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IIIVIIme année. Volume Ita3. Samedi 1? janvier 1885

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Message du

conseil fédéral à l'assemblée fédérale concernant un projet de loi sur les opérations d'entreprises d'assurance non instituées par l'état.

(Du 13 janvier 1885.)

Monsieur le président et messieurs,

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Nous avons l'honneur de vous présenter un projet de loi en exécution de l'article 34, alinéa 2. de la Constitution fédérale, pour autant que cet alinéa statue que les opérations dos entreprises d'assurance non instituées par l'état sont soumises à la surveillance et à Ja législation fédérales. Dans le programme sur l'ordre dans lequel les lois rendues nécessaires par l'acceptation de la nouvelle constitution fédérale doivent être promulguées, programme que nous avons porté à votre connaissance par notre rapport du 9 öd obre 1874 (Feuille fédérale 1874, page 139), l'élaboration do cette loi a été prévue dans la troisième et dernière série. En date du 25 octobre 1876, et à l'occasion d'un cas spécial, nous avons toutefois chargé le département de l'intérieur d'examiner la question de savoir comment il y aurait moyen de se procurer les matériaux nécessaires a l'élaboration d'une loi sur les sociétés d'assurance. Comme une connaissance exacte des dispositions cantonales qui avaient régi la matière jusqu'alors était indispensable, les gouvernements cantonaux furent invités, par circulaire du conseil fédéral en date du 9 mars 1877, à communiquer leurs lois, Feuille fédérale suisse. Année XXXVII. Vol. I.

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ordonnances et autres dispositions relatives à l'assurance privée, à donner, en l'absence de pareilles dispositions, des informations sur la pratique suivie jusqu'ici à l'égard des sociétés d'assurance, et enfin, à indiquer les résultats de leurs expériences, ainsi que les voeux que ces résultats faisaient naître en vue de la législation fédérale. Les réponses, dont quelques-unes se firent attendre jusqu'en 1879, furent recueillies par M. le Dr Kummer, directeur du bureau fédéral de statistique, et son travail fut publié dans le Journal de statistique suisse, année 1879, fascicules 3 et 4. (TI a été publié aussi séparément dans la statistique' suisse n° XLtV.)

M. Kummer a également fait un travail sur la législation des états européens concernant la surveillance de l'état en matière d'entreprises d'assurance privées. Ce recueil fut publié dans le même journal, année 1883, Ier fascicule, et. il contient aussi un exposé de la situation créée dans ce domaine par le code fédéral des obligations et par les lois cantonales promulguées dans l'intervalle.

Ces travaux préliminaires ne suffisent toutefois pas à donner une connaissance complète de la matière ; les matériaux, beaucoup plus importants, que possèdent les compagnies, sont nécessaires à cet égard ; d'un autre côté, les publications ordinaires émanées de ces sociétés sont loin de suffire pour donner une idée complète de la situation. C'est pourquoi le directeur du bureau fédéral de statistique, auquel les travaux de statistique en matière d'assurance avaient été renvoyés, rédigea un projet de formulaires à transmettre aux susdites compagnies, et à remplir par elles après qu'ils auraient été m'unis de l'approbation du conseil fédéral. Ces formulaires furent soumis en novembre 1877 et en avril 1878 à une commission d'experts; à cette occasion, les représentants des compagnies émirent toutefois l'opinion que celles-ci ne sauraient être tenues de répondre avant la publication d'une loi sur la matière.

Après que l'ai retò fédéral du 21 août 1878 sur l'organisation et, le mode de procéder du conseil fédéral (Ree. off., nouv. série; III. 455) eut placé les assurances dans le département fédéral, nouvellement instituo, du commerce et de l'agriculture, ce dernier fut invité, sur sa proposition et par décision du conseil fédéral en date du 14 mars 1879,
à prendre, de concert avec le département de justice et police, les mesures nécessaires pour présenter aussitôt que possible un projet de loi fédérale sur les entreprises d'assurance non instituées par l'état ; à cet effet, une commission consultative, composée de statisticiens, de représentants de compagnies d'assurance et de juristes, fut nommée. Cette commission se réunit sous la présidence du chef du département du commerce et de l'agriculture le 2 juin 1880, après qu'un rapport demandé à M. l'ancien conseiller d'état Bodenheimer sui cette 'matière, eut paru dans l'intervalle.

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Dans sa première séance, la commission ne prit aucune décision sur le fond, mais se borna à nommer une sous-commission chargée d'examiner la question en détail et de faire des propositions. Celle-ci s'acquitta de sa tâche dans son rapport de septembre 1881, et présenta en même temps un projet de loi sur la surveillance ; la souscommission était, en effet, partie de l'idée que la publication d'une telle loi était plus urgente que la codification du droit d'assurance, et qu'il y avait lieu dès lors à accorder la priorité à celle-là.

La grande commission, renforcée de quelques membres, se rangea à cette manière de voir dans sa séance du 12 novembre 1883, et, après avoir délibéré sur le fond du projet, elle le renvoya à la sous-commission avec mission de le reviser après avoir mis diverses compagnies d'assurances indigènes et étrangères, à même d'exprimer leur opinion à cet égard. Après un nouvel examen du projet de la part de la sous-commission, il fut transmis aux compagnies dont les noms suivent, avec invitation de vouloir communiquer les observations qu'il pourrait leur suggérer : à la compagnie d'assurances sur la vie « la Suisse », à Lausanne ; v à la banque d'assurance sur la vie à Gotha et à l'Union du Londres ; à la compagnie suisse d'assurance contre l'incendie à Berne ; à la compagnie bâloise d'assurance contre l'incendie à Baie; au Phénix, à Paris ; aux compagnies d'assurance'de transports Helvetia, à St-Gall et de la Suisse à Zurich; à la compagnie suisse d'assurances contre les accidents à Winterthour, et à la société d'assurance par actions contre les accidents, à Zurich ; ' à la compagnie suisse d'assurance contre la grêle, à Zurich.

Toutes ces compagnies, à l'exception du Phénix, ont envoyé des réponses, et leurs observations, pour autant qu'elles ont paru fondées, ont été prises en considération par la sous-commission. Le nouveau projet présenté par celle-ci le 15 avril 1804, a été discuté par la commission pionière les 21 et 22 octobre suivants.

Afin de déterminer la portée de la disposition contenue à l'article 34, alinéa 2, de la constitution fédérale, en matière d'assurance, nous croyons devoir rappeler les motifs qui ont présidé à sa naissance. C'est la section d'économie politique do la commission du conseil national qui a, en juillet 1870, lors de la délibération

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préliminaire sur la révision de la constitution fédérale, proposé uu article 29 b, alinéa 2, ainsi conçu : « Les opérations des agences d'émigration et des entreprises « privées d'assurance sont placées sous la surveillance de la Con« fédération, qui décrète los dispositions nécessaires pour la pro« tection des personnes intéressées. » Dans les motifs, la commission fait observer qu'en ce qui concerne la surveillance des opérations des compagnies d'assurance, elle a cru devoir donner ce droit à la Confédération, ainsi que celui de décréter des dispositions à l'égard de ces entreprises (voir Protocole, page 55.)

Le protocole imprimé s'exprime comme suit (page 70) sur les débats qui eurent lieu sur ce point dans le sein de la commission : « La section estime qu'il ne suffit pas de dire, comme le fait la proposition du conseil fédéral, que l'exercice des professions est libre, mais qu'il faut donner encore à l'autorité fédérale la possibilité d'intervenir là où les cantons sont impuissants.

« Sur un autre point, par exemple en ce qui concerne les agents d'émigration et les assurances, on ne possède pas, et cela au détriment du public, les moyens suffisants pour faire respecter les prescriptions existantes, en partie parce que les cantons peuvent n'avoir pas de personnes compétentes pour prononcer en connaissance de cause sur des questions techniques, se rapportant, par exemple, aux assurances.

« II serait très-important qu'on tint compte de ce besoin ; or, c'est la Confédération seule qui peut le faire, ce qui nécessite de sa part une surveillance exercée d'une manière uniforme.

« On propose, dans le cours des débats, de supprimer le deuxième alinéa, ou tout au moins de le modifier, par la raison que la haute main de l'état, en ces matières, est ordinairement insuffisante et même dangereuse.

« II sera très-difficile à l'état de se charger de prononcer sur la solidité d'une compagnie d'assurances, sur ses tables de mortalité, sur le placement de ses capitaux, de manière à offrir aux citoyens une certaine garantie.

« Or, s'il ne peut le faire, il ne doit pas laisser croire au citoyen que, dans un cas donné, il pourra lui réclamer une indemnité. Il serait préférable de ne pas poser de conditions et de laisser au citoyen le droit de s'enquérir de la solidité des compagnies et dos risques qu'il court en contractant avec elles.

« Ce qui est indispensable pourra être prévu dans le droit des obligations.

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« On objecte à ces propositions qu'en ce qui concerne le second alinéa, il sera extrêmement difficile aux cantons de fournir le personnel nécessaire et que la Confédération seule peut s'en charger.

« La Confédération possède les moyens nécessaires pour faire examiner les questions difficiles par des experts, et plus s'élargit le cercle dans lequel on peut choisir les experts, plus on se trouve en état de désigner des personnes impartiales et compétentes.

« II est certain qu'en accordant le droit de faire des opérations, par exemple à une compagnie d'assurance, l'état ne s'engage pas le moins du monde à payer des indemnités; mais il suffira qu'en examinant les statuts et la position de cette compagnie, il fasses son possible pour garantir les citoyens contre tout dommage, et ces derniers trouveront toujours dans cet examen un certain élément de séemité. » Lors de la votation, l'alinéa 2 proposé fut adopté sans changement ; la commission du conseil des états l'accepta de son côté avec cette seule modification qu'il a été rédigé clans sa teneur actuelle.

Lors des débats sur la question, dans le sein du conseil national, la commission ajoute encore (v. protocole, page 115) : « En ce qui concerne les agences d'émigration et les assurances, en particulier les assurances sur la vie, ces entreprises nécessitent des connaissances si spéciales, des calculs si divers, que les gouvernements cantonaux ne peuvent guère posséder les ressources nécessaires à cet égard et qu'ils doivent désirer, en conséquence, que sur cette matière le droit do législation et de surveillance soit transmis à la Confédération, qui se trouve plus en état de traiter ces matières très ardues. » La proposition de la commission fut adoptée sans modification, en opposition à deux autres, dont l'une tendait à ne l'aire aucune mention, de l'assurance dans l'alinéa en question, et la seconde voulait attribuer à la Confédération seulement le droit de formuler des principes généraux, qui devraient être observés dans les législations cantonales. Le conseil des états acquiesça à, la décision du conseil national, et rien n'y fut changé lors des débats relatifs à la révision en 1873 -- 1874.

