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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet d'arrêté instituant un dépôt à l'exportation (Du 4 février 1970)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec le présent message, un projet d'arrêté fédéral instituant un dépôt à l'exportation. La mesure que nous vous proposons - en liaison avec toutes celles que nous avons envisagées pour tempérer l'expansion conjoncturelle - devrait permettre de freiner temporairement nos exportations.

I. La situation conjoncturelle

Au cours de la session de décembre 1969, dans notre réponse à diverses interpellations, nous avons largement exposé la situation conjoncturelle et son évolution la plus récente. Nous en rappellerons ici les points essentiels. La situation ne s'étant guère modifiée depuis lors, l'analyse que nous en avons faite à la fin de décembre reste valable.

Dès le second trimestre de l'année dernière, mais surtout à partir du troisième, les baromètres économiques attestaient tous l'accélération d'une expansion dont les premiers signes étaient déjà apparus en 1968. Cette évolution avait été déclenchée avant tout par la demande étrangère, puisque l'accroissement en valeur nominale de nos exportations en 1969 est évaluée à plus de 15 pour cent.

Bien que l'essor de la demande intérieure n'ait atteint que la moitié environ de ce taux, il a aussi largement contribué - ea particulier depuis le troisième trimestre - à stimuler l'activité économique; la consommation privée a cependant augmenté un peu moins fortement (+7,0%) que les investissements (+10,8%).

Quant aux excédents de dépenses des pouvoirs publics, en particulier des cantons et des communes - dont les finances représentent comme on sait à peu près les deux tiers de celles de tout le secteur public ils ont aussi agi dans le même sens. En revanche, il semble bien que le budget financier de la Confédération se soldera beaucoup plus favorablement qu'on ne l'avait prévu.

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Depuis le troisième trimestre, le volume des importations reflète également l'accélération générale de l'activité économique. En effet, pour la première fois depuis quatre ans, nos achats à l'étranger ont accru le déficit traditionnel de notre balance commerciale, qui a atteint en 1969 environ 2,7 milliards de francs - nos importations ont ainsi été couvertes à raison de 88 pour cent par nos exportations. L'appareil de production ne pouvant fournir davantage, il a fallu, pour satisfaire la demande, recourir aux stocks de matières premières et de produits manufacturés. Aussi l'expansion intérieure est-elle en passe d'atteindre rapidement les limites au-delà desquelles l'offre ne peut être augmentée que dans la mesure où la productivité s'améliore.

Les premiers symptômes de tension sont apparus déjà au cours du troisième trimestre. Le volume des commandes en portefeuille a encore augmenté, les prix de gros ont continué à monter et les coûts de construction ont connu des hausses parfois en flèche. Cette évolution ne s'est cependant pas encore répercutée sur les prix des biens de consommation. Cela n'a d'ailleurs rien d'étonnant et confirme un fait d'expérience : l'indice des prix à la consommation réagit avec beaucoup de retard aux variations du climat conjoncturel.

A la différence de celle du début des années soixante, la situation présente ne permet pas de faire encore davantage appel à la main-d'oeuvre étrangère.

Et, à mesure que la demande s'accroît, on voit s'accentuer le déséquilibre sur le marché du travail.

Avec la Commission de recherches économiques, nous conclurons que si un énorme potentiel d'inflation s'est accumulé pendant l'année écoulée, il ne s'est pas encore reflété sur l'indice des prix à la consommation, qui est le baromètre économique auquel on recourt le plus souvent pour détecter les mouvements de la conjoncture.

Nous avons déjà relevé que les facteurs à l'origine de l'essor actuel provenaient surtout de l'étranger. L'évolution économique notée chez nos principaux partenaires explique le net accroissement de nos exportations de biens et de services qui ont encore été stimulées par la réévaluation du mark allemand intervenue en automne 1969. Ces dernières années, les Etats-Unis, puis en automne 1969, divers pays industrialisés d'Europe occidentale, ont pris des mesures
restrictives qui, les capacités de production ne pouvant plus être développées, seront sans doute de nature à tempérer progressivement l'expansion. L'OCDE prévoit d'ailleurs, en 1970, .une certaine diminution des taux d'accroissement du produit national brut réel et du commerce extérieur, mais aussi des hausses de prix moins marquées; on sait que celles-ci furent parfois très prononcées l'an dernier.

Si l'on veut pouvoir apprécier l'évolution de la conjoncture suisse dans l'immédiat, il importe cependant de noter que le fléchissement de la demande étrangère prédit par l'OCDE sera à tout le moins compensé par le renforcement de l'expansion à l'intérieur, si bien que la demande globale n'augmentera pas moins rapidement qu'en 1969.

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II est donc probable que les capacités de production seront entièrement utilisées au cours du premier semestre du présent exercice. Mais l'élévation de la productivité ne sera vraisemblablement pas assez marquée pour permettre à l'offre de s'accroître au même rythme que la demande dont l'excès pourrait déclencher des hausses de prix dans la plupart des secteurs.

Ce sont sans conteste les chiffres relatifs à l'évolution du crédit qui reflètent le mieux le dynamisme de l'expansion, tant actuelle que future, car ils traduisent les perspectives des entreprises. En 1969, le volume du crédit s'est accru à une cadence accélérée et ce phénomène a même atteint une ampleur inaccoutumée dans les grandes banques (+22,1 % pendant le 3e trimestre), à tel point que les taux de progression notés pendant la phase de surexpansion du début des années soixante ont même été dépassés. Parallèlement, les taux d'intérêt ont commencé à monter plus fortement, encore qu'ils demeurent inférieurs à ceux de l'étranger.

Tous ces signes annoncent ainsi l'apparition prochaine de mouvements · inflationnistes. Si les premières impulsions sont venues sans doute de l'étranger, l'essor constant de la demande indigène ne permet plus de ne voir dans cette évolution qu'un phénomène d'«inflation importée». C'est la rapide augmentation de la demande intérieure qui sera sans doute, en 1970, le plus virulent des facteurs d'inflation, car cette demande ne pourra être que partiellement satisfaite du fait que notre potentiel de production a d'ores et déjà atteint un plafond, dans certains secteurs tout au moins.

Nous n'entendons certes pas dramatiser ces perspectives a court terme.

Néanmoins, si l'on songe aux conséquences de toute inflation, il faut bien convenir que l'on ne saurait laisser la bride sur le cou à cette évolution. L'inflation est en effet génératrice d'injustices sociales, puisqu'elle lèse toutes les personnes à revenu fixe qui ne bénéficient pas de la compensation du renchérissement.

Parallèlement, de sérieuses considérations d'ordre économique engagent à ne rien négliger pour, sauvegarder la stabilité de la monnaie. L'inflation renforce la propension à acquérir des valeurs réelles et déclenche par là même une demande excessive d'actions, d'immeubles, de terrains, etc., ce qui est préjudiciable à l'épargne classique. Les
titres à revenu fixe perdent dès lors de leur attrait, ce qui n'est pas sans danger, puisque les pouvoirs publics, notamment, doivent recourir à ces papiers-valeurs pour financer leurs besoins.

On pourrait avancer encore d'autres raisons d'ordre économique pour souligner la nécessité de combattre l'inflation. Bornons-nous ici à relever qu'elle est préjudiciable au souci d'efficacité économique, qu'elle favorise l'accroissement pur et simple de la production sans amélioration de la productivité, provoque une augmentation excessive de la demande de main-d'oeuvre et engage les entreprises à accroître démesurément leurs capacités.

Comme l'a déclaré le chef du Département fédéral des finances et des douanes à la session de décembre 1969, nous avons examiné avec le plus grand soin la situation conjoncturelle et son évolution probable. Nous nous sommes employés à déceler les possibilités qui s'offrent d'en influencer le cours. Nous

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avons notamment étudié l'éventualité d'une modification de la parité du franc qui, dans l'état actuel des choses, ne permettrait toutefois de freiner que modérément la demande étrangère car la marge de bénéfices de notre industrie d'exportation ne s'en trouverait guère amoindrie. Après avoir pesé les avantages et les inconvénients d'une réévaluation, nous avons estimé que ces derniers l'emportaient.

