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FEUILLE FÉDÉRALE 104e année

Berne, le 17 avril 1952

Volume I

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 80 francs par an; 16 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis: 50 centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des Hoirs C.-J. Wyss, société anonyme, à Berne

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant une addition à la loi sur la police des eaux (Du 9 avril 1952) Monsieur le Président et Messieurs, Selon l'article 3 de la loi du 22 juin 1877 sur la police des eaux, le Conseil fédéral doit veiller d'une manière générale à ce qu'aucun usage nuisible aux intérêts publics ne soit fait des cours d'eau placés sous la haute surveillance de la Confédération. Les cours d'eau dans lesquels ont été exécutés, avec l'aide de la Confédération, des travaux de correction, de défense ou d'endiguement, ne peuvent être utilisés à des fins industrielles qu'aux conditions protectrices qui seront fixées par le Conseil fédéral. Celui-ci a le droit d'interdire des travaux dont les conséquences seraient nuisibles, ou, s'ils sont déjà établis, d'en exiger la destruction.

Bien que la loi sur la police des eaux de 1877 soit conçue, dans un esprit de sage prévoyance, en termes très généraux, il paraît maintenant opportun de la compléter pour tenir compte de la très grande évolution de la technique dans le domaine de l'économie hydraulique. La construction de barrages destinés à retenir d'énormes masses d'eau exige que soient conférées à la Confédération des attributions beaucoup plus étendues en matière de sécurité qu'il n'était nécessaire de le faire au cours du siècle dernier. C'est pourquoi le Conseil fédéral s'est vu contraint, pendant le dernier service actif, d'ordonner des mesures de protection par un arrêté pris en vertu de ses pouvoirs extraordinaires.

L'arrêté non publié du Conseil fédéral du 7 septembre 1943 concernant la protection des barrages hydrauliques suisses -- pris en vertu de l'article 3 de l'arrêté fédéral du 30 août 1939 sur les mesures propres à assurer la sécurité du pays et le maintien de sa neutralité -- contient principalement, outre des dispositions sur la protection active et passive des barrages Feuille fédérale. 104e année. Vol. I.

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contre des faits de guerre, des prescriptions sur l'exploitation et l'abaissement du niveau des bassins d'accumulation, comme sur l'aménagement d'installations d'alarme pour les vallées menacées. Il règle aussi la compétence en ce qui concerne les mesures de protection qui doivent être prises dans chaque cas et contient des dispositions pénales sur l'inobservation des ordres donnés par les autorités compétentes. Par arrêté du 29 juin 1945, nous avons autorisé le département militaire fédéral, en liaison avec la fin du service actif, à assouplir l'application de notre arrêté du 7 septembre 1943, actuellement encore en vigueur. Les instructions concernant le contrôle des forces hydrauliques furent abrogées.

D'autre part, il fut prescrit qu'à l'avenir les barrages devaient être construits de façon à offrir la plus grande résistance possible contre les destructions. Les mesures de défense contre les destructions et de protection des habitants de la vallée doivent pouvoir être appliquées rapidement et en tout temps.

Les attributions de la Confédération, qui sont encore actuellement fondées sur des dispositions édictées en vertu des pouvoirs extraordinaires, doivent être insérées dans la législation ordinaire. Lors de la discussion de la motion Germanier, en juin et en septembre 1950, les conseils législatifs ont encore particulièrement admis cette nécessité pour les mesures de protection des barrages. Le Conseil national a accepté cette motion et ainsi invité le Conseil fédéral à soumettre aux conseils législatifs un projet de loi sur les barrages hydrauliques, qui concilie les intérêts de la défense nationale et ceux des populations menacées avec le développement bien compris de nos industries électriques. Le Conseil des Etats rejeta la motion dans l'idée qu'il n'est pas nécessaire d'édicter une loi spéciale et qu'il suffit de compléter la loi sur la police des eaux. Il adopta un postulat ainsi rédigé : « Le Conseil fédéral est invité à présenter un rapport et des propositions sur la façon dont on pourrait compléter la loi de 1877 sur la police des eaux en vue de concilier les intérêts de la défense nationale et de la population mise en danger par les barrages d'une part et la nécessité de développer notre économie électrique d'autre part. » Dans son arrêt du 19 mai 1949 concernant le barrage de
Cleuson, le Tribunal fédéral a admis, il est vrai, que le Conseil fédéral peut aussi exercer sa haute surveillance sur les barrages en vertu de l'article 3 de la loi sur la police des eaux. Quant à savoir si l'article 3 de ladite loi pourrait couvrir et justifier toutes les mesures que le Conseil fédéral considère comme devant être prises dans certaines circonstances, en matière de construction et d'exploitation de barrages, notamment aussi les mesures de protection qu'il a ordonnées jusqu'à présent en se fondant sur ses pouvoirs extraordinaires, c'est là. une question qui a été laissée ouverte. Après avoir examiné attentivement cette affaire, nous pensons qu'il est indiqué de compléter la loi sur la police des eaux.

