968). Nous extrayons de ce rapport des indications sur la représentation des femmes dans les parlements étrangers :

Autriche Belgique Chypre Danemark . . .

France République fédérale d'Allemagne Grèce Islande Irlande Italie Luxembourg Malte Pays-Bas Norvège . ..

Suède Turquie Grande-Bretagne

Nombre des femmes dans la chambre basse

Nombre des femmes dans la chambre haute

Membres du sexe féminin dans l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe (état: avril 1967)

9 sur 165 7 sur 212 , . sur 50 17 sur 179 11 sur 488

7 sur 54 2 sur 179 *) 4 5 sur 274

1 sur 12 1 sur 14 2 ) 1 sur 10 0 sur 36

36 sur 518 4 sur 300 1 sur 60 4 sur 144 23 sur 630 1 sur 56 2 sur 50 15 sur 150 17 sur 150 31 sur 233 6 sur 450 26 sur 630

3

4 sur 35 2 ) 0 sur 6 1 sur 8 0 sur 29 0 sur 6 0 sur 6 1 sur 13 1 sur 10 2 sur 12 0 sur 18 2 sur 35

) !)

')

4 sur 60 5 sur 319 *)· *) 4 sur 75 *) 16 sur 152 2 sur 186 33 sur 1019

^ Etats à système mono-caméral Etats non représentés actuellement à l'Assemblée consultative 3 ' Le «Bundesrat» se compose de représentants des «Länder»; ils ne sont pas considérés comme membres du Parlement.

2)

II serait néanmoins excessif de faire état du fait que le nombre des femmes élues dans les Parlements n'est pas en rapport avec la part que les femmes prennent dans la population totale pour leur refuser le droit de vote et les traiter ainsi plus mal que les hommes fort nombreux qui, eux non plus, ne participent pas aux luttes politiques et se bornent dès lors à voter et à prendre part aux élections. Il est plus facile de se tenir à l'écart des luttes politiques dans les affaires fédérales que, par exemple, dans celles qui sont trai tées par une assemblée communale. Le suffrage féminin n'engendre pas nécessairement des règle-

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mentations ignorant la nature particulière de la femme. Nous ne doutons pas que la Ligue des femmes suisses contre le suffrage féminin prêtera son concours pour empêcher l'adoption de pareilles réglementations.

Les femmes, toujours soucieuses d'aplanir les difficultés, pourraient aussi objecter que la paix familiale serait mise en danger par le suffrage féminin. Or, comme nous l'avons dit, la femme mariée vote le plus souvent de la même manière que son mari (en partie sans doute parce qu'elle appartient au même milieu social). Les femmes, d'autre part, ne vivent pas toujours dans leur famille.

On ne peut donc pas considérer cet argument comme décisif.

Qu'il y ait des femmes qui n'entendent pas assumer de responsabilités civiques en qualité de membres du corps électoral parce qu'elles ne veulent pas exercer les droits ni remplir les obligations qu'impliqué le suffrage féminin, voilà une raison que nous ne saurions non plus admettre comme argument valable. Il est juste que le citoyen, comme tout autre organe de l'Etat, exerce consciencieusement les attributions qui lui ont été dévolues. Il n'a cependant pas de sanctions à craindre, sauf dans les cas où il contrevient à une disposition imposant l'obligation de prendre part à un vote ou à une élection.

A ceux qui ont peur qu'une influence néfaste ne puisse être exercée par le vote des étrangères devenues ressortissantes suisses par mariage, on peut répondre qu'il serait possible de restreindre leurs droits civiques. Cet argument n'a rien à voir, pas plus que le précédent, avec la nature particulière de la femme.

3. L'égalité de la femme en matière de droits civiques permettrait de développer les institutions démocratiques fondées sur la constitution fédérale. Elle serait un grand pas vers la réalisation de l'idée fondamentale sur laquelle repose cette forme de gouvernement: assurer une identité de vues aussi étroite que possible entre les gouvernants et les gouvernés. La réalisation de cet axiome importe plus que jamais parce qu'aujourd'hui l'Etat dit social règle toujours plus de questions qui touchent aussi la femme d'une manière directe, par exemple dans le domaine des assurances sociales. Mais le développement de la démocratie ne doit pas avoir d'effets défavorables; comme toute autre institution de l'Etat, le suffrage universel doit être
organisé de manière à fonctionner convenablement. Que parfois, comme on l'a déjà vu, le suffrage féminin puisse modifier le résultat d'un vote ou d'une élection, cela ne change rien à la question.

La Ligue des femmes suisses contre Je suffrage féminin attend déjà des conséquences néfastes de l'augmentation du nombre des votants qui résultera du suffrage féminin. Elle ne nie pas que la femme suisse soit capable de faire bon usage du droit de vote, mais elle met en doute sa volonté de le faire. Si une grande partie du corps électoral, dit-elle, ne se forme pas un jugement indépendant sur l'objet d'un scrutin, la démocratie directe risque de se fourvoyer. Il faudrait dès lors se demander, comme l'ont déjà fait certains, s'il ne convient pas de réduire l'importance de la démocratie directe en faveur de la Fiutili fédérale, 122' année. Vol. I.