De ces faits, il est permis de conclure en tout cas avec certitude qu'en promulguant l'article 34, alinéa 2, de la constitution fédérale, on a eu l'intention
de transférer entièrement à la Confédération la surveillance et la législation sur les assurances non instituées par l'état, à l'exclusion des cantons, de manière que la Confédération aurait & exercer la surveillance directe, et non pas

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seulement la surveillance supérieure sur cette matière. C'est à la législation, fédérale qu'il appartient de statuer plus spécialement sur l'étendue de cette surveillance ; il y a lieu de faire remarquer sur ce point que l'on n'a jamais songé à une simple surveillance de forme.

Si, pour déterminer la nature et l'étendue de ce droit de surveillance de l'état, on consulte d'abord les lois cantonales en vigueur jusqu'ici, et les expériences faites sous leur empire, le résultat d'un semblable travail n'est pas considérable. Nous renvoyons en particulier aux tableaux, déjà cités, publiés par les soins du bureau fédéral de statistique dans le Journal de statistique suisse. Nous en extrayons brièvement ce qui suit, : On peut, en ce qui a trait à cette législation, diviser les cantons en trois groupes. Le premier de ces groupes (Berne, Fribourg, Baie-ville et Genève), a publié, de 1847 à 1849, des lois sur les compagnies d'assurance étrangères, sous laquelle dénomination il faut comprendre toutes les compagnies qui n'avaient pas leur siège principal dans le canton. Un deuxième groupe (Zurich, Schwyz, Zoug, Soleure, Baie-campagne, Argovie, Thurgovie, Tessin et Neuchâtel) a publié, de 1850 à 1870, des lois spéciales sur les assurances contre l'incendie. De uiôme Fribourg (outre la loi déjù citée dans le premier groupe). Neuchàtel publia plus tard encore une loi sur les compagnies d'assurance sur la vie, ainsi que sur les cautions à fournir par les compagnies, et Soleure, une loi sur les compagnies d'assurances en général. Un troisième groupe enfin (Schaffhouse, Lucerne, Appenzell Rh.-ext., St-G:ill, Uri, (llaris, Appenzell Rh.-int., Unterwalden-le-haut, Grisons, Soleure et Unterwalden-le-bas) a publié, surtout dans les dix dernières années, des lois générales sur les eutreprises d'assurance. Vaud possède des dispositions relatives à ces dernières, dans sa .loi sur les patentes de 1878.

Dans tous les cantons, l'exploitation d'affaires d'assurance, ou tout au moins de certaines branches d'assurance est subordonnée à l'obtention d'une concession de la part de l'autorité cantonale. Les conditions principales de cette concession sont presque partout les mêmes : justification de la personnalité juridique dans l'état d'origine , prise de domicile dans le canton et reconnaissance du for cantonal, communication
des statuts, tarifs, comptes annuels, etc., établissement d'un agent dans le canton, lequel est soumis dans quelques cantons à la confirmation du gouvernement. Les noms des compagnies et agents autorisés sont publiés dans la Feuille officielle ; des taxes sont perçues pour la concession et la patente ; l'exploitation sans concession est punie. Quelques lois exigent des

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cautions, soit des compagnies, étrangères seulement, soit aussi des compagnies suisses.

Le seul canton qui n'ait pas encore légiféré sur les compagnies privées d'assurances, -- bien qu'en fait il subordonne la concession aux mêmes conditions principales que les autres cantons,-- est le Valais.

En ce qui concerne l'assurance contre l'incendie, la plupart des lois édictent des mesures préventives contre l'assurance exagérée ou la double assurance des mêmes objets, -- ce afin d'éviter l'incendie par spéculation et les fraudes intentionnelles. C'est on particulier le cas dans les cantons qui ont des établissements officiels d'assurance contre l'incendie des immeubles, et qui estiment que ces entreprises de l'état seraient menacées par des assurances multiples ou trop élevées.

Au reste, les compagnies d'assurance par actions étaient, jusqu'à l'entrée en vigueur du code fédéral des obligations, soumises à la législation cantonale en matière de sociétés par actions, pour autant qu'une pareille législation existait; les sociétés d'assurance basées sur la mutualité sont, pour le cas où elles s'occupent d'assurance contre l'incendie, traitées à l'égal d'autres compagnies d'assurance contro l'incendie ; en revanche, pour d'autres affaires d'assurance, de telles sociétés no sont soumises que dans un petit nombre de cantons (Berne, Fribourg, Appenzell Rb.-int.) à une autorisation de l'autorité supérieure cantonale, qui In, délivre) dans la-règle sans difficulté.

Nous n'avons pas à nous occuper ici des établissements d'assurance institués par l'état, puisque l'article 34 de la constitution fédérale ne soumet que les entreprises privées à la surveillance et k la législation de la Confédération.

Si l'on se demande en quoi a consisté jusqu'ici, en fait, la surveillance cantonale sur ces entreprises, et quels effets elle a produits, on est obligé d'avouer qu'une surveillance régulière et efficace n'a, à proprement parler, existé nulle part. La cause en est facile à saisir. Pour que la surveillance de l'état signifie quelque chose, elle suppose nécessairement un contrôle tcclmiyue, qui n'a existé nulle part, et qui ne pouvait pas exister, par la raison qu'il aurait été impossible de trouver, dans chacun des 25 cantons, des hommes qualifiés à cet effet. La Confédération seule pourra y parvenir; mais probablement
pas sans difficulté. Il n'est ainsi pas étonnant que les cantons aient dirigé leur attention sur un facteur plus abordable, à savoir sur la possibilité d'une imposition lucrative des entreprises d'assurance, lesquelles furent en effet non seulement soumises aux impôts ordinaires, mais encore frappées des

82 taxes et émoluments les plus divers. Alors que les assurances, eu considération de leur haute importance économique, eussent dû être protégées et facilitées, elles lurent, au contraire, -- ensuite de la fausse position dans laquelle les cantons se trouvaient visà-vis des compagnies, -- chargées le plus possible au point do vuo fiscal, sans qu'on se rendit compte que ces charges devaient retomber, en derniòro analyse, sur les assurés.

Mais, à supposer même que les cantons eussent voulu exercer une surveillance matérielle, elle n'aurait néanmoins pas abouti. Il est déjà anormal en soi qu'une institution qui réussit d'autant plus sûrement qu'elle opère sur une base plus considérable, et à laquelle un vaste champ d'action est particulièrement favorable, soit soumise, dans notre petit pays, à vingt-cinq législations différentes, de telle façon que la même compagnie peut se voir autorisée dans un canton, et exclue dans l'autre. Qu'on se figure seulement que certains cantons aient voulu établir une telle surveillance, ou même statuer des dispositions po.^itives sur le calcul de la réserve des primes par exemple, et que la teneur de ces prescriptions ait varié de canton à canton : la conséquence d'un pareil état de choses eût été que les compagnies se seraient retirées de ces cantons, à commencer par les meilleures et les plus solides;, possédant aussi la confiance de l'étranger, elles aimeraient mieux .sans doute renoncer à exploiter un teriitoire peu considérable, que d'être soumises à un tel chaos de dispositions légales. Cette situation n'a pas changé sous l'empire de la constitution fédérale do 1874, et elle ne se modifiera pas, avant que la surveillance en matière d'assurances n'ait passé exclusivement en mains de la Confédération.

Car, actuellement il existe un dualisme intolérable de surveillance fédérale et cantonale, en ce sens que d'une part la législation cantonale subsiste jusqu'à la mise en vigueur de la législation fédérale, et que, d'autre part, la Confédération, môme en l'absence d'une loi spéciale, peut, jusqu'à un certain point, ut doit exercer le droit de surveillance qui lui est conféré par l'article 34 de la constitution fédérale. Il faut mettre aussitôt que possible un terme à cet antagonisme, et ce aussf bien dans l'intérêt des assurés que dans celui d'une exploilation correcte
de la part des entreprises d'assurance, laquelle exige en tout premier lieu la sécurité juridique.

Parmi les états étrangers, c'est Y Amérique du nord qui possède la législation la plus complète en matière d'assurances (voir Broemer : L'assurance dans lt-s Etats-Unis de l'Amérique du nord, en Angleterre et en France, etc., fascicule complémentaire de la Revue du Bureau royal prussien de statistique. Année 1880.) Ce sont des expériences fâcheuses faites dans ce pays en ce qui touche l'assurance contre l'incendie qui éveillèrent l'attention des auto-

83 rites (la première compagnie d'assurance contre l'incendie fut fondée, clans l'Amérique du nord, en 1798, et la première compagnie d'assurances sur la vie en 1812.) La grande concurrence avait eu pour conséqu' nce des conditions d'assurance inconsidérées, des provisions considérables en faveur des agences et, par suite, d'innombrables assurances exagérées ; ces dernières avaient provoqué, surtout dans la période de 1864 à 1866, une effroyable augmentation des incendies, de telle façon qu'une quantité de compagnies purent d'autant moins faire face à leurs engagements, que j.ar le fait de la concurrence le taux des primes avait été réduit, au préjudice des fonds de réserve nécessaires. Les expériences faites dans le domaine de l'assurance sur la vie étaient moins fâcheuses, mais la presse consacrée à cette matière signalait ici aussi des inconvénients analogues, de manière que les lois sur les assurances publiées à partir de 1860 dans presque tous les états de l'Amérique du nord, -- la plupart à l'instigation des compagnies elles-mêmes, -- statuèrent des dispositions très-sévères à cet égard.; Et d'abord il existe dans tous ces états des autorités ou des fonctionnaires spéciaux chargés de surveiller les opérations d'assurances ; ils doivent veiller à ce que les contributions en argent, des assurés ne soient pas dissipées à la légère on frauduleusement, et à ce que les intérêts des dits assurés soient, d'une manière générale, soigneusement sauvegardés. Ces autorités font chaque année un rapport sur l'état des assurances, en se basant sur les comptesrendus annuels des compagnies, lesquels doivent otre rédigés d'après des formulaires fixés à l'avance ; elles peuvent provoquer quand il leur plaît un examen de la situation financière des compagnies, et en publier le résultat. Elles sont tenues d'y procéder en cas d'urgence, en cas de doute sur l'exactitude des comptes-rendus annuels, ou sur la situation normale d'une compagnie, ou lorsqu'un nombre considérable d'intéressés demande cette enquête. Les obligations des compagnies sont de la natuie la plus diverse; aucune autre branche d'assurance ne peut Otre cumulée avec l'assurance sur la vie ; pour l'exploitation, une concession est nécessaire, laquelle est renouvelable chaque année ; il existe des prescriptions sur le montant minimum du capital-actions,
sur la prestation des cautions, sur le minimum des personnes, les primes annuelles et le capital de garantie des compagnies d'assurance mutuelle ; sur le placement des fonds sociaux; sur le payement des dividendes, la participation aux lénéfices, sui' la somme maximale du risque individuel, le contenu des comptes-rendus et des comptes annuels, le contrôle des agents, la suspension de l'exploitation, la liquidation des compagnies, etc., le tout accompagné de dispositions pénales dont quelques-unes sont vraiment draconiennes.