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Depuis longtemps déjà, cette modification de la loi a fait l'objet de discussions entre les départements fédéraux compétents, comme aussi entre ces derniers et les milieux intéressés à l'économie électrique suisse.

Le projet de loi a été soumis, pour avis, à tous les cantons, à la commission fédérale de l'économie hydraulique et à plusieurs associations, à savoir à l'union des centrales suisses d'électricité, à la société suisse des électrotechniciens et à l'association suisse pour l'aménagement des eaux. Les cantons, la commission précitée et les associations purent en outre, en tant que cela fut jugé nécessaire, motiver verbalement leur manière de voir d'une façon plus détaillée. L'adjonction que nous vous proposons tient compte du voeu émis par les conseils législatifs et, partant, de la nécessité de protéger la population habitant dans la zone dangereuse des barrages. Il va sans dire que, pour satisfaire à cette exigence de créer la plus grande sécurité possible, on ne saurait négliger l'importance économique des usines hydrauliques. C'est pourquoi nous nous sommes efforcés, en élaborant le projet de loi, de tenir compte de cet aspect du problème dans le sens du postulat et de dissiper les craintes, émises par les entreprises électriques, touchant des exigences exagérées. Nous avons beaucoup tenu à vous soumettre un projet auquel ces entreprises devraient finalement pouvoir se rallier.

Lors de la discussion du projet, d'aucuns critiquèrent le fait que les mesures envisagées sont limitées aux entreprises électriques. Le bombardement d'une grande usine à gaz, a-t-on dit, ou d'une gare importante peut aussi causer des dégâts considérables. Cela est vrai. A noter toutefois que la destruction d'un barrage implique des dangers d'une envergure particulière et que les dégâts peuvent atteindre une ampleur catastrophique.

Contrairement à ce qui est le cas dans d'autres domaines de l'activité industrielle, il est possible, en l'occurrence, de créer, par une simple adjonction à la législation ordinaire, la base permettant d'instituer d'une façon irréprochable les mesures de protection nécessaires. Rappelons aussi, par exemple, qu'eu égard aux dangers accrus que présente leur exploitation, les chemins de fer et les installations à courant fort sont soumis a des prescriptions spéciales en matière de sécurité.
Les mesures à prendre en vertu du nouvel article 3ow se fondent sur l'article 24 de la constitution, en tant qu'elles ont trait à la police des eaux.

Mais comme la revision de la loi vise aussi à instituer des mesures de protection contre des opérations de guerre, pour lesquelles l'article 24 de la constitution ne serait pas une base suffisante, par exemple pour la pose de câbles aériens et de filets protecteurs, nous lui avons donné une base constitutionnelle plus large en mentionnant l'article 85, chiflre 6, de la constitution. Comme il convient aussi de tenir compte, en liaison avec la question de la sécurité, de l'utilisation économique des forces hydrauliques, nous avons également cité dans le préambule l'article 24 bis de la constitution.

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Les ouvrages de retenue des eaux impliquent certains dangers qui peuvent, notamment en cas de destruction ou de grave endommageaient, avoir des conséquences catastrophiques. Il est par conséquent dans l'intérêt public général que la Confédération ait la compétence de prendre toutes les mesures propres à prévenir le plus possible les dangers et les dégâts. Déjà lors de l'établissement des projets et de la construction, les ouvrages de retenue doivent être prévus et exécutés de façon à ne pas satisfaire seulement, du point de vue technique, aux exigences normales de l'exploitation. Ils doivent aussi présenter la plus grande sécurité possible, surtout pour la population habitant en aval des barrages, contre la destruction due à des faits étrangers à lem: exploitation. Toute l'attention nécessaire, doit aussi être vouée à un entretien suffisant des ouvrages. Une fois construites, les installations hydrauliques doivent aussi être protégées le mieux possible contre des faits de guerre. Des mesures spéciales de sécurité, telles que la pose de câbles aériens et de filets protecteurs, ainsi que l'aménagement d'installations d'alarme doivent être ordonnées en temps utile et continuellement adaptées aux progrès de la technique.

