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RAPPORT du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur l'initiative populaire pour le développement des routes alpestres et de leurs voies d'accès (article 23fer de la constitution fédérale).

(Du 26 février 1935.)

Monsieur le Président et Messieurs, Par arrêté du 22 juin 1934, vous nous avez invités à présenter un rapport sur une initiative populaire, signée par 147,830 citoyens, qui vise à insérer dans la constitution un article 23 ter concernant le développement des routes alpestres et de leurs voies d'accès. Nous avons l'honneur de vous exposer ci-après notre manière de voir à ce sujet.

I.

1. Nos routes alpestres passent par les mêmes cols que celles qui, d'origine romaine pour la plupart, ont été développées au cours des siècles dans la mesure dès besoins par les cantons intéressés et transformées en ces voies carrossables que nous possédons aujourd'hui et que nous voulons continuer d'améliorer.

En 1799, le Grand conseil de la République helvétique édicta des dispositions « pour la protection des routes ». Le soin d'entretenir ces dernières incombait aux chambres administratives, qui, s'il en était besoin, faisaient exécuter des travaux aux frais des communes « négligentes ».

Après la Médiation, on cessa de chercher à organiser un service central des ponts et chaussées. D'après le Pacte fédéral de 1815, la Confédération n'avait aucun rôle dans la construction des routes, ni aucun droit de surveillance dans ce domaine. Le réseau desprincipales artères de la Suisse est l'oeuvre surtout des gouvernements de la Restauration. Depuis cette époque même, l'autorité fédérale n'a jamais créé ni entretenu de voies de communications, exception faite de certains tronçons sans importance

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pour la circulation normale, qui ont été construits de 1914 à 1918 pendant le service actif de nos troupes, ou qui étaient en relation avec des travaux militaires.

Lorsqu'on corrigea et améliora les routes conduisant aux cols des Alpes en leur donnant une largeur allant de 3 m 60 à 4 m 80 et des profils normaux uniformes (artères dont un certain nombre empruntaient le territoire de plus d'un canton), la Confédération fut amenée à subventionner ces entreprises, en prenant à sa charge une partie des grosses dépenses faites en commun par les cantons.

C'es.t ainsi que, de 1854 à 1874, elle alloua pour la construction de routes carrossables 885,000 francs au canton d'Uri, 1,240,000 francs à celui des Grisons, en tout, 3,732,000 francs à dix cantons. On pouvait à cette époque faire beaucoup pour une telle somme. Un ancien ingénieur cantonal des Grisons relève en effet qu'aucune des routes dont il s'agit n'a coûté plus de vingt à trente mille francs par kilomètre.

Rappelons toutefois que la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons a, en principe, laissé à ces derniers pleine liberté en matière de ponts et chaussées, tant pour la construction que pour l'entretien et la police des routes.

2. En outre, la constitution fédérale du 29 mai 1874 (art. 30) assura à quatre cantons, « à raison de leurs routes alpestres internationales » et pour les dédommager de leur renonciation au produit des péages, des indemnités annuelles dont elle fixa le chiffre « en tenant compte de toutes les circonstances », savoir 80,000 francs à Uri, 200,000 francs aux Grisons, autant au Tessin et 50,000 francs au Valais. Ces sommes furent doublées par l'arrêté fédéral du 1er octobre 1926, qu'approuva le peuple par son vote du 15 mai 1927.

L'article 37 de la constitution, complétant l'article 30, dit que le versement de ces indemnités serait refusé si les routes en question n'étaient pas convenablement entretenues.

C'est donc essentiellement à en faciliter l'entretien que les subventions fédérales étaient destinées.

3. Depuis 1874, la Confédération prêta en de nombreux cas son appui financier pour les constructions de routes en vertu de l'article 23 de la constitution, ou même sans se fonder sur un article déterminé.

De 1875 à 1893, les cantons bénéficiant de subventions fédérales pour de tels travaux furent
au nombre de six; ils reçurent de la Confédération 1,008,000 francs. De 1894 à 1907, on en compta sept, tous situés dans les Alpes; il leur fut alloué en tout 4,731,000 francs. Avec les payements effectués pour les" dépenses supplémentaires, les subsides octroyés par l'autorité fédérale pour le réseau routier se sont élevés jusqu'en 1910 à environ 10,320,000 francs.

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Depuis 1907, on n'a plus entrepris ia construction de grandes artères pour le passage des Alpes; en revanche, une route de raccordement et une route du Jura furent l'objet de subventions fédérales. Celles qui furent accordées pendant ce laps de temps sont les suivantes: Fr.

Route du Samnaun, supplément Route d'Indemini Route de Gandria. .

Route du Passwang Voies d'accès aux bâtiments de la Société des Nations . . .

Route-digue de Rapperswil. . . · Total

640,000 1,358,000 1,295,000 544,000 2,800,000 1,041,000 7,678,000

Les crédits alloués par arrêtés fédéraux successifs pour la création de grandes routes se sont donc montés 'à 18,000,000 de francs.

4. A côté des articles 23 et 30 de la constitution, qui règlent la question des subventions, il y a lieu de mentionner l'article 37, qui est ainsi conçu: « La Confédération exerce la haute surveillance sur les routes et les ponts dont le maintien l'intéresse.

« Les sommes dues aux cantons désignés à l'article 30, à raison de leurs routes alpestres internationales, seront retenues par l'autorité fédérale si ces routes ne sont pas convenablement entretenues par eux.» Nous compléterons cette citation par celle de l'article 31 bis, qui a la teneur suivante: « La Confédération peut édicter des prescriptions concernant les automobiles et les cycles.

« Les cantons conservent le droit de limiter ou d'interdire la circulation des automobiles et des cycles. La Confédération peut cependant déclarer totalement ou partiellement ouvertes certaines routes nécessaires au grand transit. L'utilisation des routes pour le service -de la Confédération demeure réservée. » Ces deux articles affirment donc qu'à certains égards une haute surveillance est exercée par la Confédération sur les routes et la circulation routière.

En particulier, l'article 37 bis constitue une des bases constitutionnelles de la loi du 13 mars 1932 sur la circulation des véhicules automobiles et des cycles, dont l'article 2 affirme de nouveau le droit de la Confédération de déclarer ouvertes des routes nécessaires au grand trafic. Enfin, l'article 37 ois a été invoqué pour motiver une plus large contribution de la Confédération aux dépenses des cantons dans le domaine des ponts et chaussées, telle que la prévoit l'arrêté fédéral du 21 septembre 1928 concernant la

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répartition d'un quart des droits d'entrée sur la benzine. Ce quart a atteint les sommes suivantes: en en francs francs 1925 . . .