84 En ce qui touche l'assurance sur la vie, il existe ordinairement, en outre, des prescriptions spéciales nombreuses ; en particulier dans certains Etats la valeur au comptant de toutes les polices d'une compagnie à un moment donné est supputée d'après une table de mortalité et un taux d'intérêt déterminés, afin de pouvoir se rendre compte si les réserves amassées par la compagnie et le reste de son actif sont suffisants pour assurer l'accomplissement durable de ses obligations.

Malgré toutes ces précautions, une crise aiguë' a éclaté après 1870 parmi les compagnies d'assurance américaines sur la vie; cette crise sévit avec d'autant plus d'intensité qu'ensuite de l'introduction de la surveillance par l'Ktat, cette branche d'assurance avait pris un développement considérable. On a souvent cité cet événement comme une démonstration de l'inutilité d'une pareille surveillance, tandis qu'on a fait observer, d'autre part, qu'à teneur des enquôtes oificielles, non feulement de graves fraudes avaient on lieu de la part de quelques compagnies, mais encore que dans divers Etats, depuis plusieurs années, les autorités de surveillance avaient commis
Pour ce qui a trait à la législation des Etats européens, nous renvoyons au travail, déjà cité, publié en 1883 dans la Revue de statistique suisse. Nous faisons seulement ressortir ce qui suit : A côté de l'Amérique du Nord, c'est l'Angleterre qui possède les plus anciennes compagnies d'assurance (première compagnie d'assurances contre l'incendie 1696 ; première compagnie d'assurances sur la vie 1706) à l'égar<\ desquelles l'obligation d'obtenir une coucession fut abolie en 1824. A partir de 1830 l'Angleterre a fait de douloureuses expériences en ce qui concerne les assurances sur la vie ; aussi, en 1858 déjà, les représentants de huit compagnies écossaises réclamèrent-ils la protection de la loi en faveur des assurés.

Dans le courant de la môme année, une commission de la chambre des communes demanda des mesures législatives, et résuma comme suit les motifs qui avaient déterminé sa décision : « Sans vouloir contester d'une manière générale la justesse du principe de la non-intervention des autorités de
l'état en matière industrielle, on était de l'avis que l'assurance sur la vie différait complètement des opérations commerciales ordinaires, et qu'il était équitable de l'excepter de la règle ci-dessus. Ce traitement exceptionnel fut justifié par ces considérations, que les obligations assumées par ces compagnies se rapportent à une échéance éloignée et

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incertaine, que le but poursuivi par les personnes assurant leur vie est aussi juste qu'honorable, puisqu'il consiste à mettre les veuves et les orphelins à l'abri du besoin après la mort de leurs protecteurs naturels ; que, contrairement à ce qui a lieu pour d'autres affaires commerciales, un semblable contrat une fois conclu ne peut, au cas où des doutes naissent sur la solidité d'une compagnie, être dénoncé ou abandonné par l'assuré qu'en subissant une perte considérable sur les primes déjà payées, ou en en payant de plus considérables ensuite d'une assurance plus tardive auprès d'une autre compagnie ; que dans l'état actuel d'incertitude, dû à la connaissance imparfaite de la vraie situation des compagnies d'assurance, le public peut se trouver en face de l'alternative, aussi pénible qu'angoissante, de devoir, ou bien payer chaque année des primes malgré sa défiance et ses doutes sur le résultat final de ces versements, ou bien de supporter la perte inséparable, même dans le cas le plus favorable, de l'aliénation ou de la vente de la police.

Par ces motifs plusieurs témoins de grande expérience ont estimé que dans ce cas particulier une immixtion de l'autorité en vue de protéger et d'éclairer le public apparaissait, non seulement comme opportune, mais encore comme un devoir du gouvernement. j> Ce n'est qu'en 1862 que fut publiée une loi sur les sociétés commerciales, résumant la législation précédente en matière de sociétés, et en particulier de compagnies d'assurance, sans permettre toutefois une surveillance quelque peu sûre de ces entreprises.

Les années qui suivirent 1860 amenèrent une crise très-grave pour l'assurance sur la vie ; cette crise provint surtout de ce qu'on a appelé les «amalgamations», c'est-à-dire la fusion de plusieurs compagnies dont chacune, le plus souvent, se trouvait dans une situation critique (dans la période de 1844 à 1868, 214 de ces amalgamations eurent lieu ; dans ce nombre figuraient 164 compagnies d'assurance sur la vie. La seule « Buropean » dès 1849 à 1866, n'a pas absorbé moins de 33 compagnies ; 1' « Albert » en a englouti 25, etc.). C'est ensuite de ces circonstances que naquit l'Acte de 1870 relatif à l'assurance sur la vie (Bill Cave), acte sur lequel le chancelier du trésor Love s'est exprimé comme suit : « Le bill part de bonnes intentions, il contient
d'excellentes choses, toutes empruntées aux Américains ; tout le reste en revanche est défectueux, en ce sens qu'on veut imposer à l'état le fardeau d'une surveillance qu'il ne désire nullement exercer. La caution en argent exigée est insuffisante : le public crédule se reposera sur la surveillance de l'état, et, en récompense de cette confiance, se verra trompé et pillé plus que jamais par des entreprises véreuses. Des compagnies privées ne pourront jamais offrir au public dos garanties

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suffisantes de solidité, c'est-à-dire de. solvabilité. L'état seul est en mesure de le faire, et je suis très-volontiers disposé à étudier cette question, afin de pouvoir présenter un plan sur ce sujet, si la chambre en manifestait le vceu. » Aux termes de cette loi, toute compagnie qui, depuis sa promulgation, veut faire en Angleterre des affaires d'assurance sur la vie, doit fournir une caution do 20,000 L. st., laquelle lui est restituée aussitôt que le fonds d'assurance formé par les primes a atteint la somme de 40,000 L. st. Les comptes annuels et le bilan doivent être établis suivant un formulaire imposé. Toute compagnie fondée postérieurement à la loi est tenue (à moins que les statuts ne prescrivent un terme pins court), de faire examiner tons les 5 ans sa situation financière par un expert technique, et de dresser, d'après un formulaire, un résumé du rapport, de cet expert ; les compagnies créées avant la publication de la loi sont soumises aux mêmes formalités, mais tous les 10 ans seulement. Un exemplaire imprimé de ces résumés, aperçus, etc., doit être adressé à chaque actionnaire ou porteur de police. Il n'existe pas de surveillance des compagnies d'assurance de la part de l'Etat ; c'est dans la publicité qu'on cherche 1ns principales garanties.

En France (première compagnie d'assurances par actions sur la vie et contre l'incendie eu 1819) les compagnies d'assnrance.sont soumises à la loi générale sur les sociétés, du 24 juillet 1867. Les tontines et les compagnies d'assurance sur la vie demeurent placées sous la surveillance et dépendent de l'autorisation du gouvernement, tandis que les autres compagnies d'assurance peuvent se constituer sans autorisation.

Par contre une ordonnance impériale du 22 janvier 1868 sur les compagnies anonymes d'assurance à primes statue qu'une compagnie n'est considérée comme constituée qu'à partir du moment où elle possède un capital de garantie, qui ne peut être inférieur à 50,000 francs, même dans le cas où le capital nominal social n'atteindrait pas 200,000 francs.

En outre, la conversion d'actions nominatives eu actions au porteur ne peut avoir lieu que si le fonds de réserve a atteint au moins le montant du capital social non versé, et se trouve absolument garanti. Do plus la compagnie est tenue de mettre de côté chaque année au moins 20 °/0 du
bénéfice nel, en vue de former un fonds de réserve, et ce jusqu'à ce que ce fonds ait atteint la cinquième partie du capital. Le mode de placement des fonds de la compagnie est aussi fixé par des prescriptions spéciales. Les dispositions sur les compagnies d'assurance mutuelles exigent que leurs statuts fixent le maximum de la prime annuelle, ainsi que la con-

tvibution annuelle en vue de couvrir les frais d'administration. Un fonds de, réserve n'est pas exigé, et s'il en est néanmoins constitué nn, il ne pourra en être absorbé plus de la moitié dans le courant de la même année ; si les primes et la moitié éventuelle du fonds de réserve ne suffisent pas, les indemnités de l'exercice do l'année dont il s'agit seront réduites.