Les dangers inhérents aux barrages s'accroissent considérablement en cas de tensions internationales ou en temps de guerre. Pour protéger la population habitant en aval, les routes et les voies ferrées menacées et enfin les intérêts de caractère purement militaire, une mesure efficace s'impose aussi : l'abaissement du niveau des bassins d'accumulation. A cet égard, il ne faut pas se dissimuler que, malgré la plus extrême attention, il est très difficile de déterminer le moment où l'abaissement doit être opéré. Dans la plupart des cas, il exigera des jours, voire des semaines, de sorte qu'il ne pourra peut-être pas se faire à temps. A noter en outre qu'un abaissement ordonné a titre de précaution implique de grands inconvénients du point de vue économique et que l'on ne doit par conséquent y recourir qu'avec la plus grande réserve. Un abaissement opéré au moyen des organes de vidange privera le pays d'énergie à un moment où les importations de combustibles seront probablement paralysées, où l'industrie sera occupée à. plein rendement et où la capacité de production devrait être maintenue
dans l'intérêt du pays. Plus un barrage offre de sécurité, moins grande sera la nécessité de recourir à un abaissement préventif correspondant à une perte d'énergie. C'est pourquoi, en plus des préparatifs pour l'abaissement du niveau des eaux, tout doit être entrepris, lors de la construction de nouveaux barrages, en vue d'augmenter leur sécurité et leur protection.

Le postulat adopté par le Conseil des Etats visait à protéger les intérêts de la défense nationale et de la population contre les dangers provenant des usines à accumulation et principalement de leurs ouvrages de retenue. Nous estimons toutefois que la révision de la loi devrait s'étendre non seulement aux usines à accumulation proprement dites, mais à toutes les usines hydrauliques comprenant des ouvrages de retenue. Au besoin,

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les mesures de protection devraient pouvoir s'appliquer, pour ces usines, non pas uniquement aux ouvrages de retenue, mais aussi à d'autres installations hydrauliques, par exemple aux conduites sous pression et à leurs organes de fermeture. Les dispositions à édicter par le Conseil fédéral, d'entente avec les cantons et les milieux intéressés, indiqueront les ouvrages auxquels s'appliquera le premier alinéa du nouvel article. Nous ne pouvons pas vous recommander, dans les limites de l'adjonction à apporter à la loi sur la police des eaux, d'étendre l'application de cet alinéa à d'autres installations n'ayant pas un caractère purement hydraulique, par exemple aux transformateurs. Les mesures de protection à prévoir, le cas échéant, pour les installations électriques proprement dites doivent être fondées sur d'autres bases légales, existantes ou à créer. Nous renvoyons, à cet égard, à la loi fédérale du 24 juin 1902 concernant les installations électriques, ainsi qu'à ses dispositions d'exécution.

Pour que la Confédération soit suffisamment en mesure de protéger les barrages, il sied de conférer au Conseil fédéral, dans la loi même, le droit d'édicter les dispositions nécessaires. Il pourra charger les cantons de leur exécution. Eu égard à l'importance des mesures de protection et aux difficultés que leur exécution pourra susciter, il convient de donner aussi à la Confédération la possibilité d'exercer au besoin elle-même le contrôle et la surveillance des ouvrages.

En outre, la loi doit prévoir l'obligation générale que les plans soient approuvés. Il paraît opportun qu'elle le statue expressément, attendu que l'article 21, 3e alinéa, de la loi fédérale du 22 décembre 1916 sur l'utilisation des forces hydrauliques ne prévoit une telle obligation que pour les ouvrages exécutés dans les cours d'eau corrigés à l'aide de subventions fédérales et que, d'autre part, la loi fédérale sur la police des eaux ne prescrit aucune obligation générale de faire approuver les plans. Jusqu'à présent, une telle obligation a dû être déduite par la voie de l'interprétation du droit de haute surveillance de la Confédération sur la police des eaux, qui porte sur tous les cours d'eau suisses. Mais cette interprétation peut toujours prêter à discussion.

Durant le dernier service actif, il a paru opportun de déléguer au
commandement de l'armée la compétence d'ordonner des mesures de protection des barrages contre des opérations de guerre. Cette délégation devrait de nouveau être prévue pour le cas où la sécurité, l'indépendance et la neutralité de la Suisse seraient mises en danger. Quant à la mesure très radicale consistant à abaisser le niveau des bassins d'accumtdation, elle ne peut être ordonnée, avant l'ouverture des hostilités, que par le Conseil fédéral, qui doit préalablement apprécier la situation telle qu'elle se présente sous l'angle militaire et économique. Dans le cas où la Suisse serait entraînée dans une guerre, le Conseil fédéral pourrait déléguer aussi cette compétence au commandement de l'armée ou au commandant en chef de l'armée.

