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Feuille Fédérale

Berne, le 15 mai 1970

122e Année

NO 19

Volume I

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Parait, en règle générale, chaque semaine. Prix: 40 francs par an: 23 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement.

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10564 Message

du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à l'insertion dans la constitution d'un article 24septies sur la protection de l'homme et de son milieu naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes (Du 6 mai 1970) Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec le présent message, un projet d'arrêté fédéral relatif à l'insertion dans la constitution d'un article 24septies sur ja protection de l'homme et de son milieu naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes.

I. Introduction La motion du conseiller national Binder, du 13 mars 1964, que les chambres fédérales nous ont transmise le 12 octobre 1965, a déterminé principalement l'élaboration de l'article constitutionnel que nous vous proposons. Cette motion a la teneur suivante : «Le bruit, les trépidations, les émissions de fumée ou de gaz se sont accrus de manière alarmante.

La santé de l'homme et des animaux est en danger et en maints endroits, la végétation menace de dégénérer.

Le développement économique raisonnable qui assure au peuple plein emploi et bien-être ne doit aucunement être entravé.

Mais il conviendrait de prendre, dans le domaine de l'industrie, des transports et communications et de l'urbanisme, les mesures de précaution que l'état de la technique permet de prendre pour préserver la collectivité et le voisinage des émanations excessives.

Les dispositions légales en vigueur ne protègent pas suffisamment les citoyens contre les émanations et obligent ainsi ceux qui en sont les victimes de recourir à l'action civile qui est longue, souvent compliquée et coûteuse.

Le Conseil fédéral est invité en conséquence!

1. A présenter un rapport circonstancié sur le genre et le degré supportable des émissions dans la mesure où le rapport sur le bruit ne donne pas déjà des informations; Feuille fédérale, 122e année. Vol. I

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2. A proposer les mesures constitutionnelles et législatives nécessaires pour assurer une protection efficace de droit public contre les émanations.» Une réponse a déjà été donnée au premier point de la motion, en ce qui concerne la pollution de l'air, qui est à côté du bruit, l'atteinte la plus importante; en effet, nous vous avons remis, au printemps 1969, le «Deuxième rapport de la Commission fédérale de l'hygiène de l'air» du 11 décembre 1967 (nous attirons votre attention sur les considérations développées au titre II, chiffre 2).

Le présent-message relatif à un nouvel article 24se^"es de la constitution répond au deuxième point de la motion en tant qu'il s'agit de la base constitutionnelle; en ce qui concerne la législation d'exécution, nous vous renvoyons au titre VI, chiffre 3, lettre b, dd. Le premier point est également pris en considération en ce sens que le message tient compte aussi des atteintes moins importantes que le bruit et la pollution de l'air.

Le nouvel article constitutionnel doit servir de base à une protection générale de droit public contre les atteintes nuisibles ou incommodantes. Ce n'est pas seulement l'homme qui est protégé, mais également son milieu naturel (en particulier les animaux et les plantes, l'air et le sol); les objets inanimés sont également protégés dans la mesure où ils sont touchés par des atteintes portées au milieu naturel. Là notion d'atteinte comprend en principe tous les préjudices, qu'ils soient actuels ou futurs, ainsi que les influences tant nuisibles qu'incommodantes. L'auteur des atteintes est toujours l'homme. La compétence de la Confédération d'édicter les lois d'exécution revêt la forme d'une obligation. La Confédération ne légiférera cependant qu'autant que cela sera nécessaire. L'exécution des prescriptions fédérales pose en grande partie des questions techniques, de telle sorte que les cantons ne .pourraient pas l'assumer seuls dans certains domaines, que ce soit pour l'ensemble de ces domaines ou tout au moins pour une partie; la Confédération et les cantons devront de ce fait se partager les tâches inhérentes à l'exécution et il appartiendra au législateur de décider dans chaque cas de leur répartition.

II. Situation initiale 1. Atteintes nuisibles ou incommodantes L'homme est exposé de façon croissante à des atteintes nuisibles ou incommodantes. Les atteintes nuisibles affectent sa santé physique ou psychique, les atteintes incommodantes sa productivité et sa joie de vivre.

Les atteintes ou leurs causes peuvent surtout consister en: a. Pollution de l'air par les gaz, vapeurs, brouillards, poussières ou fumées; les sources principales en sont les chauffages et les véhicules à moteur, en outre certains procédés industriels ou artisanaux;

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b. Pollution des eaux, en particulier par les déchets liquides et solides, en outre par les conduites et les citernes non étanches, par des fuites lors du transport, du transvasement et de l'entreposage de produits d'huiles minérales ou d'autres liquides pouvant altérer les eaux, par l'utilisation de produits antiparasitaires, etc.; c. Bruit, par exemple par l'exploitation de moteurs, en particulier de véhicules à moteur et d'aéronefs, et de machines, par la détonation balistique (bang supersonique) ou aussi sous forme de bruit dans les habitations; d. Odeurs; e. Trépidations: celles-ci peuvent être occasionnées par des machines, des véhicules sur route, sur rail ou des aéronefs (telle la détonation balistique des aéronefs), par exemple; /. Courant électrique; g. Rayonnements visibles ou invisibles, par exemple lumière trop violente ou intermittente, rayons ionisants, rayons laser, radar, etc. ; h. Chaleur excessive (turbines à gaz p. ex.).

Les objets inanimés peuvent également être Bouchés par les atteintes portées au milieu naturel, par exemple les bâtiments par la pollution atmosphérique.

L'influence de certaines atteintes ne se fait pas sentir dans l'immédiat mais seulement à la longue, par exemple la pollution de l'air par des substances cancérigènes.

Il ne s'agit ici que d'atteintes portées par l'homme.

D convient de relever ici que l'exploitation la plus rationnelle des possibilités actuelles de la technique a très souvent pour conséquences de graves atteintes nuisibles ou incommodantes pour l'homme et son milieu naturel.