3,893,159 1930 . . . . 8,746,808 4,169,482 1926 . . .

1931 . . . . 9,983,445 1932 . . . . 11,205,216 1927 . . .

5,190,501 1933 . . . . 10,671,302 1928 . . .

6,504,265 1934 . . . . 11,980,882 1929. . .

7,677,401 soit en tout, de 1925 à 1934, 80,022,461 A cela s'ajoutent les allocations supplémentaires extraordinaires, qui s'élèvent à 250,000 francs par an; en tout donc 2% millions de francs.

L'année 1933 voit pour la première fois se produire un fléchissement dans la courbe ascendante des recettes que la douane tire de l'importation de la benzine. Pendant la période de 1929 à 1933, la Confédération a prélevé sur les recettes dont il s'agit (suppléments extraordinaires non compris) des subventions qui se montent en moyenne à 19,9 pour cent des dépenses faites par les cantons pour l'amélioration des routes.

II.

1. L''initiative pour l'adoption d'un article 23ter prévoyant le développement du réseau des routes alpestres et de leurs voies d'accès demande à la Confédération de contribuer dans une mesure bien plus forte que précédemment à une transformation rapide de toutes les artères importantes de montagne, en vue de favoriser la circulation des automobiles lourds.

L'article est ainsi rédigé: « Article 23 ter.

« 1 La Confédération assure le développement des principales routes alpestres utilisées par les voyageurs et les touristes, ainsi que de leurs voies d'accès.

« Les frais de construction sont à la charge de la Confédération.

« Les cantons intéressés peuvent être tenus de verser des contributions convenables.

« L'entretien des routes incombe aux cantons. La Confédération dispose librement d'une somme de vingt millions de francs, à prélever sur les droits de douane dus par les carburants nécessaires à la propulsion des véhicules routiers. La moitié du montant dépassant cette somme est mise à la disposition des cantons pour leurs dépenses routières; l'autre moitié est affectée au développement des routes alpestres et de leurs voies d'accès.

« a Un arrêté fédéral réglera les détails. »

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Les auteurs de ce projet entendent laisser entièrement aux services fédéraux le soin d'exécuter les travaux et réclament pour ceux-ci un nouveau quart des droits sur la benzine, soit environ 10 millions de francs par an.

2. Nous avons examiné s'il convenait de traiter la présente initiative (et par là même le développement de nos routes alpestres) dans notre message sur le programme de travaux destinés à remédier au chômage, ou s'il était préférable de vous soumettre la question séparément. C'est à ce dernier mode de faire que nous nous sommes arrêtés.

Tout d'abord, en effet, nous avons à nous expliquer sur les différents points de cette initiative et à vous faire des propositions touchant la façon dont elle sera traitée, ce qui déjà justifie, ou même impose la disjonction; en outre, l'arrêté visant à procurer une occupation aux sanstravail et prévoyant diverses autres mesures de crise -- arrêté pour lequel nous vous avons demandé d'admettre l'urgence -- ne sera pas soumis à une votation populaire.

De plus, en demandant une amélioration de nos routes alpestres, on s'est essentiellement inspiré du désir de favoriser le tourisme, en particulier le tourisme automobile; on a aussi, à vrai dire, invoqué le besoin de créer de nouvelles possibilités de travail.

Nous estimons, nous aussi, que c'est notamment l'intérêt du tourisme qui doit engager, dans une mesure à déterminer, à développer et à améliorer notre réseau routier des Alpes. Nous trouvons moins pertinent le second argument, car la construction des routes alpestres se prête moins que d'autres entreprises à l'emploi de chômeurs. Sans doute, la technique est aujourd'hui parvenue à trouver des procédés qui, moyennant un surcroît de frais supportable, permettent, dans les chantiers concentrés, de travailler en plein air pendant l'hiver aussi. Mais la chose est beaucoup plus difficile pour la construction des routes, où les chantiers sont très espacés. Tout d'abord, la disposition pratique des installations nécessaires, notamment à l'altitude où s'établissent les routes alpestres, se heurte à des obstacles. Puis, comme on l'a constaté lors de la correction du St-Barthélémy, en Valais, malgré le parfait aménagement de leurs logements et réfectoires, les ouvriers, à une certaine époque, ne supportent plus le climat de la haute montagne ; dans les
périodes de transition, soit au commencement et à la fin de l'hiver, on ne peut guère que réunir les matériaux -- par exemple le cailloutis, ainsi que les moellons pour la maçonnerie -- et les amener à pied d'oeuvre, et la construction proprement dite n'est, pour l'essentiel, possible que dans la belle saison. Le développement des routes alpestres ne se prête donc que fort mal au travail d'hiver. Il n'en est pas de même, en revanche, de l'amélioration des voies d'accès et de la création de certaines artères, comme la route du lac de Wallenstadt et d'autres du même genre.

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II faut aussi considérer que la population montagnarde qui habite le long des routes alpestres verra dans l'amélioration de celles-ci l'occasion bienvenue d'un gagne-pain, et qu'il faudra l'employer, ce qui diminuera la possibilité de faire venir des chômeurs d'autres régions. Enfin, comme nous l'avons fait remarquer dans notre message du 9 octobre 1934, relatif à la création de possibilités de travail et à d'autres moyens de combattre la crise, on se heurte à des difficultés de mainte nature lorsqu'on veut transplanter .en grand nombre des sans-travail loin de la contrée où ils ont jusqu'alors vécu.

Toutes ces raisons, jointes au but primordial de l'initiative, nous ont amenés à vous soumettre cette affaire en un message spécial; c'est celui que nous vous adressons ici.

3. L''initiative doit, à notre avis, être rejetée.

Comme nous l'avons déjà relevé plus haut, la construction et l'entretien des routes sont, d'après le droit en vigueur, l'affaire des cantons. Ceux-ci ont accompli en ce domaine une tâche importante. On s'en rend compte si l'on considère les dépenses qu'ils se sont imposées; voici entre autres celles qui ont été portées à notre connaissance à propos de la répartition des droits de douane sur la benzine: Dépenses des cantons pour la construction et l'entretien des routes (M

Année

Remarques

Net (") Brut en milliers de fr. en milliers de fr.