On notera tout d'abord que la Suisse n'a plus modifié Ja parité de sa monnaie depuis 1936. Aussi le franc est-il réputé stable et nous n'entendons pas ébranler sans raisons impérieuses la confiance dont bénéficie notre monnaie.

Cette stabilité s'est d'ailleurs confirmée au cours des événements monétaires parfois tumultueux de novembre dernier. Au demeurant, une réévaluation ne s'impose pas davantage dans l'optique de l'équilibre monétaire international.

Ces dernières années, l'excédent de la balance suisse des revenus a toujours pu être à peu près compensé par les exportations de capitaux, de sorte que notre balance des paiements n'exerce aucun effet perturbateur sur le système monétaire international. Sous l'angle également de la politique commerciale, une réévaluation, du fait de son caractère irréversible, serait actuellement contreindiquée en raison des incertitudes de la situation internationale, ainsi que nous l'expliquerons plus en détail ci-dessous (v. eh. UI, 2).

Par ailleurs, outre que cette mesure serait impuissante à écarter définitivement le danger d'inflation, on ne saurait éviter que certaines branches de l'industrie d'exportation ne soient plus fortement touchées que d'autres. Le tourisme, dont l'essor n'est plus très marqué, subirait fortement le contrecoup d'une réévaluation. L'intensification de la concurrence qu'il serait amené à affronter rendrait encore plus aigus les problèmes de structure dans les régions où le tourisme est une source essentielle de revenu, comme aussi dans celles où il est le principal agent du développement économique.

II. Mesures propres à tempérer la conjoncture La situation que nous venons d'exposer appelle certaines mesures de freinage. D'emblée, nous avons admis qu'elles devaient toucher tout ensemble les trois stimulants de la demande, à savoir le commerce extérieur, les investissements et la consommation, et qu'au surplus elles devaient être ajustées
à la vigueur des impulsions émanant de ces divers facteurs.

Les travaux préparatoires en ont été confiés à une commission interdépartementale, présidée par le chef du Département des finances et des douanes, et où siégeaient également des représentants de la Banque nationale et de l'Université.

En plus des mesures prises par la Banque nationale et qui ont déjà été mises en route, le programme anti-surchauffe qui a été envisagé comprend des mesures qui sont de notre compétence, alors que la décision de percevoir un dépôt à l'exportation appartient au Parlement. Nous nous proposons maintenant d'examiner ces différentes mesures de plus près.

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1. Mesures relevant de la Banque nationale L'échauffement progressif de notre économie en 1969 a notamment eu pour effet d'accélérer l'augmentation du volume du crédit. Le taux d'accroissement des capitaux avancés par les banques à l'économie privée n'a cessé de s'élever. Les taux enregistrés à la fin des divers mois se sont inscrits approximativement au double des chiffres correspondants de l'année précédente. L'enflement a été particulièrement accusé pour les crédits de construction (taux annuel d'accroissement de 27% à la fin du premier trimestre de 1969, de 43 % au terme du second trimestre et de 58 % à l'issue du troisième). L'expansion du crédit à l'intérieur, en valeur absolue, a été très supérieure à celle qui a été notée pendant le boom du début des années soixante. Quant aux pourcentages qui expriment cette progression, ils n'ont été que de très peu inférieurs aux taux de cette dernière période.

Les taux d'intérêts extraordinairement élevés servis sur les marchés monétaires etfinanciersde l'étranger - et tout particulièrement sur l'Euromarché ont déclenché de fortes exportations de capitaux, si bien que notre marché monétaire a été plutôt tendu, alors même que les banques enregistraient de gros afflux de capitaux en provenance de l'étranger. Cet état de resserrement n'a cependant pas incité les banques à se montrer plus réservées dans l'octroi des crédits, cai", compte tenu de leurs avoirs sur l'Euromarché, leurs liquidités sont demeurées considérables. Elles ont très probablement admis qu'elles seraient en tout temps en mesure de rapatrier des fonds de l'étranger pour couvrir leurs besoins de trésorerie.

L'expansion constante du crédit a amené la Banque nationale à prendre des mesures propres à la canaliser autant que possible dans des limites économiquement raisonnables. En effet, un enflement excessif des crédits disponibles ne crée pas seulement les conditions monétaires et financières d'une poussée de fièvre conjoncturelle, il implique aussi le risque de difficultés ultérieures de consolidation, ce qui aurait des effets fâcheux sur l'équilibre économique. Notre institut d'émission n'a pas jugé nécessaire de recourir à des mesures destinées à éponger le marché intérieur, par le biais, par exemple, des réserves minimales.

L'attrait exercé par l'Euromarché a soustrait dans le pays
plus de monnaie légale que n'auraient pu le faire des mesures monétaires, sans pour autant réussir - pour les raisons que nous avons déjà évoquées - à fremer l'expansion du crédit à l'intérieur. Il fallait donc limiter directement le crédit.

La Commission du Conseil national chargée d'examiner le projet de loi visant à renforcer les moyens d'action de la Banque nationale en matière monétaire a suspendu ses délibérations en janvier 1969 pour donner aux banques la possibilité de réglementer contractuellement avec la banque d'émission le domaine du crédit. C'est ainsi que l'Association suisse des banquiers et la Banque nationale ont conclu, au cours de l'été, un accord-cadre qui reprenait les dispositions du projet de loi relatives aux deux principaux moyens d'action, à savoir la constitution de réserves minimales et la limitation de l'accroissement du crédit. Se fondant sur cette convention, qui est entrée en vigueur le 1e1 sep-

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tembre 1969 pour une période de cinq ans, les partenaires sont convenus de limiter les taux d'expansion du crédit. Face aux signes qui annonçaient très nettement un échauffement de la conjoncture et un nouvel essor du crédit, la Banque nationale avait déjà envisagé au printemps, c'est-à-dire avant même que la convention n'entrât en vigueur, d'édicter des directives sur la limitation de l'accroissement du crédit aux fins de freiner immédiatement l'emballement qui s'annonçait dans l'économie. Mais l'Association suisse des banquiers ayant été longtemps absorbée par les efforts qu'elle accomplissait pour faire aboutir l'accord-cadre, les pourparlers relatifs à une limitation des taux d'accroissement du crédit n'ont pu s'ouvrir qu'au cours de la seconde moitié d'août.

Par l'accord qui a été conclu, les banques qui l'ont signé ont pris l'engagement de ne pas augmenter, dans une proportion de plus de 9 à 11,5 pour cent, le volume des crédits intérieurs ouverts au 31 juillet 1969. Les établissements qui, au cours de chacune des deux années antérieures se terminant le 30 juin, avaient enregistré des taux d'expansion supérieurs à 9 pour cent ont en effet été habilités à majorer ce taux plancher de 2,5 pour cent au plus, ce qui porte à 11,5 pour cent le taux maximal autorisé. Le déséquilibre conjoncturel persistant, encore aggravé par la réévaluation du mark allemand et le rapatriement des capitaux libérés par la liquidation d'avoirs libellés dans cette monnaie, a amené la Banque nationale à proposer aux banques - à l'expiration de la période de six mois à l'issue de laquelle une révision de l'accord est prévue - un abaissement plus marqué des taux d'expansion du crédit. Il a été convenu par la suite de réduire ces taux de 15 pour cent à compter du 1er février 1970, En conséquence, les taux d'accroissement suivants sont applicables: - du 1er août 1969 au 31 janvier 1970, la moitié de l'accroissement annuel primitivement convenu, étant entendu que tout écart vers le haut ou vers le bas sera compté; - du 1er février 1970 au 31 janvier 1971, 85 pour cent de l'accroissement annuel primitivement convenu; - du 1er février 1971 au 3] juillet 1971, 85 pour cent de la moitié de l'accroissement annuel primitivement convenu.

Devant l'afflux considérable de capitaux en provenance de l'étranger qui viennent alimenter
nos banques et réchauffement de la conjoncture, la Banque nationale s'est montrée libérale en ce qui concerne l'émission d'emprunts étrangers en Suisse et l'octroi à l'étranger de crédits bancaires soumis à sa ratification.