Jusqu'à ce jour, l'utilisation des éléments du milieu naturel par l'économie était en règle générale considérée comme gratuite, de telle sorte que la population ou la communauté devait supporter ces «external costs».

On ne peut cependant plus accepter que des entreprises qui causent de tels préjudices à la population, refusent de se prêter à en diminuer les effets parce que cela occasionne des dépenses. La population est de moins en moins disposée à tolérer ces atteintes. Le manque à gagner que l'économie doit supporter en raison des mesures de protection et les avantages qui en découlent pour la santé et le bien-être de la population doivent être mis en balance. Une partie des mesures de protection nécessaires devrait être imposée aux entreprises sous forme de charges
ou de conditions de nature technique.

S'il n'est rien entrepris de plus que jusqu'ici pour prévenir les atteintes nuisibles ou incommodantes ou pour réparer les dégâts ou les torts déjà causés, la santé et le bien-être de la population peuvent être très sensiblement touchés.

La compétence de la Confédération doit être élargie afin qu'il soit possible de prendre des mesures plus importantes.

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2. Travaux accomplis jusqu'à ce jour (Bref historique) Nous avons été invités, par une motion de M. Stiissi, député au Conseil des Etats, que vous nous avez transmise le 19 décembre 1956, à vous soumettre un rapport et des propositions au sujet des mesures légales à prendre pour lutter de manière efficace et moderne contre le bruit. Le texte de la motion était le suivant : «Le plus grand développement de la technique dans tous les domaines fait qu'au cours des dernières décennies le bruit a crû très fortement; il est devenu constant, excessif, souvent insupportable et constitue ainsi un danger pour la santé publique et la capacité de travail d'une grande partie de la population. On ne peut plus longtemps laisser aller les choses.

Les dispositions du droit civil et les prescriptions de police ne suffisent plus pour lutter contre le bruit; elles sont surannées. Il est donc urgent qu'on puisse recourir à d'autres mesures légales pour combattre les effets nuisibles du développement de la technique et contraindre celle-ci à créer et à appliquer des moyens appropriés pour empêcher le bruit excessif.

En conséquence, le Conseil fédéral est prié de présenter prochainement aux chambres un rapport et des propositions concernant des mesures légales pour lutter efficacement contre le bruit, comme les circonstances l'exigent».

Nous avons été en outre invités par un postulat de M. Philipp Schmid que le Conseil national a adopté le 19 décembre 1956 à examiner si là Confédération, éventuellement avec le .concours des autorités cantonales, pourraient prendre des mesures efficaces contre l'augmentation du bruit. Voici le texte du postulat : «Le bruit augmente à tel point qu'on devrait tenter par tous les moyens de faire en sorte qu'il diminue. Il est devenu une véritable plaie dans les villes et dans les stations climatiques; pour ces dernières, le problème revêt une importance spéciale.

Le développement de l'aviation et le futur emploi d'avions à réaction augmentera encore le bruit dans les airs.

Il est des Etats où l'on cherche à réagir, par souci de la santé publique. Dans notre pays, il existe bien des prescriptions, disséminées dans plusieurs lois, qui pourraient être appliquées. Mais pour le moment elles demeurent sans effet.

Aussi le Conseil fédéral est-il prié d'examiner si la Confédération, éventuellement
avec le concours des autorités cantonales, pourrait prendre des mesures efficaces contre l'augmentation du bruit, » Afin de donner suite à ces interventions, le Conseil fédéral a constitué, par arrêté du .21 octobre 1957, une commission fédérale d'experts qu'il a chargée d'examiner de manière approfondie le problème du bruit sous ses aspects médicaux, techniques et juridiques, puis de lui proposer les mesures juridiques qu'il conviendrait de prendre pour lutter contre le bruit.

Cette commission d'experts a adressé au Conseil fédéral le 14 décembre 1962 un rapport circonstancié qui a été publié en 1963 par le Département fédéral de justice et police sous le titre «La lutte contre le bruit en Suisse».

Dans son rapport du 13 avril 1966 (FF 19661629), le Conseil fédéral a exprimé

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son opinion au sujet de ce rapport d'experts; il a indiqué les mesures prises pour lutter contre le bruit dans les différents domaines, outre la création de la section «acoustique et lutte contre le bruit» du Laboratoire fédéral d'essai des matériaux. Il a en outre esquissé un programme pour les mesures ultérieures.

La commission d'experts et le Conseil fédéral étaient d'avis, au vu de la situation de l'époque, que les bases constitutionnelles devaient suffire en principe pour la lutte contre le bruit. Le Conseil fédéral s'est cependant déclaré prêt à réexaminer de façon approfondie, en traitant la motion Binder, s'il y a lieu de compléter la constitution par des dispositions relatives à la lutte contre le bruit.

Le problème se pose par exemple pour l'isolation phonique des maisons d'habitation.

Le 24 septembre 1958, le Conseil national acceptait le postulat suivant de M. Grendelmeier, du 17 mars 1958: «Le Conseil fédéral est invité à élaborer sans retard - comme il l'a fait pour la protection des eaux contre la pollution - des dispositions constitutionnelles et légales et, le cas échéant, à prendre d'autres mesures encore destinées à: 1. Empêcher la viciation croissante de l'air par les installations techniques et le trafic et à préserver ainsi la santé publique menacée; 2. Assurer le maintien dé la pureté de l'air, principalement dans les régions habitées.»

Pour donner suite à ce postulat et à deux petites questions (Grendelmeier du 11 mars 1960 et Buchi du 29 juin 1960), nous avons chargé le 17 janvier 1961 le Département fédéral de l'intérieur de créer une commission consultative ad hoc pour l'hygiène de l'air; par décision du 19 janvier 1962, nous l'avons remplacée par une commission permanente. La commission ad hoc a élaboré un «premier rapport» (du 20 juin 1961) et la commission permanente un «deuxième rapport» (du 11 décembre 1967) ainsi que diverses directives. Le 25 février 1964, la commission a soumis au Département de l'intérieur une requête tendant à élargir l'article 24quater de la constitution, de manière qu'il soit possible d'édicter des prescriptions fédérales relatives à la protection contre la pollution de l'air.

