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Message du

conseil fédéral à l'assemblée fédérale concernant l'entretien de la station météorologique du Säntis par la Confédération et l'augmentation correspondante du crédit total alloué à la station centrale de météorologie.

(Du 6 mars 1885.)

Monsieur le président et messieurs, La station météorologique du Säntis dont la haute importance scientifique est généralement reconnue aujourd'hui, en Suisse comme à l'étranger, doit son origine au voeu émis par le second congrès international de météorologie. Voici comment s'exprime à ce sujet le rapport de la direction de la station centrale de météorologie suisse, publié au mois d'octobre dernier.

<* Dès le commencement de la période décennale de 1860 à 1870, lors de l'organisation des observations météorologiques par la société des sciences naturelles, la commission météorologique instituée à cet effet avait prévu dans son programme l'établissement d'une station de montagne aussi complète que possible et munie d'instruments pour l'enregistrement; en premier lieu, on avait en vue le Faulhorn, plus tard l'hospice du Gothard. Mais des difficultés de tout genre, parmi lesquelles il faut compter surtout les frais considérables, empêchèrent l'exécution du projet qui fut rélégué à l'arrière-plan jusqu'en avril 1879, époque de la réunion du second congrès international de météorologie, tenu à Home, où fut traitée la question si importante des observations sur les hautes montagnes. M. Hann, directeur de la station centrale de météorologie, à Vienne, avait été chargé de présenter an congrès un rapport et des propositions sur cet objet. La seconde de ces propositions était ainsi conçue :

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« Le congrès estime qu'il est d'importance toute particulière pour la météorologie d'établir sur certains sommets de montagnes dominantes quelques observatoires munis d'instruments complets, et de faire imprimer dans toute leur extension les résultats des observations recueillies dans ces stations, afin de les mettre à la portée de tous les météorologues et de pouvoir en faire usage pour la solution des problèmes qui pourraient surgir au présent et à l'avenir. » Plus loin, M. Hann fait la proposition spéciale suivante : 4* Le congrès estime qu'il serait particulièrement désirable d& créer un observatoire sur la cime de l'âne des montagnes de la Suisse et se déclare disposé à soutenir au moyen de subsides internationaux la création et l'entretien d'un observatoire de ce genre en Suisse, attendu que ce pays possède déjà depuis nombre d'années le réseau le plus complet de stations élevées, qu'il publie depuis 1863 avec la plus grande libéralité les observations recueillies dans ces stations et qu'il les distribue aux météorologues. » « On voit par ces propositions que les personnes compétentesattachent une importance toute spéciale à ce que la Suisse possède une station de montagne complète, et qu'elles sont disposées à lui allouer dans ce but une subvention internationale. Il est clair qui?

cette dernière proposition n'aurait pu être adoptée que pour le cas où le congrès aurait décidé de créer un fonds ou des subsides internationaux destinés à soutenir certaines entreprises météorologiques. Malheureusement, il n'en a pas été ainsi, quelques membres du congrès ayant déclaré formellement que leurs gouvernements refuseraient catégoriquement d'accorder des subventions internationales de ce genre. Le congrès n'a donc pu faire autre chose que de recommander chaudement aux divers états la création de stations de montagne. Voici la décision qu'il a prise relativement à la Suisse : ,, Le congrès recommande à la société helvétique des sciences naturelles de faire son possible pour la création d'un observatoire sur l'une des hautes sommités de la Suisse. " « La commission météorologique de la société des sciences naturelles, encouragée par cette décision, a repris l'affaire en mains.

Dans sa séance du 29 février 1880 et basée sur le rapport do M. B. Billwiller, qui avait procédé au mois d'août 1879, de concert
avec M. le directeur' Hann, à une inspection du sommet dit Santis et des localités disponibles, elle a désigné ce point comme le plus favorable pour l'établissement d'une station météorologique, attendu qu'il est considérablement élevé et en même temps si découvert et d'un accès relativement si facile, qu'on n'en trouverait

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pas dans toutes les Alpes un second offrant les mêmes avantages.