1922 1923 i f\f\ À 1924 1925 1926 1927 1928 1929 1930 1931 1932 1933

1 [ \ J

Total 1922/33

137,074

101,800

49,096 49,357 48,947 52,721 65,474 75,551 89,982 93,390 94,566

34,522 32,806 30,525 32,185 41,909 49,070 56,754 56,569 55,611

756,158

491,751

t1) Non compris les dépenses des communes pour les routes communales.

( 2 ) On obtient le chiffre des dépenses nettes en déduisant des dépenses brutes: 1° les recettes nettes que rapportent aux cantons les impôts et taxes sur les véhicules automobiles, 2° les contributions communales et les subventions fédérales autres que la part des droits d'entrée sur la benzine.

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Les cantons possèdent un personnel technique qui, grâce à une longue expérience, connaît mieux que personne les conditions particulières à leur territoire en matière de ponts et chaussées. Il sied de recourir à leurs lumières et de mettre à profit leurs connaissances pour résoudre le problème routier ; or, cela n'est possible que si les services fédéraux et cantonaux maintiennent entre eux un contact étroit et constant.

Confier à la Confédération le développement des routes cantonales et flux cantons leur entretien, comme le proposent les auteurs de l'initiative, ne nous paraît pas non plus faisable. Car, dans l'ordre naturel des choses, celui qui a l'obligation d'entretenir un ouvrage doit aussi pouvoir le construire. Si l'on confiait cette tâche à un autre, on s'exposerait à des difficultés techniques de diverse nature et l'on créerait des conditions juridiques obscures autant qu'embrouillées. ' Enfin, il y a lieu de faire remarquer que les expropriations nécessairer sont effectuées dans de meilleures conditions et, en règle générale, à meilleus marché par les cantons que par la Confédération.

A ces raisons qui, principalement du point de vue de l'exécution technique, militent pour le rejet de l'initiative, se joignent des considérations financières.

Nous avons déjà indiqué plus haut, sous chiffre I, 4, ce que les cantons ont retiré, depuis 1925, du produit des droits sur la benzine. L'arrêté fédéral du 21 septembre 1928, qui règle l'attribution de la paît des cantons, se fonde sur l'article 37 bis de la constitution. Ainsi que nous l'avons fait observer dans notre message du 23 septembre 1927 concernant ledit arrêté (FF, II, 195), si l'on veut considérer que cet article autorise la Confédération à allouer les subventions demandées, nous ne pourrions admettre cette interprétation que notamment sous la réserve expresse qu'on ne lui en fasse pas une obligation. Les dispositions d'exécution -- loi fédérale ou arrêté -- devraient donc, à notre avis, permettre toujours de tenir compte de la situation financière de la Confédération. Or cette considération revêt précisément aujourd'hui une importance particulière en raison de l'état de nos finances, quel que soit l'intérêt que présente, pour le tourisme, l'amélioration de notre réseau routier. D'après le chiffre 1, 4e alinéa, de l'article 23ter proposé,
la Confédération devrait, pour le développement des routes cantonales (soit ici des routes alpestres), céder un nouveau quart du produit des droits sur la benzine, qui se monterait à 10 millions de francs par an, si l'on évalue à 40 millions environ le produit total.

Comme la part qui devrait lui rester d'après l'initiative est fixée au chiffre invariable de 20 millions de francs, celle qu'elle devrait céder croîtrait encore si les recettes augmentaient; elle diminuerait, il est vrai, dans le cas où ces dernières baisseraient. Les auteurs de l'initiative exposent qu'une forte partie de la dépense se trouverait automatiquement amortie par le fait que la consommation de la benzine augmenterait avec le dévelopFeuille fédérale. 87° année. Vol. I.

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pement de la circulation sur les routes des Alpes et que, par conséquent, le total des droits d'entrée s'élèverait aussi. Mais on n'appuie pas cet argument d'indications plus détaillées sur la façon dont la Confédération récupérerait ses débours. Il reste donc encore à prouver qu'elle peut le faire et à dire comment. Etant donné la situation financière dans laquelle se trouve en ce moment la Confédération, une telle solution nous paraît impossible.

Pour ces motifs, nous devons vous proposer de repousser l'initiative.

4. D'autre part, cependant, une série de raisons plaident en faveur de l'amélioration de notre réseau alpestre.

Ce sont en premier lieu les intérêts du tourisme et de l'hôtellerie. Quelques chiffres donneront une idée de l'importance que présentent ces branches pour notre économie nationale ; ils ont été en partie fournis par notre propre enquête, en partie extraits de l'Annuaire statistique, de la Suisse (année 1933) et d'un mémoire que nous a adressé le Conseil-exécutif du canton de Berne au sujet de la construction d'une route par le Susten.

D'après le dernier recensement fédéral des entreprises, qui fut effectué le 22 août 1929, on comptait dans l'industrie hôtelière suisse: 7,606 entreprises, 202,159 lits d'hôte, 62,217 personnes occupées.

Selon le même recensement, seule l'industrie métallurgique, qui employait 76,512 ouvriers, occupait un plus grand nombre de personnes.

Le mémoire bernois susmentionné et une statistique dressée pour l'année 1929 par la société suisse des hôteliers nous permettent de dresser le tableau suivant: Année

Capital investi

Recettes

En millions de francs

1880 1912 1929

environ

320 1136 1900

53 251 525

En 1929, le nombre des voyageurs descendus dans des hôtels a été de ,5,400,000 ; en moyenne, chacun a dépensé quotidiennement 22 fr. 92 et fait un séjour de 4,19 jours -- d'où la recette de 525 millions de francs indiquée plus haut.

Jusqu'en 1932, par suite de la crise générale, le nombre des voyageurs et les recettes ont diminué d'environ 50 pour cent, alors que le capital investi restait à peu près au même chiffre.

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En ce qui concerne l'essor économique qu'une région doit à ses visiteurs, le mémoire bernois note que, dans trois communes de l'Oberland, le rendement des impôts est successivement monté aux sommes que voici: Rendement total des impôts payés à l'Etat et à la commune en 1930 1880 1912

Commune et nombre d'habitants

Fr.

Interlaken 3770 Wengen 996 Grindelwald 3004

Fr.

Fr.

88,653 3,671 32,726

1,110,357 147,575 225,534

506,000 51,975 115,200

Ajoutons, uniquement pour résumer la situation, que le tourisme et l'hôtellerie sont pour notre agriculture et notre industrie une abondante source de gains ; ils contribuent à l'écoulement des produits de la première et procurent du travail à la seconde.

