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Message

du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant

l'application de la législation fédérale en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique aux entreprises de navigation concédées.

(Du 10 décembre 1906.)

Monsieur le président et messieurs, I.

Le 7 juillet 1906, l'Union suisse des entreprises de bateaux i Tapeur a adressé aux autorités fédérales, par l'intermédiaire du département des chexins de fer, une requête tendante à ce que la loi fédérale snr l'expropriation pour cause d'utilité publique soit, ·en principe, déclarée applicable aussi à toutes les entreprises de bateaux à vapeur concédées par la Confédération.

A l'appui de cette requête, elle a exposé, en substance, ce qui suit : Déjà en l'année 1903, à l'occasion du renouvellement intégral des concessions pour entreprises de bateaux à vapeur, l'Union susnommée s'est adressée au département des chemins de fer dans le but d'obtenir en faveur de ces entreprises l'exercice du droit d'expropriation. Le département a répondu que cette question ne pouvait pas être rattachée à celle des concessions. Dans les Chambres, on a émis l'opinion qu'il convenait d'attendre la revision, sans doute très prochaine, de la loi fédérale concernant l'expropriation pour cause d'utilité publique.

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Depuis lors trois années se sont écoulées sans qu'il eût été question de la revision de cette loi. Il est même à peu près certain qu'on ne l'entreprendra pas avant l'achèvement des grands travaux législatifs d'unification des lois civiles et pénales. Vu cette circonstance et aussi le fait que l'exercice du droit d'expropriation peut être accordé aux compagnies de navigation sans qu'on ait besoin pour cela de reviser lu loi du 1er mai 1850 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, les administrations dont se compose l'Union suisse des entreprises. de bateaux à vapeur ont décidé, dans leur dernière conférence, de renouveler leur demande en obtention du droit d'expropriation.

Pour le moment, la navigation suisse n'utilise que des voies fluviales du domaine public, créées par la nature elle-même. Il n'y a d'exception que pour le canal Lac de Thoune-Interlaken, construit par la compagnie des bateaux à vapeur des lacs de Thoune et de Brienz, et pour un même canal qu'on projette d'établir entre le lac de Thoune et Thoune. Toujours est-il qu'à l'avenir aussi des acquisitions de terrain ne seront guère nécessaires que pour des stations, des chantiers et des postes de signaux. Ces entreprises sont dans des conditions analogues à celles des chemins de fer routiers qui ont leurs propres stations, comme par exemple la Seetalbahn.

Il pourrait paraître surprenant que les entreprises de bateaux à vapeur, qui existent depuis plus de cinquante ans avec le caractère d'entreprises publiques de transport, viennent seulement aujourd'hui réclamer la faculté de pouvoir faire usage du droit d'expropriation. Cela s'explique par les considérations suivantes : En premier lieu, on a jusqu'ici généralement demandé aux localités qui voulaient être desservies que les intéressés (le canton, les communes, des corporations ou des particuliers) supportent les frais d'établissement de la station et de ses chemins d'accès ou procurent tout au moins le terrain nécessaire. On continuera à procéder de cette façon autant que faire se pourra, mais il arrive que les intéressés ne parviennent pas à avoir une majorité dans la commune ou que, pour des raisons quelconques, on ne peut mettre les dépenses à leur charge, ni même à celle de la commune, .et alors l'entreprise doit faire elle-même l'acquisition des emplacements dont elle
a besoin. La station de bateaux à vapeur la plus récente en Suisse, celle de? grottes de St-Béat sur le lac de Thoune, en offre précisément un exemple. Un autre motif d'une bien plus grande importance est le fait qu'en règle générale, pour l'agrandissement des stations, les communes ni les particuliers n« veulent consentir à fournir le terrain nécessaire, lorsqu'en applica-

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tion du 2e paragraphe de l'article 60 de l'ordonnance du 18 février 1896 l'entreprise doit établir un local d'attente, dont l'utilisation menace de porter préjudice à une auberge du voisinage.

De pareils travaux d'agrandissement n'ont pas été nombreux jusqu'ici, mais il seront à l'avenir beaucoup plus fréquei.ts que les constructions nouvelles. Il serait d'ailleurs facile de prouver que plus d'une station eût été mieux placée et aménagée, si, grâce au droit d'expropriation, l'entreprise de navigation se fût trouvée dans le cas de prendre ses dispositions comme elle l'eût voulu.