La commission avança notamment les arguments suivants : la pollution de l'air causée par certaines installations et certains procédés de l'industrie et du commerce, les chauffages domestiques et la circulation des véhicules à moteur, entraîne dès maintenant de graves inconvénients pour la population; on a constaté, d'autre part, que la pollution de l'air affectait de diverses manières les animaux et les plantes. Il y a lieu de s'attendre, dans le futur, à une augmentation des sources de pollution due principalement au développement croissant de l'industrie et du commerce, à une exploitation accrue des raffineries de pétrole et des usines thermiques, à la densité croissante de la population - entraînant une augmentation proportionnelle du nombre des chauffages et des centrales d'incinération des ordures ménagères - et enfin à une circulation automobile toujours plus intense. D'une manière générale, il est nécessaire que la Suisse, pays de vacances et de repos, par excellence, prenne des mesures pour prévenir à temps et d'une manière efficace et complète une évolution intolérable,

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telle qu'on en connaît à l'étranger. On ne peut escompter - l'expérience le prouve - que les mesures qui s'imposent soient exécutées volontairement, Les autorités ne peuvent donc pas éviter d'édicter des prescriptions. La Confédération, de même que les cantons et les communes, ont déjà établi dans divers domaines des règles obligatoires dont certaines comportent toutefois des lacunes et qui ne sont pas toujours pleinement observées. Le code civil, l'ancienne loi sur les fabriques, le code pénal et la loi sur la circulation routière, n'ont pas permis d'obtenir une réglementation satisfaisante pas plus que les lois cantonales et communales sur la construction, les prescriptions en matière de police du feu, etc.

La commission a déclaré ensuite qu'une réglementation fédérale était nécessaire parce qu'une source de pollution porte souvent préjudice à plusieurs communes ou cantons et qu'une réglementation non unifiée entraverait l'efficacité de la lutte contre la pollution de l'air. En outre, il est hors de doute que la majorité des cantons ne disposent pas des spécialistes permettant de trouver une solution satisfaisante au problème très complexe de la pollution de l'air, au sujet duquel, l'opinion du médecin a autant d'importance que celle du technicien. Les directeurs de l'économie publique de divers cantons ont affirmé qu'une réglementation fédérale était nécessaire et urgente.

Dans un postulat du 11 mars 1964, adopté par le Conseil national le 3 juin 1964, le conseiller national Vetsch nous invitait à examiner de façon approfondie le problème de la pollution de l'air et à élaborer les dispositions constitutionnelles nécessaires. Ce postulat a la teneur suivante: «A l'ère de l'industrialisation croissante, la pureté de l'air, élément essentiel de la vie, constitue, comme la protection des eaux contre la pollution, une tâche très importante et urgente. Au moment où l'on prévoit de construire plusieurs centrales thermiques utilisant l'huile comme source d'énergie, on doit se poser la question d'une coopération efficace de la Confédération pour empêcher les effets nuisibles de ces usines, "Le Conseil fédéral est invité en conséquence à examiner de façon approfondie le problème de la pollution de l'air, à élaborer les principes de droit constitutionnel et à présenter aux conseils législatifs un rapport et des propositions».

Dans sa réponse, le Conseil fédéral a rappelé notamment le travail de la Commission fédérale de l'hygiène de l'air et les travaux en cours en vue d'élaborer une nouvelle base constitutionnelle.

3. Travaux accomplis à l'étranger et sur le plan international a. Travaux à l'étranger aa. En général La République fédérale d'Allemagne dans son ensemble n'a pas de législation générale unifiée; une telle législation est cependant en préparation. En outre le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie, par exemple, a promulgué le

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30 avril 1962 déjà une loi générale sur les «immissions» (Immissionsschutzgesetz); il convient de relever ici que les Länder allemands sont beaucoup plus grands que les cantons suisses. Selon le paragraphe 1 (2) de. cette loi, les «immissions» sont les atteintes aux personnes ou aux choses causées par la pollution de l'air, le bruit ou les trépidations (émissions).

En Grande-Bretagne, une commission royale pour F«Environmental pollution» a été créée à la fin de 1969, après qu'un conseil national pour la protection du milieu eut été établi il y a quelque temps déjà.

Les Etats-Unis attribuent une importance particulière à ce problème. En 1969, un organisme gouvernemental particulier (Environmental Quality Council) a été créé sous la présidence du président Nixon pour la préparation d'une grande campagne gouvernementale contre toutes les sortes de pollution.

Washington a en outre annoncé en janvier 1970 la création d'un bureau pour les conditions de l'environnement qui aura à s'occuper avant tout de la pollution de l'air et du bruit des aéronefs; en février 1970, le président Nixon a proposé un programme général pour résoudre les problèmes de l'environnement.

bb. Bruit La lutte contre le bruit rencontre, à l'étranger, un intérêt croissant. Nous mentionnerons à ce sujet le rapport britanique d'une commission d'experts «Noise, Final Report» (Londres, Her Majesty's Stationary Office, 1963). La République fédérale d'Allemagne connaît diverses réglementations fédérales en la matière, par exemple la loi pour la protection contre le bruit des constructions (du 9 septembre 1965), ainsi que des directives techniques pour la protection contre le bruit du 16 juillet 1968 concernant le bruit dans les entreprises industrielles et artisanales.

ce. Pollution de l'air La lutte contre la pollution de l'air est l'objet de la plus grande attention dans la majorité des pays industrialisés; parmi diverses législations, nous relèverons les suivantes : République fédérale d'Allemagne: la plupart des Länder ont légiféré dans le domaine de l'hygiène de l'air. Les différents Länder ont adapté leurs dispositions à celles de la loi sur les «immissions» de la Rhénanie du Nord-Westphalie mentionnée sous lettre aa.

Grande-Bretagne: depuis le «Public Health Act» de 1936 qui traitait à l'époque déjà du problème de l'hygiène de
l'air, diverses lois ont été édictées, tels que les deux «Clean Air Act» de 1956 et 1968.

