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6283 MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant les véhicules à moteur de provenance suisse utilisables par l'armée (Du 11 juillet 1952)

Monsieur le Président et Messieurs, Avant la seconde guerre mondiale déjà, le problème de la dotation de l'armée en véhicules à moteur et remorques appropriés revêtait une importance telle que des mesures urgentes s'imposèrent. Il s'agissait surtout d'améliorer l'équipement des camions dont le nombre suffisait alors à peine à couvrir les besoins de l'armée. Divers postulats avaient aussi démontré la préoccupation des chambres à ce sujet.

Pour la première fois, l'arrêté fédéral du 5 avril 1939 (EO 55, 489) permit de verser des subsides pour les camions de provenance suisse répondant aux conditions fixées pour leur emploi dans l'armée. Survenant peu après, la mobilisation devait cependant empêcher l'application efficace de cette mesure, ce qui, vu l'insuffisance des véhicules à moteur de réquisition, obligea la Confédération à consacrer des sommes importantes à l'achat de camions. Les restrictions apportées à la circulation routière durant le service actif compromirent également les résultats au cours des années subséquentes. Au terme des cinq années prévues par l'arrêté, soit au printemps 1944, tous les organes intéressés étaient unanimes qu'il fallait poursuivre les efforts en vue d'encourager la fabrication de camions civils et d'en uniformiser le type en fonction des besoins de l'armée. Notre arrêté du 2 juin 1944 (RO 60, 367) assurait le versement, par la voie des pouvoirs extraordinaires, de subsides aux détenteurs de camions utilisables par l'armée.

11 s'agit aujourd'hui de passer du régime extraordinaire au régime ordinaire. Nous avons l'honneur de vous soumettre à cet effet un projet d'arrêté.

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II est superflu de rappeler l'importance de la motorisation dans la conduite de la guerre moderne. Substitué à l'homme et au cheval, le moteur est devenu un important agent de transport. Se priver de sa valeur équivaudrait à affaiblir le potentiel militaire. Pour pouvoir libérer le maximum des effectifs en vue de leur engagement, le moteur, économiseur de forces, est nécessaire non seulement sur le plan stratégique, mais aussi pour la conduite tactique de la guerre et la défense.

H y a aujourd'hui deux manières de fournir à l'armée des véhicules à moteur, savoir, la réquisition, qui s'étend aux moyens de transport civils, et Vacquisition pure et simple au titre de matériel de corps.

En ce qui concerne l'usage des véhicules, le système de l'acquisition a d'incontestables avantages sur celui de la réquisition. Il permet avant tout de fabriquer des véhicules destinés uniquement aux besoins militaires. Le type standard simplifie l'entretien et les réparations et facilite la fourniture des pièces de rechange. Il permet également de résoudre aisément les problèmes concernant le personnel et la conduite, le volume de charge, les limites de capacité, etc.

Motoriser une armée de cette façon ne serait, toutefois possible qu'à la condition de disposer du temps nécessaire, d'une industrie automobile puissante et de ressources financières quasi illimitées. Il est impossible, en temps de paix, d'acquérir, d'entretenir et de renouveler à temps le parc des automobiles d'une armée moderne.

Nous en sommes réduits à nous procurer les moyens de transports militaires (la plupart motorisés) par la réquisition. La motorisation de notre armée est, elle aussi, un problème d'économie nationale en ce qu'elle dépend des véhicules civils dans la proportion d'environ 85 pour cent.

Le parc civil a considérablement augmenté depuis la fin de la guerre.

Il est actuellement quelque trois fois plus important qu'avant la seconde guerre mondiale. La progression continue, portant toutefois presque exclusivement sur les voitures, ainsi que sur les motocycles légers et les scooters, peu conformes aux exigences militaires. Durant la même période, le nombre des camions moyens et lourds, dont l'armée a surtout besoin, n'a pas augmenté dans la même proportion, alors que les besoins, déjà à peine couverts en 1939, ont presque triplé au
cours du service actif et depuis lors. La difficulté la plus sérieuse que rencontre la motorisation réside donc dans le manque de camions. La question de l'augmentation de leur nombre, quelque désirable qu'elle soit du point de vue militaire, n'est toutefois en rien touchée par le présent projet, qui ne vise qu'à adapter les véhicules de réquisition aux exigences militaires.