Pour éviter de stimuler encore davantage la flambée des taux d'intérêts déclenchée par l'Euromarché, elle s'est d'autre part abstenue de relever prématurément le taux d'escompte et le taux des avances sur nantissement. L'expérience enseigne en effet qu'il est plus facile d'apaiser la surexpansion conjoncturelle en freinant l'essor du crédit qu'en relevant les taux d'intérêts. Ce n'est qu'au moment où les taux en vigueur sur le marché se sont inscrits sensiblement audessus des taux officiels et qu'il est apparu que les crédits ouverts par la banque d'émission étaient affectés à des opérations d'arbitrage que la Banque nationale s'est résolue, à la mi-septembre 1969, à porter le taux d'escompte à 3% pour Feuille fédérale, 122« année. Vol. I.

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194 cent (+% %) et le taux lombard à 43/i pour cent (+1 %). Aux fins d'autre part de prévenir un recours excessif au crédit de la banque d'émission, on a également rendu plus difficiles les conditions que doit remplir l'emprunteur et les délais de remboursement.

Enfin, parallèlement au renforcement des dispositions régissant la vente à tempérament, la Banque nationale est convenue avec les établissements du système bancaire d'inclure dans l'accord sur l'encadrement des crédits l'ensemble des opérations du petit crédit. Ainsi, dès le 1er janvier 1970, tous les crédits ouverts aux banques qui pratiquent le petit crédit, mais n'ont pas signé l'accord, sont imputés sur le taux d'accroissement de la banque distributrice.

2. Mesures relevant du Conseil fédéral Lorsque, au début de l'été 1969, se dessina le danger de surchauffe, nous avons immédiatement donné des directives aux départements afin qu'ils prennent leurs dispositions en vue d'éviter en 1970 l'impasse budgétaire prévue par le plan financier pluriannuel. Par ailleurs, le chef du Département des finances et des douanes adressait une circulaire aux directeurs cantonaux des finances pour leur recommander une politique financière appropriée à la conjoncture. Nous avons pu, quant à nous, présenter pour l'année en cours un budget financier pour ainsi dire équilibré et un budget général se soldant même par un boni appréciable. Pour faire face à la pression qui s'exerce toujours davantage sur notre économie et que la réévaluation du mark allemand est venue renforcer, nous avons pris plusieurs autres mesures de politique financière. Bien qu'elles entrent dans nos attributions, nous jugeons utile d'en faire brièvement état ici, afin que vous ayez une vue d'ensemble des dispositions qui ont été prises.

a. Mesures de politique financière S'il est indispensable de prendre des mesures d'ordre monétaire, il importe aussi de veiller à ce que la gestion des finances publiques soit appropriée à la conjoncture. Du fait de la rigidité de notre système fiscal, ce n'est que par le biais des dépenses qu'il est possible d'agir sur les finances de la Confédération.

C'est pourquoi nous ne nous sommes pas bornés à intervenir lors de la préparation du budget, mais avons pris les mesures complémentaires ci-après, dans les limites de l'exécution budgétaire, en répartissant
équitablement les restrictions entre les trois secteurs de la demande.

Tout d'abord, pour freiner la demande dans le secteur de la construction, nous avons décidé que les projets qui n'avaient pas encore été mis en chantier seraient reportés à plus tard. Le projets seront par la suite classés par ordre de priorité, compte tenu du développement économique de la région (taux d'occupation de la main-d'oeuvre en régions de montagne, etc.). Il va dès lors de soi que nous devrons faire preuve de la plus grande retenue dans nos demandes de crédits d'ouvrages.

Il n'y a pas lieu de traiter les projets de construction partiellement financés par la Confédération (entreprises exécutées en communauté, constructions sub-

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vèntionnées) autrement que les constructions fédérales proprement dites. Eu égard à .l'incidence de ces travaux sur la conjoncture, on ne saurait retenir uniquement le taux de la participation fédérale; il faut au contraire envisager le coût total de l'ouvrage, qui est d'ailleurs le plus souvent financé aussi par les cantons et les communes.

On procédera de même pour l'acquisition de matériel. Ce secteur présente toutefois une différence essentielle par rapport à la construction, puisqu'il est possible d'accroître les commandes à l'étranger.

Nous avons fait de nouveaux efforts pour contenir l'accroissement de l'effectif du personnel de l'administration fédérale dans des limites encore plus étroites que celles que nous avions prévues dans le budget. Alors que les départements nous avaient demandé une augmentation d'effectif de 1822 agents, nous n'avons retenu, au budget, que 1055 postes. Aussi ne faudrait-il pas que les nouvelles restrictions que nous envisageons aillent jusqu'à entraver le recrutement normal du personnel. Pour tenir compte de ces exigences contradictoires, nous n'avons pour l'instant autorisé les départements à recruter qu'un effectif correspondant à la moitié de l'accroissement du personnel prévu au budget.

Pour ce qui est de la seconde moitié, nous en déciderons ultérieurement au vu de l'évolution économique. · En matière de placements, notre politique consiste à agir sur la circulation monétaire en modifiant l'affectation des liquidités. En retirant de la sorte des liquidités du circuit monétaire, on opère une ponction sur la demande intérieure.

C'est ainsi que le bénéfice de frappe, qui a marqué une forte hausse passagère à la suite du remplacement de l'argent par le cupro-nickel dans la fabrication des monnaies, sera gelé.

En commun accord avec la direction générale de l'Entreprise des PTT et celle de la Banque nationale, nous nous employons en outre à assurer autant que possible aux investissements à long terme des PTT un mode de financement approprié à la conjoncture. Il est vrai que toutes ces mesures entraîneront pour la Confédération de substantielles pertes ou dépenses d'intérêts.

Les présidents des gouvernements cantonaux, accompagnés des directeurs cantonaux des finances et de l'économie publique, seront prochainement invités à participer à une conférence où ces
problèmes seront abordés. Nous nous rendons parfaitement compte que les cantons sont autonomes en matière de politique financière et qu'ils ne sont pas tenus de suivre les directives de la.

Confédération, II est d'autant plus nécessaire, lors des pourparlers que nous aurons avec les cantons et les communes, d'examiner les mesures que toutes les collectivités publiques se doivent de prendre si elles entendent freiner la surexpansion économique.

b. Avancement des échéances des derniers abaissements tarifaires décidés dans la négociation Kennedy

La Suisse s'est engagée, dans la négociation Kennedy, à mettre en vigueur, le 1er janvier de chaque année, dès 1968, un cinquième des abaissements tari-

196 faires consentis, le taux complet des réductions devant être atteint le 1er janvier 1972. Or nous avons décidé, dans le cadre des mesures destinées à lutter contre la surchauffe économique, de mettre en vigueur en une seule fois, à la date du 1er mars 1970, la totalité des abaissements restants (3e, 4e et 5e tranches), ce large démantèlement tarifaire devant freiner la tendance à la hausse du niveau général des prix. Nous avons, à cet effet, ajourné la troisième tranche qui devait échoir le 1er janvier de cette année en nous engageant envers nos partenaires du GATT à mettre en vigueur, jusqu'à la fin du premier trimestre de 1970, deux cinquièmes au moins des abaissements tarifaires convenus. Ces réductions très étendues de notre tarif d'usage des douanes s'imposaient d'autant plus qu'après un examen approfondi, il a fallu renoncer provisoirement à opérer des abaissements sélectifs de droits grevant certaines marchandises bien déterminées (v. ci-après sous lettre c).

Une réduction en bloc des charges douanières a de surcroît l'avantage d'offrir la meilleure garantie que l'incidence des effets modérateurs sur les coûts de production et les prix profitera également au consommateur final. Aussi ne manquerons-nous pas, le moment venu, d'adresser un pressant appel aux importateurs et aux grossistes en les invitant à ne rien négliger pour que les réductions tarifaires se répercutent jusqu'à l'échelon du consommateur.