Etats-Unis: en sus de la campagne gouvernementale pour la protection du milieu mentionnée sous lettre aa, il y a lieu de relever qu'on a édicté en 1963, sur le plan fédéral, un «Clean Air Act», remplacé en 1967 par le «Air Quality Act». Avant l'entrée en vigueur.de la législation fédérale, la surveillance et le contrôle de l'hygiène de l'air étaient l'affaire exclusive des différents Etats et

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communes. La législation fédérale tend à unifier les critères et les dispositions de contrôle.

· · b. Travaux sur le plan international aa. Bruit II apparaît de plus en plus que la lutte contre le bruit est un problème qui doit trouver sa solution en partie sur le plan international. Diverses organisations internationales s'efforcent d'obtenir une meilleure coordination et d'arriver finalement à établir des règles unifiées. C'est ainsi que des groupes d'experts de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) se sont occupés, sous l'angle de la recherche, du bruit de la circulation dans les villes et de la détonation du vol supersonique. La Commission économique pour l'Europe de L'ONU (ECE) prépare des méthodes métrologiques unifiées et des normes pour l'admission des véhicules à moteur. L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) se consacre au bruit aérien des grands aéronefs.

Un groupe d'études de la Conférence européenne des ministres des transports (CEMT) a traité des mesures administratives contre le bruit de la circulation.

L''Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Conseil de l'Europe (CE) se sont également occupés du problème du bruit et de la protection de l'environnement au sens large.

bb. Pollution de l'air Un certain nombre d'organisations internationales s'occupent également du problème de l'hygiène de l'air. La Suisse collabore activement aux travaux de la plupart d'entre elles. Les organisations suivantes peuvent être mentionnées parmi d'autres : L''Organisation mondiale de la santé s'occupe dans quelques uns de ses organes régionaux des effets de la pollution de l'air sur la santé humaine.

L'Organisation météorologique mondiale (OMM): comme l'air, c'est-àdire l'atmosphère, fait partie du milieu naturel de l'homme, l'OMM qui s'occupe de l'étude scientifique et technique de ces problèmes joue un rôle direct dans l'hygiène de l'air. Elle est consciente de l'importance de sa tâche et contribue largement à l'étude et à une meilleure connaissance de tout ce qui se déroule dans l'atmosphère. A cet effet, elle a créé différents groupe de travail dont la tâche principale consiste à mettre sur pied un réseau d'observation météorologique qui est nécessaire à une meilleure connaissance de l'hygiène de l'air et, de ce fait, à une meilleure
conservation de la pureté de l'air.

L'Organisation de coopération et de développement économique traite des questions de la technique des mesures, de la nomenclature et des procédés techniques nécessaires au maintien de la pureté de Pair.

Le Conseil de l'Europe s'efforce, notamment avec le concours d'une commission de l'hygiène de l'air, de coordonner les prescriptions techniques dans les différents pays.

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lu. Appréciation critique de la situation initiale (Insuffisance des réglementations actuelles) 1. Réglementation de droit civil Certaines dispositions du droit civil concernent la protection contre les émissions. Il convient de mentionner ici la limitation du propriétaire foncier dans l'exercice de son droit de propriété envers son voisin (rapports de voisinage) ; l'article 684 CC interdit toutes émissions excessives. En outre, l'article 679 CC règle la responsabilité du propriétaire. L'application de ces articles est rendue difficile par le fait que le lésé doit prendre lui-même l'initiative de la réclamer et qu'il doit suivre la voie compliquée de l'action civile, voie coûteuse s'il n'obtient pas gain de cause.

Des difficultés résultent aussi du fait qu'il ne s'agit en principe que d'atteintes émanant d'un fonds déterminé.

Les articles 41 et suivants CO (obligations résultant d'actes illicites) supposent un dommage et en général une faute. Ils impliquent également l'introduction d'une action en justice.

L'action civile présuppose toujours que l'atteinte a un ou plusieurs auteurs déterminés, ce qui n'est pas le cas en droit public.

Les dispositions du droit civil ne suffisent plus aujourd'hui pour la protection contre les émissions, de sorte qu'une extension de la réglementation de droit public s'impose.

2. Réglementation de droit public a. Cantons En tant que la Confédération n'est pas déjà compétente pour réglementer la protection contre les atteintes (voir les explications sous lettre K), cette compétence appartient aux cantons. Les cantons ont fait usage de cette compétence dans une mesure restreinte. En dépit de ces mesures et des efforts croissants de l'économie, il existe encore des domaines dans lesquels les cantons n'ont pas pris les dispositions qui s'imposaient ou ne les ont prises que d'une manière insuffisante, comme par exemple le secteur de l'isolation phonique des maisons d'habitation (nous rappelons ici notre rapport du 13 avril 1966 concernant la lutte contre le bruit, FF 1966 I 629, chiffre 15). Souvent aussi les réglementations existantes ne sont pas appliquées de façon satisfaisante par les cantons ; il leur manque en partie les moyens techniques indispensables et le personnel spécialisé requis. Les exemples suivants peuvent être mentionnés: émanations d'installations
de chauffage (en particulier des chauffages domestiques) (voir le deuxième rapport de la Commission fédérale de l'hygiène de l'air, chiffre 9.2.1), bruit de machines et d'appareils (voir notre rapport concernant la IuLte contre le bruit, chiffres 11 et 13). Ainsi que l'expérience de ces dernières années l'a démontré, ces inconvénients ne pourront être supprimés sans l'intervention de la Confédération.

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b. Confédération La Confédération a déjà la compétence de régler la protection contre les atteintes dans certains domaines, mais il s'agit seulement d'un pouvoir dérivant d'une compétence générale de légiférer dans un domaine déterminé. Les exemples suivants peuvent être mentionnés : - Armée et militaire: art. 20 est.

- Droit foncier et aménagement du territoire: art. 22ter et art. 22quater est.

- Navigation: 24ter est.