7

94 démocratie représentative. A son avis, le suffrage féminin rendra tôt ou tard cette solution nécessaire.

Il est sans doute légitime d'attirer l'attention sur cet aspect du suffrage féminin, mais il est difficile de faire, avec quelque certitude, des prévisions à ce sujet. Il faut partir de l'idée que le suffrage féminin à l'étranger de même qu'en Suisse, dans la mesure où il y est déjà institué, n'a rien changé ou n'a changé que peu de choses dans les décisions prises par le corps électoral. On n'a pas constaté qu'on ait trop présumé de la démocratie.

Le suffrage féminin double au moins le nombre des votants. Si l'on exige que le nombre de voix nécessaire pour un référendum ou une initiative populaire soit augmenté en conséquence, la collecte des signatures en deviendra plus coûteuse. Il s'agit là toutefois d'un problème qui n'est pas nécessairement en rapport avec l'institution du suffrage féminin et dont'nous ne poursuivrons donc pas l'examen ici.

4. En résumé, nous considérons aussi comme justifié d'instituer le suffrage féminin. En repoussant ce suffrage, le pouvoir constituant de 1874 a tenu compte des conceptions de l'époque sur la nature différente des deux sexes. Les bouleversements qui se sont produits depuis lors, notamment à la suite des deux guerres mondiales, ont engendré une situation toute nouvelle, même chez nous.

En tant que les femmes exercent déjà les droits civiques en Suisse, on n'a pas entendu dire qu'il en soit résulté des inconvénients, ce qu'on pouvait d'ailleurs prévoir. Dès lors, il est équitable que le législateur fédéral tienne compte maintenant de cette nouvelle situation, profondément différente. Il devrait donc accorder à la seconde moitié de la population adulte le droit de prendre également ses responsabilités dans la conduite des affaires de l'Etat auquel elle appartient et dont elle doit partager les charges. L'élargissement du corps électoral, consécutif à l'institution du suffrage féminin, répond aux conceptions démocratiques, traditionnellement en honneur dans notre pays.

IV. Egalité partielle ou intégrale des femmes?

Peut-on avancer des raisons valables pour justifier une inégalité de traitement des femmes dans l'exercice des droits civiques, pour faire dépendre leur droit de vote de conditions plus sévères que pour les hommes, pour ne leur accorder
ce droit de Vote que dans une mesure restreinte? Nous vous renvoyons à ce sujet à notre message du 22 février 1957, dans lequel nous avions répondu négativement à ces questions. Nous affirmions alors qu'il n'y avait aucune raison d'exiger de la femme un certain minimum d'instruction ou un âge minimum plus élevé que pour l'homme. Rien ne justifierait aujourd'hui que nous exprimions une autre opinion.

Il convient d'examiner plus attentivement si le premier pas à faire doit se limiter à l'introduction de l'électoral et de l'éligibilité des femmes suisses, l'octroi du droit de vote étant remis à plus tard. Cette restriction dispenserait la femme de l'étude absorbante des projets soumis au vote du peuple. Comme

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nous l'avons dit, ce premier pas satisferait aux exigences de la Convention sur les droits de l'homme, puisque celle-ci ne demande que le droit de participer aux élections. Toutefois, et c'est là le point capital, il est impossible de trouver, sur le fond de la question, des raisons qui justifient une telle exception. On ne verrait pas pourquoi la différence de sexe n'aurait plus d'importance pour l'électorat et l'éligibilité, mais en garderait pour le droit de vote. Nous concluons donc, comme jusqu'ici, que le droit de vote doit être, lui aussi, accordé à la femme sans plus attendre.