En second lieu, il n'y a guère qu'une dizaine d'années que la surveillance cantonale de la navigation est remplacée par le contrôle fédéral. On ne veut pas inférer de là, que les cantons qui jusqu'ici ont accordé le droit d'expropriation en faveur de la navigation publique dans des cas spéciaux prendront à l'avenir une autre attitude, mais ceci est quand même dans l'ordre des choses possibles; il n'est au surplus pas logique que l'autorité cantonale, qui a dû céder à peu près tous ses droits de surveillance de la navigation à la Confédération, doive néanmoins être encore tenue de concéder l'exercice du droit d'expropriation à ces entreprises de transport. 11 y a d'ailleurs des cantons qui re'usent ce droit et, dans d'autres, on ne peut l'obtenir qu'en s'adressant chaque fois au pouvoir législatif.

L'application de la législation fédérale en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique est tout aussi nécessaire pour les entreprises de navigation que pour les chemins de fer routiers avec stations indépendantes.

En droit, les entreprises concédées de bateaux à vapeur sont fondées à réclamer le bénéfice de la législation fédérale en matière d expropriation aussi bien que les entreprises de chemins de fer. Ces deux catégories d'entreprises de transport ont toutes les deux, dans la même mesure, le caractère d'entreprises de « travaux publics », telles qu'elles sont prévues au 1er paragraphe de l'article premier de la loi fédérale du 1er mai 1850 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique. Il est dès lors incontestable que l'Assemblée fédérale est constitutionnellement et légalement compétente pour conférer, par un simple arrêté fédéral, l'exercice du droit d'expropriation aux entreprises concédées de bateaux
à vapeur. L'équité exige d'ailleurs que les entreprises de navigation soient à cet égard placées sur un pied d'égalité avec les chemins de fer, dès l'instant où elles sont soumises, comme ces derniers, aux lois sur les transports, sur la responsabilité civile, sur le travail des employés et sur les caisses de secours!

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. Le département des chemins de fer a d'ailleurs déjà reconnu que les entreprises concédées de bateaux à vapeur sont fondées à demander que la loi fédérale en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique leur soit applicable, puisque l'année dernière il s'est déclaré disposé à soumettre au Conseil fédéral une proposition tendante à faire accorder par l'Assemblée fédérale à la compagnie de navigation des lacs de Thoune et de Brienz le droit d'expropriation en vue de l'établissement de la nouvelle station des grottes de St-Béat.

Mais on a précisément eu la preuve ici que l'obtention du droit d'expropriation dans chaque cas particulier n'est pas pour les administrations un moyen de se tirer d'affaire, parce que jusqu'au dépôt des plans il se passe un temps assez long, que la spéculation met à profit pour faire monter le prix de l'objet.

Les administrations des bateaux à vapeur doivent, en conséquence, désirer que la législation fédérale en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique soit, en principe, déclarée applicable à toutes les entreprises de bateaux à vapeur concédées par la Confédération.

II.

Le département des chemins de fer trouve désirable, pour des motifs d'ordre technique, que la requête des entreprises de bateaux à vapeur soit favorablement accueillie.

Les raisons que l'Union de ces entreprises a invoquées à l'appui de sa demande sont tout à fait concluantes.

Une entreprise de transport par bateaux à vapeur peut avoir besoin, pour améliorer et faciliter son exploitation, de construire ou reconstruire des chantiers et des ateliers de réparations, d'établir de nouveaux débarcadères ou d'agrandir ceux qui existent et même de creuser des canaux pour de nouvelles voies d'accès- ; tous ces travaux nécessitent ordinairement l'acquisition de terrains d'une plus ou moins grande étendue. Or, ces acquisitions de terrains offrent parfois de grandes difficultés et peuvent occasionner des dépenses excessives, qui sont hors de proportion avec les améliorations prévues. Ce sont là des inconvénients auxquels il ne peut être porté remède que par l'exercice du droit d'expropriation.

Si on avait en perspective une revision prochaine de la loi er mai 1850 concernant l'expropriation pour cause : fédérale du 1 d'utilité publique, on pourrait à cette occasion y insérer une disposition sur la matière. D'après une communication du département de justice et police, on ne peut cependant guère s'attendre Feuille fédérale sitisse. Année LVIII. Vol. VI.

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à ce que la revision de la loi ait lieu dans un avenir rapproché,, II ,est à supposer que, pour le moment, on ne s'occupera que de la revision des dispositions qui règlent le mode de procéder aux expropriations dans la loi fédérale du 24 juin 1902 concernant les installations électriques à faible et à fort courant. La revision de la loi sur l'expropriation serait du reste un travail législatif qui ne s'achèverait pas avant trois ou quatre ans.