A la courte période de prospérité qui suivit la fin de la guerre succède, en 1930 déjà, un mouvement rétrograde; nous relevons en effet, dans l'Annuaire statistique de la Suisse, les chiffres suivants: Dans 15 stations eli maléfiques

Dans 58 stations eli maléfiques Année Nombre des nuitées

1929 1933

8,545,966 5,876,876

% 100 68,8

Pour-cent dés Durée moyenne de séjour lits occupés par voyageur

40,7 22,e

12,8 jours 10,9

»

(1932)

% 100 85,2 (1932)

L'importante diminution de la clientèle de notre hôtellerie pendant ces dernières années est due essentiellement à la crise économique et à la dépréciation des devises de divers pays, soit à des faits indépendants de notre volonté. C'est une raison de plus pour nous occuper de diminuer ce déficit et même de le compenser progressivement, si possible, par des mesures qui sont en notre pouvoir. Parmi celles-ci, on doit mentionner le développement du réseau routier dans les Alpes, qui sera un stimulant énergique de la circulation et du tourisme; l'importance de ce moyen croît même continuellement, à mesure que l'automobilisme étend le cercle de ses adeptes en offrant à chacun la possibilité de régler à son gré l'itinéraire et l'horaire de ses déplacements.

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Le nombre des véhicules automobiles s'est développé depuis 1910 comme il suit: Année

Voitures automobiles

Autocars, camions, tracteurs

Automobiles total

Motocyclettes

1910

2,726 8,902 28,697 63,945 66,394

326 3,331 8,929 20,388 20,2900

2,602 12,233 37,626 84,333 86,68â(i)

4,647 8,179 18,967 46,875 31,235

1920 1925 1931 1933

Nombre Véhicules moyen automobiles d'habitants total par véhicule

7,249

515

20,412 56,593 131,208 117,919

190 69 31 35

(!) 620 tracteurs industriels seulement sont compris dans ce chiffre. Pour les années précédentes on a compté aussi les tracteurs agricoles et autres tracteurs semblables, qui sont au nombre d'environ 1500.

Quant aux bicyclettes, on en a compté: en 1925 677,758 » 1931 841,100 » 1932 863,959 Le nombre des véhicules étrangers à moteurs entrés en Suisse est intéressant à considérer, notamment quant à la rapidité de sa progression: Année " Véhicules étrangers à moteurs entrés en Suisse 1912 8,766 1918 69 1920 3,389 1925 36,380 1931 179,189 1932 197,537 1933 230,349 1934 267,294 Dans 90 pour cent des cas au moins il s'agit d'automobiles ; pour le reste -- à peine 10 pour cent -- il s'agit de motocyclettes appartenant à des membres d'associations reconnues, les autres n'étant pas comptées dans la statistique.

Pour faire entrer un véhicule automobile étranger dans le pays, il faut présenter un 'passavant, un triptyque, un certificat de contrôle pour motocyclettes, un carnet de passage en douane ou une carte d'entrée provisoire. Les trois premières de ces pièces ont en général une assez longue validité, ordinairement une année. Pour ces pièces-là, on ne compte que le premier passage de l'année; lorsque l'automobiliste présente, en re-

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vanche, une des deux dernières pièces, on note dans la statistique chaque entrée du véhicule. Les chiffres ci-dessus représentent par conséquent un nombre d'entrées minimum.

Si l'on admet que le nombre réel est de 250,000 en chiffre rond, que, pour l'ensemble des cars, voitures automobiles et motocyclettes, l'on compte, en moyenne trois occupants par véhicule, et enfin qu'on évalue à quatre jours à peu près la durée du séjour de chacune de ces personnes, selon les données déjà indiquées, on arrive à un total de 3,000,000 journéesvoyageurs. La dépense quotidienne du voyageur étant de 25 francs -- ce qui est sans doute une estimation un peu faible si l'on considère les frais que nécessitent la marche et l'entretien du véhicule -- l'entrée des automobiles et motocyclettes étrangères représente pour l'économie du pays une recette annuelle de 75 millions de francs, soit de 3 millions pour dix mille entrées.

En 1933, 20,000 autocars occupés sont entrés en Suisse.

C'est peut-être l'un des phénomènes les plus intéressants de notre industrie hôtelière et de notre tourisme que, malgré le ralentissement des affaires, le nombre des véhicules à moteur étrangers n'ait cessé d'augmenter durant les dernières années.

Dans un mémoire qu'elle nous a adressé le 14 août 1934 au nom des sociétés qui lui sont affiliées, l'association suisse du tourisme étranger (Schweiz. Fremdenverkehrsverband), dont le siège est à Zurich, a développé les idées défendues par les partisans du nouvel article 23bis. Elle a toutefois ajouté, dans une lettre du 20 octobre 1934 à notre département de l'intérieur, que l'association des entreprises suisses de transport, qui appartient au même groupement, est en majorité opposée à l'initiative. Si la crainte de voir la circulation se détourner de plus en plus du rail au profit de la route a joué ici un rôle, nous devons faire observer que la diminution de trafic qui ne manquerait pas de se produire si l'on s'abstenait de développer le réseau routier -alpestre ne serait en tous cas pas compensée par une augmentation équivalente de l'activité des chemins de fer entrant en ligne de compte.

De fait, on entend depuis quelque temps exprimer la crainte que le trafic-route ne se détourne de la Suisse par suite de l'effort que font les Etats limitrophes dans le domaine des ponts et chaussées. Il est
incontestable que la France, l'Italie et l'Autriche, c'est-à-dire les pays alpestres qui nous avoisinent, ont fait beaucoup depuis ces dernières années et font beaucoup encore pour perfectionner leur réseau routier en montagne.