Quant aux anciennes ressortissantes étrangères, la question est de savoir s'il faut leur donner les droits civiques sans délai d'attente, c'est-à-dire dès qu'elles ont acquis la nationalité suisse. On peut en tout cas se demander, lorsqu'elles deviennent Suissesses par mariage ou par la naturalisation de leur mari, si les droits civiques doivent dépendre d'un degré suffisant d'assimilation et, dans l'affirmative, quelles sont les conditions à fixer. Il est intéressant de noter que l'on fut amené jadis, sans doute à la suite de naturalisations accordées trop facilement, à statuer que les Suisses naturalisés ne seraient éligibles au Conseil national qu'après un délai de cinq ans (art. 64 de la constitution de 1848). L'article 75 de la nouvelle constitution n'a pas repris cette disposition parce que la Confédération a été autorisée à légiférer sur les conditions à remplir pour obtenir le droit de cité suisse. Nous l'avons relevé dans notre message du 9 novembre 1920 concernant la revision de l'article 44 de la constitution fédérale (mesures à prendre pour assurer l'assimilation des étrangers en Suisse). Nous avions alors proposé sans succès de revenir à l'article 64 de la constitution de 1848 et, par conséquent, de statuer à l'article 44, 3e alinéa, que les étrangers naturalisés seraient «exclus pour une durée de cinq années de l'éligibilité aux autorités législatives et executives de la Confédération et des cantons» (FF 1920 V 1). Les conseils législatifs estimèrent qu'une telle réglementation ne pouvait être prise tout au plus en considération que pour l'éligibilité au Conseil national, mais y renoncèrent finalement. On s'abstint alors, avec notre assentiment, de régler la question de l'assimilation en ce qui concerne
l'exercice des droits civiques (Est. CE 1923 136 145). Faut-il maintenant que la constitution fédérale ou la législation fédérale ou cantonale d'exécution imposent des délais d'attente aux anciennes ressortissantes étrangères? Le problème est trop complexe pour qu'on puisse le régler de cette façon. Il importe en outre d'observer que seul un nombre relativement faible de femmes de cette catégorie entre en considération pour l'électoral et que, si nous en jugeons par les expériences faites, les femmes qui sont élues dans un organe législatif ou exécutif sont très rares.

V. La voie à suivre 1. Tout en reconnaissant qu'il est possible juridiquement d'introduire le suffrage féminin en matière cantonale et communale par une disposition de la constitution fédérale, le message de 1957 a cependant repoussé cette

96 solution. A l'avantage d'avoir une réglementation simple et uniforme s'opposerait l'inconvénient capital résultant de l'incompatibilité de cette procédure avec un principe fondamental, la structure federative de notre Etat. Nous continuons à soutenir énergiquement cette opinion. Nous ne voulons pas intervenir sans motifs impérieux (et de tels motifs font défaut en l'occurrence) dans l'organisation des cantons, matière qu'ils règlent traditionnellement d'une manière autonome; ils doivent pouvoir décider eux-mêmes des questions concernant leur corps électoral, c'est-à-dire leur organe le plus important. La Confédération ne veut ni instituer elle-même le droit de vote en matière cantonale et communale, ni obliger les. cantons à l'introduire. Le souci de sauvegarder le fédéralisme s'est aussi manifesté nettement, à l'époque, dans les débats du Parlement (Bst. CE 1957 397 399 401-403, CN J958 255 258 261 278 282).

Les conseils législatifs ont tenu compte de ces scrupules; ils l'ont fait expressément au 4e alinéa du nouvel article 74 de la constitution fédérale, dont ils avaient adopté le projet : «En matière cantonale ou communale, le droit du lieu de domicile est applicable.

Les cantons restent libres d'instituer le suffrage féminin en matière cantonale ou communale. » Nous proposons, quant à nous, le libellé suivant pour cet alinéa : «En matière cantonale ou communale, le droit cantonal est applicable.» La différence entre les deux libellés n'est que rédactionnelle; la dernière phrase du premier texte ne saurait avoir de portée juridique propre. Parmi les réponses reçues des cantons, deux seulement se prononcent nettement en faveur de l'introduction du suffrage féminin sur le plan cantonal et communal par une disposition fédérale. Les autres avis exprimés rejettent une telle intervention; certains ne le font, à vrai dire, que pour des raisons tactiques. On objecte généralement la nécessité de sauvegarder le fédéralisme, les aléas du scrutin ou les deux ensemble; plusieurs réponses attirent l'attention sur les conséquences néfastes d'un vote négatif pour l'avenir du suffrage féminin. Les réponses reçues des partis, elles aussi, déconseillent de présenter un projet qui viserait également le droit de vote en matière cantonale ou communale. Désireuse de prévenir un échec, l'Association suisse pour
le suffrage féminin demande pareillement que le projet se limite au droit de vote en matière fédérale.

En ne proposant d'instituer le suffrage féminin qu'en matière fédérale, nous ne nous mettons pas en contradiction avec notre rapport du 9 décembre 1968 relatif à la convention sur la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. On se souviendra qu'une des réserves que nous avions proposé de faire en signant la convention était précisément en rapport avec le fait que la femme ne peut pas prendre part à l'élection des pouvoirs législatifs de la Confédération et de la plupart des cantons. Nous avions relevé que nous ferions tout ce qui est en notre pouvoir pour, faire disparaître la situation exigeant cette réserve (FF 1968 II 1138 s.). Un projet qui porterait atteinte à notre structure federative de la manière que nous avons indiquée et qui est

