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XXXVIIme année. Vol. III. Ne 30.

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Samedi 4 juillet 1885

Loi fédérale concernant

la surveillance des entreprises privées en matière d'assurance.

(Du 25 juin 1885.)

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE de la C O N F É D É R A T I O N SUIS SE, en exécution de l'article 34, alinéa 2, de la constitution fédérale ; vu les messages du conseil fédéral en date des 13 janvier et 6 mars 1885, décrète :

Art. 1er. La surveillance de l'exploitation des entreprises privées en matière d'assurance, attribuée à la Confédération par l'article 34, alinéa 2, de la constitution fédérale, est exercée par le conseil fédéral. Sont soumises à cette surveillance toutes les entreprises privées en matière d'assurance qui veulent opérer en Suisse.

La présente loi n'est pas applicable aux associations dont le champ d'exploitation est localement restreint, telles que les caisses de secours en cas de maladie, de décès, etc.

Feuille fédérale suisse. Année XXXVII. Vol III.

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Reste réservé aux cantons le droit d'édicter des prescriptions de police en matière cftssurance contre l'incendie, ainsi que de faire contribuer d'une manière équitable les compagnies d'assurance contre l'incendie aux frais nécessités par la police du feu et le service de sûreté contre l'incendie.

Il y a recours au conseil fédéral contre les impositions de cette nature.

Demeurent également réservées les dispositions législatives des cantons relatives aux entreprises d'assurance cantonales.

Art. 2. Pour pouvoir exercer leur industrie' en Suisse, les entreprises privées doivent remplir les conditions ci-après.

1. Elles doivent soumettre au conseil fédéral les documents officiels indiquant les bases fondamentales, ainsi que les conditions générales d'assurance de l'entreprise; si elles ont déjà fait des opérations d'assurance avant l'entrée en vigueur de la présente loi, elles auront à lui fournir en outre les données nécessaires sur leur situation antérieure, dans le sens des articles 5 à 8 (statuts, prospectus, tarifs, comptes rendus, comptes annuels, etc.).

Les données concernant les bases fondamentales. et les conditions générales de l'assurance doivent, en particulier, indiquer exactement: a. pour les entreprises par actions : le nombre et le capital des actions souscrites, le montant des versements effectués sur celles-ci, et quelles sont les prescriptions en vigueur concernant la responsabilité ultérieure des actionnaires ; 1). pour les entreprises d'assurance mutuelle : s'il existe un capital de fondation, et quelles sont les dispositions de détail qui le régissent ; si les assurés ou les personnes qui ont conclu une assurance sont responsables pour le total des pertes de l'exercice annuel, et dans quelle mesure.

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2. Doivent en outre être portés à la connaissance du conseil fédéral : a. de la part des entreprises d'assurance sur la vie : les tables de mortalité, le taux d'intérêt et les primes nettes, avec indication des suppléments ou de tout autre mode usité pour couvrir les frais d'administration et d'exploitation ; les bases et la méthode du calcul de la réserve, ainsi que la méthode de report des primes ; 6. de la part des entreprises d'assurance contre les accidents : les bases techniques, d'une manière générale l'étendue et le mode de la responsabilité (capital, rentes), la méthode de calcul de la réserve pour rentes dues, pour des sinistres annoncés, mais non encore liquidés, et des reports de primes pour assurances non encore échues ; c. de la part des entreprises d'assurance contre l'incendie et la grêle, de transports et autres compagnies contre les avaries subies par des choses : les principes appliqués pour le calcul de la réserve relative aux dommages déjà connus, mais non encore complètement liquidés à la fin de l'exercice, de même que les reports de primes pour assurances non encore échues et pour primes versées à l'avance.

3. Les entreprises étrangères doivent en outre : a. fournir la preuve qu'elles peuvent, à leur siège social, acquérir des droits et contracter des obligations en leur propre nom ; &. désigner un domicile principal en Suisse et un mandataire général ; de plus, produire une copie de la procuration générale donnée à ce dernier.

4. Toutes les entreprises d'assurance privées sont tenues d'élire, dans chaque canton où elles opèrent, un domicile juridique auquel elles peuvent être actionnées, aussi bien

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qu'à leur domicile principal en Suisse, pour toutes les actions se fondant sur des contrats d'assurance passés avec des personnes habitant le canton, à moins que le contrat ne détermine comme for le domicile du demandeur.

Pour les actions résultant de contrats d'assurance contre l'incendie, le demandeur peut, en outre, invoquer le for du lieu où la chose est située.

Elles sont tenues de s'acquitter de toutes leurs obligations au domicile de l'assuré, à moins que le contrat ne prévoie comme lieu d'exécution le domicile cantonal de l'entreprise.

Les clauses du contrat d'assurance qui dérogeraient à ces dispositions sont nulles.

5. Les entreprises d'assurance privées doivent fournir au conseil fédéral un cautionnement dont il fixera le montant.

Art. 3. Le conseil fédéral, sur le vu des documents produits et, le cas échéant, d'après les autres renseignements de fait recueillis par lui, prononce sur les demandes d'autorisation d'exploitation qui lui sont soumises.