La France améliore ses routes entre le Léman et la Méditerranée; l'Italie a fait oeuvre remarquable dans les Dolomites, au Brenner, au Stelvio et sur les bords du lac de Garde ; l'Autriche améliore la route de l'Arlberg, elle a déjà modernisé la rampe nord du Brenner et travaille principalement maintenant à la construction d'une route du Grossglockner. Cependant, on semble à l'étranger, comme chez nous, ne pas perdre de vue lesnéces-

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sites financières. Tandis que la nouvelle route qui fait le tour du lac de Garde a été construite selon les conceptions les plus modernes, tant pour le tracé que pour le revêtement de la -chaussée, et mesure 6 à 8 mètres de largeur, selon les conditions du terrain, la nouvelle route des Dolomites, qui relie Toblach au lac de Misurina, a une chaussée utilisable de 7 mètres, et les anciennes routes améliorées, qui représentent de beaucoup la plus grande partie des travaux en question, sont larges de 5% ou 6 mètres; dans les Dolomites en outre, la chaussée des routes est, presque partout, sans revêtement; la roche calcaire de ces montagnes a livré en effet de tout temps un cailloutis qui assure de solides liaisons. Se révélera-t-il à la longue suffisant pour la circulation automobile ? C'est ce que l'avenir seul dira. Du reste, à ce que l'on apprend, la circulation semble jusqu'ici se porter de préférence sur les vieilles routes connues et non sur les voies récentes. En France, la route du Galibier, qui est un tronçon de la route des Alpes, a été pourvue d'une chaussée pour véhicules automobiles large de 5 mètres, avec « hérisson » sous-jacent; sur chaque côté court une piste d'un mètre de large dont la chaussée n'est pas renforcée et qui, par conséquent, n'est qu'exceptionnellement utilisable. Les autres cols de la route des Alpes ont des chaussées dont la largeur n'atteint en général pas 5 mètres et dont les passages étroits ne peuvent être franchis par les autocars qu'avec les plus grandes difficultés.

L'étranger est favorisé dans les constructions de routes par le fait que, chez lui les conditions naturelles ne contrarient pas en général le développement des voies alpestres comme en Suisse. Par exemple, les longues routes des Dolomites ont pu être pour la plupart construites sur des pentes faibles formées par les éboulis du calcaire, qui contrastent avec les massifs rocheux et crénelés des hauteurs; sur ces pentes douces, en terrain sûr, on peut se borner aux mesures ordinaires, et les travaux d'art coûteux tels que murs de soutènement et viaducs sont rarement nécessaires. De sérieuses difficultés techniques et par conséquent aussi financières entravent, en revanche, souvent la création d'artères modernes dans les vallées de nos Alpes, aux flancs souvent rocheux, souvent aussi formés d'éboulis
instables.

Dans ces conditions, on ne peut construire une chaussée solide qu'à grands frais, et il faut en outre opérer de soigneux drainages, si l'on veut éviter autant que possible les fâcheux effets des forts gels de l'hiver et des fréquentes variations du temps aux changements de saisons.

Néanmoins, la Suisse ne doit pas rester inactive. En développant de façon moderne les routes alpestres, et, au besoin, en ouvrant de nouveaux passages, notre pays pourra, comme il y est prédestiné par sa position au coeur de l'Europe, devenir pour le tourisme automobile aussi une plaque tournante, et dispenser à ses visiteurs, à un point que l'on chercherait vainement ailleurs, les plus pures joies que donne la nature. Ce faisant, il procurera un gagne-pain à de nombreux ressortissants, non seulement temporairement, grâce aux travaux aujourd'hui projetés, mais aussi de

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façon durable puisque l'on aura notamment à entretenir les ouvrages et que ceux-ci favoriseront le tourisme et la circulation.

Bornons-nous à relever, d'une manière générale, que, du point de vue de la défense nationale, plusieurs raisons plaident en faveur d'une amélioration du réseau de nos routes alpestres.

A cette amélioration, les cantons ont déjà considérablement travaillé, chaque année, et selon leurs moyens : on a en effet augmenté le rayon de nombreux tournants, aménagé des places de croisement, renforcé ou transformé des murs de soutènement comme l'exige l'emploi des véhicules modernes, adapté le revêtement des chaussées aux conditions de sécurité de la circulation, notamment dans les courbes dangereuses et sur les rampes rapides. Mais les mesures plus amples qui sont envisagées aujourd'hui, et dont l'exécution devra être accélérée dans les cas particulièrement importants, demandent un effort financier qu'on ne saurait attendre uniquement des cantons possédant des routes alpestres. La Confédération devra donc s'y intéresser spécialement.

5. Différents cantons ont déjà présenté aux autorités fédérales des projets de routes avant que fût lancée l'initiative concernant le réseau alpestre. En réponse à une question adressée en corrélation avec celle-ci par notre département de l'intérieur aux cantons de Berne, d'Uri, de Schwyz, d'Unterwald-le-Haut, de Glaris, de St-Gall, des Grisons, du Tessin, de Vaud et du Valais, nous avons reçu des indications plus précises à ce sujet. Nous avions demandé à ces cantons d'indiquer quelles routes de montagne avaient pour eux une importance particulière et pour quels tronçons il existait déjà des projets d'exécution.

En 1932 déjà, un comité d'action a saisi l'autorité fédérale d'un projet de route qui longerait la rive sud, ou éventuellement la rive nord, du lac de Wallenstadt ; le tracé sud, qui est principalement envisagé, exigerait une dépense d'à peu près 10 millions de francs. Le canton de Berne a, plusieurs fois déjà, dans les premières décennies de ce siècle et tout récemment encore, cherché à nous intéresser à la construction d'une route par le col du Susten. Les projets, assez anciens,.en présence desquels nous nous trouvons, devraient être adaptés aux conceptions modernes ; le coût d'une chaussée large de 6 mètres est évalué par les services
bernois à 15 ou 16 millions de francs. Voici des années qu'ont été soumis à l'administration fédérale les plans et devis d'une route du Pragel avec embranchement vers le Wäggital ; on est actuellement occupé à les remanier, après quoi le comité d'action nous les présentera de nouveau. Un comité d'initiative a, il y a peu de temps, déposé le projet détaillé d'une grande artère empruntant la rive gauche du lac des Quatre-Cantons. Enfin, il est question de relier le canton de Berne au Valais par une route franchissant le col du Rawil; elle a déjà été l'objet de discussions et de plusieurs publications.

Quoique l'initiative concernant les routes alpestres envisage uniquement l'amélioration de celles qui existent et non la création de nouvelles artères,

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nous avons estimé préférable de ne >pas aborder séparément les différents projets, et de chercher avant tout une solution de principe. C'est à ce but que tendait la question adressée par notre département de l'intérieur à plusieurs cantons alpins; elle vise en effet à compléter la vue d'ensemble de l'état actuel des problèmes posés.

Pour tous ces motifs, nous arrivons à la conclusion que l'initiative populaire qui vous est soumise doit être repoussée dans la forme présentée.