En raison de ces circonstances, nous estimons qu'il convient d'accorder dès maintenant le droit d'expropriation aux entreprises de bateaux à vapeur concédées par la Confédération.

Il importe même d'aller encore un peu plus loin que ne 1» demande l'union de ces entreprises. Elle ne sollicite le droit d'expropriation qu'en faveur des entrepises de bateaux à vapeur concédées, mais il nous paraît que ce droit devrait être accordé en général aux entreprises de navigation concédées. Il n'y a pasde raison de faire une distinction, en ce qui touche le droit d'expropriation, entre les entreprises concédées dont les bateaux marchent à la vapeur et les entreprises concédées dont les bateaux sont actionnés par d'autres moteurs ou des accumulateurs. Les grands progrès de la technique dans le domaine de l'électricité font d'ailleurs considérer comme très plausible l'opinion que les entreprisesdé navigation qui ont aujourd'hui des bateaux à vapeur pourraient bien faire usage plus tard de moteurs électriques.

in.

Aux termes de l'article premier de la loi fédérale du 1er mai 1850 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, lorsqu'on vertu de l'art. 21 (ou de l'art. 23) de la constitution fédérale, la Confédération fait exécuter des travaux publics, ou que l'application de cette loi d'expropriation à d'autres travaux de cette natureest décrétée par l'Assemblée fédérale, chacun est obligé, si ces travaux l'exigent, de céder à perpétuité ou temporairement sa propriété ou d'autres droits relatifs à des immeubles, moyennant une indemnité pleine et entière.

L'art. 12 de la loi fédérale du 23 décembre 1872 concernant l'établissement et l'exploitation des chemins de fer sur le territoire de la Confédération suisse .dispose que la législation fédérale sur l'expropriation pour cause d'utilité publique s'applique à tous les.

chemins de fer concédés par la Confédération.

L'art. 43 de l'ordonnance du 18 février 1896 concernant la construction et l'exploitation des bateaux à vapeur ou actionné».

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par d'autres moteurs sur les eaux suisses déléguant au département des postes et des chemins de fer le droit d'accorder des concessions qui est attribué au Conseil fédéral par l'art. 7 de la loi sur la régale des postes, on peut, d'une manière analogue, dire dans l'arrêté fédéral que la législation fédérale en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique est applicable à toutes les entreprises de navigation concédées par le département des postes et des chemins de fer.

L'arrêté fédéral ayant une portée générale, nous y avons ajouté la clause référendaire.

Nous vous recommandons l'adoption du projet dont la teneur suit et vous prions d'agréer, monsieur le président et messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 10 décembre 1906.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, L. FORRER.

Le chancelier de la RlNQIER.

Confédération,

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Arrêté fédéral concernant

l'application de la législation fédérale en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique aux entreprises de navigation concédées.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

C O N F É D É R A T I O N SUISSE, Vu le message du Conseil fédéral du 10 décembre 1906; En exécution de l'article 1er de la loi du 1er mai 1850 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique; Vu l'article 23 de la constitution fédérale, arrête : Article premier. La législation fédérale en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique est applicable à toutes les entreprises de navigation concédées par le département des postes et des chemins de fer.

Art. 2. Le Conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant la votation populaire sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier le présent arrêté et de fixer la date de son entrée en vigueur.

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Message du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'octroi d'une nouvelle concession pour le chemin de fer routier Berne-Worb.

(Du 10 décembre 1906.)

Monsieur le président et messieurs, La concession dont jouit actuellement la compagnie du chemin de fer routier Berne-Worb est basée sur les arrêtés fédéraux du 23 décembre 1896 (Ree. off. des ehem. de fer, XIV. 276), du 15 octobre 1897 (ibidem, XIV. 538) et du 19 juin 1903 (ibidem, XIX. 126), par lesquels cette concession a été accordée, transférée et modifiée.

A la date du 22 septembre 1906 et du 29 octobre suivant, la compagnie a demandé que, pour plus de clarté et en considération du changement de sa situation, il lui soit accordé une nouvelle concession, qui lui permît aussi de se charger de nouveau du transport des marchandises. Les motifs invoqués par la compagnie à l'appui de sa requête sont les suivants : L'exploitation en régie a considérablement amélioré la situation financière de cette ligne ; elle a, en outre, démontré que le chemin de fer doit se charger du transport des marchandises par wagons complets et par colis séparés, s'il veut augmenter encore ses

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'application de la législation fédérale en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique aux entreprises de navigation concédées. (Du 10 décembre 1906.)

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1906

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19.12.1906

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