On est aussi en droit d'espérer que la mise en vigueur simultanée de trois tranches du démantèlement tarifaire décidée dans le cadre de la négociation Kennedy réactivera dans Une certaine mesure la concurrence étrangère et que les produits étrangers offerts sur le marché suisse seront plus abondants et plus variés. Pour quelques catégories de marchandises, tes articles importés pourraient se substituer à ceux qui sont produits en Suisse. L'avancement des échéances de ces abaissements tarifaires et la réduction des discriminations douanières qui en résultera pourraient inciter notamment les exportateurs des pays qui n'appartiennent pas à l'AELE - particulièrement les pays membres de la CEE, les Etats-Unis et le Japon - à se tourner davantage vers le marché suisse, qui offre des débouchés intéressants.

Cette mise en vigueur anticipée, qui diminuera les charges douanières à l'importation
d'environ 2600 positions tarifaires, (soit env. 70% de l'ensemble des positions du tarif douanier), entraînera pour 1970 une moins-value estimée à une centaine de millions de francs.

c. Abaissements supplémentaires des droits perçus sur certaines marchandises Nous avons également examiné si d'autres abaissements sélectifs des droits perçus sur certaines marchandises présentant un stade d'élaboration proche de la consommation pouvaient avoir un effet modérateur sur la hausse du . niveau général des prix. Les calculs qui ont été effectués pour des positions tarifaires typiques ont montré que des abaissements sélectifs n'exerceraient qu'une influence assez minime sur les prix à la consommation. Une réduction massive des droits de douane ou encore leur suspension complète exercerait évidemment une action beaucoup plus efficace sur les prix. Mais elle pourrait dépasser l'objectif visé et compromettre l'existence de certaines branches de notre èco-

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nomie ou du moins d'entreprises marginales, ce qui reviendrait à modifier, par le biais des droits de douane à l'importation, la politique suivie jusqu'à ce jour en ce qui concerne les structures de notre économie. Comme pour chaque intervention de caractère spécifique, ces abaissements sélectifs de droits poseraient également des problèmes compliqués et délicats quant aux critères à adopter.

Au cours de la négociation Kennedy, il a été tenu dûment compte de ces difficultés dans l'établissement de la liste des concessions suisses. Au surplus, les concessions faites par notre économie ont trouvé une compensation appréciable dans les prestations fournies par nos partenaires commerciaux. En procédant à des abaissements tarifaires autonomes, non seulement on n'obtiendrait pas de compensation, mais il faudrait encore veiller à maintenir, dans le tarif douanier, une certaine relation des charges, tant à l'intérieur des différents groupes de marchandises qu'entre les divers stades de la production. Les mesures douanières doivent toujours tenir compte de la structure d'équilibre réalisée dans le tarif d'usage.

D'ailleurs, du point de Vue de la politique commerciale, les réductions tarifaires autonomes seraient tout à fait inopportunes - tout au moins lorsqu'elles ne sont pas limitées dans le temps - attendu que, lors des négociations internationales qui vont s'ouvrir sous peu, la Suisse devrait pouvoir utiliser au mieux la marge de manoeuvre - de toute façon déjà assez faible - dont elle dispose encore dans le domaine douanier, pour obtenir des contre-prestations.

Il faut en outre s'attendre que, dans un très proche avenir, un accord international verra le jour sur l'octroi de préférences douanières aux pays en voie de développement, ce qui ne manquera pas d'entraîner une nouvelle réduction de nos droits à l'importation sur les livraisons provenant du Tiers-Monde.

Nous vous soumettrons, le moment venu, un message à ce sujet.

Pour toutes ces raisons et après avoir examiné le problème sous ses divers angles, nous avons renoncé, pour l'instant, à stimuler les importations par le biais d'abaissements tarifaires en faveur de marchandises présentant un stade d'élaboration proche de la consommation. Pour le cas toutefois où la réévaluation du mark allemand entraînerait un net renchérissement des importations
en dépit de l'avancement du démantèlement tarifaire décidé dans le cadre de la négociation Kennedy, nous nous réservons de reconsidérer la nécessité, du point de vue conjoncturel, de procéder à des abattements temporaires sur des positions bien déterminées du tarif douanier.

d. Garantie contre les risques à l'exportation Partant de l'idée que l'emballement de notre économie est dû pour une large part à l'essor de la demande en provenance de l'étranger, nous avons estimé qu'il était nécessaire d'étendre nos mesures anti-surchauffe également à la garantie contre les risques à l'exportation. Mais le fonds de garantie n'ayant été mis à contribution, bon an, mal an, que pour 10 pour cent environ de l'ensemble de nos exportations, il ne faut évidemment pas surestimer l'efficacité de cette mesure.

198 En automne 1962 déjà, dans le cadre de la lutte contre la surexpansion, nous avions décidé une réduction de 5 à 10 pour cent des taux de garantie. En étaient cependant exclues toutes les livraisons à des pays en voie de développement. Cet abattement est toujours en vigueur.

Les nouvelles mesures prévoient une réduction linéaire des taux de garantie de 5 pour cent, applicable tant aux livraisons à destination des pays industrialisés qu'aux exportations vers le Tiers-Monde. Ainsi, les taux seront désormais abaissés de 10 à 15 pour cent pour les exportations vers les pays industrialisés et de 5 pour cent pour les pays en voie de développement. De la sorte, les taux de garantie s'élèveront en moyenne à 65 pour cent dans le premier cas et à 70 pour cent dans le second. De ce fait, l'écart séparant la Suisse des autres pays industrialisés dont les taux de garantie s'élèvent d'une façon générale à 85 pour cent - et dans certains cas même à 95 pour cent - s'est encore accentué.

Si l'on considère qu'environ 70 pour cent de toutes les garanties concernent des pays en voie de développement, on est en droit d'admettre que les nouvelles mesures ne seront pas sans exercer une certaine influence .dans ce domaine.

Elles rendront en particulier le financement plus difficile car, en règle générale, les banques ne s'engagent que jusqu'à concurrence du montant garanti. Une réduction des taux se justifie d'ailleurs aussi sous l'angle de la politique de développement, étant donné l'endettement des pays du Tiers-Monde; de l'avis en effet des organismes internationaux de financement, on devrait tout faire pour que ces pays ne s'endettent pas davantage encore en sollicitant des crédits de fournisseurs à moyen terme. En revanche, les garanties accordées pour des livraisons effectuées en vertu d'accords internationaux prévoyant des crédits de transfert, des crédits mixtes et des crédits de programme doivent être exclues de cette réduction générale.

.

Outre cet abattement linéaire des taux de garantie, des instructions seront données à la commission pour la garantie contre les risques à l'exportation afin qu'elle suive une politique restrictive dans l'examen des demandes de garantie, pour ce qui a trait en particulier aux conditions de paiement, à moins que rie s'y opposent des impératifs relevant de la politique
de développement.

e. Freinage des ventes à tempérament et limitation des opérations de petit crédit Dans le cadre des mesures anti-surchauffe de 1964, nous avions fixé, par voie d'ordonnance, le taux minimum du versement initial à 30 pour cent du prix d'achat au comptant et ramené la durée maximale du contrat à deux ans.

Une exception avait été prévue pour les meubles et les automobiles. Pour les meubles, qui font partie des biens de première nécessité, nous nous étions montrés plus larges en fixant un taux de 20 pour cent et une durée de trois ans.

En revanche, pour les automobiles, qu'il faut compter parmi les biens de luxe ou de demi-luxe, nous avions aggravé les dispositions en portant le versement initial à 35 pour cent et en réduisant la durée maximale à un an et demi. Ces taux sont toujours en vigueur.

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Seul le freinage des ventes à tempérament permet de modérer la consommation dans l'immédiat. C'est pourquoi nous avons décidé de porter le versement initial à 35 pour cent du prix d'achat au comptant et de ramener la durée maximale à un an et demi. Les marges prévues par la loi ont été ainsi pleinement utilisées. Une exception semble toutefois devoir être consentie pour les meubles qui comptent au nombre des biens de première nécessité. Aussi le versement initial a-t-il été relevé en l'occurrence de 5 pour cent, ee qui le porte à 25 pour cent, et la durée maximale a-t-elle été écourtée d'une demi-année, ce qui la ramène à 2 ans et demi. Nous espérons de la sorte agir aussi sur la consommation, encore que cette mesure ne puisse avoir qu'un effet marginal.

Nous avons vu que les opérations de petit crédit tombaient sous le coup de l'encadrement des crédits. Ces opérations ne risquent ainsi pas de prendre le relais des ventes à tempérament.