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rejetée à juste titre par divers milieux n'aurait assurément aucune chance de succès. D'autre part, la mesure envisagée sur le plan fédéral pourrait inciter les cantons qui ne l'ont pas encore fait à s'employer à instituer le suffrage féminin chez eux, 2. Peut-on introduire le suffrage féminin par une interprétation de l'article 74 de la constitution fédérale? Nous nous sommes déjà prononcés négativement sur cette question, tout d'abord dans notre rapport de 1951 (FF 1951 I 357), puis, en nous référant à ce rapport, dans notre message de 1957, Nous avions proposé de reviser cet article constitutionnel et nous étions fondés à cet égard sur la doctrine et la jurisprudence, qui ne laissent place à aucun doute, en particulier sur un arrêt non publié du Tribunal fédéral du 14 septembre 1923, le commentaire de Burckhardt (p. 40), le rapport d'expertise déjà mentionné du professeur Kägi (p. 64, a), une allocution du professeur Liver à l'occasion de son installation comme recteur (Der Wille des Gesetzes, p. 23),une étude du professeur Battelli (Recueil de travaux publié par la faculté de droit de Genève, p. 20), quatre thèses de doctorat dont les auteurs sont des femmes, à savoir E. Köpfli, H. G. Lüchinger, E. Neumayer et H. Zängerle, ainsi que sur Fleiner/ Giacometti (Schweizerisches Bundesstaatsrecht, p. 433: «Ausgeschlossen wäre aber die Einführung des Frauenstimmrechts lediglich auf Grund einer andern Auslegung von Verfassung und Gesetz»).

Cette opinion nous a déterminés en outre à rejeter, à la fin de 1957, un recours que des femmes avaient interjeté contre une décision relative au registre électoral. Elles se plaignaient de n'avoir pas été inscrites au registre électoral, alléguant qu'aujourd'hui l'article 74 entend par «Suisse» également la femme (Décisions administratives des autorités fédérales 1957n° 11). Nous avons suivi sur ce point le Tribunal fédéral (ATF 831173). On avait fait valoir devant celuici que l'expression «tout Suisse», employée par la constitution Vaudoise pour déterminer les titulaires du droit de vote, n'excluait pas les femmes. On alléguait qu'en faisant une interprétation purement historique de cette expression et en n'y comprenant que les hommes, on ne tenait pas compte des conditions différentes de notre époque et l'on violait ainsi l'article 4 de la constitution fédérale. Selon
le Tribunal fédéral, le constituant vaudois de 1885 avait, par cette expression, entendu refuser le droit de vote aux femmes, conformément aux conceptions de l'époque. Le sens de cette disposition était clair et l'était resté au cours des années, car il avait toujours été respecté dans la pratique; il Hait donc les autorités. Le Tribunal fédéral estimait qu'il ne lui appartenait pas d'examiner si le sens donné à la disposition en question était en harmonie avec l'article 4 de la constitution fédérale, car la constitution vaudoise avait reçu la garantie fédérale conformément à l'article 6 de ladite constitution. Les critiques qui ont été faites contre cet arrêt visent aussi l'interprétation de l'expression «tout Suisse»; elles ne sont cependant pas dirigées généralement contre le refus d'admettre l'interprétation proposée, mais contre les considérations sur la méthode d'interprétation qui ont été développées dans les motifs de l'arrêt, considérations qui sont tenues pour inexactes (cf. Hans Huber dans la Revue de la Société Feuille fédérale, 122' année. Vol. 1.

8

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des juristes bernois, 1958, p. 465 s. ; Giacometti, Allgemeine Lehren des rechtsstaatlichen Verwaltungsrechts, 7950, p. 218; Imboden, Normkontrolle und Norminterpretation, dans Festschrift für Hans Huber, 1961, p. 133 s,; Yung, La volonté du législateur, dans Bastions de Genève, 1960, p. 31 s.; Germann, Neuere Judikatur des Schweizerischen Bundesgerichts zur Frage der Gesetzesauslegung nach den Vorarbeiten, dans la Revue du droit suisse, 7952 I 207 s. ; du même auteur, Probleme und Methoden der Rechtsfmdung, 1967, p, 68 s.).

Comme nous l'avons dit, l'article 74 de la constitution fédérale entendait exclure la femme du droit de vote et il a gardé très nettement ce sens. C'est pourquoi les conseils législatifs ont tenu, eux aussi, la revision de cette disposition pour nécessaire (Est. CE 7957 406 s., CN 1958 303 s., CE 795S 164 s.).

Nous avons soutenu à nouveau cette opinion dans une décision que nous avons prise en 1965 pour trancher un recours concernant l'inscription au registre électoral et, pareillement, dans les réponses que nous avons données à la petite question Schmitt (Genève) du 1er mars 1965 et à la motion Tanner du 5 mars 1969. Plus récemment, cette opinion a été exprimée également par Ruck (Schweizerisches Staatsrecht, 1957, p. 90), puis, semble-t-il, par Favre (Droit constitutionnel suisse, 1966, p. 147 s.), par Aubert (Traité de droit constitutionnel suisse, 1967, p. 405) et par Verena Marty (op. cit. p. 115 s.), bref par une «doctrine quasi unanime», pour reprendre les termes de Bridel (Précis de droit constitutionnel et public suisse, vol. 2 [1957], p. 30 s.).