- Protection des eaux: art. 24quater est.

- Protection contre les radiations: art. 24quinquies, 2e al., est.

- Chemins de fer: art. 26 est, - Restrictions de police de la liberté du commerce et de l'industrie: art. 31bis, 2e al., est.

- Protection des travailleurs: art. 34ter, 1er al., lettre a, est.

- Route nationales: art. 36Ms, 1er et 2e al., est, - Véhicules automobiles: art, 37bis est.

- Aéronefs: art. 37ter est.

- Police sanitaire: art. 69 Ms est.

Cette réglementation est insuffisante pour les raisons suivantes : 1. Dans la mesure où elles se rapportent à la lutte contre les atteintes, les attributions en question ne sont que des attributions à usage facultatif, C'est pourquoi il n'en a été fait usage que partiellement jusqu'à ce jour.

Nous mentionnerons les dispositions suivantes : - Loi fédérale du 16 mars 1955 sur la protection des eaux contre la pollution (RQ 1956 1635) - Loi fédérale du 23 décembre 1959 sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique et la protection contre les radiations (RO 1960 585), article 11, ordonnance du 19 avril 1963 concernant la protection contre les radiations (RO 1963 275) ; - Loi sur le travail du 13 mars 1964 (RO 1966 57), article 6 a 8, ordonnance III du 26 mars 1969 concernant l'exécution de la loi sur le travail (RO 1969 569); - Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (RO 1959 705), article 8, 2e alinéa, ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière (RO 1962 1409), article 33, ordonnance dû 27 août 1969 sur la construction et l'équipement des véhicules routiers (RO 1969 841), article 31, 3e alinéa, ainsi que les annexes 3 et 4; - Loi fédérale du 21 décembre 1948 sur la navigation aérienne (RO 1950 491), articles 8,12 et 15, règlement d'exécution du 5 juin 1950 de la loi sur la navigation aérienne (RO 1950 517).

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2. Ces attributions offrent des lacunes et la compétence de prendre des mesures pour prévenir les atteintes futures fait également défaut. Les lacunes concernent par exemple les domaines de l'hygiène de l'air et de l'isolation phonique des bâtiments. En ce qui concerne les atteintes futures, il faut songer entre autres à des développements d'une grande portée. Si, par exemple, la technique permet un jour de modifier le climat du pays, d'influencer le temps ou de faire fondre les glaciers, et si de telles interventions sont à craindre, il faudra que la Confédération ait la compétence d'intervenir. L'article 24i(xiee de la constitution ne le permet pas.

3. II s'agit en grande partie de pouvoirs dérivés dont l'existence doit souvent être établie par interprétation, voire par expertise.

4. Les attributions mentionnées sont fondées sur les articles les plus divers de la constitution. A cause de cette dispersion, une conception uniforme de l'application fait défaut. La lutte contre les atteintes nuisibles ou incommodantes ne représente du reste pour les divers offices fédéraux qu'une tâche accessoire.

3. Relations intercantonales Lors même qu'un canton dispose d'une législation suffisante ainsi que des moyens techniques et du personnel qualifié nécessaires, ses habitants peuvent être incommodés par des atteintes provenant d'autres cantons. Ils peuvent même subir des dommages sensibles de ce fait. .

4. Relations internationales Même si les cantons pouvaient faire largement usage de leurs attributions pour régler la protection contre les atteintes nuisibles ou incommodantes, la Confédération risquerait de se heurter, dans l'application des actes internationaux auxquels elle a adhéré, à certaines difficultés qui ne se présenteront pas en cas de compétence fédérale générale. Nous vous renvoyons à ce sujet au titre II, chiffre 3, lettre b.

IV. Consultations 1. Consultation des cantons et des milieux intéressés Le Département fédéral de l'intérieur, qui avait été chargé de traiter les points soulevés par la motion Binder, a adressé le 14 septembre 1966, en accord avec le Département fédéral de justice et police et le Département fédéral de l'économie publique, une lettre-circulaire aux gouvernements cantonaux et aux offices et milieux intéressés, dans laquelle il pose les questions suivantes: - Estimez-vous
nécessaire en général une extension des attributions légales de la Confédération dans le domaine de la protection contre les émissions?

- Dans l'affirmative, sur quelles matières cette extension des attributions devrait-elle porter et quelles seraient à cet égard les considérations déterminantes?

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- Dans la négative, quelles sont les raisons qui vous incitent à rejeter une extension des attributions?

- Dans le cas d'une extension des attributions de la Confédération, préféreriezvous un article général relatif à la protection contre les émissions ou le fractionnement en plusieurs dispositions constitutionnelles?

Une nette majorité des cantons et des offices et milieux intéressés, en tant que ces derniers ont répondu, s'est prononcée pour un article général englobant l'ensemble de la protection contre les émissions. Les quelques réponses négatives faisaient en particulier valoir que la Confédération disposait déjà d'assez d'attributions ou qu'une solution devait être trouvée par le biais de concordats intercantonaux et de normes obligatoires générales; diverses associations spécialisées ont de leur côté nié qu'il existe une telle nécessité pour leur domaine.

En outre, dans quelques avis, l'opinion a été émise qu'une extension des attributions fédérales n'était pas urgente.

Sur la base de ces résultats, le Département de l'intérieur nous a proposé de compléter la constitution par l'insertion d'un nouvel article 24eej)Mes.

2, Commission d'experts Le 17 mars 1969, nous avons chargé le Département de l'intérieur d'élaborer un article constitutionnel ainsi qu'un message à l'Assemblée fédérale et de nommer à cet effet une commission d'experts. Les résultats de la consultation des cantons et des milieux intéressés devaient être déterminants pour ces travaux. La commission d'experts a tenu sous la présidence du Professeur Aubert de Neuchâtel quatre séances entre le 21 août 1969 et le 5 février 1970 et a élaboré, avec la collaboration du Service fédéral de l'hygiène publique, le projet d'article constitutionnel et le texte du message.