Il y a lieu, en revanche, de prendre en considération, dans un arrêté fédéral, l'idée dont elle est inspirée, c'est-à-dire la nécessité de favoriser dans une plus large mesure le développement de nos routes alpestres.

ni.

Déjà lorsqu'il a traité les questions en corrélation avec l'arrêté fédéral du 21 septembre 1928, concernant l'octroi de subventions fédérales aux cantons pour les routes ouvertes aux automobiles, notre département de l'intérieur a favorisé autant que faire se pouvait les travaux en montagne.

Comme nous l'avons dit plus haut, les autorités cantonales ont beaucoup fait en ce domaine depuis lors. Mais la largeur de 6 mètres ou de 6 mètres et demi que doivent avoir maintenant les routes servant à la circulation des grands autocars n'a pu jusqu'ici, dans les Alpes, être donnée qu'à de rares tronçons.

En outre, une chaussée sans poussière est, sur les fortes côtes, particulièrement difficile à entretenir, parce que les goudronnages se polissent vite et, par conséquent, deviennent dangereux en temps humide ; d'autre part, les pavages de première qualité et les revêtements semblables en pierre sont très coûteux. Toutefois, à cet égard aussi, l'on note des progrès qui méritent d'être appréciés.

Les réponses faites à la question posée le 18 septembre 1934 par notre département de l'intérieur nous ont appris entre autres que les projets établis par les cantons en vue de l'amélioration et de la transformation de tronçons de routes alpestres et de leurs voies d'accès comportent une dépense de 27 millions. Il en sera élaboré d'autres encore, qui seront terminés ce printemps ou au plus tard dans le courant de 1935. Ainsi sont déjà prises toutes les dispositions pour permettre- d'entreprendre les travaux sans retard sur une grande échelle.

En ce qui concerne quelques-uns des projets d'élargissement, par exemple celui de la route Coire-Lenzerheide-Julier-Castasegna, on a largement tenu compte de la possibilité d'occuper des chômeurs et de fournir du travail d'hiver aux populations des hautes vallées.

Comme nous l'avons déjà exposé, les travaux devront être effectués en collaboration entre la Confédération et les cantons, ces derniers jouant le rôle d'entrepreneurs. Cette manière de procéder a reçu l'adhésion des autorités cantonales.

L'inspection fédérale des travaux publics a, dans le courant de 1933 déjà, pris contact avec les services techniques des cantons afin d'étudier

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les moyens de procéder rationnellement. Les personnalités compétentes ont estimé toutefois qu'il n'était pas possible de lancer des masses d'ouvriers improvisés à la construction de routes, notamment en montagne. Encombrer les chantiers de travailleurs inexpérimentés ne serait en effet profitable ni à l'entreprise, ni à l'économie nationale.

Dans les milieux d'où est partie l'initiative, on parlait tout d'abord d'une dépense de 200 millions de francs; cette évaluation n'a toutefois pas été reprise dans le mémoire officiel. La commission des routes alpestres constituée par l'association des professionnels de la route arrive dans ses calculs à un total de 96 millions de francs, mais sans faire entrer en ligne de compte aucun nouveau tronçon ni aucune nouvelle artère et sans tenir compte non plus de toutes les routes de montagne que, dans d'autres milieux, on mettait au premier plan. Ce chiffre de 96 millions repose sur des estimations sommaires et ne doit être pris en considération qu'à ce titre.

L'inspection fédérale des travaux publics estime, en se fondant sur les pourparlers auxquels elle a pris part, qu'une somme de 10 à 12 millions de francs -- celle que nous avons déjà indiquée dans notre message du 9 octobre 1934 sur l'emploi des chômeurs -- pourrait être dépensée chaque année sur les différentes routes alpestres pour le plus grand profit de la circulation, mais qu'elle représente le maximum d'un programme rationnel.

Si l'on tient compte de la contribution des cantons, la dépense ainsi demandée à la Confédération serait de 6 à 7 millions de francs par an. C'est seulement après le premier exercice que l'on sera en mesure de déterminer plus exactement ce que peut embrasser le programme d'une année.

On a enfin cherché à échelonner les travaux, d'après les sommes disponibles, pour les routes que les techniciens ont en vue. On calcule ainsi qu'il serait peut-être possible d'exécuter dans l'espace d'une dizaine d'année le programme complet, augmenté de deux nouveaux passages des Alpes, ce qui porterait le total des frais de 96 à 120 millions de francs.

Procéder de la sorte aurait toutefois de sérieux inconvénients. Si l'on assignait, en effet, à tous les travaux envisagés une place dans un programme de dix ans, il ne serait sans doute plus apporté d'amélioration à l'état ou au tracé des routes
dont il a été pris note pour plus tard, et l'entretien aussi aurait à en pâtir. En outre, les autorités locales seraient sans doute peu satisfaites de la longue attente qu'on leur imposerait. D'autre part, une concentration des travaux ordonnée par les autorités fédérales, même si elle était inévitable, donnerait lieu à bien plus de réclamations que si les cantons disposaient librement en pareille matière, c'est-à-dire passaient à l'exécution dans la mesure où ils seront prêts.

Arrêter en détail un programme pour un avenir qui nous échappe encore ne paraît donc pas être la bonne méthode. L'expérience démontrera sans doute qu'il est bien préférable de prêter aux cantons une aide qui puisse être adaptée aux conditions du moment, les services fédéraux veillant en même temps à une exécution uniforme de la tâche à accom-

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plir sur des emplacements si dispersés et au judicieux emploi des ressources disponibles.

L'allocation annuelle de 7 millions de francs au maximum, jointe à ce que paieront les cantons, suffira; elle permettra à la Confédération de contribuer aux dépenses probables pour les deux tiers.

Dans les circonstances actuelles, les cantons qui auraient à soumettre des propositions au Conseil fédéral ne sauraient, pas plus que les organes de la Confédération, arrêter pour une série d'années à l'avance leurs projets et les mesures d'exécution. Il est donc indiqué de ne demander rétablissement de programmes que pour une année ; ces programmes devront, bien entendu, pouvoir être opportunément rangés dans un ensemble de travaux à prévoir pour plus tard et à désigner de façon générale. Ainsi l'on écartera provisoirement les entreprises au sujet desquelles on n'est pas encore au clair et il pourra sans doute être tenu compte de la plupart des propositions faites par les cantons. Le Conseil fédéral établirait alors le programme dans les limites des ressources disponibles; on devrait en cela prendre soin que le développement et l'amélioration des routes alpestres les plus importantes s'opèrent autant que possible d'une manière ininterrompue.

