12.074 Message relatif à l'initiative populaire «Stop à la TVA discriminatoire pour la restauration» du 14 septembre 2012

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire «Stop à la TVA discriminatoire pour la restauration», en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

14 septembre 2012

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Eveline Widmer-Schlumpf La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2012-1907

7695

Condensé Le Conseil fédéral rejette l'initiative populaire «Stop à la TVA discriminatoire pour la restauration» sans lui opposer de contre-projet, parce qu'elle dépasse largement l'objectif qu'elle vise, à savoir l'égalité de traitement entre les établissements de la restauration et les établissements «à l'emporter», et parce qu'elle entraînerait de fortes diminutions des recettes fédérales. La mise en oeuvre de cette initiative nécessiterait des mesures compensatoires dans le cadre du système de la TVA, qui, cependant, augmenteraient la charge fiscale des ménages de condition économique modeste par rapport à la situation actuelle.

Contexte La TVA prévoit, outre le taux normal de 8 %, un taux réduit de 2,5 % et un taux spécial pour les prestations d'hébergement de 3,8 %, dont l'application est cependant limitée jusqu'à fin 2013. De manière analogue aux ventes de denrées alimentaires (y c. de boissons sans alcool), les prestations «à l'emporter» sont soumises au taux réduit. En revanche, la remise de denrées alimentaires dans le cadre de prestations de la restauration est soumise au taux normal lorsque l'assujetti tient à la disposition de tiers des installations particulières pour leur consommation sur place ou lorsque les denrées alimentaires sont préparées ou servies chez des clients.

Contenu du projet et conséquences L'initiative, en introduisant une disposition constitutionnelle correspondante, a pour objectif d'atteindre l'égalité de traitement entre les prestations de la restauration et les prestations «à l'emporter». A cette fin, les prestations de la restauration (excepté la remise de boissons alcooliques et de tabac) doivent être soumises au même taux d'imposition que la livraison de denrées alimentaires. Du point de vue du Conseil fédéral, cette initiative ne peut être mise en oeuvre que si l'on soumet les prestations de la restauration au taux réduit. Mais, dans ce cas, l'initiative dépasserait largement son objectif parce qu'il n'existe aucun motif de politique sociale ou de répartition permettant de justifier l'imposition des prestations de la restauration au taux réduit. Pour cette raison, le Conseil fédéral rejette cette initiative.

Par ailleurs, l'adoption de l'initiative engendrerait une diminution des recettes de 700 à 750 millions de francs par année. Sur cette somme, environ
75 millions de francs seraient à la charge du fonds AVS et environ 40 millions de francs à la charge du fonds AI. Le budget de la Confédération ne peut guère supporter une diminution des recettes de cette importance. Pour le Conseil fédéral, seule une initiative dont la mise en oeuvre serait sans incidence sur le budget est envisageable, et la compensation devrait impérativement intervenir dans le cadre du système de la TVA. A cet effet, un relèvement du taux réduit à 3,8 % semble être la solution la plus appropriée étant donné que, d'une part, elle permettrait de ramener la différence absolue entre le taux réduit et le taux normal quasiment à son niveau initial et, d'autre part, elle ne nécessiterait aucune modification de la Constitution fédérale.

7696

En outre, cette solution de compensation est la seule à ne pas avoir d'impact défavorable pour les cantons et les communes.

La solution de compensation privilégiée par le Conseil fédéral n'aurait que de très faibles conséquences pour les ménages, mais les ménages de condition économique modeste devraient supporter une certaine augmentation de la charge alors que la charge des ménages très aisés serait légèrement allégée.

Tout compte fait, l'initiative n'aurait aucune conséquence sur l'économie considérée dans son ensemble suite à la compensation intégrale des diminutions de recettes.

Toutefois, le secteur de la restauration tirerait des avantages au détriment des branches dans lesquelles le taux d'imposition serait relevé.

7697

Table des matières Condensé

7696

1 Aspects formels et validité de l'initiative 1.1 Teneur de l'initiative 1.2 Aboutissement et délais de traitement 1.3 Validité

7700 7700 7700 7701

2 Contexte

7701

3 Buts et teneur de l'initiative 3.1 Buts de l'initiative 3.2 Contenu de la réglementation proposée 3.3 Explication et interprétation du texte de l'initiative

7702 7702 7703 7703

4 Appréciation de l'initiative 4.1 Appréciation des exigences de l'initiative 4.2 Conséquences de l'initiative en cas d'acceptation 4.2.1 Conséquences pour le secteur de la restauration 4.2.2 Conséquences pour les autres assujettis 4.2.3 Conséquences pour la Confédération 4.2.4 Conséquences pour les cantons et les communes 4.2.5 Conséquences pour les ménages 4.2.6 Conséquences pour l'économie 4.2.7 Expériences faites avec les baisses de taux 4.3 Avantages et inconvénients de l'initiative

7705 7705 7705 7705 7707 7708 7709 7709 7710 7711 7712

5 Mise en oeuvre de l'initiative sans incidence sur le budget 5.1 Conséquences de la 1re solution de compensation: relèvement du taux réduit et du taux spécial pour les prestations d'hébergement 5.1.1 Conséquences pour les assujettis 5.1.2 Conséquences pour la Confédération 5.1.3 Conséquences pour les cantons et les communes 5.1.4 Conséquences pour les ménages 5.2 Conséquences de la 2e solution de compensation: relèvement du taux normal 5.2.1 Conséquences pour les assujettis 5.2.2 Conséquences pour la Confédération 5.2.3 Conséquences pour les cantons et les communes 5.2.4 Conséquences pour les ménages 5.3 Conséquences de la 3e solution de compensation: relèvement du taux normal et du taux réduit 5.3.1 Conséquences pour les assujettis 5.3.2 Conséquences pour la Confédération 5.3.3 Conséquences pour les cantons et les communes 5.3.4 Conséquences pour les ménages 5.4 Aperçu des conséquences des trois solutions

7713 7714 7714 7715 7716 7716 7719 7719 7719 7720 7720 7720 7720 7721 7721 7721 7721

7698

6 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

7722

7 Conclusions

7723

Annexes: 1 Imposition de diverses prestations au sein de l'UE 2 Nombre d'établissements de restauration et d'hôtellerie en 2008 3 Emplois dans la restauration et l'hôtellerie en 2008 (en équivalents plein-temps) Arrêté fédéral concernant l'initiative populaire «Stop à la TVA discriminatoire pour la restauration» (Projet)

7725 7726 7727

7729

7699

Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Teneur de l'initiative

L'initiative populaire «Stop à la TVA discriminatoire pour la restauration» a la teneur suivante: I La Constitution fédérale1 est modifiée comme suit: Art. 130, al. 1bis (nouveau) Les prestations de la restauration sont imposées au même taux que la livraison de denrées alimentaires. Ce taux n'est pas applicable aux boissons alcooliques et au tabac remis dans le cadre de prestations de la restauration.

1bis

II Les dispositions transitoires de la Constitution sont modifiées comme suit: Art. 197, ch. 8 (nouveau)2 8. Disposition transitoire ad art. 130, al. 1bis (Taux de TVA pour les prestations de la restauration) Le Conseil fédéral édicte les dispositions d'exécution nécessaires par voie d'ordonnance jusqu'à l'entrée en vigueur de la législation sur la TVA modifiée en exécution de l'art. 130, al. 1bis.

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire «Stop à la TVA discriminatoire pour la restauration» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 23 mars 20103 et elle a été déposée le 21 septembre 2011 avec le nombre requis de signatures.

1 2

3

RS 101 L'initiative populaire ne vise pas à se substituer à une disposition transitoire existante de la Constitution fédérale, c'est pourquoi le chiffre de la disposition transitoire relative au présent article ne sera fixé qu'après le scrutin, en fonction de l'ordre chronologique dans lequel les différentes modifications constitutionnelles auront été acceptées. La Chancellerie fédérale procédera aux adaptations nécessaires avant publication au recueil officiel du droit fédéral (RO).

FF 2010 2153

7700

Par décision du 13 octobre 20114, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait recueilli 118 802 signatures valables et qu'elle avait donc abouti.

L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose pas de contre-projet direct ou indirect. Conformément à l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl) 5, le Conseil fédéral a donc jusqu'au 21 septembre 2012 pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté accompagné d'un message. Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale a jusqu'au 21 mars 2014 pour adopter la recommandation de vote qu'elle présentera au peuple et aux cantons.

1.3

Validité

L'initiative remplit les critères de validité énumérés à l'art. 139, al. 3, de la Constitution (Cst.): ­

elle obéit au principe de l'unité de la forme, puisqu'elle revêt entièrement la forme d'un projet rédigé;

­

elle obéit au principe de l'unité de la matière, puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties;

­

elle obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international, puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles.

Selon une règle non écrite, une initiative populaire peut aussi être invalidée s'il est manifestement impossible de la mettre en oeuvre. En l'occurrence, aucun argument juridique ou pratique ne s'oppose à sa réalisation.