L'opinion opposée (cf. par exemple Iris von Roten, FrauenstimmrechtsbreVier, p. 49 s., Gertrud Heinzelmann, Schweizerfrau - Dein Recht!, 7960, p. 11 s., 19 s.) se réclame, pour une part, de la nouvelle situation créée par l'instauration du suffrage féminin dans quelques cantons. Mais lorsqu'un canton réforme l'exercice des droits civiques dans son propre domaine, cela ne change en rien la situation juridique sur le plan fédéral. La femme élue au Conseil des Etats en vertu du droit cantonal y exerce son mandat conformément au droit fédéral et néanmoins, d'après ce droit, elle ne possède, pas plus que les autres femmes, ni droit de vote ni électorat en matière fédérale.

La femme qui est domiciliée dans un canton où le suffrage
féminin est admis n'est pourtant pas comprise dans les personnes visées par l'article 74 de la constitution fédérale ; en effet, cette disposition ne déclare le droit cantonal applicable qu'en ce qui concerne l'exclusion du droit de vote, tel qu'il est défini par le droit fédéral.

Ce que nous avons dit sur l'interprétation de l'article 74 ne touche pas l'interprétation dite authentique de cette disposition. C'est manifestement une interprétation de ce genre que vise la motion Arnold, puisqu'elle demande que nous proposions à l'Assemblée fédérale d'interpréter cet article «par la voie d'un arrêté de l'Assemblée fédérale, dans le sens que sous le terme de «Suisse», il faut entendre les hommes et les femmes».

Quand le Parlement veut préciser le sens douteux d'une loi et que cet acte ne doit pas avoir simplement la portée d'une interprétation ordinaire, mais doit avoir une caractère authentique, c'est-à-dire force de loi, il est nécessaire,

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selon Burckhardt (Commentaire, p. 668) de modifier formellement la loi et, faute de prescriptions spéciales, cette modification doit se faire par la voie législative. Modifier ainsi une loi, c'est modifier son libellé. Burckhardt déclare en conséquence illicite une interprétation authentique conçue comme une interprétation de la loi sans que son libellé soit modifié. De même, Germann (Probleme und Methoden der Rechtsfindung, p. 57) constate, en se référant à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, que le législateur ne peut pas, en l'absence de prescriptions l'y autorisant expressément, interpréter authentiquement la loi qu'il a adoptée, c'est-à-dire conférer force de loi à son interprétation, mais qu'il doit établir de nouvelles normes juridiques, conformément aux règles de compétence et de procédure en vigueur (dans le même sens, Imboden, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, 1968, p, 130 s.).

Considérant que les prescriptions fédérales ne connaissent pas de procédure législative particulière pour l'interprétation authentique, notre message de 1957 a constaté avec raison qu'une telle interprétation de l'article 74 de la constitution exigerait l'approbation du peuple et des cantons (FF 19571 814).

Ainsi, les mêmes prescriptions sont applicables à la modification du droit établi et à l'interprétation authentique. Peu importe dès lors qu'on soit d'avis (comme le message de 1957) que ce mode d'interprétation n'est pas connu ou qu'on le définisse, à l'instar du Tribunal fédéral, comme l'acte consistant à déterminer le contenu d'une norme juridique dans les formes prévues pour son adoption (ATF 46 I 171) ou encore que l'on constate sur le plan fédéral (comme le Tribunal fédéral l'a fait sur le plan cantonal) que, même si les prescriptions en vigueur ne l'y autorisent pas formellement, une autorité qui a le droit d'établir des normes juridiques, de les modifier ou de les abroger, peut également les interpréter authentiquement et créer ainsi des règles de droit (ATF 41 I 13 et 70 I 8 s.).

Même si une interprétation authentique était licite en soi, nous devrions néanmoins la rejeter dans le cas particulier. Comme elle serait soumise aux mêmes formes qu'une modification de l'article 74, il ne serait pas nécessaire d'examiner si elle reste dans les limites d'une saine interprétation et si,
par conséquent, il ne s'agit pas d'une modification de la constitution (ATF 911126).

L'interprétation authentique reste une interprétation, c'est-à-dire la détermination du sens exact d'une prescription douteuse. Or il n'est pas douteux que le mot «Suisse» employé par l'article 74 ne vise que l'homme, comme nous l'avons déjà exposé, et son sens, par conséquent, ne saurait être modifié par la voie de l'interprétation, qu'elle soit authentique ou non.