La commission a dû renoncer tout d'abord à construire un observatoire proprement dit, en raison des frais considérables qui en seraient résultés, et elle s'est contentée d'aménager les locaux disponibles de façon à garantir la valeur des observations. Môme en se bornant à cela, elle n'a obtenu qu'à grand'peine les moyens financiers nécessaires; car la subvention annuelle de 3000 francs qui lui était allouée par la Confédération avait été absorbée entièrement par le réseau déjà existant. Dans un premier devis, les frais d'établissement de la station furent fixés à 5000 francs, ceux ponr Ja communication télégraphique, jugée absolument nécessaire, à 3000 francs «t enfin les frais pour le service de la station à 6000 francs par année. La commission s'adressa en premier lieu par circulaire au club alpin suisse, à quelques-unes de ses sections, aux diverses sociétés cantonales d'histoire naturelle, aux gouvernements des cantons de la Suisse orientale et enfin à divers particuliers dont on pouvait admettre qu'ils soutiendraient l'avancement des sciences naturelles dans leur patrie, en leur demandant d'accorder des subsides uniques ou annuels à la station dont on fixa de prime abord la durée à 3 ans. Le projet trouva de l'écho et du soutien auprès des sociétés et des autorités mentionnées, comme on peut le voir par la liste des souscripteurs ; le gros du public témoigna aussi un ·vif intérêt à l'entreprise. Cependant les subsides des particuliers ne furent pas très-abondants, comme c'est le cas lorsqu'il s'agit d'oeuvres ne revêtant pas un caractère de bienfaisance ou de haute utilité générale. L'exécution du projet fut en outre retardée, vu que l'organe qui devait s'en charger, la station centrale de météorologie, était en pleine réorganisation. Par arrêté fédéral du 23 décembre 1880, la station centrale fut élevée au rang d'établissement officiel de la Confédération et son programme reçut plus d'extension. La nouvelle commission fédérale de météorologie, nommée par le conseil fédéral et adjointe à l'institut en qualité d'organe délibérant et dirigeant, décida déjà dans sa seconde séance d'adresser à l'assemblée fédérale une demande de crédit extraordinaire de 5000 francs pour une première organisation de la station; ce crédit fut accordé
en décembre 1881. Dans l'intervalle, la direction de la station centrale de météorologie convoqua une conférence des intéressés à l'établissement d'une ligne télégraphique reliant Appenzell, soit Weissbad, au Säntis; on parvint à conclure, au sujet de la répartition des frais, une convention acceptable pour la station centrale. La construction de cette ligne et l'établissement d'un bureau télégraphique public sur le Säntis étant assurés, on put travailler à la réalisation du projet, d'autant plus que les subsides souscrits jusqu'au printemps de 1882 pouvaient être considérés comme à peu près suffisants, pour l'entretien ordinaire. »

507 Les nombreuses.difficultés qu'offrait l'organisation do la station ayant été surmontées, celle-ci put entrer en fonctions le 1er septembre 1882, et nous voici arrivés environ au milieu clé la dernière année de la période triennale prévue d'abord pour cette entreprise.

.C'est pourquoi, dans sa dernière séance du 22 novembre 1884, la commission météorologique a dû se demander si la station devait continuer à fonctionner et, cas échéant, sur quelle base cela devait avoir lieu. A l'unanimité, elle a été d'avis qu'il fallait tout faire pour la conserver, aussi bien dans l'intérêt de la météorologie que pour l'honneur du pays. Or, un examen minutieux de la situation a démontré que, si la station doit continuer à fonctionner à l'avenir, il ne suffit pas qu'elle soit placée comme jusqu'ici sous la direction de la station centrale de météorologie, mais que la Confédération doit absolument en supporter tous les frais.