Les 'profils normaux à adopter par les routes dont il s'agit ont été établis d'un côté par l'association des professionnels de la route, de l'autre par la société des routes automobiles suisse. Des divergences de vue subsistent encore entre les techniciens au sujet de la largeur des artères, et l'on envisage des dispositions exceptionnelles qui pourraient s'imposer en certains cas; ces questions seront tranchées lors de l'élaboration et de l'approbation des divers projets.

En ce qui concerne les routes d'une largeur à peu près suffisante, on aura intérêt à subventionner la construction d'un revêtement sur lequel ne se forme pas de poussière, éventuellement sans modification de la chaussée, si, de la sorte, la démolition et la reconstruction de coûteux ouvrages d'art peuvent être évitées ou ajournées. Quant aux réparations nécessaires, il sera bon d'exiger qu'elles s'étendent en chaque cas à une longueur d'au moins un kilomètre, afin qu'elles ne mettent pas trop à contribution les crédits dont on dispose, que les agents de surveillance n'aient pas à leur consacrer trop de
temps, et que l'amélioration dont il s'agira ait sans exception, pour le trafic aussi, une valeur sensible.

Il y a lieu de se demander si, outre la transformation de nos routes alpestres, l'on ne doit pas entreprendre et subventionner la construction de routes complètement nouvelles pour le 'passage, des cols et pour le grand transit. Comme nous l'avons déjà dit, des projets ont été établis en vue de la création d'une route en bordure du lac de Wallenstadt et d'une autre sur la rive gauche du lac des Quatre-Cantons. Le projet détaillé d'une route du Susten a été présenté au Conseil fédéral il y a plusieurs années, et divers milieux bernois témoignent de nouveau d'un intérêt particulier

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pour l'amélioration de ce passage. Outre ces trois nouvelles voies de communication, mentionnons la route du Pragel et du Wäggital, dont les plans et devis ont été déjà établis autrefois et déposés avec une demande de subvention. Enfin, l'on songe à la construction d'une route du Sanetsch ou du col du Rawil. Les propositions, comme l'on voit, ne manquent pas. Les auteurs de la présente initiative, nous l'avons déjà fait remarquer, ne font nulle mention de ces divers projets; mais il n'en reste pas moins possible d'envisager par la suite la création d'artères sur la base de l'arrêté fédéral proposé.

Par ces motifs, il sera nécessaire d'examiner ensemble toutes les demandes relatives à la construction et à l'amélioration de routes et d'arrêter, dans les limites des possibilités, les travaux qui devront être exécutés chaque année.

Nous pensons qu'à côté des réfections, on pourra chaque année opérer la construction d'une et peut-être de deux nouvelles routes si les crédits sont alloués, de la manière et dans la mesure que nous avons vues plus haut. Après la première année de travaux, le Conseil fédéral sera à même de juger jusqu'où il peut aller dans l'aide à prêter pour de telles entreprises.

Pour assurer le développement de nos routes alpestres -- nous entendons un développement méthodique et à effets durables -- il faut non seulement que l'exécution soit réglée par les services fédéraux, mais aussi que les subventions soient versées au vu de comptes détaillés, comme c'est le cas pour les corrections de cours d'eau, ainsi que pour les subventions accordées aux constructions de route en vertu de l'article 23 de la constitution.

En ce qui concerne le calcul de ces subventions, il y a lieu de retenir encore ce qui suit.

Actuellement déjà, les cantons ont'droit à la répartition ordinaire du quart des droits sur la benzine pour toutes les dépenses afférentes, aux routes et par conséquent aussi pour la réfection des routes alpestres, de sorte que, finalement, la Confédération prendra à sa charge de 70 à 72 pour cent environ du coût des travaux. Il n'est pas tenu compte, dans ces chiffres, de la partie des droits sur la benzine qui est répartie selon un facteur constant, c'est-à-dire proportionnellement à la longueur des routes existantes.

La mesure exacte dans laquelle la subvention provenant des
droits sur la benzine augmentera la contribution financière de la Confédération au développement du réseau alpestre dépendra d'un côté des dépenses que feront à l'avenir les cantons pour leurs ponts et chaussées, de l'autre côté, du produit des droits en question. Les « suppléments » (allocations extraordinaires), prévus à l'article 3, dernier alinéa, de l'arrêté fédéral du 21 septembre 1928 n'ont pas été pris en considération dans notre évaluation des pour-cent généraux ; ils ne modifieraient que peu ces derniers, pour ce qui est des travaux d'une certaine ampleur.

Ainsi les cantons seront sans doute à même de présenter dans un ordre rationnel les projets de construction ou de réfection, de sorte que les subventions pourront être .versées à peu près au fur et à mesure de l'exécution des travaux.

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Celle-ci terminée sur une route ou un tronçon, les autorités cantonales se chargeront à leurs frais de l'entretien et des améliorations nouvelles.

IV.

Vu les considérations qui précèdent, nous vous prions d'adopter les deux arrêtés fédéraux que nous vous soumettons en annexe.

Le premier, qui concerne l'initiative populaire pour l'introduction d'un article 23 fer dans la constitution fédérale (amélioration des routes alpestres et de leurs voies d'accès), invite le peuple à rejeter cet article.

Le second arrêté règle la façon dont sera résolu pratiquement le problème posé par les auteurs de l'initiative. Notre proposition a été déjà motivée dans ses principes au cours du présent rapport. Il ne nous reste qu'à commenter les articles 9 et 10.

L'article 9 dispose que les sommes voulues seront fournies par la perception d'un droit de douane supplémentaire sur la benzine. Nous nous sommes abstenus de dire quel devrait être le montant de ce droit, car, ainsi que vous le savez, nous comptons vous indiquer dans un projet distinct toutes les mesures qui semblent nécessaires pour faire face aux dépenses nouvelles et assurer l'équilibre budgétaire de la Confédération.

C'est pourquoi nous renonçons à nous étendre davantage ici sur la couverture financière. Nous nous bornerons pour l'instant à constater que la Confédération ne pourra entreprendre de favoriser l'amélioration des routes alpestres tant qu'elle ne sera pas assurée de disposer des ressources nécessaires.