3. L'Association suisse pour le suffrage féminin voudrait que ce suffrage soit introduit par une loi fondée sur l'article 74, 2e alinéa, de la constitution fédérale. Nous estimons que ce mode de faire serait illicite. A l'alinéa 1er de cet article, la constitution fixe elle-même les conditions dites «positives» du droit de vote (nationalité suisse, sexe masculin, âge de 20 ans révolus) et renvoie à la législation cantonale pour les motifs d'exclusion. Le fait qu'ensuite le 2e alinéa de l'article 74 réserve à la législation fédérale le soins de «régler d'une

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manière uniforme l'exercice de ce droit,» ne doit pas permettre de modifier par la voie légale les conditions fixées par la constitution; il s'agit bien plutôt de rendre uniformes, par une loi fédérale, les causes d'exclusion établies par les cantons (cf. p. ex. Burckhardt, Commentaire, p. 649; Fleiner/Giacometti, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, p. 430 s. ; Aubert, Traité de droit constitutionnel suisse, p. 408).

L'article 74 de la constitution donnant exclusivement à l'homme les droits civiques en matière fédérale, il ne saurait être question d'instituer le suffrage féminin par une simple modification ou interprétation de la législation d'exécution. Quand cette législation vise les titulaires des droits civiques et qu'elle emploie des expressions telles que «citoyen», «signataire», «citoyen suisse ayant le droit de vote», «Suisse», elle n'entend que l'homme, de même que l'article 74 de la constitution fédérale. Cela ressort nettement des lois fédérales qui datent de cette époque, à savoir la loi fédérale du 19 juillet 1872 (RS 1 147) sur les élections et votations fédérales et celle du 17 juin 1874 (RS 1 162) concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux. L'article 2 de la première et l'article 10 de la seconde définissent en effet le titulaire du droit de vote de la même manière que l'article 74 de la constitution fédérale.

4. Dans notre message de 1957 (FF 1957 1 817 s.), nous proposions de modifier la disposition fondamentale sur le droit de vote, soit l'article 74, 1er alinéa, et d'adapter aussi tous les articles de la constitution qui accordent des droits civiques aux «Suisses» et aux «citoyens suisses». Le choix entre la modification ou l'adaptation d'un article dépend, disions-nous, de son contenu.

L'article 74 se trouve dans la partie de la constitution qui concerne le Conseil national. Mais il traite du droit de prendre part aux «élections et votations». Il ne se propose donc pas seulement de déterminer qui a le droit d'élire le Conseil national. Etant donné la portée générale de cette disposition, la constitution renonce à désigner, dans les autres articles, les bénéficiaires des droits civiques accordés au peuple (cf. pour le référendum et le droit de vote, art. 89,2e et 4e al., art. 89Ms, 2e et 3e al., art. 120, 2e al., art. 121, 5e al., et art. 123, 1er al.;
pour le droit d'initiative, art. 120,1er al. et art. 121,2e al., ainsi que, pour l'éligibilité, art. 75 [Conseil national], art. 96, 1er al. [Conseil fédéral] et art. 108, 1er al.

[Tribunal fédéral]; voir en outre les art. 43 et 66 est. dont le message de 1957 fait état). Comme le peuple concourt à la revision de la constitution et à l'établissement des lois, il faut nécessairement déterminer qui fait partie du peuple, c'est-à-dire de l'organe compétent. La réponse découle incontestablement de l'article 74, qui règle la question d'une manière générale. La relation entre les diverses dispositions constitutionnelles devait être précisée par les ajustements que nous proposions dans le message de 1957. Toutefois, elle apparaît aussi très clairement par une simple interprétation de ces dispositions, sans qu'il soit nécessaire de les adapter. C'est pourquoi le représentant du Conseil fédéral n'a pas fait d'objection lorsque les conseils législatifs ont décidé de se borner à modifier l'article 74 (Bst. CE 1957 406 s., CN 1958 303 s., CE 1958 164 s.).

Rien de fondamental n'a changé depuis lors. Nous vous proposons en consé-

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quence d'insérer dans la constitution l'article 74 que vous aviez adopté à l'époque (FF 1958 I 1231), sous réserve d'une modification au 4e alinéa. Voici le libellé de l'article en vigueur et celui de la disposition proposée.

Texte actuel : «* A droit de prendre part aux élections et aux votations tout Suisse âgé de vingt ans révolus et qui n'est du reste point exclu du droit de citoyen actif par la législation du canton dans lequel il a son domicile.

2 Toutefois, la législation fédérale pourra régler d'une manière uniforme l'exercice de ce droit.»

Nouveau texte: «i Les Suisses et les Suissesses ont les mêmes droits et les mêmes devoirs en matière d'élections et de votations fédérales.

2 Ont le droit de prendre part à ces élections et votations tous les Suisses et toutes les Suissesses âgés de vingt ans révolus qui n'ont pas été privés de leurs droits civiques en vertu du droit fédéral ou de la législation du canton de domicile.