L'initiative est donc valable.

2

Contexte

L'art. 130, al. 1, Cst., établit que la Confédération peut percevoir une taxe sur la valeur ajoutée (TVA), d'un taux normal de 6,5 % au plus et d'un taux réduit d'au moins 2,0 %, sur les livraisons de biens et les prestations de services, y compris les prestations à soi-même, ainsi que sur les importations. Les différents relèvements des taux ci-après s'ajoutent aux taux indiqués: ­

en faveur de l'AVS (1 point au plus sur le taux normal et 0,3 point au plus sur le taux réduit; art. 130, al. 3, Cst.);

­

en faveur du financement des grands projets ferroviaires (0,1 point sur les taux de la TVA; art. 196, ch. 3, al. 2, let. e, Cst.);

­

pour garantir le financement de l'assurance-invalidité (0,4 point sur le taux normal et 0,1 point sur le taux réduit; art. 196, ch. 14, al. 2, Cst.).

Actuellement, le taux normal se monte à 8 % et le taux réduit à 2,5 %. Parallèlement, un taux spécial de 3,8 % s'applique jusqu'à fin 2013 aux prestations d'hébergement. Conformément à l'art. 25, al. 2, de la loi du 12 juin 2009 sur la TVA 4 5

FF 2011 7363 RS 171.10

7701

(LTVA) 6, le taux réduit s'applique notamment à la livraison d'eau amenée par des conduites et de denrées alimentaires.

Pour la livraison ou la remise de denrées alimentaires, que ce soit dans le cadre de prestations de la restauration ou de ventes «à l'emporter», différents taux sont applicables en fonction de la manière dont les prestations sont fournies et du lieu. C'est la raison pour laquelle il convient tout d'abord de préciser ce que les différentes notions recouvrent: Denrées alimentaires

Les denrées alimentaires en vertu de la loi du 9 octobre 1992 sur les denrées alimentaires7, c'est-à-dire les mets et les boissons sans alcool (art. 25, al. 2, let. a, ch. 2, LTVA). Dans la mesure où il s'agit d'une livraison, les denrées alimentaires sont soumises au taux réduit. En revanche, s'il y a prestation de services, le taux normal s'applique.

Prestations «à l'emporter»

Les livraisons de denrées alimentaires destinées à être emportées ou livrées. Le taux réduit s'applique s'il n'y a aucun aménagement particulier pour la consommation sur place ou si les denrées alimentaires ne sont pas consommées sur place; en cas de consommation sur place, c'est le taux normal qui s'applique.

Prestations de la restauration

La remise de denrées alimentaires lorsque l'assujetti les prépare ou les sert chez des clients ou qu'il tient à la disposition de tiers des installations particulières pour leur consommation sur place (art. 25, al. 3, LTVA).

L'annexe 1 illustre en outre les taux d'imposition appliqués au sein de l'UE aux prestations de la restauration et «à l'emporter», ainsi qu'à la livraison de denrées alimentaires.

3

Buts et teneur de l'initiative

3.1

Buts de l'initiative

L'initiative, en introduisant une disposition constitutionnelle correspondante, a pour objectif d'atteindre l'égalité de traitement entre les prestations de la restauration et les prestations «à l'emporter». A cette fin, les prestations de la restauration doivent être soumises au même taux que les livraisons de denrées alimentaires.

Pour les auteurs de l'initiative, les mets et les boissons sans alcool doivent être imposés de la même manière quel que soit le lieu de leur consommation (dans un restaurant conventionnel, dans un shop de station-service, à un buffet chaud dans un supermarché, dans un kiosque ou à un chariot mobile, dans une boucherie ou une boulangerie). Le fait que des aménagements particuliers destinés à la consommation sur place, par exemple des tables et des chaises, soient disponibles ne doit pas non plus être un critère déterminant pour le taux à appliquer. Il faut supprimer le désa6 7

RS 641.20 RS 817.0

7702

vantage concurrentiel à l'encontre du secteur de la restauration dont les prestations sont soumises à un taux de TVA plus élevé que les prestations des établissements «à l'emporter» et des commerces de détail.

3.2

Contenu de la réglementation proposée

L'initiative demande que les prestations de la restauration soient soumises au même taux que celui applicable aux livraisons de denrées alimentaires. Elle ne requiert aucune modification concernant l'imposition des prestations d'hébergement soumises à un taux spécial se situant entre le taux réduit et le taux normal et concernant l'imposition des boissons alcooliques et du tabac, remis dans le cadre de prestations de la restauration auxquels le taux normal est applicable.

Par ailleurs, l'initiative prévoit que, jusqu'à l'entrée en vigueur de la législation sur la TVA modifiée, le Conseil fédéral édictera les dispositions d'exécution nécessaires par voie d'ordonnance.

3.3

Explication et interprétation du texte de l'initiative

Conformément au texte de l'initiative, les prestations de la restauration doivent être soumises au même taux que les livraisons de denrées alimentaires. Cependant, l'initiative ne dit pas de quelle manière il faut procéder pour la mise en oeuvre. En cas d'acceptation de l'initiative, trois possibilités s'offrent au législateur pour répondre aux exigences de l'initiative: 1.

Soumettre les prestations de la restauration au taux réduit: Le fait d'imposer au taux réduit les denrées alimentaires remises dans le cadre de prestations de la restauration entraînerait, du point de vue du droit de la TVA, l'égalité avec les prestations «à l'emporter». Cette solution correspondrait donc à la teneur de l'initiative et répondrait à ses exigences. Le présent message expose de manière détaillée les conséquences ainsi que les avantages et les inconvénients de cette solution.

2.

Soumettre toutes les prestations «à l'emporter» au taux normal: Cette solution ne correspond certes pas au texte de l'initiative, étant donné que celui-ci demande expressément que les prestations de la restauration soient imposées au même taux que la livraison de denrées alimentaires.

Cependant, elle permettrait de répondre aux exigences des auteurs de l'initiative. Dans ce cas, contrairement au droit en vigueur (cf. ch. 2), il ne serait plus nécessaire de se baser sur l'existence ou non d'aménagements particuliers pour la consommation sur place dans les établissements «à l'emporter».

Toutefois, dans la pratique, il serait presque impossible d'établir une délimitation entre les ventes «à l'emporter» sous cette forme et les ventes «ordinaires» de denrées alimentaires, principalement en raison du fait que dans les deux cas les clients emportent avec eux les denrées alimentaires. Par exemple, si quelqu'un achète un petit pain dans une boulangerie, pour la délimitation, il faudrait se baser sur le moment de la consommation. Si le 7703

client le mange tout de suite, c'est-à-dire dans le magasin ou à proximité de celui-ci, il s'agirait d'une prestation «à l'emporter» imposable au taux normal. En revanche, s'il souhaite le manger un peu plus tard, il s'agirait d'une livraison de denrées alimentaires imposable au taux réduit. Ce critère de délimitation serait inapplicable étant donné que l'assujetti (la boulangerie) ne dispose d'aucune information concernant le moment de la consommation.

Il serait également envisageable d'introduire une délimitation selon que les denrées alimentaires sont chaudes ou non au moment de la vente. En effet, dans la grande majorité des cas, la consommation de denrées alimentaires chaudes intervient immédiatement après la vente. Il serait ainsi possible d'établir une délimitation avec les ventes ordinaires de denrées alimentaires.

Cependant, les mets froids «à l'emporter», tels que les salades, les sandwiches et les «birchermüesli», seraient arbitrairement favorisés du point de vue fiscal. En outre, des problèmes surgiraient lorsque des mets chauds et des mets froids sont remis dans un même récipient (par ex. lorsque des rouleaux de printemps accompagnent une salade).

Le critère des denrées alimentaires prêtes à la consommation ne serait pas non plus adapté étant donné que de nombreuses denrées alimentaires, telles que les petits pains, mais également les fruits, le chocolat, les chips ou l'eau minérale, sont prêtes à être consommées.

Pour les grands distributeurs, il serait imaginable de se baser sur le dispositif de vente (par ex. comptoir avec service au lieu du libre-service), mais pour une boulangerie sans espace de libre-service, toutes les ventes seraient considérées comme des prestations «à l'emporter». Ce critère serait arbitraire parce que toutes les ventes au comptoir n'impliquent pas automatiquement la consommation immédiate.

Un examen plus approfondi démontre donc que l'application du taux normal à toutes les prestations «à l'emporter» n'est pas facilement transposable dans la pratique. C'est la raison pour laquelle il a été décidé de ne pas donner suite à cette solution dans le présent message.

3.

Soumettre toutes les livraisons de denrées alimentaires (y c. les prestations «à l'emporter») au taux normal: Le problème de délimitation pourrait être résolu très simplement en appliquant le taux normal à toutes les livraisons de denrées alimentaires. Au niveau politique, cependant, une telle proposition serait difficile à soutenir même si elle était liée à une baisse correspondante du taux normal.