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Le degré de sécurité qu'il faut exiger pour les installations hydrauliques doit être déterminé d'après l'ampleur des dommages qui pourraient être causés par la destruction d'un ouvrage et d'après les dépenses supplémentaires qui devraient être faites pour en accroître la sécurité. Celle-ci ne peut toutefois être absolue. Parmi les diverses solutions possibles, il s'agit néanmoins de déterminer celle qui offre la plus grande sécurité relative. Comme la plupart des barrages jouent un rôle économique, il y a lieu d'examiner cette question de sécurité en liaison avec celle de l'utilisation économique des forces hydrauliques. Cette appréciation des intérêts économiques combinés avec la construction des barrages a toujours été déterminante pour les mesures ordonnées par les autorités fédérales. On est aussi toujours parvenu, jusqu'à présent, à obtenir le degré maximum de sécurité compatible avec le rendement de l'ouvrage. Dans le cas de Cleuson aussi, des experts réputés ont déclaré qu'il était possible, avec des dépenses égales ou même moindres, de construire un ouvrage offrant une sécurité plus grande que celle qui avait été primitivement prévue par son propriétaire.

Les associations consultées estimaient que les frais supplémentaires, considérés comme nécessaires pour assurer la protection, en temps de guerre, de la population habitant en aval des barrages, devraient être supportés par l'autorité qui ordonne les constructions accessoires. De l'avis aussi de la commission fédérale de l'économie hydraulique, il conviendrait que ces frais supplémentaires n'amoindrissent pas le rendement des usines électriques à construire et que, par conséquent, les frais supplémentaires non couverts fussent mis à la charge des pouvoirs publics. Pour les ouvrages déjà construits, ainsi que pour les ouvrages projetés et dont les plans d'exécution ont été approuvés, toutes les dépenses concernant des mesures spéciales de protection devraient, selon les associations et ladite commission, être assumées par les pouvoirs publics. Le fait de mettre subséquemment à la charge des usines les frais occasionnés par de telles mesures serait contraire aux règles de la bonne foi, car le propriétaire de l'ouvrage doit pouvoir s'en tenir à l'autorisation qui lui a été accordée.

La commission fédérale de l'économie hydraulique a fait
en conséquence des propositions dans ce sens.

Nous ne pouvons pas nous rallier à ces propositions, et cela notamment pour les raisons que voici: a. Les mesures de protection à exiger sont tout autant dans l'intérêt des usines que dans celui de la collectivité, attendu qu'elles diminuent le danger d'endommagement des ouvrages et le risque d'un abaissement préventif du niveau des eaux, avec sa perte de recettes correspondante ; b. Lorsqu'il s'agit de tels ouvrages, l'Etat a le droit, d'une façon toute générale, d'exiger qu'ils offrent la plus grande sécurité possible, même s'il n'a pas lui-même participé financièrement à leur construction;

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c. Les exigences posées jusqu'à présent n'ont jamais encore eu d'effets déterminants sur le rendement des entreprises; d'autre part, l'utilisation économique des forces hydrauliques doit être prise autant que possible en considération, conformément à l'article 3bia, 5e alinéa; d. Les entreprises électriques sont en général pleinement en mesure de prendre éventuellement à leur charge, pour des motifs de sécurité, une dépense supplémentaire.

Nous considérons en outre que l'application des nouvelles dispositions aux usines existantes répond au principe juridique de l'égalité de traitement et n'enfreint nullement les règles de la bonne foi, Nous ne pouvons donc pas, sur ce point, nous ranger à la manière de voir des intéressés.

Dans ces conditions, nous estimons que les dépenses pour les mesures spéciales de protection qui doivent être ordonnées peuvent, en principe, être mises à la charge des propriétaires des ouvrages. Cela est conforme à l'arrêté du 7 septembre 1943, pris en vertu de nos pouvoirs extraordinaires, et qui est encore actuellement en vigueur, ainsi qu'à la jurisprudence suivie dans d'autres cas où celui qui crée des dangers particuliers a un devoir de surveillance accru et une plus grande responsabilité.