Si l'on n'a pas dès le début fait appel au concours financier de la Confédération, c'est en premier lieu parce que l'établissement d'une station de montagne aussi isolée que celle dont il s'agit, et notamment son fonctionnement pendant l'hiver paraissaient si difficiles, qu'on ne pouvait prévoir si l'entreprise réussirait ; la commission météorologique a voulu éviter de tenter cet essai aux frais de l'état. En second lieu, elle a cru devoir, en recueillant des subsides volontaires, fournir la preuve que l'entreprise trouvait aussi de l'écho parmi le public, attendu que, dans une république, l'opinion populaire exerce toujours une cei-taine influence sur les autorités qui ont à s'occuper de l'allocation de subventions.^ Les expériences faites depuis lors ont démontré que l'exécution du projet ne rencontre plus aucune difficulté sérieuse et que, d'une part, les résultats obtenus jusqu'ici par la station et ceux qu'on peut encore attendre d'elle sont d'un grand avantage pour la science, tandis que, d'autre part, le public s'y intéresse d'une manière toujours plus générale. C'est précisément pourquoi l'idée qu'il est absolument du devoir de la Confédération de prendre entièrement à sa charge l'entretien de la station, à laquelle elle n'a alloué jusqu'ici qu'un subside relativement minime, a fait toujours plus de chemin.

La plupart des sociétés scientifiques et des sections du club alpin qui
s'intéressent à l'entreprise sont de cet avis, et l'on ne saurait leur en faire un reproche. Elles déclarent qu'elles reconnaissent entièrement la haute valeur scientifique de la station du Säntis, mais que les questions qui les touchent de plus près ne leur permettent pas de prolonger la subvention au delà de la période triennale prévue lors de sa création ; qu'en revanche l'importance internationale de la station justifie pleinement sou entretien par la Confédération. Les particuliers auxquels on s'est adressé Feuille fédérale suisse. Année XXXVII. Vol I.

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dans le but d'obtenir des subventions ultérieures ont produit les mômes arguments, et il est certainement plus'juste de laisser à la générosité des gens aisés le soin d'user de bienfaisance en matière sociale et lorsqu'il s'agit de soutenir des oeuvres plus spécialement d'intérêt général, plutôt que d'attendre d'eux qu'ils subventionnent des entreprises scientifiques. Dans tous les pays, ces dernières tendent de plus en plus à rentrer dans les attributions de l'état.

Les subsides des autorités, des sociétés et des particuliers ont suffi à payer pendant 3 années les frais d'établissement et d'entretien de la station, se montant à environ 30,000 francs, à l'exception d'un déficit relativement minime qu'il faudra couvrir au moyen de nouveaux subsides volontaires. La Confédération a participé pour une subvention de 5000 francs aux frais d'établissement de la station et pour une subvention annuelle de 1000 francs, prise sur le crédit alloué à la station centrale de météorologie, à son entretien.

Tout le reste, soit environ 23S000 francs, provient de subventions volontaires qui témoignent suffisamment de l'intérêt que le public porte à l'entreprise.

Nous vous proposons donc, afin que la station du Säntis puisse continuer à fonctionner, de prendre les frais de son entretien se montant à environ 6500 francs par année exclusivement sur le crédit de la station centrale, et cela à partir du 1er septembre 1885, époque de l'expiration des trois années d'essai. Or, ce crédit étant fixé par l'article 5 de l'arrêté fédéral du 23 décembre 1880 à 25,000 francs au maximum, il devient nécessaire de réviser cet article dans le sens d'une augmentation du crédit total.

D'autres motifs encore nécessitent l'augmentation du crédit annuel alloué à la station centrale de météorologie.

En premier lieu, le poste annuel de 1200 francs -- affecté jusqu'ici à l'acquisition et à la réparation d'instruments pour le réseau comptant 80 stations météorologiques complotes et environ 250 stations udométriques ou pour l'observation des orages -- est absolument insuffisant, vu que dans plusieurs slations les instruments ayant servi pendant plus de vingt ans ont besoin d'ôtre réparés et en partie remplacés par des neufs.