3 La Confédération peut édicter des dispositions législatives uniformes sur le droit de prendre part aux élections et votations en matière fédérale.

4 En matière cantonale ou communale, le droit cantonal est applicable.»

Bien que nous ayons modifié le libellé du 4e alinéa, tel que vous l'aviez adopté en 1958, son contenu reste le même. L'article 43 de la constitution fédérale garantit déjà le droit du citoyen suisse d'exercer, sous certaines conditions, ses droits civiques hors de son canton et de sa commune d'origine. Au surplus, nous nous référons à ce qui a été dit lors de vos délibérations sur le dernier projet et y ajoutons ce qui suit :.

Le 1er alinéa ne permet pas, par exemple, de n'accorder à la femme que le droit (plus exactement: la compétence dérivant du devoir civique) de ne prendre part qu'à l'élection du Conseil national.

Au 2e alinéa, les mots «privés de leurs droits civiques» sont repris avant tout du code pénal (cf. p. ex. art. 52,171 et 284) et, aussi, du code pénal militaire (art. 28, 29 et 39). Il est évident, même avec la nouvelle rédaction du 4e alinéa, qu'une Genevoise habitant Berne, par exemple, ne pourra s'y réclamer du suffrage féminin institué dans le canton de Genève. En outre, cette rédaction n'amènera pas le Tribunal fédéral à modifier sa jurisprudence, qu'il a confirmée en dépit de certaines critiques : il refuse en effet d'examiner si les constitutions cantonales auxquelles vous avez accordé la garantie fédérale et les décisions qui reposent sur elles (art. 6 et 85, ch. 7, est.) sont en harmonie avec la constitution fédérale; il refuse donc, par exemple, d'examiner si une constitution cantonale qui ne connaît pas le suffrage féminin transgresse l'article 4 de la constitution fédérale.

À propos de la motion Arnold et de la garantie prévue par l'article 6 de la constitution fédérale, l'Association suisse pour le suffrage féminin qualifie le droit de vote des hommes de privilège personnel contraire à l'article 4 de ladite constitution. On peut se demander quelle attitude il y aura lieu de prendre à

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l'égard, des constitutions cantonales qui ignorent le suffrage féminin, dès que les autorités compétentes estimeront qu'en matière de droits civiques, la différence de sexe n'a plus de portée notable au sens de l'article 4. A notre avis, pas plus que dans le passé, vous ne pourrez leur refuser ni leur retirer la garantie fédérale.

VI, Faut-il modifier des lois fédérales?

Le message de 1957 (FF 1957 I 815 822) tenait pour nécessaire que la revision de l'article 74 de la constitution fédérale fût suivie de la modification de.certaines lois fédérales, mais il n'indiquait pas comment cela devait se faire.

On peut fort bien soutenir que les dispositions entrant en ligne de compte se réfèrent directement ou indirectement à l'article 74 et que, par conséquent, leur portée se détermine d'après le contenu de cet article ; même sans modification, ces dispositions seront toujours en harmonie avec l'article 74. Il est possible de se fonder, à l'appui de cette thèse, sur la genèse de la loi fédérale du 23 mars 1962 concernant le mode de procéder pour les initiatives populaires relatives à la revision de la constitution (loi sur les initiatives populaires, RO 1962 827). Il ressort du titre de cette loi et des titres de ses différents chapitres qu'elle n'entend pas régler le droit de présenter une initiative populaire et que, par là, elle est conforme à l'article 122 de la constitution fédérale auquel elle se réfère dans son préambule (compétence de déterminer les «formalités» à observer pour les demandes d'initative populaire). Le message dit à ce propos ce qui suit (FF I960 I 1491): «Notre constitution prescrit que sa revision peut être demandée en tout temps par voie d'initiative populaire, une telle demande devant être appuyée.par cinquante mille citoyens suisses ayant le droit de vote. H est superflu de le répéter dans la loi; il suffit de renvoyer aux articles correspondants de la constitution. C'est pourquoi l'article premier et une partie de l'article 2 de la loi actuelle ne figurent plus dans le projet. »

A l'article premier, nous avions proposé le texte suivant, adopté intégralement par les conseils législatifs : «Les initiatives populaires demandant la revision totale ou partielle de la constitution (art. 118, 120 et 121 est.) doivent être adressées par écrit au Conseil fédéral à l'intention de l'Assemblée fédérale; leur objet doit être déterminé exactement.»