Par ordonnance du 15 mai 1877, le ministère du commerce déclara avoir proposé une loi prévoyant, pour les publications des compagnies, une forme qui permette aux assurés eux-inêines d'examiner leurs intérêts et de prendre les mesures nécessaires en vue de leur protection. De plus, un contrôle administratif doit avoir lieu sur les objets suivants, lesquels sont réglés par les statuts : le territoire d'exploitation, les conditions générales d'assurance, les tarifs, la constitution de fonds de réserve pour chaque catégorie de risques -- pour autant que les statuts contiennent des dispositions à cet égard -- le maximum de la somme assurable, les valeurs à déposer pour prêts, la détermination des valeurs dans lesquelles les capitaux disponibles doivent être placés, l'ordre du jour des assemblées générales, la constitution du fonds de réserve statutaire, la dissolution facultative ou obligatoire de la compagnie en cas de perte d'une partie considérable du capital social, la liquidation. Une commission de surveillance fut instituée le 29 juillet 1877 ; toutefois, la section du conseil d'état proposée aux contestations administratives abrogea, sous date du 7 mai 1880, les deux décisions qui précèdent, pour autant qu'elles exigeaient des sociétés par actions d'assurance sur la vie quelque chose de plus que la présentation, chaque semestre, de comptes-rendus selon un formulaire rédigé par l'administration. En revanche, en ce qui concerne les tontines et les entreprises d'assurance mutuelle sur la vie, les comptes sont examinés, conformément à des ordonnances antérieures, par uue commission de 5 membres.

ii'Allemagne (première compagnie d'assurance sur la vie fondée en 1836) offre, dans ses divers états, un tableau à peu près aussi bigarré que la Suisse dans ses cantons. On y exige d'habitude une conceHsion, ainsi que la production de comptes-rendus et de bilans annuels ; à ces exigences s'ajoutent des prescriptions de police pour les assurances
contre l'incendie, etc. Il est vrai qu'en 1865 déjà, le congrès des économistes allemands retini à Munich, avait émis le voeu que l'ensemble de la matière de l'assurance soit bientôt réglé pour toute l'Allemagne d'une manière uniforme, au moyen d'une loi impériale ; on renonçait toutefois à exiger une concession et une surveillance spéciale de la part de l'état tout en émettant le voeu, mais pour l'assurance sur la vie seulement, que les bases du plan d'exploitation ainsi que les bilans soient publi-és sous une forme à

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déterminer par la loi. L'article 4 de la constitution de la confédération de l'Allemagne du Nord soumit tout ce qui concerne les assurances à la surveillance et à la législation de la confédération,' mais aucune loi ne fut publiée ; par contre le gouvernement prussien soumit en 1869 à la chambre des députés un projet concernant l'exploitation des compagnies d'assurance, et en outre sur l'assurance contre l'incendie. On y fit abstraction de la nécessité d'obtenir une concession ; par contre il devait ótre fait communication, au tribunal de commerce -- en vue d'inscription dans un registre d'assurances -- du tarif des primes, de ses bases, avec indication des primes brutes et nettes, des principes d'après lesquels la réserve était calculée, et, touchant le capital-réserve, du montant que celle-ci doit atteindre. Suivent des dispositions sur le placement des fonds, sur l'établissement des bilans et comptes annuels, sur l'importance et la garantie du capital-actions, et du capital de fondation chez les compagnies d'assurance mutuelle. Les comptes et bilans sont publiés par le gouvernement du district, lequel est tenu de les examiner conformément aux prescriptions légales. Ce projet ne fut toutefois pas discuté ; en revanche le rapporteur de la commission, le conseiller intime Jacobi, présenta deux contreprojets, partant du point de vue que l'exploitation des assurances devait être soumise au droit commun ; il n'y aurait lieu à faire d'exception qu'en ce qui a trait à l'assurance sur la vie, et ce eu égard à sa nature toute particulière ; pour cette branche d'assurance il faudrait exiger une publicité spéciale pour ce qui touche à la constitution et aux opérations des compagnies, en particulier au calcul des réserves des primes, lesquelles ne pourront être placées que selon les garanties légales. Le gouvernement de l'Etat a le droit d'examiner si le bilan est conforme aux livres et à la loi.

D'autres projets furent présentés par une association de directeurs de plusieurs compagnies d'assurances, ainsi que par le collège pour la science de l'assurance sur la vie, lesquels trouvent que les propositions Jacobi vont aussi trop loin. (Tous ces projets sont publiés dans le fascicule supplémentaire I do la Revue du bureau royal prussien de statistique 1869.) Le point de vue auquel se sont placées les compagnies
ressort le mieux des résolutions formulées en 1875 à Heidelberg par la société des compagnies allemandes d'assurance sur la vie, par l'association des compagnies privées allemandes d'assurance contre l'incendie et par l'association internationale des assurances de transports. Ces résolutions sont, en résumé, de la teneur suivante : la fondation d'une entreprise de transports ne doit pas être rendue dépendante d'une autorisation de la part de l'Etat; l'exploitation des affaires-d'assurance ne doit être soumise à aucune surveillance de la part de l'Etat; les entreprises

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d'assurance doivent être tenues de publier leurs comptes et bilans à l'expiration de chaque année comptable. La loi détermine les éléments de comptabilité qui doivent figurer dans les comptes définitifs et dans les bilans.

La constitution de l'Empire allemand de 1871 contient une disposition analogue à celle de l'article 4, présité, de la constitution de la confédération de l'Allemagne du N o r d ; la loi n'a pas encore été publiée.

Broemer, dans son ouvrage précité (page 54) s'exprime comino suit en ce qui concerne l'assurance sur la vie en Allemagne : « En ce qui concerne la solidité des compagnies allemandes, si de graves abus d'une portée générale n'ont pas été signalés jusqu'ici, c'est à l'administration incontestablement consciencieuse des plus" anciennes de ces entreprises que nous le devons. Toutefois divers symptômes font craindre que mainte compagnie do date plus récente ne se pique pas d'une délicatesse aussi scrupuleuse, et il y a lieu de prendre en très-sérieuse considération les plaintes qui sont formulées à cet égard, lorsqu'elles émanent d'hommes qui depuis de longues années s'occupent exclusivement de l'administration et de la direction de compagnies d'assurance sur la vie. Ue semblables plaintes furent déjà entendues en 1865, et elles n'ont point cessé aujourd'hui ; elles ont trait aussi bien à la conclusion inconsidérée d'assurances, qu'à l'absorption prématurée, ensuite d'une administration luxueuse, du montant des primes accumulées; cea plaintes visent également le fait que les entreprises concurrentes cherchent toutes à se surpasser dans les résultats de leurs exercices,' puis l'imputation d'une partie des frais de fondation sur les années suivantes, la répartition pendant les premières années de dividendes fictifs considérables, le calcul défectueux des réserves des primes, etc., irrégularités qui toutes se caractérisent comma une dilapidation des capitaux confiés à la compagnie par les assurés, et doivent nécessairement conduire en fiu de compte à la ruine de l'entreprise et à la duperie des assurés. Si presque aucunecompagnie d'assurances sur la vie en Allemagne n'a été mise en liquidation jusqu'ici, il faut l'attribuer, pour le moment, uniquement à l'âge peu considérable de ces établissements ; leurs opérations commencent seulement à se développer ; l'affluence des
assurances et l'encaissement des primes, augmentant progressivement, l'emportent d'abord sur les sinistres et autres paiements ; mais peu à peu les recettes et dépenses se trouveront dans un rapport inverse, et c'est alors seulement qu'on pourra voir si les réserves sont suffisantes pour faire face aux obligations croissantes. Comme nous venons de le dire, l'assurance sur la vie commence à se développer en Allemagne, si on compare ce pays avec les autres, et

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il serait temps de veiller à ce que nous n'entrions pas à cet égard dans la voie inaugurée par l'Angleterre. » C'est l'Autriche qui possède la législation la plus récente et la plus complète sur la matière, dans son ordonnance dos ministères de l'intérieur, de la justice, du commerce et des finances du 18 août 1880. Cette ordonnance statue que la surveillance de l'Etat sur les entreprises d'assurance doit, en général, s'exercer en vue d'assurer l'observation des prescriptions légales et statutaires, et relativement aux circonstances qui peuvent influer sur la possibilité, pour les compagnies, de remplir leurs engagements futurs. Le contrôle doit par conséquent s'étendre en particulier sur le calcul exact de la réserve des primes, sur lu placement statutaire des capitaux, ainsi que sur l'exposé exact, complet et aussi clair que possible de la situation financière cl, des opérations, que doivent contenir les bilans et les comptes-rendus annuels, conformément aux principes posés dans la susdite ordonnance. Ce document (publié textuellement dans le journal de statistique suisse, année 1883, pages 67 et suivantes) contient eu conséquence des dispositions détaillées sur la délivrance de la concession, sur le montant, le versement et la garantie du capital-actions, ou du capital de fondation des compagnies d'assurance mutuelle, sur l'exigence éventuelle d'un cautionnement, le placement des fonds, la distribution des dividendes, l'établissement des comptes et bilans, etc. Les statuts, ainsi que les conditions générales d'assurance doivent être munis cl« l'autorisation de l'Etat (certains contrats d'assurance peuvent être conclus sous des conditions spéciales). Les tarifs de primes nettes des comp agnies d'assurance sur la vie sont soumis également" à l'approbation de l'Etat, et ils doivent être communiqués à l'autorité lors de la fondation de l'entreprise, de même que les bases de leur calcul ainsi que de celui de la réserve dus primes. Ce calcul doit être fait en prenant pour base des primes nettes, et en appliquant les tables de mortalité et le taux d'intérêt en usage pour le calcul des tarifs approuvé. Le calcul de la réserve doit avoir lieu sans déduction, sans tenir compte des provisions d'admission. Il existe aussi des prescriptions sur l'établissement de la réserve cbez les compagnies d'assurance
contre l'incendie, contre la grêle et de transport. Les compagnies doivent fournir à la surveillance de l'Etat les éclaircissements nécessaires et permettre à cet effet l'examen des livres, comptes, etc., de l'entreprise. Un bureau technique d'assurances est organisé au ministore de l'intérieur (d'après les journaux d'assurances la surveillance est exercée par une commission salariée par les compagnies) et l'adjonction de spécialistes est réservée pour la discussion d'affaires importantes concernant la matière.

91 Pour : pouvoir constater les .résultats de cette ordonnance, il faut attendre qu'un assez long espace de temps se soit écoulé.

Il est permis de conclure de ce qui précède que la théorie ni la pratique n'ont dit leur dernier mot en ce qui concerne le rôle de l'Etat vis-à-.vis de l'assurance privée, et qu'au contraire elles se trouvent à cet égard presque au-début des études et des expériences.