Par ailleurs, dans ce cas, la question du taux à appliquer à la remise de boissons alcooliques et de tabac dans le cadre de prestations de la restauration se poserait. Le texte de l'initiative indique notamment que ces prestations ne doivent pas être soumises au même taux que la livraison de denrées alimentaires. Sur ce point, l'imposition au taux normal de toutes les livraisons de denrées alimentaires ne serait pas compatible avec les dispositions constitutionnelles énoncées dans l'initiative, à moins que les boissons alcooliques et le tabac ne soient soumis au taux réduit, ce qui n'est pas envisageable, notamment pour des raisons de santé publique. C'est la raison pour laquelle cette solution ne sera pas non plus approfondie dans le présent message.

7704

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Appréciation des exigences de l'initiative

Le Conseil fédéral peut comprendre que les auteurs de l'initiative voient une discrimination du secteur de la restauration dans la différence de traitement fiscal entre les prestations de la restauration et les prestations «à l'emporter». Au premier abord, il est effectivement difficile de comprendre pour quelle raison un sandwich servi au restaurant est soumis au taux normal alors qu'un sandwich de la boulangerie est soumis au taux réduit. Toutefois, si on ne considère pas le sandwich de manière isolée, mais qu'on prend en compte tout le contexte de la restauration, la différence devient perceptible. Lorsqu'un client va acheter un sandwich dans une boulangerie, il y a lieu d'admettre qu'il ne souhaite pas obtenir d'autres prestations. En revanche, s'il va dans un restaurant, il ne veut en principe pas uniquement acheter des denrées alimentaires, mais aussi être servi ou, du moins, avoir la possibilité de s'asseoir et de déposer son assiette, le cas échéant d'utiliser les toilettes et de lire un journal, etc.

C'est donc un critère de délimitation clair pour établir une distinction entre l'achat de denrées alimentaires, qui constituent un bien vital et sont de ce fait soumises au taux réduit, et une prestation qui comprend plus que le simple achat de denrées alimentaires. L'inégalité de traitement qui en découle entre le secteur de la restauration et les établissements «à l'emporter» est particulièrement frappante lors du repas de midi. En effet, le soir, elle est nettement moins perceptible étant donné qu'à ce moment de la journée, dans la plupart des cas, le facteur temps et le prix ne jouent pas un rôle primordial. Dans les restaurants, les éléments liés à la prestation de services sont en général plus importants que le simple fait d'acheter de la nourriture.

Il est donc possible de justifier le fait que les prestations de la restauration sont soumises au taux normal de 8 %.

Par contre, le Conseil fédéral ne comprend pas pour quelle raison les auteurs de l'initiative ne se bornent pas à revendiquer l'égalité de traitement pour les prestations de la restauration et les prestations «à l'emporter», mais exigent l'égalité avec toutes les livraisons de denrées alimentaires. L'achat d'un paquet de spaghettis, d'un kilo de haricots ou d'une pizza congelée n'est en aucune manière en concurrence avec
les prestations de la restauration. Malgré cela, afin d'éviter une discrimination, l'initiative demande que toutes ces prestations soient soumises au même taux. Ce faisant, elle va largement au-delà de son propos.

4.2

Conséquences de l'initiative en cas d'acceptation

Les explications présentées sous ce chiffre se réfèrent à la mise en oeuvre de l'initiative sans compensation de la diminution des recettes. Les conséquences résultant d'une mise en oeuvre sans incidence sur le budget sont présentées au ch. 5.

4.2.1

Conséquences pour le secteur de la restauration

Outre les auberges, les bars et autres établissements similaires, il existe également beaucoup d'hôtels ayant un restaurant. Dans les statistiques, il est par conséquent difficile de séparer de manière fiable le secteur de la restauration de celui de l'hôtellerie. Les explications ci-après, qui s'appuient sur le recensement des entre7705

prises de l'Office fédéral de la statistique (OFS) et les statistiques relatives à la TVA de l'Administration fédérale des contributions (AFC), se réfèrent donc toujours au secteur de la restauration et de l'hôtellerie comme formant un tout.

La restauration et l'hôtellerie constituent un secteur important de l'économie suisse, même s'il existe une différence considérable entre les cantons touristiques et les autres cantons. Alors que, sur la base des données du recensement des entreprises de l'OFS, il y a un établissement pour 118 habitants dans les Grisons et un établissement pour 133 habitants en Valais, la proportion passe à 444 à Bâle-Campagne et à 397 en Argovie (cf. annexe 2). La proportion d'emplois dans la restauration et l'hôtellerie est en conséquence également différente. Dans les Grisons, 15,7 % des emplois concernent ce secteur, 12,0 % à Appenzell Rhodes-Intérieures et 11,3 % en Valais, alors qu'à Bâle-Campagne, en revanche, les emplois dans ce secteur constituent seulement 2,9 % ou 3,3 % à Zoug et 3,5 % en Argovie (cf. annexe 3).

Le tableau 1 montre que le nombre d'entreprises assujetties actives dans la restauration et l'hôtellerie est resté dans l'ensemble assez stable depuis 2005 malgré la forte croissance démographique. On peut cependant mentionner une forte augmentation du nombre de bars et de traiteurs: Tableau 1 Nombre d'exploitations assujetties dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie 2001

2005

2008

2009

2010

Hôtels, auberges et pensions avec restaurant

4 196

4 078

3 956

3 946

3 925

Hôtels, auberges et pensions sans restaurant

399

393

392

387

388

Autres établissements d'hébergement (campings, auberges de jeunesse, etc.)

558

582

618

631

712

18 212

19 292

19 138

18 996

18 924

Restaurants, snack-bars, tea-rooms et glaciers Cantines Bars

193

196

184

195

210

1 275

1 497

1 565

1 658

1 707

Discothèques, dancings, night-clubs

369

404

379

402

396

Traiteurs

405

557

607

642

737

25 607

26 999

26 839

26 857

26 999

Total

Source: AFC, La taxe sur la valeur ajoutée 2001, 2005, 2008, 2009 et 2010 (provisoire)

Depuis 2005, les chiffres d'affaires imposables ne présentent pas non plus d'augmentation importante (cf. tableau 2).

7706

Tableau 2 Chiffres d'affaires imposables réalisés par les exploitations de restauration et d'hôtellerie (en millions de francs) 2001

2005

2008

2009

2010

Hôtels, auberges et pensions avec restaurant

7 071

7 150

8 870

8 480

8 780

Hôtels, auberges et pensions sans restaurant

333

300

352

348

367

Autres établissements d'hébergement (campings, auberges de jeunesse, etc.)

363

376

414

423

455

Restaurants, snack-bars, tea-rooms et glaciers

11 897

11 841

13 101

13 151

13 261

Cantines

529

1 290

1 446

1 462

1 513

Bars

432

488

570

601

619

Discothèques, dancings, night-clubs

301

323

342

344

338

Traiteurs

336

403

528

538

580

21 262

22 171

25 623

25 347

25 914

Total

Source: AFC, La taxe sur la valeur ajoutée 2001, 2005, 2008, 2009 et 2010 (provisoire)

L'initiative engendrerait un allègement direct de la charge fiscale pour quelques 27 000 assujettis, étant donné que la remise de denrées alimentaires dans le cadre de prestations de la restauration serait soumise au taux réduit. Si les assujettis répercutaient l'intégralité de la baisse du taux sur les clients, leur marge resterait inchangée et on pourrait s'attendre à une légère hausse de la demande et, de ce fait, également du chiffre d'affaires sans TVA. En revanche, s'ils ne répercutaient pas la baisse du taux sur les clients, leur marge augmenterait, mais il n'y aurait aucun effet positif sur la demande pour ce genre de prestations.

Par ailleurs, l'initiative entraînerait une augmentation de la charge administrative pour le secteur de la restauration. Il est vrai que pour les exploitations qui fournissent aussi bien des prestations de la restauration que des prestations «à l'emporter», la charge administrative diminuerait, étant donné que ces prestations seraient désormais soumises au même taux. Par contre, suite à l'adoption de l'initiative, presque toutes les exploitations de la restauration devraient commencer à séparer les chiffres d'affaires provenant de la remise de boissons alcooliques et de tabac des autres chiffres d'affaires de la restauration, ce qui engendrerait des charges supplémentaires. A cela s'ajouteraient encore les frais uniques liés au changement de taux. En fin de compte, les charges supplémentaires seraient par conséquent supérieures.

4.2.2

Conséquences pour les autres assujettis

Pour les assujettis d'autres secteurs d'activité, la baisse du taux appliqué aux prestations de la restauration aurait des conséquences dans la mesure où ils fréquentent des établissements de la restauration. Dans ce cas, il faut tenir compte de deux éléments: tout d'abord, il s'agit de savoir si les établissements de la restauration répercutent sur les clients la baisse du taux de 8 % à 2,5 % intégralement ou partiellement, ou s'ils ne la répercutent pas du tout, et ensuite, dans quelle mesure les clients ont droit à la déduction de l'impôt préalable (cf. tableau 3).