Il est entièrement interdit aux entreprises privées de traiter des affaires d'assurance en Suisse sans avoir obtenu l'autorisation du conseil fédéral. Sont réservées les dispositions transitoires renfermées à l'article 14.

Art. 4. Si, dans la suite, les circonstances énumérées à l'article 2, chiffres 1 à 3 ci-dessus, subissent des modifications, le conseil fédéral devra en être informé immédiatement.

Art. 5. Toute entreprise d'assurance privée doit présenter chaque année au conseil fédéral, dans le délai de six mois après l'expiration de l'exercice, son compte rendu, lequel devra contenir, pour chaque branche principale d'assurance (vie, accidents, incendie, transport, etc.) et, en ce qui concerne l'assurance sur la vie, pour chaque mode d'assurance :

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1. l'état de l'assurance au commencement de l'exercice ; 2. pour l'assurance sur la vie, l'augmentation et les sorties volontaires (renonciation, échéance, rachat, etc.) pendant l'exercice, et, pour les autres branches d'assurance, les sommes ou les engagements assurés correspondant à l'encaissement des primes de l'exercice ; 3. le nombre des sinistres survenus pendant l'exercice, ainsi que les sommes payées ou réservées à cet effet, et, pour l'assurance sur la vie, le rapport des décos avec la mortalité probable ; 4. l'état de l'assurance à la fin de l'exercice, ainsi que l'extension territoriale de l'exploitation de l'assurance ; 5. les données concernant la réassurance, à savoir si et dans quelle mesure l'entreprise a donné en réassurance de ses propres risques et, en outre, si et dans quelle mesure elle s'est chargée des réassurances d'autres entreprises.

Art. 6. Avec le compte rendu doit être présenté le compte annuel, lequel doit contenir : 1. toutes les recettes et dépenses de l'année, dans lesquelles chaque branche d'assurance et, dans celle sur la vie, chaque mode de contrat doivent figurer séparément ; en particulier doivent être spécifiés : a. le montant des sommes perçues en primes, intérêts et divers ; &. le montant des sommes dépensées pour restitution de primes, réassurances, pertes, provisions, frais d'administration et autres ; 2. le bilan arrêté à la fin de l'exercice, lequel portera en particulier : a. sous la rubrique passif: les réserves pour chaque branche d'assurance et, dans la branche vie. pour ses divers modes, séparément; les reports de primes doivent être portés distinctement ;

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6. sous la rubrique actif: les immeubles, les placements de capitaux et titres, d'après leurs espèces et leur évaluation ; les frais d'organisation et leur mode d'amortissement, pour autant qu'ils figurent dans l'actif; ce qui est dû par les agences ; à cet égard, il faut distinguer le solde de compte réel, provenant d'encaissement de primes, du montant des provisions qui peut figurer à titre de créance, sous la rubrique amortissement.

Les bilans des entreprises seront publiés dans la feuille officielle suisse du commerce.

Les entreprises d'assurance qui, à teneur de leurs statuts, n'établissent pas de bilan chaque année, peuvent obtenir du conseil fédéral des délais plus espacés pour la présentation du bilan.

Art. 7. En même temps que le compte général annuel, devront ótre communiqués, également d'après les différentes branches d'assurance et, pour l'assurance sur la vie, d'après ses divers modes : 1. les assurances en cours au commencement et à la fin de l'exercice, pour autant qu'elles proviennent d'affaires conclues en Suisse ; 2. les primes perçues en Suisse dans le courant de l'exercice ; 3. les sommes assurées échues en Suisse dans le courant de l'exercice.

Les données fournies conformément aux chiffres 2 et 3 doivent être établies de façon à indiquer les résultats obtenus dans chaque canton en particulier.

Art. 8. Les entreprises d'assurance et leurs mandataires généraux (art. 2 , chiffre 3 6) doivent en outre, à réquisition, donner d'ultérieures informations au conseil fédéral

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sur toutes les branches de l'administration et produire leurs livres, contrôles, etc.

Art. 9. Le conseil fédéral prend en tout temps les décisions qui lui paraissent nécessaires dans l'intérêt général et dans celui des assurés.

Dès que la situation d'une entreprise n'offre plus aux asssurés la garantie nécessaire et que, dans le délai fixé, l'entreprise n'apporte pas à son organisation ou à sa gestion les modifications réclamées par le conseil fédéral, ce dernier lui interdira de faire de nouvelles opérations.

En cas de retrait de l'autorisation fédérale ou de renonciation par l'entreprise, le cautionnement ne sera restitué que lorsque l'entreprise prouvera qu'elle a liquidé tous ses engagements en Suisse et après une publication faite à trois reprises dans le délai de six mois, aux frais de l'entreprise et dans les feuilles que le conseil fédéral désignera. Les intéressés devront annoncer leur opposition au conseil fédéral dans les délais fixés par la publication, et le cautionnement ne sera rendu qu'en l'absence d'oppositions ou lorsque cellesci auront été liquidées, soit à l'amiable, soit par sentence du juge.