/. Politique de la main-d'oeuvre étrangère Pour être complets, rappelons que, dans notre rapport à l'Assemblée fédérale du 22 septembre 1969 sur la seconde initiative populaire contre l'emprise étrangère, nous avions déclaré que, pour lutter contre un excès de population étrangère, il fallait en premier lieu stabiliser le nombre des travailleurs étrangers au bénéfice d'un permis de séjour annuel ou d'un permis d'établissement. Une consultation est actuellement en cours sur la politique à suivre dans ce domaine, politique que nous définirons plus tard. A notre avis, la stabilisation de l'effectif des travailleurs étrangers est de nature à freiner les facteurs d'échauffement de la conjoncture en contenant dans certaines limites la capacité d'expansion des entreprises.

III. Institution d'un dépôt à l'exportation

1. La demande étrangère stimule l'expansion Les mesures envisagées pour tempérer l'expansion et rétablir les conditions d'une croissance équilibrée visent à contenir les taux de progression de la demande globale dans des limites propres à permettre à notre économie de faire face aux besoins sans être mise à trop forte contribution. En fait, seule la combinaison de diverses mesures peut assurer la réalisation de cet objectif. Parallèlement aux mesures d'ordre monétaire et financier que nous avons exposées et à celles qui tendent à provoquer un abaissement de certains prix et à freiner les investissements et la consommation, il importe aussi de réduire la demande étrangère si nous voulons sauvegarder à long terme notre capacité de concurrence sur les marchés internationaux.

Après avoir examiné sérieusement diverses possibilités, nous vous proposons de percevoir un dépôt à l'exportation. Cette mesure, qui sera temporaire, doit affecter le secteur économique d'où provient, nous l'avons vu, l'essor conjoncturel.

La forte demande d'origine étrangère continue à alimenter les tensions du marché. Pendant presque toute l'année 1969, l'afflux des commandes passées à

200

l'industrie et la proportion de celles qui viennent de l'étranger, n'ont cessé de croître. Le taux de progression global des commandes a excédé les capacités de production, pourtant en forte augmentation; aussi les carnets de commandes ont-ils continué à se garnir et les délais de livraison se sont-ils allongés.

Si l'on a néanmoins lieu d'admettre que les taux de progression des exportations diminueront cette année, ce fléchissement sera dû moins au ralentissement que l'on peut escompter de la croissance économique à l'étranger - sous l'effet des mesures restrictives qui ont été prises dans nombre de pays pour combattre l'inflation - qu'au fait que nos capacités de production sont pleinement utilisées. L'excédent de la demande ne pourra donc guère être réduit.

2, Nature et fonction du dépôt à l'exportation II est apparu d'emblée que seules pouvaient être envisagées, pour tempérer les exportations, des mesures ayant une efficacité générale, c'est-à-dire qui, tout en étant conformes aux lois du marché, ne présentent aucun caractère sélectif.

Seule une taxe perçue sur l'ensemble des exportations permettra d'atteindre cet objectif. On peut cependant envisager plusieurs variantes.

L'une d'elles consisterait à percevoir un droit de douane à l'exportation, dont le produit serait versé à la caisse fédérale. Nous sommes cependant d'avis que cette mesure ne tiendrait pas suffisamment compte des intérêts généraux de l'économie du fait de son caractère fiscal et de l'impossibilité d'en user avec souplesse, puisque les droits qui auraient été perçus à l'exportation ne pourraient plus être restitués. L'industrie d'exportation contribuant largement à la prospérité du pays, elle ne devrait être amenée à supporter qu'une charge raisonnable et susceptible d'être abolie en tout temps. Comme il n'est pas exclu que les mesures que nos partenaires ont prises pour freiner l'expansion provoquent assez vite un fléchissement de la demande étrangère et qu'au surplus il y a fort à parier que la politique commerciale de quelques-uns de nos principaux partenaires se ressentira d'une certaine insécurité et reflétera des tendances protectionnistes, il importe de concevoir un instrument qui permette d'abolir à relativement bref délai la charge imposée à l'industrie d'exportation, et cela d'autant plus que cette industrie,
à la différence de nombre de ses concurrents étrangers, ne bénéficie d'aucune aide de l'Etat, On peut en outre se demander si les distorsions croissantes découlant de la politique des pays industrialisés de l'Europe occidentale qui tendent de plus en plusàrembpurser l'impôt surlechiffre d'affaires à l'exportation ne sont pas en passe de discriminer les exportateurs suisses. La perception d'un droit de douane à l'exportation ne tiendrait pas compte de ces réalités.

Devant cet état de choses, nous avons décidé, en vue d'atteindre l'objectif visé, de vous soumettre un projet de dispositions légales permettant de percevoir .un dépôt à l'exportation.

Lorsqu'on se propose de percevoir à titre de dépôt un certain pourcentage de la valeur de la marchandise exportée, mais pour une durée limitée, les critères applicables à la libération ultérieure du dépôt déterminent largement Peffica-

201

cité de cette mesure. Si l'on se borne à immobiliser pendant une durée limitée une fraction des disponibilités des exportateurs, c'est avant tout la perte de l'intérêt qui affecte les entreprises. Mais si, en revanche, la date du remboursement du dépôt reste incertaine, l'effet de cette mesure se rapproche probablement de celui qui résulte de la perception d'un droit de douane à l'exportation; en d'autres termes, la hausse du prix qui en résulte freine d'une part les commandes étrangères et, de l'autre, cette charge réduit la marge de bénéfice de l'industrie d'exportation et l'engage à renoncer, à l'intérieur, à des investissements destinés à augmenter ses capacités de production.

La perception d'un dépôt fixé à 5 pour cent de la valeur de la marchandise qui correspond approximativement à l'impôt sur le chiffre d'affaires perçu des grossistes, après déduction des frais d'assurance et de transport jusqu'à la frontière - permettrait d'immobiliser des disponibilités de l'ordre d'un milliard de francs par an. Pour que cet objectif soit atteint, il va sans dire que ce montant doit être stérilisé. Le système du dépôt doit précisément permettre de réduire la contre-valeur immédiatement disponible des exportations et, partant, d'éponger temporairement les ressources financières des entreprises exportatrices.

Cette mesure sera d'autant plus efficace que le dépôt sera immobilisé plus longtemps et que la date du remboursement sera plus incertaine. Quand ce moment n'est pas précisé, il est infiniment plus difficile de contracter un emprunt garanti par ce dépôt, d'autant plus que les entreprises ne seront guère tentées de le porter à l'actif du bilan. Comme ce blocage de liquidités obligera les exportateurs à faire encore davantage appel au crédit, l'efficacité des mesures monétaires de la Banque nationale s'en trouvera renforcée. On a aussi lieu d'attendre que cette solution engagera les producteurs à accroître leurs livraisons sur le marché intérieur, puisque celles-ci ne sont pas soumises à la retenue.

Notre projet d'arrêté tient compte de toutes ces considérations. C'est en effet au Conseil fédéral qu'il appartiendra de fixer la date de la restitution compte tenu de la situation économique générale et, de surcroît, la restitution n'interviendra pas automatiquement. La décision de renoncer à fixer le
moment précis du remboursement aura probablement sur les dispositions des entreprises - dans une certaine mesure tout au moins - des effets analogues à ceux d'une taxe à l'exportation.

Le dépôt à l'exportation est un instrument souple, qui peut être adapté aux exigences changeantes de la conjoncture. Nous ne nous proposons de pratiquer une politique restrictive qu'aussi longtemps qu'elle paraîtra indispensable. C'est un point auquel le rapport de l'OCDE qui analyse la politique de stabilisation pratiquée dans divers pays, attache une grande importance.

L'OCDE a rappelé à plusieurs reprises que, pour avoir été appliquées trop longtemps, un certain nombre des mesures prises pour tempérer l'expansion ont compromis la croissance à long terme. La mesure souple que nous préconisons préviendra ce risque. Nous reconnaissons volontiers que certaines des objections de politique commerciale qui sont avancées à rencontre des mesures grevant les exportations, ne sont pas dénuées de fondement.