7707

Tableau 3 Répercussions de la baisse du taux de 8 % à 2,5 % sur la charge nette des clients Exploitation de la restauration

Le client peut procéder à la déduction intégrale de l'impôt préalable Le client peut procéder à la déduction de 30 % de l'impôt préalable Le client ne peut pas procéder à la déduction de l'impôt préalable

répercute entièrement la baisse du taux sur les clients

répercute 50 % de la baisse du taux sur les clients

ne répercute pas la baisse du taux sur les clients

0,00 %

2,68 %

5,37 %

-3,65 %

-1,06 %

1,52 %

-5,09 %

-2,55 %

0,00 %

Si le restaurant ne répercutait pas la baisse du taux sur les clients, le prix TVA incluse resterait identique mais il ne contiendrait plus que 2,5 % de TVA, au lieu des 8 % actuellement. Le client qui peut déduire la totalité de la TVA pourrait déduire moins d'impôt préalable, et pour lui, la prestation augmenterait de 5,37 %. En revanche, si l'établissement répercutait entièrement la baisse du taux sur les clients, le prix sans TVA et la charge nette des assujettis qui peuvent procéder à la déduction intégrale de l'impôt préalable resteraient identiques.

Les calculs ci-après se fondent cependant toujours sur une répercussion intégrale des baisses de taux d'imposition sur les acquéreurs. Les expériences faites en la matière démontrent toutefois que ce n'est pas la règle (cf. ch. 4.2.7).

4.2.3

Conséquences pour la Confédération

L'initiative engendrerait une diminution des recettes annuelles de TVA de 700 à 750 millions de francs. Sur cette somme, environ 75 millions de francs seraient à la charge du fonds AVS et environ 40 millions de francs à la charge du fonds AI.

Mais l'initiative aurait également un impact sur les services assujettis de la Confédération qui fournissent des prestations de la restauration. Comme tous les autres assujettis, ces services devraient procéder aux modifications des taux.

L'initiative aurait aussi des répercussions sur la Confédération en tant que consommatrice de prestations de la restauration. Toutefois, la Confédération acquiert une quantité relativement petite de prestations de ce genre, elle ne tirerait donc que peu de profit de cette baisse du taux.

Enfin, l'initiative n'aurait pas d'influence sur les besoins en personnel de l'AFC. Il y aurait bien une diminution minime de la charge étant donné que le taux d'erreurs dans ce secteur d'activité et, de ce fait également les contrôles nécessaires à l'AFC, seraient réduits suite à l'introduction d'un traitement fiscal identique pour les prestations «à l'emporter» et la remise de denrées alimentaires dans le cadre de prestations

7708

de la restauration. Cependant, cette diminution de la charge serait compensée par le fait que de nouveaux contrôles seraient nécessaires car bon nombre d'établissements de la restauration devraient appliquer deux taux, alors que jusqu'ici ils décomptaient avec un seul taux.

4.2.4

Conséquences pour les cantons et les communes

Tout d'abord, l'initiative aurait des répercussions sur les cantons et les communes dans la mesure où il s'agit de services assujettis qui fournissent des prestations de services dans le domaine de la restauration. Comme tous les autres assujettis, les services des cantons et des communes devraient procéder aux modifications des taux.

Ensuite, l'initiative aurait également des répercussions sur les cantons et les communes en tant qu'acquéreurs de prestations de la restauration. Toutefois, ils acquièrent une quantité relativement petite de prestations de ce genre, ils ne tireraient donc que peu de profit de cette baisse du taux.

4.2.5

Conséquences pour les ménages

Comme le montre le tableau 3 au ch. 4.2.2, en cas de répercussion intégrale de la baisse du taux sur des clients n'ayant pas le droit de procéder à la déduction de l'impôt préalable, les prix des prestations diminueraient de 5,09 %. Il en résulterait par conséquent un allégement financier pour les consommateurs et une augmentation correspondante de leur pouvoir d'achat.

Une partie des recettes de TVA réalisées par la Confédération avec les prestations de la restauration proviennent des prestations fournies à des personnes domiciliées à l'étranger. Il s'agit principalement de touristes et de frontaliers. Ces ménages étrangers profiteraient donc également d'une partie de la réduction fiscale touchant les prestations de la restauration. Cette partie représenterait environ 60 millions de francs par année.

Les quelque 3,45 millions de ménages suisses bénéficieraient donc d'un allégement de la charge d'environ 640 à 690 millions de francs par année. Par conséquent, la charge de TVA d'un ménage moyen serait réduite de 195 francs par année. En fonction du type de ménage, on rencontrerait toutefois des écarts conséquents par rapport à cette valeur moyenne.

En se fondant sur les économies réalisées en francs, il s'avère que les ménages à hauts revenus profiteraient nettement plus de la baisse du taux que les ménages à faibles revenus. Cet état de fait serait valable pour tous les types de ménages (cf.

tableau 4). Les calculs correspondants se fondent sur un regroupement des enquêtes de l'Office fédéral de la statistique sur le budget des ménages (EBM) de 2006 à 2009. L'OFS ne peut pas livrer de données fiables pour les couples dont le revenu est inférieur à 4700 francs par mois.

7709

Tableau 4 Allégement de la charge annuelle supportée par les ménages en fonction de la classe de revenus et du type de ménage (en francs) Classes de revenus (francs par mois) Tous les ménages

0­ 4 699

4 700 ­ 6 799

6 800 ­ 9 099

9 100 ­ 12 499

12 500 et plus

-79,07

-131,89

-173,28

-110,92

-140,69

-189,63

Couples (sans enfant)

-150,11

-180,37

-243,23

-380,28

Couples (avec un enfant)

-110,61

-166,59

-222,14

-319,40

-89,99

-152,84

-226,48

-354,92

-130,40

-174,79

Personnes seules (sans les rentiers)

Couples (avec deux enfants) Rentiers

-61,37

-229,32

-351,38

-280,84

-258,80

Rentiers et personnes seules: en raison du nombre restreint d'observations pour les classes de revenus "9 100 - 12 499" et "12 500 et plus", ces classes ont été regroupées.

En pour-cent du revenu brut, toutefois, les différences sont minimes. Les personnes seules ayant un faible revenu profiteraient le plus de cette baisse de taux, alors que les couples de condition économique modeste avec deux enfants en bénéficieraient le moins (cf. tableau 5).

Tableau 5 Allégement de la charge annuelle supportée par les ménages en fonction de la classe de revenus et du type de ménage (en % du revenu brut) Classes de revenus (francs par mois)

0­ 4 699

4 700 ­ 6 799

6 800 ­ 9 099

9 100 ­ 12 499

12 500 et plus

Tous les ménages

-0,20 %

-0,19 %

-0,18 %

Personnes seules (sans les rentiers)

-0,28 %

-0,20 %

-0,20 %

Couples (sans enfant)

-0,21 %

-0,19 %

-0,19 %

-0,18 %

Couples (avec un enfant)

-0,16 %

-0,17 %

-0,17 %

-0,15 %

Couples (avec deux enfants)

-0,13 %

-0,16 %

-0,18 %

-0,17 %

-0,19 %

-0,19 %

Rentiers

-0,16 %

-0,18 %

-0,17 %

-0,18 %

-0,16 %

Rentiers et personnes seules: en raison du nombre restreint d'observations pour les classes de revenus "9 100 - 12 499" et "12 500 et plus", ces classes ont été regroupées.

4.2.6

Conséquences pour l'économie

L'allégement de la charge des ménages suisses permettrait d'augmenter en conséquence leur pouvoir d'achat. Il y a lieu de penser qu'une grande partie de cet allégement serait utilisée pour acquérir des prestations de la restauration supplémentaires ou d'autres prestations. Cela entraînerait donc une hausse de la demande et donnerait de ce fait une légère impulsion à la croissance.

7710

Ces effets seraient considérablement amoindris si la baisse du taux n'était pas répercutée sur les clients, ou si elle ne l'était que partiellement. Par contre, dans ce cas, les marges des établissements de la restauration s'amélioreraient, ce qui permettrait aux restaurateurs d'augmenter leurs investissements.

4.2.7

Expériences faites avec les baisses de taux

Au cours des dernières années, certains pays de l'Union européenne ont procédé à des baisses de taux pour diverses prestations.