En second lieu, le délégué suisse à l'exposition internationale d'hygiène, tenue à Londres l'année dernière, a fait
remarquer à juste titre que les observations météorologiques en Suisse devraient tenir compte dans une plus large mesure des éléments propres à examiner les conditions climatologiques au point de vue sanitaire.

Nous avons l'intention de donner suite à cette proposition dans les stations importantes sous le rapport sanitaire, aussitôt que les moyens le permettront, c'est-à-dire lorsqu'on pourra faire l'acquisition des instruments nécessaires à cet effet.

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En outre, le postulat du 22 décembre 1882 touchant les observations sur les orages (recueil officiel, nouv. série, VI. 542) a augmenté non seulement le travail de la station centrale, mais encore les frais d'impression et de lithographie de celle-ci.

De plus, il faudra augmenter le poste pour gratifications aux observateurs peu aisés, qui s'élevait jusqu'à présent à 1200 francs ; car nous ne pourrons pas toujours refuser de faire droit aux demandes de gratifications de plus en plus nombreuses qui nous sont adressées pour ces services rendus jusqu'ici gratuitement au pays et à la science, surtout lorsqu'il s'agit d'observateurs qui ont déjà rempli leur mission depuis nombre d'années de la façon la plus désintéressée.

Enfin, les frais des séances de la commission météorologique, comportant environ 500 à 1000 francs par année et pris dans le temps sur un crédit général du département fédéral de l'intérieur, ont été inscrits en 1883 au budget de la station centrale de météorologie et nous désirerions qu'il en fut de même à l'avenir.

En nous fondant sur ce qui précède et en restant dans de modestes limites, nous avons estimé à 8000 francs par an l'augmentation du crédit de la station centrale, y compris l'entretien de la station du Säntis.

Afin de satisfaire aux besoins actuels de l'institut et d'assurer l'exécution de cette entreprise si importante au point de vue de la climatologie, recommandée si vivement par toutes les autorités en matière de météorologie et accueillie favorablement par le public, nous vous proposons en second lieu de modifier l'article 5 de l'arrêté fédéral du 23 décembre 1880 et de porter à 33,000 francs le crédit total de la station centrale de météorologie.

Nous vous recommandons donc l'adoption du projet d'arrêté fédéral ci-après, et nous saisissons cette occasion, monsieur le président et messieurs, pour vous renouveler l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 6 mars 1885.

,, Au nom du conseil fédéral suisse, Le président 'de la Confédération : SCHENK.

Le chancelier de la Confédération : RlNGIER.

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Projet.

Arrêté fédéral concernant

l'entretien de la station météorologique du Säntis par la Confédération et l'augmentation correspondante du crédit annuel alloué à la station centrale de météorologie.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE de la

CONFÉDÉRATION

SUISSE,

vu le rapport du conseil fédéral, du 6 mars 1885, arrête : er

Art. 1 . La station météorologique du Säntis, créée provisoirement pour 3 ans, le 1er septembre 1882, à l'aide de subsides volontaires et avec le concours de la Confédération, continue à fonctionner après cette période d'essai, c'est-à-dire à partir du 1er septembre 1885, sous la direction de la station centrale de météorologie et aux frais de la Confédération.

Art. 2. A cet effet et en modification de l'article 5 de l'arrêté fédéral précité, le crédit annuel total alloué par arrêté fédéral du 23 décembre 1880 à la station centrale de météorologie et fixé à 25,000 francs au maximum est augmenté de 8000 francs, soit porté en tout à 33,000 francs par année.

Art. 3. Le conseil fédéral est r.hargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 187é (recueil officiel, nouv.

série, I. 97) concernant la votation populaire sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier le présent arrêté et de fixer l'époque où il entrera en vigueur.

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Message du conseil fédéral à l'assemblée fédérale concernant l'entretien de la station météorologique du Säntis par la Confédération et l'augmentation correspondante du crédit total alloué à la station centrale de météorologie. (Du 6 mars 1885.)

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14.03.1885

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