La motion Germanier, acceptée par le Conseil national, comme aussi le postulat adopté par le Conseil des Etats visent tous deux à la création de nouvelles dispositions qui concilient les intérêts de notre défense nationale et de la population menacée avec la nécessité de développer notre économie électrique. Comme nous l'avons dit, il va de soi que l'on doit tenir compte de cette nécessité. Il convient cependant, pour répondre au voeu émis par la commission fédérale de l'économie hydraulique et des associations, de le mentionner expressément dans le texte de la loi.

Doit également être insérée dans ce texte la disposition selon laquelle la Confédération ne verse au propriétaire de l'ouvrage aucune indemnité pour une diminution de ses recettes due à l'abaissement du niveau d'un bassin d'accumulation ou à d'autres dommages. En effet, l'abaissement compte aussi parmi les mesures que le propriétaire est tenu de prendre aux fins de protéger les régions situées en aval de l'ouvrage, pour lesquelles ce dernier constitue, en temps de guerre, une menace sérieuse.

Il serait toutefois excessif,
à nos yeux, de rendre les propriétaires d'ouvrages responsables des dommages subis par des tiers, lors de l'abaissement ordonné du niveau d'un bassin d'accumulation, par suite des masses d'eau s'écoulant à l'aval ou par le fait qu'ils ont été privés d'énergie électrique.

En règle générale, un abaissement conforme aux instructions des autorités ne causera pas d'importants dégâts en aval du barrage, le débit maximum à évacuer étant fixé autant que possible de façon à prévenir de grands dommages. On ne pourra cependant éviter certains dégâts. Au surplus, nous considérons qu'il n'est pas nécessaire, comme les associations en ont

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exprimé le désir; de prévoir, au 7e alinéa du projet de loi, que le propriétaire de l'ouvrage puisse librement opérer, à titre de précaution, un abaissement du niveau des eaux sans être tenu pour responsable des dommages pouvant en découler. Le texte de cet alinéa lui permet déjà de demander aux autorités, dans l'intérêt de la sécurité de l'ouvrage, de l'autoriser à abaisser le niveau des eaux conformément aux instructions. Il ne faut pas non plus oublier qu'en cas de danger, l'abaissement sera ordonné dans l'intérêt du pays. Il paraît dès lors équitable que les lésés supportent une partie des dommages ou des frais de réparation qui s'y rapportent.

Au reste, ils sont eux-mêmes directement intéressés à cet abaissement.

Quant à la réparation des dommages occasionnés dans les cours d'eau par des abaissements conformes aux instructions, elle pourra être subventionnée en vertu des dispositions actuelles de la loi sur la police des eaux. Lorsqu'il s'agit de dommages considérables, qui ne sont notamment pas limités à des cours d'eau, il paraît justifié de prévoir que l'Assemblée fédérale pourra accorder une subvention aux lésés, sous réserve d'une participation des cantons entrant en considération.

Lorsque, dans un cas concret, le propriétaire de l'ouvrage n'exécute pas les mesures qui ne souffrent aucun délai, le Conseil fédéral peut les faire exécuter par la contrainte.

L'article 9, 1er alinéa, de la loi du 22 juin 1877 sur la police des eaux dispose que la Confédération participe aux travaux prévus par la présente loi au moyen de subsides de la caisse fédérale. Cette disposition se justifie lorsqu'il s'agit de la correction de torrents et de l'exécution d'ouvrages de protection. Aucune subvention fédérale ne doit être allouée pour des installations hydrauliques qui constituent des entreprises exploitées à des fins lucratives. Les ouvrages mentionnés à l'article 3bis doivent par conséquent être expressément exclus des dispositions du chapitre III de la loi sur la police des eaux. Ces dispositions devront toutefois être aussi applicables -- nous l'avons dit --- à la réparation de dommages causés dans des cours d'eau par les masses d'eau provenant d'un abaissement.

Vu l'importance des mesures de protection des ouvrages de retenue, l'arrêté du 7 septembre 1943 subordonnait déjà à la juridiction
militaire les personnes contrevenant à ses dispositions et aux prescriptions édictées en vue de son exécution, ou qui en entravent, diffèrent ou empêchent l'application.

Il disposait aussi que les contrevenants seraient punis de l'emprisonnement ou de l'amende et, dans les cas graves, de la réclusion. L'infraction de peu de gravité serait punie disciplinairement. Ces dispositions pénales étaient prévues pour la durée du service actif. Elles ne doivent pas être entièrement reprises dans la loi. Il est toutefois nécessaire d'établir un régime pénal spécial. Les peines prévues sont l'emprisonnement et l'amende. Elles sont, semble-t-il, adaptées aux circonstances. Il faudra également régler la manière selon laquelle les cas pénaux seront instruits et jugés et, s'il

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y a lieu, poursuivis conformément au code pénal suisse ou au code pénal militaire.