En France, le gouvernement a décidé d'attribuer le taux réduit de 5,5 % aux prestations de la restauration (excepté les boissons alcooliques); jusqu'au 1er juillet 2009, ces prestations étaient soumises au taux normal de 19,6 %. Toutefois, le 1er janvier 2012, le taux réduit a été relevé à 7 %. La baisse allait de pair avec un contrat conclu entre le gouvernement, d'une part, et neuf organisations professionnelles du secteur de la restauration, d'autre part. Le contrat prévoyait: ­

que les établissements de la restauration baissent le prix (TVA incluse) de sept mets ou boissons représentatifs d'au moins 11,8 %, ce qui correspond à une baisse d'environ 2,5 % du prix à la consommation dans le secteur de la restauration;

­

que les établissements de la restauration créent en deux ans 20 000 emplois dans le secteur de la restauration;

­

enfin, que les salaires des employés de la branche soient revalorisés et que deux jours de vacances supplémentaires leur soient accordés.

Dans le courant de 2010, le Ministère français de l'artisanat, du commerce et du tourisme a confirmé que le bilan était positif.8 En Allemagne, les prestations d'hébergement (sauf le déjeuner), qui, jusqu'au 1er janvier 2010, étaient soumises au taux normal de 19 %, sont soumises, depuis cette date, au taux réduit de 7 %. Selon une étude menée pour le Land de BasseSaxe, cette baisse du taux a eu les conséquences suivantes9: ­

suite à la baisse de la TVA, un tiers des hôtels a baissé les prix d'en moyenne 6 %, aussi bien pour les voyageurs à titre privé que pour les voyageurs à titre professionnel;

­

la baisse du taux n'a pas eu d'influence sur le taux d'occupation des hôtels;

­

la situation économique de presque tous les établissements hôteliers s'est considérablement améliorée en raison des marges plus grandes;

­

les observateurs ont constaté une nette augmentation des investissements.

Au final, les coûts nets pour une nuitée à l'hôtel, c'est-à-dire après déduction de la TVA, ont sensiblement augmenté pour les clients assujettis ayant droit à la déduction de l'impôt préalable (cf. par analogie tableau 3).

8 9

www.pme.gouv.fr/restauration/baisse-tva.php www.ahgz.de/news/studie-niedersachsens-hotellerie-investiert-mioeuro,200012182305.html

7711

Dans une évaluation effectuée en 2007, le Contrôle fédéral des finances (CDF) s'est penché sur les taux de TVA réduits en tant qu'allégements fiscaux10: ­

Au ch. 5.5.2 de l'évaluation, le CDF démontre que l'hôtellerie suisse n'a manifestement répercuté que partiellement la réduction du taux d'imposition pour les prestations d'hébergement entrée en vigueur le 1er octobre 1996 sur les clients.

­

Au ch. 5.5.4, le CDF fait référence à un rapport de 2006 du « National Audit Office of the Republic of Lithuania », dans lequel les auteurs observent qu'en Lituanie l'octroi d'un taux réduit pour certaines denrées alimentaires, prestations d'hébergement et d'autres biens et prestations de services n'a eu aucun effet direct sur les prix, bien que l'allégement fiscal en question se soit monté à 13 %. En effet, certains prix avaient bien été réduits, mais ils avaient retrouvé leur niveau initial après quelques mois.

­

Au ch. 5.5.5, l'évaluation montre qu'au Luxembourg, par exemple, 40 % des coiffeurs et même 80 % des cordonniers n'ont pas répercuté l'allégement fiscal sur les prix. Dans les secteurs où une partie de la réduction de la TVA a été immédiatement répercutée, on a ensuite constaté une tendance à l'augmentation des prix bien supérieure au taux d'inflation.

4.3

Avantages et inconvénients de l'initiative

Du point de vue de la TVA, l'initiative entraînerait une égalité de traitement pour les prestations touchant à l'alimentation, qu'il s'agisse de l'achat de produits alimentaires dans un supermarché, de l'achat d'un sandwich dans une boulangerie ou de la consommation d'un repas gastronomique au restaurant. Cependant, la réalisation de cette égalité de traitement par une imposition des prestations en question au taux réduit ne se justifie pas étant donné que, d'une part, ces prestations ne sont pas ­ ou seulement dans une moindre mesure ­ en concurrence les unes avec les autres, vu qu'elles sont de nature différente, et que, d'autre part, le taux réduit doit en premier lieu permettre d'avantager fiscalement les achats de produits alimentaires vitaux.

L'initiative permettrait de réduire la charge de TVA frappant les prestations de la restauration. Si la baisse du taux était répercutée sur les clients, les prix baisseraient, ce qui engendrerait un allégement pour les ménages lors de l'acquisition de prestations de la restauration et une augmentation de la demande en prestations de ce genre. A l'inverse, si la baisse du taux n'était pas répercutée sur les clients, la marge des établissements de restauration augmenterait et on pourrait s'attendre à une augmentation des investissements dans ce secteur. Dans ce cas toutefois, la charge nette des clients ayant droit à la déduction de l'impôt préalable augmenterait, raison pour laquelle la demande en prestations de la restauration diminuerait probablement pour ces personnes.

10

Contrôle fédéral des finances CDF, Taux TVA réduits en tant qu'allégement fiscal, Evaluation du taux réduit sur les produits alimentaires et les domaines apparentés, octobre 2007 ; www.efk.admin.ch > Evaluations

7712

Pour les établissements qui fournissent aussi bien des prestations de la restauration que des prestations «à l'emporter», l'initiative entraînerait un allégement administratif étant donné que désormais ces prestations seraient soumises au même taux. En revanche, elle engendrerait également une charge supplémentaire pour tous les établissements qui devraient désormais séparer les chiffres d'affaires provenant de la remise de boissons alcooliques et de tabac des autres chiffres d'affaires de la restauration. A cela s'ajouteraient encore les frais uniques liés au changement de taux. En fin de compte, l'initiative se solderait donc par des charges supplémentaires pour le secteur de la restauration.

L'initiative entraînerait une réduction des recettes annuelles de TVA de l'ordre de 700 à 750 millions de francs. Le budget fédéral ne peut guère supporter une diminution des recettes aussi importante. Au niveau budgétaire, la mise en oeuvre de l'initiative ne serait par conséquent pas envisageable sans mesures compensatoires (cf. ch. 5).

5

Mise en oeuvre de l'initiative sans incidence sur le budget

La TVA constitue la principale source de recettes de la Confédération; la part de revenus qu'elle représente ne doit pas être réduite faute de quoi le rapport entre impôts directs et indirects évoluerait au détriment des impôts indirects. Les révisions de la LTVA ayant d'importantes répercussions financières doivent par conséquent être compensées au sein même du système de la TVA. Seul un relèvement d'un ou de plusieurs taux de TVA permettrait de compenser la diminution des recettes de 700 à 750 millions de francs par année (cf. ch. 4.2.3) qu'engendrerait l'imposition des prestations de la restauration au taux réduit de 2,5 %: 1.

Pour le Conseil fédéral, le relèvement légal du taux réduit de 2,5 % à 3,8 % figurerait au premier plan. De cette façon, tous les biens imposés actuellement à 2,5 %, c'est-à-dire les denrées alimentaires, les médicaments, les livres, les journaux, les revues, les aliments pour animaux, les engrais, mais aussi les redevances de concession radio et télévision, seraient frappés plus fortement afin de permettre aux prestations de la restauration de bénéficier du taux réduit. Dans ce cas, le taux spécial pour les prestations d'hébergement, qui se monte actuellement à 3,8 %, devrait être légèrement relevé, à 3,9 % au moins, étant donné que, conformément à l'art. 130, al. 2, Cst., il doit se situer entre le taux réduit et le taux normal. Les conséquences de cette solution sont présentées au ch. 5.1.

2.

Avec une révision de la Constitution, il serait également possible de garder le taux réduit à son niveau actuel de 2,5 % et d'augmenter le taux normal de 0,3 point de pourcentage pour qu'il atteigne 8,3 %. Dans ce cas, le taux spécial pour les prestations d'hébergement pourrait être maintenu à 3,8 %. Les répercussions de cette solution figurent au ch. 5.2.

3.

Enfin, encore une fois avec une révision de la Constitution, il serait également envisageable de relever le taux normal de 0,2 point de pourcentage à 8,2 % et le taux réduit de 0,4 point de pourcentage à 2,9 %. Dans ce cas également, le taux spécial pour les prestations d'hébergement ne subirait aucune modification. L'impact de cette solution est expliqué au ch. 5.3.

7713

5.1

Conséquences de la 1re solution de compensation: relèvement du taux réduit et du taux spécial pour les prestations d'hébergement

Un relèvement du taux réduit de 2,5 % à 3,8 % et du taux spécial pour les prestations d'hébergement de 3,8 % à 3,9 % aurait des répercussions d'une part sur les fournisseurs de ce genre de prestations, et, d'autre part, sur les acquéreurs.

Il s'agit de la solution de compensation la plus aisée. D'un côté, elle permettrait de ramener quasiment la différence absolue entre le taux normal et le taux réduit à son niveau initial. En effet, suite aux relèvements proportionnels des taux en faveur de l'AVS et de l'AI, cette différence a considérablement augmenté depuis l'introduction de la TVA. De l'autre côté, cette solution ne nécessiterait aucune modification de la Constitution étant donné que la valeur du taux réduit fixée à l'art. 130, al. 1, Cst., correspond à la limite inférieure et que le législateur peut donc la relever.