L'article 2 de la loi fédérale du 27 janvier 1892 (RS I 158), aujourd'hui abrogée, disait ce qui suit: «Pour faire usage de ce droit, il faut adresser au Conseil fédéral, qui la transmet à l'Assemblée fédérale, une demande écrite, dont l'objet doit être exactement déterminé, et signée au moins par 50 000 citoyens suisses ayant le droit de vote.» Lorsqu'il déclare qu'il est superflu de répéter des dispositions constitutionnelles en vigueur, le message cité plus haut se réfère plus particulièrement à l'article 121, 2e alinéa, de la constitution fédérale:

103 «L'initiative populaire consiste en une demande présentée par cinquante mille citoyens suisses ayant le droit de vote et réclamant l'adoption d'un nouvel article constitutionnel ou l'abrogation ou la modification d'articles déterminés de la constitution en vigueur. »

La loi sur les initiatives populaires renvoie dès lors à l'article 121 de la constitution fédérale en ce qui concerne les expressions «citoyen».«signataire» et «cosignataire» et, partant, à l'article 74 pour déterminer qui a le droit de présenter une demande d'initative. Au cas où les droits civiques seraient reconnus à la femme à la suite d'une revision de l'article 74, il va de soi que ces expressions devraient être interprétées d'une manière adéquate. Si l'on tient à mentionner expressément la «citoyenne», etc., pareilles expressions pourront être introduites ultérieurement dans la loi, à l'occasion d'urie autre modification.

Il paraît superflu, pour les mêmes raisons, de modifier les passages de la loi du 23 mars 1962 (RO 1962 811) sur les rapports entre les conseils, où il est question des citoyens ayant le droit de vote.

L'article 2 de la loi fédérale du 19 juillet 1872 (RS 1 147) concernant les élections et votations fédérales renvoie également à l'article 63 de la constitution fédérale (aujourd'hui l'art. 74 est.). Le législateur de 1872 désignait déjà cet article dont le libellé correspond à celui de l'article 63 de la constitution de 1848 comme étant le droit applicable à l'élection du Conseil national (FF 1872 II 811). Le constituant de 1874 a précisé le texte de l'article 63 en disant que tout Suisse a le «droit de prendre part aux élections et votations». L'article 4 de la loi fédérale du 15 juin 1934 (RS 3 295) sur la procédure pénale déclare expressément que l'article 74 est applicable à l'élection des jurés : est éligible comme juré tout citoyen suisse ayant le droit de voter aux termes de l'article 74 de la constitution. Si l'article 74 est applicable et qu'il vise également les femmes, il n'est pas nécessaire de modifier les dispositions qui se réfèrent à cet article pour que les femmes puissent en bénéficier. Il en va de même des dispositions légales qui contiennent des expressions telles que «citoyen suisse», «ayant le droit de vote», etc.

Il n'y a pas lieu non plus, pour les mêmes raisons, de modifier la loi fédérale du 25 juin 1965 (RO 1966 875) instituant des facilités en matière de votations et d'élections fédérales, ni celle du 17 juin 1874 (RS 1162) concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux ou celle du 14 février 1919 (RS 1 168) concernant
l'élection du Conseil national. La loi du 8 mars 1963 (RO 1963 415) répartissant entre les cantons les députés au Conseil national ne mentionne pas le droit de vote; elle reste donc sans changement.

VU. Classement des interventions parlementaires Notre projet donne suite à la motion Schmitt (Genève) du 30 novembre 1965 et à la motion Tanner, transformée en postulat, du 4 juin 1968. Nous vous proposons par conséquent de classer ces deux interventions.

104

Nous vous faisons la même proposition en ce qui concerne l'initiative du canton de Neuchâtel du 22 février 1966, en y incluant l'introduction par la Confédération du suffrage féminin en matière cantonale et communale dans la mesure où elle est comprise dans cette initiative.

Pour les motifs que nous vous avons exposés, nous vous recommandons d'adopter l'arrêté fédéral dont nous vous remettons le projet ci-joint et de le soumettre au vote du peuple et des cantons.

Nous vous prions, Monsieur le Président et Messieurs, de croire aux assurances de notre haute considération.

Berne, le 23 décembre 1969 Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, L. von Moos 18994

Le chancelier de la Confédération, Huber

105

(Projet)

Arrêté fédéral

sur l'institution du suffrage féminin en matière fédérale L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 121 et suivants de la constitution fédérale; vu le message du Conseil fédéral du 23 décembre 1969 1), arrête:

I.

La constitution fédérale est modifiée comme il suit :

Art, 74 Les Suisses et les Suissesses ont les mêmes droits et les mêmes devoirs en matière d'élections et de votations fédérales.

a Ont le droit de prendre part à ces élections et votations tous les Suisses et toutes les Suissesses âgés de vingt ans révolus qui n'ont pas été privés de leurs droits civiques en vertu du droit fédéral ou de la législation du canton de domicile.

3 La Confédération peut édicter des dispositions législatives uniformes sur le droit de prendre part aux élections et votations en matière fédérale.

4 En matière cantonale ou communale, le droit cantonal est applicable.

1

II.

1 2

Le présent arrêté sera soumis au vote du peuple et des cantons.

Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution.

« FF 1970 I 61

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur l'institution du suffrage féminin en matière fédérale (Du 23 décembre 1969)

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