Par ce qui vient d'être dit, nous avons aussi motivé la réserve faite à l'article 10, chiffre 1. Etant donné que nous sommes en présence d'une initiative populaire qui a pour objet la même question que l'arrêté fédéral proposé par nous, l'entrée en vigueur de ce dernier doit être subordonnée à une seconde condition: d'après le chiffre 2 de l'article 10, il faut que l'initiative portant insertion d'un article 23fer dans la constitution fédérale ait été abandonnée ou repoussée par le peuple ou les Etats. Si elle était acceptée par la majorité des votants et des cantons, l'arrêté concernant l'amélioration des routes alpestres se trouverait de ce fait nul et non avenu.

Nous concluons en vous proposant d'approuver les deux projets dont le texte est reproduit ci-après.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 26 février 1935.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, R. MUNGER.

Le chancelier de la Confédération, G. BOVËT.

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(Projet I.)

Arrêté fédéral concernant

la demande d'initiative populaire pour l'introduction d'un article 23ferdans la constitution fédérale (développement des routes alpestres et de leurs voies d'accès).

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu la demande d'initiative pour l'introduction d'un article 23fer dans la constitution fédérale (développement des routes alpestres et de leurs voies d'accès) et le rapport du Conseil fédéral du 26 février 1935; vu les articles 121 et suivants de la constitution et les articles 8 et suivants de la loi fédérale du 27 janvier 1892 concernant le mode de procéder pour les demandes d'initiative populaire et les votations relatives à la revision de la constitution fédérale, arrête. :

Article premier.

Est soumis à la votation du peuple et des cantons le projet tendant à reviser la constitution conformément à la demande d'initiative ci-dessus mentionnée, lequel est rédigé en ces termes: « En vertu de l'article 121 de la constitution fédérale, les électeurs soussignés demandent l'insertion dans la constitution fédérale de la disposition suivante: Art. 23ter.

1 « La Confédération assure le développement des principales routes alpestres utilisées par les voyageurs et les touristes, ainsi que de leurs voies d'accès. .

« Les frais de construction sont à la charge de la Confédération-

262

«Les cantons intéressés peuvent être tenus de verser des contributions convenables.

« L'entretien des routes incombe aux cantons. La Confédération dispose librement d'une somme de vingt millions de francs, à prélever sur les droits de douane dus par les carburants nécessaires à la propulsion des véhicules routiers. La moitié du montant dépassant cette somme est mise à la disposition des cantons pour leurs dépenses routières; l'autre moitié est affectée au développement des routes alpestres et de leurs voies d'accès.

« 2 Un arrêté fédéral réglera les détails. »

Art. 2.

Le peuple et les cantons sont invités à rejeter la demande d'initiative.

Art. 3.

Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution du présent arrêté.

263

(Projet II.)

Arrêté fédéral concernant

l'amélioration et le développement du réseau routier dans les Alpes.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu les articles 23 et 376i,s de la constitution; vu le rapport du Conseil fédéral du 26 février 1935, arrête :

Article premier.

1

En vue d'encourager le tourisme et de remédier au chômage, la Confédération prête temporairement son appui financier à l'amélioration des routes dans la région des Alpes et à leur adaptation aux exigences du trafic automobile.

2 A cette même fin, la Confédération subventionne aussi la construction de nouvelles routes pour automobiles dans la région des Alpes.

Art. 2.

Ne sont visées par les dispositions du présent arrêté que les routes dont l'amélioration ou la construction ont une importance essentielle pouir le grand trafic ou pour l'encouragement du tourisme.

Art. 3.

1

Les cantons qui, sur la base des dispositions du présent arrêté, demandent une subvention fédérale doivent envoyer au Conseil fédéral chaque année, jusqu'au 1er mai, les plans et programmes de construction de l'année suivante, accompagnés de devis.

264 2

Les plans et programmes de construction doivent être soumis à l'approbation du Conseil fédéral.

3 L'exécution des travaux incombe aux cantons.

4 La protection des sites sera assurée dans toute la mesure possible.

Art. 4.

1

La subvention que la Confédération accorde aux cantons, en vertu de l'article premier, pour les dépenses de construction effectives ne doit pas excéder deux tiers de la dépense maximum prévue dans les devis approuvés.

2 Le Conseil fédéral peut exceptionnellement dépasser ce taux lorsque l'amélioration ou la construction d'une route mettrait à contribution d'une manière excessive les ressources des cantons, même avec la subvention maximum de la Confédération.

3 Le Conseil fédéral peut subordonner l'octroi de la subvention à des conditions spéciales.

Art. 5.

La part du coût des travaux restant à la charge des cantons peut être portée en compte pour la répartition du produit des droits de douane sur la benzine selon l'arrêté fédéral du 21 septembre 1928.

Art. 6.

L'entretien des routes incombe aux cantons.

Art. 7.

1

La somme des subventions accordées en vertu du présent arrêté pourra atteindre annuellement sept millions de francs au maximum.

2 Si les subventions demandées par les cantons dépassent le crédit annuel, le Conseil fédéral, après avoir entendu les cantons intéressés et en tenant compte de l'importance des routes à construire et des disponibilités de main-d'oeuvre, décidera dans quel ordre seront effectués les travaux et seront allouées les subventions.

3 Si le crédit afférent à une année n'est pas épuisé, le solde pourra être employé à la création d'un « fonds des routes alpestres ». Les ressources de ce fonds serviront à couvrir les dépenses des années ultérieures. Le fonds ne porte pas d'intérêts.

Art. 8.

Le présent arrêté a une validité de dix ans.

265

Art. 9. .

Afin de couvrir les crédits accordés au Conseil fédéral en vertu du présent arrêté, il sera perçu un droit de douane supplémentaire sur la benzine.

Art. 10.

1

Le présent arrêté n'est pas d'une portée générale. Il entrera en vigueur lorsque 1° les mesures financières prévues à l'article 9 seront entrées en vigueur ; 2° l'initiative populaire pour l'introduction d'un article 23 ter dans la constitution fédérale concernant le développement des routes alpestres et de leurs voies d'accès aura été retirée, ou repoussée par le peuple ou par les Etats.

2 Le Conseil fédéral est chargé de son exécution.

Feuille fédérale. 87e année. Vol. I.

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RAPPORT du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur l'initiative populaire pour le développement des routes alpestres et de leurs voies d'accès (article 23ter de la constitution fédérale). (Du 26 février 1935.)

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