Art. 10. Le conseil fédéral a le droit de prononcer des amendes de 1000 francs au maximum contre les entreprises ou leurs représentants qui contreviendraient aux décisions et ordonnances (articles 9 et 15) adoptées par lui.

Art. 11. Seront traduits d'office, ou ensuite de plainte, devant les tribunaux cantonaux : 1. les personnes qui exploitent sans autorisation, en Suisse, des entreprises d'assurance ou qui y prêtent leur concours ; 2. les directeurs, mandataires généraux et agents responsables d'une entreprise d'assurance qui, dans les exposés, documents à l'appui ou informations qu'ils sont tenus de fournir au conseil fédéral, exposent fausse-

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ment ou cachent la situation d'affaires de l'entreprise, ou qui publient des communications contraires à la vérité (prospectus, etc.).

Les contrevenants seront passibles d'une amende pouvant s'élever à 5000 francs ou d'un emprisonnement jusqu'à six mois. L'amende peut aussi être cumulée avec l'emprisonnement jusqu'au chiffre ci-dessus.

Le jugement du tribunal peut interdire, à ceux qui se rendent coupables de contraventions à la présente loi, toute activité ultérieure sur le territoire suisse en matière d'affaires d'assurance. Les amendes prononcées en application de cet article échoient aux cantons.

Le tribunal communiquera au conseil fédéral une expédition du jugement.

Les parties peuvent recourir au tribunal fédéral contre les décisions prises par les tribunaux cantonaux en application du présent article.

Sont applicables à ces recours les dispositions de la loi fédérale du 30 juin 1849 sur le mode de procéder à la poursuite des contraventions aux lois fiscales et de police de la Confédération.

Les délits qui ne tombent pas sous le coup des chiffres 1 et 2 du présent article seront jugés d'après les dispositions pénales du canton respectif.

Art. 12. Le conseil fédéral publie chaque année un rapport détaillé sur la situation des entreprises d'assurance soumises à sa surveillance.

Le conseil s'adjoint le personnel nécessaire en vue de l'exécution de la présente loi. Il est prélevé sur les entreprises, proportionnellement au chiffre des primes perçues annuellement par elles en Suisse, une contribution à déterminer par le conseil fédéral à titre d'émolument et de frais d'administration. Cette contribution ne pourra pas dépasser un pour mille.

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Art. 13. Les tribunaux prononcent sur toutes les contestations de droit privé qui s'élèvent entre les entreprises ou entre celles-ci et les assurés ou les personnes qui ont conclu une assurance -- et cela même en cas de retrait de la concession.

Art. 14. Les entreprises d'assurance privées qui ont déjà fait des opérations en Suisse et qui ont l'intention de les continuer sont tenues de présenter au conseil fédéral, dans le délai de six mois après la mise en vigueur de la présente loi, les justifications requises à l'article 2 ci-dessus.

Jusqu'à ce que le conseil fédéral ait statué sur la demande en autorisation de continuer l'exploitation, les concessions cantonales accordées jusqu'ici, ainsi que les lois et ordonnances cantonales qui y ont rapport, demeurent applicables aux entreprises d'assurance privées.

Cette disposition est également applicable au cas où le conseil fédéral refuserait l'autorisation demandée ou lorsqu'une entreprise, ne s'étant pas pourvue de l'autorisation fédérale, se bornerait à l'exécution des contrats passés par elle avant l'entrée en vigueur de la présente loi.

Art. 15. Sous réserve des dispositions de l'article précédent, les lois et ordonnances cantonales en opposition avec la présente loi fédérale sont abrogées à partir de la mise en vigueur de celle-ci.

Il est interdit en conséquence aux cantons, à partir du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, d'accorder, à des entreprises d'assurance privées, des concessions d'exploitation sur leur territoire, de prolonger des concessions existantes ou de subordonner l'exploitation de ces entreprises à des conditions particulières, au versement d'un cautionnement ou au paiement de taxes spéciales. Par contre, il est réservé aux cantons d'assujettir les entreprises en question, leur mandataire général et leurs agents aux impôts et contributions ordinaires.

424 Art. 16. Le conseil fédéral est chargé de l'exécution de la présente loi. Il édictera à cet .effet les règlements nécessaires.

Art. 17. Le conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant la votation populaire sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier la présente loi et de .fixer l'époque où elle entrera en vigueur.

Ainsi décrété par le conseil des états, Berne, le 23 juin 1885.

Le président : E. ZWEIFEL.

Le secrétaire: SCHATZMANN.

Ainsi décrété par le conseil national, Berne, le 25 juin 1885.

Le président : A. BEZZOLA.

Le secrétaire : RINGIER.

Le conseil fédéral arrête : La loi fédérale ci-dessns sera publiée dans la feuille fédérale.

Berne, le 30 juiin 1885.

Au nom du conseil fédéral suisse, Le vice-président : DEUCHER.

Le chancelier de la Confédération: RINGIER.

NOTE. Date de la publication : 4 juillet 1885.

Délai d'opposition: 2 octobre 1885.

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Loi fédérale concernant la surveillance des entreprises privées en matière d'assurance. (Du 25 juin 1885.)

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