Tandis que le collège pour la science de l'assurance sur la vie à Berlin repousse toute surveillance de la-part de l'Etat, J. Geyer cherche à démontrer (L'assurance sur la vie en Allemagne, Leipzig 1878) que précisément les postulats de cette science ne sont pas ·réalisables sans un contrôle sévère de l'Etat sur les compagnies ; tandis que l'Amérique du Nord a promulgué, en vue de oe contrôle, .des prescriptions très-rigoureuses, ce dernier n'existe pas, ou se trouve très-attéuué dans d'autres Etats. Les adversaires d'une surveillance de la part de l'Etat invoquent la crise de l'Amérique :du Nord, et ses partisans celle qui a eu lieu en Angleterre. Les opinions sont unanimes sur un seul point, c'est que l'importance de l'assurance augmente chaque jour, et que la prospérité publique est intéressée à un haut degré à ce mouvement, bien que dans une mesure diverse selon les branches d'assurance ; ainsi s'explique le fait que partout la question du rôle de l'Etat vis-à-vis de l'assurance privée, se trouve à l'ordre du jour. Personne, par exemple, ne disconviendra que l'effondrement d'une de nos compagnies d'assurance sur la vie équivaudrait à une vraie calamité publique. Le tableau suivant (Journal de statistique suisse 1882, page 152) peut donner une idée de 1'.importance des sommes en jeu. A ce sujet il importe de ne pas perdre de vue que l'accomplissement· de l'obligation se trouve, du côté des compagnies, échoir entièrement dans l'avenir, et repose au plus haut degré sur la bonne foi.

o Capitaux assurés sur la vie.

En tout.

Par habitant.

Fr.

Fr.

Suisse (4 compagnies suisses) fin 1881 191,760,558 67 Empire allemand (fin 1881) .

. 2,665,110,250 59 Autriche-Hongrie (fin 1880) .

.

794,704,300 21 France (fin 1881) .

.

.

.

2,542,808,270 67 (en outre assurance de rentes fr. 29,985,910.)

Grande-Bretagne et Irlande (fin 1879) 10,500,000,000 298 Fevilk fédérale misse. Armée XXXVII.

Vol. I.

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Nous n'avons pas non plus besoin de relever l'importance des assurances contre l'incendie et la grêle ponr la prospérité et le crédit publics.

Il suit de là que c'est à tort qu'on prétend qu'il n'existe aucun motif pour traiter les compagnies d'assurance autrement que selon les principes du droit commun ; une semblable opinion ne serait fondée que si les intérOts publics étaient engagés au môme degré qu'en ce qui regarde l'assurance dans les autres entreprises et industries, abandonnées à la libre activité privée. Mais ce n'est eu général pas le cas, et là où cela se présente, comme par exemple en ce qui concerne les chemins de fer, l'émission de .billets de banque, les agences d'émigration, les fabriques, etc., la Confédération a promulgué des lois spéciales. Il faut reconnaître cependant que l'Etat ne doit pas légiférer sans une connaissance exacte des choses, surtout dans un domaine qui se trouve encore dans la phase ' de développement. La Confédération se trouve donc avant tout dans la nécessité de se procurer des matériaux aussi complets que possible, qui la mettent en état de se former une exacte opinion sur les bases et les facteurs de l'exploitation de l'assurance ; c'est de l'organisation et de l'exécution de ces éléments que dépend surtout la solidité des entreprises, et par conséquent la garantie des intérêts des assurés. Ce but, il est vrai, ne sera pas atteint uniquement en rassemblant des matériaux ; il est en outre absolument indispensable que ces matériaux soient examinés et élaborés par des experts spécialistes. De l'exactitude et du sérieux de ce travail dépend l'effet pratique de la loi, ainsi que de toute surveillance de la part de l'Etat.

Le contenu principal de ces matériaux, ainsi que les résultats de leur examen, devront ótre publiés, et nous sommes tout à fait de l'avis que cette publicité «et la critique qu'elle provoquera contribueront puissamment à éclairer et à garantir le public. Mais c'est trop exiger de ce dernier, et rester à mi-chemin que de croire que l'action de l'état est épuisée avec la simple publication des matériaux livrés par les compagnies, et que l'initiative individuelle des intéressés fera le reste. Comment en effet le public non spécialiste pourra-t-il juger, par exemple, si les bases du calcul de la réserve, -- de l'exactitude duquel dépond en
première ligne la solidité d'une compagnie d'assurance sur la vie, -- sont correctes ; si les réserves sont maintenues intactes, ou si les provisions des agences en sont déduites ; si les bases exactes, telles qu'elles ont été communiquées officiellement, sont aussi celles sur lesquelles on opère en réalité. Seuls, des spécialistes impartiaux pourront juger cos questions avec compétence.

9,'ì

Le rassemblement et l'étude de ces matériaux permet déjà à la surveillance de l'Etat, de s'exercer dans une bonne mesure, mais l'autorité chargée de cette surveillance obtient en outre par là un point d'appui certain pour résoudre la question de savoir s'il existe des inconvénients, et lesquels, et si la Confédération a en mains les moyens d'y parer; les dispositions à prendre par l'autorité, ainsi que la tâche future du législateur dépendront de la solution donnée à ces questions. C'est en avançant ainsi, pas à pas, que la Confédération peut faire du bien, sans s'exposer, par une intervention trop hâtive, au reproche d'imn^xtion injustifiée et même nuisible.

Pour le cas où l'autorité de surveillance viendrait à se convaincre qu'une entreprise n'offre plus les garanties nécessaires pour les assurés, le projet confère au conseil fédéral, tout en fixant la procédure à suivre, les compétences nécessaires pour porter remède à la situation. 11 n'est pas possible de spécifier les cas dans lesquels cette intervention aura lieu ; cela dépendra de l'appréciation et de l'examen minutieux des circonstances particulières à chaque espèce.

L'objection capitale qu'on formule contre la surveillance de la part de l'état consiste à dire que celle-ci ne sera jamais capable de fournir au public des garanties süffisantes de la solidhé durable d'une compagnie, et que l'Etat assume en conséquence une lourde responsabilité, en engageant le public à croire à l'existence d'une semblable garantie, et à renoncer à examiner lui-même la situation. Il est évident qu'aucune surveillance de la part de l'F.tat ne peut Offrir des garanties pareilles; la meilleure de ces giiranties réside toujours dans le choix des personnalités que la compagnie place à sa tête. Mais si la responsabilité que l'Etat prend sur lui du chef de cette surveillance est considérable, il n'en assumerait pas une moindre au cas d'une catastrophe, qu'il eût pu, sinon éviter, au moins atténuer, s'il eût exercé la surveillance compatibleavec la nature des choses, et telle qu'on pouvait raisonnablement l'attendre de sa part. Or il ne s'agit pas d'autre chose. Heureusement que de semblables crises nous ont été épargnées jusqu'ici: mais nous ignorons, à l'heure qu'il est, la vraie situation de nos compagnies, et il vaut mieux prévenir le malheur que de l'attendre.
La Confédération doit, pour le moins, « faire son possible pour garantir de dommage le citoyen, et celui-ci se trouvera tranquillisé dans une certaine mesure par une telle initiative ».

On comprendra d'autre part aisément, d'après , ce qui vient d'être dit, pourquoi nous déconseillons positivement d'édicter, pour le moment, une loi complète, qui imposerait aux entreprises des obligations détaillées en ce qui concerne leur mode d'exploitation.

Les matériaux nécessaires ainsi que des expériences suffisantes foni

!>4

encore défaut à cet égard. Ou s'en convaincra aussitôt, pour peu qu'on se fasse une juste idée de l'importance de ces dispositions. Y a-t-il lieu par exemple de promulguer des prescriptions légales en ce qui touche la base financière des entreprises, l'importance et le versement du capital social; la loi doit-elle édict'T les principe?, qui doivent présider au calcul de la réserve des primes, et de quelle manière ; les fonds sociaux doivent-ils être placés sur des valeurs déterminées, et éventuellement sur lesquelles; la loi doitelle contenir des dispositions relatives aux assurances exagérées contre l'incendie, et éventuellement quelles devraient être ces dispositions, etc., etc. Ce sont là tout autant de questions qui ne sauraient encore être résolues avec la certitude nécessaire.

Il y a lieu de considérer en outre à ça sujet que, eu égard au caractère international des entreprises d'assurances, nous rencontrerions des obstacles considérables, tant que les Etats qui nous environnent ne procéderaient pas, de leur côté, d'une manière analogue. Il existait en Suisse, pendant le« années 1877 et 1878, 118 compagnies concessionnées, dont 21 indigènes et 97 étrangères, savoir 44 allemandes, 38 françaises, 7 anglaises, 4 italiennes, 2 belges et 2 américaines (Etats-Unis). Sauf ce qui concerne ces dernières, aucun des Etats auxquels ces compagnies appartiennent n'exerce, en matière d'assurance, une surveillance même équivalente à celle prévue par le présent projet. Une plus grande exten sion de cette surveillance n'aurait probablement d'autre effet que de provoquer une augmentation des primes au détriment des assurés suisses et la retraite des compagnies les plus sérieuses. La situation changerait notablement pour le cas où rAll«magne, comme c'est probable, viendrait à agir dans le même sens ces années prochaines.

Avant de passer à l'examen des articles du projet, nous devons l'aire observer que les compagnies d'assurances sont évidemment soumises nu droit fédéral des obligations pour autant que la présente loi ne contient pas de dispositions contraires; les compagnies par actions sont régies par les dispositions relatives aux sociétés par actions, et la compagnie d'assurance mutuelle par celles qui concernent les associations. Elles acquièrent la personnalité juridique par le fait de l'inscription au
registre du commerce (Circulaire du conseil fédéral du 13 mars 1883, chiffre 1. Feuille fédérale 1883, I, p. 333).

Nous remarquerons seulement que la proposition d'une compagnie suisse tendant à rédiger un titre spécial relatif à l'organisation des compagnies d'assurance mutuelle, par le motif que les dispositions compliquées sur les associations seraient trop gênantes pour ces dernières, devra être examinée lors de la discussion sur la codification du droit privé (comparer à cet égard Hopf, assurance contre l'incendie, Berlin 1880, pages 54 et suivantes.) Il en est de môme

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de la question, qui a été soulevée, de savoir si les droits à attribuer aux agents comme représentants ne devraient pas être réglés d'après des principes différant des prescriptions légales en matière de mandat, et ce dans le sens d'une restriction de ces droits.

Article 1. Exceptionnellement, la législation cantonale est réservée en ce qui touche aux prescriptions de police concernant l'assurance contre l'incendie Ici le danger d'une assurance exagérée, intentionnelle ou par négligence, constitue un élément important, et la plupart des cantons ont, par ce motif, publié les dispositions préventives contre cet abus. Ces mesures rendent il est vrai dans plusieurs endroits la conclusion de contrats d'assurance beaucoup plus difficile, surtout à raison des frais, mais elles sont en rapport si intimo avec la police des incendies et des constructions qu'il ne nous paraît pas indiqué de placer cette matière dans la cornpétencr de la Confédération.