202

La politique que nous pratiquons dans le domaine du commerce extérieur vise à longue échéance à assurer à notre industrie d'exportation le meilleur accès possible aux marchés étrangers, à promouvoir la libéralisation du commerce mondial et à abolir par voie de négociations toutes les entraves à la division internationale du travail. Or, précisément à l'heure qu'il est, l'évolution internationale est incertaine et il importe aujourd'hui plus que jamais de vouer tous nos soins à la sauvegarde de nos positions sur les marchés étrangers, car il est malaisé de reconquérir des débouchés perdus. Mais même dans cette perspective il y a tout intérêt à endiguer l'inflation qui porte préjudice à notre capacité de concurrence. Une imposition passagère et souple des exportations, en freinant quelque peu et momentanément l'accroissement de la demande d'origine étrangère, répondrait à cette nécessité sans pour autant contrecarrer les objectifs à long terme que nous assignons à notre commerce extérieur.

Dans le dessein de nous réserver à l'avenir une entière liberté de manoeuvre dans le domaine du commerce extérieur, nous avons tenu à nous assurer que la perception d'un dépôt à l'exportation était parfaitement compatible avec les engagements que nous avons pris sur le plan international. Nous voulions surtout être bien certains que nos partenaires de la zone de libre échange ne feraient aucune objection eu égard à l'article 8 de la convention de Stockholm qui interdit de grever les exportations de tout droit de douane ou d'autres taxes visant au même effet. Après que notre pays eut expliqué au sein de la commission économique de l'AELE la situation conjoncturelle dans laquelle il se trouvait et exposé les mesures anti-surchauffe envisagées par son gouvernement, les Etats membres de l'association n'ont pas élevé d'objections contre l'institution du dépôt sans pour autant se prononcer sur l'aspect juridique de cette mesure. Ils se sont réservés toutefois de revenir à la charge si, contre toute attente, les échanges commerciaux au sein de la zone devaient en pâtir.

3. Les bases constitutionnelles Le présent arrêté est fondé sur les articles 28 et 29 dé la constitution fédérale. Les péages relevant de la Confédération, celle-ci peut percevoir des droits d'entrée et des droits de sortie. Si, aux termes de l'article
29, les droits d'exportation, doivent être aussi modérés que possible - en temps normal, seules quelques rares positions sont grevées d'un droit de sortie - la Confédération n'en est pas moins habilitée, quand des circonstances extraordinaires l'exigent, à prendre temporairement des mesures exceptionnelles (art. 29, 2e alinéa, de la constitution fédérale).

En droit, le dépôt à l'exportation dont la perception est envisagée est assimilable à un droit de sortie, mais qui sera restitué à des conditions précisées par la loi. Comme nous l'avons relevé à plusieurs reprises, les articles douaniers de la constitution autorisent la Confédération non seulement à percevoir des droits d'entrée et de sortie à proprement parler, mais aussi à prendre d'autres mesures ressortissant à la politique commerciale telles qu'interdictions et contingentements d'importation ou d'exportation, ou encore restrictions en

203

matière de paiements (cf. message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 27 avril 1956 sur un projet d'arrêté fédéral concernant les mesures de défense économique envers l'étranger, FF 19561949), L'Assemblée fédérale a confirmé à plusieurs reprises la justesse de cette interprétation. Plusieurs spécialistes éminents du droit public ont fait de même (cf. W. Burckhardt «Kommentar der Schweizerischen Bundesverfassung», 3e édition, 1931, p. 213; Z. Giacometti, «Staat und Wirtschaft», Festgabe für Prof. Nawiasky, Saint-Gall 1950, p. 17 s.). On a également souligné à plusieurs reprises que la législation fiscale devait contribuer à étayer la politique conjoncturelle. L'article premier, 2e alinéa, de la loi fédérale du 30 septembre 1954 sur les mesures préparatoires en vue de combattre les crises et de procurer du travail (RO 1954 1332) précise que toutes les mesures relevant de la politique économique et financière doivent être conçues, autant que possible, compte tenu de la nécessité de prévenir les crises économiques ou de les combattre, comme aussi de créer des possibilités de travail. L'article 2, 3e alinéa, de la loi fédérale du 18 décembre 1968 sur les finances de la Confédération (RO 1969 299) précise qu'il doit être tenu compte des impératifs d'une politique financière de conjoncture et de croissance (voir aussi le message y afférent du 21 février 1968, FF 1968 I 491).

Les mesures envisagées sont conformes aux dispositions constitutionnelles.

Aux termes de l'article 89Ms, 1er alinéa, de la constitution fédérale, les arrêtés fédéraux de portée générale dont l'entrée en vigueur ne souffre aucun retard peuvent être mis en vigueur immédiatement par une décision prise à la majorité de tous les membres de chacun des deux conseils; leur durée d'application doit être cependant limitée. Le second alinéa du même article précise que la votation populaire peut être demandée sur les arrêtés déclarés urgents.

La perception d'un dépôt à l'exportation ne souffre aucun retard. Des mesures visant à tempérer l'expansion n'ont de sens que si. elles sont prises sans tarder. Les conditions requises pour prendre un arrêté urgent sont donc remplies.

Les commissions appelées à examiner le projet d'arrêté ont été informées du résultat des consultations menées avec les cantons et les associations économiques.
4. Remarques concernant les divers articles de l'arrêté Article premier II définit l'objet de l'arrêté. Le dépôt qui sera perçu sur les marchandises exportées sera porté, sans intérêt, au crédit de l'exportateur sur un compte spécial tenu par la Direction générale des douanes.

Le montant global du dépôt sera gelé, c'est-à-dire soustrait à la circulation monétaire interne. L'efficacité que l'on attend de cette mesure conjoncturelle réside dans le fait que la charge qui grèvera les exportations sera linéaire^ temporaire et combinée avec la ponction de liquidités consécutive à la stérilisation des montants perçus.

204

Les dépôts ne seront prélevés qu'aussi longtemps que la situation économique l'exigera. C'est pourquoi le Conseil fédéral est expressément invité à renoncer à la perception avant même l'expiration de l'arrêté si l'évolution de la conjoncture le permet (art. 12, 1er al.).

Article 2 Cet article énumère les cas d'exemption (1er al.) et précise que seules peuvent en bénéficier les exportations de marchandises : - pour lesquelles des raisons particulières d'ordre économique justifient cette mesure ; - dont la valeur est si faible que les frais de perception d'un dépôt seraient plus élevés que celui-ci; - qui, après avoir été importées temporairement sous dédouanement intérimaire, sont réexportées en franchise de douane.

Le seond alinéa autorise le Conseil fédéral à étendre la liste des exemptions, ainsi qu'à élever ou abaisser la limite de la franchise-valeur.

Un abaissement devra être envisagé d'emblée si l'on constate que l'exportateur abuse de la franchise-valeur en répartissant des envois de plus haute Valeur en expéditions d'une valeur inférieure à 1000 francs.

Article 3 Cet article (1er al.) confie la perception du dépôt à l'Administration des douanes suisses. Le second alinéa précise que les prescriptions douanières suisses sont applicables sauf dérogations prévues dans le présent arrêté. De cette manière - et cette solution est également avantageuse pour l'administration et le citoyen -~ la procédure douanière de taxation à l'importation est largement applicable à la perception du dépôt à l'exportation, II aurait pu sembler opportun de confier la perception du dépôt à l'exportation aux bureaux de douane frontaliers à l'instar de ce qui se fait pour les droits · de douane. Cette solution n'est cependant pas réalisable, car les opérations requises eussent exigé une cinquantaine de fonctionnaires expérimentés, dont l'administration des douanes ne dispose pas. En outre, ce mode de faire eût retardé l'expédition en douane. Il fallait dès lors trouver une solution n'imposant aucun travail supplémentaire aux bureaux de douane. L'arrêté confie donc la perception du dépôt à la direction générale.