V. Grandes lignes de la politique gouvernementale Nous avons déclaré dans notre rapport du 15 mai 1968 sur les grandes lignes de la politique gouvernementale pendant la législature 1968-1971 (FF 1968 I 1221) que nous soumettrions sous peu à l'Assemblée fédérale le texte d'un article général de la constitution sur la protection contre les émissions.

Nous donnons suite à cette intention en vous soumettant le présent projet d'article constitutionnel sur la protection de l'homme et de son milieu naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes.

VI. Propositions
1. Nécessité de compléter la constitution fédérale Comme l'ont montré l'appréciation critique de la situation initiale sous titre III et.les réponses claires et nettes données à la consultation de 1966 (voir nos explications sous titre IV, chiffre 1), on estime généralement qu'il est néces-

785 saire et souhaitable de compléter la constitution fédérale. Le législateur doit être tenu, d'une part, de vouer une attention plus soutenue à la protection contre les atteintes mentionnées sous titre II, chiffre 1er, dans les nombreux domaines qui relèvent déjà de sa compétence et, d'autre part, de combler avant tout les lacunes existantes et de prévenir également les atteintes futures. L'obligation doit être formulée de façon générale, compte tenu particulièrement de cette dernière considération. Un texte qui ne comblerait que les lacunes existantes ne résoudrait pas le problème. C'est dans ce sens que s'est aussi exprimée la majorité des cantons et des milieux consultés en 1966.

On peut se demander si, en donnant une compétence générale au législateur fédéral, on ne le poussera pas à empiéter sur des domaines qui relèvent constitutionneljement des cantons, par exemple la police des constructions. Les objections de cette sorte ne nous paraissent pas pertinentes. Le but d'une compétence générale - en l'occurrence la protection de l'homme et de son milieu naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes-détermine et limite son contenu. Le législateur fédéral ne saurait aller au delà de ces limites. La compétence des cantons reste entière dans les matières qui leur sont réservées par la constitution, dans la mesure où la Confédération n'édicte pas des dispositions de portée limitée pour atteindre le but qui lui est assigné. La délimitation des attributions respectives de la Confédération et des cantons ne pourra toutefois se faire dans le détail qu'au niveau de la législation, une fois que tous les aspects de la question auront été considérés et que les cantons auront été consultés.

Il conviendra d'examiner également, lorsque le régime légal sera aménagé, si l'on ne risque pas de créer la confusion et de rendre difficile l'application de la loi en admettant que le droit fédéral soit complété par des prescriptions cantonales, voire communales, ayant le même objet, qu'elles aient été édictées avant ou après les prescriptions fédérales d'exécution. Cette crainte ne nous paraît à vrai dire pas fondée. Dans tous les domaines dans lesquels la Confédération a été déclarée compétente, les prescriptions cantonales doivent s'adapter et se subordonner au droit fédéral; de même, ce sera le droit
fédéral qui régira en premier lieu la protection de l'homme et de son milieu naturel et les cantons devront mettre leurs prescriptions particulières ou complémentaires en harmonie avec ce droit.

La protection de l'homme et du milieu naturel contre les atteintes qui leur sont portées mérite aujourd'hui d'être introduite dans la constitution. H s'agit de sauvegarder les biens les plus précieux: protéger notre milieu vital contre toute menace, protéger ainsi la patrie, et par là-même assurer avant tout la protection de l'homme. La Confédération se doit de reconnaître la nécessité de cette protection dans sa loi fondamentale, la constitution fédérale.

2. Teneur du nouvel article constitutionnel Vu ce qui précède, nous vous proposons de donner la teneur suivante au nouvel article constitutionnel :

786 I

Art. 24 septies La Confédération légifère sur la protection de l'homme et de son milieu naturel

contre les atteintes nuisibles ou incommodantes qui leur sont portées. En particulier, elle combat la pollution de l'air et le bruit.

* L'exécution des prescriptions fédérales incombe aux cantons, à moins que la loi ne la réserve à la Confédération.

3. Commentaire du nouvel article constitutionnel a. Position de l'article Le nouvel article ne peut pas être combiné avec l'article sur la protection des eaux contre la pollution (art. 24quater) pour les raisons suivantes: les bases constitutionnelles de Ja législation sur les eaux et cette législation elle-même sont en voie de revision. Nous avons été invités, par une motion de M. Rohner, député au Conseil des Etats, qui nous a été transmise en 1965, à préparer les bases constitutionnelles fédérales nécessaires dans le domaine de l'économie hydraulique pour établir une législation uniforme sur les eaux et assurer par une réglementation complète, l'utilisation rationnelle de nos ressources hydrauliques ainsi qu'une distribution suffisante des eaux potables et de consommation. La réalisation des idées renfermées dans cette motion placerait la protection des eaux sur le plan fédéral dans un nouveau cadre beaucoup plus large, c'est-à-dire qu'elle comprendrait également l'économie générale des eaux; de la sorte, les mesures visant à la protection proprement dite contre les atteintes nuisibles ou incommodantes ne seraient pas au premier plan. Abstraction faite de ce que nous venons de dire, la notion de protection des eaux ne comprend pas seulement, même en vertu de la législation existante, la protection contre les atteintes nuisibles ou incommodantes.

Un certain chevauchement des deux articles est cependant inévitable; en ce qui concerne l'exécution, l'article 24quater, 2e phrase prime, en tant que «lex specialis», l'article 24septies, 2e alinéa. Il s'ensuivra également des chevauchements avec d'autres articles constitutionnels dont les législations d'exécution prévoient des mesures de protection (p. ex. art. 25 concernant la pêche et la chasse, art. 26bis concernant les installations de transport par conduites).

En ce qui concerne en particulier la relation avec l'article 24sexies relatif à la protection de la nature et du paysage, on peut relever ce qui suit: l'article 24sexies, 3e alinéa n'englobe pas le milieu naturel de l'homme au sens de l'article 24 septie1, i alinéanea (voir les explications ci-dessous sous lettre b, aa) ; il n'y aura donc pas de chevauchement. Les animaux et les plantes visés par l'article 24sexies, 4e alinéa, peuvent cependant tomber aussi sous le coup de l'artic24septiesei,
1er alinéa, dans la mesure où ils font partie du milieu naturel de l'homme.