Construits presque exclusivement pour l'usage civil, ces véhicules ne répondent pas toujours à ces exigences. Le problème des réparations et des pièces de rechange est des plus importants. Alors que pendant la dernière guerre l'armée américaine ne comptait que 300 types de véhicules à moteur,

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y compris les engins de combat motorisés, notre armée en avait quelque 3000 à la fin du service actif. Chaque type exigeant une réserve d'environ 500 pièces de rechange réparties sur au moins 12 formations de réparation, le réapprovisionnement est de ce fait presque impossible. L'inconvénient est moins important lorsqu'il s'agit de voitures automobiles et de motocycles, leur nombre élevé permettant de remplacer ceux qui sont hors d'usage. Les camions de l'industrie privée, presque tous réquisitionnés, devront cependant pouvoir être réparés au besoin. Un seul moyen permettra d'organiser le service des réparations et pièces de rechange: l'uniformité, aussi complète que possible, des types. Pour les véhicules de provenance étrangère, nous ne disposons que du contingentement des importations. Cette mesure risque toutefois d'être inopérante, parce que nous ne pouvons pas imposer de conditions aux fabriques étrangères et que, par suite de notre politique libérale dans le domaine des échanges extérieurs, le contingentement doit être appliqué avec souplesse. Aussi devonsnous chercher un remède à la situation, tout au moins pour ce qui concerne la fabrication indigène. C'est à quoi tendent les mesures prises depuis 1939.

La récapitulation ci-après en montre le déroulement: Année

Opération I du 1. 6. 1939 au 31. 5. 1944

1939

1940 194.1 1942 1943 1944 Opération II dès le 1. 6. 1944

Nombre

55 30.1 306 260 115 58

1944 18 1945 129 1946 252 1947 198 1948 205 1949 258 1950 215 1951 242 Malgré les difficultés initiales, l'uniformisation des types fut bien accueillie par les constructeurs. Les détenteurs de véhicules à moteur s'y adaptèrent également au cours de ces dernières années, se conformant ainsi, grâce aux subsides, aux exigences d'ordre militaire. La normalisation des camions donnant droit au subside a pris d'année en année plus d'extension; elle a permis aux fabriques de simplifier et d'unifier les procédés de construction, comme aussi de maintenir leur production au niveau des prix de la concurrence. Depuis 1939, les fabriques suisses n'ont plus construit que 10 pour cent environ de camions d'un type autre que militaire.

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Ces mesures ont occasionné à la Confédération les dépenses suivantes : ii.

1939 147 400.-- 1940 509 300.-- 1941 1 153 700.-- 1942 1 542 200.-- 1943 1 949 300.-- 1944 1 719 000.-- 1945 '.

1 742 200.-- 1946 1 371 400.-- 1947 962 100.-- 1948 1 080 400.-- 1949 1 137 900.-- 1950 1 199 400.-- 1951 1 600 000.-- Crédits accordés pour 1952 1 652 200.-- Les subsides annuels, versés pendant cinq ans, comprenaient: a. Un subside ordinaire, du montant de la taxe cantonale à payer pour le véhicule en question; b. Un subside annuel supplémentaire pour les véhicules particulièrement importants pour l'armée.

A cela s'ajoutait un subside non renouvelable, en vue d'adapter le véhicule aux exigences militaires.

Les taux du subside furent unifiés en 1944. La nouvelle réglementation avait l'avantage de placer tous les détenteurs de camions sur un pied d'égalité.

Actuellement, le subside non renouvelable est de 1800 francs, le subside annuel, versé pendant cinq ans, de 800 francs pour les camions légers, de 1000 francs pour les lourds.

L'expérience enseigne que les voies de communication, et tout particulièrement les ouvrages d'art -- nombreux dans notre pays -- peuvent être rapidement et radicalement détruits en temps de guerre, ce qui oblige les véhicules à faire de longs détours, parfois dans des conditions fort difficiles. Ce serait le cas pour les voies de communication dans la zone d'opération de l'armée, zone que pourrait couvrir tout le pays en cas d'engagement de nos forces. Les véhicules à traction sur toutes les roues ou à chenilles actuellement disponibles suffisent à peine à assurer la traction des armes lourdes. La dotation des unités d'armée devrait pouvoir aussi être augmentée. Il faudra se procurer de tels véhicules au titre de matériel de corps s'il n'est pas possible de les placer en nombre voulu dans l'économie privée. Les entrepreneurs civils n'ayant emploi qu'exceptionnelle-

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ment d'un camion à traction sur chaque roue, n'en acquerront que si l'armée prend à sa charge au moins une partie des frais supplémentaires d'achat et d'usage.

Du point de vue militaire, il serait désirable de pouvoir disposer de moyens de traction et de transport tout-terrain. Mais il s'agit là pour nous d'une exigence sans doute irréalisable pour des raisons d'ordre économique.