Le montant du dépôt est calculé au vu dé la déclaration en douane de l'exportateur, établie selon les prescriptions en vigueur, avec indication de la valeur de la marchandise exportée. Le dépôt est exigible
au moment de l'exportation. Les marchandises exportées sous dédouanement intérimaire, mais dont l'acquit de douane n'a pas été déchargé par une réimportation et qui, partant, ne peuvent être exemptées du dépôt, y sont assujetties avec effet rétroactif au moment de l'exportation. Si l'on excepte la perception du dépôt, toutes les prescriptions douanières sont donc applicables.

205

On a tout lieu d'admettre que le système proposé n'imposera aucun surcroît de travail notable aux bureaux de douane. La Direction générale des douanes pourra utiliser les ressources techniques de la statistique du commerce.

Il va cependant sans dire que le système ne fonctionnera à pleine satisfaction que si les exportateurs font preuve d'esprit coopératif, de bonne volonté et de ponctualité. S'ils ne devaient pas collaborer comme on le souhaite, la tâche des organes de la Direction générale des douanes chargés d'encaisser le dépôt s'en trouverait singulièrement compliquée.

Article 4 II définit l'assujettissement de l'exportateur au dépôt.

Article 5 Cet article fixe le montant du dépôt et les bases-de calcul. Le taux de dépôt est de 5 pour cent (1er al.). Le dépôt se calcule sur la valeur de la marchandise franco frontière pour les marchandises exportées en provenance de la circulation intérieure libre (2e al., lettre à) et sur la plus-value pour les marchandises sous passavant importées temporairement en Suisse pour y subir une ouvraison qui en augmente la valeur. L'exportateur doit joindre une copie de la facture à la déclaration présentée au bureau de douane (3e al.).

Article 6 Les deux premiers alinéas précisent que le dépôt est exigible au moment de l'exportation de la marchandise. Les dépôts dus sont facturés mensuellement (3e al.). Ils doivent être payés à la Direction générale des douanes dans les dix jours à compter de la notification de la décision (4e al.). Si l'assujetti au dépôt n'effectue pas les paiements dans le délai prescrit ou si le dépôt semble compromis pour d'autres raisons (par ex. si l'exportateur n'a pas de domicile fixe en Suisse), la Direction générale des douanes peut exiger le paiement à l'avance des dépôts afférents à des exportations ultérieures, ou encore une garantie(5e al.).

Article 7 Cet article concerne un cas spécial de remboursement. Lorsqu'une marchandise exportée est retournée et réimportée, le dépôt payé antérieurement est restitué sur présentation de la quittance.

Article 8 Tout assujettissement au dépôt peut faire l'objet d'une réclamation auprès de la Direction générale des douanes. Conformément à l'article 98, lettre e, de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire, la décision rendue sur réclamation par cette administration peut être attaquée
par la voie du recours à la Commission fédérale des recours en matière de douane, dont les décisions sont susceptibles d'être déférées au Tribunal fédéral. Cependant, en dérogation à

206 l'article 55 de la loi sur la procédure administrative, le 2e alinéa prive ces moyens de droit de tout effet suspensif. Cette disposition est nécessaire pour éviter que le versement du dépôt ne soit différé exagérément, ce qui rendrait illusoire son rôle, qui est de contribuer à la lutte contre la surexpansion. Cet effet suspensif ne saurait entraîner des inconvénients majeurs pour l'exportateur, le montant du dépôt étant de toute façon calculé au vu des indications qu'il a fournies.

Article 9 Aux termes de cet article, celui qui élude ou compromet le dépôt est passible d'une amende pouvant atteindre le quintuple du dépôt éludé ou compromis. De surcroît, les infractions sont jugées conformément aux prescriptions de la loi sur les douanes.

Article 10 La perception du dépôt à l'exportation est une mesure d'ordre purement conjoncturel et n'a aucun caractère fiscal. Les dépôts doivent donc être dégelés dès que la situation économique le permet. Les dépôts seront libérés simultanément, pour l'ensemble des ayants droit, sans tenir compte des situations particulières ou des branches. La restitution aura lieu globalement ou par montants partiels échelonnés. Un mode de libération différencié selon les entreprises ou les branches, outre qu'il exigerait un gros contingent de personnel supplémentaire, aurait un caractère fâcheusement interventionniste en favorisant certaines entreprises ou branches au détriment d'autres.

La situation conjoncturelle déterminera la date et l'ampleur de la libération, en particulier sur la base des éléments suivants: - nécessité d'assurer le développement équilibré de l'économie; - évolution de la demande étrangère et des exportations de marchandises; - évolution de la demande intérieure et de l'offre potentielle ainsi que de l'indice du renchérissement dans l'ensemble de l'economie.

Les modalités de remboursement feront l'objet de notre part de décisions ad hoc mais qui seront aussi simples que possible. Pour prévenir tout gonflement de l'appareil administratif - ce que commande avant tout le caractère temporaire du dépôt - la restitution ne sera pas opérée d'office. Après libération partielle ou intégrale du dépôt, c'est à l'exportateur qu'il appartiendra de demander la restitution, en présentant les quittances des montants payés.

La perception du dépôt à l'exportation
ne peut contribuer à la réalisation de l'objectif visé que si le droit au remboursement n'est pas négociable, en d'autres termes que s'il ne peut être ni cédé, ni nanti. Sa négociabilité serait préjudiciable à l'épongeage des disponibilités auquel tend la perception de ce dépôt. De surcroît, le fait que le moment où interviendra le remboursement reste incertain (cf. art. 12) concourt également à rendre difficile la négociabilité de cette créance.

207 Article 11 Le droit à la restitution s'éteint un an après la libération intégrale des .

dépôts. Les dépôts non réclamés sont versés à un fonds destiné à financer la recherche appliquée. Le délai d'un an commence à courir à compter de la date de la libération intégrale; quand la restitution est effectuée par tranches, le délai court à partir de la date de la libération de la dernière tranche.

Article 12 Nous vous prions de vous reporter à nos remarques sous chiffre III/2. La durée de perception du dépôt doit être limitée. Nous tenons pour nécessaire une durée de trois ans, le Conseil fédéral ayant cependant l'obligation de renoncer avant ce terme à percevoir le dépôt si la situation économique le permet.

Comme nous l'avons relevé, les dépôts ne sont pas automatiquement remboursables à l'expiration de l'arrêté ou lors de la suppression anticipée de cette mesure. La procédure de restitution a été conçue de manière que le dépôt reste pendant quatre autres années un instrument de politique conjoncturelle; pendant cette période, les remboursements seront opérés selon les critères énumérés à l'article 10.

IV. Conclusions

Ainsi que nous l'avons déjà relevé à maintes reprises, notre politique conjoncturelle vise en dernier ressort à assurer la croissance harmonieuse de notre économie, le plein emploi de la main-d'oeuvre indigène, l'utilisation optimale de l'appareil de production et la stabilité du franc, bref une croissance équilibrée. Nous l'avons déjà dit, c'est surtout la stabilité de notre monnaie qui est actuellement menacée. Il importe donc d'endiguer l'excédent de la demande qui est lui-même générateur d'inflation. Mais pour être en mesure d'assurer la stabilité indispensable des prix, la Confédération devrait avoir des moyens d'action bien plus efficaces que ceux dont elle dispose à l'heure actuelle. C'est pourquoi nous voudrions insister sur le fait que le programme de lutte contre la surchauffe que nous vous présentons ne vise pas à assurer de toute manière la stabilisation du niveau général des prix. Ce serait d'ailleurs là, surtout dans notre système de cours de change fixes, un objectif irréalisable aussi longtemps que l'inflation se poursuit dans presque tous les pays avec lesquels nous entretenons d'étroites relations commerciales. L'économie suisse étant fortement tributaire de l'étranger - 30 pour cent environ de notre produit national brut proviennent de nos exportations - elle ne saurait résister à la pression inflationniste des grands marchés mondiaux. Le Conseil fédéral ne saurait toutefois s'accommoder de la vague de renchérissement qui nous menace. Dans le dessein de sauvegarder notre capacité de concurrence sur les marchés étrangers, nous avons toujours cherché à freiner le mouvement ascensionnel des prix à l'intérieur et à maintenir notre taux d'inflation à un niveau si possible inférieur à celui de nos principaux concurrents.