II appartiendra à la législation d'exécution de délimiter son champ d'application par rapport à ceux d'autres législations.

Comme l'article 24septies vise des buts semblables à ceux des articles 24quater et 24sextes, mais de manière beaucoup plus générale, il est justifié de l'insérer dans le voisinage direct de ces articles.

787

b. Commentaire du 1er alinéa

aa. Objet de la protection L'objet de la protection de l'article constitutionnel est avant tout l'homme, et en outre son milieu naturel, pris comme tel. Font en particulier partie du milieu naturel les animaux et les plantes d'une part, l'air et le sol d'autre part, c'est-à-dire en principe tout ce qui est indispensable à la vie. Les corps inanimés ne sont objet de la protection que s ils sont touchés par le préjudice porté au milieu naturel.

Ne tombent pas sous le coup de l'article constitutionnel les choses qui méritent d'être protégées pour des raisons relatives à la protection de la nature et du paysage (p. ex. curiosités naturelles et monuments) ou à l'esthétique (p. ex. panoramas), car elles ne font pas partie du milieu naturel au sens de la nouvelle disposition constitutionnelle.

Les ondes radioélectriques pour la transmission de signaux, de sons ou d'images n'appartiennent pas au milieu naturel, de sorte que la protection contre les perturbations radioélectriques n'est pas comprise dans le nouvel article constitutionnel.

bb. Notion de l'atteinte L'article constitutionnel comprend en principe les atteintes mentionnées au titre II, chiffre 1.

Il s'agit toujours d'atteintes artificielles, c'est-à-dire d'atteintes dont l'auteur est l'homme. .

Il découle de l'énuméràtion du titre II, chiffre 1er, qu'il existé des atteintes nombreuses et très diverses. La notion de l'atteinte est de ce fait prise au sens large. Elle doit en outre comprendre non seulement les atteintes actuelles, mais également les préjudices à venir.

On relèvera ce qui suit au sujet des termes «émission» et «immission» utilisés jusqu ici: «émission» se rapporte au comportement nuisible ou incommodant, «immission» à ses effets. L'«émission» est combattue à cause de ses effets; l'«immission» peut être prévenue si l'on commbat ses causes à leur source. Les deux termes appellent les mêmes mesures et sont juridiquement identiques. Indépendamment de cela, ils n'appartiennent, à strictement parler, ni à la langue allemande (ce sont des latinismes), ni (en ce qui concerne l'expression «immission») à la langue française. C'est pourquoi les termes «atteintes» et «Einwirkung» ont semblé plus appropriés à la commission d'experts. La notion d'«atteinte» doit de ce fait être considérée comme plus vaste que celles d'«émission» et
d'«immission». Serait par exemple considérée également comme une atteinte une forte modification défavorable à laquelle pourraient être soumis la condition naturelle de la terre, le temps ou le climat.

ce. Notions de «nuisible» et d'«incommodant» Nous avons déjà défini sommairement au titre II, chiffre 1er, les termes de «nuisible» et d'«incommodant».

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Pour les atteintes nuisibles, il s'agit d'influences qui nuisent à la vie ou à la santé physique ou psychique de l'homme ou qui causent un dommage à son milieu naturel. C'est à dessein que l'expression «nuisible» a été choisie, car elle semble plus générale que le terme «dangereux». Il est en outre rappelé que diverses atteintes nuisibles, par exemples certaines sortes de pollution de l'air ne se manifestent pas immédiatement, mais seulement à longue échéance. Il est indispensable que ces dommages soient inclus.

Les atteintes incommodantes sont caractérisées par le fait qu'elles gênent les hommes dans leur existence, sans toutefois leur causer un véritable dommage.

Ces inconvénients peuvent avoir pour effet que la capacité de travail de l'homme, sa joie de vivre, le plaisir que lui procure le spectacle de la nature, son sentiment de tranquillité sont diminués et que, d'une manière générale, sa vie privée est rendue plus difficile. Il en résulte une atteinte à la personnalité et par là même à la liberté de ceux qui sont touchés.

dd. Compétence de la Confédération Par la présente disposition constitutionnelle, la Confédération est tenue d'une manière générale d'édicter des lois d'exécution sur la protection contre les atteintes nuisibles ou incommodantes. Dans la situation qui règne actuellement sur le plan technique et juridique, une telle solution s'impose; un simple pouvoir de légiférer ne suffirait plus. Il va sans dire que la Confédération ne fera usage de sa compétence générale que dans la mesure où cela se révélera nécessaire. Elle prendra également soin de ne pas attenter sans nécessité à la compétence législative des cantons et des communes et de ne pas édicter de nouvelles réglementations là où les anciennes ont donné satisfaction.

Quant à la législation d'exécution, elle ne peut pas encore être définie; son élaboration dépendra en grande partie de l'évolution technique. Il est cependant urgent d'accroître en premier lieu les efforts entrepris pour combattre la pollution de l'air et le bruit. C'est la raison pour laquelle ils sont mentionnés expressément dans l'article constitutionnel. Pour l'hygiène de l'air se pose par exemple le problème des installations de chauffage, en particulier des chauffages domestiques (voir le deuxième rapport de la Commission fédérale de l'hygiène de l'air,
chiffre 9.2.1), et, pour le bruit, celui de l'isolation phonique des constructions, non seulement des logements (ainsi que nous l'avons exprimé dans notre rapport du 13 avril 1966 concernant la lutte contre le bruit, chiffre 15, FF 1966 I 629) mais également des écoles, hôpitaux, instituts scientifiques, fabriques, etc. Quant aux installations de chauffage, le législateur devra se demander de quelle façon il pourra limiter la pollution de l'air à un taux acceptable, s'il veut fixer une limite maximale générale pour le taux de pollution de l'air ou s'il veut se contenter d'édicter des normes pour les émissions. En ce qui concerne l'isolation phonique des constructions, il devra décider s'il ne veut par exemple que fixer une limite phonique (en décibels) ou s'il veut également prescrire les moyens de respecter cette limite.