Le projet de loi qui vous est proposé est généralement conçu de façon à permettre au Conseil fédéral d'édicter en tout temps les dispositions d'exécution nécessaires en s'inspirant des progrès de la technique.

Nous fondant sur les considérations qui précèdent, nous vous proposons d'adopter le projet de loi ci-annexé complétant la loi fédérale sur la police des eaux.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 9 avril 1952.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le vice-président, ETTEB 9213

Le chancelier de la Confédération, Ch. OSER

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(Projet)

LOI FÉDÉRALE complétant

celle qui concerne la police des eaux

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 24, 246î's et 85, chiffre 6, de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 9 avril 1952, arrête :

La loi fédérale du 22 juin 1877 sur la police des eaux est complétée par les dispositions suivantes: Art. 3bis Le Conseil fédéral veille à ce que, pour les ouvrages de retenue actuels ou futurs, les mesures nécessaires soient prises pour prévenir le plus possible les dangers et les dommages qui pourraient résulter de leur mode de construction, de leur entretien insuffisant ou de leur destruction par des faits de guerre. Au besoin, ces mesures pourront s'appliquer aussi à d'autres installations hydrauliques des usines hydroélectriques.

2 Le Conseil fédéral arrête les prescriptions nécessaires après avoir consulté les cantons et la commission fédérale de l'économie hydraulique. Il peut charger les cantons de les exécuter.

3 L'exécution des ouvrages est subordonnée à l'approbation préalable du Conseil fédéral.

4 Si la sécurité, l'indépendance ou la neutralité de la Suisse sont - mises en danger, le Conseil fédéral peut déléguer ses pouvoirs au cornmandement de l'armée, en tant qu'il s'agit de mesures destinées à protéger des ouvrages ou des régions menacés. Le Conseil fédéral est néanmoins seul compétent pour ordonner, avant l'ouverture des hostilités, l'abaissement du niveau de bassins d'accumulation.

5 Le propriétaire de l'ouvrage supporte les frais découlant des mesures qui lui sont imposées, ainsi que, le cas échéant, les inconvénients pouvant en résulter. Il est en outre tenu, sous réserve du 7e alinéa, 1

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de réparer les dommages que l'exécution de ces mesures peut directement causer à des tiers. Les mesures à prendre doivent tenir compte autant que possible d'une utilisation économique des forces hydrauliques.

6 La Confédération n'est pas tenue de verser au propriétaire de l'ouvrage une indemnité pour une diminution de ses recettes ou pour d'autres dommages résultant de l'abaissement du niveau de l'eau.

7 Si l'abaissement du niveau de l'eau a eu lieu conformément aux instructions données, le propriétaire de l'ouvrage n'est pas tenu de réparer le dommage subi par des tiers, lors de cet abaissement, par suite de l'écoulement de l'eau ou par le fait qu'ils ont été privés d'énergie électrique.

8 Si les débits provenant d'un abaissement causent d'importants dommages à des tiers, l'Assemblée fédérale peut allouer aux lésés un subside pour la réparation de ces dommages. Elle peut subordonner l'octroi du subside à la condition que les cantons dans lesquels les dommages ont été causés allouent également un subside.

9 Lorsque l'exécution d'instructions données en vertu du présent article ou de dispositions d'exécution y relatives ne souffre aucun délai et que le propriétaire de l'ouvrage est en demeure, le Conseil fédéral peut recourir à la contrainte pour faire exécuter les mesures ordonnées.

Art. ,73 bis Les dispositions du chapitre III ne s'appliquent aux cas visés par l'article 3 bis que s'il s'agit de dommages causés dans des cours d'eau par l'écoulement de l'eau résultant de l'exécution de l'ordre d'abaisser le niveau d'un bassin d'accumulation.

Art. 13 bis Celui qui contrevient aux dispositions de l'article 3bis, ainsi qu'aux prescriptions et aux instructions particulières édictées en vertu de cet article, sera puni de l'emprisonnement ou de l'amende.

La négligence est également punissable.

2 La poursuite et le jugement des infractions ressortissent à la juridiction pénale fédérale. Est réservée la poursuite pénale des crimes et délits visés par les articles 227, 228 et 229 du code pénal suisse et les articles 165 et 166 du code pénal militaire.

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II

Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.

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