Pour fixer les subsides, il faut tenir compte du fait qu'un nombre restreint seulement de grands entrepreneurs ont de tels camions. La plupart d'entre eux, qui pouvaient jusqu'ici se contenter de camions ordinaires à bascule devraient, grâce à des subsides alloués pour les véhicules à traction sur toutes les roues, qui coûtent de 16 000 à 22 000 francs de plus, être amenés à se procurer des véhicules entièrement utilisables par l'armée, même s'ils ne peuvent tirer parti qu'exceptionnellement de leurs qualités particulières. Le détenteur supporterait ainsi lui-même une partie des frais résultant des possibilités d'emploi étendues.

Le système introduit pour améliorer l'équipement militaire des camions a donné satisfaction et devrait être maintenu. On ne saurait en effet remettre aux militaires, comme cela se fait depuis longtemps pour les chevaux de cavalerie et du train, ainsi que pour les motocyclettes et jeeps, des camions à moitié prix, cela non seulement pour des raisons tenant à l'économie des transports, mais aussi parce que bien peu de recrues possèdent déjà une profession arrêtée au moment où elles entrent au service.

Il est difficile d'évaluer les dépenses. Le développement de la motorisation civile de notre pays, qu'on ne saurait prévoir, comme les prix de revient des véhicules importés par rapport aux frais de construction des véhicules suisses, influent sur les taux des subsides.

Il faut envisager, au cours des prochaines années, les dépenses suivantes : Année

Total des dépens 1 fr.

1953 1954 1955 1956 1957 1958 et suivantes

2644000 2 844 000 3 036 000 3 232 000 3 392 000 3 460 000

Subsides pour camions neufs fr.

1606000 1 606 000 1 606 000 1 606 000 1 606 000 1 606 000

Subside, versés mvertu d engagements antérieurs fr.

1038000 1 238 000 1 430 000 1 626 000 1 786 000 1 854 000

Ces chiures reposent sur l'hypothèse de l'octroi des subsides pour 300 camions par an, dont 100 tout-terrain à traction sur chaque roue, avec treuil. Il se peut que, d'année en année, la dépense n'atteigne pas le chitfre fixé, selon que le nombre des véhicules tout-terrain sera inférieur ou qu'une partie seulement de ces véhicules sera équipée du treuil. Compte tenu de

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la production actuelle des usines suisses de camions, le chiffre de 300 véhiculée par an. ne sera pas dépassé.

Le fait d'englober les camions tout-terrain dans les mesures envisagées se traduit par une augmentation des dépenses, qui ne sont toutefois pas en rapport avec celles qu'il faudrait prévoir si, faute de possibilités de réquisition suffisantes, l'armée devait augmenter le nombre des véhicules du matériel de corps. L'expérience confirme en effet que des véhicules acquis, entretenus et logés à ce titre coûtent généralement trois fois plus cher, sans compter les frais de renouvellement de ceux qui sont hors d'usage.

Les subsides prévus dans le projet couvrent seulement une partie des frais qu'occasionnent aux acquéreurs civils l'achat et l'entretien de camions utilisables au service. Les conditions imposées contribuent en outre, grâce à la normalisation des pièces et accessoires, à restreindre le nombre des modèles des fabriques suisses et, partant, à simplifier le service des réparations et pièces de rechange de l'armée.

Nous fondant sur ce qui précède, nous avons l'honneur de vous recommander d'approuver le projet d'arrêté ci-a,uiie.x.é.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 11 juillet 1952.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le -président de, la Confédération, KOBELT Le vice-chancelier, F. WEBER

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ARRÊTÉ FÉDÉRAL concernant

les véhicules à moteur de provenance suisse utilisables par l'armée

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 87 et 200 de l'organisation militaire; vu le message du Conseil fédéral du 11 juillet 1952, arrête : Article premier En vue d'adapter les véhicules à moteur et remorques de réquisition aux exigences militaires, le Conseil fédéral peut allouer des subsides aux détenteurs de véhicules sortant de fabrique de provenance suisse, qui conviennent particulièrement aux besoins de l'armée et répondent aux conditions techniques qu'il fixe.

Art. 2 Peuvent être alloués: a. Des subsides non renouvelables destinés à couvrir partiellement, lors de l'achat de camions, les frais supplémentaires dus aux exigences d'ordre militaire; o. Des subsides annuels, versés pendant cinq ans au plus, pour couvrir les frais supplémentaires résultant de l'emploi des véhicules.

Art. 3 Le Conseil fédéral fixe le genre et le montant des subsides, ainsi que les conditions de l'allocation.

Art. 4 Les crédits annuels nécessaires seront insérés au budget.

Art. 5 Le présent arrêté, qui n'est pas de portée générale, entre en vigueur le 1er janvier 1953.

Le Conseil fédéral arrête les prescriptions d'exécution.

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