L'article 34 de la constitution fédérale ne distinguo pas entre ies différentes entreprises privées, ni au point de vue de l'objet de l'assurance, ni à celui de la forme de l'entreprise ; nous croyons d'autant plus devoir maintenir cet état de choses, qu'il s'agit actuellement surtout de poser des bases solides, qui permettent d'apprécier l'ensemble de la matière de l'assurance. On pourra examiner plus tard s'il y a lieu d'établir quelques distinctions.

Il en est un peu différemment en ce qui concerne les compagnies avec un cercle d'affaires restreint (caisses en cas de maladie, de décès, caisses de prévoyance pour veuves, etc.) Elles rentrent, il est vrai, dans la catégorie des entreprises d'assurance, mais se distinguent des compagnies ordinaires en ce qu'elles ne font pas du l'assurance un métier, et n'ont qu'une sphère d'action locale. La société suisse de statistique a publié, pour l'année 1865, sur les associations de secours mutuels un travail dû à, la plume de M. le professeur Kinkelin, k Baie, qui fournit entre autres les données suivantes sur l'importance économique de ces institutions : Ce travail comprend les associations, fondées sur le principe de la mutualité, dont les membres se secourent dans les circonstances dépendant de la santé, de la vie ou du décès de ces membres euxmêmes ou de leurs parents. Ces sociétés se répartissaient en 1865, tornili e suit : Sociétés.

»/o Générales 225 36 Pour employés 66 10 » artisans 231 37 Pour ouvriers de fabrique et domestiques 110 17 "Ì32 100

90 Si l'on no compte la Société vaudoise de secours mutuels que pour une seule société, ce nombre se réduit à 608.

Au point de vue de leur cercle d'action, 300 de ces sociétés embrassent une commune, 133 » » plusieurs communes ou un district, 43 » » un canton tout entier, 8 » » l'ensemble de la Confédération, 85 » » une fabrique, 9 » » un chemin de fer, 608.

Le nombre de leurs membres s'élevait à 97,754, soit à 1 sur 25,7 habitants (en Angleterre 1 sur 3 ; en France 1 sur 28 ; ou Belgique 1 sur 104 ; en Italie i sur 195). L'entrée est facultative chez 383 de ces sociétés (63 °/0) et obligatoire chez 225 (97 °/0) ; cette obligation est imposée par une autorité, ou par une administration de chemin de fer, ou par un patron de fabrique, ou par des maîtres d'état, ou par les maîtres de domestiques, on enfin pur une société en ce qui concerne ses membres (sociétés d'artisans ou d'ouvriers, francs-maçons, etc.).

La fortune totale de ces sociétés ascendait à 7,872,020 francs.

Los recettes s'élevaient en 1865 à 1,529,098 francs, les dépenses a 1,059,418 francs.

Eu 1879, le nombre des sociétés était do 1072, le nombre des membres de 189,566, la fortune s'élevait it 15,807,423 francs ; les recettes se montaient à 3,688,076 francs et les dépenses à 2,867,015.

Ces sociétés, qui rendent de si grands services dans leurs domaines respectifs, et qui contribuent à résoudre pacifiquement bien das côtés de la question sociale, doivent-elles être soumises à la loi, ou est-il à craindre que l'immixtion de. l'Etat ne paralyse leur activité, et ne fasse plus de mal que do bien ? Il nous parait préférable de laisser vivre ces institutions dans l'atmosphère du liberté dans laquelle elles ont porté de si beaux fruits. Il y aurait peutêtre lieu de faire une exception relativement aux caisses du secours en cas de décès, qui ne forment pas de réserves, et qui, par ce motif, ont été si souvent au-devant d'une ruine certaine, on causant à leurs membres d'amères déceptions. Bu 1879, il existait 101 de ces sociétés de secours en cas de décès, dont 4 seulement reposaient sur des bases scientifiquement exactes. Toutefois, il n'est pas possible de formuler d'entrée des règles obligatoires en ce qui a trait à cette exception, mais i l - y a lieu plutôt délaisser ce point à la décision du conseil fédéral.

97 Les articles 2, 3 et 15 exigent, pour qu'on puisss exploiter une entreprise d'assurance en Suisse, une autorisation de l'Etat.

Ou a déjà énormément écrit et discuté sur cette exigence. Il est vrai que le code fédéral des obligations, suivant l'exemple de l'Angleterre, de la France et de l'Allemagne, etc., ne soumet les compagnies par actions et les associations à aucune autorisation ni surveillance de la part de l'Etat, et ce à juste titre ; en effet, lu domaine dans lequel ces sociétés déploient leur activité est si varié et si étendu, et le nombre des compagnies si considérable, quo les résultats réels d'une telle surveillance ne seraient nullement en rapport avec la dépense de forces et la responsabilité qu'ils imposeraient à l'Etat. L'expérience à suffisamment démontrd l'inutilité d'un pareil système. Nous avons déjà fait voir que l'assurance ne saurait être mise sur la môme ligne que les affaires commcrc'iales ordinaires, mais que les intérêts publics qui s'y rattachent justifient une surveillance de la part de l'Etat. C'est ainsi que se résout la question de la concession. Sa solution n'est pas un principe, mais la conséquence d'un principe, à savoir de la situation que l'Etat revendique vis-à-vis des entreprises d'assurances. Si l'Etat veut exercer une réelle surveillance, cette intention présuppose une étude du la matière, et l'on ne voit pas pourquoi cette étude n'aurait pas lieu avant le début des opérations d'une compagnie. Si, par contre, l'Etat est partisan du principe de non-intervention ou estimo ne devoir être qu'un intermédiaire de pure forme antre l'entreprise et le public, en exigeant simplement la publication des bilans, etc., alors il est clair qu'une concession n'a plus de raison d'être ni de sens. Notre projet prévoit une surveillance, et la nécessité d'une concession n'en est que la conséquence légale. A cet égard, il va de soi que l'examen auquel l'Etat devra se livrer avant d'accorder son autorisation n'aura en aucune façon à po::ter sur la nécessité qu'il y a à admettre de nouvelles compagnies, mais uniquement sur les éléments qui se rapportent à la solidité de l'entreprise, c'est-à-dire à la protection des intérêts des assrrés. Il est dans la nature des choses qu'on fasse une différence entre les compagnies déjà existantes et les nouvelles, en ce sens qus les premières
pourront continuer leur exploitation à teneur des concessions cantonales précédentes, mais en demandant, dans le délai fixé, l'autorisation d'exercer dans toute la Suisse.

Article 2, chiffre 3. Il est clair que l'accomplissement do ces conditions ne donne pas aux assurés, vis-à-vis des compagnies étrangères, une sécurité équivalente à celle offerte par les compagnies indigènes ; il faudrait, pour cela nécessairement que l'exécution des jugements indigènes fût garantie dans l'état étranger ; irais si l'on voulait exiger des compagnies étrangères une telle garantie, on subordonnerait leur admission à une condition impossible à remplir

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dans la plupart ries Etats, tout comme, de leur côté, les sociétés d'assurance suisses se verraient dans l'impossibilité d'apporter cette preuve vis-à-vis de l'étranger. Partout ainsi où les rapports de droit réciproque ne sont pas réglés par des traités internationaux, les compagnies appartenant à un Etat étranger devraient être empêchées d'exercer leur industrie en Suisse, ce qui aurait pour conséquence que les entreprises étrangères déjà autorisées devraient se retirer de notre pays. Mais un tel résultat serait très loin de servir les intérêts des assurés. Celui qui préfère contracter avec une compagnie étrangère, le fait à ses risques et périls, et il est d'autant plus mal venu de se plaindre en cas de dommage, qu'il lui est facile, dans l'état actuel des assurances, de confier le soin du ses intérêts à des compagnies indigènes recommandables.

On peut se demander ici si une compensation partielle no pourrait pas être trouvée clans l'exigence d'un cautionnement. Nous avons cru toutefois devoir en faire aussi abstraction. Il serait tout d'abord douteux qu'une pareille inégalité de traitement des compagnies indigènes et étrangères fut licite vis-à-vis des Etats avec lesquels la Suisse a conclu des traités d'établissement statuant l'assimilation complète des ressortissants respectifs en ce qui touche à l'exercice d'industries de toute espèce. Mais môme en dehors du cela, cette exigence d'un cautionnement ne serait pas suivie de l'effet désiré. Pour qu'un cautionnement ait réellement une signification pratique, il faut qu'il soit mesuré largement. Or pour peu qu'on veuille le faire équivaloir, môme de loin, au montant des prétentions fondées sur les contrats d'assurance, on arriverait à des sommes que très-peu de compagnies pourraient ou voudraient fournir. Si l'on se contente en revanche de sommes peu considérables, le cautionnement ne présente plus de garantie appréciable, et les compagnies ne manqueraient pas de s'en servir comme d'une réclame pour attirer le public au moyen de cette sûreté en réalité insignifiante. Oe sont probablement là des motifs pour lesquels une minorité de cantons a seule jusqu'ici prévu de tels cautionnements.

Articles 4, 5, 6, 7 et 8 n'exigent, après ce qui vient d'être dit, aucune explication ultérieure.

Los articles 9, 10 et 11 renferment des dispositions pénale?.
L'article 9 prévoit les simples amendes d'ordre, que le conseil fédéral sera autorisé à infliger aux compagnies qui ne se conformeraient pas aux dispositions des règlements qu'il édictera en application de la présente loi. On a fait remarquer qu'il y aurait eu lieu de prévoir aussi et même tout d'abord les contraventions à la loi elle-même; mais nous sommes partis de cette supposition que toutes ces dispositions de la loi qui imposent aux compagnies des

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obligations.pour l'inobservation desquelles une amende disciplinaire peut être appliquée, seront reproduites dans le règlement qui lei développera et les complétera. 11 n'est d'ailleurs pas nécessaire de justifier cette compétence disciplinaire donnée au conseil lederai ; nous en trouvons un antécédent très-précis dans la loi sur « l'émission et le remboursement des billets de banque ».