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Notre rapport du 13 avril 1966 concernant la lutte contre le bruit mentionne aussi le bruit des aéronefs ainsi que le bruit provenant des chantiers de construction et le bruit des machines agricoles, y compris les tondeuses à gazon (chiffres 10, 11 et 13 du rapport); le rapport mentionne également le problème de l'encouragement à donner au développement technique en matière de lutte contre le bruit (chiffre 20). En outre la question de la lutte contre le bruit des bateaux se posera également. La motion de M. Bächtold, .député au conseil des Etats, que vous avez acceptée en 1965 déjà, aussi bien que celle que M.

Wenger, conseiller national, a déposée le 3 juin 1969 ont pour but de combattre entre autres bruits celui des bateaux à moteur et d'autres petits véhicules par une réglementation de la navigation intérieure.

En conclusion, une loi générale d'exécution n'entrera guère en ligne de compte, mais il faudra envisager plutôt l'élaboration de différentes lois spéciales.

Ces lois devront déterminer notamment dans quelle mesure les cantons sont chargés de l'exécution.

c. Commentaire du 2e alinéa Exécution des prescriptions fédérales Comme la lutte contre les atteintes nuisibles ou incommodantes pose avant tout des problèmes techniques, les cantons dans leur ensemble ou du moins une partie d'entre eux ne seraient pas à même, pour des raisons techniques ou faute de personnel qualifié, d'assumer l'exécution des prescriptions fédérales dans certains domaines. C'est pourquoi la Confédération et les cantons devront se répartir les tâches d'exécution.

Cependant la répartition de ces tâches est complexe et ne peut pas être réglée déjà à l'échelon constitutionnel, mais seulement à l'échelon législatif; le législateur devra donc statuer de cas en cas. La disposition constitutionnelle ne peut donc établir que le principe de la collaboration entre la Confédération et les cantons. Cette solution est assurément une nouveauté dans notre constitution; elle est cependant appropriée à la situation.

Nous relèverons encore - que le Conseil national a adopté le 12 décembre 1966, lors de là discussion de notre rapport concernant la lutte contre le bruit (FF 19661629), un postulat ayant pour but la création d'un office central pour la lutte contre le bruit, et - qvle M. Schmidt, Lenzbourg, conseiller national, a
présenté le 13 mars 1969 une motion de portée plus générale Cendant à créer un office pour lu protection contre les émissions et qui a été adoptée le 2 mars 1970 par le Conseil national sous forme de postulat.

Feuille féaéralc, 122- année. Vol. I.

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790

d. Etablissement d'un droit fondamental dans la constitution On s'est demandé, dans la commission d'experts, si la protection de l'homme et de son milieu naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes ne pourrait pas être assurée par l'introduction d'un droit fondamental dans.

la constitution. La majorité de la commission s'est cependant opposée à une telle conception pour les raisons suivantes: le but de la législation actuelle, qu'elle soit fédérale ou cantonale, est certainement de garantir à l'homme une protection contre de telles atteintes. La nouvelle compétence que nous vous proposons de donner à la Confédération, a pour but de rendre cette garantie plus efficace encore. L'introduction d'un droit à une prestation positive de l'Etat serait cependant une nouveauté en droit constitutionnel suisse. Un tel droit ne pourrait être défini qu'en termes très sommaires. Les autorités administratives et les tribunaux ne pourraient pas le réaliser directement, mais seulement sur la base des lois d'exécution. La garantie constitutionnelle ne représenterait de ce fait qu'un programme de législation. Seule la législation pourrait régler convenablement les rapports juridiques entre les particuliers.

Le nouvel article que nous vous proposons n'est en somme rien d'autre que l'obligation imposée au législateur fédéral d'assurer la protection de l'homme et de son milieu naturel, mais il le fait d'une manière plus conforme à nos conceptions en matière de droit constitutionnel.

VII. Conséquences financières et influence sur l'effectif du personnel Ainsi que nous l'avons déjà mentionné à la fin de la lettre c du chiffre 3 du titre VI, le Conseil national a adopté le 2 mars 1970 sous forme de postulat une motion du conseiller national Schmidt-Lenzbourg, du 13 mars 1969, tendant à créer un office pour la protection contre les émissions.

Comme les tâches en matière d'exécution ne pourront se dégager qu'après l'acceptation de l'article constitutionnel et des lois d'exécution, et qu'il faudra procéder par étapes, il n'est pas encore possible de donner des indications relatives aux conséquences financières de ces dispositions et à leur influence sur l'effectif du personnel.

VIII. Propositions relatives au classement de motions et postulats Nous vous proposons de classer la motion Binder (n° 8974) et le postulat Vetsch (n° 8972).

Vu ce qui précède, nous avons l'honneur de vous proposer d'adopter le projet d'arrêté ci-joint.

791

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 6 mai 1970 Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, Tschudi Le chancelier de la Confédération, Huber

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(Projet)

Arrêté fédéral insérant dans la constitution fédérale un article 24semles sur la protection de l'homme et de son milieu naturel contre les atteintes nuisibles on incommodantes

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 85, chiffre 14, 118 et 121, 1er alinéa de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 6 mai 19701), arrête: I

La constitution fédérale est complétée comme il suit : Art. 24ef-pties La Confédération légifère sur la protection de l'homme et de son milieu naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes qui leur sont portées.

En particulier, elle combat la pollution de l'air et le bruit.

2 L'exécution des prescriptions fédérales incombe aux cantons, à moins que la loi ne la réserve à la Confédération.

1

Il 1 2

Le présent arrêté sera soumis à la votation du peuple et des cantons.

Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution.

19208

« FF 1970 I 773

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à l'insertion dans la constitution d'un article 24septies sur la protection de l'homme et de son milieu naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes (Du 6 mai 1970)

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15.05.1970

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