Conformément à l'art. 130, al. 2, Cst., le législateur doit fixer le taux spécial pour les prestations d'hébergement entre le taux normal et le taux réduit. Par conséquent, si le taux réduit atteint 3,8 %, le taux spécial devrait être légèrement relevé, de 3,8 % à 3,9 %, faute de quoi une adaptation de la Constitution serait indispensable.

5.1.1

Conséquences pour les assujettis

Avec un relèvement du taux réduit et du taux spécial pour les prestations d'hébergement, les prestations fournies par toutes les entreprises actives dans ces branches renchériraient. Dans la mesure où ces entreprises peuvent répercuter cette augmentation de l'impôt sur les acquéreurs, comme prévu dans le système de la TVA, il faudrait en outre savoir si cette augmentation risquerait d'engendrer un recul de la demande visant ce genre de biens et de prestations de services. Si elles ne peuvent pas ou que partiellement répercuter l'augmentation de l'impôt sur les acquéreurs, leur marge serait réduite.

Cela dit, l'augmentation de la charge affecterait également les entreprises en tant qu'acheteuses de biens et de prestations de services. Pour déterminer jusqu'à quel point elles seraient touchées, deux éléments entrent en ligne de compte: il faut tout d'abord savoir si ­ et dans quelle mesure ­ les entreprises fournisseuses répercuteraient le relèvement des taux sur les clients et, ensuite, si les clients ont droit à la déduction de l'impôt préalable. Le tableau 6 illustre ces effets en se fondant sur le relèvement du taux réduit de 2,5 % à 3,8 %.

7714

Tableau 6 Répercussions du relèvement du taux réduit de 2,5 % à 3,8 % sur la charge nette supportée par les clients Exploitation fournisseuse de prestations

Le client peut procéder à la déduction intégrale de l'impôt préalable Le client peut procéder à la déduction de 30 % de l'impôt préalable Le client ne peut pas procéder à la déduction de l'impôt préalable

répercute entièrement le relèvement du taux sur les clients

répercute 50 % du relèvement du taux sur les clients

ne répercute pas le relèvement du taux sur les clients

0,00 %

-0,63 %

-1,25 %

0,89 %

0,26 %

-0,37 %

1,27 %

0,63 %

0,00 %

Si l'établissement ne répercute pas le relèvement du taux sur les clients, le prix TVA incluse resterait le même, mais il contiendrait désormais 3,8 % de TVA au lieu de 2,5 % jusqu'ici. Les clients qui ont droit à la déduction intégrale de l'impôt préalable pourraient déduire un montant plus élevé et le prix des prestations baisserait de 1,25 %. Par contre, en cas de répercussion de l'intégralité du relèvement des taux sur les clients, le prix sans TVA resterait le même et par conséquent également la charge nette des assujettis ayant droit à la déduction intégrale de l'impôt préalable.

Le relèvement du taux réduit neutraliserait d'environ un quart la baisse du taux dans le secteur de la restauration, et annulerait ainsi partiellement les effets visés par les auteurs de l'initiative. En revanche, concernant les achats, la situation ne serait pas péjorée étant donné que les entreprises ont droit à la déduction intégrale de l'impôt préalable.

Pour les calculs ci-après, nous sommes toujours partis du principe que les relèvements et les baisses de taux étaient intégralement répercutés sur les acquéreurs.

5.1.2

Conséquences pour la Confédération

La 1re solution de compensation permettrait de neutraliser les diminutions annuelles de recettes de TVA estimées dans une fourchette de 700 à 750 millions de francs.

Cependant, les recettes provenant de cette compensation seraient intégralement portées au crédit de la caisse générale de la Confédération. Afin d'éviter de pénaliser les fonds AVS et AI, il conviendrait d'adapter la Constitution ou de garantir la compensation dans le cadre du processus budgétaire ordinaire.

La Confédération acquiert une quantité réduite de prestations de la restauration, l'allégement de ses dépenses résultant de l'initiative serait par conséquent minime.

A l'inverse, elle subirait une augmentation de la charge de TVA due aux mesures de compensation. Toutefois, cette charge supplémentaire correspondrait à peu de choses près à la diminution de la charge grevant les acquisitions de prestations de la restauration.

7715

5.1.3

Conséquences pour les cantons et les communes

Les cantons et les communes n'acquièrent que peu de prestations de la restauration.

L'allégement de la charge résultant de l'initiative ne les toucherait donc pratiquement pas. D'un autre côté, la charge de TVA supportée par les cantons et les communes augmenterait en raison des mesures de compensation. Toutefois, l'augmentation de la charge correspondrait à peu près à la diminution de la charge grevant les acquisitions de prestations de la restauration.

5.1.4

Conséquences pour les ménages

Pour les ménages, le relèvement du taux réduit de 2,5 % à 3,8 % et du taux spécial pour les prestations d'hébergement de 3,8 % à 3,9 % provoquerait une augmentation de la charge de TVA.

En général, l'application de taux réduits repose sur des considérations de politique sociale et de répartition. En 1941, le Conseil fédéral justifiait de la manière suivant l'exonération de l'impôt sur le chiffre d'affaires pour certains produits alimentaires de base: «En décrétant la franchise d'impôt au profit du chiffre d'affaires portant sur quelques espèces de marchandises qui jouent un rôle particulièrement important dans le ménage des milieux peu aisés de la population (céréales, farine de céréales et semoule, pommes de terre, pain, lait frais, gaz et électricité) on a cherché à obtenir une certaine dégression dans les répercussions de l'impôt.»11 Cependant, comme le montre l'illustration 1, les dépenses proportionnelles des ménages consacrées à l'alimentation n'ont cessé de diminuer depuis l'introduction, en 1941, de l'impôt sur le chiffre d'affaires au point de ne constituer plus qu'une part négligeable pour la majorité des ménages.

11

Cinquième rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur les mesures prises par lui en vertu de ses pouvoirs extraordinaires, 4 novembre 1941, FF 1941 I 888.

7716

Illustration 1 Evolution des dépenses des ménages consacrées aux denrées alimentaires 40%

en % des dépenses des ménages

35% 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0% 1940

1947

1957

1968

1977

1988

1998

2007

Source: Graphique de l'AFC basé sur les chiffres de l'OFS

Comparativement, le taux réduit appliqué à la livraison de denrées alimentaires n'influence que dans une faible mesure la situation financière des ménages. En outre, au lieu de diminuer principalement la charge des ménages tributaires d'un allégement, il diminue la charge de tous les ménages. Les calculs de l'AFC, qui se basent sur un regroupement des enquêtes de l'OFS sur le budget des ménages (EBM) de 2006 à 2009, indiquent qu'actuellement, pour chaque franc d'allégement de la charge fiscale grevant les classes de revenus les plus faibles à l'achat de denrées alimentaires, la charge fiscale des classes de revenus les plus élevées baisse de 2 francs (cf. illustration 2).

7717

Illustration 2 Charge de TVA supportée par les ménages pour l'achat de denrées alimentaires (en francs par mois) 70

en francs par mois

60 50 40 30 20 10 Tous les ménages

04 699

4 700 6 799

6 800 9 099

9 100 12 499

12 500 et plus

Classes de revenus Taux réduit de 2,5 %

Taux normal de 8 %

Globalement, la diminution de la charge supportée par les ménages suite à l'imposition au taux réduit des prestations de la restauration serait compensée par le relèvement du taux réduit et du taux spécial pour les prestations d'hébergement. Toutefois, cette affirmation n'est pas valable pour tous les types de ménages. En effet, plus la part des dépenses soumises au taux réduit ou au taux spécial est grande et celle des dépenses consacrées à des prestations de la restauration petite, plus les ménages concernés sont désavantagés (cf. tableau 7). L'OFS ne peut pas livrer de données fiables pour les couples dont le revenu est inférieur à 4 700 francs par mois.

Tableau 7 Répercussions annuelles de l'initiative sur les ménages (en fonction de la classe de revenus et du type de ménage) en cas d'application de la 1re solution de compensation Classes de revenus (francs par mois)

0­ 4 699

4 700 ­ 6 799

6 800 ­ 9 099

Tous les ménages

42,36

25,84

19,09

Personnes seules (sans les rentiers)

-6,41

9 100 ­ 12 499

12 500 et plus

2,09

-56,66

-108,03

-22,17

-52,82

Couples (sans enfant)

36,08

18,35

-28,54

Couples (avec un enfant)

58,44

42,11

19,02

-16,96

Couples (avec deux enfants)

92,72

68,79

40,96

-16,30

49,21

42,74

Rentiers

60,71

Rentiers et personnes seules: en raison du nombre restreint d'observations pour les classes de revenus "9 100 - 12 499" et "12 500 et plus", ces classes ont été regroupées.