Bien autrement difficile à résoudre est la question que soulèvel'article 10. On y suppose le cas d'une compagnie qui ne fournirait plus les garanties nécessaires à ses assurés. Le conseil fédéral lui a indiqué les changements qu'il paraissait nécessaire d'introduire dans son organisation et dans la direction de ses affaires ; mais la compagnie n'en a point tenu compte, soit qu'elle fût récalcitrante vis-à-vis des directions de l'autorité, soit qu'elle fût hors d'état d'y obtempérer. Il y a lieu à prendre dans l'intérêt des assurés des mesures, qui devront, comme il va sans dire, être appropriées à chaque cas particulier. Le droit do faire des opérations d'assurance pourra même ótre retiré à la compagnie. Voici maintenant la question : à quelle autorité devra-t-on donner la charge et la compétence de prendre ces décisions importantes ? sera-ce uu conseil fédéral, sera-ce au tribunal fédéral ?

Les experts que le conseil fédéral a consultés pour l'élaboration du présent projet ont été d'avis que l'autorité executive devait se réserver le droit de prendre toutes les mesures que comporteraient; les intérêts des assurés et même de retirer aux compagnies l'autorisation de faire des affaires d'assurance.

Après mûr examen de la question, le conseil fédéral n'a pu partager cet avis et il s'est décidé à proposer do confier cette compétence au tribunal fédéral. Voici en substance ses motifs : Constatons tout d'abord qu'il est contraire aux idées reçues de placer sous l'autorité du pouvoir politique des iutér&ts privés.

La doctrine de la séparation des pouvoirs n'a pas cassé encore d'être tenue pour une des garanties principales des droits du citoyen. Au pouvoir exécutif, dit-elle, appartient l'exécution générale des lois ; mais c'est au pouvoir judiciaire seul qu'il appartient do les appliquer aux cas particuliers.

C'est en vertu de cette théorie que le code fédéral des obligations a enlevé à l'Etat l'autorisation dont
devaient autrefois se pourvoir dans la presque totalité de nos cantons toutes les sociétés anonymes. On a considéré alors comme un progrès d'affranchir ces sociétés de la tutelle de l'Etat et de remplacer le « bon plaisir » par des astrictions, rigoureuses sans doute, mais dont les tribunaux connaîtraient.

100

Ce mouvement n'est, pas si ancien que nous n'ayons dû eu tenir un compte sérieux et hésiter à venir vous demander de replacer si tôt les sociétés d'assurances sous l'autorité absolue du pouvoir administratif.

Nous faisons remarquer en second lieu que, dans deux cas fort récents, l'assemblée fédérale a montré peu de sympathie pour ce qu'un des rapporteurs de vos commissions appelait « la justice de cabinet». Ce sont la loi sur l'émission et le remboursement des billets de banque et celle sur la surveillance et la comptabilité des chemins de fer. Dtins cette dernière, l'assemblèe fédérale a attribué au conseil fédéral toutes les compétences que le projet voulait confier au conseil fédéral. Dans la loi sur les billets de banque, le conseil fédéral a conservé, il est vrai, la compétence pour retirer le droit d'émission, mais seulement lorsque la banque ne remplit pas les conditions de forme nécessaires à l'octroi de cette concession. Et encore y a-t-il recours expressément réservé auprès de l'assemblée fédérale. Mais dans les cas où les agissements d'une banque d'émission mettraient le public en péril, co sont les tribunaux qui en connaîtront, sur plahvte du conseil fédéral ou du canton.

En regard de ces antécédents, il ne serait pas logique de placer les compagnies d'assurance sous la seule décision du conseil fédéral et de les priver de la garantie que donnent les tribunaux.

Mais il y a un motif de plus pour confier au juge les mesures à prendre contre une compagnie, qui mettraient le public, en péril.

C'est qu'il ne s'agit pas .seulement ici des rapports entre l'autorité qui n. accordé une concession et la société qui l'a obtenue et qui s'en montre plus ou moins digne ; il s'agit avant, tout des intérêts de tiers, et non seulement de la protection du public qui serait tenté d'apporter son argent k une compagnie peu solide, mais encore et surtout des intérêts des particuliers qui ont déjà lié avec cette société des contrats d'assurance et versé un plus ou moins grand nombre de primes. Si l'ordre et le crédit publies, les intérêts généraux de la population peuvent parfois demander la fermeture immédiate d'une entreprise d'assurance, cette mesure peut d'autre pnrt causer un grand préjudice aux assurés qui ont acquis des droits et dont l'intérêt demande peut-être que la compagnie puisse poursuivie
ses opérations. On se représente bien difficilement qu'il appartienne au conseil fédéral de prononcer entre ces intérêts peut-être si divergents. Un tribunal est mieux placé pour en connaître qu'un pouvoir politique et ses arrêts seront bien mieux acceptés que les décisions que pourrait prendre le conseil fédéral.

101 Nous proposons donc de confier au tribunal fédéral les décisions à prendre contre les compagnies d'assurance qui se trouveraient dans les cas prévus à l'article 10.

En ce qui concerne les articles 11 et 12, ils ne demandent pas d'explications spéciales.

Article 13. On a déjà fait observer que l'adjonction de techniciens auxiliaires permanents était une condition indispensable de l'application efficace de la loi. Un semblable bureau central n'aura pas seulement à s'occuper de la solution des problèmes que le présent projet fera surgir, mais il devra vouer toute son attention à l'état et au développement sans cesse croissant des assurances dans leur ensemble, comme aussi dans leurs détails. Car on ne saurait nier qu'il se présentera, dans ce domaine plus peut-ötre que dans tout autre, des questions de droit public et de politique sociale qu'il importe de résoudre. Nous rappelons, par exemple, la législation la plus récente de l'Allemagne. Là, tout comme chez nous, on a cherché à donner une plus grande extension à la responsabilité en cas d'accidents survenus dans l'exploitation de n'importe quelle industrie, la loi allemande du 2l janvier 1883 ne statuant pour établir cette responsabilité, aucune modification du fardeau de la preuve, mais établissant simplement la responsabilité du maître d« l'industrie pour les fautes commises par ses préposés à l'exploitation. La loi sur l'assuratìce des ouvriers en cas de maladie, du 15 juin 1883, et la loi sur l'assurance eu cas d'accident, du 6 juillet 1884, cherchent à parer au besoin signalé, non point en étendant la responsabilité civile en matière de dommages-intérêts, mais en lui substituant une prévoyance -- fondée sur le terrain de l'assurance, relevant du droit public -- en faveur des victimes ou de ceux qu'elles laissent après elles. On sait que ce principe doit Otre encore étendu à l'agriculture, à la sylviculture et aux transports, et trouver son complément dans des lois sur les secours à donner aux invalides et aux vieillards. Naturellement il ne peut être question, en semblable matière, de transporter sans autre chez nous les institutions de l'étranger, car l'étendue du territoire où s'exerce l'assurance doit toujours, en particulier, être prise en sérieuse considération ; toutefois un examen approfondi de ces questions deviendra anssi une
nécessité pour notre pays.

Article 14. Sans observation.

Article 16. Il va sans dire qu'après l'extinction des concessions cantonales, le domicile et le for cantonal, ordinairement prévus dans ces actes, doivent tomber. Le for est déterminé conformément à l'article 59 de la constitution fédérale, a moins que les parties

102 n'aient stipulé autre chose par contrat. Pour réclamations personnelles, les entreprises étrangères doivent ainsi être recherchées au domicile indiqué (art. 2, chiffre 3 b), et les entreprises indigènes au lieu de leur domicile principal.

Nous avons, en conséquence, l'honneur de vous recommander l'adoption du projet de loi ci-après, et nous vous renouvelons, à cette occasion, l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 13 janvier 1885.

Au nom du conseil fédéral suisse, Le président de la Confédération : SCHENK.

Le chancelier de la Confédération : BINGIBR.

103 Projet.

Loi fédérale sur

l'exploitation des entreprises privées en matière d'assurance.

(Adoptée dans la teneur suivante par le conseil fédéral dans sa séance du 27 novembre 1884.)

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE

de la CONFÉDÉRATION SUISSE, en exécution de l'article 34, alinéa 2, de la constitution fédérale ; vu le message dn conseil fédéral en date du 13 janvier 1885, décrète : Art. 1er. La surveillance de l'exploitation des entreprises privées en matière d'assurance, attribuée à la Confédération par l'article 34, alinéa 2, de la constitution fédérale, est exercée par le conseil fédéral sur toutes les entreprises qui veulent faire des affaires en Suisse.

Le conseil fédéral peut dispenser de cette surveillance, sur leur demande, les associations avec exploitation restreinte, comme les caisses de secours en cas de maladie, etc.

Il est réservé aux cantons de publier des dispositions en matière d'assurance contre l'incendie.

104

Art. 2. Pour pouvoir exercer leur industrie en Suisse, les entreprises privées d'assurances doivent obtenir l'autorisation du conseil fédéral, et remplir à cet effet les conditions ci-âpre^ : 1. Elles doivent soumettre au conseil fédéral les documents officiels indiquant les bases3 constitutives fondamentales, ainsi que les conditions générales d'assurance de l'entreprise ; si elles ont déjà fait des opérations d'assurance avant l'entrée en vigueur de la présente loi, elles auront à lui fournir en outre les données nécessaires sur leur .situation antérieure, dans le sens des articles 5 à 8 (statuts.

prospectus, tarifs, comptes-rendus, comptes annuels, etc.).

En ce qui touche les bases constitutives et les conditions générales de l'assurance, il y aura lieu en particulier d'indiquer avec exactitude : a. pour les compagnies par actions : le nombre et le capital des actions souscrites, le montant des versements effectués sur les dites, et. quelles sont les prescriptions en vigueur concernant la responsabilité ultérieure des actionnaires ; 6. pour les compagnies d'assurance mutuelle : s'il existe un capital de fondation, et quelles sont les dispositions de détail qui le régissent ; si les assurés ou les personnes qui ont conclu une assurance sont responsables pour le total des pertes de l'exercice annuel, et dans quelle mesure.

2. Il devra en outre être porté à la connaissance du conseil fédéral : a. de la part des compagnies d'assurance sur la vie : les tables de mortalité, le taux d'intérêt et les primes nettel, avec indication des suppléments ou de tout autre mode usité pour couvrir les frais d'administration et d'exploitation ; les bases et la méthode du calcul de la réserve, ainsi que la méthode de transport des primes ;

105

Ì). clé la part des compagnies d'assurance contre les accidents : les bases techniques en général, l'étendue et le mode de la responsabilité (capital ou rente), la méthode de calcul et la réserve pour rentes dues, pour des sinistres annoncés, mais non encore liquidés, et des transports de primes pour assurances encore en cours ; c. de la part des compagnies d'assurance contre l'incendie et la grêle, de transports et autres compagnies contre les avaries subies par des choses : les principes appliqués pour le calcul de la réserve relative aux dommages déjà connus, mais non encore complètement liquidés à la fin de l'année comptable, de même que les transports de primes pour assurances encore en cours, et pour primes versées à l'avance.