208

A notre avis, un programme anti-surchauffe devrait, pour être équitable, toucher tous les secteurs qui alimentent indiscutablement la surexpansion. Du moment que le taux d'accroissement réel de la demande étrangère a été en 1968 à peu près trois fois et en 1969 deux fois plus élevé que celui de la demande intérieure et qu'il en résulte une pression inflationniste, on ne voit pas comment on pourrait se dispenser de grever les exportations.

Précisons enfin que tout le train de mesures que nous soumettons à votre appréciation a été conçu en liaison avec les restrictions monétaires décrétées par la Banque nationale et compte tenu de notre politique de la main-d'oeuvre étrangère qui vise à stabiliser l'effectif de ces travailleurs.

Au vu de ce qui précède, nous vous proposons d'adopter le projet d'arrêté urgent instituant un dépôt à l'exportation et de classer par la même occasion le postulat du conseiller national Eisenring du 24 novembre 1969, postulat que nous avions accepté à la session de décembre et qui nous invitait à étudier les moyens propres à modérer les facteurs de surchauffe économique.

Nous vous présentons, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 4 février 1970 Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Tschudi Le chancelier de la Confédération, Huber

209

(Projet)

Arrêté fédéral instituant un dépôt à l'exportation

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 28, 29 et 89M5, 1er et 2e alinéas, de la constitution fédérale; vu le message du Conseil fédéral du 4 février 1970, arrête: Article premier Objet de l'arrêté Tant que la situation conjoncturelle l'exigera, un dépôt à l'exportation sera perçu sur les marchandises exportées à destination du territoire douanier étranger; ce dépôt sera porté, sans intérêt, au crédit du compte de l'exportateur.

3 Le montant total des dépôts sera stérilisé.

1

Art. 2

Exemptions Ne sont pas soumis au dépôt obligatoire: Les marchandises énumérées dans l'appendice au présent arrêté; Les envois dont la valeur ne dépasse pas 1000 francs; Les marchandises qui, après avoir été importées temporairement sous dédouanement intérimaire, sont réexportées intactes; Les marchandises exportées temporairement sous dédouanement intérimaire, à la condition que l'acquit de douane soit déchargé en bonne et due forme par la suite.

1

a.

b.

c.

d.

Feuille fédérale, 122' année. Vol, I.

15

210 2

Le Conseil fédéral est autorisé à étendre la liste des exemptions (1er al., lettre à) ainsi qu'à élever ou abaisser la limite de la franchise-valeur (1er al., lettre b).

Art. 3 Perception du dépôt 1

Le dépôt à l'exportation est perçu par l'Administration des douanes suisses.

2 Les prescriptions de la législation douanière sont applicables, sauf dérogations prévues dans le présent arrêté.

Art. 4 Assujettissement au dépôt L'assujetti au dépôt est l'exportateur. Est réputé exportateur celui qui exporte la marchandise pour son propre compte ou comme commissionnaire de vente.

Art. 5 Taux du dépôt et base de calcul 1

Le taux du dépôt est de 5 pour cent,

2

Le dépôt se calcule: a. Pour les marchandises exportées en provenance de la circulation intérieure libre, sur la valeur de la marchandise franco frontière; b. Pour les marchandises sous passavant qui ont subi une ouvraîson dans le · territoire douanier suisse, sur la plus-value.

3

L'exportateur doit joindre une copie de la facture à la déclaration.

Art. 6 . , 1

Paiement du dépôt

Le dépôt est exigible au moment de l'exportation de la marchandise.

2

En .ce qui concerne les marchandises exportées sous dédouanement intérimaire pour lesquelles l'acquit de douane n'est pas déchargé en bonne et due forme, le dépôt est réputé exigible au moment de l'exportation.

3

Le dépôt est fixé par la Direction générale des douanes ; cette dernière facture mensuellement à l'exportateur les dépôts dus.

4 Les dépôts seront payés à la Direction générale des douanes dans les dix jours à compter de la notification de la décision.

211 5

Lorsque l'assujetti au dépôt n'effectue pas Jes paiements dans le délai prescrit ou que le dépôt semble compromis pour d'autres raisons, la Direction générale des douanes peut ordonner que les dépôts concernant des exportations ultérieures soient payés d'avance ou garantis.

Art. 7 Marchandises en retour Les dépôts concernant des marchandises suisses en retour sont remboursés sur demande de l'intéressé.

Art. 8

Voies de droit Toute décision peut faire l'objet d'une réclamation auprès de la Direction générale des douanes. Le délai pour formuler une réclamation est de trente jours. La décision rendue sur réclamation par la Direction générale des douanes peut être attaquée par la voie du recours auprès de la Commission fédérale des recours en matière de douane.

2 Les moyens de droit énoncés au 1er alinéa n'ont pas d'effet suspensif.

1

Art. 9

Infractions 1 Celui qui élude ou compromet le dépôt en fournissant des données inexactes dans la déclaration, en n'annonçant pas ou en dissimulant la marchandise, ou de toute autre manière, est passible d'une amende pouvant atteindre cinq fois le dépôt éludé ou compromis.

3

Au surplus, les infractions sont jugées conformément aux prescriptions du chapitre troisième de la loi sur les douanes.

Art. 10

Remboursement 1 Dès que la situation conjoncturelle le permet, le Conseil fédéral ordonne le dégel des dépôts à l'exportation pour tous les ayants droit; la restitution, qui doit être demandée par l'exportateur, a lieu globalement ou en montants partiels échelonnés.

2

Le Conseil fédéral s'inspire des éléments suivants pour fixer la date et le montant de la libération; a. La nécessité d'assurer une croissance harmonieuse de l'économie ; b. L'évolution de la demande étrangère et des exportations; c. L'évolution de la demande intérieure et de l'offre potentielle, ainsi que l'indice du renchérissement de l'ensemble de l'économie.

3

Le droit au remboursement ne peut être ni cédé ni constitué en gage.

212

Art. 11

Extinction Le droit au remboursement s'éteint au bout d'une année à compter de la libération intégrale des dépôts à l'exportation par le Conseil fédéral. Après expiration de ce délai, les dépôts sont affectés à un fonds destiné à la recherche appliquée.

Art. 12 Exécution

Le présent arrêté est déclaré urgent et entre en vigueur le 1er avril 1970.

La perception des dépôts à l'exportation est autorisée durant trois ans au plus; le Conseil fédéral peut abroger cette perception avant l'expiration dudit délai si l'évolution conjoncturelle le permet. En ce qui concerne la restitution des dépôts, le présent arrêté demeure applicable dans les limites de l'article 10, mais quatre ans au plus après son abrogation.

3 Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution.

.

1

Appendice

Sont exonérés du dépôt à l'exportation : 1. Les produits agricoles relevant des chapitres 1 à 8 (à l'exception des n05 0702/0704 et 0810/0811), 10 et 12, ainsi que des nTM 1303.40/50, 150l/ 1502, 2007.20 et 2210.01 du tarif d'usage des douanes; 2. L'or en masses, barres, etc., relevant du n° 7107.10 du tarif; les monnaies du n° 7201 du tarif; 3. Les pierres précieuses ou fines relevant des nos 7102 et 7103 du tarif; 4. Les effets de déménagement, les trousseaux de mariage et les effets de succession ainsi que d'autres marchandises destinées à l'usage privé, à l'exception des marchandises pour lesquelles le dédouanement est demandé sous déclaration d'exportation (form. 11.49) ; 5. Les marchandises provenant du trafic rural d'exploitation forestière ainsi que du trafic de frontière, de même que les marchandises destinées aux zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex; 6. Les marchandises exportées par des missions diplomatiques, des consulats et des organisations internationales ; 7. Les marchandises exportées au titre de bienfaisance ou d'aide officielle; 8. Les moyens de transports et leurs accessoires destinés à l'usage temporaire à l'étranger, les échantillons de marchandises, le matériel d'essai, de stand et de montage; 9. Les marchandises étrangères en retour.

19060

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet d'arrêté instituant un dépôt à l'exportation (Du 4 février 1970)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1970

Année Anno Band

1

Volume Volume Heft

07

Cahier Numero Geschäftsnummer

10485

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

20.02.1970

Date Data Seite

188-212

Page Pagina Ref. No

10 099 401

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