7718

9,24

-109,22

Les ménages ayant des revenus modestes, en particulier les ménages ayant des enfants, dépensent peu pour les prestations de la restauration. En revanche, la part de leurs dépenses consacrée à des prestations soumises au taux réduit est conséquente.

Pour ces ménages, en fin de compte, l'initiative engendrerait une charge supplémentaire sensible par rapport à la situation actuelle.

Par contre, les ménages aisés et plus particulièrement les personnes seules (excepté les rentiers) et les couples sans enfant ont des dépenses supérieures à la moyenne pour l'acquisition de prestations de la restauration et des dépenses inférieures à la moyenne pour l'acquisition de prestations imposables au taux réduit. La charge fiscale qu'ils supporteraient serait par conséquent moins importante qu'actuellement.

5.2

Conséquences de la 2e solution de compensation: relèvement du taux normal

La neutralité budgétaire pourrait également être atteinte par le relèvement du taux normal de 0,3 point de pourcentage à 8,3 %. Dans ce cas, les deux autres taux resteraient inchangés. Toutefois, avec cette solution, la différence absolue entre le taux normal et le taux réduit, qui est déjà très importante, augmenterait encore. Le relèvement du taux normal nécessiterait par ailleurs une adaptation de la Constitution étant donné que le taux plafond y est inscrit.

5.2.1

Conséquences pour les assujettis

Seraient touchés par cette mesure en premier lieu les assujettis qui fournissent des prestations imposables au taux normal. Dès lors qu'ils peuvent répercuter cette augmentation de l'impôt sur les acquéreurs, comme prévu dans le système de la TVA, la question se pose pour eux de savoir si cette augmentation pourrait engendrer une baisse de la demande visant ce genre de biens et de prestations de services.

L'augmentation de la charge touche cependant les entreprises également en tant qu'acheteuses de biens et de prestations de services. Concernant le mécanisme mis en place dans ce cas, veuillez vous référer aux explications présentées au ch. 5.1.1.

Dans le domaine de la restauration, la remise de boissons alcooliques et de tabac renchérirait sous l'effet de cette mesure de compensation étant donné que ces biens sont imposés au taux normal.

5.2.2

Conséquences pour la Confédération

La 2e solution de compensation permettrait de neutraliser les diminutions annuelles de recettes de TVA estimées dans une fourchette de 700 à 750 millions de francs.

Cependant, les recettes provenant de cette compensation seraient intégralement portées au crédit de la caisse générale de la Confédération. Afin d'éviter de pénaliser les fonds AVS et AI, la compensation devrait être garantie dans le cadre du processus budgétaire ordinaire, ou il y aurait lieu de modifier la Constitution en conséquence.

7719

Par ailleurs, toutes les prestations acquises par la Confédération et soumises au taux normal renchériraient. L'augmentation annuelle de la charge qui en découlerait pour les comptes de la Confédération dépasserait d'environ 15 millions de francs la diminution de la charge grevant les acquisitions de prestations de la restauration.

5.2.3

Conséquences pour les cantons et les communes

Pratiquement toutes les prestations acquises par les cantons et les communes sont soumises au taux normal. Le relèvement du taux normal entraînerait par conséquent également une augmentation de la charge financière des cantons et des communes.

Cette augmentation de la charge dépasserait d'environ 70 millions de francs la diminution de la charge grevant les acquisitions de prestations de la restauration. Un peu plus de la moitié de cette somme serait supportée par les cantons, et le reste, par les communes.

5.2.4

Conséquences pour les ménages

Globalement, la diminution de la charge des ménages résultant de l'imposition des prestations de la restauration au taux réduit serait compensée par le relèvement du taux normal. Toutefois, cette affirmation n'est pas valable pour tous les types de ménages. Les ménages consacrant une part infime de leurs dépenses aux prestations de la restauration et une part élevée à celles qui demeurent soumises au taux normal seraient les plus défavorisés.

5.3

Conséquences de la 3e solution de compensation: relèvement du taux normal et du taux réduit

Enfin, la neutralité budgétaire pourrait également être atteinte par un relèvement du taux normal de 0,2 point de pourcentage à 8,2 % et du taux réduit de 0,4 % à 2,9 %.

Dans ce cas, le taux spécial pour les prestations d'hébergement resterait inchangé.

Toutefois, comme le taux plafond est inscrit dans la Constitution, le relèvement du taux normal nécessiterait une modification de la Constitution.

5.3.1

Conséquences pour les assujettis

Tous les assujettis qui fournissent des prestations imposables au taux normal ou au taux réduit seraient touchés par ce relèvement des taux. Dans la mesure où ils peuvent répercuter cette augmentation de l'impôt sur les acquéreurs, comme prévu par le système de la TVA, la question se pose pour eux de savoir si cette augmentation risquerait d'engendrer une baisse de la demande visant ce genre de biens et de prestations de services.

Cependant, l'augmentation de la charge toucherait également les entreprises en tant qu'acheteuses de biens et de prestations de services. Concernant le mécanisme mis en place dans ce cas, veuillez vous référer aux explications présentées au ch. 5.1.1.

7720

Le relèvement du taux réduit neutraliserait pour une petite partie la baisse du taux appliqué au secteur de la restauration et annulerait ainsi partiellement les effets visés par les auteurs de l'initiative. De plus, la remise de boissons alcooliques et de tabac deviendrait légèrement plus chère.

5.3.2

Conséquences pour la Confédération

La 3e solution de compensation permettrait de neutraliser les diminutions annuelles de recettes de TVA estimées dans une fourchette de 700 à 750 millions de francs.

Cependant, les recettes provenant de cette compensation seraient intégralement portées au crédit de la caisse générale de la Confédération. Afin d'éviter de pénaliser les fonds AVS et AI, la compensation devrait être garantie dans le cadre du processus budgétaire ordinaire, ou il y aurait lieu de modifier la Constitution en conséquence.

A l'exception des prestations d'hébergement, toutes les acquisitions de biens et de prestations de services renchériraient. L'augmentation annuelle de la charge qui en découlerait pour les comptes de la Confédération dépasserait d'environ 10 millions de francs la diminution de la charge grevant les acquisitions de prestations de la restauration.

5.3.3

Conséquences pour les cantons et les communes

Mises à part les prestations d'hébergement, la 3e solution de compensation engendrerait le renchérissement de tous les biens et les prestations de services acquis par les cantons et les communes. L'augmentation de la charge qui en découlerait pour les cantons et les communes dépasserait d'environ 50 millions de francs la diminution de la charge grevant les acquisitions de prestations de la restauration. Un peu plus de la moitié de cette somme serait supportée par les cantons, et le reste, par les communes.

5.3.4

Conséquences pour les ménages

Globalement, la diminution de la charge des ménages résultant de l'imposition des prestations de la restauration au taux réduit serait compensée par le relèvement du taux normal de 0,2 point de pourcentage et du taux réduit de 0,4 point de pourcentage. Toutefois, cette affirmation n'est pas valable pour tous les types de ménages. En effet, plus la part des dépenses consacrée aux prestations de la restauration est faible, plus les ménages seraient défavorisés.

5.4

Aperçu des conséquences des trois solutions

Aux ch. 5.1 à 5.3, le Conseil fédéral a étudié les conséquences de trois solutions visant à compenser les diminutions de recettes fiscales. Dans l'ensemble, on peut affirmer que la 1re solution est la plus appropriée (cf. illustration 3).

7721

Illustration 3 Evaluation des solutions 1re solution

2e solution

3e solution

Neutralité budgétaire

+++

+++

+++

Frais de transposition supportés par toutes les branches

­

­­

­­­

Frais administratifs courants pour le secteur de la restauration

­

­

­

Répercussions sur les ménages à faibles revenus

­

­

­

Répercussions sur les ménages à revenus élevés

+

+

+

Répercussions économiques

0

0

0

Répercussions sur les cantons et les communes

0

­

­

Modification de la Constitution

++

­­

­­

Résultat

+

­

­

Légende: +++ conséquences très positives, ­ ­ ­ conséquences très négatives

6

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Etant donné que la Suisse n'est pas membre de l'UE et qu'elle n'a pas adopté la directive 2006/112/CE12, cette dernière n'a aucune validité en Suisse. La Suisse peut donc continuer de définir son droit en matière de TVA de manière autonome. Les accords bilatéraux entre la Suisse et l'UE portent sur la TVA uniquement dans le cadre de l'entraide judiciaire et de l'assistance administrative. Ces dispositions ne sont pas concernées par l'initiative.

En outre, il faut mentionner le Traité du 28 octobre 1994 entre la Confédération suisse et la Principauté de Liechtenstein relatif à la taxe sur la valeur ajoutée dans la Principauté de Liechtenstein13. En vertu de ce traité, le Liechtenstein, qui constitue d'ailleurs un seul territoire douanier avec celui de la Suisse, reprend le droit suisse régissant la TVA. Le but de ce traité est d'assurer une harmonisation des règles en matière de TVA, ainsi qu'une interprétation et une application uniformes de celles-ci dans les deux pays. Dans la mesure où il n'est pas dénoncé par l'une des deux parties, ce traité reste applicable. Conformément à ce traité, la Principauté de Liechtenstein devra donc adapter son droit en matière de TVA à la LTVA révisée.