3. Les compagnies étrangères doivent en outre : a. fournir la preuve qu'elles peuvent, à leur siège social, acquérir des droits et contracter des obligations en leur propre nom.

o. faire la déclaration qu'en cas où elles seraient autorisées à exercer leur industrie en Suisse, elles désigneront un domicile principal et un mandataire général ; de plus, produire une copie de la procuration générale donnée à ce dernier.

c. faire la déclaration qu'en cas de contestation entre la compagnie et des assurés ou des souscripteurs d'assurance, le domicile désigné en Suisse (lettre b) sera reconnu comme for, et comme lieu d'exécution des obligations de l'entreprise.

Art. 3. Le conseil fédéral examine les demandes d'autorisation d'exploitation qui lui sont soumises, et leur fait droit s'il résulte des documents produits que les entreprises d'assurance se conforment aux dispositions de la présente loi, et que les intérêts des assurés ne sont pas en péril.

106

Art. 4. Si plus tard il s'opère des modifications dans les circonstances énumérées à l'article 2, chiffres 1 à 3 cidessus, le conseil fédéral devra en ótre informé immédiatement.

Art. 5. Tonte entreprise privée d'assurances doit présenter chaque année au conseil fédéral, dans le délai de six mois après l'expiration de l'année comptable, son compte rendu, lequel devra contenir, pour chaque branche principale d'assurance (vie, accidents, incendie, transport, etc.)

et, en ce qui concerne l'assurance sur la vie, pour chaque mode d'assurance : 1. L'état de l'assurance au commencement do l'année comptable.

2. Pour l'assurance sur la vie, l'augmentation et les sorties volontaires (renonciation, échéance, rachat, etc.) pendant l'année comptable, et pour les autres branches d'assurance, les sommes ou les engagements assurés correspondant à l'encaissement des primes de l'année comptable.

3. Le nombre des sinistres survenus pendant Tannée comptable, ainsi que les sommes payées ou réservées à cet effet, et, pour l'assurance sur la vie, le rapport des décos avec la mortalité probable.

4. L'état de l'assurance à la fin de l'année comptable, ainsi que l'extension territoriale de l'exploitation do l'assurance.

5. Ce qui concerne la réassurance, c'est-à-dire si la compagnie a réassuré ses propres risques, et dans quelle mesure, et combien elle a assumé sur elle, à titre de réassurance, de risques incombant à d'autres compagnies.

Art. 6. Avec le compte-rendu doit être présente également le compte annuel, lequel doit contenir : t. Toutes les recettes et dépenses de l'année, indiquées d'après les différentes branches d'assurance, et, pour oe qui a trait à l'assurance sur la vie, aussi d'après ses modes.

107 En particulier devront être spécifiés : a. le montant des sommes perçues en primes, intérêts et divers ; l>. le montant des sommes dépensées pour restitution de primes, réassurances, pertes, provisions, frais d'administration et autres.

2. Le bilan arrêté à la fin de l'année comptable, dans lequel il y a lieu en particulier : a. sous la rubrique passif, de distinguer : les réserves, d'apiès les différentes branches d'assurance, et, en ce qui touche l'assurance sur la vie. d'après ses divers modes ; les transports de primes doivent être portés également.

b. doivent être énumérés sous la rubrique actif : les immeuble?, les placements de capitaux et papiers de valeurs, d'après leurs espèces et leur évaluation ; les frais d'organisation et leur mode d'amortissement, pour autant qu'ils peuvent figurer dans l'actif; ce qui est dû par les agences; à cet égard, il faut distinguer le solde de compte réel provenant d'encaissement de primes,. du montant des provisions qui ];mit figurer à titre de créance, sous la rubrique amortissement.

Les bilans des entreprises seront publiés dans la Feuille officielle suisse du commerce.

Art. 7. En même temps que le compte général annuel, devront être communiqués, également d'après les différentes branches d'assurance, et, pour l'assurance sur la vie, d'après ses divers modes : 1. Les assurances en cours au commencement et à la fin de l'année comptable, pour autant qu'elles proviennent d'affaires conclues en Suisse ; 2. les primes perçues en Suisse dans le courant do l'année comptable ; Feuille fédérale suisse. Année XXXVII.

Vol. J.

9

108

3. les sommes assurées échues en Suisse dans le courant de l'année comptable.

Art. 8. Les entreprises d'assurance et leurs mandataires généraux (art. 3, chiffre 3 6) devront en outre, à réquisition, donner d'ultérieures informations au conseil fédéral, et laisser examiner leurs livres, contrôles, etc., sur toutes les branches de l'administration.

Art. 9. Le conseil fédéral est autorisé à prononcer des amendes de 500 francs au maximum contre les entreprises ou leurs représentants qui contreviendraient aux dispositions des ordonnances (article 13) promulguées par cette autorité.

Art. 10. Lorsque la situation d'une entreprise n'offre plus aux assurés les garanties nécessaires, et que, dans le délai fixé, la compagnie n'apporte pas à son organisation ou.

à son exploitation les modifications réclamées par le conseil fédéral, -- soit qu'elle s'y refuse, soit qu'elle ne soit pas en mesure d'y obtempérer, -- le conseil fédéral portera la contestation devant le tribunal fédéral, qui prononcera définitivement.

Le litige sera jugé .conformément à la procédure prévue pour les contestations de droit public.

Le tribunal fédéral prendra les mesures protectrices nécessaires dans l'intérêt des assurés. Il fixe les conditions auxquelles l'entreprise pourra continuer à conclure en Suisse des affaires d'assurance, et il peut annuler l'autorisation accordée par la Confédération.

Art. 11. Seront traduits d'office, ou ensuite de plainte, devant les tribunaux cantonaux, et punis par ceux-ci d'une amende jusqu'à 5000 francs, ou de l'emprisonnement jusqu'à six mois, ou enfin de ces deux peines cumulativement, dans les limites ci-dessus, sans préjudice des pénalités plus, fortes qui pourraient être prévues par les lois pénales cantonales :

109

.. 1. Les personnes qui exploitent sans autorisation, en Suisse, des entreprises d'assurances ou qui leur prêtent aide ; 2. les directeurs, mandataires généraux et agents responsables d'une entreprise d'assurance qui, dans les communications, documents à l'appui ou informations fournis au conseil fédéral, exposent faussement ou cachent la situation d'affaires de l'entreprise, ou enfin publient de fausses communications (prospectus, etc.).

Le jugement du tribunal pout interdire aux individus qui contreviennent à la'présente loi, toute activité ultérieure en matière d'affaires d'assurance.

Les amendes prononcées en application de cet article échoient aux cantons.

Le tribunal cantonal communiquera au conseil fédéral une expédition du jugement.

Les parties peuvent recourir au tribunal fédéral contre les décisions prises par les tribunaux cantonaux en application du présent article.

Sont applicables à ces recours les dispositions de la loi fédérale du 30 juin 1849 sur le mode de procéder à la poursuite des contraventions aux lois fiscales et de police de la Confédération.

Art. 12. Le conseil fédéral présente et publie chaque année un rapport sur la situation des entreprises d'assurances soumises à sa surveillance.

Art. 13. Le conseil fédéral publie les ordonnances nécessaires en vue de l'exécution de la présente loi.

Il fera appel aux experts techniques nécessaires. Les frais en résultant seront supportés par les entreprises admises à l'exploitation, et ce proportionnellement à la somme des primes qu'elles ont perçu en Suisse dans l'année.

Le conseil fédéral, ou le déparlement qu'il en charge, peut réclamer le concours des autorités cantonales en vue de l'exécution des mesures prises par lui.

110

Art. 14. Les tribunaux prononcent sur les contestation» de droit privé qui s'élèvent entre les compagnies, entre celles-ci et les assurés, ou les personnes qui ont conclu une assurance.

Art. 15. Les entreprises d'assurances non instituées par l'Etat, qui ont déjà fait des opérations en Suisse et qui ont l'intention de les continuer, sont tenues de présenter au conseil fédéral, dans le délai de six mois après la mise en vigueur de la présente loi, les justifications requises à l'article 2 ci-dessus.

En cas de refus du conseil fédéral, d'autoriser une telle entreprise à continuer ses opérations, celle-ci peut recourir au tribunal fédéral dans le délai d'un mois à partir de la communication qui lui sera faite de la décision.

Jusqu'à ce que l'autorité fédérale ait statué définitivement, les concessions cantonales accordées jusqu'ici, ainsi que les lois et ordonnances cantonales qui y ont rapport, demeurent applicables aux entreprises privées d'assurances spécifiées à l'alinéa 1er du présent article, à la condition que ces dernières aient demandé en temps utile l'autorisation, do continuer leurs opérations.

Art. 16. Sous réserve des dispositions de l'article préoédent, les lois et ordonnances cantonales en opposition avec la présente loi fédérale, sont abrogées à partir de la mise en vigueur de celle-ci.

Il est interdit en conséquence aux cantons, à partir du jour de la mise en vigueur de la présente loi, d'accorder à des entreprises privées d'assurances des concessions en vue d'opérer sur leur territoire, de prolonger des concessions existantes, ainsi que de subordonner l'exploitation à n'importe quelles conditions spéciales, comme l'éleution de domicile dans le canton, etc. ; de même aucun canton ne pourra exiger d'une entreprise d'assurances, de ses mandataires ou de ses

Ili agents aucun cautionnement ou taxe quelconque, à la réserve des impôts ou droits d'établissement.

Art. 17. Le conseil fédéral est chargé de la publication de la présente loi, conformément à la loi fédérale du 17 juillet 1874 concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés 'fédéraux, ainsi que de fixer l'époque de son entrée en vigueur.

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Message du conseil fédéral à l'assemblée fédérale concernant un projet de loi sur les opérations d'entreprises d'assurance non instituées par l'état. (Du 13 janvier 1885.)

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Bundesblatt

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1885

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03

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17.01.1885

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