12 13

Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, JO L 347 du 11.12.2006, p. 1 RS 0.641.295.142

7722

Enfin, il existe un traité conclu le 23 novembre 1964 entre la Confédération suisse et la République fédérale d'Allemagne sur l'inclusion de la commune de Büsingen am Hochrhein dans le territoire douanier suisse14. Selon ce traité, le droit suisse régissant la TVA s'applique également à la commune allemande de Büsingen, ce qui signifie que la Suisse prélève aussi la TVA sur les importations et les prestations fournies sur le territoire de la commune de Büsingen. En contrepartie, la Suisse participe aux charges spécifiques de la commune de Büsingen et de sa population en prélevant sur une part du produit de la TVA. Ce traité demeure valable dans la mesure où il n'est pas révoqué par l'une des parties.

7

Conclusions

Selon le Conseil fédéral, il n'est objectivement pas justifié de soumettre la plupart des prestations de la restauration au taux réduit, qui vise à baisser les prix des biens vitaux. Il est vrai que pour le repas de midi il existe une inégalité de traitement fiscal entre les prestations «à l'emporter» et les prestations de la restauration. Cependant, le soir, cette inégalité est moins perceptible étant donné que, dans la majorité des cas, les clients qui vont au restaurant le soir ne recherchent pas avant tout une restauration rapide et avantageuse.

Les clients qui vont au restaurant souhaitent se faire servir et apprécient de ne pas devoir cuisiner. En général, la composante liée à la fourniture d'une prestation de services est plus importante que la simple acquisition de denrées alimentaires, raison pour laquelle il est également légitime d'imposer l'intégralité des prestations de la restauration au taux normal de 8 %.

Une mise en oeuvre de l'initiative populaire sans mesures compensatoires entraînerait des diminutions annuelles de recettes de 700 à 750 millions de francs. Sur cette somme, environ 115 millions de francs seraient à la charge des fonds AVS et AI. De telles diminutions des recettes ne sont guère supportables et, pour des raisons de politique financière, seule une mise en oeuvre de l'initiative sans incidence sur le budget peut être tolérée. Selon le Conseil fédéral, cette compensation devrait être atteinte par le relèvement du taux réduit de 2,5 % à 3,8 % et, simultanément du taux spécial pour les prestations d'hébergement de 3,8 % à 3,9 % (1re solution). De cette façon, la différence absolue entre le taux normal et le taux réduit, qui a considérablement augmenté depuis l'introduction de la TVA, serait presque ramenée à son niveau initial. En outre, cette solution ne nécessiterait pas de modification de la Constitution et n'aurait pas de répercussion négative pour les cantons et les communes. Toutefois, ces recettes provenant de la compensation seraient intégralement portées au crédit de la caisse générale de la Confédération. Afin d'éviter de pénaliser les fonds AVS et AI, il conviendrait de modifier la Constitution ou de garantir la compensation dans le cadre du processus budgétaire ordinaire.

L'initiative populaire, dont les effets seraient compensés par le relèvement du taux
réduit (1re solution), entraînerait une augmentation de la charge de TVA pour presque tous les ménages de conditions économiques modestes. Les personnes seules (excepté les rentiers) constitueraient la seule catégorie pour laquelle, indépendamment de la classe de revenus, l'initiative apporterait un allégement. L'initiative réduirait également la charge de TVA des ménages aisés. En fin de compte, cette 14

RS 0.631.112.136

7723

solution engendrerait des effets sociaux non désirés, même s'ils sont modestes. Ce raisonnement vaut aussi par analogie pour les solutions 2 et 3.

Tout compte fait, il ne faut pas s'attendre à ce que l'initiative populaire avec compensation ait des répercussions sensibles pour l'économie, qu'elles soient positives ou négatives. La restauration en tirerait par contre des avantages aux dépens des branches qui devraient faire face à une augmentation du taux.

Pour toutes les raisons évoquées, l'initiative populaire «Stop à la TVA discriminatoire pour la restauration» doit être rejetée.

7724

Annexe 1

Imposition de diverses prestations au sein de l'UE Livraisons de denrées alimentaires

BE

21; 12; 6

Denrées alimentaires consommées dans les restaurants 12

Livraisons à l'emporter

Alcool

6

21

BG

20

20

20

20 20

CZ

14

20

14

DK

25

25

25

25

DE

19; 7

19

7

19

EE

20

20

20

20

EL

13

23

13

23

ES

8; 4

8

8

18 19,6

FR

19,6; 7; 5,5

7

7

IE

23; 13,5; 4,8; 0 *

9

13,5

23

IT

10; 4

10

10

21

CY

17; 5

8

8; 5

17

LV

21; 12

21

21

21

LT

21

21

21

21

LU

3

3

3

15

HU

27; 18

27

27; 18

27

MT

5; 0 *

18

18

18

NL

6

6

6

19

AT

10

10

10

20

PL

23; 8; 5

8

8

23

PT

23; 13; 6

23

13

23

RO

24

24

24

24

SI

8,5

20; 8,5

20; 8,5

20

SK

20; 10

20

20

20

FI

13

13

13

23

SE

25; 12

12

12

25

UK

20; 0 *

20

20; 0 *

20

Chiffres: taux d'imposition en % 0*: exonération (avec droit à la déduction de l'impôt préalable) T aux réduit pour les prestations de la restauration

Source: ­ Commission européenne, Fiscalité et union douanière, 1er juillet 2012, Taux de TVA appliqués dans les Etats membres de l'Union européenne (http://ec.europa.eu/ taxation_customs/resources/documents/taxation/vat/how_vat_works/rates/vat_rates_fr.pdf)

7725

Annexe 2

Nombre d'établissements de restauration et d'hôtellerie en 2008 Etablissements

Habitants

Habitants par établissement

Zurich

3 832

1 347 351

352

Berne

3 297

974 591

296

Lucerne

976

366 425

375

Uri

210

34 648

165

Schwytz

623

142 033

228

Obwald

169

34 137

202

Nidwald

134

39 913

298

Glaris

197

38 165

194

Zoug

327

110 390

338

Fribourg

844

268 830

319

Soleure

804

250 590

312

Bâle-Ville

672

190 531

284

Bâle-Campagne

606

269 249

444

Schaffhouse

265

75 045

283

Appenzell Rh.-Ext.

259

52 517

203

Appenzell Rh.-Int.

102

15 147

149

Saint-Gall

1 812

470 268

260

Grisons

1 640

193 035

118

Argovie

1 479

587 471

397

866

240 656

278

Thurgovie Tessin

2 027

331 600

164

Vaud

2 397

690 870

288

Valais

2 265

301 045

133

Neuchâtel Genève Jura Total pour la Suisse

590

171 095

290

1 941

446 957

230

290

68 497

236

28 624

7 711 056

269

Sources: Office fédéral de la statistique, Recensement des entreprises en 2008 Office fédéral de la statistique, La population résidante moyenne en Suisse en 2008

7726

Annexe 3

Emplois dans la restauration et l'hôtellerie en 2008 (en équivalents plein-temps) Secteur de la restauration et de l'hôtellerie

Toutes les branches

Porportion du secteur de la restauration et de l'hôtellerie

Zurich

33 418

670 186

5,0 %

Berne

23 434

418 704

5,6 %

Lucerne

8 146

150 525

5,4 %

Uri

1 126

12 426

9,1 %

Schwytz

3 376

50 512

6,7 %

Obwald

1 440

14 058

10,2 %

Nidwald

1 042

15 100

6,9 %

Glaris

775

15 394

5,0 %

Zoug

2 264

69 050

3,3 %

Fribourg

4 448

89 926

4,9 %

Soleure

4 088

98 620

4,1 %

Bâle-Ville

6 300

134 359

4,7 %

Bâle-Campagne

3 101

105 659

2,9 %

Schaffhouse

1 270

32 223

3,9 %

923

17 599

5,2 %

618

5 143

12,0 %

8 558

204 919

4,2 %

Appenzell Rh.-Ext.

Appenzell Rh.-Int.

Saint-Gall Grisons

12 857

81 958

15,7 %

Argovie

8 150

231 058

3,5 %

Thurgovie

3 359

89 976

3,7 %

Tessin

12 130

157 029

7,7 %

Vaud

15 324

276 783

5,5 %

Valais

12 499

110 856

11,3 %

2 694

75 395

3,6 %

14 465

240 678

6,0 %

1 109

28 779

3,9 %

186 912

3 396 915

5,5 %

Neuchâtel Genève Jura Total Suisse

Source: Office fédéral de la statistique, Recensement des entreprises en 2008

7727

7728